État des travaux de restauration du château de Saint-Germain-en-Laye
Construction et travaux
« Château et parterre de Saint-Germain
Etat actuel des travaux, 19 janvier 1874
Il y avait dans la Grèce antique, à Athènes, une certaine quantité de différentes sectes de philosophes ; l’une d’elles tenait ses conférences sous les arcades et dans les allées d’un vaste jardin. Ses membres s’y promenaient continuellement, marchant par groupes et côte à côte, discutant les graves questions du jour ; on les avait, à cause de cette façon ambulatoire, surnommés des Péripatéticiens.
Nous avons aussi à Saint-Germain quelques bons bourgeois, marcheurs déterminés, qui, dès qu’un rayon de soleil vient à paraître, se réunissent, non pas vraiment pour parler philosophie ou science, mais bien afin d’occuper leurs loisirs en causant de politique ou des travaux qui s’exécutent sous leurs yeux et dont, naturellement, ils ne peuvent pas saisir complètement les intentions et l’application des plans qui leurs sont inconnus.
C’est donc pour eux, mais aussi pour le public en général, qu’à plusieurs reprises déjà nous avons donné à nos lecteurs certaines explications au fur et à mesure que nous les recevons nous-même, mais alors de sources authentiques.
Par le beau temps de la matinée de dimanche, nous avons entendu beaucoup de choses plus ou moins erronées sortir de la bouche des promeneurs autour du château et sur le parterre, et nous croyons encore une fois devoir donner quelques différents détails qui, nous le pensons, bâtiront un véritable intérêt d’actualité et nous commençons pas :
Le château
Depuis l’an passé, l’on constatait dans la chapelle de saint Louis de nouveaux déchirements qui étaient aussitôt signalés à l’administration des Bâtiments civils, ou plutôt à monsieur le ministre des Travaux publics. La curieuse chapelle a eu à subir – nos lecteurs le savent – pendant le XVIIe siècle de maladroites restaurations et aussi la surcharge d’un grand étage pour raccorder les terrasses, couronnent tout le château. L’on ne peut s’expliquer comment la construction du XIIIe siècle, avec ses piles si fines et élégantes, ses minces parois percées d’énormes croisées à meneaux, lui donnant l’aspect d’une lanterne, suivant l’expression employée pendant le Moyen Âge, a pu supporter si longtemps les bâtisses dont nous venons de parler.
Le pavillon de la fin du XVIIe siècle venait lui-même appuyer ses grosses et lourdes murailles sur la claire-voie de l’abside et menacer de destruction le monument historique dans lequel, si nous en croyons l’abbé Lebeuf, aurait été passé l’acte faisant donation à saint Louis des reliques qui ont motivé la construction de la Sainte-Chapelle de Paris. L’administration des Beaux-Arts s’est émue de la situation du monument historique, et a promis son concours pour aider à la restauration de la chapelle. D’ailleurs, en suivant l’ordre adopté dans les travaux, le moment est arrivé de s’occuper du pavillon avec tourelle de la façade sud, près l’abside de la chapelle, et de la restitution de la chapelle elle-même. Aussi voyons-nous depuis quelques jours prendre toutes les dispositions habituelles, sur ce point du château, et qui se répètent pour chaque angle depuis 1862, époque de l’ouverture de ce chantier. Si nous sommes bien renseignés, on espère cette année refaire les parties basses du pavillon et aussi commencer la restauration de trois ou quatre travées de la chapelle de saint Louis, sur la face vers la rue du Château-Neuf.
Parterre
Vers le nord du château, s’exécutent des ouvrages d’une autre nature pour rendre au parterre français à peu près les dispositions tracées par Le Nôtre, le savant architecte-jardinier de Louis XIV. On sait que c’est vers 1676 que fut tracé ce jardin qui comprenait une large avenue bordée de plates-bandes ornées de buis formant des arabesques, se détachant sur des fonds de sables de diverses couleurs. L’avenue, qui était dans l’axe du château, la prolongeait, pour la perspective, jusqu’au couvent des Loges, par une ouverture taillée et plantée à la même époque, dans la forêt de Saint-Germain-en-Laye. Les plates-bandes étaient encadrées dans des allées de tilleuls se terminant par un grand hémicycle de marronniers, et trois bassins avaient été disposés, symétriquement par rapport aux avenues, pour donner de la fraîcheur à l’ensemble des plantations.
Nos lecteurs ont vu assurément tous ces arrangements dans les belles estampes de Pérelle ou de Rigaud, et aussi dans un plan portant la date de 1702 qu’on doit au graveur Van Loo, qui nous renseigne aussi sur la situation du joli jardin de plantes rares et précieuses qu’on nommait le « jardin de la Dauphine ». Les crédits alloués ne permettent pas de rendre au parterre tous les détails, mais « avec une grande précision » l’on aura retracé toutes les lignes, tous les contours, fait toutes les plantations, et dans l’avenir l’œuvre de restauration pourra facilement être complétée.
Léon de Villette »
19 janvier 1874
1 document sur support papier
http://archives.musee-archeologienationale.fr/43le1
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