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Louis XIV Château-Vieux
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Acte de baptême dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye de Louis-François de France, duc d’Anjou

« Le mardy 1er jour de novembre 1672, furent supplées les ceremonies du saint sacrement de baptesme à Louys François, troisiesme fils de France, duc d’Anjou, fils de tres haut et puissant monarque Louys de Bourbon, roy de France et de Navarre, et de tres devote et religieuse reyne Marie Therese d’Austriche, son espouse, le parrein tres hault et puissant prince Louys de Bourbon, prince de Conty, la marreine madame la mareschalle de La Motte, gouvernante des Enfants de France, lesd. ceremonies supplées par Son Eminence monseigneur le cardinal de Bouillon, gran aumosnier de France, M. le curé present et revestu de son estolle par dessus le surplis, les saintes huilles par luy presentées pour lesd. ceremonies faictes en la chapelle du chasteau vieil de Saint Germain en Laye. »

Acte de baptême de Louis Anne Contugy dit l’Orvietan dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye, le roi étant son parrain

« Le 10e jour de juillet 1662, furent supplées les ceremonies du saint sacrement de baptesme à Louys Anne dans la chapelle du vieil chasteau de Saint Germain en Laye, led. enfant natif de la ville de Paris, parroisse de [vide], né du 3e jour d’aoust 1661 et ondoyé led. jour par la sage femme qui le receut vivant au monde selon qu’elle l’a affirmé et tesmoigné, fils de Christophle Contougy l’Orvietan, operateur du Roy, et de Roberte Richarde, sa femme, le parrein led. seigneur Roy par messire François de Bovillers, comte de Saint Agnan, premier gentilhomme de la chambre de Sa Majesté, chevallier de ses ordres et son gouverneur et lieutenant general en la province de Touraine, et la marreine tres haute, puissante et religieuse princesse Anne Morice d’Austriche, reyne mere dud. seigneur Roy, par madame Louyse Angelicque Danse, dame d’honneur de lad. dame Reyne. »

Acte de baptême de Louis Gouffier de Crévecœur dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye, le roi étant son parrain

« Le mercredy 9e jour de mars 1667, furent supplées les ceremonies du saint sacrement de baptesme dans la chapelle du chasteau vieil de Saint Germain en Laye par M. l’abbé Le Camus, aumosnier du Roy, avec la permission de M. le curé, y assistant, l’estolle au col, à Louys, né du 18e avril 1654, natif de la ville de Paris, baptisé et ondoyé sans les autres ceremonies ordinaires par M. le curé dud. lieu de Crevecoeur (selon qu’il nous est apparu par son certificat en date du 3e mars 1667), fils de messire Nicolas Alexandre Gouffier, marquis de Crevecoeur, et de madame Isabelle de La Roderie, son espouose, le parrein tres puissant monarque Louys 14e, fils ainsé de l’Eglise, roy tres chrestien de France et de Navarre, la marreine madame d’Armagnac. »

Acte de baptême de Louis Jobert dans la chapelle du Château-Vieux, le roi étant son parrain

« Le 10e jour d’octobre 1648, furent supplées les ceremonies du saint sacrement du baptesme à Louys, né du 29e de septembre dernier passé, fils de Jean Jobert et d’Ilenerde Bertrand, sa femme, le parrein tres chrestien et tres puissant monarque Louys XIIIIe du nom, surnommé l’auguste, roy de France et de Navarre, par noble homme Estienne Jeanot, conseiller du Roy en ses conseils d’Estat et tresorier general de la maison de la Reyne mere regente, commis pour cet effet par Sa Majesté, la marreine tres vertueuse et religieuse princesse Anne Morice d’Austriche, susd. reyne mere regente, tenante lieu et place pour Sa Majesté damoiselle Anne de Beauvais, fille du sieur de Beauvais, conseiller d’Estat et maistre des requestes au conseil du Roy. »

Acte de baptême de Louis Milet dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye, le roi étant son parrain

« Le 5e jour de novembre 1666, furent suplées les ceremonies du saint sacrement de baptesme en la chapelle du chasteau vieil de Saint Germain en Laye par maistre Nicolas Cagnyé, prestre, bachelier en theologie curé dud. lieu, à Louys, natif de la parroisse de Vernouillet, né du mardy 20e de juillet dernier passé et ondoyé par le sieur vicaire de lad. parroisse de Vernouillet le deuxiesme jour d’aoust aussi dernier passé comme il appert par son certificat en datte du mesme jour, signé au bas Godron et paraphé, avec la permission de monsieur l’evesque de Chartres en datte du premier jour dud. mois d’aoust, fils d’honorable homme Claude Milet, cocher du corps du Roy et de Barbe Mesnil, sa femme, le parrein tres grand, puissant et invincible monarque Louys Dieudonné, fils aisné de l’Eglise, 14e du nom, roy de France et de Navarre, present en personne, qui a donné et nommé de son nom de Louys led. baptisé, la marreine haute et puissante dame madame Louyse de Prie, veufve de haut et puissant seigneur messire Philippes de La Motte Houdancourt, vivant duc de Cardonne, pair et mareschal de France, gouvernante de monseigneur le Dauphin et des autres Enfants de France. »

Acte de baptême de Louis Portail dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye, le roi étant son parrain

« Le 14e jour de novembre 1666, furent suplées les ceremonies du saint sacrement de baptesme dans la chapelle du chasteau vieil de Saint Germain en Laye par maistre Nicolas Cagnyé, prestre, bachelier en theologie curé dud. lieu, à Louys, natif de la ville de Paris, né du mardy 13e jour d’avril dernier passé à midy et ondoyé, fils de messire Paul Portail, comte de Lusignan, seigneur des chastelnies de Chatou et de Montesson, conseiller en la cour de parlement, et de dame Charlotte de Barbesieres Chemerreau, sa femme, fille d’honneur de tres haute, tres excellente princesse et tres puissante Anne, par la grace de Dieu reyne mere du Roy, le parrein present en personne tres haut, tres excellent, tres puissant et tres magnanime prince Louys, par la mesme grace de Dieu roy de France et de Navarre, la marreine tres haute et tres puissante princesse madame Henriette Anne, duchesse d’Orleans, espouse de tres haut et tres puissant prince monseigneur Philippes, fils de France, frere unicque du Roy, duc d’Orleans. »

Acte de baptême de Louis XIV dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye

« Le mardy vingt et uniesme jour d’avril mil six cents quarente trois, furent supplées les ceremonies du saint sacrement du baptesme dans la chapelle du chasteau viel de Saint Germain en Laye par tres illustre et reverend prelat messire Dominique Seguier, evesque de Meaux, conseiller du Roy en ses conseils et son premier aumosnier, es presences de grande grande quantité de prelats revestus de leurs habits de prelature, princes et seigneurs de la cour, et d’officiers de Sa Majesté, à tres hault et tres illustre prince Louys de Bourbon, nay du cinquiesme jour de septembre mil six cents trente huict, Daulphin de France, fils aisné de tres puissant et victorieux prince Louys de Bourbon, treiziesme du nom, roy de France et de Navarre, absent à cause de sa grande maladie, et de tres illustre et tres vertueuse princesse Anne Morice d’Austriche, sa femme, reyne, assistante et presente ausdictes ceremonies, le parrein eminentissime personnage messire Jules Mazarini, cardinal de la sainte Eglise romaine, conseiller du Roy en ses conseils, et la marreine tres haulte et tres puissante dame madame Charlotte Margueritte de Monmorency, femme de tres hault et tres puisasnt prince Henry de Bourbon, premier prince du sang, laquelle a donné le nom de Louys. »

Acte de baptême de Louis de Beauvais dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye, le roi étant son parrain

« Ce jourd’huy septieme may mil six cens quatre vingts, ont esté supplées les ceremonies du bapteme en la chapelle du chasteau vieil par monseigneur Benigne Bossuet, ancien evesque de Condon, precepteur de monseigneur le Dauphin et premier aumonier de madame la Dauphine, Louis, né le dixieme avril dernier passé, environ l’heure de midy, et ondoyé par monsieur le curé de Saint Paul de Paris avec la permission de monseigneur l’archevesque en datte du onzieme dud. mois d’avril, fils de messire Louis de Beauvais, chevalier, baron et seigneur de Geantilly, et de dame Anne Berthelin, ses pere et mere, le parain tres hault, tres puissant, tres excellent prince Louis quatorzieme, par la grace de Dieu roy de France et de Navarre, la mareine tres haulte, tres puissante et tres excellente princesse Marie Thereze d’Austriche, reyne de France, lesquels ont signé en presence de moy curé soubsigné revestu de surpelis et estole.
Louis
Marie Terese
J. Benigne, a. e. de Condom
Cagnyé »

Acte de baptême de Louis de Bery dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye, le roi étant son parrain

« Ce jourd’huy trante uniesme octobre mil six cents soixante et quatorze, a esté baptisé par monseigneur Jacques Benigne Bossuet, ansien evesque de Condon, Louis, né le vingt neufviesme du present mois, fils de messire Philippes de Berry, chevalier, seigneur des Certeaux d’Oremeau, Drieu, Guer, Arnancour, Vil, Vilcour et autres lieux, et de dame Magdeleine Ansselin, ses pere et mere, le parrein tres haut et tres puissant invincible monarque Louis quatorzieme, roy de France et de Navarre, la mareine tres haute et tres puissante dame Anne de Forst, duchesse de Richelieu et de Fronssac, dame d’honneur de la Reyne, le tout en la chapelle du château vieux de ce lieu, en presence et du consentement de moy curé soubsigné revestu de surply et estolle, lesquels ont signé.
Louis
Anne de Fors, duchesse de Richelieu
J. Benigne, a. e. de Condon
Cagnyé »

Acte de baptême de Louis de Bourbon-Condé dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye, le roi étant son parrain

« Ce jourd’huy seizieme janvier mil six cens quatre vingts, ont esté supplées les ceremonies du baptesme en la chapelle du chasteau viel de ce lieu par Son Altesse eminentissime monseigneur Emmanuel de La Tour d’Auvergne, cardinal de Bouillon, grand aumonier de France, à Louis, filz de tres hault et puissant prince monseigneur Henry Jule de Bourbon, duc de Anguien, prince du sang, pair et grand maistre de France, gouverneur et lieutenant general pour le Roy en ses provinces de Bourgogne et Bresse, et tres haulte et puissante princesse madame Anne, palatine de Baviere, princesse du sang, duchesse d’Anguin, ses pere et mere, le parain tres hault, tres puissant et tres excellent prince Louis quatorzieme, par la grace de Dieu roy de France et de Navarre, la mareine tres haulte, tres puissante princesse madame Elizabeth Charlotte, epouse de tres hault et tres puissant prince monseigeur Philippe de France, frere unique de Sadicte Majesté, duc d’Orleans, lesquels ont signé en presence de moy curé soubsigné, revestu de surplis et estole.
Louis
Elisabeth Charlotte
Cagnyé »

Acte de baptême de Louis de Béthune dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye, le roi étant son parrain

« Le mercredy 20e avril 1672, furent supplées les ceremonies du saint sacrement de baptesme dans la chapelle du chasteau vieil de Saint Germain en Laye par monseigneur Pierre, cardinal de Bonzi, archevesque de Thoulouze et grand aumosnier de la Reyne, en presence de M. le curé de cedict lieu revestu de surplis et estolle, à Louys, né et ondoyé à Paris, fils de messire François, marquis de Bethune, mestre de camp d’un regiment de cavallerie entretenu pour le service de Sa Majesté et gouverneur des villes et chasteau de Romorantin, et de madame Anne Louyse de La Grange d’Arquian, sa femme, le parrein tres hault et puissant monarque Louys 14e, roy de France et de Navarre, la marreine Madame, femme de tres hault et puissant prince monsieur le duc d’Orleans, frere unicque du Roy. »

Acte de baptême de Louis de Crussol dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye, le roi étant son parrain

« Ce jourd’huy deuzieme avril mil six cens quatre vingts, ont esté suplées les ceremonies du baptesme en la chapelle du chasteau vieil par monseigneur Benigne Bossuet, ancien evesque de Condon, precepteur de tres hault et tres puissant prince monseigneur le Dauphin et premier aumonier de tres haulte et tres puissante princesse Marie Anne Chrestienne Victoire de Bavieres, dauphine de France, à Louis, ondoyé avec la permission de monseigneur l’archevesque de Paris par monsieur le curé de Saint Germain l’Auxeroix de Paris, ainsi qu’il nous a esté asseuré par madame la duchesse de Crussol, à l’hostel de Rambouillet à Paris le seize d’octobre de l’année mil six cens soixante et dix sept, jour de sa naissance, fils de hault et puissant seigneur messire Emmanuel de Crussol, duc d’Uzes, premier pair de France, prince de Soyon, gouverneur et lieutenant general des provinces d’Angoumois et de Saintonge, colonel d’un regiment d’infanterie pour le service de Sa Majesté, et de haute et puissante dame dame Marie Julie de Sainte Maure, duchesse de Crussol, ses pere et mere, le parain tres hault, tres puissant, tres excellent prince Louis quatorze, par la grace de Dieu roy de France et de Navarre, la mareine tres haulte, tres puissante princesse Marie Anne Chrestienne Victoire de Bavieres, dauphine de France, lesquels ont signé en presence de moy curé soubsigné revestu de surplis et estole.
Louis
M.A. Chrestienne
J. Benigne, a. e. de Condom
Cagnyé »

Acte de baptême de Louis de Mailly dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye, le roi étant son parrain

« Le 24e jour de may 1668, furent supplées les ceremonies du saint sacrement de baptesme dans la chapelle du chasteau vieil à noble adolescent Louys, aagé de 16 à 18 ans ou environ, fils de M. Louys de Mailly et de madame Anne de Mouchy, son espouse, le parrein tres grand et puissant monarque Louys de Bourbon, 14 du nom, roy de France et de Navarre, la marreine tres haute et tres illustre princesse Anne Marie Louyse d’Orleans, duchesse de Montpensier, souveraine de Dombe, et lesd. ceremonies suplées par M. l’abbé de Chavigny, present et y assistant en surplis avec l’estolle au col M. le curé de Saint Germain en Laye. »

Acte de baptême de Louis de Rohan-Soubise dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye, le roi étant son parrain

« Ce jourd’huy dix huittieme novembre mil six cents soixante et quatorze, ont esté suplées par monseigneur Jacques Benigne Bossuet, antien evesque de Condon et precepteur de monseigneur le Daulphin, en la chapelle du chasteau vieil de ce lieu, les ceremonies du baptesme à Louis, fils de François d’Obusson, duc de La Feuillade, colonel du regiment des gardes françois, et de dame Charlotte Goufier, ses pere et mere, le parein tres haut et tres invincible monarque Louys quatorzieme, roy de France et de Navarre, la mareine tres haulte et tres illustre princesse Marie Thereise d’Autriche, reyne de France, en presence et du consentement de moy curé soubsigné, revestu de mon surply et estolle.
Cagnyé »

Acte de baptême de Louis du Bouchet de Sourches dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye, le roi étant son parrain

« Ce jourd’huy vingt neufvieme janvier mil six cent soixante et dix huit, ont esté supplées les ceremonies du baptesme en la chapelle du chasteau viel de ce lieu par monseigneur de Quaslin, evesque d’Orleans et premier aumosnier de Sa Majesté, à Louis, aagé de douze ans ou environ et ondoié par un des prestres de Saint Sulpisse de Paris, fils de Louis François de Bouschet, marquis de Sourches, provost de l’hostel du Roy et grand provost de France, et de dame dame Marie Geneviefve de Chambez, ses pere et mere, le parrein tres haut et tres puissant prince Louis quatorzieme, roy de France et de Navarre, la marreine tres haute et tres puissante princesse Marie Thereise d’Autriche, reyne de France, lesquels ont signé, le tout en presence et du consentement de moy curé soubszsigné.
Marie Terese »

Acte de baptême de Louis d’Aubusson de La Feuillade dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye, le roi étant son parrain

« Ce jourd’huy dix huittieme novembre mil six cents soixante et quatorze, ont esté suplées par monseigneur Jacques Benigne Bossuet, antien evesque de Condon et precepteur de monseigneur le Daulphin, en la chapelle du chasteau vieil de ce lieu, les ceremonies du baptesme à Louis, fils de François d’Obusson, duc de La Feuillade, colonel du regiment des gardes françois, et de dame Charlotte Goufier, ses pere et mere, le parein tres haut et tres invincible monarque Louys quatorzieme, roy de France et de Navarre, la mareine tres haulte et tres illustre princesse Marie Thereise d’Autriche, reyne de France, en presence et du consentement de moy curé soubsigné, revestu de mon surply et estolle.
Cagnyé »

Acte de baptême de Louis d’Aumont de Rochebaron dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye, le roi étant son parrain

« Ce jourd’huy traiziesme avril mil six cens soixante et traize, ont esté supplées en la chapelle du chateau vieux de ce lieu, les ceremonies du baptesme à Louys, fils de haut et puissant seigneur Louys Marie Victor, premier gentilhomme de la Chambre et duc d’Aumont, et de dame Françoise Angelique de La Mote Audancour, ses pere et mere, le parrein tres haut et tres puissant monarque Louys quatorziesme, roy de France et de Navarre, la mareine haute et puissante dame Catherine Scaron, vefve de haut et puossant seigneur monseigneur le marechal duc d’Aumont, lesquelles ceremonies ont esté supplées par mons. l’abbé de Chavigny, aumosnier servant le Roy, le tout en presence et du consentement de moy curé soubsigné, lesquels ont signé avec le pere present le jour et an que dessus.
Louis
La marechalle duchese d’Omon
Le duc d’Aumont
La duchesse d’Aumont »

Acte de baptême de Louis d’Auneau du Vizé dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye, le roi étant son parrain

« Ce dix neufviesme decembre mil six cent soixante et dix neuf, ont esté supplées les ceremonies du baptesme en la chapelle du chasteau vieil de ce lieu par Son Altesse eminentissime monseigneur Emmanuel Theodoze de La Tour d’Auvergne, cardinal de Bouillon, grand aumonier de France, à Louis, né le quatrieme fevrier de l’année [vide] et ondoyé par monsieur le curé de Saint Germain l’Auxerrois de Paris avec la permission de monseigneur l’archevesque du quinzieme du mesme mois et de la mesme année, filz de messire Gaspard d’Oneau du Vizée, si devant lieutenant des gardes du Roy et presentement premier maistre d’hotel de la Reyne, et de dame dame Marie Madelaine du Vizée, ses pere et mere, le parain tres hault, tres excellent et tres puissant prince Louis quatorzieme, par la grace de Dieu roy tres chrestien de France et de Navarre, la mareine tres haulte, tres excellente, tres puissante princesse Marie Thereze d’Austriche, reyne de France, en presence de moy curé soubsigné revestu de surplis et estole, et ont signé.
Louis
Marie Terese
Cagnyé »

Acte de baptême de Louise Marie d’Angleterre dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye, Louis XIV étant son parrain

« Ce jourd’hui vingt troisieme d’aoust mil six cent quattre vingt douze, ont estez suppleez les ceremonies du baptesme dans la chapelle du chasteau vieil de Saint Germain en Laye à Louise Marie, princesse d’Angleterre, fille de tres haut et tres puissant et tres excellent prince Jacques second, par la grace de Dieu roy de la Grande Bretagne, et de tres hautte, tres puissante et tres excellente princesse Marie Eleonor d’Est, princesse de Modene, son espouze, née audit chasteau de Saint Germain en Laye le vingt huitieme juin de la presente année, aiant estée ondoyé en la chambre de laditte reine par un de ses aumoniers, et lesdittes ceremonies du baptesme lui ont estez suppleez par monseigneur l’eminentissime cardinal de Bouillon, grand aumonier de France, en presence de messire François Converset, prestre, docteur de Sorbonne, abbé de Nostre Dame de Sully, prieur et curé dudit Saint Germain, lequel a porté les saintes huilles revestu de surplis et d’estolle, le parrain tres haut, tres puissant et tres excellent prince Louis quatorze, par la grace de Dieu roy de France et de Navarre, la marainne tres haute et tres puissante princesse Elizabeth Charlotte, princesse palatine du Rhin, duchesse de Baviere, espouse de tres haut et tres puissant prince Philippes de France, frere unique du Roy, duc d’Orleans, de Valois, de Chartres et de Nemours, lesquels ont signé.
Louis, Jacques R., Maria R.
Elisabeth Charlotte
Le card. de Bouillon, l’abbé Converset »

Acte de baptême de Louise Picaud dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye, le roi étant son parrain

« Ce jourd’huy dix huitieme janvier mil six cens quatre vingts deux, ont esté supplées les ceremonies du baptesme en la chapelle du chasteau vieil par monseigneur Pierre du Cambou de Coelin, evesque d’Orleans, premier aumonier de tres hault, tres puissant et tres excellent prince Louis quatorze, par la grace de Dieu roy de France, à Louise, née le douzieme fevrier de l’année mil six cens quatre vingts un et ondoyé le treizieme dud. mois de fevrier avec la permission de monseigneur l’archevesque de Paris, fille de Pierre Picaud, sieur de la Verdenie, valet de garde robe du Roy, et de Françoise Lefebvre, ses pere et mere, le parain tres hault, tres puissant, tres excellent prince Louis quatorze, par la grace de Dieu roy de France, la mareine tres haulte et tres puissante princesse Charlotte Elisabeth, duchesse d’Orleans, lesquels ont signé en presence de moy curé soubsigné.
Louis
Elisabeth Charlotte
P. du Cambout de Coislin, e. d’Orleans
Cagnyé »

Acte de baptême de Louise-Marie-Thérèse de Melun d’Epinoy dans la chapelle du Château-Vieux, le roi étant son parrain

« Ce jourd’huy quatorzieme janvier mil six cent soixante et seize, ont esté supplées en la chapelle du chasteau viel de ce lieu par Son Altesse monseigneur le cardinal de Bouillon, grand aumosnier de France, les ceremonies du baptesme à Louise Marie Thereze, aagée de neuf à dix ans, fille de tres puissant seigneur Alexandre Guillaume de Melun, prince d’Epinoy, chevalier des ordres du Roy, et de dame dame Louise Anne de Betune, ses pere et mere, le parein tres hault et tres puissant prince Louis quatorzieme de Bourbon, roy de France et de Navarre, la mareine tres haulte et tres puissante princesse Marie Thereise d’Autriche, reyne de France, lesquels ont signé en presence de moy curé soubsigné, revestu de mon surply et estolle, ondoyé avec la permission de monseigneur de Paris le vingt huitieme mars mil six cent soixante et six par mons. le vicaire de Saint Eustache de Paris.
Louis
Marie Terese
Cagnyé »

Acte de baptême du fils de la nourrice du dauphin dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye, le roi étant son parrain

« Le 4e jour de may 1667, furent supplées les ceremonies du saint sacrement de baptesme à Louys, né du premier jour de juillet 1666 et ondoyé par M. le curé de ce lieu de Saint Germain en Laye (avec la permission de M. d’Orleans, grand vicaire en ce mesme lieu) dans le chasteau neuf, lieu de sa naissance, et lesd. ceremonies administrées dans la chapelle du chasteau vieil par M. l’abbé de [vide], aumosnier du Roy, avec la permission et consentement dud. sieur curé, y present en son habit d’eglise avec l’estolle au col, et led. Louys fils de noble homme [vide] et de dame [vide], nourrisse de monseigneur le Dauphin, Fils aisné de France, le parrein tres puissant et magnanime prince Louys XIIII du nom, tres chrestien roy de France et de Navarre, present, et qui a donné son nom aud. baptisé, la marreine damoiselle [vide], fille de haut haut et puissant seigneur Philippes de La Motte Houdancourt, vivant duc de Cardone, pair et mareschal de France, et de madame Louyse de Prie, son espouse, et à present sa veufve, gouvernante de mond. seigneur le Dauphin, de Madame royalle et des autres Enfants de France. »

Acte de baptême d’Anne de Comminges dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye, le roi étant son parrain

« Le vingt huictiesme jour du mois d’octobre 1648, fut baptisée par maistre Pierre Cagnyé, prestre et curé de l’eglise de Saint Germain en Laye, dans la chapelle du viel château dud. lieu, Anne, fille de messire Gaston Jean Baptiste de Comminges, chevallier et lieutenant des gardes du corps de la Reyne mere regente, et de madame Sibille d’Amalby, sa femme, le parrein qui a donné le nom tres auguste monarque Louys XIIIIe du nom, roy de France et de Navarre, la marreine haulte et puissante princsse madame Claire Clemence de Maillé, espouse de tres hault et puissant prince [vide] de Bourbon, premier prince du sang, grand maistre de la Maison du Roy, grand admiral des mers de France, duc et pair dud. royaume. »

Acte de décès de Louis XIII à Saint-Germain-en-Laye

« Le quatorziesme jour de may mil six cents quarente trois, feste de l’Ascension de Nostre Seigneur, à deux heures apres midy, au grand regret, perte et trop tost pour le bien de toute la France, apres une longue et langoureuse maladie, mourut dans le chasteau neuf de Saint Germain en Laye tres puissant, tres victorieux et tres chrestien prince Louys de Bourbon, treiziesme du nom, surnommé le juste, fils aisné de l’Eglise, aprest avoir receu pendant sad. maladie les saints sacrements de penitence eucharistique et extreme onction avec une tres grande et exemplaire devotion, aagé de quarente deux ans sept mois dix sept jours, ayant regné heureusement trente trois ans entiers tout juste, roy de France et de Navarre, laissant pour successeur en la place tres illustre prince Louis de Bourbon, quatorziesme du nom, surnommé Dieudonné, son fils aisné, Daulphin de France, aagé de quatre ans huict mois neuf jours seulement, qui fut tout aussitost conduit en la chapelle du viel chasteau, où il fut recognu, honoré et proclamé Roy par la Reyne regente, sa mere, premierement, puis ensuitte par messieurs les ducs d’Anjou, son frere unique, d’Orleans, son oncle, monsieur le Prince, et generallement par tous les autres princes, prelats, seigneurs et officiers estants pour lors en cour, en fort grand nombre, avec toutes les protestations de service et obeissance deues à Sa Majesté. »

Acte de mariage du duc de Guise et d’Élisabeth d’Orléans à Saint-Germain-en-Laye

« Le 4e jour de may 1667, furent supplées les ceremonies du saint sacrement de baptesme à Louys, né du premier jour de juillet 1666 et ondoyé par M. le curé de ce lieu de Saint Germain en Laye (avec la permission de M. d’Orleans, grand vicaire en ce mesme lieu) dans le chasteau neuf, lieu de sa naissance, et lesd. ceremonies administrées dans la chapelle du chasteau vieil par M. l’abbé de [vide], aumosnier du Roy, avec la permission et consentement dud. sieur curé, y present en son habit d’eglise avec l’estolle au col, et led. Louys fils de noble homme [vide] et de dame [vide], nourrisse de monseigneur le Dauphin, Fils aisné de France, le parrein tres puissant et magnanime prince Louys XIIII du nom, tres chrestien roy de France et de Navarre, present, et qui a donné son nom aud. baptisé, la marreine damoiselle [vide], fille de haut haut et puissant seigneur Philippes de La Motte Houdancourt, vivant duc de Cardone, pair et mareschal de France, et de madame Louyse de Prie, son espouse, et à present sa veufve, gouvernante de mond. seigneur le Dauphin, de Madame royalle et des autres Enfants de France. »

Acte de mariage du prince et de la princesse de Conti dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye

« Ce jourd’huy seizieme janvier mil six cens quatre vingts, a esté fait et solemnisé en face de Sainte Eglise en la chapelle du chasteau vieil de ce lieu par eminentissime monseigneur Emmanuel Theodoze de La Tour d’Auvergne, cardinal de Bouillon, grand aumonier de France, le mariage de tres hault et puissant prince Arman Louis de Bourbon, prince de Conty, prince du sang, pair de France, filz aisné de deffunts tres hault et puissant prince Arman de Bourbon, prince de Conty, prince du sang, pair de France, gouverneur lieutenant general pour Sa Majsté en la province de Languedoc, et de tres haulte et puissante princesse Anne Marie Martinozzy, son espouse, d’une part, et tres haulte et puissante princesse madmoiselle Marie Anne de Bourbon, fille naturelle et legitimée du Roy, d’autre part, apres la publication des deux premiers bans et dispence du troizieme de monseigneur l’archevesque en datte du treizieme janvier du mesme mois au prosne de la grande messe parroissiale de cedict lieu et des eglises parroissiales de Saint André des Arts et de Saint Eustache à Paris ainsi qu’il apert par les certificats des sieurs curés desdictz parroisses aussi en datte du neufvieme et quinzieme du present, qui sont demeurez entre nos mains, et les fiançailles faictes audict chasteau en l’appartement de Sa Majesté le jour de hier par mondit seigneur cardinal, ledict mariage fait en presence et sous le bon plaisir de Sa Majesté, de tres haulte, tres puissante et tres excellente princesse Marie Thereze, par la grace de Dieu reyne de France et de Navarre et epouze de Sad. Majesté, de tres hault, tres puissant et tres excellent prince monseigneur Louis, dauphin de France, de tres hault et tres puissant prince monseigneur Philippe de France, frere unique de Sadicte Majesté, duc d’Orleans, de tres haulte et tres puissante princesse madame Elizabeth Charlotte, epouse de Son Altesse royale, de tres hault et puissant prince Louis, duc de Bourbon, premier prince du sang, premier pair et grand maistre de France, duc d’Anguien, Chasteauroux et Monmorency, oncle et tuteur honnoraire, ledict mariage fait du consentement de monseigneur François de Chamvalon, archevesque de Paris, duc et pair de France, commandeur des ordres du Roy, et en presence de moy curé soubsigné revestu de mon surpelis et estole, lesquels ont signé à la reserve de monseigneur le Dauphin, de Monsieur, frere unique du Roy, de madame Elizabeth Charlotte son epouse, lesquels n’ont signé, leur rang ayant esté remply par inadvertence ; approuvé par le Roy.
Louis
Marie Terese
Louis de Bourbon
Louis Armand de Bourbon
Marie Anne de Bourbon, l. de France
Cagnyé
[…]
Ce jourd’huy seizieme janvier mil six cens quatre vingts, sur les onze heures du roi, au chasteau neuf de ce lieu, a esté faicte la benediction du lict de tres hault et puissant prince Arman Louis de Bourbon, prince de Conty, prince du sang, pair de France, filz aisné de deffunts tres hault et puissant prince Arman de Bourbon, prince de Conty, prince du sang, pair de France, gouverneur lieutenant general pour Sa Majesté en la province du Languedoc, et tres haulte et puissante princesse Anne Marie Martinozzy, son espouse, et tres haulte et puissante princesse madmoiselle Marie Anne de Bourbon, fille naturelle et legitimée du Roy, en l’appartement que Sad. Majesté avoit fait preparer pour cest effect, par eminentissime monseigneur Emmanuel Theodoze de La Tour d’Auvergne, cardinal de Bouillon, grand aumosnier de France, en presence de tres hault, tres puissant et tres excellent prince Louis quatorzieme, par la grace de Dieu roy de France et de Navarre, et tres haulte, tres puissante et tres excellente princesse Marie Thereze, par la grace de Dieu reyne de France et de Navarre et epouse de Sad. Majesté, et de tres hault, tres puissant et tres excellent prince monseigneur Louis, dauphin de France, de tres hault, tres puissant prince monseigneur Philippe de France, frere unique de Sad. Majesté, duc d’Orleans, et de tres haulte, tres puissante princesse madame Elizabeth Charlotte, epouse de Son Altesse royale, et de moy curé subsigné revestu de mon surplis et estole.
Louis
Cagnyé »

Acte de naissance du duc d’Anjou à Saint-Germain-en-Laye

« Le 5e jour d’aoust 1668, fut les 8 heures trois quarts du matin, nasquit dans le chasteau vieil de Saint Germain en Laye le second fils de France monseigneur le duc d’Anjou, et sa naissance suivie et accompagnée de acclamations et resjouissances publicques apres le Te Deum et chanté en l’eglise parroissialle, par ordre de M. le curé, en action de graces à Dieu, et le soir en furent aussi faicts les feus de joye par toutes les rues avec chandelles mises par toutes les fenestres. »

Acte de naissance du duc d’Anjou à Saint-Germain-en-Laye

« Le mardy 14e de juin 1672, à douze heures et un quart apres minuict, fut né et ondoyé dans le chasteau vieil de Saint Germain en Laye monseigneur le duc d’Anjou, fils de tres puissant monarque Louys 14e, roy de France et de Navarre, et de tres haulte et religieuse princesse Marie Therese, reyne regente en France pour l’absence dud. seigneur Roy son mary, et l’ondoyement faict par Son Eminence cardinal de Bonzi, grand aumosnier de lad. dame Reyne, M. le curé l’assistant et estant present revestu de son surplis et l’estolle au col, et de son consentement. »

Lettre de Carlo Vigarani à la duchesse de Modène concernant la réception du grand-duc de Toscane et le petit appartement du roi à Saint-Germain-en-Laye

« Serenissima Altezza,
Dal letto, ove m’ha confinato alucni giorni sono l’excessiva occupatione havuta per le feste fattesi all’arrivo e dimora qui del Serenissimo Gran Principe di Toscana, subito ricevuti i pregiatissimi commandi de L. A. V. Serenissima, ho’ avisato il signore Pouch, acio con la sua destrezza, e in conformita d’essi commandi, dia qualche lume dell’intentione che hanno cuca il partito le persone, che pensano a la compra de le rendite dell’A. V. Serenissima, siche col prossimo ordinario spero potergliene render conto.
Con l’ultima mia avisai l’arrivo a la corte del Serenissimo Gran Principe, e come S. M. lo havesse ricevuto a la prima visita, come per sorpresa, cise ch’essendo S. M. ne la sua camera con il solo duca di Saint Agnan, ora primo gentilhuoma, e con tre o quattr’altri servitori all’entrar di S. A. mostra d’esser sorpreso, e lasciato il capello su la tavola s’avanzo alcuni passi a riceverlo. E di la lo condusse egli stesse da la Regina. Qualche giorno dopo, il Re havendolo contotto a Versaglia ivi lo regalo di musiche, balli, comedie, collationi, giardini illuminati, e fuochi d’artifizio ; tornando il Re a San Germano, e S. A a Parigi ove sta alloggiato in casa del suo residente benche sia sevito da tutti gli ufficiali, carozze e staffieri del Signore duca di Guisa, il che m’haveva da prima fatto credere che fosse anche allogiato in sua casa.
A San Germano dopoi sele e fatta redere una comedia galante framezzata con balletti, e musciha, e con qualche scena : cosa pero di poca importanza, dopo la quale ogni volta sene ritorna a dormir a Parigi, anzi a cena, essendo ben presso a meza notte quando fnisse l’opera, non essendovi stato convito alcuno per anche, ecredo non vene sara. Tutta la casa di Conde e ritirata credo per la discrepannza de titoli e delle precedenze. Li duchi e Pari non l’honna visitato perche non le ha voluto dar la mano. […]
Ha S. M. fatto fare qui due cabinetti nel suo appartamento tutti ricoperti per tutto di specchi incastrati in cornici di legno indorate e sopradipinte, opera richissima del signore Brun, pittore eccelente : sopra gli spechi son dipinti bellissimi comparti d’ornamenti, che fanno un ammirabil vaghezza, ma la pittura e dietro al cristallo tra esso e l’argento vivo ; maniere e studi nuovi a quale vado applicando con la speranza di ripatriare un giorno per godere l’istessa fortuna del Principe nella sua gloriosa servitu alla serenissima casa, e sotto i clementissimi auspizy de L. A. V. Serenissima, a la quale profadamente inchinandom, mi dedico, de L. A. V. Serenissima,
Umilissimo, devotissimo et obligatissimo servitore.
C. Vigarani
Di S. Germano, li 30 Augusto 1669 »

Lettre de madame de Sévigné à sa fille concernant l’installation de la Cour d'Angleterre à Saint-Germain-en-Laye

« A Paris, lundi 10 janvier 1689
[…] L’abbé Tetu est dans une insomnie qui fait tout craindre. Les medecins ne voudroient pas repondre de son esprit ; il sent son etat et c’est une douleur : il ne subsiste que par l’opium ; il tache de se divertir, de se dissiper, il cherche des spectacles. Nous voulons l’envoyer à Saint Germain pour y voir le roi, la reine d’Angleterre et le prince de Galles : peut on voir un evenement plus grand et plus digne de faire de grandes diversions ? Pour la fuite du roi, il paroit que le prince [d’Orange] l’a bien voulu. Le roi fut envoyé à Excester où il avoit dessein d’aller : il etoit fort bien gardé par le devant de sa maison, et toutes les portes de derriere etoient ouvertes. Le prince n’a point songé à faire perir son beau père ; il est dans Londres à la place du roi, sans en prendre le nom, ne voulant que retablir une religion qu’il croit bonne et maintenir les loix du pays sans qu’il en coute une goutte de sang : voilà l’envers tout juste de ce que nous pensons de lui ; ce sont des points de vue bien differents. Cependant, le Roi fait pour ces Majesté angloises des choses toutes divines ; car n’est ce point etre l’image du Tout Puissant que de soutenir un roi chassé, trahi, abandonné ? La belle ame du Roi se plait à jouer ce grand role. Il fut au devant de la reine avec toute sa maison et cent carrosses à six chevaux. Quand il aperçut le carrosse du prince de Galles, il descendit et l’embrassa tendrement, puis il courut au devant de la reine qui etoit descendue, il la salua, lui parla quelque tems, la mit à sa droite dans son carrosse, lui presenta Monseigneur et Monsieur, qui furent aussi dans le carrosse, et la mena à Saint Germain, où elle se trouva toute servie comme la reine, de toutes sortes de hardes, parmi lesquelles etoit une cassette tres riche avec six mille louis d’or. Le lendemain, il fut question de l’arrivee du roi d’Angleterre à Saint Germain, où le Roi l’attendoit : il arriva tard ; Sa Majesté alla au bout de la salle des gardes au devant de lui ; le roi d’Angleterre se baissa fort, comme s’il eut voulu embrasser ses genoux ; le Roi l’en empecha et l’embrassa à trois ou quatre reprises fort cordialement. Ils se parlerent bas un quart d’heure ; le Roi lui presenta Monseigneur, Monsieur, les princes du sang et le cardinal de Bonzi ; il le conduisit à l’appartement de la Reine, qui eut peine à retenir ses larmes. Apres une conversation de quelques instans, Sa Majesté les mena chez le prince de Galles, où ils furent encore quelque tems à causer, et les y laissa, ne voulant point etre reconduit, et disant au roi : « Voici votre maison, quand j’y viendrai vous m’en ferez les honneurs, et je vous les ferai quand vous viendrez à Versailles ». Le lendemain, qui etoit hier, madame la Dauphine y aller, et toute la Cour. Je ne sais comme on aura reglé les chaises de ces princesses, car elles en eurent à la reine d’Espagne, et la reine mere d’Angleterre etoit traitée comme fille de France : je vous manderai ce detail. Le Roy envoya dix mille louis d’or au roi d’Angleterre. Ce dernier paroit vieilli et fatigué, la reine maigre et des yeux qui ont pleuré, mais beaux et noirs, un beau teint un peu pale, la bouche grande, de belles dents, une belle taille et bien de l’esprit ; tout cela compose une personne qui plait fort. Voilà de quoi subsister longtems dans les conversations publiques. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant le départ du roi de Saint-Germain-en-Laye

« Paris, le 27 avril 1672
Je viens d’arriver de Saint Germain. Comme le Roi avait résolu de partir seulement demain, j’y avais conduit M. le comte Cagnol pour faire un peu de cour et nous attentions dans la cour du vieux château l’heure que Sa Majesté dut aller à la messe pour nous faire voir à Elle. Tout d’un coup, on a dit qu’Elle allait partir, sans que personne l’eût pénétré, car Elle n’en avait rien dit à son lever. Elle est soudain descendue à la chapelle pour entendre la messe, puis est montée seule dans une calèche à six chevaux, M. de Duras une autre, accompagnée de dix à douze gardes, et est partie à onze heures pour aller coucher [p. 279] à Nanteuil chez M. le duc d’Estrées et ira demain à Villers Cotterets, où Monsieur et tout ce qui ira joindre le Roi se rendra. Il n’a dit adieu qu’à la Reine et à monsieur le Dauphin ; ceux qui étaient les plus proches de lui lui ont fait la révérence, mais fort à la hâte. Jamais il n’y a eu de pareille surprise à la Cour ; personne n’en a jamais pu pénétrer la véritable cause. On disait bien que ç’a été pour éviter les tendresses qu’il aurait pu avoir en l’adieu des dames. Je ne le crois pas ; en tout cas, si Votre Altesse royale se le persuade, il sera bien de n’en pas parler. Madame de Montespan était sortie de bon matin de Saint Germain, je l’ai rencontrée dans la garenne dans une calèche à six chevaux. Je ne l’ai pas vue, car les rideaux étaient tirés, mais je me suis figuré que c’était elle, à voir derrière son carrosse les gardes qui ont accoutumé de la suivre, et quand j’ai été à Saint Germain, j’ai su que c’était bien elle, et qu’assurément elle était venue en cette ville, bien que je me figurasse qu’elle allait attendre le Roi à Nanteuil. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant le retour du roi à Saint-Germain-en-Laye

« De Suresnes, le 26 octobre 1668
Je reçus dimanche la lettre que Votre Altesse royale m’a fait l’honneur de m’écrire le douzième de ce mois, dans laquelle j’ai vu avec joie qu’elle goûtait les délices de la Vénerie royale en parfaite santé pendant ces beaux commencements d’automne. Le Roi arriva le même jour à Saint Germain de son voyage de Chambord, fort satisfait des beautés de ce lieu là, des chasses qu’il y a faites et encore plus, à son arrivée, de voir le Dauphin, qui a fait un notable changement pendant leur séparation. Il fut à la rencontre de Leurs Majestés à la dînée la plus proche de Saint Germain, il leur fit si bien sa cour et les entretint si galammant qu’elles en furent émerveillées, et lui demeura aussi très content des caresses que lui firent et le Roi et la reine. En sortant de carrosses, il appela M. de Montausier, [p. 238] lui dit avec sa gentillesse ordinaire qu’il était fort satisfait du Roi et qu’il l’avait traité fort honnêtement.
Le Roi, le soir avant son arrivée, coucha à Linas, où il fut surpris avec joie lorsque M. de Turenne lui déclara qu’il voulait faire abjuration de sa créance et se réduire dans le giron de l’Eglise romaine, ce qu’il exécuta mardi matin entre les mains de M. l’archevêque de Paris dans la chapelle de l’archevêché, puis alla se confesser, entendre messe et se communier à Notre Dame, et de là à Saint Germain, où le Roi l’embrassa et lui fit toutes les caresses possibles et où toute la Cour le complimenta. […]
[p. 240] Je fus mercredi à Saint Germain pour y faire ma cour au Roi, à son lever. Il y avait si grand monde que l’on ne pouvait se tourner dans sa chambre. J’eus grande peine à m’en approcher, tellement tout le monde s’empresse de se faire voir à lui. Ses courtisans, en pareille rencontre, ont peu de déférence pour les étrangers. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant sa réception à Saint-Germain-en-Laye

« De Paris, le 6 mai 1667
Monseigneur,
Hier, M. Giraud me vint avertir qu’il me viendrait prendre aujourd’hui dans les carrosses du Roi et de la Reine pour me mener à Saint Germain. Nous sommes partis ce matin à six heures ; tout ce qu’il y avait ici de personnes de qualité de Piémont et de Savoie ont pris la peine d’y venir et tous en habits neufs et très lestes.
Nous sommes arrivés à Saint Germain à neuf heures ; nous avons trouvé à la descente du carrosse M. de Bonneuil, introducteur, qui nous a conduits à la chambre où l’on attend l’heure du Roi ; à dix heures et demie, j’ai été conduit à l’audience et j’ai su par M. de Bonneuil que je pouvais parler d’affaires au Roi, parce qu’il veut se décharger d’embarras, croyant de partir bientôt.
[p. 19] J’ai été conduit dans la chambre du Roi dans la manière accoutumée. Je l’ai trouvé assis dans sa ruelle, le chapeau sur la tête, vêtu d’un justaucorps de velours noir, une demi veste de dorure, et une canne à la main. Il y avait dans le balustre le duc de Bouillon et le comte du Lude, et dehors, à l’entrée, M. de Lionne et M. de Charost, capitaine des gardes, et la chambre était si pleine que j’ai eu peine à passer. J’ai fait une profonde révérence au Roi, il a levé son chapeau, puis l’a remis ; je lui ai fait les compliments de Votre Altesse royale et lui ai remis sa lettre. Il me semble qu’il n’avait point sa fierté accoutumée, mais un visage fort doux ; il m’a dit : « Il y a longtemps que je suis persuadé de l’amitié de M. le duc de Savoie, je voudrais bien pouvoir lui témoigner celle que j’ai pour lui et la passion que j’ai pour son service », puis qu’il avait bien été fâché de la [p. 20] mort de feu M. le comte de La Trinité, mais qu’il avait bien de la joie de me voir. Je lui ai après fait les compliments de Madame Royale ; il y a répondu avec de grandes marques d’estime. Il m’a demandé l’état de santé de Votre Altesse royale et de monseigneur le prince. Après lui avoir répondu qu’elles étaient parfaites, je lui ai expliqué fort au long le sujet pour lequel Votre Altesse royale m’a envoyé à lui et lui ai fait une grande déduction des affaires de Genève ; je n’y ai pas oublié une circonstance et je lui ai dit à peu près les mêmes choses que je dis à M. de Lionne quand je le vis. Le Roi ne m’a [p. 21] jamais interrompu et m’a écouté attentivement plus d’un quart d’heure, puis m’a dit qu’il ferait sur ce sujet tout ce que vous désireriez de lui, mais qu’il lui semblait que vous souhaitiez un aimable. Je lui ai dit que Votre Altesse royale ferait tout ce qu’il vous conseillerait pourvu que votre réputation fût à couvert ; il m’a expliqué qu’il songerait aux moyens pour vous faire donner les satisfactions qui sont dues à Votre Altesse royale et que pour tout ce que j’aurais à lui expliquer de la part de Votre Altesse royale, que je n’avais qu’à parler à M. de Bonneuil pour l’avertir et qu’il m’écouterait toujours volontiers. Je me suis congédié de lui et, en quittant, il m’a chargé de bien assurer Madam Royale de son amitié et de son estime. Je lui ai présenté les gentilshommes qui étaient avec moi, puis je me suis retiré à la chambre où j’avais mis pied à terre. M. le marquis de Cœuvres m’y est [p. 22] venu entretenir, et après lui M. le marquis de Bellefonds. Ce sont deux des hommes les plus accrédités à la cour pour leur sagesse et pour la guerre et tous deux bons et véritables serviteurs de Votre Altesse royale.
Nous avons dîné à la table de M. de Bellefonds, puis j’ai été conduit à l’audience chez la Reine. Je lui ai fait les compliments de Votre Altesse royale, remis sa lettre et celle de Madame Royale. elle les a reçus avec joie, elle m’a témoigné grande estime pour Vos Altesses royales et passion de les servir, et, si je ne me trompe, elle a amitié pour vous deux ; c’est une princesse accueillante et qui est belle.
A cause du prompt voyage de la cour, M. Giraud m’a conseillé de présenter aujourd’hui le tambour, si bien qu’allant à l’audience chez monsieur le Dauphin, où j’y ai trouvé les gardes sous les armes et l’officier des gardes qui les commande à la porte, et lui assis et couvert, il a levé son chapeau. Je lui ai fait la révérence et compliment de la part de Votre Altesse royale ; il s’est puis levé, le chapeau à la main, et madame [p. 23] la maréchale de La Mothe a répondu comme en l’instruisant de ce qu’il devait dire. Je lui ai après présenté le tambour, il en a été ravi, il a fallu le lui pendre au col, lui expliquer tout ; il en est empressé tout à fait et le présent a été trouvé le plus beau, le plus galant, le mieux inventé et le plus riche qui se puisse voir ; chacun court chez monsieur le Dauphin pour le voir ; l’on admire aussi les vers. Monsieur le Dauphin est un beau prince, [p. 24] un esprit vif, parle bien, mais il est opiniâtre et ne craint que le Roi ; il porte les chausses et la perruque.
De là, j’ai été conduit chez la petite Madame ; elle est tout à fait belle et bien nourrie. J’ai adressé ma parole à madame la maréchale de La Mothe et, après les compliments, parlant de sa santé et de sa beauté, je lui ai dit que nous serions bienheureux en Savoie et en Piémont si la petite Madame prenait l’inclination pour ces pays là qu’avaient mesdames Marguerite et Chrétienne, toutes deux Filles de France. Elle m’a répondu [p. 25] qu’elle souhaiterait fort des choses pareilles comme avantageuses à Madame.
Au sortir de là, nous sommes montés en carrosse et arrivés ici à sept heures. Je solliciterai à avoir mes audiences de Monsieur et de Madame d’Orléans, puis de Madame, la douairière.
[…]
[p. 28] Je viens de savoir d’un de mes amis qui vient de Saint Germain qu’après mon départ monsieur le Dauphin, conduit par madame la maréchale de La Mothe, a porté le tambour dans le Conseil, que le Roi et les ministres ont été plus de demi heure à le considérer et qu’ils l’ont admiré. Chacun demeure d’accord que l’on ne peut rien faire de plus mignon à Paris. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant une audience du roi à Saint-Germain-en-Laye

« A Paris, le 7 octobre 1667
Je reçus dimanche l’honneur de la lettre de Votre Altesse royale du 24 septembre dernier et le lundi j’allai à Saint Germain ; j’avais été averti par les introducteurs que Sa Majesté me donnerait une audience. J’y arrivai à neuf heures du matin, quoique l’on ne m’eût averti que pour dix. Le Roi [p. 145] était déjà au Conseil ; il me fit appeler, je lui parlai seul à seul dans son cabinet et lui dis mot à mot le compliment que Votre Altesse royale m’avait chargé de lui faire. Le Roi avait le visage assez riant, il me répondit qu’il était déjà très persuadé de l’amitié qu’Elle a pour lui, que je pouvais assurer Votre Altesse royale de la sienne et que dans les occasions de son service elle en recevrait des véritables marques.
Je lui présentai ensuite le placet et l’arrêt pour les gentilshommes et magistrats, secrétaires d’Etat et contrôleurs des guerres de Savoie qui ont du bien en Bresse et en Dauphiné.
A même temps, je lui présentai aussi la lettre que Votre Altesse royale lui a écrite en faveur de M. Marquisio, avec le placet et le mémoire des services de celui ci et qu’il m’avait remis ; je l’accompagnai de tous les bons offices possibles. Le Roi me répondit qu’il verrait le tout, puis je me congédiai et, comme j’étais déjà à quatre pas de lui, il m’appela en venant à moi et me dit fort obligeamment : « Monsieur, je vous prie de vous ressouvenir d’écrire à monsieur de Savoie ce que je vous ai dit touchant notre amitié, et que ce sont [p. 146] des mouvements du cœur ». Je l’en remerciai et l’assurai des partialités que Votre Altesse royale a pour sa personne et un zèle passionné pour son service.
Il est certain que l’on ne s’est pressé de déclarer monsieur le Prince que pour faire connaître à M. de Turenne que l’on avait d’autres capitaines en France ; il veut tout faire à sa mode et indépendamment de tout le monde ; il est à Enghien, où il ne fait que ruiner le pays.
J’ai reçu la lettre pour madame de Villequier et les ordres pour faire les compliments à messieurs Le Tellier et de Louvois : je croyais, lundi que je fus à Saint Germain, de les exécuter ; comme je vis le Roi et après dîner M. de Lionne qui m’avait donné heure, je croyais après cela de voir ces messieurs, père et fils, mais ils sortirent d’abord qu’ils eurent dîné dans un carrosse à six chevaux ; mais à Saint Germain, la nouvelle était publique des honneurs et des caresses que Votre Altesse royale a faits M. l’abbé Le Tellier ; M. son [p. 147] père, ses frères et ses parents, s’en sont loués hautement et M. le marquis de Villequier, qui est présentement de quartier, m’en parla à la messe du Roi avec des termes d’une reconnaissance très respectueuse. Je lui dis que j’étais en partie là pour visiter messieurs Le Tellier et de Louvois et pour les remercier des témoignages et assurances que cet abbé avait donnés à Votre Altesse royale de leur amitié.
Quand j’arrivai ici, quoiqu’il fût fort tard, j’envoyai chez M. Le Tellier pour savoir s’il était en cette ville ; il se trouva qu’au partir de Saint Germain, il était allé à une maison qu’il a à trois lieues de là. Le lendemain au matin j’eus un page de madame de Villequier, qui vint savoir à quelle heure elle me pourrait trouver et soudain après le [p. 148] dîner elle fut céans ; elle déploya toute sa rhétorique et, l’accompagnant de tous ses charmes, elle me témoigna les obligations qu’elle avait à Vos Altesses royales pour les honneurs que vous avez faits à son frère. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant une audience du roi à l’ambassadeur de Hollande à Saint-Germain-en-Laye

« Paris, le jour des Rois de l’année 1672
Samedi, quand le Roi se déclara qu’il n’irait plus en Champagne, il dit au sieur de Bonneuil, l’introducteur, de faire savoir à l’ambassadeur de Hollande qu’il lui donnerait audience le lundi [p. 218] matin, qui y fut. Comme il fut arrivé à la chambre de descente, M. Le Tellier s’y rendit, parce que le Hollandais n’a pas encore les jambes bonnes et ne pouvait pas monter à la chambre du ministre, qui est fort haute. Ils demeurèrent une demi heure enfermée, mais on ne sait pas encore ce qui se passa dans cette conférence. Après quoi l’ambassadeur alla chez le Roi. Il était dans son cabinet, seul, mais il y avait dans un jour au devant, entre lesquels il n’y a pas de porte qui ferme, monsieur le Prince, M. de Turenne, les ducs de Créquy, d’Aumont, de Gesvres et de La Feuillade, M. Le Tellier, et le roi y fit appeler le comte de Castelmeilhor et le marquis d’Estrades, qui étaient dans sa chambre ; après quoi l’ambassadeur entra. Il dit au Roi (à ce qu’une personne m’a dit, qui m’a assuré l’avoir appris de Sa Majesté même) que messieurs les Etats généraux, ses maîtres, ayant été assurés de bien des endroits que le grand armement que faisait Sa Majesté en terre et en mer était pour les attaque, qu’ils ne le pouvaient [p. 219] pas croire, puisqu’ils avaient toujours maintenu bonne amitié et correspondance avec sa Couronne et eu toujours grande estime et déférence pour sa personne, que dans toutes les occasions ils lui avaient rendu des fidèles et importants services, qu’ils les lui continueraient tant qu’Elle les agréerait, que s’ils avaient fait quelque chose qui lui eût déplu, qu’ils l’ignoraient, que si Elle avait la bonté de leur faire savoir, qu’ils se mettraient en toute la posture qu’il souhaiterait pour y réparer et qu’ils étaient prêts de lui donner toutes les satisfactions convenables qu’Elle voudrait exiger d’eux. On dit que le Roi lui répondit succinctement que s’il avait armé, que ce n’était qu’à l’exemple de ses voisins qui avaient eu envie de lui nuire et de l’attaquer, qu’il était en état de ne pas les craindre, qu’il ferait encore bien plus de troupes qu’il n’en avait et qu’alors il ferait tout c que ses intérêts et sa réputation lui dicteraient.
[p. 220] L’ambassadeur de Hollande lui présenta après la lettre de ses souverains ; le Roi lui dit qu’elle était imprimée, qu’elle courait toutes les provinces de l’Europe et qu’il savait ce qu’elle contenait puisqu’il l’avait il y a quinze jours, que néanmoins il ne laisserait pas de la prendre et qu’il aviserait à la réponse qu’il devra leur faire. L’ambassadeur lui répliqua que s’il lui avait donné audience la première fois qu’il la lui avait fait demander et qu’il lui avait plu de la lui faire assigner, qu’assurément il aurait eu ladite lettre auparavant que personne autre que ses souverains en eussent connaissance, mais que, comme il avait cru qu’il aurait eu ladite audience alors qu’on la lui avait fait espérer, qu’il l’avait écrit aux Etats, qu’eux, s’étant figurés que c’était une chose faite, avaient donné des copies de ladite lettre aux ministres étrangers qui étaient auprès d’eux à La Haye, afin que chacun sût la disposition où ils sont de l’honorer et de lui donner toute satisfaction. Après quoi, il se retira, voyant qu’il ne pouvait pas [p. 221] faire déclarer le Roi sur quoi que ce fût ; il ne fut pas avec lui un demi quart d’heure. Il paraît satisfait de cette réponse. Il ne s’en ira pas, comme il souhaitait, les Etats le lui ayant défendu.
Dès qu’il fut sorti d’auprès de Sa Majesté, elle approcha ses messieurs qui étaient en son avant cabinet, leur dit ce qui s’était passé entre elle et cet ambassadeur, puis remit la lettre des Etats à monsieur le Prince, qui la lut tout haut et qui ne contient que ce que leur ministre avait proféré verbalement à Sadite Majesté. Tout cela fait croire qu’Elle ne changea pas de dessein et qu’elle suivra toujours sa pointe et sa résolution, où tout s’achemine également et sans aucune interruption. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant une visite à Saint-Germain-en-Laye

« Paris, le 4 décembre 1671
Quand je sortis hier matin de cette ville pour aller à la Cour, il n’était pas encore bien jour. Je rencontrai néanmoins M. de Louvois dans le faubourg de Saint Honoré, qui y entrait. Je ne croyais pas qu’il retournât à Saint Germain qu’à la nuit. J’allai, y étant arrivé, droit à la chambre du Roi. Il y parut demi heures après. Je l’abordai et le priai qu’à sa commodité je le pusse entretenir un quart d’heure chez lui. Il me dit : « Tout à cette heure », et me convia d’entrer dans le cabinet de Sa Majesté, lieu où personne n’entre que par grande faveur, où Elle devait bientôt aller négocier. Toute la Cour fut surprise de cette action et moi, qui sais les choses, encore plus que les autres. Jamais favori ni premier ministre ne peut [p. 200] rien entreprendre de plus haut ni de plus hardi. Il est vrai aussi qu’on le considère maintenant comme l’un et l’autre, et l’on ne doute plus que, si les choses continuent de la sorte, il ne soit bientôt seul et le tout puissant.
Quand nous fûmes dans ce cabinet, je le remerciai du rang qu’il a procuré au régiment de cavalerie que Votre Altesse a donné au Roi. Il me répondit que Sa Majesté avait avec plaisir pris cette résolution pour satisfaire Votre Altesse royale en ce qu’Elle souhaitait. Il me dit ensuite que monseigneur le prince en serait mestre de camp et M. le baron de Lucinge colonel lieutenant, avec commandement de mestre de camp. Je lui parlai ensuite des commandements que pourraient avoir MM. Cagnol et Grimaldi ; il me répliqué par leur commission de capitaines. Je lui représentai qu’il faudrait aussi leur donner des commissions de mestre de camp, particulièrement au dernier qui a servi durant si longtemps de lieutenant colonel des régiments des feus comte de [p. 201] Broglie et prince Almeric. Il me dit nettement que cela ne se pouvait pas, qu’il y en avait cent dans la cavalerie aussi anciens au service que lui, qui l’avaient demandé et auxquels on l’avait refusé et que, si on ouvrait cette porte, ce serait un embarras et une confusion qui apporteraient de grands désordres au service du Roi, qu’il n’y pouvait pas avoir de mestres de camp que ceux qui avaient des régiments, mais il m’assura que, contre la coutume observée dans ce service jusques à présent, tous les capitaines de ce régiment commanderaient aux Français à leur tour et par l’ancienneté de leur commission. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant une visite à Saint-Germain-en-Laye

« Paris, le 19 octobre 1672
[…]
[p. 425] Toutes ces dépêches m’obligèrent de résoudre un voyage à Saint Germain. Je n’y voulus pas néanmoins aller le lundi, à cause du conseil du matin, qui m’aurait empêché de voir les ministres, et comme il n’y en a le mardi que l’après dîner, je m’y acheminai dès le point du jour, et, lorsque j’y arrivai, je sus que M. de Pomponne était en cette ville, mais qu’il [p. 426] arriverait là pour dîner. Je dis demander à voir M. de Louvois, qui me remit à midi. J’allai chez le Roi, il n’était pas réveillé ; je m’entretins quelque temps dans son antichambre avec monsieur le Prince et M. le maréchal de Villeroy sur les nouvelles qui venaient d’arriver.
Après que le Roi fut habillé et que je me fus entretenu avec bien des différentes personnes, le temps de voir M. de Louvois arriva. Je m’acheminai chez lui. Je lui dis d’abord combien Votre Altesse royale lui savait bon gré de l’amitié qu’elle lui témoignait en toutes sortes de rencontre. Je lui en fis le compliment qu’elle m’a ordonné, qu’il reçut de très bonne grâce ; après quoi je lui dis tout ce que Votre Altesse royale m’a prescrit sur cette envie de surprendre Savone. Il me laissa parler autant que je voulus, et après il me dit que, puisque je ne voulais pas avouer la vérité, il me conseillait de n’en plus parler à personne, même au Roi ni à M. de Pomponne, que c’était une affaire passée dont on ne parlait ni on n’y songeait plus, que ce que j’en pourrais dire ne justifierait pas bien Votre Altesse royale de la pensée que l’on avait de faire remarquer au Roi [p. 427] qu’elle n’avait pas de la confiance en lui en ce rencontre et que cela pourrait porter quelque préjudice à Votre Altesse royale auprès du Roi, qui l’aimait, et qu’ainsi il était mieux que la chose fût tout à fait ensevelie dans l’oubli. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant une visite à la duchesse de La Vallière à Saint-Germain-en-Laye

« A Paris, le 12 novembre 1669
Je viens de Saint Germain, où j’étais allé exprès pour voir madame la duchesse de La Vallière, M. de Bonneuil m’ayant dit samedi dernier qu’elle recevrait à grand honneur la visite que je lui voulais faire. M. de Bonneuil m’y a introduit d’abord après dîner et, en montant à son appartement, il m’a dit que je n’y demeurasse pas longtemps parce que le Roi l’attendait pour aller au promenoir. Elle m’a reçu avec sa bonne grâce et civilité ordinaires ; je lui ai fait mot pour mort le compliment que Votre Altesse royale m’avait commandé ; elle m’a répondu qu’elle était bien obligée à Votre Altesse royale de l’honneur qu’Elle lui faisait ; [p. 354] qu’elle le recevait avec respect et qu’elle la remerciait des bontés qu’elle avait pour M. le duc de Vermandois, en attendant qu’il fût en âge de l’en aller remercier lui même. Nous avons fait encore quelques compliments réciproques et très obligeants, puis je me suis retiré. Il y avait dans sa chambre mesdames les marquises de La Vallière et d’Heudicourt ; madame de Montespan n’a pas tardé de les joindre, car, comme j’étais au bas de leurs degrés, elles sont descendues, montées en carrosse et allées attendre le Roi à Versailles, qui les a suivies de bien près.
J’ai été fâché de ce voyage, qui est cause que j’ai pu si peu demeurer auprès de cette dam, où je m’aimerais fort. Je l’ai trouvée toujours mieux faite que l’autre ; elle a ce je ne sais quoi qui sait charmer et, si elle avait de l’embonpoint, elle passerait pour très belle. Son appartement est merveilleux autant pour la propreté que pour la richesse. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, donnant des nouvelles de la cour à Saint-Germain-en-Laye

« Paris, le 15 janvier 1672
La pensée de Votre Altesse royale sur le malheur du comte de Lauzun est très judicieuse et ce ne peut être autre chose. Il en voulait à madame de Montespan, parce qu’elle ne lui était pas favorable. Outre qu’il en a dit du mal, on croit toujours qu’il voulait donner moyen à son mari de l’enlever. Elle a encore peur de l’être et de quelque insulte, car elle ne marche jamais sans gardes, pas même pour aller de sa chambre à la chapelle [à] Saint Germain, bien qu’elle en soit tout contre.
[p. 223] Elle est toujours mieux que jamais. On avait dit que le Roi regardait avec un œil passionné la duchesse de Ventadour et que madame de Richelieu travaillait à la lui rendre facile, mais je n’en crois rien, car outre que le Roi aime toujours beaucoup madame de Montespan, c’est qu’elle est amie de la duchesse de Richelieu et lui a fait avoir la charge de dame d’honneur de la Reine. Il y a bien des gens qui croient que le Roi ne marchera qu’après les couches de la Reine pour ne pas s’éloigner des dames qu’il mènera puis à la suite de la Reine. Si cela était, on ne bougerait d’ici qu’au mois de juillet. C’est à quoi je veille, afin de tenir Votre Altesse royale instruite de ce qu’il fera. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, donnant des nouvelles de la cour à Saint-Germain-en-Laye

« De Paris, le 2 mars 1668
[…]
[p. 184] La comtesse de Saint Maurice fut lundi à Saint Germain ; il y eut quantité de princesses et de duchesses qui attendaient la Reine dans sa chambre pendant qu’elle dînait ; le Roi y entra le premier et, saluant les dames, commença par madame la princesse de Carignan, puis il alla droit à la comtesse de Saint Maurice ; la Reine lui fit aussi l’honneur de la mener promener dans son carrosses. Elle nous témoigne mille bontés et je sais qu’elle a de l’estime pour Votre Altesse royale et qu’elle aime Madame Royale. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, donnant des nouvelles de la cour à Saint-Germain-en-Laye

« A Paris, le 22 novembre 1669
[…]
[p. 362] Je n’ai pas pu aller cette semaine à Saint Germain à cause des affaires de Madame ; mais j’y irai dimanche ou mardi et porterai le dessin de la Vénerie royale pour le faire voir au Roi. Vendredi dernier que j’y fus, je vis madame la duchesse de La Vallière à la messe, elle était dans les tribunes d’en haut ; dès que j’y jetai les yeux, j’en reçus un grand salut auquel je répondis par des révérences très soumises. J’ai su que le Roi et elles ont été très satisfaits de ma visite. Je ne saurais les lui continuer parce que personne ne va chez elle, mais chez la Reine et partout où je la trouverai je la visiterai et tâcherai de la bien persuader de l’estime qu’a pour elle Votre Altesse royale et des ordres qu’Elle m’a donnés de lui faire ma cour et de lui rendre dans toutes sortes de rencontres mes fidèles et respectueux services.
Le Roi, sans que personne le sache, a fait préparer [p. 363] de beaux appartements à ces dames dans les Tuileries et s’est enfin résolu de venir faire quelque séjour en cette ville car les fermiers des entrées demandent de grands rabais à cause qu’il demeure si longtemps à Saint Germain. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, donnant des nouvelles de la cour à Saint-Germain-en-Laye

« A Paris, le 3 février 1670
Quand on est obligé à écrire des nouvelles sur le récit d’autrui, c’est souvent contre la vérité ; il en a été de même de la relation que je fis vendredi au soir à Votre Altesse royale de la retraite de Monsieur de la Cour et de la prison de M. le chevalier de Lorraine pour beaucoup de circonstances, quoique j’eusse su ce que je lui en mandai sur le récit qu’en avait fait M. le comte de Charost et madame la comtesse du Plessis dans le propre logis de Monsieur, au Palais Royal. Voici, Monseigneur, la pure vérité écrite par [p. 389] madame de Montespan à M. le duc de Mortemart, son père, que j’ai sue de madame de Tambonneau, son intime et bien aimée amie. Mais je supplie Votre Altesse royale que personne ne sache que je lui ai nommé toutes ces personnes.
L’abbé de La Rivière, évêque de Langres, avait deux abbayes, de l’apanage de Monsieur. Comme il était vieux et valétudinaire, il y a longtemps qu’il attendait sa mort pour les donner au chevalier de Lorraine ; il le dit au Roi à Chambord, qui lui répondit que ledit chevalier n’étant pas ecclésiastique, sa conscience ne lui permettait pas d’y consentir, qu’outre cela il faisait une vie trop libertine pour posséder des bénéfices. Monsieur l’ayant prié instamment de l’agréer, Sa Majesté lui repartit encore qu’il était impossible, mais qu’à la considération de ce qu’il aimait, quoiqu’il eut peu d’estime pour ledit chevalier, qu’il lui donnerait 40000 livres de pension quand lesdites abbayes viendraient à vaquer. Monsieur ayant rapport tout ceci au chevalier de Lorraine, [p. 390] ils firent cent railleries sur la conscience du Roi à cause des dames, et qu’il a sues. Le Roi accuse aussi le chevalier de Lorraine de l’infâme crime de sodomie avec le comte de Guiche et même des hommes qui ont été brûlés pour cela en Grève.
L’évêque de Langres étant mort jeudi matin, Monsieur dit au Roi qu’il avait donné les abbayes au chevalier de Lorraine ; il lui répliqua qu’il ne le voulait pas. Monsieur lui répondit que c’était une affaire faite ; Sa Majesté lui dit encore qu’il l’empêcherait. Ils s’échauffèrent tous les deux, les assistants s’en aperçurent et qu’il y avait de la mésintelligence, sans en savoir la cause. Le Roi, au sortir de la chapelle, monta en carrosse et alla à Versailles. Monsieur se retira chez lui, fort atterré, s’enferma dans un cabinet avec le chevalier de Lorraine, lui dit ce qui s’était passé et que, puisque le Roi le traitait de la sorte, qu’il voulait à l’heure se retirer de la Cour. Il le pria de n’en rien faire, que cette action nuirait à tous les deux. Monsieur fit appeler M. Le Tellier, lui parla fort atterré, se plaignit du Roi, lui dit que l’on lui avait inspiré les mauvais traitements qu’il lui faisait [p. 391] et s’emporta beaucoup. M. Le Tellier tâcha de le ramener et, voyant qu’il continuait toujours du même ton, il lui demanda qu’il voulait qu’il écrivit au Roi tout ce qu’il venait de lui dire ; Monsieur lui ayant dit qu’il lui ferait plaisir, le ministre alla l’écrire au Roi qui, recevant sa lettre, n’en témoigna rien. M. Colbert étant arrivé à Saint Germain, Monsieur le fit aussi appeler et lui parla avec le même feu qu’il l’avait fait à M. Le Tellier.
A l’entrée de la nuit, le Roi arriva de Versailles et alla à droiture chez madame de La Vallière. Madame la duchesse d’Orléans lui envoya un gentilhomme lui dire qu’elle ne pouvait sortir du château neuf, qu’elle le suppliait de vouloir aller pour chose qui lui importait beaucoup. Sa Majesté s’y rendit à l’abord. Madame le pria de vouloir que le chevalier de Lorraine eût les abbayes ; il lui dit qu’il ne se pouvait ; elle le lui demanda en grâce, il persista dans son refus, lui représentant qu’elle avait oublié tous les mauvais traitements qu’on lui avait faits. Elle lui témoigna qu’elle préférait la satisfaction de Monsieur à ses intérêts, que le chevalier de Lorraine était un [p. 392] jeune homme, qu’il changerait de conduite, le supplia de lui pardonner et, voyant qu’elle ne pouvait rien gagner, elle se jeta aux genoux du Roi, la larme à l’œil, lui témoignant que le plus grand déplaisir qu’elle avait était de se séparer de sa personne mais qu’elle était obligée de suivre Monsieur qui s’en voulait aller.
Le Roi se retira en disant que, puisque son frère se séparer de lui pour cela, qu’il saurait châtier ceux qui en étaient cause et fomentaient leur désunion. Il donna d’abord les ordres pour fortifier la garde de monsieur le Dauphin, qui loge dans le château neuf, et de prendre toutes les avenues. M. le comte de Vaillac s’en étant aperçu, qui est capitaine des gardes de Monsieur, lui en donna avis ; il lui en répliqua qu’il en savait la cause, néanmoins il témoigna quelques peines. M. Le Tellier entra ensuite dans sa chambre et lui dit de la part du Roi que, la nécessité de son service l’obligeant de s’assurer de la personne du chevalier de Lorraine, qu’il serait fâché d’être forcé de le faire arrêter dans son appartement et en sa présence ; il lui répliqua [p. 393] que, puisque le Roi en usait de la sorte, qu’il allait partir pour Villers Cotterets ; ce ministre lui représenta qu’il ne le devrait pas faire mais seulement aller à Saint Cloud, qu’il était aisé de sortir de la Cour de cette sorte mais qu’on ne savait pas quand on y pourrait revenir. Monsieur lui dit fortement qu’il voudrait avoir une maison à trois cents lieues du Roi, qu’il y irait et qu’il ne reviendrait jamais auprès de lui qu’avec le chevalier de Lorraine ; puis, se tournant au chevalier, il l’embrassa, l’assura de la continuation de son amitié et lui dit de suivre M. Le Tellier. Ils sortirent ensemble ; le chevalier lui demanda ce qu’il avait à faire, qu’il était prêt à obéir aux ordres du Roi. M. Le Tellier lui répondit qu’il n’avait rien à lui commander de sa part.
Comme ils furent dans la cour du château vieux, le comte d’Ayen l’arrêta et le chevalier de La Ilhière ; ils lui demandèrent son épée, puis le sortirent de là. Il demanda au comte d’Ayen où il le menait ; il lui répondit : « Dans ma chambre », où, étant arrivé, [p. 394] il souhaita de voir M. le Grand et le comte de Marsan, ses frères ; on lui dit qu’il ne pouvait mais qu’il pouvait écrire à qui il voudrait. Il fit quatre lettres : une à Monsieur, au comte de Marsan, à mademoiselle de Fiennes et à l’intendant de sa maison ; il voulut les montrer au comte d’Ayen, il dit qu’il n’avait pas ordre de les voir ; on croit néanmoins que le Roi les a lues. Il priait Monsieur de lui continuer l’honneur de sa bienveillance et que, s’il avait encore quelque amitié pour lui, il le suppliait de protéger et d’assister mademoiselle de Fiennes. Monsieur lui a fait réponse qu’à sa considération il aurait soin de la demoiselle, qu’il se consolât, parce qu’il courrait toujours la même fortune que lui. Ledit chevalier coucha à Saint Germain, il n’a pas été à la Bastille, on lui demanda combien il voulait de domestiques, qu’il pouvait prendre ceux qu’il voudrait : il choisit deux de ses gentilshommes et deux valets de chambre. Il partit le vendredi dans son carrosse, où il y a un lieutenant des gardes du corps avec une [p. 395] forte escorte ; il doit aller à Pierre Encise, des autres disent à la citadelle de Montpellier et peut être à Collioure sur les frontières de Catalogne.
Monsieur partit samedi d’ici pour Villers Cotterets avec Madame, suivi de douze carrosses à six chevaux ; ils ont laissé ici Mademoiselle et la maréchale du Plessis auprès d’elle ; la maréchale de Clérembault, qui a été nommé par le Roi pour la gouvernante, se trouvant en Poitou, Monsieur lui a dépêché un courrier pour qu’elle ne vienne pas ; il dépêcha un courrier en Angleterre, et, à ce que l’on dit par Paris, un autre en Piémont, ce que je ne crois pas. Le maréchal du Plessis, comme officier de la Couronne et peut être pour voir s’il trouverait jour à quelque accommodement, demanda au Roi congé de suivre son maître, qui lui répliqua : « Eh quoi ! Monsieur partir ? » Le maréchal répliqua que oui. Sa Majesté lui répondit : « Qu’il aille, et vous le pouvez suivre ».
Quoiqu’en apparence l’affaire des abbayes soit la cause de cette querelle ci aussi bien que la fermeté et résolution de Monsieur, on dit que le roi d’Angleterre avait prié Sa Majesté Très Chrétienne [p. 396] d’ôter d’auprès de Monsieur le chevalier de Lorraine, qu’il était cause des mauvais traitements que recevait sa sœur, à moins de quoi il serait obligé de la retirer à Londres.
Le Roi a paru fort chagrin et triste depuis cette affaire, quoiqu’il affecte le contraire, puisqu’il continue à faire des loteries et que demain on dansera le ballet ; néanmoins, il appréhende des brouilleries et qu’il ne se forme quelque parti en faveur de Monsieur, car, dans le fond, si la chose ne s’accommode bientôt, Monsieur s’ennuiera à Villers Cotterets, son dépit et sa rage augmenteront, et il se trouvera forcé à accepter des partis qu’on ne manquera pas de lui offrir du dehors. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, donnant des nouvelles de la cour à Saint-Germain-en-Laye

« A Paris, le 26 février 1670
Je fis savoir par le dernier courrier à Votre Altesse royale que l’on conjecturait le retour de Monsieur à la Cour sur les négociations que la princesse palatine était allée faire à Villers Cotterets. On ne s’était pas trompé car soudain qu’elle fut revenue vendredi au soir, elle fit une dépêche à Saint Germain qui obligea le Roi d’envoyer samedi M. Colbert à Monsieur lui dire qu’il souhaitait le voir, à quoi il se soumit d’abord. Lui et Madame vinrent ici lundi et, le même jour, ils allèrent voir le Roi, qui les reçut très bien et qui les a fait loger dans son grand appartement, parce qu’ils avaient fait démeubler le [p. 402] leur au château neuf. On assure qu’on a envoyé les ordres pour la liberté du chevalier de Lorraine, moyennant qu’il aille faire séjour pour quelque temps à Rome ou à Malte. Le Roi lui donnera dix mille écus de pension, et les abbayes qui avaient fait la cause de son malheur à l’abbé d’Harcourt, son frère. Ainsi voilà une affaire accommodée selon la volonté de Sa Majesté, comme il est très juste.
Le Roi et Madame se sont écrit durant qu’elle a été éloignée de lui. Sa Majesté la raillant sur les ennuis qu’elle devait avoir à la campagne, elle lui fit réponse qu’elle étudiait l’italien, mais qu’elle le priait de ne pas la laisser aller jusqu’au latin, et lui demandait des nouvelles des loteries de Saint Germain, ce qui donna lieu au Roi de lui envoyer quatre cassettes fort riches, feignant que c’étaient des lots qui lui étaient échus par hasard, dans lesquelles il y avait quatre billets de cinq cents louis chacun, quantité de bijoux enrichis de pierreries et entre autres une paire de souliers de campagne propres à se promener par le parc de Villers Cotterets, dont les boucles valent mille louis. On fait monter ce présent à [p. 403] 200000 livres ; on m’a dit néanmoins qu’il en faut rabattre une partie.
Le Roi se trouva hier matin mal des vapeurs, il fut nécessité de se mettre au lit et à prendre des pilules. C’est un effet du dégel. J’y ai envoyé un de mes fils pour en savoir des nouvelles, n’ayant pu y aller pour avoir un peu de fluxion sur un œil. Je ne sais si les fréquentes attaques d’un mal si fâcheux ne feront point changer sa Majesté la résolution qu’Elle avait formée de partir le quatorzième du mois d’avril pour la Flandre, les ordres ayant été donnés pour cela, et les magasins qui faits pour les fourrages nécessaires aux troupes doivent l’escorter, que l’on fait monter à 10000 chevaux. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, donnant des nouvelles de la cour à Saint-Germain-en-Laye

« Paris, le 12 février 1672
[…]
[p. 210] Je vis à Saint Germain M. le marquis de Louvois. Je le remerciai, de la part de Votre Altesse royale, de la manière obligeante dont il en avait agi pour ses intérêts et envers moi durant qu’il a eu la direction des affaires étrangères. […]
[p. 245] Un homme qui peut savoir des nouvelles m’assura hier que le Roi a commandé de nouveau au marquis de Villars de faire expliquer la reine d’Espagne, que néanmoins il veut passer le Rhin, [p. 246] qu’il fait faire son équipage, qu’il partira au mois d’avril et que les ministres suivront.
Il n’a pas encore nommé de chancelier ni de garde des sceaux. On croit qu’il n’en fera pas. Il tint lui-même les sceaux samedi et lundi dernier, ce qui dura plus de huit heures en ces deux jours. Il y a dans la chambre, préparée exprès, une longue table ; il est assis au dessus dans un fauteuil, six conseillers d’Etat aux deux côtés, assis sur des pliants et couverts, et qui ôtent leurs chapeaux quand ils rapportent des grâces ou des lettres. Il y a les audienciers et officiers des sceaux. Le Roi opine plus juste qu’aucun des officiers de justice qui sont présents. Il fait apporter de son cabinet par son premier valet de chambre le coffre où sont les sceaux et tire la clef de sa poche pour l’ouvrir. Il a résolu de tenir lesdits sceaux toutes les semaines, il veut connaître les abus qui s’y peuvent commettre pour y remédier, avant que de les remettre à un homme particulier. Bien des gens de qualité y assistèrent ; la Reine même y alla, la grâce du sieur de La Rochecourbon [p. 247] en main ; le Roi dit que la suppliante était d’assez bonne maison pour la lui accorder.
Il retirera auprès de M. le Dauphin les jeunes princes de Conti. Ils mangeront avec lui et n’auront pour gouverneur et précepteurs que ceux de M. le Dauphin. Il a pris le deuil de la princesse de Conti et toute la Cour. Nous avons suivi cet exemple pour nos personnes, mais ce sera pour peu de temps.
L’ambassadeur de Hollande continue ici son séjour. Il voudrait donner des jalousies aux alliés et leur faire croire qu’il traite ici d’accommodement, mais on s’en moque. »

Mention dans le registre paroissial de la célébration d’un Te Deum en présence du roi dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye

« Le 2e jour de mars 1649, fut solemnellement chanté dans la chapelle du viel chasteau, M. l’evesque d’Aire y officiant pontificalement, le Te Deum etc. avec les autres prieres en action de graces à Dieu de la paix faicte et arrestée entre l’Empereur et le Roy, où estoient assistants et presents Sa Majesté, accompagnée de la Reyne regente sa mere, M. le duc d’Orleans, M. le prince de Condé, Son Eminence et plusieurs autres princes, seigneurs, evesques et prelats de l’Eglise, de Mademoiselle, de la princesse de Condé, des ambassadeurs de Portugal, de Venise, de Savoye, du chancelier de France, des secrettaires d’Estat et plusieurs autres seigneurs du conseil et officiers de cette cour. »

Mention du baptême de la fille de Jacques II dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye

« [p. 304] Le Roy et madame ont tenu la princesse d’Angleterre sur les fonts. La ceremonie s’est faite dans la chapelle du vieux chasteau de Saint Germain en Laye, par M. le cardinal de Bouillon, grand aumonier de France. La princesse a esté nommée Louise Marie Elizabeth, qui sont les noms du Roy, de la reine d’Angleterre et de Madame. Sa Majesté vouloit que le nom de Marie fut le premier, parce que c’est ordinairement celuy qui demeure, mais la reine [p. 305] d’Angleterre a fait de si pressantes instances pour engager le Roy à faire que le nom de Louise precedast les deux autres noms, qu’il n’a pu se deffendre d’accorder aux prieres de cette princesse ce qu’elle souhaittoit avec tant d’ardeur. »

Mentions de Saint-Germain-en-Laye dans le journal d’Olivier Le Fèvre d’Ormesson

« [p. 13] [6 mars 1643] Le Roy estoit à Saint Germain, se portant mieux de la maladie qu’il avoit eue pendant sept ou huit jours. Chacun le considere comme un prince usé et qui ne peut encore longtemps subsister. La cour, sur cette pensée, se partage.
[…]
[p. 14] [8 mars 1643] M. de Jouy nous vint voir, qui nous dit qu’il avoit accompagné Monsieur, frere du Roy, à Saint Germain, où le Roy luy avoit fait grand accueil, qu’il s’estoit justifié des bruits que l’on avoit fait courir de [p. 15] luy à Paris, d’avoir voulu briguer la regence et de s’estre ligué avec monsieur le Prince.
[…]
[p. 17] Le jeudi 12 mars, M. de Chaillou de Toisy me vint voir l’après disnée, et me dit que Monsieur, frere du Roy, ayant esté à Saint Germain, chacun l’avoit fuy, que le Roy et la Reyne lui avoient fait un tres mauvais accueil, que M. de Mercoeur, fils aisné de M. de Vendosme, avoit esté tres bien reçu du Roy, que M. de Beaufort et Mme de Vendosme avoient eu permission de le voir du premier jour, et qu’il avoit obtenu le retour de M. de Vendosme d’Angleterre. L’on me dit aussy que Mme de La Vieuville avoit permission de revenir.
[…]
[p. 22] [6 avril 1643] La maladie du Roy divisoit toute la cour : la Royne avoit pour elle la noblesse, MM. de Vendosme et de Beaufort, de Longueville, d’Harcourt, les marechaux de La Force, de Chastillon, etc. Monsieur, frere du Roy, avoit de sa part quelques personnes qui s’estoient declarées pour luy contre la Reyne, scavoir le premier president, les presidens de Maiso,s et de Nesmond, et le procureur general. M. le Prince, de son costé, faisoit sa brigue. Il me dit encore que le jour du vendredy saint, le cardinal Mazarin s’estant levé pour aller à l’adoration de la croix apres la Reyne, le duc de Beaufort se leva aussy, [p. 23] mais il yt arresté par la Reyne, qui le retint et fit que le Mazarin y allest, et M. de Beaufort n’y fut point.
La maladie du Roy arrestoit toutes choses, en ce que les ministres ne vouloient rien resoudre sans luy, et ainsy que l’on ne pouvoit donner tous les ordres necessaires pour faire avancer les troupes ; les ennemis faisoient leurs assemblées au Quesnoy.
Le Roy est reduit au lait de vache, qu’il a bien digeré pour la premiere fois ; il a un flux epatique, et par l’avis de M. Juif, qui assista hier à une grande consultation, il est malaisé qu’il en rechappe.
[…]
[p. 26] [16 avril 1643] L’après disnée, je fus à Amboille et revins le dimanche au soir. A mon retour, j’appris comme le Roy, se sentant desfaillir, avoit fait sceller des lettres patentes par lesquelles il declaroit la Reyne regente, Monsieur lieutenant general du royaume, M. le Prince chef du conseil, et avoit nommé ceux qu’il desiroit composer le conseil.
Le lundy matin, M. Pichotel me vint dire les nouvelles, qui estoient la declaration pour la regence, que messieurs du parlement estoient mandés à Saint Germain, que M. d’Emery seroit secretaire d’Estat au lieu de M. Le Tellier, à qui l’on donneroit la charge de lieutenant civil, qu’on luy venoit de dire que le Roy estoit mort, que M. le grand maistre estoit arresté prisonnier. Je fus disner chez Mme de Fourcy, où j’appris les mesmes nouvelles, et tout le monde dans Paris croyoit le Roy mort, et l’on ne tesmoignoit pas grande douleur. Le bruit de la mort du Roy avoit couru sur ce que, le matin, il avoit eu une grande foiblesse et on l’avoit cru mort. Pour M. le grand maistre, ayant eu peur que MM. de Vendosme n’entreprissent contre luy, il avoit envoyé, en diligence, un valet de chambre à Paris avertir ses amis et serviteurs de le venir trouver, et de fait il revint accompagné [p. 27] de trente ou quarante gentilshommes. M. Pichotel me dit que l’on avoit nommé MM. d’Aligre et Bignon, conseillers d’Estat, pour faire l’inventaire des biens de M. le cardinal, et que le lendemain de la disgrace de M. de Noyers l’on avoit fait porter à l’epargne quatorze cent mille livres qui estoient chez M. de Mauroy, appartenant à la succession de M. le cardinal, et que M. de Mauroy en avoit donné l’avis.
Le soir, apres souper, M. de Breteuil, conseiller de la cour et commissaire en la premiere chambre des requestes du Palais, nous vint voir et nous dit comme ils avoient reçu au parlement, sur les huit heures, une lettre de cachet qui leur ordonnoit d’envoyer des deputés à Saint Germain sur les deux heures, qu’il avoit esté deputé de sa chambre avec M. de Machault, qu’il y avoit eu contestation dans les Enquestes entre les presidens et les conseillers sur ce que la lettre de cachet ne demandoit que deux conseillers de chaque chambre, neantmoins il y avoit eu beaucoup de presidens parmi les deputés, qui tous ensemble s’estoient rendus à Saint Germain sur les deux heures, et estant descendus dans le chasteau neuf avoient esté conduits dans une chambre proche celle du Roy, où M. le chancelier les estoit venu trouver avec un visage fort gai, tenant la declaration du Roy pour la regence en sa main, et leur ayant dit que le Roy les avoit mandés pour leur dire de bouche sa volonté sur la declaration de la regence, il leur fit voir comme le Roy avoit escrit de sa propre main ces mot : comme estant ma tres expresse et derniere volonté, et signé Louis, par la Reyne, Anne, et par Monsieur, Gaston, et par trois secretaires d’Estat, Phelypeaux, Bouthillier, Guenegaud ; qu’incontinent ils avoient esté introduits dans la chambre du Roy, qui estoit tout etendu sur son lit, dont les rideaux estoient levés des trois costés, la Reyne assise au pied du lit, ayant M. le Dauphin devant elle, Monsieur debout aupres, et M. le Prince à la ruelle ; au chevet du lit, le cardinal Mazarin, et aupres de luy M. le chancelier, le reste de la chambre plein de princes et seigneurs ; et s’estant tous avancés autour du lit, et le Roy ayant demandé si tous ces messieurs estaient là, il leur dit avec une voix forte et facile qu’il les avoit mandés [p. 28] pour leur dire que, Dieu l’ayant affligé de plusieurs et grandes maladies, il avoit resolu de donner ordre au gouvernement de son royaume au cas que ce fust le plaisir de Dieu de disposer de sa vie, qu’il avoit fait une declaration que son frere (regardant Monsieur) leur porteroit demain avec M. le chancelier, qu’il leur commandoit de la verifier et de luy rendre en cela et en tout l’obeissance qu’ils luy devoient ; et puis, ayant cessé, il repris que pour les exilés de leur corps, il leur pardonnoit de bon cœur et trouvoit bon qu’ils le vinssent servir dans le parlement. M. le premier president luy ayant fait un petit compliment, ils s’estoient retirés avec M. le chancelier, et, ayant commencé à concerter de l’ordre des seances, M. le chancelier leur avoit tesmoigné que Monsieur desiroit prendre place entre luy et M. le premier president. A quoy ayant esté repliqué que l’ordre estoit que Monsieur prist la place ordinaire sur le banc des conseillers, conforme à la seance observée pour le duc d’Anjou, frere de Charles IX, estant venu au parlement pour la verification des lettres patentes pour sa lieutenance en 1567, M. le chancelier en demeura d’accord.
[…]
[p. 33] Le jeudy 23, […] je scus d’un parente de madame de Fourcy, qui revenoit de Saint Germain, que le Roy avoit reçu l’extresme onction sur le onze heures, et qu’il s’affoiblissoit et de voix diminuoit [p. 34] extresmement, que c’estoit une consternation estrange dans Saint Germain. […]
Le vendredi 24 avril, […] l’on disoit que le Roy se portoit mieux. Apres souper, vint un homme de la part de M. de Chezieres, frere de M. de Collanges, qui revenoit de Saint Germain, nous dire que le Roy se portoit bien mieux, avoit dormi, estoit sans fievre, avoit changé de lit, s’estoit fait nettoyer les dents et peindre la barbe, et qu’on en esperoit bien.
Le lundy 27 avril au matin, je fus voir M. de Nivion, qui me dit que M. de Montbazon luy venoit de mander que le Roy estoit bien mal.
[…]
[p. 35] Le mardy 28 avril, je fus avec mon père chez M. le chancelier, où j’appris que le Roy estoit tres mal, que M. le surintendant venoit d’entrer et conferoit avec M. le chancelier, qui monta incontinent en carrosse pour aller tenir le conseil, et M. le surintendant pour aller à Saint Germain.
Le jeudy 30 avril, M. des Ouches, gentilhomme chez Monsieur, vint voir mon père, et nous dit que le Roy se portoit bien mieux, que les medecins en avoient bonne opinion, et que Monsieur estoit monté à cheval pour s’en aller rejouir, que le Roy montroit une telle resolution à la mort qu’il ne souhaitoit pas de guerir et qu’il estoit admirable de l’en entendre parler ; que dans ses bonnes heures, il railloit et avoit dit à Monsieur que le jour qu’il reçut l’extresme onction, il avoit pensé eclater de rire, entendant un prestre commencer une antienne d’un mauvais ton, que la Reyne et Monsieur estoient en tres bonne intelligence et le seroient toujours, outre leurs interests communs, y ayant de l’inclination.
Apres je fus voir M. Briçonnet, qui me dit qu’il avoit esté le jour precedent à Saint Germain, que le Roy se portoit un peu mieux, mais avec si peu de changement que l’on n’en pouvoit rien dire : la cour estoit telle que l’on ne pouvoit plus s’y tourner, M. de Bassompierre plus poli que jamais, que l’on vouloit tirer la demission de M. de La meilleraye de sa lieutenance de Roy en Bretagne au profit de M. de Gesvres, et ce sous pretexte qu’il en avoit le gouvernement.
[…]
[p. 37] Le samedy 2 mai, […] arriva un courrier de Saint Germain qui dit que le Roy se portoit mieux et avoit assez bien dormi la nuit.
[…]
[p. 38] Le lundy, M. de Saint Poange nous dit comme M. Le Tellier estoit arrivé et aussytost allé à Saint Germain, mais qu’il n’avoit point de nouvelles qu’il eust encore presté le serment ; il ne doit avoir qu’une commission de six mois. […] Pour la santé du Roy, elle diminuoit en ce qu’il n’y avoit aucun mandement ; mais sa resolution estoit telle qu’il ne souhaitoit avoir assez de santé pour pouvoir, de son vivant, donner la paix à la France. […]
Le mardy matin, […] j’allai avec mon père disner chez M. de Leon. M. d’Emery y vint apres, qui nous dit que le Roy se portoit bien mieux, que M. Bouvard, premier medecin, en esperoit beaucoup et avoit fait renvoyer les autres medecins, esperant qu’il pourroit gouverner la maladie du Roy sans assistance. Il nous dit que M. Le Tellier avoit fait le matin le serment, entre les mains du Roy, de la commission de secretaire d’Estat pour six mois, que le Roy y avoit à peine consenti, disant que, pour exercer la commission, [p. 39] M. Le Roy, premier commis, suffisoit, que M. Le tellier vouloit donner cent mille ecus de la demission de M. de Noyers et qu’il n’en voudroit point pour ce prix.
[…]
Le mercredy 6 mai, au conseil des finances, où estoit M. le Prince. Pendant le conseil, il reçut nouvelles de Saint Germain, en dit seulement un mort à M. le chancelier et au surintendant, ce qui faisoit juger qu’elles n’estoient pas bonnes. Neantmoins, tout le monde disoit que le Roy se portoit bien mieux. […]
Le vendredy 8 mai, conseil des parties. M. le chancelier estoit revenu la veille de Saint Germain. La maladie du Roy estoit en mesme estat.
[…]
[p. 40] Le lundy au soir, 11 mai, M. de Collanges nous dit que le Roy estoit tres mal : les oses luis perçoient la peau et il estoit si foible qu’il ne pouvoit lever la teste ; il le savoit de M. Mercier, qui venoit de Saint Germain avec M. d’Angoulesme.
[…]
Le jeudy 14 mai, feste de l’Ascension, j’allais aux Minimes entretenir mon frere. Au sortir, je trouvai un de MM. de Collanges, appelé Saint Aubin, qui me dit que l’abbé de Fiesque luy venoit de dire que [p. 41] le Roy estoit mort ce matin à huit heures et que la Reyne reviendroit l’apres disnee. Au retout des Minimes, M. de Langlé me dit la mesme chose. Pendant le disner, nous envoyasmes un laquais chez M. de Malbranche, dans le faubourg Saint Honoré, pour avoir une chambre sur la rue pour voir entrer la Reyne. Nous y fusmes incontinent apres le disner. Nous rencontrasmes l’autre de Collanges, appelé Chezieres, qui revenoit de Saint Germain ; il nous dit que le Roy n’estt point mort. Nous ne laissasmes pas de nous placer dans nostre chambre. Nous estions mon frere, ma femme, sa demoiselle et moy. Jamais il ne se vit un si grand concours de peuple et de carrosses pour sortir la porte. Nous passasmes là l’apres disnée, où l’on nous fit la collation. Nous vismes Le Nostre des Tuilleries, que nous fismes monter avec nous. Sur le soir, passa Monsieur. Le comte de Bruslon nous dit que le Roy avoit esté le matin trois heures en foiblesse telle qu’on l’avoit cru mort, mais qu’il n’estoit mort qu’à deux heures et que la Reyne ne viendroit que le lendemain. Apres ce nous revinsmes par le quai du Louvre, qui estoit gardé par six ou sept compagnies du regiment des gardes.
Tout le monde publioit la mort pieuse du Roy, ses sentimens, sa connoissance. Vingt quatre heures avant que de mourir, il avoit conjuré la Reyne et Monsieur de vivre en bonne intelligence pour l’honneur de Dieu, leur interest chacun en particulier, l’interest de son fils, l’interest de toute la France ; il fit sur la mort des remarques admirables. Il est mort le jeudy, jour de l’Ascension de Nostre Seigneur, apres avoir regné trente trois ans entiers, à deux heures pres. Il n’a jamais eu de contentement en sa vie, qui a toujours esté traversée ; il a fait de grandes choses, mais sous la conduite de ses favoris, particulierement sous celle du cardinal qui, pendant vingt ans, ne luy a jamais fait faire les choses que par la contrainte, de sorte que, pendant sa maladie, il disoit que les peines et contraintes que le cardinal avoit faites sur son esprit l’avoient reduit en l’estat où il estoit.
Le vendredy 15 mai, nous allasmes, mon frere, ma femme, mademoiselle Anne Tillier et moy, des neuf heures du matin, dans nostre [p. 42] mesme chambre, qui appartenoit à une Mme Grandjuge, femme d’un lieutenant suisse, et dependoit de la maison de M. de Malbranche. Nous y demeurasmes jusques à cinq heures du soir, que passa la Reyne. Jamais tant de carrosses et tant de peuple ne sortirent de Paris. A onze heures, les seigneurs qui revenoient de Saint Germain commencerent à passer, qui à cheval, qui en carrosse. Jamais l’on ne vit tant de carrosses à six chevaux et chariots de bagage. M. le Prince passa sur les onze heures avec une troupe de vingt cinq chevaux, presque toujours teste nue. Sur le soir, M. de Bruslon passa, qui se vint mettre avec nous et nous dit que toute les troupes s’estoient mises en bataille dans la garenne de Saint Germain, en attendant la Reyne, qui y avoit esté accompagnée de tous les princes et seigneurs à cheval, et puis avoient tous pris les devans, que cela avoit esté fort beau à voir. Sur les trois heures et demie passerent M. de Montbazon, le president Boulanger, prevost des marechaux, et ensuite tous les officiers de la ville à cheval pour aller recevoir le Roy à la porte et luy faire harangue.
Sur les quatre heures commencerent à passer les premieres troupes, scavoir la moitié du regiment des gardes françoises, les officiers estoient à la teste de leurs compagnies, apres moitié du regiment des gardes suisses, à la teste estoit M. de La Chastre, leur colonel, et apres leurs officiers ; marchoient ensuite les mousquetaires à cheval, conduits par M. de Treville, leur lieutenant, apres les chevau legers, conduits par le marechal de Schomberg, leur lieutenant. Venoit ensuite le carrosse des ecuyers de la Reyne, puis marchoient à pied les gardes de la porte, les gardes du corps françois et les cent suisses. Apres estoient le carrosse ; la Reyne estoit sur le devant, avoit le Roy à sa droite et Monsieur à sa gauche. M. le duc d’Orleans, leur oncle, estoit seul à la portiere du costé de Monsieur. Mesdames de [p. 43] Lansac et de Brassac estoient à l’autre portiere. Madame la Princesse estoit au fond. Le carrosse estoit entouré de valets de pied du Roy. Derriere estoient à cheval trois capitaines des gardes, et le duc de Saint Simon qui, comme premier ecuyer, portoit la petite epée du Roy suivoient les gens d’armes et puis le carrosse des filles de la Reyne, apres l’autre moitié du regiment françois, et puis l’autre moitié du regiment des suisses. Apres estoit le carrosse de madame la Princesse, le petite carrosse du feu Roy avec les six chevaux isabelles que je luy avois vu mener, et puis le carrosse des femmes de chambre. C’estoit une tres grande acclamation de Vive le Roy ! lorsqu’il passoit. Il tesmoignoit une tres grande joie de voir tou ce peuple, et il n’en estoit point etonné, quoyqu’il n’eust point esté à Paris. Je ne le vis point, mais seulement Monsieur, qui est le plus beau prince qui se puisse voir. Tout le monde estoit amoureux de voir ces deux princes et ils disputoient ensemble à qui estoit le plus beau. Ils allerent descendre au Louvre et la Reyne manda à messieurs du parlement qu’ils eussent à différer jusques au lendemain à la venir saluer, qu’elle vouloit se reposer.
Pour le feu Roy, chacun disoit qu’il estoit mort comme un saint, et le comte de Bruslon m’a dit qu’apres cette grande foiblesse estant revenu, et M. Bouvard s’estant approché pour luy taster le poul, le Roy luy dit : « Bouvard, tu m’as promis de me dire de temps en temps combien j’ai encore à vivre ». Sur quoy Bouvard luy ayant repondu qu’il n’avoit pas encore une heure, il s’ecria : « Ah : la bonne nouvelle ! », demanda de nouveau pardon à tout le monde, et pria Dieu avec une devotion admirable. Il s’estoit confessé à M. de Lisieux trois jours auparavant et en estoit demeuré si satisfait qu’il disoit n’avoir jamais esté plus content. Le lendemain de sa mort, il fut ouvert en presence du duc de Nemours et du marechal de Vitry, deputés à cet effet, estant de l’ordre que l’ouverture se fist en presence d’un prince et d’un officier de la couronne. Il avoit un abces dans le poumon, [p. 44] un dans le mesentere, un dans le foie et un dans le rein ; il avoit les boyaux percés et dans le creux de l’estomac un sac plein de vers. Les uns disant que ce sont les vers qui les ont percés, les autres que c’est du poison. Neantmoins l’on dit que les medecins ont donné certificat comme il n’y avoit pas de poison. Dans le petit ventre, il y avoit une telle corruption que ceux qui l’ouvroient penserent crever.
On laissa aupres du corps un lieutenant avec vingt cinq gardes ; il fut exposé sur un lit de velours rouge, le corps entre deux draps avec une camisole blanche et son bonnet de nuit, sans aucune ceremonie, ainsy qu’il avoit bien desiré ; huit prestres autour de son lit, une croix et deux chandeliers, sans couronne ni sceptre sur son lit. Il doit estre porté lundy à Saint Denys sans ceremonie. Voilà pour humilier les Roys et leur faire connoistre qu’ils meurent comme les autres hommes.
[…]
M. de Beaufort a grande creance aupres de la Reyne, et s’en fait fort valoir, ce qui donne dejà peine. Il eut querelle à Saint Germain apres la mort du Roy avec M. le Prince. La Reyne l’ayant prié de faire retirer tout le monde de sa chambre, estant fort incommodée, il s’adressa à M. le duc d’Orleans, qui, à l’heure mesme, partit, et puis dit tout haut : « Messieurs, retirez vous ». Et M. le Prince luy ayant [p. 45] dit : « De quoy vous meslez vous ? », il repliqua : « D’obeir à la Reyne, estant resolu absolument d’obeir aux commandemens de la Reyne et de Monsieur ». Survint M. de Vendosme, qui pria le Prince d’excuser la promptitude de son fils et trouver bon qu’il lui en fit des excuses. M. le Prince se retira en sa chambre, où M. de Beaufort le fut trouver, puis retourna en sa chambre, où M. le Prince le fut visiter.
[…]
[p. 353] Le mardy 17 juillet [1646], M. l’evesque d’Agoulesme me dit que M. le prince de Galles estoit à Saint Germain.
[…]
[p. 360] Le mardy [21 août], nous partismes de Paris, mon père et moy, pour aller coucher à Sucy, et le lendemain nous arrivasmes à Fontaineblau à deux heures. J’allai au chasteau aussytost avec mon père, où nous vismes le bal que la Reyne donnoit à la reyne d’Angleterre. La reyne d’Angleterre avoit la droite, et parce que le prince de Galles ne s’assit jamais devant sa mere, le Roy se tint debout.
[…]
[p. 362] Le vendredy 7 septembre, M. le duc d’Orleans et M. le cardinal partirent pour venir à Paris. On disoit que c’estoit pour ne pas abandonner Monsieur qu’il ne fust entierement persuadé ; mais, en effet, c’estoit pour aller voir le prince de Galles à Saint Germain.
[…]
[p. 390] Le vendredy 9 aoust [1647], le Roy et la Reyne arriverent à Paris, ayant disné à Saint Germain en Laye, pour visiter la reyne d’Angleterre. Ils revenoient de Dieppe.
[…]
[p. 449] [19 février 1648] Le Roy et la Reyne estoient allés voir cette journée, à Saint Germain, la reyne d’Angleterre. Les uns disoient que le Roy avoit esté mené à Londres, où le parlement lui faisoit son proces, les autres qu’ils luy avoient coupé le col, et declaré sa race indigne de la couronne d’Angleterre.
[…]
[p. 464] Le jeudy 19 mars, au Palais, j’appris que la Reyne avoit tesmoigné grande satisfaction de la soumission du parlement, qu’il y avoit eu un si grand concours de noblesse au Palais Royal, lorsque messieurs du parlement y estoient allés, qu’ils avoient eu toutes les peines du monde d’entrer dans le cabinet. L’apres disnée, je fus voir M. du Bignon, qui me dit la mesme chose et que, lorsqu’ils porterent l’arresté, l’on avoit attendu le retour de Monsieur, de Saint Germain ; qu’ils ne l’avoient presenté qu’à huit heures du soir ; que la Reyne l’avoit reçus sans respondre mot.
[…]
[p. 556] [26 août] Comminges, lieutenant des gardes de la Royne, alla chez M. de Bruxelles, le trouva sortant de table, le pressa de le suivre avec quelques paroles rudes, et l’emmena en pantouffles et en manteau, et ce parce qu’il craignoit la rumeur ; il l’empescha de prendre aucun livre. Le peuple courut apres le carrosse, qui rompit pres du [p. 557] Palais. Là on le menaça du poignard s’il parloit, en disant que l’on en avoit ordre. Comminges fit descendre une damoiselle qui passoit [p. 558] en carrosse, fit monter M. de Buxelles dedans sa voiture et l’emmena vers le Palais Royal. Le peuple qui suivoit fut arresté par les [p. 559] gardes. Au Palais Royal, ils trouverent un autre carrosse avec lequel ils le menerent à Madrid, où ils le firent chasser, et de là à Saint [p. 560] Germain en Laye, d’où il partit le jeudy, et le ramenerent par la France pour le conduire à Sedan.
[…]
[p. 572] Le dimanche 13 septembre, je fus pour aller à la messe du Roy. J’appris de M. Rose que le Roy estoit parti des six heures du matin avec M. le cardinal pour Ruel, que la Reyne iroit l’apres disnée, que M. de La Meilleraye estoit aussy parti. Chacun commençoit à parler comme d’une fuite de Paris.
[…]
[p. 578] [22 septembre] M. le premier president fut obligé d’aller à Saint Germain des l’apres disnée. M. le president de Longueil fut deputé avec deux conseillers pour aller convier les princes. […]
Le mercredy 23 septembre, je fus au parlement, où M. le premier president fit la relation de ce qui s’estoit passé à Saint Germain. Il dit qu’aussytost qu’ils furent arrivés, on les fit entrer dans le cabinet où estoit la Reyne, M. le duc d’Orleans, M. le Prince, M. le prince de Conty, M. le duc de Longueville et M. le chancelier ; qu’ayant tesmoigné à la Reyne les apprehensions qu’avoit données la sortie du Roy si extraordinaire et sans aucune marque de la majesté royale, que les meubles enlevés de toutes les personnes de la cour donnoient sujet de craindre que l’on ne voulust entreprendre quelque chose, que ces inquietudes estoient une marque de la veritable affection que les habitans de Paris avoient pour leur Roy, que le parlement, [p. 579] en ayant connu la consequence, les avoit deputés pour la supplier de vouloir, par sa presence, dissiper toutes ces apprehensions que les ennemis du repos public alloient augmentant et de faire retirer les troupes que l’on disoit s’approcher de Paris.
Sur ce, la Reyne luy avoit dit que les apprehensions de Paris estoient sans aucun fondement, qu’elle avoit donné aux colonels et capitaines toutes les assurances de son affection pour Paris, que la saison avoyt convié le Roy à sorti, que s’il estoit sorti le matin, c’estoit une marque de son impatience quand il alloit aux champs, qu’elle n’estoit sortie que l’apres disnée, avoit esté tout le matin par la ville fort peu accompagnée, pour marquer sa confiance, qu’elle n’avoit aucun ressentiment du passé et qu’elle retourneroit bientost à Paris.
M. le premier president ajouta que M. le duc d’Orleans leur avoit dit ensuite qu’il avoit esté convié par les deputés du parlement de s’y trouver le lendemain, mais qu’il n’iroit pas, ayant appris que les propositions qui s’y faisoient estoient contre le service du Roy et le bien de l’Estat, qu’il n’abandonneroit point la Reyne, que M. le Prince avoit dit la mesme chose et M. le prince de Conty et M. de Longueville.
[…]
[p. 580] L’apres disnée, tout Paris estoit en alarme : l’on avoit enlevé des la veille le petit Monsieur, dans une chaire, et on l’avoit mené à Rueil. Le jour mesme, le Roy et la cour estoient allés à Saint Germain : l’on [p. 581] disoit que c’estoit pour s’enfuir. Chacun voulut faire provision de pain et de blé, dont il y eut grand bruit aux halles. L’on pilla un demy muid de blé aux jesuites. Force gens voulurent enlever leurs meubles, dont il y en eut de pillés, un au marquis de Laigle, l’autre à Mme de Bretonvilliers, où on luy prit huit mille francs. On a dit depuis que celuy dont elle avoit reçu cet argent en avoit esté la cause.
Le jeudy 24 septembre, le parlement s’estant assemblé, l’on dit que M. de Choisy et le chancelier de Rivière demandoient à entrer de la part de M. le duc d’Orleans et de M. le Prince. On les fit entrer et seoir entre les conseillers vis à vis des presidens. Ils presenterent chacun une lettre de la part de leur maistre, avec protestation de service pour la compagnie. Apres lecture faite des deux lettres, par lesquelles les deux princes demandoient des deputés pour entrer en conference à Saint Germain, les envoyés s’estant retirés, la conference fut acceptée par tous, mais quelques uns vouloient qu’elle se fist dans l’hostel de ville. Neantmoins, il passa à aller à Saint Germain.
[…]
[p. 603] Le mercredy 6 janvier [1649], feste des roys, à sept heures, Mme de Sevigny m’envoya dire que le Roy estoit parti la nuit ; jamais nouvelle ne me surprit tant. J’allai chez M. de Lamoignon, où la mesme nouovelle me fut confirmée, que la porte Saint Honoré estoit gardée, et que le peuple avoit forcé le bagage du Roy de rentrer dans le Palais Royal. Je revins donner ordre pour avoir du pain pendant huir jours. La pluspart de la cour se hastoient de partir, mais la pluspart des portes estoient fermées, et personne ne sortoit. L’on pilloit les chariots qui vouloient sortir. Jamais l’estonnement ne fut plus grand : le parlement s’assembla l’apres disnée et donna arrest que les bourgeois se mettroient en armes pour la seureté de la ville, que l’on ne laisseroit sortir personne. Il enjoignit au prevost des marchands de tenir la [p. 604] main pour faire venir des vivres, avec deffense aux gouverneurs des places de recevoir des garnisons. […]
[p. 606] L’Hostel de ville deputa, sans en parler au parlement, les sieurs Fournier et Helyot, eschevins, et les sieurs Barthelemy d’Oinville et [vide], conseillers de ville, pour aller à Saint Germain. Pour nous, maistre des requestes du quartier de janvier, nous envoyasmes Engrand, nostre huissier, pour recevoir les ordres de M. le chancelier et l’assurer que nous les executerions.
Cependant les portes estoient gardès tres exactement, en sorte que le bagage du Roy, ayant voulu sortir fut repoussé dans le Palais Royal. L’estonnement estoit grand, chacun doutant à quoy se resoudre. J’oubliois qu’au parlement l’on avoit arresté d’establir la chambre de police et, à cet effet, mandé aux compagnies d’y deputer pour le lendemain apres disner.
[p. 607] Le vendredy 8 janvier, ayant esté deputé des maistres des requestes, MM. Pinon, Chomel, Tillier et moy, pour assister au parlement, je m’y trouvai de tres bonne heure et remarquai grande consternation. M. le premier president et M. Le Coigneur s’entretenant avec chaleur, le premier president luy disant qu’il avoit esté surpris à la nouvelle de la sortie du Roy, et que sa proposition avoit fait prendre ce party, et qu’il ne scavoit que penser de tout cecy. […]
Apres, ayant esté annoncé que les gens du Roy estoient de retour de Saint Germain, ils furent mandés. M. Talon, suivi de M. le procureur general et de M. Bignon, dit que, suivant les ordres de la compagnie, ils s’estoient mis sur le chemin de Saint Germain, et, passant par la rue Saint Honoré, avoient rencontré une populace assemblée, armée et furieuse, sans ordre ni commandement, et avoient avec peine sorti la porte au peril de leurs personnes ; qu’ayant passé le pont du Pec, estant au haut de la montagne, ils avoient esté arrestés de la part de la Reyne par un gentilhomme qui leur avoit dit qu’elle l’avoit envoyé vers eux pour scavoir s’ils venoient comme particuliers ayant executé les volontés du Roy, que s’ils venoient de la part du [p. 608] parlement parti pour Montargis, ils estoient les bienvenus, mais que s’ils venoient de la part du parlement seant à Paris, ils n’avoient qu’à retourner et que la Reyne leur deffendoit de passer outre.
Sur quoy luy ayant demandé son nom pour scavoir qui leur portoit ce commandement, apres quelques refus, il leur avoit dit enfant qu’il s’appeloit Sanguin, maistre de l’hostel ordinaire du Roy. Apres quoy, luy ayant dit qu’ils ne recevoient de parole de la Reyne que par la bouche de M. le chancelier, qu’ainsy ils ne pouvoient deferer à son commandement ; qu’ils auroient bien souhaité parler à la Reyne, mais qu’au moins ils demandoient à parler à M. le chancelier ; qu’ils avoient enfin obtenu qu’il iroit en faire instance de leur part, mais à condition de ne partir de leur place, où ils avoient attendu un bon quart d’heure ; que ce mesme gentilhomme estoit revenu leur dire que M. le chancelier ne pouvoit parler à eux s’ils ne venoient de la part du parlement obeissant et parti pour Montargis, et qu’ils eussent à s’en retourner sans passer plus avant ; qu’ils luy avoient encore demandé de pouvoir entrer dans le bourg pour y passer la nuit, n’estant pas heure de retourner, estant neuf heures ; qu’il estoit retourné une seconde fois et leur estoit revenu dire qu’ils pouvoient entrer dans le bourg.
Ce qu’ayant fait, ils estoient descendus à la Conciergerie, où M. de Longueil les avoit bien reçus ; que là ils avoient vu M. de Guenegaud, secretaire d’Estat, M. son frere et M. Tubeuf ; qu’ayant fait instance pour parler à M. le chancelier, et la Reyne l’ayant enfin trouvé bon, ils avoient esté introduits dans son cabinet, où luy ayant voulu parler, il avoit d’abord pris la parole, pour leur dire qu’il ne pouvoit les entendre venant de la part du parlement seant à Paris et desobeissant ; que la Reyne estoit fort offensée du mespris qu’ils avoient fait de ses ordres ; qu’ils avoient refusé d’entendre le sieur de Lisle et de recevoir son paquet ; que la reyne vouloit qu’ils y obeissent, et il mit le paquet es mains de M. le procureur general [p. 609] pour le porter à la compagnie (et au mesme temps, M. le procureur general le mit sur le bureau) ; que M. le chancelier leur avoit ensuite tesmoigné que la Reyne n’avoit pu souffrir toutes ces assemblées et qu’au prejudice de sa parole le parlement eust recommencé apres la Saint Martin ; qu’elle vouloit estre obeie. Sur quoy, estant retirés, ils estoient partis la nuit pour estre à l’entrée de l’assemblée de Messieurs ; qu’il pouvoit dire qu’il avoit reconnu une tres grandes consternation sur tous les visages des estranges desseins que l’on avoit pris contre le parlement, s’il n’obeissoit ; que, pour cela, les troupes avançoient de tous costés, commandées par M. le duc d’Orleans et M. le Prince ; qu’il pouvoit assurer qu’à l’heure qu’il parloit Paris estoit bloqué et tous les passages des vivres fermés.
[…]
[p. 614] [9 janvier 1649] M. Fournier dit ensuite qu’ayant esté deputé de l’Hostel de ville, il estoit allé à Saint Germain avec un eschevin et deux conseillers de ville et, ayant esté introduits en suite des deputés de la chambre des Comptes et de la cour des Aydes, ils s’estoient jetés aux pieds du Roy et de la Reyne, et qu’il leur avoit dit que la bonne ville de Paris les avoit deputés pour venir tesmoigner son desplaisir d’avoir perdu la presence de son Roy et de voir tous les preparatifs pour estre assiegée, que cette ville, qui avoit tousjours esté obeissante et fidele, et qui conservoit par son exemple les autres villes du royaume, ne pouvoit s’imaginer pourquoy elle tomboit dans l’indignation de son Roy dans un temps qu’elle ne respiroit que son service, et de voir ses mains armées pour la destruction d’une si belle ville ; qu’ils le supplioient de ne pas vouloir ruiner et perdre une ville que le roy son grand père Henry le Grand avoit ornée et augmentée, qu’ils esperoient que la Reyne, qui, ayant eu l’honneur de donner à la France son Roy et Monsieur son frere, pouvoit estre appelée la mere de l’Estat, ne deschireroit pas ses propres entrailles et ne ruineroit pas le royaume de son fils, qu’elle auroit compassion du miserable estat de la ville, des hospitaux et des communautés de religieuses, qui sont dans une consternation epouvantable, et enfin auroit pitié de son paure peuple, et que ne pouvant mieux exprimer la douleur de Paris que par ses larmes, sa parole luy avoit manqué.
Le sieur Fournier ajouta que la Reyne avoit respondu qu’elle aimoit la bonne ville de Paris, mais qu’elle vouloit estre obeie par le parlement, que c’estoit luy seul qui resistoit à ses volontés, et que, le [p. 616] parlement sortant par une porte, elle rentreroit par l’autre avec toute sorte d’abondance ; qu’ils s’estoient jetés aux pieds de tous les princes pour les prier d’interceder pour eux, mais qu’ils n’avoient pu rien obtenir, et enfin avoient esté obligés de se retirer. […]
[p. 617] L’apres disnée, j’appris que les deputés de la chambre des Comptes et de la cour des Aydes avoient esté bien reçus, à condition qu’ils ne parleroient point du parlement. M. Amelot ayant harangué, et la Reyne luy ayant dit que le parlement estoit dans la desobeissance, il luy repliqua : « C’est luy neantmoins, Madame, qui a conservé la couronne à la maison de Bourbon et qui vous a declaré regente ». La Reyne luy repartit : « Vous dites cela sans ordre de votre compagnie ; elle vous desavouera pour une seconde fois. Vous estes un fat, et, si ce n’estoit la consideration de ceux qui sont avec vous, je vous ferois mettre en prison ». M. le Prince ajouta : « Madame, vous luy faites tort : il faut l’envoyer aux Petites Maisons, c’est un fol ». Pour la chambre des Comptes, la Reyne leur offrit des logemens dans Saint Germain. Ils respondirent qu’ils estoient obligés de retourner à Paris rendre compte à leur compagnie. Je vis M. d’Angoulesme, qui tesmoignoit vouloir estre arbitre et mediateur entre le Roy et le parlement. M. d’Avaux se retira à Saint Germain dans un carrosse des deputés, habillé en maistre des comptes.
[…]
Le mercredy 13 janvier, M. le president Perrot proposa d’assister la reyne d’Angleterre de quelque argent, estant en grande extremité. Chacun l’approuva. Cependant l’affaire mise en deliberation, quelques uns dirent qu’il falloit n’estre pas si facile à donner de l’argent dans la necessité presente. Il fut arresté d’envoyer sans faire eclat le greffier de la cour mettre es mains de son tresorier vingt mille livres [p. 629] pour un mois, et faire excuse sir la compagnie n’avoit pu faire davantage.
[…]
[p. 631] [14 janvier] L’on dit de Saint Germain que la consternation y est tres grande. L’on s’y retranche les vivres, qui sont plus chers qu’à Paris, toute la cour faisant remonstrance à la Reyne de l’estat auquel elle reduit la France par son opiniastreté. L’on dit que M. le duc d’Orleans est observé, et que M. le Prince seul veut soustenir cette affaire et qu’il est furieux, que hors les Allemandes, toutes les troupes promettent de ne se point deffendre contre les Parisiens, que M. de Vitry est arrivé, que l’on a arresté à Saint Germain Bussy Lamet et, en contre [p. 632] echange que M. le prince de Conty a fait arrester l’evesque de Dol, resolu de luy faire pareil traitement que l’on fera à Saint Germain.
[…]
[p. 639] Le vendredy 22 janvier, nous deliberasmes au Palais sur les rapports à nous faits par Herbin que M. le chancelier, le lendemain des Roys, à Saint Germain, luy avoit donné charge de nous avertir d’aller à Saint Germain quand nous pourrions, qu’il en avoit dit autant à M. de Leon, qui avoit dit que, quand M. le chancelier luy escriroit, il demanderoit un passeport. Les uns estoient d’avis de ne rien dire, les autres, dont j’estois, de demander passeport au parlement pour nostre descharge, scachant bien qu’il nous seroit refusé. L’on voulut se lever sans rien conclure ; ceux de mon avis dirent qu’ils vouloient que les avis fussent escrits et les noms, afin de les faire voir [p. 640] un jour à la cour. Cela fit bruit. Enfin chacun revint à nostre avis. Je scus que M. d’Angoulesme, sortant de la ville avec passeport, avoit esté refusé, les gens de M. de Guenegaud, tresorier de l’Espargne, ayant esté reconnus parmy les siens.
[…]
[p. 643] [26 janvier] M. d’Angoulesme partit pour Saint Germain et alla par Corbeil.
[…]
[p. 646] Le dimanche 31 janvier, […] je scus que M. d’Angoulesme avoit esté obligé de passer par Corbeil et n’arrivoit que ce soir à Saint Germain.
[…]
[p. 652] Le samedy 6 fevrier, ayant scu que M. l’archevesque de Toulouse estoit revenu de Saint Germain et avoit attendu cinq heures à la porte pour rentrer, je fus chez luy et vis M. de Montchal, qui me dit comme M. de Toulouse, passant à Saint Cloud, y avoit saluté M. me Prince et M. le cardinal, lequel luy ayant dit : « Eh bien ! Monsieur, nous apportez vous la paix ? » Il luy avoit respondu : « Monsieur, elle est en vos mains, puisque si vous vous vouliez retirer, elle seroit bientost faite ». A quoy M. le cardinal avoit respondu que, s’il ne tenoit qu’à cela pour conserver l’autorité du Roy et donner la paix, il se retireroit tres volontiers ; qu’à Saint Germain il avoit entretenu la Reyne, qui avoit escouté favorablement tout ce qu’il luy avoit dit, avoit beaucoup pleuré et tesmoigné toutes les bonnes dispositions pour un accommodement, et dit que pourvu qu’elle pust conserver l’autorité du Roy son fils, elle aimeroit mieux la douceur que la violence ; qu’il avoit aussy entretenu M. le Prince, qu’il avoit trouvé fort raisonnable, et que, dans tout Saint Germain, la paix estoit souhaitée.
[…]
[p. 670] [18 février] Les gens du Roy entrerent ensuite et M. Talon dit que, suivant les ordres de la compagnie, ils avoient vendredy dernier rendu response au herault, avoient escrit en mesme temps à M. le chancelier pour avoir audience de la Reyne, et à M. Le Tellier pour avoir leur passeport, leur route et l’escorte, et que le sieur Petit, qui accompagnoit le herault, s’estoit chargé de les rendre ; que le dimanche ils avoient escrit une seconde fois par un courrier, ce qui c’estoit trouvé necessaire parce que le sieur Petit n’avoit pas rendu leurs lettres, ainsy qu’ils n’avoient eu leur passeport que le mary au soir ; qu’ils estoient sortis de la ville le mercredy à sept heures du matin, avoient trouvé un trompette du Roy hors la porte, et au couvent des minimes de Nigeon une brigade des gens d’armes de la Reyne commandée par le marechal des logis, et qu’à la dernier porte du bois de Boulogne M. le marechal de Grammont les avoit abordés, s’estoit mis dans leur carrosse, les avoit fait descendre chez luy à Saint Cloud, où s’estant rechauffés un moment, sa compagnie des gardes les avoit conduits à Ruel, où ils avoient trouvé la compagnie des chevaux legers du Roy, qui les avoit escortés jusqu’à Saint Germain. Ils estoient descendus suivant leur ordre chez M. Le Tellier, estoient [p. 671] allés chez M. le chancelier le prier de demander audience pour eux à la Reyne, qui les avoit remis apres disner ; que la Reyne ayant esté à vespres et au sermon, ils n’avoient esté admis à l’audience que sur les sept heures, avoient esté conduits dans le chasteau et avoient passé par la chambre du Roy, qui soupoit, que ses officiers s’estoient mis en haye pour empescher que le Roy ne les vist et qu’ils ne fussent obligés à le saluer ; qu’ils estoient entrés dans la chambre où estoit la Reyne avec son conseil, que l’ayant saluée ils luy avoient dit que vendredy dernier le parlement, estant assemblé à son ordinaire, avoit esté averti qu’il y avoit un herault à la porte Saint Honoré qui demandoit à entrer dans la ville et à parler au parlement, que cette nouveauté l’avoit extresmement surpris, neantmoins que revenu de cet estonnement et ayant fait reflexion sur eux mesmes et consideré que les heraults ne s’envoient qu’aux souverains ou à ceux qui le croient estre (à Dieu en plaise, Madame, qu’ils aient jamais eu cette pensée), et au contraire qu’ils n’avoient autre autorité que celle du Roy et autres sentimens que ceux de ses tres humbles et tres fideles sujets, le parlement avoit cru ne pouvoir entendre ce herault, mais par un sentiment de respect et de soumission et en mesme temps les avoit envoyés devant Sa Majsté pour la supplier de ne les vouloir par traiter autrement que comme ses tres humbles sujets, ainsy qu’ayant refusé le herault ils se presentoient devant elle sans autre armes que leur habit de magistrature et venoient comme ce grand prestre dont il est question dans l’Ecriture qui, pour flechir l’ire de Dieu, ne se servit d’autres armes que de la soumission dessus ses levres et de la confiance dans le cœur ; que de cette manière, ils esperoient flechir la colere de Sa Majesté et reclamer sa bonté pour une compagnie qui n’avoit autres sentimens que de respect et de soumission et n’avoit autre realité qte de ses tres humbles et tres fideles sujets.
[p. 672] Sur quoy, la Reyne ayant dit à M. le chancelier de respondre, il leur avoit dit que la Reyne estoit tres satisfaite des paroles de soumission et de respect du parlement, mais qu’elle souhaitait en voir des effets ; qu’elle avoit tousjours eu bonté pour la compagnie et qu’elle les pouvoit assurer qu’elle ne vouloit de mal à aucun de la compagnie, et qu’elle donnoit seureté entiere toute entiere pour les personnes, pour les biens et pour les charges de qui que ce soit, tant en general qu’en particulier. Ensuite M. le duc d’Orleans et M. le Prince avoient donné les mesmes assurances, et la Reyne leur avoit enjoint de luy faire scavoir la response du parlement.
[…]
[p. 678] [20 février] Les nouvelles estoient publiques qu’à Saint Germain M. le Prince et M. le duc d’Orleans estoient brouillés sur le passeport des gens du Roy, le dernier voulant la paix.
[…]
[p. 680] [22 février] L’on parla d’un rôle de taxes faites à Saint Germain sur presque tous les bourgeois et officiers de Paris à cause de leurs terres à la campagne. L’imprimé estant donné à lire, on lut d’abord un arrest du conseil d’en haut par lequel le Roy, pour la subsistance de son armée, ordonnoit que les maisons de campagne appartenant aux bourgeois de Paris seroient taxées, au payement desquelles taxes les receveurs et fermiers des terres seroient contraints par vente des meubles estant esdites maisons, materiaux d’icelles et coupe des bois de haute futaie. A la suite de cet arrest estoit un role des maisons taxées, dont les deniers seroient reçus par Longuet. le premier article estoit de la terre de Champlastreux et du Plessis appartenant au sieur Molé, cy devant premier president du parlement transferé à Montargis, taxé à 8000 livres ; M. Nicolaï, à cause de Goussainville, taxé de mesme ; M. de Montmort taxé 4000 livres ; les presidens de la cour ensuite taxés à 6000 livres ; les maistres des requestes taxés à 3 et 4000 ; les conseillers à 2000. On les appeloit cy devant conseillers, ils estoient tous nommés sans ordre ; tous les frondeurs y estoient, et beaucoup d’autres. Il y avoit plus de deux cents articles, dont la somme totale se montoit à plus de 500000 livres. Je n’y suis point nommé à cause d’Amboille. Ledit rôle, arresté au conseil d’en haut, estoit signé Guenegaud. […]
[p. 681] Il fut donné arrest de deffences et, en cas que l’on passast outre, l’on useroit de represailles sur les maisons des gens de la cour à Paris. M. le premier president voulant empescher cette deliberation dit que cet imprimé n’avoit esté signifié à personne, et ainsy n’estoit point public. Il demanda qui l’avoit donné ; M. de Blancmesnil dit que c’estoit luy, et que l’on le luy avoit envoyé de Saint Germain. Le premier president repeta : « de Saint Germain, Monsieur ? », le voulant taxer de correspondance. De quoy Blancmesnil s’offensa, et dit qu’il n’avoit point de correspondance à Saint Germain. Le premier president repliqua qu’il ne l’avoit point pensé. […]
L’on arresta encore de deputer vers la reyne d’Angleterre pour se condouloir de la mort du roy d’Angleterre.
[…]
[p. 690] Le samedy 27 février, je fus au Palais pour entendre devant le feu la relation de la deputation du premier president. L’on dit que Brie estoit pris et que Bourgogne, gouverneur, s’estoit retiré dans le chasteau, que nostre convoy avoit bien reussi et que l’on estoit allé querir du blé jusques à sept lieues de Paris dans la France, qu’il en estoit arrivé beaucoup.
Le parlement estant assemblé, où estoient le prince de Conty, MM. d’Elbeuf, de Beaufort, de Luynes, de Brissac, de la Mothe et le coadjuteur, les gens du Roy sont entrés ; M. le premier president dit que, suivant les ordres de la compagnie, estant parti avec MM. les deputés, il avoit trouvé l’escorte dans le Cours de la Reyne, et qu’au [p. 691] dessus de Chaillot ils avoient trouvé M. le marechal de Grammont à la teste de deux escadrons de cavalerie ; il s’estoit mis dans leur carrosse jusques dans Saint Cloud, où ils avoient trouvé une seconde escorte, qui les avoit conduits à Ruel, où ils avoient couché et où M. de Grammont estoit venu les visiter ; que le jeudy, ayant reçu l’ordre pour avoir l’audience à deux heures, ils s’estoient rendus à Saint Germain dans la conciergerie, où M. de Longueil les avoit reçus et traités tres bien, selon son affection et l’honneur qu’il porte à la compagnie. Là ils avoient esté visités des marechaux de Schomberg, de Villeroy et de toutes les personnes de condition, sur le visage desquels ils n’avoient rien remarqué d’ennemis ; que le secretaire d’Estat [de Guenegaud] les estant venus querir pour l’audience, ils avoient passé par plusieurs chambres pleines de monde et avoient esté introduits dans le cabinet, où estoyent la reyne, M. le duc d’Orleans, M. le Prince et autres du conseil (pour ne pas nommer le cardinal, qui y estoit), qu’il avoit dit à la Reyne que le respect qui estoit dû aux roys estoit tellement imprimé dans le cœur du peuple françois, que la marque de l’autorité souveraine estoit imprimée si avant dans l’ame de tous ses officiers qu’ils aimeroient mieux, les uns et les autres, se reconnoistre coupables que de manquer au devoir et à l’obeissance qu’ils luy devoient et luy donner juste sujet de plainte, aussy que ni les uns ni les autres n’avoient pas cru s’en departir lorsqu’ils avoient pris les resolutions auxquelles la necessité de leur propre conservation les avoit obligés, la deffense estant tousjours tres legitime et tres innocente lorsque l’on ne songe qu’à conserver sa vie, et que si dans les resolutions qu’il avoit fallu prendre il avoit esté fait quelque chose au prejudice de l’autorité royale, le prince, par un sage conseil, [p. 692] approuvoit tout ce qui avoit esté fait, connoissant et l’innocence et la sincerité dans les intentions, et ressembloit à ce sage pilote lorsque dans la tempeste il se fait quelque chose ou sans ses ordres ou contre ses ordres mesmes, que l’on a baissé les voiles, pris en main le gouvernail et mesme jeté une partie des marchandises les plus precieuses, tant s’en faut qu’il le trouve mauvais, qu’au contraire il en scait gré et l’approuve, scachant que chascun n’a agi que pour sa propre conservation et tascher de garantir le vaisseau du naufrage, et apres l’orage passé chascun reprend sa fonction et execute les ordres qui luy sont prescrits ; qu’avec cette pensée, il estoit deputé de la part du parlement pour assurer Sa Majesté que si pendant cette tempeste ils avoient fait baisser ou lever les voiles sans ordres, et s’ils avoient mis la main sur le gouvernail, ils estoient prests à retourner à leurs fonctions sytost que Sa Majesté auroit fait cesser cette tempeste, qui estoit capable de faire perir ce grand vaisseau, dans lequel sa fortune estoit enfermée aussy bien que celle de ses sujets, que si cette mesme necessité leur avoit fait recevoir un envoyé de l’archiduc, lire ses lettres et entendre sa creance, ç’avoit esté avec ce respect et cette soumission d’apporter à Sa Majsté la lettre et la creance pour en ordonner ce qu’elle jugeroit utile pour le bien du royaume, pouvant assurer Sa Majesté que le parlement, en cette rencontre, n’a point eu d’autres sentimens que de ses tres humbles et tres obeissans serviteurs et sujets.
A quoy la Reyne avoit respondu de sa bouche, M. le chancelier n’y estant point à cause de son indisposition, qu’elle avoit tousjours eu bonne volonté pour la ville de Paris et leur compagnie, mais [p. 693] qu’elle estoit obligée de conserver l’autorité du Roy son fils et qu’elle feroit tout son possible pour la maintenir, et qu’elle feroit scavoir son intention par escrit.
Eux s’estant retirés et ayant jugé qu’il ne falloit pas se separer en cet estat, ils avoient fait demander à la Reyne si elle trouveroit bon qu’ils eussent l’honneur de parler à M. le duc d’Orleans et à M. le Prince. La Reyne l’ayant permis, ils avoient eu conference avec M. le duc d’Orleans et avec M. le Prince trois heures entieres, où il s’estoit dit tout ce qui se pouvoit de part et d’autre ; que le lendemain ils avoient conferé encore pendant deux heures, et avoient obtenu parole que, pourvu que le parlement voulust deputer pour la conference où les deputés pourroient resoudre ce qu’ils estimeroient à propos, la Reyne accorderoit aussytost un passage pour amener suffisamment de blés pour la subsistance de Paris ; qu’avec cette assurance ils s’estoient separés et que l’on leur avoit donné un papier contenant la responce de la Reyne avec les originaux de deux lettres du comte Pigneranda, du 12 fevrier, par lesquelles il se plaignoit que l’on n’avoit donné au sieur Friquet que des paroles generales, et ce pour monstrer que le dire de l’envoyé de l’archiduc estoit faux par lequel il assuroit que le cardinal Mazarin offroit toutes choses pour avoir la paix. Ayant pris ces deux papiers, ils estoient retournés avec la mesme escorte. M. le premier president ajouta qu’il pouvoit assurer la compagnie qu’il avoit trouvé tous les esprits tres disposés à l’accommodement.
[…]
[p. 700] Le mercredy 3 mars, apres le disner, je scus de M. d’Eaubonne que les gens du Roy estoient venus le matin de Saint Germain et avoient apporté les passeports pour la conference, qui devoit commencer à Ruel le lendemain jeudy à onze heures, que les ordres estoient donnés pour l’ouverture du passage de Corbeil pour cent muids de blé et plus par jour à raison de 12 ivres 10 sous le setier, dont toute la compagnie avoit tesmoigné grande satisfaction.
[…]
[p. 705] Le vendredy 12 mars, Mme de Fourcy nous envoya dire que la paix estoit faite. Cette nouvelle nous fut confirmée de tous costés.
[…]
[p. 711] Le dimanche 14 mars, je scus que le parlement estoit assemblé et que les deputés n’estoient point partis. Je fus le soir chez M. de Petit-Marets qui me dit que M. le premier president, au lieu de recevoir des passeports, avoit reçu une lettre de cachet adressée au parlement sur laquelle il l’avoit assemblée, que par cette lettre le Roy disoit avoir executé le traité de son costé et desiroit que le parlement l’executast du sien, et que les generaux ne pouvoient avoir d’interest particulier sans faire connoistre que le bien public ne leur a servi que de pretexte. […]
A partir de ce soir, du costé de Saint Germain, l’on referma les passages des vivres qui avoient esté ouverts des le vendredy apres disnée.
[…]
[p. 721] Le mardy 16 mars, […] l’apres disnée, les deputés partirent pour aller à Saint Germain.
[…]
[p. 722] Le vendredy 19 mars, la surseance d’armes fut continuée. […] Le matin, je fus chez M. Amelot, qui avoit reçu une lettre de M. le chancelier par laquelle nous etions mandés à Saint Germain.
[…]
[p. 723] Le dimanche 21 mars, je fus à Saint Germain à cheval avec MM. Bernard Rezé et l’abbé du Tremblay. En passant par la porte Saint Honoré, l’officier qui commandoit me dit avoir reçu ordre de M. de Beaufort d’arrester un chariot chargé de hardes accompagné de quatre gardes de M. de Bouillon. Arrivant à Saint Germain, je trouvai les esprits fort estonnés de la declaration des generaux faite le samedy et apportée par le comte de Maure, et de la nouvelle arrivée de l’approche de l’archiduc, qui estoit au Pont à Vere et venoit à La Ferté Million, et, outre ce, de ce que les deputés de Rouen ne venoient point. L’on disoit que le Roy s’en alloit. Je vis M. d’Avaux et M. Le Roy, qui me dirent qu’il se faisoit une negociation secrete avec les generaux. Je vis encore M. le chancelier, M. Haligre, M. de La Meilleraye, et les deputés du parlement, qui retournerent à Ruel et remirent la conference au lendemain, les deputés de Rouen devant arriver, et en effet ils passerent par Saint Germain et allerent coucher à Ruel, ce qui remit les esprits. L’approche de l’archiduc [p. 724] surprenoit de voir qu’il avançast sans estre assuré d’une place et qu’il voulust passer deux rivieres parce que, l’affaire de Paris s’accommodant, son armée estoit ruynée devant que de se pouvoir retirer, d’autant que le colonel d’Erlac s’avançoit avec dix mille hommes de l’armée de M. de Turenne, et en cinq jours de marche devoit estre derriere l’archiduc et luy empescher la retraite, cependant que le mareschal du Plessis l’arrestoit en teste.
Le lundy 22 mars, le bruit augmentoit que le Roy s’en alloit et partiroit la nuit, ce qui m’obligea à revenir pendant que la treve continuoit et qu’il estoit incertain si elle seroit renouvelée. Je vis M. Le Roy, qui me dit que tout iroit bien nonobstant le bruit commun. Je vis aussy les deputés de Paris et de Rouen ensemble, qui s’en alloient à la conference chez M. le chancelier, où estoient pour le Roy MM. le chancelier, les mareschaux de La Meilleraye et de Villeroy, MM. d’Avaux, de La Vrilliere, de Brienne et Le Tellier. Je vis ce matin, devant que partir, M. Le Tellier. Arrivé à Paris, j’appris que l’archiduc avoit offert à M. le prince de Conty de ne pas passer outre, si la Reyne vouloit envoyer des plenipotentiaires pour la paix, de quoy M. le prince de Conty avoit donné avis au parlement, et l’un et l’autre à leurs deputés. La Reyne avoit accepté cette proposition.
[…]
[p. 728] Le jeudy 1er avril, je fus au Palais, qui estoit bien gardé. M. de Lamoignon me dit que tout iroit bien. […] [p. 733] Ainsy finit cette guerre, apres avoir duré douze semaines, contre la pensée de la cour qui ne l’avoit entreprise que dans la pensée qu’elle ne dureroit que huitaine.
[…]
[p. 736] Le mardy 6 avril, les deputés du parlement furent à Saint Germain avec ceux de la chambre des Comptes, qui furent regalés magnifiquement.
Le mercredy 7 avril, la Ville y fut aussy avec les colonels, et puis les corps des marchands, l’université, le grand conseil.
[…]
Le samedy 10 avril, je fus à Saint Germain avec MM. de Lamoignon, Boucherat, Brillac et le marquis de Crenan, lieutenant des chevaux legers de M. le prince de Conty. Là j’appris la disgrace de M. de Roquelaure, renvoyé chez luy pour avoir tesmoigné que, s’il n’eust esté attaché à la cour par sa charge, il eust suivi le parti des princes. L’on me raconta le detail de l’affaire de M. de La Meilleraye, que jeudy, chacun disant qu’il sortoit des finances, Mme d’Aiguillon luy en avoit parlé pour l’y disposer, que le lendemain ses amis l’estant venus voir, et M. de Saint Chamond luy en ayant fait compliment plus ouvert, il avoit dit qu’il n’en avoit point ouy parler, et qu’il attendroit que le Roy luy donnast l’ordre. M. le cardinal le vint voir ensuite, fut deux heures avec luy, et luy protesta qu’il feroittout ce qu’il voudroit, qu’il garderoit sa charge, s’il vouloit, qu’il estoit le maistre ; que M. de La Meilleraye, pour monstrer qu’il vouloit garder sa charge, avoit tenu l’apres disnée direction. Je scus que l’on destinoit pour sa charge ou M. d’Avaux ou M. Servien, ou le president de Maisons. D’autres disoient que l’on n’y mettroit sytost personne, et que les directeurs continueroient. L’on me dit que M. Servien devoit arriver, qu’on luy avoit envoyé trois courriers. La cour paroissoit tres embarrassée. M. le marechal de Grammont demandoit permission d’aller en Bearn ; M. le prince de Conty devoit venir lundy à Saint Germain, et M. le Prince aller mardy voir M. de Longueville [p. 737] à Bouconvilliers, sur le chemin de Rouen. M. le Prince, changeant de methode, caressoit extraordinairement tous les generaux de Paris.
[…]
[t. 2, p. 344] [16 avril 1665] L’entrée du Roy est remise de lundy prochain en huit jours. Il partira [lundy] pour Saint Germain avec toute la cour, et reviendra pour aller au parlement.
[…]
[p. 348] [28 avril] Le mal de la Reyne mere augmente fort. Elle a esté en basteau à Saint Cloud, où elle eut une nuit mauvaise ; le lendemain, en basteau, à Saint Germain, où l’on dit qu’elle est encore plus mal, et l’on craint qu’elle ne dure pas longtemps. Chacun regarde cette perte avec douleur parce que, quoyque la Reyne mere n’ayt pas de credit pour faire plaisir, elle empesche du mal et retient l’union dans la maison royale. J’y perdrai en mon particulier beaucoup par la bonté qu’elle m’a tesmoignée, ayant fait tout ce qu’elle a pu pour m’obliger.
Le mercredy 29 avril, le Roy vint de Saint Germain pour faire verifier au parlement la declaration contre les jansenistes. […] [p. 352] Après, le Roy se leva et parla longtemps à M. le chancelier, et, après, à M. le premier president assez longtemps, et, saluant toute la compagnie civilement en passant, il sortit et alla disner à Versailles, où sa maistresse se devoit rendre de Saint Germain.
[…]
[p. 355] [2 mai] Les divertissemens du Roy continuent, il chasse tous les jours avec sa maistresse. Le mal de la Reyne mere augmente, quoiqu’elle paroisse habillée et fort propre. Toute la suite de la cour s’ennuye fort à Saint Germain, car chacun ne parle que misere. La Reyne est grosse.
[…]
[p. 360] [12 mai] J’appris encore que M. le president de Novion, avec M. le president Tubeuf, s’estant presentés à Saint Germain pour remercier le Roy de l’employ donné à M. Tubeuf le maistre des requestes, ayant trouvé que le Roy venoit d’entrer dans son conseil, un valet de chambre estant entré pour presenter au Roy un mouchoit, il luy dit à l’oreille que M. le president de Novion estoit là. Le Roy, levant la parole, dit : « Voilà qui est plaisant ! M. le president de Novion me fait dire qu’il m’attend. Oh ! qu’il m’attende et ne s’impatiente pas. » Le valet de chambre ayant dit au Roy que c’estoit M. Tubeuf qui luy avoit dit de parler, le Roy reprit encore : « Soit : M. le president Tubeuf ou M. le president de Nivion, cela est esgal, qu’ils m’attendent. » M. Colbert ne parla pas, mais, à la fin du conseil, s’estant approché pour dire au Roy que M. le president de Novion souhaitoit le saluer, il luy dit : « Eh bien ! il me verra chez la Reyne ma mere, ou me parlera en passant ; c’est assez pour luy. »
[…]
[p. 363] Le dimanche 31 mai, M. Boucherat me dit qu’il avoit esté le jour precedent à Saint Germain, où tous Messieurs du conseil avoient esté mandés ; qu’ils trouverent que la Reyne mere estoit fort mal et la cour en larmes ; neantmoins qu’à onze heures ils avoient esté chez le Roy, qui leur avoit dit que, depuis qu’il avoit pris le soin des affaires de son Estat, il avoit commencé par la reformation des finances, et qu’il croyoit y avoit reussi ; qu’il vouloit à present travailler à la reformation [p. 364] de la justice, et comme il connoissoit tous ceux qui estoient dans son conseil pour fort habiles et qui avoient esté dans tous les employs, il les avoit mandés pour leur dire qu’il souhaitoit que chacun d’eux en particulier fist des memoires sur les choses qu’il croiroit estre à reformer, et que, dans trois semaines, ils eussent à tous revenir et d’apporter chacun en particulier ces memoires, afin qu’il examinast et vist ce qui seroit à faire ; qu’aussytost il s’estoit retiré et paroissoit fort touché de l’extremité de la Reyne mere ; que M. le chancelier estoit present et M. Colbert, et qu’ils n’avoient rien dit, et que chacun apres le disner estoit revenu à Paris.
[…]
[p. 367] [6 juin] La Reyne continue à se mieux porter. M. de Mirepoix m’a dit ce matin samedy que, sytost qu’elle pourroit estre transportée, la cour reviendroit. Elle ira au Val de Grace et le Roy au Bois de Vincennes.
[…]
[p. 369] Le dimanche 21 juin, MM. du conseil allerent à Saint Germain porter leurs memoires pour la reformation de la justice. Le Roy les [p. 370] reçut sans leur parler. L’on dit qu’ils doivent estre mis dans huit jours es mains de M. le chancelier.
[…]
[p. 385] Le mardy 11 aoust, toute la cour est revenue de Saint Germain. La Reyne mere a esté transportée au Val de Grace, s’estant trouvée assez forte pour souffrir le transport.
[…]
[p. 441] Le mercredy 27 janvier [1666], je fus avec MM. Boucherat, de Fourcy, de Bermond, de Paris et de Boissy, et avec les autres députés du parlement, à Saint Germain, pour faire les complimens au Roy sur la mort de la Reyne mere. Le carrosse de M. de Montmort le conseiller versa à la montagne. Arrivés à Saint Germain, messieurs du parlement furent dans la chambre qui leur estoit preparée. M. Boucherat et moy montasmes en haut chez le Roy, que nous saluasmes lorsqu’il passoit de sa petite chambre pour entrer dans sa grande chambre et donner ses audiences. Nous estions assez proches de sa chaire, derriere MM. Turenne, de Villeroy, du Lude, Rose, qui s’ouvroient pour nous faire voir. M. le premier président fit fort bien son compliment, le premier president de la chambre des Comptes aussy ; le premier president de la cour des Aydes hesita et se troubla, et apres le president des monnoyes. Les procureurs et avocats generaux font, apres chaque cour, leurs compliments separés. Les complimens finis, M. de Turenne dit au Roy que M. Boucherat estoit là et qu’il estoit des amis de M. le premier president, et le Roy respondit : « Et d’Ormesson, qui est aussy de ses bons amis ».
[p. 442] Je fus apres à la messe du Roy, où estoient la Reyne, M. le Dauphin, Monsieur, et Mlle de La Vallière, que la Reyne a prise aupres d’elle par complaisance pour le Roy. En quoy elle est fort sage. Cette demoiselle ne me parut point belle : elle a les yeux fort beaux et le teint, mais elle est descharnée, les joues cousues, la bouche et les dents laides, le bout du nez gros et le visage fort long. En verité, je fus surpris de la trouver si peu belle. Apres la messe, la Reyne reçut les memes complimens des compagnies

Le Fèvre d’Ormesson, Olivier

Mentions de Saint-Germain-en-Laye dans les mémoires de madame de Motteville

« [p. 32] Apres toutes les persecutions qui furent faites à plusieurs particuliers, le Roi, suivant son naturel, s’abandonna tout entier au pouvoir de son favori. Il se vit reduit à la vie la plus melancolique et la plus miserable du monde, sans suite, sans Cour, sans pouvoir, et par consequent sans plaisir et sans honneur. Ainsi se sont passées quelques années de sa vie à Saint Germain, où il vivoit comme un particulier, et pendant que ses armées prenoient des villes et gagnoient des batailles, il s’amusoit à prendre des oiseaux. Ce prince etoit malheureux de toutes les manieres, car il n’aimoit point la Reine et avoit pour elle de la froideur, et il etoit le martyr de madame de Hautefort, qu’il aimoit malgré lui et qu’il ne pouvoit se resoudre de chasser de la Cour, l’accusant de se moquer de lui avec la Reine. […] Enfin, lassé de tant souffrir, il chassa, comme je l’ai déjà dit, mademoiselle de Hautefort, et son inclination se tourna vers un objet nouveau dont la beauté brune n’etoit pas si eclatante, mais qui, avec de beaux traits de visage et beaucoup d’agremens, avoit aussi de la douceur et de la fermeté dans l’esprit. La Fayette, fille d’honneur de la Reine, aimable et fiere tout ensemble, fut celle qu’il aima. […] [p. 33] Madame de Hautefort ne fut pas fachée de sa retraite : elle n’avoit pas de honte qu’on la crut sa rivale ; et il n’y avoit point de prude qui n’aspirat à la gloire d’etre aimée du Roi comme l’etoit La Fayette, tout le monde etant persuadé que la passion qu’elle avoit pour lui n’etoit point incompatible avec sa vertu. Quand elle se separa de lui, elle lui parla longtemps devant tout le monde chez la Reine, où elle monta aussitot apres avoir eu son congé. Il ne parut aucune alteration sur son visage : elle eut la force de ne pas donner une de ses larmes à celles que ce prince repandit publiquement. Apres l’avoir quitté, elle prit congé de la Reine, qui ne la pouvoit aimer ; ce qu’elle fit avec cette douceur et cette satisfaction que doit avoir une chretienne qui cherche Dieu, et qui ne veut plus aimer que lui sur la terre, et ne desire que l’eternité. Elle ne fit pas neanmoins toutes ces choses sans beaucoup souffrir. J’ai su depuis de la comtesse de Flex, fille de la marquise de Senecé, et par consequent parente de La Fayette, qu’au sortir de la chambre du Roi, où elle avoit dit adieu à ce prince, elle descendit dans son appartement dont les fenetres donnoient sur la cour du chateau, et que cette aimable et vertueuse fille ayant entendu le carrosse du Roi, qu’il avoit fait venir pour dissiper le chagrin où il etoit, pressée de la tendresse qu’elle avoit pour lui, elle courut le voir au travers des vitres. Quand il fut entré, et qu’elle l’eut vu partir, elle se trouva vers la comtesse de Flex, qui etoit encore fille, et lui dit, touchée de douleur : « Helas ! je ne le verrai plus ».
[…]
[p. 45] [1643] Le lendemain de la mort du roi Louis XIII, le roi Louis XIV, la Reine, Monsieur, duc d’Anjou, le duc d’Orleans et le prince de Condé partirent de Saint Germain pour venir à Paris, et le corps du feu Roi demeura seul à Saint Germain, sans autre presse que celle du peuple, qui courut le voir par curiosité plutot que par tendresse. Le duc de Vendome y resta pour faire les honneurs, et le marquis de Souvré, gentilhomme de la chambre en année, pour y faire sa charge. De tant de gens de qualité qui lui avoient faire la cour la veille, personne ne demeura pour rendre ses devoirs à sa memoire : tous coururent à la regente.
Pendant les derniers jours de la maladie du feu Roi, le duc d’Orleans et le prince de Condé se regarderent avec defiance l’un de l’autre. On vit beaucoup de visages nouveaux, et chacun avoit plus de suite qu’à l’ordinaire. La Reine ne manqua pas de faire doubler ses gardes, et de prendre ses precautions contre les princes du sang, quoique ses soupçons fussent mal fondés.
[…]
[p. 84] [1644] La reine d’Angleterre vint à Paris à peu pres dans ce meme temps. Il y avoit trois ou quatre mois qu’elle etoit à Bourbon. La Reine la fut recevoir avec le Roi et le duc d’Anjou, le veritable Monsieur, jusque hors de la ville. Ces deux grandes princesses s’embrasserent avec tendresse et amitié, et se firent mille compliments qui ne tenoient rien du compliment. On la mena loger au Louvre, qui pour lors etoit abandonné, et pour maison de campagne on lui donna Saint Germain. Comme les affaires du Roi etoient en bon etat, et que la guerre n’avoit point encore ruiné les finances royales, on lui donna ensuite une pension de dix ou douze mille ecus par mois, et en toutes choses elle eut grand sujet de se louer de la Reine.
[…]
[p. 162] [1648] Le 3 juin, la Reine alla visiter la reine d’Angleterre, qui, de Saint Germain, etoit venue à Paris passer quinze jours en intention de gagner le jubilé.
[…]
[p. 200] Le 12 de septembre, […] la Reine dit tout haut qu’elle vouloit aller faire un petit voyage à Ruel, seulement pour faire nettoyer le Palais Royal, qui avoit besoin d’etre purifié. Le peuple avoit montré tant d’aversion à laisser sortir le Roi de Paris qu’on avoit cru cette apparente promenade trop difficile à faire pour oser la publier beaucoup de temps avant l’execution. Le cardinal, contre qui le peuple avoit vomi tant d’imprecations, etoit reduit à cette extremité de ne pouvoir sortir de la maison du Roi. Il craignoit toujours les suites de la rebellion, qui lui pouvoient estre pernicieuses. La Reine ne laissoit pas de sortir, mais la mauvaise disposition des esprits lui donnoit lieu de craindre toutes choses. Ainsi l’air de la campagne, qui semble annoncer la liberté et l’innocence, etoit un preservatif necessaire contre la corruption des ames, comme il le devoit aussi etre des corps. La saleté du Palais Royal fut donc un pretexte plausible pour mettre fin à certains desseins qui etoient enfermés dans le cœur du ministre, et qui etoient assez de consequence pour l’obliger à prendre toutes les precautions necessaires pour les bien executer.
Le lendemain 13 de septembre, sans en faire plus de bruit que le discours que la Reine avoit fait de ce voyage le jour precedent, le Roi, accompagné du cardinal Mazarin, de peu de personnes et de peu de gardes, partit à six heures du matin ; et, par cette promptitude, il ota au [p. 201] parlement et aux bourgeois le moyen de s’opposer à son dessein. La Reine seule demeura comme la plus vaillante pour favoriser cette retraite ; et comme son confesseur etoit malade, elle voulut aller le trouver aux Cordeliers pour se confesser, et dire adieu à ces bonnes filles du Val de Grace, qu’elle honoroit d’une tres particuliere amitié. […]
[p. 207] Les affaires etant en l’etat où elles etoient, la Reine se resolut de tirer Monsieur de Paris, où il etoit resté malade de sa petite verole ; mais pour attraper les Parisiens, qui etoient tous ravis d’avoir ce precieux gage entre leurs mains, elle donna ordre à Beringhen, premier ecuyer, d’aller modestement faire cette conquete sur eux. Il part de Ruel et vient à Paris, comme tous ceux de la Cour y venoient tous les jours. Etant arrivé, il prend un carrosse à deux chevaux, et va au Palais Royal faire visite à ce petit prince. Il le prit entre ses bras, le cacha dans le derriere de son carrosse, et le mena jusqu’à Longchamp. Il le mit ensuite dans un bateau pour le passer à l’autre bord de la riviere, où un carrosse du Roi l’attendoit, qui le mena à Boisenval, proche de Ruel. La Reine alla le voir le lendemain, et le ramena avec elle aupres du Roi, avec intention de changer bientôt de demeure, et d’aller à Saint Germain où la Cour se trouveroit separée de Paris par trois bras de riviere, et dans une assez raisonnable distance pour pouvoir travailler plus commodement qu’à Fontainebleau aux affaires que le parlement lui suscitoit tous les jours. On fit garder le pont de Neuilly jusqu’au depart du Roi, parce que l’on craignoit quelque inondation du peuple de Paris, et quelques mauvais effets de sa rage. […]
[p. 208] Le 29, les deputés allerent à Saint Germain, où la Reine etoit arrivée le 24. Ils y furent remplis de presomption et d’orgueil, et firent leur conference chez le duc d’Orleans, dont le ministre fut exclus à leur priere. […] [p. 209] En cette conference, les deux partis furent à demi satisfaits les uns des autres, et les deputés demeurerent d’accord de revenir à Saint Germain une seconde fois. […]
Un Espagnol nommé Galarette, passant alors de Flandre, où il avoit servi de secretaire d’Etat, pour aller en Espagne, demeura quelques jours à Saint Germain, où il eut de grandes conferences avec le cardinal sur tous les articles de la paix. Le ministre l’auroit peut etre alors desirée tout de bon, afin d’avoir des troupes toutes libres [p. 210] et de l’argent, pour chatier ceux qui le vouloient attaquer. Comme la haine des peuples n’avoit pas de plus legitime pretexte de murmurer contre lui que celui de le soupçonner de n’avoir pas voulu la paix, la Reine fit remarquer avec soin au public cet entretien particulier, disant souvent qu’elle et le cardinal Mazarin ne desiroient rien si fortement que ce bonheur, et que si le Roi son frere y vouloit consentir, elle se feroit assurement.
On fit voir le Roi à cet Espagnol, se promenant dans le parc. Il le trouva bien fait et fort aimable. La Reine ne le vit point, par une gravité qui lui fut inspirée par le ministre, quoiqu’elle l’eut connu autrefois aupres du marquis de Mirabel, dernier ambassadeur d’Espagne en France. […]
Le 1er du mois d’octobre ayant eté pris pour recommencer la conference à Saint Germain, les deputés y arriverent chargés de nouvelles propositions et de vingt cinq articles qui furent proposés par eux ; tous furent octroyés, hormis les deux que j’ai dejà marqués touchant la liberté des prisonniers et le privilege que le parlement demandoit d’en pouvoir prendre connoissance vingt quatre heures apres qu’ils seroient arretés. Il fut meme conclu qu’ils reviendroient dans deux jours pour achever entierement cette negociation. Le cardinal Mazarin n’assistoit à aucune de ces conferences, et le chancelier en avoit eté exclus par ordre de la Reine, pour tenir compagnie au ministre. Il fut neanmoins renvoyé à celle ci, comme necessaire au service du Roi, pour y maintenir ses interets et les faire voir aux princes qui ne pouvoient pas entendre les chicanes du parlement. […]
Le 3 du mois, les deputés retournerent à Saint Germain, selon la resolution qui en avoit eté prise. D’abord, les princes leur firent de grands reproches de leur arret donné contre le service du Roi, à la veille d’un accommodement. Ils leur dirent que ce procedé marquoit visiblement leurs mauvaises intentions, et qu’ils n’avoient pas de veritables desirs pour la paix. Ils repondirent, pour leur justification, que cet impot [p. 211] jusqu’alors n’avoit point eté levé, que les buchers s’etoient toujours defendus vigoureusement, que les partisans qui en avoient traité avec le Roi confessoient eux-mêmes n’en avoir rien reçu, et que, cela etant, ils avoient cru, sans prejudice du service du Roi, le pouvoir defendre et donner ce contentement au peuple. […]
Enfin, la conference ayant duré jusques au soir fort tard, les affaires ne purent se decider, à cause que les deputés vouloient absolument ce que la Reine ne vouloit point du tout leur accorder. Les princes les quitterent et vinrent prendre le cardinal dans son appartement. Ils allerent tous ensemble trouver la Reine dans le parc, où elle etoit allée faire un tour de promenade, attendant le succes de leur longue negociation. Le conseil fut tenu dans le propre carrosse de la Reine, sur ce qu’ils avoient à faire. Le chancelier exposa le fait, et l’obstination des deputés à vouloir la sureté des prisonniers, les retirant de la puissance des rois pour les faire juger juridiquement et hors de la domination des favoris, qu’ils disoient etre quelquefois injustes. La Reine, entendant parler de l’opiniatreté de ceux du parlement, interrompit le chancelier pour dire que son avis etoit de leur refuser constamment ce qu’ils demandoienrt, et de les chatier de leur entreprise sans plus ecouter aucune proposition de paix. […]
[p. 212] La Reine, les princes et le ministre se quitterent tous dans la grande place qui separe les deux chateaux. Les princes retournerent trouver les deputés, qui les attendoient au chateau neuf où logeoit le duc d’Orleans, et le cardinal s’en retourna dans son appartement. Il fut suivi à l’ordinaire d’un grand nombre de courtisans, qui, tout maltraité qu’il etoit des peuples et du parlement, ne l’abandonnoient pas, parce qu’il etoit toujours le maitre de leur fortune.
Les princes dirent aux deputés que, pour ce jour, ils n’avoient rien pu gagner sur l’esprit de la Reine ; mais ils leur promirent de faire encore de nouveaux efforts pour vaincre sa fermeté. […]
La Reine, etant de retour de la promenade, où sans doute elle s’etoit mal divertie, elle vint s’asseoir à son cercle, où je vis dans son visage et dans ses yeux que les affaires n’alloient pas selon son goût. Peu après, les princes arriverent, qui la firent quitter cette place pour aller au Conseil. Avant que d’y entrer, elle tira le marechal de Villeroy contre une fenetre, pour lui faire part de ses peines. Elle ne se plaignoit pas du cardinal, quoiqu’il fut d’avis contraire au sien ; elle comprenoit bien qu’il ne pouvoit pas faire autrement, et qu’il falloit qu’il fit semblant de vouloir la paix, pour ne point attirer la haine du parlement qu’il n’avoit dejà que trop. […] Je ne sais ce que le gouverneur du Roi lui repondit mais, apres cette conversation, elle entra dans son cabinet où se devoit tenir le Conseil. Avant qu’il fut commencé et que nous en fussions sortis, je remarquai que M. le Prince s’approcha de la Reine pour lui parler en faveur du parlement. […]
[p. 213] Enfin, les portes du cabinet s’ouvrirent avant le temps. Le cardinal Mazarin, qui avoit accoutumé de demeurer après la fin du Conseil avec la Reine, sortit le premier, et à l’air de son visage il sembloit qu’il etoit en mauvaise humeur. Le prince de Condé le suivit, et le duc d’Orleans demeura avec la Reine, pour tacher d’adoucir son ressentiment et sa peine. L’abbé de La Riviere alors fut appelé par son maitre pour faire le tiers dans cette conversation où la Reine seule avoit le cœur rempli d’amertume et de douleur. Une demi heure apres, le duc d’Orleans s’en retourna chez lui tout pensif.
M. le Prince vint un moment après trouver la Reine : il fit officieusement deux voyages vers elle, pour lui faire voir l’innocence du cardinal et pour le mettre bien dans son esprit. Nous vimes aussitôt, parmi toutes ces choses, qu’il y avoit quelque inquietude nouvelle dans le cabinet, et que les affaires n’alloient pas bien. En mon particulier, je ne fus pas longtemps dans cette inquietude, car la Reine, peu apres, etant demeuré seule, comme elle voulut entrer dans son oratoire pour prier Dieu, je lui demandai la cause de ce que je voyois ; et, la plaignant de toutes ses souffrances, je la suppliai de m’apprendre ce que M. le cardinal disoit sur tout cela. […]
[p. 214] Le soir de ce jour, avant qu’elle s’endormit, le secretaire du cardinal, nommé de Lyonne, vint la trouver deux fois, et eut d’assez longues conferences avec elle de la part de son maitre ; puis le lendemain, au sortir de la messe, Le Tellier, secretaire d’Etat, y vint aussi, qui acheva de la resoudre d’accorder aux deputés ce qu’ils desiroient, à condition qu’au lieu de trois mois qu’ils demandoient en faveur des prisonniers pour etre renvoyés à leurs juges naturels, elle en demanda six avant que le Roi fut obligé de les rendre. […]
Ensuite de cette resolution, les deputés, arrivant à Saint Germain, trouverent leurs affaires faites, et n’eurent rien de plus difficile à executer qu’à remercier la Reine et les princes.
[…]
[p. 216] Le 15 d’octobre, les gens du Roi arriverent à Saint Germain, qui venoient demander à la Reine les deux millions, et protester de leur innocence et bonnes intentions. Ils trouverent la Reine prete à partir pour aller visiter les carmelites de Pontoise, à cause qu’il etoit le jour de Sainte Therese. Son voyage fut cause qu’ils differerent leur deputation jusques à son retour au soir. La Reine, revenue de son petit voyage, s’enferma au Conseil, où dejà les princes et le cardinal, attendant son retour, avoient commencé à traiter de quelques affaires. Ils avoient resolu d’accorder les deux millions.
[…]
[p. 217] Le 24, le premier president apporta à la Reine la declaration de la part de sa compagnie, qui avoit eté dressée par eux memes, où toutes leurs demandes etoient pleinement expliquées, et où il etoit facile de remarquer qu’ils avoient eté trop insatiables pour de sages senateurs qui sont destinés à moderer les exces des autres. On tint Conseil là dessus, et comme il falloit en ce jour recevoir la paix pour tacher d’eviter la guerre, les differens sentimens causerent beaucooup de disputes et de raisonnemens dans le cabinet.
[…]
[p. 218] Le 28 au matin, le marechal d’Estrées et le marquis de Seneterre vont trouver l’abbé de La Riviere pour lui annoncer de la part de la Reine et du ministre que M. le Prince demande le chapeau de cardinal pour le prince de Conti son frere, et que la nomination dejà faite en faveur de cet abbé soit revoquée, afin qu’elle puisse etre donnée à ce prince. […] [p. 219] Au sortir de la messe de la Reine, le duc d’Orleans la vint trouver. Il lui demanda une audience, où il ne voulut point d’autre temoin qu’elle seule. La Reine aussitôt nous commanda de sortir de son cabinet ; et, faisant fermer les portes, elle livra ses oreilles à toutes les plaintes que ce prince lui voulut faire. […]
La ville de la fete de tous les saints, la Reine partit de Saint Germain pour revenir à Paris jouir du repos qu’il sembloit que cette derniere declaration lui devoit faire esperer. Avant que de quitter ce lieu, elle alla visiter madame la duchesse d’Orleans, qui etoit en couche. Cette princesse haissoit le favori de Monsieur ; mais, pour plusieurs raisons, elle avoit voulu prendre hautement son parti : si bien que la Reine venant la voir, elle lui temoigna prendre beaucoup de part à l’offense que Monsieur croyoit lui avoir eté faite. […] [p. 220] Ainsi la visite de la Reine se passa froidement, et finit sans que le duc d’Orleans, qui vint dans la meme chambre, s’approcha d’elle, ce qui fut desapprouvé des personnes les plus interessées ; car les hommes, en general, ne sauroient jamais trop rendre de civilités aux dames, et ce prince en devoit beaucoup en son particulier à la Reine qui, en grandeur, n’avoit point d’egale en toute la terre. Monsieur, etant dans la chambre de Madame en presence de la Reine, parla toujours à Mademoiselle, sa fille, qui par mille autres raisons etoit, aussi bien que Madame, sa belle mere, dans une joie extreme de la colere de ce prince. […]
Le cardinal Mazarin alla aussi prendre congé de Madame, que sa couche devoit retenir encore quelque temps à Saint Germain ; et de son appartement passant à celui de M. le duc d’Orleans, il fut reçu de ce prince froidement. Il lui dit, parlant de l’affaire presente, qu’il n’etoit pas en volonté de souffrir cet affront. Ce fut le meme terme dont il se servit pour exprimer son ressentiment ; et cela fut cause que le ministre ne put pas retourner à Paris jouir de la paix qu’il avait achetée si cherement, sans craindre de nouvelles inquietudes. Ce même jour, le Roi et la Reine, le prince de Condé et toute la Cour se rendirent dans cette celebre ville, où, selon la legereté ordinaire des peuples, la Reine fut reçue avec des temoignages extremes d’une grande joie.
[…]
[p. 221] Le 4 du mois de novembre, le duc d’Orleans alla voir Madame à Saint Germain ; et ce meme jour, il y eut comedie au Palais Royal, pour montrer à ce prince que son mecontentement et son absence ne donnoient pas de grandes inquietudes à la Reine. Il n’y eut que ceux de la cabale du prince de Condé et les courtisans ordinaires qui prirent leur part de ce plaisir. Les autres, voulant montrer cette partialité au duc d’Orleans, n’y parurent point. Il revint le lendemain, et fut au Conseil avec un visage rempli de chagrin.
[…]
[p. 229] [1649] Le prince de Condé s’etoit attiré la haine du parlement par la reponse ferme et severe qu’il avoit faite depuis peu à Viole dans la grand’chambre : il avoit d’ailleurs pris une liaison assez forte avec le duc d’Orleans par son favori pour esperer, par l’appat du chapeau, d’en disposer à son gré. Il avoit des desirs dereglés, ou du moins ambitieux : de grands princes tels que lui n’en manquent pas. Il crut par cette voie reussir dans ses desseins, sans y trouver l’opposition qu’il devoit toujours craindre du coté de ce prince, qui lui etoit superieur. Il voulut aussi s’acquerir envers la Reine et son ministre du mepris que ses sujets faisoient de son autorité. Pour cet effet, il s’offre à la Reine, il l’assure de sa fidelité pour le dessein qu’elle avoit dans le cœur ; il fait plus : il la persuade de la facilité de l’entreprise, et lui dit qu’avec lui et les bons soldats qui sont dans ses armées, elle ne peut qu’elle ne voie dans peu de temps les Parisiens et le parlement à ses pieds. la Reine goute cette douce harangue avec joie : elle veut tout hasarder pour retablir la puissance royale qui paroissoit mourante, et dont le mauvais etat demandoit les extremes remedes. Avec un protecteur tel que M. le Prince, le ministre ose tout entreprendre, et conseille la Reine de l’ecouter. Cette princesse, se voyant secourue et consolée, bien contente de pouvoir esperer une fin à sa peine, fait un complot entre elle, le prince de Condé et son ministre, de sortir de Paris secretement, pour le chatier par les voies les plus fortes, et se determine de ne plus parler à ses peuples que par la bouche de ses canons. M. le Prince, qui pretendoit etre le maitre dans sa famill, offrant à la Reine sa personne, ses services et son gouvernement de Bourgogne, l’assure aussi de celui de Normandie, dont le duc de Longueville, son beau frere, etoit gouverneur. Selon ces suretés, la Reine fit dessein, sortant de Paris, d’aller etablir le camp de l’armée à Saint Germain, d’où elle pouvoit faire la guerre aux rebelles, et recevoir de Normandie tout le secours dont elle pourroit avoir besoin. Elle crut aussi qu’elle pourroit en faire un lieu de retraite, au cas qu’elle ne put pas, aussi facilement qu’elle l’esperoit, reduire Paris et ce qui etoit dans ses murailles dans une entiere obeissance.
Pour la perfection de ce dessin, il falloit gagner le duc d’Orleans, et l’obliger à se mettre de la partie. Il etoit difficile de l’esperer, car n’etant point l’auteur de cette pensée, il ne pouvoit y donner son approbation. […] La Reine l’allant voir au Luxembourg, comme il avoit encore un peu la goutte, lui temoigna un grand desir de le voir prendre part à sa destinée. Elle l’en prie, l’en presse et l’en conjure, par cette amitié qui avoit toujours tenu quelque place dans le cœur de l’un et de l’autre. Ensuite de ses prieres, elle lui temoigna hardiment que quand meme il seroit capable de l’abandonner en cette occasion, elle ne laissera pas d’achever son entreprise, et lui dit qu’elle etoit resolue de se confier à M. le Prince plutôt que de demeurer plus longtemps [p. 230] en un lieu où l’autorité royale n’etoit plus considerée, où sa personne etoit tous les jours offensée, et où celle de son ministre etoit menacée des derniers outrages. Elle lui dit qu’elle croyoit le devoir soutenir, pour ne pas accoutumer les parlemens et les peuples à vouloir se meler du gouvernement ; et qu’il savoit bien que lui-même lui avoit toujours conseillé de le faire. Elle l’assura de plus que s’il desiroit pour sa satisfaction qu’elle allat à Orleans pour se mettre entre ses mains, elle le feroit volontiers, ne pouvant manquer de confiance pour une personne qui jusques alors ne lui avoit donné aucun veritable sujet de se plaindre de lui. Le duc d’Orleans, qui etoit naturellement bon, et qui avoit un favori qui avoit interet de le voir toujours content et à la Cour, se voyant pressé par la Reine d’une maniere si obligeante, ne la put refuser ; et la resolution fut prise entre la Reine, lui, le prince de Condé et le ministre d’executer cette grande action avec toutes les precautions qui en devoient etre les suites necessaires. Les ordres furent donnés et le jour arreté pour sortir de Paris ; et ceux qui avoient en depot le secret royal furent entierement fideles à le garder. Le duc d’Orleans ne le dit point à Madame ni à Mademoiselle ; et M. le Prince le cacha soigneusement à madame la Princesse sa mere, et à madame de Longueville, cette illustre sœur avec qui il croyoit etre si bien.
Malgré ce secret, un certain bruit se repandt par Paris que la Reine avoit quelque dessein. Le parlement avoit peur ; tout le monde parloit de ce qu’il ne savoit point, chacun se demandoit l’un à l’autre ce que c’etoit : nul ne le pouvoit dire. Mais, par un pressentiment ecrit dans la nature, la verité, quoique cachée, ne laissoit pas d’etre sue. Toute la Cour etoit en alarme ; et tous ceux qui ont accoutumé de raisonner sur les affaires d’Etat, et qui veulent etre ministres malgré les rois, avoient de grandes occupations.
Le 5 janvier, la veille des Rois, ce jour si celebre, et dont on parlera sans doute dans les siecles à venir, j’allai le soir chez la Reine, où j’avois accoutumé de passer la plus grande partie de ma vie. […] La Reine nous avoua depuis, par l’execution de cette grande aventure, qu’elle eut alors de la peine à s’empecher de rire ; et qu’ensuite elle eut quelque bonté pour nous, et quelque compassion de nous laisser dans une ville qu’elle quittoit [p. 231] avec dessein de l’assieger. Mais nous lui avons toujours maintenu qu’elle ne fut point alors susceptible d’aucun sentiment de pitié, et que la vengeance et la joie occuperent entierement son cœur. […]
Aussitôt que nous fumes parties, les portes du Palais Royal se fermerent, avec commandement de ne les plus ouvrir. La Reine se releva pour penser à ses affaires, et ne fit part de son secret qu’à sa premiere femme de chambre, qui couchoit aupres d’elle. On donna les ordres necessaires aux capitaines des gardes que nous avions laissés dans la chambre de la Reine pas plus savans que nous. Le marechal de Villeroy, à qui on donna la connoissance de cette resolution quand il fut necessaire qu’il la sut, laissa dormir le Roi jusqu’à trois heures du matin, puis le fit lever, lui et Monsieur, pour les faire monter dans le carrosse qui les attendoit à la porte du jardin du Palais Royal. La Reine se joignit au Roi et à Monsieur. Ces trois personnes royales furent suivies du marechal de Villeroy, de Villequier et de Guitaut, capitaines des gardes de Leurs Majestés, de Comminges, lieutenant des gardes de la Reine, et de madame de Beauvais, sa premiere femme de chambre. Ils descendirent par un petit escalier derobé qui de l’appartement de la Reine alloit dans le petit jardin, et sortant par une petite porte qui est par dela le rondeau, monterent dans les carrosses qui les attendoient. La Reine etant au Cours, qui etoit le lieu du rendez vous, s’y arreta pour attendre que le duc d’Orleans, M. le Prince et toute la Maison royale fut venue la joindre.
Apres le soupé et le jeu, qui finit chez le maréchal de Gramont plus tot qu’à l’ordinaire, le duc d’Orléans et M. le prince de Condé s’en allerent chacun chez eux pour donner ordre à leurs affaires domestiques, et faire sortir de Paris leurs familles. Le ministre demeura où il etoit, s’amusant à jouer pendant que ses confidens firent emporter ce qu’il avoit de plus precieux, et sortir ses nieces, qui etoient encore aupres de madame de Seneçay. L’heure du rendez vous le pressant de partir, il se mit dans un carrosse avec quelques uns de ses amis, qu’il avertit alors de ce qui se passit, et s’en alla trouver la Reine qui l’attendoit dejà dans le Cours. Là se trouverent les personnes les plus considerables de la Cour, qui ne furent averties qu’à l’instant de sa sortie, dont furent sa dame d’honneur, ses filles et beaucoup d’autres. Chacun allant chercher son ami l’emmenoit avec lui pour se sauver ensemble et quitter cette ville qui alloit etre l’objet de la colere de son Roi ; et tous ceux qui purent prendre la fuite le firent avec empressement. Les domestiques du ministre, qui voyoient que leur maitre avoit une grande part au succes de ce voyage, furent les plus diligens à faire leur retraite ; et jamais nuit sans assaut et sans guerre ne fut remplie de tant d’horreur et de trouble.
[p. 232] Je fus avertie, comme les autres, à l’heure que la Reine partit ; et un de mes amis, domestique du cardinal Mazarin, vint heurter à ma porte avec un carrosse à six chevaux, pour me convier à suivre la Reine ; mais je ne le voulus pas faire pour plusieurs raisons, qui toutes regardoient ma commodité et mon repos. Le duc d’Orleans, etant arrivé au Luxembourg, fit eveiller Madame, qui se leva toute troublée de cette nouvelle : il fit aussi lever mesdemoiselles ses filles, et toutes ensemble s’en allerent où la Reine les attendoit. Mademoiselle, fille ainée du duc d’Orleans, avoit eté avertie par la Reine meme, qui lui avoit envoyé Comminges aussitôt apres que nous l’eumes quittée ; et cette princesse, avec la meme surprise que les autres, alla se joindre, selon l’ordre qu’elle en avoit reçu, avec la famille royal. Le prince de Condé en fit autant dans sa maison. Madame la Princesse sa mere, qui pretendoit que M. le Prince ne devoit point avoir de secret pour elle, fut surprise de voir qu’il lui en avoit cachée un si grand. Elle en fut touchée, mais comme il n’etoit pas temps de gronder, elle prit madame la Princesse sa belle fille, et le petit duc d’Enghien son petit fils encore au maillot, et vint de meme grossir la troupe du Cours.
Madame de Longueville, qui etoit demeurée à coucher à l’hotel de Condé à cause du jour des Rois, fut avertie et sollicitée par madame la Princesse sa mere de sortir avec elle ; mais cette princesse, qui avoit l’esprit rempli de beaucoup de grands desseins, s’excusa sur ce qu’elle etoit grosse. […] Le prince de Conti fut de la partie. Et toute la Maison royale etant assemblée, elle prit le chemin de Saint Germain en Laye. Le Roi, la Reine et toute la Cour se trouverent en ce lieu sans lit, sans officiers, sans meubles, sans linge, et sans rien de tout ce qui etoit necessaire au service des personnes royales et de toutes les autres qui les avoient suivies. La Reine, etant arrivée, coucha dans un petit lit que le cardinal Mazarin avoit fait sortir de Paris quelques jours auparavant, à cette intention. Il avoit de meme pourvu à la necessité du Roi, et il se trouva aussi deux autres lits de camp, dont l’un servit à Monsieur, et l’autre demeura pour lui. Madame la duchesse d’Orleans coucha une nuit sur la paille, et Mademoiselle aussi. Tous ceux qui avoient suivi la Cour eurent la meme destinée ; et en peu d’heures la paille devint si chere à Saint Germain, qu’on ne pouvoit pas en trouver pour de l’argent.
Lorsqu’on sut dans Paris le depart du Roi, de la Reine et de toute la Cour, le desespoir s’empara de tous les esprits, et la confusion commença avec le jour des les cinq à six heures du matin. Les cris furent grands dans les rues, et l’emotion s’y rendit universelle. Les premiers qui apprirent cette nouvelle l’envoyoient dire à leurs amis, et beaucoup de personnes de qualité se sauverent à Saint Germain, pour s’attacher à leur devoir. […]
[p. 236] Ne pouvant plus vivre en repos chez moi, je fus supplier la reine d’Angleterre de me recevoir sous sa protection au Louvre, ce qu’elle fit quelques jours apres avec beaucoup de bonté, me faisant donner deux belles chambres meublées des meubles de la Couronne, dont elle et toute sa Cour se servoit. […]
[p. 237] Madame de Longueville, apres avoir fait son plan, et connu qu’il etoit temps de se declarer contre la Cour, manda au prince de Conti son frere, qui etoit à Saint Gremain, et au duc de Longueville son mari, qu’il falloit quitter la Cour, et que l’ambition les appeloit ailleurs. Ces deux princes, persuadés par differents motifs, suivant aveuglement les avis d’une princesse qui ne marchoit que dans les tenebres, se derobent de Saint Germain la nuit du 10 de janvier, et paroissent à la porte de Paris avant le retour du soleil. […] La Reine m’a depuis fait l’honneur de me conter que le soir precedent de leur fuite à Saint Germain, le prince de Conti avoit fait la meilleure mine du monde, qu’il n’avoit de sa vie paru plus gai, et qu’il etoit de tous qui menaçoit le plus hardiment les Parisiens ; que le duc de Longueville n’avoit pas eté de meme, et qu’elle l’avoit trouvé si sombre et si visiblement interdit, qu’elle et son ministre s’en etoient aperçus, et sans en deviner la cause en avoient eu de l’etonnement. […]
[p. 238] Pendant que nous souffrions dans Paris, l’armée du Roi bloqua la ville, et se saisit de tous les passages des vivres. […] Beaucoup de personnes de qualité, pour se retirer de ce desordre, se voulurent sauver deguisées, et particulierement des femmes ; mais elles eurent quasi toutes de mauvaises aventures à conter à Saint Germain quand elles y arriverent, et il eut mieux valu pour elles qu’elles fussent demeurées exposées à la famine et à la guerre que de se trouver le sujet de la gaieté des honnetes bouffons de la Cour, qui faisoient de facheuses histoires, devant le Roi et la Reine, des accidens survenus aux dames qui sortoient de Paris.
Parmi cette raillerie, la misere des habitans de Saint Germain tenoit sa place. Ils n’avoient point d’argent, ni de meubles que ceux que les soldats leur vendoient à bon marché, quand ils avoient pillé ces beaux villages qui environnent Paris. […] La Reine ne rioit pas toujours : ses affaires alloient mal, et le parti contraire s’augmentoit. […] Quoique l’armée du Roi ne fut pas grande, les troupes de Paris ne lui auroient pas fait peur, sans qu’on jugea à Saint Germain que tant de braves gens en feroient assez pour les faire subsister longtemps, de sorte que cette entreprise parut à la Cour en mauvais etat. M. le Prince etoit au desespoiur de l’outrage qu’il croyoit avoir reçu par le prince de Conti son frere, et par madame de Longueville sa sœur, et ce qui d’abord n’etoit en lui qu’un desir d’obliger la Reine devint un veritable desir de se venger de sa famille, qui s’etoit separée de lui. […]
[p. 241] [21 janvier] Les inutiles, qui s’amusoient à crier, s’opposoient à la sortie de ceux qui vouloient aller à Saint Germain ou dans leurs maisons de campagne, et leur faisoient mille outrages. Les propres meubles du Roi et de la Reine, ses habits et son linge qu’elle avoit voulu ravoir, avoient eté pillés, et le nom du Roi devint si odieux à ses sujets que ses pages et valets de pied etoient courus dans les rues comme des criminels et des ennemis. […]
[p. 243] Pendant que les calamités augmentent à Paris, les conseils redoublent à Saint Germain, où l’inquietude etoit proportionnée au mauvais etat des affaires du Roi. Des deux cotés on souffroit.
[…]
[p. 253] [20 février] Ma sœur et moi, accompagnées de notre petit domestique, partimes de Paris, escortées d’une troupe de cavalerie du regiment du prince de Conti que commandoit Barriere, ce gentilhomme dont j’ai parlé ailleurs, qui etoit attaché à ce prince et qui par consequent avoit le malheur d’etre compté au nombre des ennemis de la Reine, apres avoir eté un de ses plus fideles serviteurs. Nous fumes reçues à Saint Denis par le comte du Plessis, qui commandoit à la place du marechal du Plessis son pere. Il nous donna un bon repas et de bons lits, et le lendemain nous arrivames heureusement à Saint Germain. Il nous fallut prendre un grand detour, et nous passames par plusieurs villages, où nous remarquames une desolation effroyable. Ils etoient abandonnés de leurs habitans : les maisons etoient brulées et abattues, les eglises pillées, et l’image des horreurs de la guerre y etoit depeinte au naturel. Je trouvai la Reine dans son cabinet, accompagné du duc d’Orleans, du prince de Condé, de la princesse de Carignan et d’une grande presse. La Cour etoit alors fort grosse, parce que tous ceux qui n’etoient point de la Fronde s’etoient rendus aupres du Roi. L’appartement de la Reine, outre les personnes de la premiere qualité qui composoient la Cour, etoit rempli d’une grande quantité de gens de guerre, et je ne vis jamais tant de visages inconnus.
La Reine etoit au milieu de ce grand monde, qui paroissoit gaie et tranquille ; elle ne paroissoit point apprehender les malheurs dont elle etoit menacée par les gens de bon sens, et qui jugeoient de l’avenir par les choses passées et presentes. Il ne falloit pas mettre de ce nombre les mauvaises propheties de ceux qui vouloient decrier sa conduite, et qui pretendoient, en l’intimidant, l’obliger de chasser son ministre ; ils ne meritoient pas d’etre ecoutés, et l’apparente gaieté de la Reine avoit pour but de les faire taire. On ne peut pas en douter, car, en l’etat où elle se voyoit, il etoit difficile qu’ayant autant de sagesse et de raison qu’elle en avoit, elle put avoir un gaieté veritable.
Quand je partis de Paris, j’avois le cœur rempli de tout ce que l’on m’avoit dit dans cette ville. Je croyois que la Reine etoit menacée de perdre sa couronne, ou tout au moins la regence ; mais, etant à Saint Germain, je fus surprise quand j’entendis les railleries qui se faisoient contre les Parisiens et les frondeurs, et contre ceux qui lamentoient sur les miseres publiques. Je ne trouvai point qu’on eut peur de ce grand parti qui paroissoit si redoutable à toute l’Europe ; et, pour n’etre pas moquée, il me fallut faire bonne figure avec ceux qui traduisoient en ridicule les choses les plus serieuses, et qui, se moquant des deux partis, n’avoient aucun dessein que de profiter de ces desordres.
Le soir, apres que la Reine fut retirée, elle me commanda de lui dire tout ce que je savois de l’etat de Paris et de celui des esprits. […] [p. 254] Je la trouvai un peu etonnée de cet envoyé de l’archiduc, dont elle ne savoit point encore la fausseté, et, assez touchée de la mort du roi d’Angleterre, elle me dit elle-même que c’etoit un coup qui devoit faire trembler les rois, mais à son égard, etant persuadée qu’elle faisoit ce qu’elle devoit et ce qu’elle n’avoit pu eviter de faire, son esprit demeuroit tranquille au milieu de tant d’orages. En effet, son humeur toujours egale, fortifiée d’une ame qui ne se laissoit pas troubler aisement, la faisoit paroitre à Saint Germain, environnée de ses armées, avec le meme repos que parmi les dames qui formoient son cercle à Paris.
Le 22 ou 23 février, le nonce et l’ambassadeur de Venise vinrent trouver la Reine, l’un de la part du pape, et l’autre de sa république. Dans leur audience, ils l’exhorterent fort à la paix, et toucherent à son avis, un peu trop fortement à ce qui paroissoit etre le sujet de la guerre. Elle s’en facha, et, les interrompant, elle leur dit qu’elle trouvoit bien des gens qui lui disoient qu’il falloit faire la paix et qu’il falloit pardonner, mais que personne ne lui parloit de retablir l’autorité du Roi son fils, qui s’en alloit detruite, si elle ne travailloit à la reveler en chatiant les rebelles, et les forçant à se remettre à leur devoir. […]
Le 25 fevrier, les deputés de Paris arriverent, et le premier president, qui suivit l’exemple du nonce, fut traité de meme maniere.
[…]
[p. 259] Ces memes jours, on arreté à Saint Germain le marechal de Rantzau. Il fut soupçonné de favoriser le parti parisien ; et comme il etoit gouverneur de Gravelines, le ministre crut qu’il ne pouvoit prendre trop de precautions pour se garantir des maux qui pouvoient arriver de la mauvaise volonté de ce marechal.
[…]
Le deuxieme jour du mois de mars, les gens du Roi vinrent à Saint Germain trouver la Reine pour lui dire la deputation ordonnée par le parlement. Ils lui demanderent des passeports, et la supplierent d’ordonner du lieu de leur conference. Ils firent aussi quelques instances de la part des ducs de Beaufort et de Bouillon pour y etre admis, mais ayant eté bien reçus à leur egard, ils furent refusés sur l’article des autres. On choisit pour le lieu de la conference le chateau de Ruel, comme etant à moitié chemin de Paris et de Saint Germain ; et les generaux, qui en particulier redoublerent leurs instances, n’y furent point admis.
[…]
[p. 260] Le 6, le cardinal vint faire un petit voyage à Saint Germain pour instruire la Reine de tout ce qui se passoit. Le soir, apres qu’il l’eut quittée, comme ceux qui l’environnoient etoient curieux d’apprendre des nouvelles, la Reine nous dit, à M. le Premier et à moi, qu’il n’y avoit encore rien d’avancé, ni aucune solide esperance d’obtenir ce qu’on desiroit, qui etoit que le parlement s’humiliat ; puis nous dit qu’à la fin pourtant elle croyoit que tout iroit bien.
[…]
[p. 265] Les deputés des generaux viennent à Saint Germain : ils font leur remontrance à la Reine, qui fut humble et courte, mais les difficultés qu’ils faisoient sur les principaux articles de la paix dejà signée montroient assez qu’elle etoit reculée. Les generaux s’etoient rendus les maires de Paris, et ils se trouverent en etat de pouvoir contraindre les plus sages à ne rien faire de tout ce que leur devoir leur imposait. Comme ils n’avoient pas de confiance à la deputation du parlement, ils firent supplier la Reine et le ministre qu’il leur fut permis d’envoyer des deputés de leur part. Cela leur ayant eté accordé, ils nommerent le duc de Brissac, Barriere et Creci pour venir traiter de leurs demandes et pretentions. Ils arriverent à Saint Germain le 18 mars, et par leurs cahiers ils demandoient toute la France.
[…]
[p. 267] Les conferences qui se faisoient à Saint Germain sur leurs pretentions furent interrompues par l’entrée de l’archiduc en France. […] Les generaux, voyant que l’approche de l’armée des Espagnols etoit plus capable, en l’etat des choses, de leur faire perdre le peu de credit qui leur restoit que de l’augmenter, pour tirer du ministre ce qu’ils pourroient, fire donner un arret par lequel on ordonna que la vente de ses meubles seroit continuée. Cela lui fit beaucoup de peine, car il aimoit ce qui etoit à lui, et particulierement ce qu’il avoit fait venir des pays etrangers avec tant de soin. Sa maison etoit magnifiquement meublée : il y avoit de belles tapisseries, des statues, des tableaux. Cette perte fut cause que ses ennemis gagnerent beaucoup avec lui, qu’il leur accorda la paix avec la plus grande partie de toutes leurs demandes, et que les conferences redoublerent matin et soir chez le chancelier à Saint Germain.
[…]
[p. 269] Le 20 au matin, comme je sortois de la messe de la Reine, un de mes amis vint me dire à l’oreille que tout etoit rompu ; puis le soir, au sortir de la conference, la meme personne me dit que toutes les contestations etoient accomodées. Les deputés du parlement de Normandie, qui etoient venus à Saint Germain au nombre de quinze conseillers et d’un president, obtinrent aussi en ce jour là la revocation du semestre que le feu Roi, ou plutot le cardinal de Richelieu, leur avoit créé malgré eux. […] Les generaux entrerent en de grandes defiances les uns des autres, et à leurs insatiables desirs se joignit la jalousie. Ils avoient chacun dans Saint Germain des deputés à basses notes, qui traitoient pour eux, et qui tyrannisoient celui qui souhaitoit de les tyranniser à son tour.
[…]
[p. 270] Les deputés du parlement arriverent à Paris remplis de joie des honorables conditions qu’ils rapportoient de Saint Germain ; car, comme je l’ai remarqué, ils avoient obtenu de la Reine, par leur habileté et par les differentes causes qui faisoient agir les principaux acteurs, d’etre dechargés des articles qu’on leur avoit imposés au premier traité. On se relacha de l’obligation qu’ils avoient de venir à Saint Germain, où etoit le Roi pour tenir son lit de justice, on leur permit encore de s’assembler quand bon leur sembleroit, et ils reçurent encore quelques autres gratifications touchant les finances, toutes en faveur du peuple. Ils firent assembler le parlement pour rendre compte de leur heureux voyage. Le prince de Conti ne s’y trouva point : il parut malade, expres pour donner ce reste de temps aux negociateurs d’achever leur accommodement à la Cour. Mais enfin le mercredi saint, la Reine etant aux tenebres dans la chapelle du chateau [p. 271] de Saint Germain, il arriva un courrier de Paris, que Le Tellier amena, qui apporta la paix entierement reçue par le parlement, les generaux et le peuple, tous montrant d’en etre fort contens. […]
Les devotions de la semaine sainte se passerent dans la chapelle de Saint Germain, où la veritable pieté de la Reine et d’une petite nombre de bonnes ames fut melée avec la galanterie et l’indevotion de toutes les autres personnes qui composent la Cour, et qui font gloire pour l’ordinaire de n’estimer que la vanité, l’ambition, l’interet et la volupté.
La fete de Pâques estant passée, les deputés du parlement de Paris et de Normandie vinrent remercier la Reine de la paix qu’elle leur avoit donnée. Le clergé y vint, toutes les autres compagnies de la ville, les corps des marchands et des metiers, chacun selon leur ordre, tous avec des visages contens, et tous demandant avec ardeur le retour du Roi dans sa bonne ville de Paris. la Reine n’avoit pas sujet de l’estimer si bonne qu’elle eut un grand desir d’y retourner. Elle savoit que le peuple parloit encore avec insolence, qu’il disoit publiquement qu’il ne falloit rien payer au Roi s’il ne revenoit bientoit, et qu’il y avoit de la canaille assez hardie pour dire tout haut dans les rues qu’ils ne vouloient point de Mazarin. Ces esprits farouches etoient si accoutumés à la rebellion et au desordre qu’il etoit difficile, sans quelque chatiment exemplaire, qu’ils pussent reprendre la coutume de respecter la puissance legitime.
La Reine, pour donner le temps aux Parisiens d’eteindre ce reste de feu qui allumoit encore quelquesfois leurs esprits, et laisser evaporer la chaleur et la fumée qui en restoit, se resolut de n’y pas retourner sitot : elle forma le dessein, apres qu’elle auroit vu tous ses ennemis reconciliés, d’aller passer quelque temps à Compiegne.
[…]
[p. 272] Le prince de Conti fut le premier qui sortit de Paris pour venir saluer la Reine. Il fut presenté par M. le Prince, et reçu en presence de ceux du Conseil. Apres les complimens ordinaires, M. le Prince lui fit embrasser le cardinal Mazarin, et rechauffa leur conversation autant qu’il lui fut possible. Le prince de Conti ne l’alla point voir chez lui pour cette premiere fois, afin de garder quelque mesure entre la guerre et l’accommodement, et M. le Prince le fit trouver bon à la Reine.
Monsieur, oncle du Roi, presenta le duc d’Elbeuf. Et le prince de Conti, apres avoir satisfait pour lui, fut celui qui presenta les autres à son tour, qui furent le duc de Bouillon, le prince de Marsillac, le comte de Maure et beaucoup d’autres. La Reine les reçut assez froidement. Le ministre, tout au contraire, ne manqua pas de jouer son personnage ordinaire de temperance et de douceur, leur disant lui-même qu’il croyoit avoir eu tort envers eux, et qu’ils etoient excusables d’en avoir eu du ressentiment.
Ce meme jour arriva à Paris madame de Chevreuse. […] Cette princesse, etant donc arrivée de Bruxelles à Paris, envoya aussitôt negocier avec le ministre, qui à son ordinaire ne la rebuta point : il voulut seulement par quelque delai la mortifier un peu. La Reine, par son avis, refusa le duc de Chevreuse, qui vint à Saint Germain lui demander pour sa femme la permission de demeurer à Paris.
[…]
[p. 273] Le coadjuteur se tint dans sa forteresse, et ne voulut point venir à Saint Germain comme les autres ; mais trouvant à propos de paroitre de loin, il pria le duc de Liancourt de faire ses complimens à la Reine, l’assurer qu’en son particulier il etoit son tres fidele serviteur, et qu’il la reconnoitroit toujours pour a bienfaitrice et sa maitresse. Mais la Reine les reçut avec mepris, et ordonna à son ambassadeur de lui dire qu’elle ne le considereroit jamais pour tel que premierement il ne fut ami du cardinal Mazarin ; qu’il etoit son ministre, qu’elle vouloit que ceux qui lui avoient de l’obligation comme lui suivissent en cela ses memes sentimens. Cependant le coadjuteur, comme j’ai deja dit, traitoit avec le ministre, dont il avoit reçu beaucoup de graces pour ses amis et des promesses à son egard qui dans le temps eurent leur effet.
Le duc de Longueville arriva de Normandie avec une grande suite. Il vint saluer la Reine, qui le reçut gravement. Je remarquai que ce prince en parut interdit, et qu’il ne put jamais lui dire une parole de bon sens. C’etoit un homme de grande consideration : il voyoit qu’il lui etoit honteux d’avoir fait cette faute contre le service du Roi et de la Reine, dont il n’avoit nul sujet de se plaindre, et qu’il etoit tombé dans ce malheur plutôt par legereté que par raison. Quand il arriva, chacun se pressa autour de cette princesse pour entendre ce qu’il lui diroit, car il est difficile de bien defendre une mauvaise cause ; mais il n’eut jamais la hardiesse de parler : il palit, puis il devint rouge, et ce fut toute sa harangue. Apres cet eloquent repentir, il salua le cardinal Mazarin, et un moment apres ils se retirerent aupres d’une fenetre, se parlent longtemps, et ensuite se visiterent reciproquement et demeurerent amis en apparence.
Le comte d’Harcourt vint à la Cour comme les autres. Il fut reçu differemment selon les apparences et les caresses, mais differemment aussi pour les recompenses : car elles ne furent pas si grandes pour lui que pour ceux qui avoient eté contre le service du Roi. Il avoit manqué de conduite pour se saisir de la ville de Rouen, mais il avoit bien servi, ayant toujours occupé un poste en Normandie qui servoit de barriere contre [p. 274] les attaques des ennemis, et mettoit le Roi en sureté contre ce que le duc de Longueville auroit pu faire avec peu de troupes et moins d’argent. Il avoit enfin donné le moyen au Roi de demeurer en sureté à Saint Germain, ce qui n’etoit pas un petit service. On lui donna ensuite le gouvernement d’Alsace, et une abbaye pour un de ses enfans.
Ce meme jour, le duc d’Yorck vint aussi à la Cour. Il n’avoit point encore vu le Roi ni la Reine, à cause qu’il etoit arrivé à Paris pendant le siege de cette ville, où les visites n’etoient guere de saison. Il etoit demeuré aupres de la Reine sa mere pendant cette mauvaise constellation contre les rois, qui l’avoit privé d’un pere et avoit donné beaucoup d’affaires au notre. La Reine lui fit de grands honneurs, et lui donna une chaire à bras, de meme que le duc d’Orleans en avoit obteni une de la reine d’Angleterre sa sœur. Cette belle foule fut augmentée par la venue de madame de Longueville et de mademoiselle de Longueville sa belle fille, qui aussi bien que les autres avoit eté une grande frondeuse. Elle avoit de la vertu et beaucoup d’esprit, et il lui etoit pardonnable d’avoir suivi les sentimens de son pere. Quand ces princesses arriverent, la Reine etoit au lit pour se reposer de toutes ses fatigues. J’avois l’honneur d’etre seule aupres d’elle, et dans cet instant elle me faisoit l’honneur de me parler de l’embarras qu’avoit eu le duc de Longueville en la saluant. Comme je sus que madame de Longueville alloit venir, je me levai, car j’etois à genoux devant son lit, et me mis aupres de la Reine, resolue de n’en point sortir et d’ecouter de pres si cette princesse si spirituelle seroit plus eloquente que le prince son mari. Comme elle etoit naturellement timide et sujette à rougir, toute sa capacité ne la sauva pas de l’embarras qu’elle avoit eu en abordant la Reine. Je me penchai assez bas entre ces deux illustres personnes pour savoir ce qu’elles diroient, mais je n’entendis rien que : « Madame », et quelques mots qu’elle prononça si bas que la Reine, qui ecoutoit avec application ce qu’elle lui diroit, ne put jamais y rien comprendre. Mademoiselle de Longueville, apres la reverence de sa belle mere, se contenta de baiser le drap de la Reine sans ouvrir la bouche ; puis, se mettant toutes deux sur les sieges qu’on leur apporta, elles furent fort heureuses de ce que je commençai la conversation, en demandant à madame de Longueville à quelle heure elle etoit partie de Paris, parce qu’il n’etoit pas deux heures apres midi ; et, pour les soulager de la confusion qu’elles avoient qui les incommodoient beaucoup, j’exagerai leur diligence.
[…]
[p. 275] Je finirai les aventures de Saint Germain par l’arrivée du marquis de Vitri, du marquis de Noirmoutiers et de Laigues. Le premier avoit du merite et de la qualité. Sur quelques degouts que j’ignore, il etoit entré dans ce parti, etant actuellement attaché au service de la Reine, en quoi sa faute etoit plus grande et moins pardonnable. Pour les deux autres, l’un avoit beaucoup de naissance, tous deux etoient honnetes gens, et tous deux avoient eté grands frondeurs, et avoient, comme je l’ai deja dit, traité publiquement avec le roi d’Espagne. Ils vinrent donc sous la foi publique saluer la Reine avec la meme hardiesse que s’ils eussent travaillé à sauver l’Etat ; et, comme les autres, ils en furent quittes pour un peu de froideur et de mauvais visages. Ils etoient de ma connoissance, et, dans le moment que je fus aperçue d’eux, ils vinrent me temoigner beaucoup de joie de me rencontrer. Je leur dis tout bas que j’etois fort aise de les voir, mais qu’en cette occasion je les priois de ne m’aimer pas tant, vu que l’amitié de telles gens n’etoit nullement de bon augure dans la chambre de la Reine. Comme je raillois avec eux, Monsieur passa, qui leur fit mille caresses. En me retirant, je lui dis que je croyois avoir merité la corde par la bonté que j’avois eue de les souffrir, et que j’en avois du scrupule. Je les laissai, et lui dis encore que pour lui qui etoit le maitre et qui n’avoit rien à craindre, il pouvoit leur faire grace et les bien traiter, mais que, pour moi, je croyois en devoir user autrement. Monsieur me repondit que j’etois bien sage, et que, pour m’empecher d’aller à la Greve, il alloit les emmener. Il les prit en effet, et, les poussant dans une fenetre, il demeura quelque temps à les entretenir.
[…]
En ce meme temps [le 13 mars], la Reine partit pour aller à Compiegne.
[…]
[p. 284] Le roi d’Angleterre alors vint en France, apres avoir eté reconnu roi par elle. Il revenoit de Hollande pour voir la Reine sa mere, qu’il n’avoit point vu depuis leur malheur. Il logea à Saint Germain, que la Reine lui avoit envoyé offrir à Peronne par le duc de Vendome, pour y demeurer tant qu’il lui plairoit d’etre en France. Il l’accepta volontiers, car dans l’etat où il etoit, chargé d’un deuil aussi doublement funeste qu’etoit le sien, il devoit desirer de n’etre pas à Paris.
Quand il arriva, le duc de Vendome lui mena les carrosses du Roi. Il s’arreta à Compiegne, où il vit le Roi qui alla au devant de lui à une [p. 285] demi lieue, et fut reçu de lui et de la Reine avec toutes les marques d’affection que Leurs Majestés devoient à un si grand prince. Le Roi lui donna un diner veritablement royal, mais ce fut plutôt par les personnes royales qui s’y trouverent que par l’appareil et la magnificence. […]
Cette Cour anglaise demeura quelque temps à Saint Germain, où elle fut peu frequentée de nos Français ; quasi personne n’alloit visiter ni la reine d’Angleterre ni le roi son fils. Il y avoit de grands seigneurs anglais qui avoient suivi la destinée de leur prince et qui composoient cette Cour. Il ne faut pas s’etonner de leur solitude : le malheur etoit de la partie ; ils n’avoient pas de grace à faire : ils avoient des couronnes sans puissance, qui ne leur donnoient point les moyens d’elever les hommes et de leur faire du bien. Leur suite avoit eté grande, quand les richesses, la grandeur et les dignités etoient en leur possessions, car ils avoient de la foule autour de leurs personnes. Cette reine malheureuse avoit eu de la joie, et j’ai oui dire à madame de Chevreuse, et à beaucoup d’autres qui l’avoient vue dans sa splendeur, que la Cour de France n’avoit pas alors la beauté de la sienne ; mais sa joie n’etoit plus que le sujet de son desespoir, et ses richesses passées lui faisoient sentir davantage sa pauvreté presente.
[…]
[p. 291] Les fatigues des premiers jours s’etant passés, la Reine alla visiter la reine d’Angleterre à Saint Germain. Elle y trouva le roi d’Angleterre son fils, qui attendoit aupres de la reine sa mere quelque favorable occasion pour retourner en son pays faire la guerre à ses rebelles sujets. Ces deux princesses ne s’etoient point vues depuis la deplorable mort du roi d’Angleterre, que toutes les deux devoient pleurer, l’une comme sa femme bien aimée, l’autre comme son amie ; mais la Reine evita de parler à la reine d’Angleterre de son malheur, pour ne pas renouveler ses larmes ; et, apres les premieres paroles de douleur que l’occasion les força de dire l’une à l’autre, la civilité ordinaire et les discours communs firent leur entretien.
[…]
[p. 292] Le roi d’Angleterre sut alors que quelques troupes, qui tenoient encore pour lui en Angleterre, avoient eté defaites, ce qui l’affligea beaucoup, et, voyant toutes ses esperances presque detruites, il se resolut d’aller aux iles de Jersey et de Guernesey, dont milord Germain, attaché au service de la Reine sa mere, etoit gouverneur. Il voulut aller en Irlande voir si la fortune lui ouvriroit quelque voie pour rentrer dans son royaume. Ce lord lui ayant conseillé de ne se pas hater d’y aller dans le temps de cette deroute, il lui repondit qu’il falloit donc y aller pour mourir, puisqu’il etoit honteux à un prince comme lui de vivre ailleurs.
[…]
[p. 374] [1651] Le cardinal etant donc resolu à partir, il vint chez la Reine le soir de ce jour 6 fevrier ; elle lui parla longtemps devant tout le monde, dans [p. 375] la creance que vraisemblablement ce seroit la derniere fois qu’elle le verroit. […] Quand il fut dans son appartement, il se vetit d’une casaque rouge, prit un chapeau avec des plumes, et sortit à pied du Palais Royaln suivi de deux de ses gentilshommes : il alla par la porte de Richelieu, où il trouva des gens qui l’attendoient avec des chevaux ; de là, il alla passer la nuit à Saint Germain. Son premier dessein fut de sortir par la porte de la Conference, mais il eut avos qu’on avoit voulu tuer de ses domestiques devant le logis de Mademoiselle, qui logeoit aux Tuileries, et cette rumeur l’obligea à fuir par le plus court chemin. […] [p. 376] Quand on sut dans Paris que le ministre etoit parti, qu’il etoit à Saint Germain, et qu’il pouvoit aller au Havre où etoient les princes, l’inquietude fut grande dans tous les partis.
[…]
[p. 432] [1652] On donna avis à Paris à M. le Prince que Miossens et le marquis de Saint Mesgrin, lieutenans generaux, marchoient de Saint Germain à Saint Cloud avec deux canons, à dessein de [p. 433] chasser cent hommes du regiment de Condé qui s’etoient retranchés sur le pont et qui en avoient rompu une arche. […]
M. le Prince consentit à laisser aller à Saint Germain, où etoit la Cour, le duc de Rohan, Chavigny et Goulas, tous trois chargés des interets du duc d’Orleans et des siens.
[…]
[p. 527] [1662] Le cœur du Roi etoit rempli de ces miseres humaines qui font dans la jeunesse le faux bonheur de tous les honnetes gens. Il se laissoit conduire doucement à ses passions, et vouloit les satisfaire. Il etoit alors à Saint Germain, et avoit pris la coutume d’aller à l’appartement des filles de la Reine. Comme l’entrée de leur chambre lui etoit defendue par la severité de la dame d’honneur, il entretenoit souvent mademoiselle de La Motte Houdencourt par un trou qui etoit à une cloison d’ais de sapin, qui pouvoit lui en donner le moyen. Jusque là neanmoins ce grand prince, agissant comme s’il eut eté un particulier, avoit souffert tous ces obstacles sans faire des coups de maitre ; mais sa passion devenant plus forte, elle avoit aussi augmenté les inquietudes de la duchesse de Navailles, qui, avec les seules forces des lois de l’honneur et de la vertu, avoit osé lui resister. Elle suivit un jour la Reine mere, qui, de Saint Germain, vint au Val de Grace faire ses devotions, et fit ce voyage à dessein de consulter un des plus celebres docteurs qui fut alors dans Paris, sur ce qui se passoit à l’appartement des filles de la Reine. Elle comprenoit qu’il falloit deplaire au Roi, et sacrifier entierement sa fortune à sa conscience, ou la trahir pour conserver les biens et les dignités qu’elle et son mari possedoient : et comme elle n’etoit pas insensible aux avantages qu’ils possedoient à la Cour, elle sentoit sur cela tout ce que la nature lui pouvoit faire sentir. J’etois alors à Paris, et j’allais au Val de Grace rendre mes devoirs à la Reine. J’y vis mon amie, et j’y vis son inquietude. Elle me dit l’etat où la mettoit le Roi par les empressemens qu’il avoit pour cette fille, et m’apprit qu’elle venoit de consulter sur ce sujet un homme pieux et savant, dont la reponse avoit eté decisive. Il lui avoit dit qu’elle etoit obligée de perdre tous ses etablissemens, plutot que de manquer à son [p. 528] devoir par aucune complaisance criminelle. Elle me parut resolue de suivre ce conseil, mais ce ne fut pas sans jeter une grande abondance de larmes, et sans ressentir la douleur où la mettoient ces deux grandes extremités, où necessairement il falloit prendre son parti sur les deux volontés de l’homme, toujours si contraires l’une à l’autre, c’est à dire ce qui le porte, selon la qualité de chretien, à desirer les richesses eternelles, ou, selon la nature, à vouloir celles dont on jouit dans le temps. […]
A son retour à Saint Germain, elle sut par ses espions que des hommes de bonne mine avoient eté vus sur les gouttieres, et dans des cheminées qui, du toit, pouvoient conduire les aventuriers dans la chambre des filles de la Reine. Le zele de la duchesse de Navailles fut alors si grand que, sans se retenir ni chercher les moyens d’empecher avec moins de bruit ce qu’elle craignoit, elle fit aussitôt fermer ces passages par de petites grilles de fer qu’elle y fit mettre, et par cette action elle prefera son devoir à sa fortune, et la crainte d’offenser Dieu l’emporta sur le plaisir d’etre agreable au Roi, qui sans doute, à l’egard des gens du grand monde, se doit mettre au rang des plaisirs les plus sensibles que l’on puisse gouter à la Cour, quand on le peut faire innocemment. […]
Pendant que le Roi se laissoit aller où ses désirs [p. 529] le menoient, la Reine souffroit beaucoup. Elle ne savoit rien de ce qui se passoit ; on lui cachoit, par ordre de la Reine mere, toutes les galanteries du Roi. Sa dame d’honneur, qui etoit fidele au Roi et à elle, se contentoit de faire son devoir de tous cotés, et ne lui disoit rien qui la put affliger ; mais le cœur, qui ne se trompe point et que la verité instruit, lui faisoit tellement connoitre, sans le savoir precisement, que mademoiselle de La Valliere, que le Roi aimoit alors uniquement, etoit la cause de sa souffrance, qu’il etoit impossible de lui cacher son malheur.
A mon retour d’un petit voyage que je fis en ce temps là en Normandie, je trouvai la Reine en couche de madame Anne Elisabeth de France. Un soir, comme j’avois l’honneur d’etre aupres d’elle à la ruelle de son lit, elle me fit un signe de l’œil ; et m’ayant montré mademoiselle de La Valliere qui passoit par sa chambre pour aller souper chez la comtesse de Soissons, avec qui elle avoit repris quelque liaiso

Motteville, Françoise (de)

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