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Description archivistique
Moulin, Henri Jacobites
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Récit par Henri Moulin de la visite de la reine Victoria au château de Saint-Germain-en-Laye

« [p. 34] La reine [Victoria] fit encore une autre visite aux environs de Paris ; mais une visite pieuse, et une sorte de pèlerinage à Saint-Germain-en-Laye. Saint-Germain vit aujourd'hui de souvenirs ; mais il se rappelle toujours avoir été le séjour des rois. François Ier y bâtit un château qui existe encore ; Henri IV en bâtit un autre, dont il ne reste plus qu'un pavillon et des murs de soutènement ; Louis XIII y mourut, Louis XIV y naquit ; et l’on sait qu’il fut sur le point d’y construire Versailles. Mlle de la Vallière s’y retira, Jacques II y vécut et y mourut en anachorète.
C'était le tombeau et l’appartement de cet infortuné Stuart que la reine venait visiter. Mais elle fit d'abord une pointe dans cette forêt giboyeuse, peuplée de daims, de cerfs, de chevreuils, de lièvres et de faisans ; elle fit une halte dans un ancien pavillon de François Ier, [p. 35] aujourd’hui restauré et connu sous le nom de relais de chasse de la Muette ; puis elle revint par cette admirable terrasse de Le Nôtre, d’où l’œil embrasse la plus magnifique perspective des environs de Paris. Il y avait pour la reine deux souvenirs anglais à Saint-Germain : l’un était le tombeau du roi Jacques [Le tombeau contient les inscriptions suivantes tout-à-fait dans le goût de l’époque :
« Regio cineri pietas regia.
Ferale quisquis hoc monumentum suspicis,
Rerum humanarum vices meditare :
Magnus in prosperis, in adveris major,
Jacobus II anglorum rex,
Insignes aerum dolendaque nimium fata,
Pio, placidoque obitu exsolvit,
In hac urbe,
Die XVI septembris, anno 1701,
Et nobiliores quaedam corporis ejus partes.
Hic reconditae asservantur.
Qui priùs augustâ gestabat fronte coronam,
Exiguä nunc pulvereus requiescit in urnä.
Quid solium, quid et alta juvant ! Terit omnia lethum.
Verùm laus fidei ac morum haud peritura manebit !
Tu quoque, summe Deus, regem quem regius hospes
Infaustum excepit, tecum regnare jubelis. »], élevé dans une chapelle latérale de l’église, et l’autre était l’appartement du roi exilé.
Il y a dans le vieux château, d’un aspect triste et sévère, une chapelle ogivale qui date de François 1er, que Louis XIV avait fait dorer et orner de peintures [p. 36] des plus grands maîtres : c'est certes ce qui reste de plus curieux dans ce lugubre donjon. L'appartement de Jacques Il n'offre rien d'intéressant : sa chambre est une véritable cellule et son oratoire un oratoire d'ermite.
En haut, est une chambre que l'on indique comme ayant été momentanément habitée par Mlle de la Vallière, cette petite violette qui se cachait sous l'herbe ; non plus, il est vrai, par la maîtresse du grand roi ; mais bien par la future sœur Louise de la Miséricorde, cherchant un asyle qui fût un intermédiaire entre le palais des rois et le cloître des Carmélites dans lequel elle devait s'enfermer pour toujours. La reine d'Angleterre voulut visiter ce petit appartement comme celui de Jacques II ; mais là se borna sa visite ; elle n’entra point dans l'église, et ne visita pas le tombeau du roi, lequel du reste était en réparation.
De Saint-Germain, la reine retourna à Versailles. »

Moulin, Henri