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Description archivistique
Louis XIV Saint-Germain-en-Laye Français
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Acte de baptême de Louise Marie d’Angleterre dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye, Louis XIV étant son parrain

« Ce jourd’hui vingt troisieme d’aoust mil six cent quattre vingt douze, ont estez suppleez les ceremonies du baptesme dans la chapelle du chasteau vieil de Saint Germain en Laye à Louise Marie, princesse d’Angleterre, fille de tres haut et tres puissant et tres excellent prince Jacques second, par la grace de Dieu roy de la Grande Bretagne, et de tres hautte, tres puissante et tres excellente princesse Marie Eleonor d’Est, princesse de Modene, son espouze, née audit chasteau de Saint Germain en Laye le vingt huitieme juin de la presente année, aiant estée ondoyé en la chambre de laditte reine par un de ses aumoniers, et lesdittes ceremonies du baptesme lui ont estez suppleez par monseigneur l’eminentissime cardinal de Bouillon, grand aumonier de France, en presence de messire François Converset, prestre, docteur de Sorbonne, abbé de Nostre Dame de Sully, prieur et curé dudit Saint Germain, lequel a porté les saintes huilles revestu de surplis et d’estolle, le parrain tres haut, tres puissant et tres excellent prince Louis quatorze, par la grace de Dieu roy de France et de Navarre, la marainne tres haute et tres puissante princesse Elizabeth Charlotte, princesse palatine du Rhin, duchesse de Baviere, espouse de tres haut et tres puissant prince Philippes de France, frere unique du Roy, duc d’Orleans, de Valois, de Chartres et de Nemours, lesquels ont signé.
Louis, Jacques R., Maria R.
Elisabeth Charlotte
Le card. de Bouillon, l’abbé Converset »

Description par Johann Jacob Volkmann des châteaux de Saint-Germain-en-Laye

« [p. 485] St. Germain-en-Laye liegt auf einer Anhöhe an der Seine, ohngefähr eine Stunde von Marly. Es ist ein altes bekanntes königliches Lustschloß, welches von dem Walde, ehemals Ledia oder Laya genannt, den Beynamen behalten hat. Die kleine darzu gehörige Stadt ist artig, und gut gepflastert. Die lage des Schlosses ist vortreflich, und die just wegen ihrer Reinigkeit sehr gesund. Ludwig XIV hätte bey diesen Vortheilen hier mit halben Kosten etwas weit vortreslicheres ausführen können, wenn ihn sein Eigensinn nicht bewogen hätte, den [p. 486] platten sumpfigen Boden von Versailles vorzuziehen. Dazu kam, daß man von hier den Thurm von St. Denys sieht, und der große Ludwig wollte den Ort der königl. Begräbnisse nicht immer vor Augen haben, der ihn an seine Sterblichkeit erinnern mußte.
Man trifft hier zwey Schlösser an, das alte und das neue. Das alte ward schon von Ludwig VI als eine Fortresse angelegt, in den folgenden Zeiten aber von den Englandern zerstört. Franz I stellte es wieder her, und Ludwig XIV vergrößerte es mit fünf großen Pavillons. Das neue Schloß liegt etliche hundert Schritte davon, und ward von Heinrich IV aufgeführt. König Jacob II von England wohnte nach seiner Verjagung viele Jahre auf dem alten Schlosse, und beschloß hier auch 1718 sein leben. Von dem neuen sieht man nicht viel mehr, weil der Graf von Artois, dem es gehört, es abtragen, und ein schönes Gebäude aufführen laßt. Die Kapelle des alten Schlosses ist wegen ihrer guten Gemälde merkwürdig. Das heil Abendmahl auf dem Hauptaltare rührt von Poussin her, und in der Sakristey sieht man zwey vom Kardinal hieher geschenkte Stücke, nemlich eine betrübte Maria, von Hannibal Caracci, und Maria, welche dem Kinde die Brust reicht, von Corregio. Neben der Maria bläst ein Kind Kohlen an, darauf ein Suppentopf steht.
Der Garten ist ein Bild der Vergänglichkeit ; die Terrassen, welche nach der Seine hinab gehen, sind gewölbt, fallen aber nach und nach ein. Bey dem alten Schlosse ist ein großes Rasenstück, welches noch von der Henriette d Angleterre, Gemalinn des Bruders von Ludwig XIV herrührt, und der erste Boulingrin ist, welcher als Nachahmung des Englischen Geschmacks in Frankreich angelegt worden. [p. 487] Was aber allein eine Reise nach St. Germain verdient, ist die berühmte Terrasse, vielleicht die größte, und wegen der herrlichen ausgebreiteten Aussicht eine der schönsten in der Welt. Sie ist 1200 Klaftern lang und 15 breit. Auf der einen Seite läuft der Wald von St. Germain hin, welcher 5700 Acker enthält, und dem Könige häusig zur Jagd dient, und auf der andern verfolgt man durch eine unabsehliche Ebene den Laus der Seine, und übersteht eine Menge Schlösser, Landhäuser, Dörfer und Städte in der sruchtbarsten Gegend. Was für Vortheile bot hier die Natur dar, wenn unvernünftige Schmeichler Ludwig XlV nicht beredet hätten, er könne sie zwingen, und die wilde Gegend von Versailles in einen Feen Aufenthalt verwandeln ! »

Volkmann, Johann Jacob

Lettre de madame de Sévigné à sa fille concernant l’installation de la Cour d'Angleterre à Saint-Germain-en-Laye

« A Paris, lundi 10 janvier 1689
[…] L’abbé Tetu est dans une insomnie qui fait tout craindre. Les medecins ne voudroient pas repondre de son esprit ; il sent son etat et c’est une douleur : il ne subsiste que par l’opium ; il tache de se divertir, de se dissiper, il cherche des spectacles. Nous voulons l’envoyer à Saint Germain pour y voir le roi, la reine d’Angleterre et le prince de Galles : peut on voir un evenement plus grand et plus digne de faire de grandes diversions ? Pour la fuite du roi, il paroit que le prince [d’Orange] l’a bien voulu. Le roi fut envoyé à Excester où il avoit dessein d’aller : il etoit fort bien gardé par le devant de sa maison, et toutes les portes de derriere etoient ouvertes. Le prince n’a point songé à faire perir son beau père ; il est dans Londres à la place du roi, sans en prendre le nom, ne voulant que retablir une religion qu’il croit bonne et maintenir les loix du pays sans qu’il en coute une goutte de sang : voilà l’envers tout juste de ce que nous pensons de lui ; ce sont des points de vue bien differents. Cependant, le Roi fait pour ces Majesté angloises des choses toutes divines ; car n’est ce point etre l’image du Tout Puissant que de soutenir un roi chassé, trahi, abandonné ? La belle ame du Roi se plait à jouer ce grand role. Il fut au devant de la reine avec toute sa maison et cent carrosses à six chevaux. Quand il aperçut le carrosse du prince de Galles, il descendit et l’embrassa tendrement, puis il courut au devant de la reine qui etoit descendue, il la salua, lui parla quelque tems, la mit à sa droite dans son carrosse, lui presenta Monseigneur et Monsieur, qui furent aussi dans le carrosse, et la mena à Saint Germain, où elle se trouva toute servie comme la reine, de toutes sortes de hardes, parmi lesquelles etoit une cassette tres riche avec six mille louis d’or. Le lendemain, il fut question de l’arrivee du roi d’Angleterre à Saint Germain, où le Roi l’attendoit : il arriva tard ; Sa Majesté alla au bout de la salle des gardes au devant de lui ; le roi d’Angleterre se baissa fort, comme s’il eut voulu embrasser ses genoux ; le Roi l’en empecha et l’embrassa à trois ou quatre reprises fort cordialement. Ils se parlerent bas un quart d’heure ; le Roi lui presenta Monseigneur, Monsieur, les princes du sang et le cardinal de Bonzi ; il le conduisit à l’appartement de la Reine, qui eut peine à retenir ses larmes. Apres une conversation de quelques instans, Sa Majesté les mena chez le prince de Galles, où ils furent encore quelque tems à causer, et les y laissa, ne voulant point etre reconduit, et disant au roi : « Voici votre maison, quand j’y viendrai vous m’en ferez les honneurs, et je vous les ferai quand vous viendrez à Versailles ». Le lendemain, qui etoit hier, madame la Dauphine y aller, et toute la Cour. Je ne sais comme on aura reglé les chaises de ces princesses, car elles en eurent à la reine d’Espagne, et la reine mere d’Angleterre etoit traitée comme fille de France : je vous manderai ce detail. Le Roy envoya dix mille louis d’or au roi d’Angleterre. Ce dernier paroit vieilli et fatigué, la reine maigre et des yeux qui ont pleuré, mais beaux et noirs, un beau teint un peu pale, la bouche grande, de belles dents, une belle taille et bien de l’esprit ; tout cela compose une personne qui plait fort. Voilà de quoi subsister longtems dans les conversations publiques. »

Mention du baptême de la fille de Jacques II dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye

« [p. 304] Le Roy et madame ont tenu la princesse d’Angleterre sur les fonts. La ceremonie s’est faite dans la chapelle du vieux chasteau de Saint Germain en Laye, par M. le cardinal de Bouillon, grand aumonier de France. La princesse a esté nommée Louise Marie Elizabeth, qui sont les noms du Roy, de la reine d’Angleterre et de Madame. Sa Majesté vouloit que le nom de Marie fut le premier, parce que c’est ordinairement celuy qui demeure, mais la reine [p. 305] d’Angleterre a fait de si pressantes instances pour engager le Roy à faire que le nom de Louise precedast les deux autres noms, qu’il n’a pu se deffendre d’accorder aux prieres de cette princesse ce qu’elle souhaittoit avec tant d’ardeur. »

Récit du décès de Jacques II à Saint-Germain-en-Laye

« [p. 369] Vous attendez, sans doute, un détail de la maladie, de la mort et du convoy de Jacques II, roy d’Angleterre ; il faut vous satisfaire sur tout cela.
Depuis un anthrax que ce prince eut il y a deux ans, qui suppura fort peu, et quelques légers mouvemens de goutte, sa santé parut fort ébranlée ; mais [p. 370] cela devint beaucoup plus sensible après une attaque d’apoplexie imparfaite, qui fut suivie de la foiblesse de tout un côté, et de la paralysie de quelques doigts, arrivée au Carême dernier. Ses forces estoient fort diminuées, il maigrissoit de jour en jour, et contre son ordinaire il paroissoit plus pesant et plus assoupi. A tous ces accidens, il estoit survenu, il y a quatre mois, un crachement de sang, fort léger dans son commencement et qui devient par la suite plus sensible.
S. M. B. estoit dans cet estat le vendredy 2 de septembre qu’il luy prit une grande foiblesse, dont Elle revint par le secours des cordiaux. Dans ce moment, la fièvre s’éveilla avec l’assoupissement [p. 371] qui a conduit ce prince jusqu’au tombeau.
Le dimanche, troisième jour de son mal, une seconde foiblesse le mit dans un estat si pressant que l’on eust d’abord recours aux derniers sacremens. Le pouls luy revint un peu après un vomissement d’un sang retenu depuis quelque temps dans l’estomac, comme il paroissoit à la couleur et à l’odorat. Le pouls néanmoins, qui estoit resté embarassé, se trouva dégagé par une pareille évacuation procurée par le moyen d’un remède que M. Fagon luy fit donner. Ce remède, posé à propos, le fit un peu reposer et donna quelque espérance.
Le lundy, quatrième jour de [p. 372] son mal, et cinquième du mois, un léger purgatif luy fit rendre beaucoup de sang retenu.
Le même jour après midy, le Roy alla le voir. Sa Majesté britannique le supplia de trouver bon qu’Elle fust enterrée dans l’église paroissiale de Saint Germain en Laye. Le Roy en parla à la reine d’Angleterre, et l’on ne jugea pas à propos de répondre à ce qu’une profonde humilité luy faisoit dire. Ce prince recommanda ce jour là au Roy les regimens irlandois qui sont à son service.
Il demeura assez tranquille le mardy.
Le mercredy, apres l’usage de quelques remedes propores à arrester l’hemorragie, cet accident [p. 373] cessa absolument, et la fievre diminua de beaucoup.
Le jeudy se passa dans redoublement. Il survint un flux d’urine, ce qui fit concevoir quelque esperance.
Le vendredy, huitieme jour du mal de ce prince, la fievre augmenta, sa langue devint seche, l’assoupissement ne diminua point, et l’on apperçut que le flux d’urine devenoit involontaire et que la paralysie gagnoit la vessie. Un purgatif qui luy fut donné alors fit connoistre que cet engourdissement se communiquoit aux entrailles. On perdit des ce moment toute esperance, les accidens allerent toujours en augmentant, et les remedes furent sans effet.
[p. 374] Ce prince se trouva si mal la nuit du 12 au 13 qu’on craignit qu’il ne mourust avant qu’elle fust passée. Sa Majesté demanda le viatique pour la seconde fois, et le reçut sur les cinq heures du matin avec une piété exemplaire. On luy avoit donné l’extrême onction trois heures après midy en même temps que le viatique. Le prieur curé de Saint Germain s’acquitta de toutes ces fonctions d’une manière très édifiante.
Le même jour 13, après midy, le Roy alla voir pour la dernière fois ce prince mourant, et déclara proche de son lit, et en présence de la reine et de plusieurs seigneurs des deux Cours, que si Dieu disposoit de Sa Majesté [p. 375] britannique, il reconnoistroit et traiteroit monsieur le prince de Galles comme roy d’Angleterre, d’Ecosse et d’Irlande. Sa Majesté britannique, qui estoit dans un grand assoupissement, n’en fut point tirée par les mouvemens que ces paroles causerent dans la chambre, ou peut estre qu’estant toujours en meditation, en attendant le moment de la mort, Elle ne voulut pas interompre, pour les choses de ce monde, le sacrifice qu’Elle faisoit alors de son âme à Dieu. Tous les milords, en fondant en larmes, se jetterent aux genoux du Roy pour le remercier. Ils reconduisirent Sa Majesté en cet état, avec des acclamations qui témoignoient [p. 376] leur reconnoissance et leur affliction, et le mélange de joye et de tristesse qui paroissoit sur leur visage, ayant quelque chose d’aussi vif pour la joye que pour la douleur, on ne scavoit si l’on devoit se réjouir ou s’affliger avec cette Cour, qui pour trop sentir, ne pouvoit bien démeller elle-même ce qu’elle sentoit. La nuit du 13 au 14, on crut que ce prince alloit expirer, les redoublemens estans devenus plus frequens et plus dangereux. On reïtera plusieurs fois la recommendation de l’âme, ce qui fut fait alternativement par les aumôniers de Sa Majesté britannique et par le curé de Saint Germain. Cependant, Sa Majesté conservoit une connoissance parfaite [p. 377] qui continua jusques aux derniers momens ;
Madame la duchesse de Bourgogne alla le voir le 14 à trois heures après midy. Ce prince la remercia avec beaucoup de présence d’esprit et la pria de passer chez la Reine, à cause de la mauvaise odeur qui estoit dans sa chambre.
Monseigneur le duc de Bourgogne l’alla voir le 15, sur les dix heures et demie du matin. Lorsque ce prince y arriva, on disoit pour la cinquième fois les prières des agonisans. Sa Majesté britannique, après l’avoir remercié de sa visite, le pria de trouver bon que l’on continuast les prières. Madame l’alla voir l’après dinée du même jour, à l’issue [p. 378] de son dîner. Il entroit souvent dans une espèce de létargie, et lorsqu’on le reveilloit de son assoupissement, il répondoit juste et reconnoissoit tout le monde. Il avoit commencé le jeudy au soir à prononcer avec peine.
Le même vendredy 16 que ce prince reçut tant de visites et qu’il avoit ouy la messe dans sa chambre, ainsi que les jours précédens, il tomba dans une douce agonie sur les deux heures et demie après midy, et à trois heures et un quart, il expira sans aucun effort, ayant la bouche riante, ce qui continua d’une manière sensible quelques momens après sa mort. On observa, comme une chose digne de remarque, et dont [p. 379] il y a peu d’exemples, qu’en quinze jours que ce prince avoit passez dans le lit de la mort, aussi tourmenté des remèdes qu’on luy donnoit que de sa maladie, il ne luy estoit pas échapé le moindre mouvement d’impatience, de répugnance ny même d’inquiétude, estant dans une méditation presque continuelle et ne parlant qu’autant qu’il estoit absolument nécessaire et que la charité le demandoit. Sa piété n’avoit rien ny d’austère ny de rude. Je n’entre point dans les choses touchantes et plus édifiantes encore qu’il a dites à la reine pendant les quinze jours qu’a duré sa maladie ; elles sont au dessus de toutes sortes d’expression. La manière dont il a parlé à monsieur le [p. 380] prince de Galles n’est pas moins digne d’admiration, et moins difficile à exprimer. Il luy a fait voir par des discours aussi touchans que chrétiens qu’il ne devoit point mettre la couronne en parallèle avec la religion et l’a conjuré de ne le faire jamais. Il a protesté tout haut qu’il pardonnoit sincérement et de tout son cœur à tous ceux qui luy avoient causé tant de mal, et qu’il prioit Dieu qu’il leur pardonnast, en ajoutant qu’il leur avoit de grandes obligations, puisqu’ils estoient peut estre la cause de son salut qu’il esperoit. Il a tenu ces discours plus d’une fois et les a renouvellez en recevant le viatique. Ce n’est point l’état où il se trouvoit, et [p. 381] l’assurance d’une mort certaine qui l’ont fait parler ainsi, puisque depuis le commencement de ses malheurs jusqu’au moment de sa mort les chagrins qu’il ressentoit, peut estre plus pour sa famille que pour luy, n’ont jamais esté cause qu’il luy soit rien échapé contre les auteurs de tous ses maux. Il s’estoit mis pendant tout le cours de sa vie par une fermeté héroïque au dessus de toutes les disgraces qui luy estoient arrivées, et toutes les fois qu’il s’estoit agy de la religion, il avoit fait voir une constance digne des anciens chrétiens. Il estoit d’une valeur intrépide et il en a donné des preuves en plusieurs batailles, tant sur terre que sur mer, mais ce [p. 382] n’est pas icy le lieu de s’étendre sur des choses qui regardent ceux qui travailleront à son histoire.
Lorsque ce prince fut expiré, M. Desgranges, maistre des cérémonies de France, fit exposer son corps à la vue du peuple. Le clergé de la paroisse de Saint Germain, les recolets qui sont dans le même lieu et les augustins des Loges, au nombre de douze qui se relevoient de temps en temps, formerent deux chœurs, qui psalmodierent toute la nuit, et le matin on commença à célébrer des messes sur deux autels dressez dans la même chambre où estoit le corps.
Le samedy 17, sur les quatre heures après midy, on l’ouvrit et on l’embauma. On luy trouva [p. 383] très peu de sang, et presque réduit en eau, tous les visceres, les entrailles et même le cœur fletris et extenuez. A l’ouverture du crane il sortit une tres grande quantité de serositez et les ventricules du cerveau étoient absolument plein d’eau.
Son corps fut porté le soir, avec peu de cérémonie, aux bénédictins anglois du fauxbourg Saint Jacques, où il doit rester en dépost jusqu’à ce qu’on résolve où il sera inhumé. Son cœur a esté porté au couvent de Sainte Marie de Chaliot, où est celuy de la feue reine sa mère. Son convoy n’étoit composé que de trois carosses. Dans le premier, précédé de quatre gardes du corps qui portoient des flambeaux, étoient [p. 384] un aumônier, qui portoit le cœur du Roy, le père Sandun, confesseur de Sa Majesté, son compagnon, un autre aumônier, deux chapelains et le prieur de Saint Germain. Dans le second estoit le corps de ce prince, et M. du Vinet, exempt des gardes du corps de Sa Majesté Très Chrétienne. Vingt six gards du corps marchoient devant et derrière, avec des flambeaux. Le convoy estoit terminé par un troisième carosse, dans lequel estoient M. le duc de Barwik, Mr Porter, vice chambellan de Sa Majesté britannique, milord Hamilton, Mr Desgranges, Mr Hamilton, maistre de la garde robe, et Mr Ploiden, controlleur de la Maison de [p. 284] Sa Majesté. Mr d’Ingleton, aumônier de la semaine, fit un discours en latin en remettant le corps du roy entre les mains du prieur des bénécitins, qui répondit en la même langue, et ces discours furent trouvez fort touchans. Le corps couvert d’un poele fut mis sous un dais dans une chapelle tenue de noir. Le même cortège qui avoit esté aux bénédictins accompagne le cœur jusqu’à Sainte Marie de Challiot. Le même Mr Ingleton fit aussi un très beau discours en remettant le cœur entre les mains de la supérieure, qui y répondit avec beaucoup d’esprit.
Je dois ajouter icy qu’aussitost que le Roy fut expiré, M. [p. 386] le prince de Conty, qui depuis quelques jours n’avoit point quitté Saint Germain, estant parent de la reine, eut l’honneur de saluer le jeune roy. M. le nonce dit à ce nouveau monarque qu’il avoit ordre de Sa Sainteté de le reconnoistre après la mort du roy son père, et M. l’abbé Rizzini, envoyé de Modène, luy fit le même compliment de la part du duc son maistre.
Le 20, le Roy alla à Saint Germain, et il monta d’abord chez le roy d’Angleterre, qui l’attendit au haut du grand escalier en long manteau et conduisit Sa Majesté dans son appartement en prenant la main gauche. Il se trouva deux fauteuils, et le Roy s’assit dans celuy qui estoit [p. 387] à la droite. La visite fut courte. Sa Majesté britannique conduisit le Roy, qui l’empescha d’aller aussi loin qu’il auroit souhaité. Le Roy alla ensuite chez la reine, qui estoit au lit, et demeura près d’une heure avec cette princesse. Madame la duchesse de Bourgogne arriva pendant ce temps là, accompagnée de madame la Princesse, de madame la Duchesse, de mademoiselle d'Angu’en et des dames du palais de madame la duchesse de Bourgogne. Elles estoient toutes sans mantes, parce que la visite n’estoit pas de cérémonie. Madame la duchesse de Bourgogne alla d’abord chez Sa Majesté britannique, qui la reçut à la porte de sa chambre. Elle y resta peu de temps, et ne [p. 388] s’assit point. Cette princesse alla ensuite chez la reine, où elle trouva le Roy, qu’elle y laissa. Après cette courte visite, cette princesse alla chez madame la princesse d’Angleterre, où elle resta debout. Monseigneur le Dauphin et madame la princesse de Conty douairière y arrivèrent de Meudon une demi heure après. Le Roy, avant que de partir, alla chez madame la princesse d’Angleterre, messeigneurs les ducs de Bourgogne et de Berry, monsieur le duc et madame la duchesse d’Orléans, monsieur le Prince, monsieur le Duc et madame la Duchesse, madame la princesse de Conty et généralement tout ce qu’il y a de personnes de distinction [p. 289] à la Cour ont esté faire des complimens au roy, à la reine et à madame la princesse d’Angleterre.
Le 21, Sa Majesté britannique rendit visite au Roy à Versailles et à madame la duchesse de Bourgogne. Cette princesse étant alors à la messe, Sa Majesté l’attendit dans son appartement. Monseigneur le Dauphin et messeigneurs les ducs de Bourgogne et de Berry estoient partis pour Fontainebleau.
Je ne dois pas finir cet article sans vous dire que tous ceux qui ont vu ce jeune roy en sont charmez. Son air, ses manières et son esprit frapent d’abord également tous ceux qui ont l’honneur de l’approcher. Tout est en [p. 390] ce jeune monarque infiniment au dessus de son âge, et quoy qu’il doive beaucoup au sang dont il est sorti, il ne doit pas moins à son éducation. »

Récit de l’installation du roi et de la reine d’Angleterre à Saint-Germain-en-Laye

« [p. 280] Le 21 au matin, jour de S. Thomas, le bastiment qui portoit la reine d’Angleterre arriva à Calais, après [p. 281] avoir couru risque de faire naufrage au port, puisqu’il s’en fallut peu qu'il ne touchait un banc qui en estoit à dix pas ; mais le maistre du paquetbot qui se trouva là fort à propos luy servit de guide, et empefcha par là ce malheur. Après que la reine fut debarquée, le capitaine du yacht dit qu'il sçavoit bien qu'il menoit cette princesse et le pince de Galles, et qu'il l'avoit toujours reconnu. Elle ne voulut point que M. le duc de Charost luy fist rendre aucuns [p. 282] honneurs à Calais. […] [p. 283] Comme la reine [p. 284] devoit faire quelque sejour à Bouligne jusqu’à ce qu’on eust receu des nouvelles de la Cour, elle demanda d’estre logée au convent des Ursulines mais, M. le duc d‘Aumont ayant fait preparer l’appartement de madame la duchesse sa femme, elle ne put le refuser. […] [p. 284] Cependant, le Roi ayant sceu que cette princesse estoit arrivé en [p. 288] France, ce monarque qui a toujours esté l’appuy des malheureux et l’azil des opprimez en ressentit une joye proportionnée au triste etat ou il scavoit qu’elle se trouvoit. […] [p. 321] La nouvelle de l’arrivée du roy d’Angleterre à Ambleteuse ayant esté receue à Versailles, M. le marquis de Beringhen l’apprit à Beaumont par un courrier que le [p. 322] Roy lui depescha. […] [p. 328] M. le Premier, après s’etre acquité de sa commission auprès de la reyne d’Angleterre, qu’il auroit conduite jusqu’à Saint Germain sans les nouveaux ordres qu’il receut, ne songea plus qu’à partir la nuit mesme pour aller au devant de Sa Majesté britannique. […]
[p. 329] Le 6, cette princesse partit de Beaumont pour se rendre à Saint Germain en Laye, dont le Roy avoit fait meubler le chasteau pour la loger. Il avoit d’abord fait preparer celuy de Vincennes, [p. 330] mais Sa Majesté croyant l’air de Saint Germain meilleur pour la santé du jeune prince, et ce chasteau plus commode pour voir la reyne plus souvent, avoit changé de dessein.
Le Roy partit le mesme jour de Versailles pour aller au devant de cette princesse. Il estoit accompagné de monseigneur le Dauphin, de Monsieur et des princes et principaux seigneurs de la Cour. Il s’avança jusques auprès de Chatou, et les gardes du corps, les gendarmes, [p. 331] les chevaux legers et les deux compagnies de mousquetaires s’etendoient dans la plaine depuis le pont du Pec jusqu’à ce village. Quoyque leurs habits ordinaires soient assez riches et que le tout ensemble produise un effet fort éclatant, chacun s’estoit efforcé ce jour là de se mettre proprement et l’on peut dire que tous les officiers estoient magnifiquement vestus. Le carosse de Sa Majesté et celuy où estoit la reyne d’Angleterre ayant paru, chacun descendit du [p. 332] sien, dans le mesme temps, et le Roy et cette reyne se saluerent. Le Roy luy presenta monseigneur le Dauphin et Monsieur, et la remit ensuite dans le mesme carosse, où estant aussitost monté il se plaça à sa gauche, et monseigneur le Dauphin et Monsieur se mirent sur le devant. Lorsqu’on fut arrivé à Saint Germain, le Roy conduisit la reyne dans l’apartement qui luy avoit esté preparé. Il demeura quelque temps en public avec elle, et luy presenta monsieur le [p. 333] Prince, monsieur le Duc et monsieur le prince de Conty. Le Roy, en prenant congé de cette princesse, luy dit « qu’il alloit voir le prince de Galles pour apprendre s’il n’estoit point fatigué du voyage ». La reyne voulut l’y accompagner et lui dit « qu’elle avoit esté ravie qu’il ne fust pas en age de connoistre ses malheurs, mais qu’à present elle estoit bien fachée qu’il ne fust pas en etat de reconnoistre l’obligation qu’il luy avoit ». Le Roy revint ensuite à Versailles et laissa cette princesse dans [p. 334] l’admiration de ses manieres toutes engageantes et qui, avec le brillant de la majesté, laissent paroistre un air tout affable qu’il seroit difficile d’exprimer. Ce monarque de son costé trouva beaucoup d’esprit et de grandeur d’ame dans cette princesse. Elle a l’air noble ; toute penetrée qu’elle est de sa douleur, elle n’en paroist point embarassée. Elle sent bien ce qu’elle est et quoy qu’elle soit fort honneste, elle scait placer ses honnestez selon les gens et est tout à fait maitresse d’elle mesme.
[…]
[p. 359] Le roy d’Angleterre […] monta à Clermont dans le carosse du Roy que M. le Premier avoit [p. 360] au voyage en allant au devant de la reine et qu’on y avoit fait venir de Beauvais toute la nuit. M. le Premier et M. le duc de Bervick entrerent dans ce carosse avec Sa Majesté, qui alla ainsi jusqu’à Saint Germain en Laye, avec des attelages du Roy qu’on avoit mis en relais. Tout Saint Denis estoit remply du peuple de Paris, qui marqua sa joye par ses acclamations lorsqu’il vit arriver Sa Majesté britannique, ce qui acheva de faire connoiste qu’il n’y a point de peuple au monde si fidelle [p. 361] et si zelé que celuy de France, ny qui se plaise davantage à entrer dans tous les sentimens de son Roy. Tout se trouva remply de peuple, de carosses pleins de personnes de qualité et de cavaliers depuis Paris jusqu’à Saint Denis, et ce prince n’entendit que des acclamations, et ne vit que de la joye sur tous les visages.
Sa Majesté receut ce monarque au milieu de la salle des gardes de Saint Germain. La joye qu’ils eurent de se voir parut dans leurs embrassades, qui furent reiterées [p. 362] plusieurs fois. Leurs complimens estant finis, le Roy mena Sa Majesté britannique dans la chambre de la reine son epouse, qui estoit au lit, et apres y avoir demeuré quelque temps et l’avoir aussi mené chez le prince de Galles, il s’en retourna à Versailles.
Le 8, le roy d’Angleterre vint l’apres dinée à Versailles rendre visite à Sa Majesté, ayant dans son carosse M. le duc de Bervick, M. le Premier et M. de Lausun. Le Roy le receut à la porte de [p. 363] la salle des gardes et le conduisit dans son petit salon, puis dans son cabinet, où ils demeurerent seuls pendant plus d’une heure et demie. Sa Majesté le conduisit ensuite par la grande galerie à l’appartement de madame la Dauphine, qui l’attendoit dans sa chambre avec un fort grand nombre de dames. Cette princesse estant avertie qu’il venoit par la galerie, s’approcha environ à trois pas de la porte. Le roy d’Angleterre entra, accompagné du [p. 364] Roy, de monseigneur le Dauphin et d’une très grande quantité de seigneurs de la Cour. Il baisa madame la Dauphine des deux costez et ensuite Madame qui s’y trouva. Il baisa après monseigneur le duc de Bourgogne, monseigneur le duc d’Anjou et monseigneur le duc de Berry qui accompagnoient tous trois madame la Dauphine. On ne fut point assis. Madame la Dauphine estoit du costé de la balustrade et, le Roy donnant toujours la droite au roy d’Angleterre, [p. 365] estoit avec Monseigneur du costé des fenestres. La conversation dura un quart d’heure. Ce monarque prit congé pour aller chez Monseigneur, qui un moment auparavant estoit sorty de chez madame la Dauphine, pour l’aller attendre dans son appartement. Le Roy accompagna ce monarque en sortant jusqu’au haut du grand degré. Monseigneur le receut à la porte de la salle de ses gardes, et le roy fit tomber la conversation sur la campagne de ce jeune prince, [p. 366] à qui il donna les louanges qui luy sont dues, mais il luy dit ensuite « qu’il s’estoit trop exposé et qu’à l’avenir il devoit se menager davantage ». Monseigneur lui repondit, avec beaucoup de presence d’esprit, « qu’estant duc d’York il ne s’estoit pas moins exposé lorsqu’il combattoit dans les troupes de France ». Le roy repliqua « qu’il n’estoit alors qu’un malheureux aventurier mais que comme il seroit presentement le plus ancien lieutenant general s’il avoit continué, il croyoit que le Roy le [p. 367] feroit marechal de France ». Monseigneur le reconduisit jusqu’au mesme lieu où il avoit esté le recevoir. Il alla ensuite chez Monsieur, qui estant veritablement indisposé, gardoit le lit ce jour là. Comme il estoit assez naturel de parler du prince d’Orange, ce qu’on en dit fit tourner la conversation sur la bataille de Cassel et Monsieur fut loué d’avoir battu un pince si fier et qui ne manquoit ny de hardisse ny de courage. Ce prince repondit là dessus [p. 368] « qu’il voudroit qu’une semblable occasion se presentast encore et qu’il exposeroit volontiers sa vie pour le service du roy d’Angleterre ». Ce monarque alla après cela rendre visite à Madame et s’en retourna à Saint Germain. M. le Premier l’y accompagne et luy dit le soir en prenant congé de luy que la Maison du Roy qu’il avoit menée au devant de la reine avoit ordre de demeurer auprès de Leurs Majestez pour les servir.
Le 9, monseigneur le Dauphin se rendit à Saint [p. 369] Germain et visita Leurs Majestez britanniques.
Le 10, Madame et mademoiselle y allerent aussi, et le 12 les princesses du sang.
Le 13, Monsieur les visita pareillement et sur les deux heures les princes du sang firent les mesmes visites. Le mesme jour, sur les quatre heures du soir, la reine d’Angleterre vint à Versailles. Le Roy, monseigneur le Dauphin et Monsieur la receurent au plus haut du grand escalier. Elle parut se defendre la droite [p. 370] de Sa Majesté. On luy avoit preparé un fauteuil qui estoit à droite de celuy du Roy et elle s’y mit. La conservation dura un quart d’heure et l’esprit de cette princesse se montra aussi brillant qu’il avoit dejà fait. Le Roy luy dit « qu’il estoit surpris de l’entendre si bien parler françois et de de qu’on ne luy remarquoit aucun accent etranger ». Elle repondit « qu’elle s’estoit toujours senti de l’inclination pour la France et que c’estoit de là que venoit la facilité qu’elle avoit eue à apprendre le françois ». [p. 371] Leur conservation étant finie, le Roy la conduisit chez madame la Dauphine, qui l’attendoit dans sa chambre avec un tres grand nombre de dames, qui estoient fort parées. Quand cette princesse fut avertie que la reine venoit par la galerie, elle s’avança jusque dans la porte. La reine la baisa d’un costé et madame la Dauphine, luy donnant la droite, la mena dans son grand cabinet. On y avoit preparé six fauteuils, scavoir pour la reine, madame [p. 372] la Dauphine, les trois jeunes princes et Madame. Celuy de la reine estoit au milieud e la chambre et les autres estoient tournez un peu du costé du fauteuil de cette princesse. Toutes les duchesses furent assises. Madame la duchesse de Powis, gouvernante du prince de Galles, et madame la comtesse de Montecuculi, une des dames d’honneur de la reine, comme estoient icy les dames du Palais, puisqu’elles sont plusieurs et qu’elles servent par semaine, eurent [p. 373] les tabourets. On s’etonnera que je donne icy le nom de duchesse à madame de Powis apres l’avoir apellée plusieurs fois marquise ; la raison de ce changement est que le roy d’Angleterre, depuis son arrivée à Saint Germain, a recompensé le zele de M. de Powis, son marquis, en le faisant duc. La conversation dura une demy heure. On se leva et madame la Dauphine conduisit la reine jusqu’à la porte de son cabinet. Cette princesse alla ensuite chez Monseigneur, qui la receut [p. 375] à la porte de la salle de ses gardes et la reconduisit jusqu’au mesme endroit. Elle alla après chez Monsieur et chez Madame, qui luy firent tous les honneurs dus à une reine. »

Récit par le nonce Gualterio de la mort de Jacques II à Saint-Germain-en-Laye

« Su l’avviso che giunse la notte de 12 del corrente dello stato pericolossimo in cui si trovava il Re britannico stimo il nunzio a proposito di traferirsi la matina seguente alla corte de San Germano. Vi trovo S. M.tà con febre, che gli ripligliava per fino a tre volte il giorno con una prostratione totale di forze, e con una sonnolenza gravissima, la quale lo faceva continuamente dormire senza pero impedirgli di riscuotersi ogni volta che volevano dirgli qualche cosa e di rispondere adattatamente con uso di ragione che ha conservato sempre intierissimo per fino all’ultimo. I medici lo facevano fino d’allora disperato, onde il nunzio predetto credette che per edificazione delle due corti e per dimostratione di riconoscenza ad un prencipe ch’era stato coisi fedele alla Chiesa gli corresse debito di assistergli per fino all’ ultimo respiro, si come ha fatto in effetti non abbandonandolo né giorno né notte dal martedi matina perfino al venerdi sera in cui rese l’anima a Dio. Continuo è stato altresi il concorso d’' prencipi della case reale e de gran signori che sono andati a sapere di mano in mano lo stato della sua salute, mà tra gli altri si è distinto con particolari marche d’affetto il sig. prencipe di Conti che per essere cugino germano della Regina ha voluto usare con essa particolari finezze restendo tutti que’ giorni dalla matina per fino alla sera in San Germano. Il Re ha mandato ogni giorno più signori della prima sfera ad informasi dello stato delle cose, et il mercordi dopo desinare vi venne egli stesso in persona. Il nunzio si ritrovava nella stanza della Regina quando fù portato l’avviso della sua venuta. S. M.tà gli disse che non haverebbe voluto che il Re Christianissimo passasse per la stanza dell’infermo, dubitando che si come s’erano sempre teneramente amati cosi potesse seguire una vicendevole commotione in vedersi, e lo incarico di procurare d’indure S. M.tà a passare per un picciolo balcone al di fuori. Il nunzio prego il sig. duca di Lauson [Lauzun] ad insinuarlo a S. M.tà, il quale non fece difficoltà di prendere quella strada mà trovato poi esso nunzio sul medesimo balcone gl’espresse un sommo desiderio di vedere onninamente il Re Britannico, in maniera che si concerto che cio sarebbe seguito appresso la visita della Regina. Entrata S. M.tà nella di lei stanza, fece instanza che si chiamasse il prencipe di Galles. Venuto questi rimasero tutti tre soli, mà si è poi saputo per bocca del Re medesimo che il picciolo prencipe si come era stato un tempo considerabile senza vedere la madre cosi subito che fù entrato nella camera senza riguardo del Re presente gli si getto al collo e ivi con molte lagrime s’abbracciarono cosi teneramente che il Re dice d’havere havuto della pena a distaccarli l’uno dell’alltra. La Regina a cui tratanto il. Re haveva communicato la propria intentione notifico al prencipe la risoluzione presa da S. M.tà di riconoscerlo e trattarlo da Re ogni volte che venisse a mancare il Re suo padre. Il fanciullo che non havea notizia alcuna dell’avvenimento e che non poteva havere ne tampoco sepranza nientedimeno riceve tal avviso come se vi fosse stato preparato, e gettandosi a i piedi del Re gli desse queste precise parole: Io non mi scodero mai che sete voi che mi fate Re, e qualsivolglia cosa che mi succeda impiergaro questa dignità a farvi conoscere la mia riconoscenza. Il Re gli disse che lo faceva volontieri mà sotto conditione che conservasse sempre immutabile le religione cattolica, in cui era stato educato, mentre se fosse stato mai possibile ch’egli l’abandonnasse o volesse anche solamente nasconderla non solo perderebbe affatto la sua amicitia mà sarebbe risguardato con horrore di tutti gl’huomini da bene che sono nel mondo e come l’ultimo e il più vile degl’huomini. A che il prencipe rispose con le proteste della maggiore costanza. Più altre cose furono dette vicendevolmente sopra lo stesso argomento; dopo di che il prencipe si ritirà et essendo uscito dalla camera dirottamente piangendo dette motivo a milord Perth suo governatore di dimandargli che cosa gl’havesse detto il Re di Francia: mà gli rispose che ne haveva promesso il segreto a S. M.tà e che non poteva violarlo. In effetti non vole dirle cosa alcuna. Bensi tornato al suo appartamente si rinchiuse nel gabinetto e si pose a scrivere e domandatogli dal governatore medesimo cio che notasse disse senz’ altro ch’era il discorso tenutogli dal Re Christianissimo, il quale voleva poter rileggere tutti i giorni della sua vita.
S. M.tà fini tratanto la visita della Regina et accostandosi al letto del Re infermo gli fece i più cordiali complimenti. L’altro assopito nella sua sonnolenza habbe sul principio qualche difficoltà a riconoscerlo e l’andava ricercando quasi sospeso con gl’occhi, mà rivoltosi finalmente alla parte ove il Re era, tosto che l’hebbe veduto pose la bocca al riso e dimostro un estremo piacere. La ringratio poi di tutte le finezze le quali qu’usava e singolarmente d’havergli mandato il giorno antecedente il suo primo medico. Dopo varie espressioni d’affetto il Re Christianissimo disse che haverebbe voluto parlare di qualche negozio a S. M.tà Britannica. Ciascheduno volea ritirasi per rispetto mà il Re comando che tutti si fermassero et alzando la voce disse che volea assicurarlo che quando Dio havesse fatto altro di lui, haverebbe presa cura particolare del principe di Galles, e non minore di quella che potesse haverne esso stesso se fosse vivo; che dopo la sua morte lo riconoscerebbe per Re e lo trattarebbe nella medesima forma con cui haveva trattato lui medesimo. Cio che gli rispondesse il Re Britannico non pote udirsi perchè l’Inglesi, de’ quali era piena la camera e che non solamente non s’attendevano ad una tale dichiaratione mà per il contrario haveano probabilità tali da credere tutto l’opposto dettero tutti un’alto grido di Viva il Re di Franci, e gettandosi a i piedi di S.M.tà gli testimoniaronon la loro gratitudine d’une maniera che quanto era più viva et in un certo modo lontana dal rispetto ordinario tanto maggiormente mostrava i sentimenti de loro cuori. Il nunzio dopo haver dato luogo a tal transporto di gioia in quelle genti s’accosto ancor’egli a S. M.tà e gli disse che lo ringratiava a nom di tutta la Chiesa dell’atto eroïco il qual veniva di fare, pregando Dio a volerglielo ricompenzare con altretante fecilità. S. M.tà rispose allora con somma benignità e poi esso nunzio essendo andato servendolo per fino alla carrozza lo richiamo per strada e gli soggiunse ch’egli ben sapeva di quale importanza poteva essere tale risoluzione e conosceva le difficoltà che potevano esservi state mà che il rispetto della religione havea sorpoassato ogni cosa e ve lo haveva unicamente determinato. Si sa poi S. M.tà haver detto in appresso che ben conosceva tutti gli pregiuditii che poteva recargli una cosi fatta determinazione, la quale haverebbe dato pretesto al prencipe d’Oranges d fare de’ strepiti in Inghilterra di suscitargli contro il Parlemento e forse di caggionargli la guerra mà che havea voluto che gl’interessi della religione passassero innazi a tutte le altre cose, lasciando a Dio la cura del resto. In effetti si penetra che la maggior parte del Consiglio fosse di contraria opinione e che l’operato si debbia al solo arbitrio del Re. E’vero che i prencipi della casa reale erano stati di tal desiderio et hanno dimostrato una somma sodisfazione del successo; il duca di Borgogna particolarmente, che se n’espresse ne’ termini più forti che possino imaginarsi.
Ritornando al Re defonto è certo che questa è stata la maggiore consolazione che potesse havere morendo, mentre altro affare temporale non gl’occupava la mente. Ne ha dati altresi gli contrassegni maggiori mentre ordino subito che il prencipe si traferisse a Marli per ringraziarne S. M.tà se bene la Regina non giudico poi d’inviarvelo havendosi mandato in sua vece milord Midleton suo primo ministro. La matina seguente si fece chiamare di bel nuovo esso prencipe e parlandogli del medesimo affare gli ricordo la fedeltà a Dio, l’ubidienza alla madre e la riconoscenza al Re Christianissimo. Né poi ha parlato con alcun prencipe o signore della corte di Francia che non gl’habbia tenuto ragionmento sopra di cio et espressegli le grandi obligazioni che sentiva sù tale soggetto. Queste sono state le sole parole ch’egli habbia impiegate negl’affari del mondo. Tutto il rimanente non ha risguardolo che il Cielo, eccitando di tempo in tempo i preti e i religiosi che l’assistevano a dire delle orazioni, scegliendo esso stesso quelle che maggiormente desiderava e sopra tutto mostrando un sommo desiderio et una somma divozione della messa, recitandosi la quale egli che nel rimanente del tempo soleva essere addormentato si è sempre tenuto con gl’occhi aperti e facendo con la testa tutti que’ segni di venerazione che la sua positione e la sua debolezza potevano permettergli all’elevazione. Fino agl’ultimi respiri è stato udito recitare delle preghiere et allorché gli manco la voce fù veduto movere a tal ogetto le labra. Oltre di cio ha dimostrata una tranquilità d’animo infinita et una rassegnatione eroica al divino volere: consolandro egli stesso la Regina del dolore che dimostrava per la sua perdita. Ha finalmente dell’infermità et havendo sempre riposto che stava bene. Ha habuto una esatta ubidienza alle ordinationi de’ medici et ha preso senza replica tutto quello che hanno voluto dargli benche vi havesse per altro ripugnanza. Finalmente ha havuto sempre il giuditio sanissimo e la mente etiandio più pronta e più libera di quella che l’havesse per molti mesi antecedenti. Gli è durato de lunedi fino al venerdi sempre in una specie d’agonia patendo varii accidenti che di tanto in tanto facevano crederlo vicino a morire e risorgendo un momento appresso. Gl’ultimi singulti della morte furono brevi e non durarono lo spatio d’un hora e mezza ancor’essi assai miti e cher per quanto pote osservarsi non gl’erano un gran tormento. Spiro venerdi alle tre e mezza della sera pianto con caldissime lagrime da suoi tanto cattolici che protestanti, i quali l’hanno tutti per tanti giorni servito con un’amore et attenzione indicibile. La Regina non ha fatto un tutto questo tempo che piangere mà senza pero abandonare la cura degl’affari correnti. Morto il Re le più grandi angoscie mà persuasa alla fine di lasciarsi mettere in carrozza si è trasferta ad un convento delle monache della Visitatione posto in un villaggio vicino a Parigi per nome Challiot ove si tratterrà fino lunedi sera. Il Re s’era offerto di accompagnarvela in persona mà non ha voluto permetterglielo. Si ritroverà bene a S. Germano nel ritorno che S. M.tà vi farà per riporla nel suo appartamento, et allora si crede che visitarà la prima volta il successore in qualità di Re.
Il nunzio credette di non dover frapporre indulgio alcuno a far questa parte per dare un’esempio autentico agl’ altri ministri e per dimostrare tant maggiormente al nuovo Re la benevolenza della Sede Apolostica, onde passo subito a complimentarlo nel sup appartamento, dicendogli che nel gravissimo dolore che la Chiesa sentiva per la perdita d’un membro cosi principale qual era il Re defunto non poteva invenire maggiore consolazione di quella che gli proveniva dal riconoscerne S. M.tà per successore, non dubitendo che dovesse essere herede ugualmente delle virtù che delle corone del Padre e particolarmnte in cio che risguarda la costanza nella religionez per cui quel principe era stato cotanto glorioso. Rispose che S. S.tà poteva essere certa di haverlo sempre altretanto ubidiente quanto sia stato suo padre. Le disposizioni venture di quella corte non sono per ancora mote mà si avviseranno in appresso. In quanto alle ossequie S. M.tà Christianissima voleva fargliela fare reali a sue spese mà il Re defonto raccommando d’essere sepolto senze pompa e la Regina ha poi talmente insisito sopra la medesima istanza che si à rimasto di far transportare il cadavere senza pompa alle benedittine inglesi per tenervelo in deposito per fino a tanto che piaccia a Dio di disporre le cose in maniera da poterlo riportare nel sepolcro de suoi maggiori in Inghilterra. Ha bensi S. M.tà fatto fare un cuore d’argento dorato coronato alla reale per rinchiudervi quello del del defonto già trasferito segretamente a Challiot per essere risposto vicino a quello della Regina sua madre che si conserva nel medesimo luogo. Pensa inoltre a tutto cio che possa essere di sollievo, di conforto e di commodità alla Regina e procura d’usargli tutte le finezze possibili per consolarla. Il che si rende più necessario quanto l’afflittione dell’animo reca alla medesima pregiudizio anche nel corpo, trovandosi hoggi travagliata da mali di stomaco e da una straordinaria debolezza benche speri che le cose non siano per passare più oltre. »

Gualterio, Filippo Antonio

Acte de décès de Louis XIII à Saint-Germain-en-Laye

« Le quatorziesme jour de may mil six cents quarente trois, feste de l’Ascension de Nostre Seigneur, à deux heures apres midy, au grand regret, perte et trop tost pour le bien de toute la France, apres une longue et langoureuse maladie, mourut dans le chasteau neuf de Saint Germain en Laye tres puissant, tres victorieux et tres chrestien prince Louys de Bourbon, treiziesme du nom, surnommé le juste, fils aisné de l’Eglise, aprest avoir receu pendant sad. maladie les saints sacrements de penitence eucharistique et extreme onction avec une tres grande et exemplaire devotion, aagé de quarente deux ans sept mois dix sept jours, ayant regné heureusement trente trois ans entiers tout juste, roy de France et de Navarre, laissant pour successeur en la place tres illustre prince Louis de Bourbon, quatorziesme du nom, surnommé Dieudonné, son fils aisné, Daulphin de France, aagé de quatre ans huict mois neuf jours seulement, qui fut tout aussitost conduit en la chapelle du viel chasteau, où il fut recognu, honoré et proclamé Roy par la Reyne regente, sa mere, premierement, puis ensuitte par messieurs les ducs d’Anjou, son frere unique, d’Orleans, son oncle, monsieur le Prince, et generallement par tous les autres princes, prelats, seigneurs et officiers estants pour lors en cour, en fort grand nombre, avec toutes les protestations de service et obeissance deues à Sa Majesté. »

Acte de naissance de Louis XIV à Saint-Germain-en-Laye

« Le cinquiesme jour de septembre mil six cents trente huict, nasquit dans le chasteau neuf de Saint Germain en Laye, à onze heures un quart du matin, monseigneur le Dauphin, fils premier nay de tres chrestien et tres puissant monarque Louys, treiziesme de ce nom, roy de France et de Navarre, et de tres religieuse et illustre princesse Anne d’Austriche, sa tres chaste et chere espouse, et fut incontinent apres et le mesme jour ondoyé par reverend pere en Dieu messire Dominique Seguier, evesque de Meaux et premier aumosnier de Sa Majesté, avec les eaues baptismales de la paroisse de Saint Germain en Laye, baillées et livrées par me Pierre Cagnyé, prestre et curé de ladicte paroisse.
Bailly »

Mentions de Saint-Germain-en-Laye dans le journal d’Olivier Le Fèvre d’Ormesson

« [p. 13] [6 mars 1643] Le Roy estoit à Saint Germain, se portant mieux de la maladie qu’il avoit eue pendant sept ou huit jours. Chacun le considere comme un prince usé et qui ne peut encore longtemps subsister. La cour, sur cette pensée, se partage.
[…]
[p. 14] [8 mars 1643] M. de Jouy nous vint voir, qui nous dit qu’il avoit accompagné Monsieur, frere du Roy, à Saint Germain, où le Roy luy avoit fait grand accueil, qu’il s’estoit justifié des bruits que l’on avoit fait courir de [p. 15] luy à Paris, d’avoir voulu briguer la regence et de s’estre ligué avec monsieur le Prince.
[…]
[p. 17] Le jeudi 12 mars, M. de Chaillou de Toisy me vint voir l’après disnée, et me dit que Monsieur, frere du Roy, ayant esté à Saint Germain, chacun l’avoit fuy, que le Roy et la Reyne lui avoient fait un tres mauvais accueil, que M. de Mercoeur, fils aisné de M. de Vendosme, avoit esté tres bien reçu du Roy, que M. de Beaufort et Mme de Vendosme avoient eu permission de le voir du premier jour, et qu’il avoit obtenu le retour de M. de Vendosme d’Angleterre. L’on me dit aussy que Mme de La Vieuville avoit permission de revenir.
[…]
[p. 22] [6 avril 1643] La maladie du Roy divisoit toute la cour : la Royne avoit pour elle la noblesse, MM. de Vendosme et de Beaufort, de Longueville, d’Harcourt, les marechaux de La Force, de Chastillon, etc. Monsieur, frere du Roy, avoit de sa part quelques personnes qui s’estoient declarées pour luy contre la Reyne, scavoir le premier president, les presidens de Maiso,s et de Nesmond, et le procureur general. M. le Prince, de son costé, faisoit sa brigue. Il me dit encore que le jour du vendredy saint, le cardinal Mazarin s’estant levé pour aller à l’adoration de la croix apres la Reyne, le duc de Beaufort se leva aussy, [p. 23] mais il yt arresté par la Reyne, qui le retint et fit que le Mazarin y allest, et M. de Beaufort n’y fut point.
La maladie du Roy arrestoit toutes choses, en ce que les ministres ne vouloient rien resoudre sans luy, et ainsy que l’on ne pouvoit donner tous les ordres necessaires pour faire avancer les troupes ; les ennemis faisoient leurs assemblées au Quesnoy.
Le Roy est reduit au lait de vache, qu’il a bien digeré pour la premiere fois ; il a un flux epatique, et par l’avis de M. Juif, qui assista hier à une grande consultation, il est malaisé qu’il en rechappe.
[…]
[p. 26] [16 avril 1643] L’après disnée, je fus à Amboille et revins le dimanche au soir. A mon retour, j’appris comme le Roy, se sentant desfaillir, avoit fait sceller des lettres patentes par lesquelles il declaroit la Reyne regente, Monsieur lieutenant general du royaume, M. le Prince chef du conseil, et avoit nommé ceux qu’il desiroit composer le conseil.
Le lundy matin, M. Pichotel me vint dire les nouvelles, qui estoient la declaration pour la regence, que messieurs du parlement estoient mandés à Saint Germain, que M. d’Emery seroit secretaire d’Estat au lieu de M. Le Tellier, à qui l’on donneroit la charge de lieutenant civil, qu’on luy venoit de dire que le Roy estoit mort, que M. le grand maistre estoit arresté prisonnier. Je fus disner chez Mme de Fourcy, où j’appris les mesmes nouvelles, et tout le monde dans Paris croyoit le Roy mort, et l’on ne tesmoignoit pas grande douleur. Le bruit de la mort du Roy avoit couru sur ce que, le matin, il avoit eu une grande foiblesse et on l’avoit cru mort. Pour M. le grand maistre, ayant eu peur que MM. de Vendosme n’entreprissent contre luy, il avoit envoyé, en diligence, un valet de chambre à Paris avertir ses amis et serviteurs de le venir trouver, et de fait il revint accompagné [p. 27] de trente ou quarante gentilshommes. M. Pichotel me dit que l’on avoit nommé MM. d’Aligre et Bignon, conseillers d’Estat, pour faire l’inventaire des biens de M. le cardinal, et que le lendemain de la disgrace de M. de Noyers l’on avoit fait porter à l’epargne quatorze cent mille livres qui estoient chez M. de Mauroy, appartenant à la succession de M. le cardinal, et que M. de Mauroy en avoit donné l’avis.
Le soir, apres souper, M. de Breteuil, conseiller de la cour et commissaire en la premiere chambre des requestes du Palais, nous vint voir et nous dit comme ils avoient reçu au parlement, sur les huit heures, une lettre de cachet qui leur ordonnoit d’envoyer des deputés à Saint Germain sur les deux heures, qu’il avoit esté deputé de sa chambre avec M. de Machault, qu’il y avoit eu contestation dans les Enquestes entre les presidens et les conseillers sur ce que la lettre de cachet ne demandoit que deux conseillers de chaque chambre, neantmoins il y avoit eu beaucoup de presidens parmi les deputés, qui tous ensemble s’estoient rendus à Saint Germain sur les deux heures, et estant descendus dans le chasteau neuf avoient esté conduits dans une chambre proche celle du Roy, où M. le chancelier les estoit venu trouver avec un visage fort gai, tenant la declaration du Roy pour la regence en sa main, et leur ayant dit que le Roy les avoit mandés pour leur dire de bouche sa volonté sur la declaration de la regence, il leur fit voir comme le Roy avoit escrit de sa propre main ces mot : comme estant ma tres expresse et derniere volonté, et signé Louis, par la Reyne, Anne, et par Monsieur, Gaston, et par trois secretaires d’Estat, Phelypeaux, Bouthillier, Guenegaud ; qu’incontinent ils avoient esté introduits dans la chambre du Roy, qui estoit tout etendu sur son lit, dont les rideaux estoient levés des trois costés, la Reyne assise au pied du lit, ayant M. le Dauphin devant elle, Monsieur debout aupres, et M. le Prince à la ruelle ; au chevet du lit, le cardinal Mazarin, et aupres de luy M. le chancelier, le reste de la chambre plein de princes et seigneurs ; et s’estant tous avancés autour du lit, et le Roy ayant demandé si tous ces messieurs estaient là, il leur dit avec une voix forte et facile qu’il les avoit mandés [p. 28] pour leur dire que, Dieu l’ayant affligé de plusieurs et grandes maladies, il avoit resolu de donner ordre au gouvernement de son royaume au cas que ce fust le plaisir de Dieu de disposer de sa vie, qu’il avoit fait une declaration que son frere (regardant Monsieur) leur porteroit demain avec M. le chancelier, qu’il leur commandoit de la verifier et de luy rendre en cela et en tout l’obeissance qu’ils luy devoient ; et puis, ayant cessé, il repris que pour les exilés de leur corps, il leur pardonnoit de bon cœur et trouvoit bon qu’ils le vinssent servir dans le parlement. M. le premier president luy ayant fait un petit compliment, ils s’estoient retirés avec M. le chancelier, et, ayant commencé à concerter de l’ordre des seances, M. le chancelier leur avoit tesmoigné que Monsieur desiroit prendre place entre luy et M. le premier president. A quoy ayant esté repliqué que l’ordre estoit que Monsieur prist la place ordinaire sur le banc des conseillers, conforme à la seance observée pour le duc d’Anjou, frere de Charles IX, estant venu au parlement pour la verification des lettres patentes pour sa lieutenance en 1567, M. le chancelier en demeura d’accord.
[…]
[p. 33] Le jeudy 23, […] je scus d’un parente de madame de Fourcy, qui revenoit de Saint Germain, que le Roy avoit reçu l’extresme onction sur le onze heures, et qu’il s’affoiblissoit et de voix diminuoit [p. 34] extresmement, que c’estoit une consternation estrange dans Saint Germain. […]
Le vendredi 24 avril, […] l’on disoit que le Roy se portoit mieux. Apres souper, vint un homme de la part de M. de Chezieres, frere de M. de Collanges, qui revenoit de Saint Germain, nous dire que le Roy se portoit bien mieux, avoit dormi, estoit sans fievre, avoit changé de lit, s’estoit fait nettoyer les dents et peindre la barbe, et qu’on en esperoit bien.
Le lundy 27 avril au matin, je fus voir M. de Nivion, qui me dit que M. de Montbazon luy venoit de mander que le Roy estoit bien mal.
[…]
[p. 35] Le mardy 28 avril, je fus avec mon père chez M. le chancelier, où j’appris que le Roy estoit tres mal, que M. le surintendant venoit d’entrer et conferoit avec M. le chancelier, qui monta incontinent en carrosse pour aller tenir le conseil, et M. le surintendant pour aller à Saint Germain.
Le jeudy 30 avril, M. des Ouches, gentilhomme chez Monsieur, vint voir mon père, et nous dit que le Roy se portoit bien mieux, que les medecins en avoient bonne opinion, et que Monsieur estoit monté à cheval pour s’en aller rejouir, que le Roy montroit une telle resolution à la mort qu’il ne souhaitoit pas de guerir et qu’il estoit admirable de l’en entendre parler ; que dans ses bonnes heures, il railloit et avoit dit à Monsieur que le jour qu’il reçut l’extresme onction, il avoit pensé eclater de rire, entendant un prestre commencer une antienne d’un mauvais ton, que la Reyne et Monsieur estoient en tres bonne intelligence et le seroient toujours, outre leurs interests communs, y ayant de l’inclination.
Apres je fus voir M. Briçonnet, qui me dit qu’il avoit esté le jour precedent à Saint Germain, que le Roy se portoit un peu mieux, mais avec si peu de changement que l’on n’en pouvoit rien dire : la cour estoit telle que l’on ne pouvoit plus s’y tourner, M. de Bassompierre plus poli que jamais, que l’on vouloit tirer la demission de M. de La meilleraye de sa lieutenance de Roy en Bretagne au profit de M. de Gesvres, et ce sous pretexte qu’il en avoit le gouvernement.
[…]
[p. 37] Le samedy 2 mai, […] arriva un courrier de Saint Germain qui dit que le Roy se portoit mieux et avoit assez bien dormi la nuit.
[…]
[p. 38] Le lundy, M. de Saint Poange nous dit comme M. Le Tellier estoit arrivé et aussytost allé à Saint Germain, mais qu’il n’avoit point de nouvelles qu’il eust encore presté le serment ; il ne doit avoir qu’une commission de six mois. […] Pour la santé du Roy, elle diminuoit en ce qu’il n’y avoit aucun mandement ; mais sa resolution estoit telle qu’il ne souhaitoit avoir assez de santé pour pouvoir, de son vivant, donner la paix à la France. […]
Le mardy matin, […] j’allai avec mon père disner chez M. de Leon. M. d’Emery y vint apres, qui nous dit que le Roy se portoit bien mieux, que M. Bouvard, premier medecin, en esperoit beaucoup et avoit fait renvoyer les autres medecins, esperant qu’il pourroit gouverner la maladie du Roy sans assistance. Il nous dit que M. Le Tellier avoit fait le matin le serment, entre les mains du Roy, de la commission de secretaire d’Estat pour six mois, que le Roy y avoit à peine consenti, disant que, pour exercer la commission, [p. 39] M. Le Roy, premier commis, suffisoit, que M. Le tellier vouloit donner cent mille ecus de la demission de M. de Noyers et qu’il n’en voudroit point pour ce prix.
[…]
Le mercredy 6 mai, au conseil des finances, où estoit M. le Prince. Pendant le conseil, il reçut nouvelles de Saint Germain, en dit seulement un mort à M. le chancelier et au surintendant, ce qui faisoit juger qu’elles n’estoient pas bonnes. Neantmoins, tout le monde disoit que le Roy se portoit bien mieux. […]
Le vendredy 8 mai, conseil des parties. M. le chancelier estoit revenu la veille de Saint Germain. La maladie du Roy estoit en mesme estat.
[…]
[p. 40] Le lundy au soir, 11 mai, M. de Collanges nous dit que le Roy estoit tres mal : les oses luis perçoient la peau et il estoit si foible qu’il ne pouvoit lever la teste ; il le savoit de M. Mercier, qui venoit de Saint Germain avec M. d’Angoulesme.
[…]
Le jeudy 14 mai, feste de l’Ascension, j’allais aux Minimes entretenir mon frere. Au sortir, je trouvai un de MM. de Collanges, appelé Saint Aubin, qui me dit que l’abbé de Fiesque luy venoit de dire que [p. 41] le Roy estoit mort ce matin à huit heures et que la Reyne reviendroit l’apres disnee. Au retout des Minimes, M. de Langlé me dit la mesme chose. Pendant le disner, nous envoyasmes un laquais chez M. de Malbranche, dans le faubourg Saint Honoré, pour avoir une chambre sur la rue pour voir entrer la Reyne. Nous y fusmes incontinent apres le disner. Nous rencontrasmes l’autre de Collanges, appelé Chezieres, qui revenoit de Saint Germain ; il nous dit que le Roy n’estt point mort. Nous ne laissasmes pas de nous placer dans nostre chambre. Nous estions mon frere, ma femme, sa demoiselle et moy. Jamais il ne se vit un si grand concours de peuple et de carrosses pour sortir la porte. Nous passasmes là l’apres disnée, où l’on nous fit la collation. Nous vismes Le Nostre des Tuilleries, que nous fismes monter avec nous. Sur le soir, passa Monsieur. Le comte de Bruslon nous dit que le Roy avoit esté le matin trois heures en foiblesse telle qu’on l’avoit cru mort, mais qu’il n’estoit mort qu’à deux heures et que la Reyne ne viendroit que le lendemain. Apres ce nous revinsmes par le quai du Louvre, qui estoit gardé par six ou sept compagnies du regiment des gardes.
Tout le monde publioit la mort pieuse du Roy, ses sentimens, sa connoissance. Vingt quatre heures avant que de mourir, il avoit conjuré la Reyne et Monsieur de vivre en bonne intelligence pour l’honneur de Dieu, leur interest chacun en particulier, l’interest de son fils, l’interest de toute la France ; il fit sur la mort des remarques admirables. Il est mort le jeudy, jour de l’Ascension de Nostre Seigneur, apres avoir regné trente trois ans entiers, à deux heures pres. Il n’a jamais eu de contentement en sa vie, qui a toujours esté traversée ; il a fait de grandes choses, mais sous la conduite de ses favoris, particulierement sous celle du cardinal qui, pendant vingt ans, ne luy a jamais fait faire les choses que par la contrainte, de sorte que, pendant sa maladie, il disoit que les peines et contraintes que le cardinal avoit faites sur son esprit l’avoient reduit en l’estat où il estoit.
Le vendredy 15 mai, nous allasmes, mon frere, ma femme, mademoiselle Anne Tillier et moy, des neuf heures du matin, dans nostre [p. 42] mesme chambre, qui appartenoit à une Mme Grandjuge, femme d’un lieutenant suisse, et dependoit de la maison de M. de Malbranche. Nous y demeurasmes jusques à cinq heures du soir, que passa la Reyne. Jamais tant de carrosses et tant de peuple ne sortirent de Paris. A onze heures, les seigneurs qui revenoient de Saint Germain commencerent à passer, qui à cheval, qui en carrosse. Jamais l’on ne vit tant de carrosses à six chevaux et chariots de bagage. M. le Prince passa sur les onze heures avec une troupe de vingt cinq chevaux, presque toujours teste nue. Sur le soir, M. de Bruslon passa, qui se vint mettre avec nous et nous dit que toute les troupes s’estoient mises en bataille dans la garenne de Saint Germain, en attendant la Reyne, qui y avoit esté accompagnée de tous les princes et seigneurs à cheval, et puis avoient tous pris les devans, que cela avoit esté fort beau à voir. Sur les trois heures et demie passerent M. de Montbazon, le president Boulanger, prevost des marechaux, et ensuite tous les officiers de la ville à cheval pour aller recevoir le Roy à la porte et luy faire harangue.
Sur les quatre heures commencerent à passer les premieres troupes, scavoir la moitié du regiment des gardes françoises, les officiers estoient à la teste de leurs compagnies, apres moitié du regiment des gardes suisses, à la teste estoit M. de La Chastre, leur colonel, et apres leurs officiers ; marchoient ensuite les mousquetaires à cheval, conduits par M. de Treville, leur lieutenant, apres les chevau legers, conduits par le marechal de Schomberg, leur lieutenant. Venoit ensuite le carrosse des ecuyers de la Reyne, puis marchoient à pied les gardes de la porte, les gardes du corps françois et les cent suisses. Apres estoient le carrosse ; la Reyne estoit sur le devant, avoit le Roy à sa droite et Monsieur à sa gauche. M. le duc d’Orleans, leur oncle, estoit seul à la portiere du costé de Monsieur. Mesdames de [p. 43] Lansac et de Brassac estoient à l’autre portiere. Madame la Princesse estoit au fond. Le carrosse estoit entouré de valets de pied du Roy. Derriere estoient à cheval trois capitaines des gardes, et le duc de Saint Simon qui, comme premier ecuyer, portoit la petite epée du Roy suivoient les gens d’armes et puis le carrosse des filles de la Reyne, apres l’autre moitié du regiment françois, et puis l’autre moitié du regiment des suisses. Apres estoit le carrosse de madame la Princesse, le petite carrosse du feu Roy avec les six chevaux isabelles que je luy avois vu mener, et puis le carrosse des femmes de chambre. C’estoit une tres grande acclamation de Vive le Roy ! lorsqu’il passoit. Il tesmoignoit une tres grande joie de voir tou ce peuple, et il n’en estoit point etonné, quoyqu’il n’eust point esté à Paris. Je ne le vis point, mais seulement Monsieur, qui est le plus beau prince qui se puisse voir. Tout le monde estoit amoureux de voir ces deux princes et ils disputoient ensemble à qui estoit le plus beau. Ils allerent descendre au Louvre et la Reyne manda à messieurs du parlement qu’ils eussent à différer jusques au lendemain à la venir saluer, qu’elle vouloit se reposer.
Pour le feu Roy, chacun disoit qu’il estoit mort comme un saint, et le comte de Bruslon m’a dit qu’apres cette grande foiblesse estant revenu, et M. Bouvard s’estant approché pour luy taster le poul, le Roy luy dit : « Bouvard, tu m’as promis de me dire de temps en temps combien j’ai encore à vivre ». Sur quoy Bouvard luy ayant repondu qu’il n’avoit pas encore une heure, il s’ecria : « Ah : la bonne nouvelle ! », demanda de nouveau pardon à tout le monde, et pria Dieu avec une devotion admirable. Il s’estoit confessé à M. de Lisieux trois jours auparavant et en estoit demeuré si satisfait qu’il disoit n’avoir jamais esté plus content. Le lendemain de sa mort, il fut ouvert en presence du duc de Nemours et du marechal de Vitry, deputés à cet effet, estant de l’ordre que l’ouverture se fist en presence d’un prince et d’un officier de la couronne. Il avoit un abces dans le poumon, [p. 44] un dans le mesentere, un dans le foie et un dans le rein ; il avoit les boyaux percés et dans le creux de l’estomac un sac plein de vers. Les uns disant que ce sont les vers qui les ont percés, les autres que c’est du poison. Neantmoins l’on dit que les medecins ont donné certificat comme il n’y avoit pas de poison. Dans le petit ventre, il y avoit une telle corruption que ceux qui l’ouvroient penserent crever.
On laissa aupres du corps un lieutenant avec vingt cinq gardes ; il fut exposé sur un lit de velours rouge, le corps entre deux draps avec une camisole blanche et son bonnet de nuit, sans aucune ceremonie, ainsy qu’il avoit bien desiré ; huit prestres autour de son lit, une croix et deux chandeliers, sans couronne ni sceptre sur son lit. Il doit estre porté lundy à Saint Denys sans ceremonie. Voilà pour humilier les Roys et leur faire connoistre qu’ils meurent comme les autres hommes.
[…]
M. de Beaufort a grande creance aupres de la Reyne, et s’en fait fort valoir, ce qui donne dejà peine. Il eut querelle à Saint Germain apres la mort du Roy avec M. le Prince. La Reyne l’ayant prié de faire retirer tout le monde de sa chambre, estant fort incommodée, il s’adressa à M. le duc d’Orleans, qui, à l’heure mesme, partit, et puis dit tout haut : « Messieurs, retirez vous ». Et M. le Prince luy ayant [p. 45] dit : « De quoy vous meslez vous ? », il repliqua : « D’obeir à la Reyne, estant resolu absolument d’obeir aux commandemens de la Reyne et de Monsieur ». Survint M. de Vendosme, qui pria le Prince d’excuser la promptitude de son fils et trouver bon qu’il lui en fit des excuses. M. le Prince se retira en sa chambre, où M. de Beaufort le fut trouver, puis retourna en sa chambre, où M. le Prince le fut visiter.
[…]
[p. 353] Le mardy 17 juillet [1646], M. l’evesque d’Agoulesme me dit que M. le prince de Galles estoit à Saint Germain.
[…]
[p. 360] Le mardy [21 août], nous partismes de Paris, mon père et moy, pour aller coucher à Sucy, et le lendemain nous arrivasmes à Fontaineblau à deux heures. J’allai au chasteau aussytost avec mon père, où nous vismes le bal que la Reyne donnoit à la reyne d’Angleterre. La reyne d’Angleterre avoit la droite, et parce que le prince de Galles ne s’assit jamais devant sa mere, le Roy se tint debout.
[…]
[p. 362] Le vendredy 7 septembre, M. le duc d’Orleans et M. le cardinal partirent pour venir à Paris. On disoit que c’estoit pour ne pas abandonner Monsieur qu’il ne fust entierement persuadé ; mais, en effet, c’estoit pour aller voir le prince de Galles à Saint Germain.
[…]
[p. 390] Le vendredy 9 aoust [1647], le Roy et la Reyne arriverent à Paris, ayant disné à Saint Germain en Laye, pour visiter la reyne d’Angleterre. Ils revenoient de Dieppe.
[…]
[p. 449] [19 février 1648] Le Roy et la Reyne estoient allés voir cette journée, à Saint Germain, la reyne d’Angleterre. Les uns disoient que le Roy avoit esté mené à Londres, où le parlement lui faisoit son proces, les autres qu’ils luy avoient coupé le col, et declaré sa race indigne de la couronne d’Angleterre.
[…]
[p. 464] Le jeudy 19 mars, au Palais, j’appris que la Reyne avoit tesmoigné grande satisfaction de la soumission du parlement, qu’il y avoit eu un si grand concours de noblesse au Palais Royal, lorsque messieurs du parlement y estoient allés, qu’ils avoient eu toutes les peines du monde d’entrer dans le cabinet. L’apres disnée, je fus voir M. du Bignon, qui me dit la mesme chose et que, lorsqu’ils porterent l’arresté, l’on avoit attendu le retour de Monsieur, de Saint Germain ; qu’ils ne l’avoient presenté qu’à huit heures du soir ; que la Reyne l’avoit reçus sans respondre mot.
[…]
[p. 556] [26 août] Comminges, lieutenant des gardes de la Royne, alla chez M. de Bruxelles, le trouva sortant de table, le pressa de le suivre avec quelques paroles rudes, et l’emmena en pantouffles et en manteau, et ce parce qu’il craignoit la rumeur ; il l’empescha de prendre aucun livre. Le peuple courut apres le carrosse, qui rompit pres du [p. 557] Palais. Là on le menaça du poignard s’il parloit, en disant que l’on en avoit ordre. Comminges fit descendre une damoiselle qui passoit [p. 558] en carrosse, fit monter M. de Buxelles dedans sa voiture et l’emmena vers le Palais Royal. Le peuple qui suivoit fut arresté par les [p. 559] gardes. Au Palais Royal, ils trouverent un autre carrosse avec lequel ils le menerent à Madrid, où ils le firent chasser, et de là à Saint [p. 560] Germain en Laye, d’où il partit le jeudy, et le ramenerent par la France pour le conduire à Sedan.
[…]
[p. 572] Le dimanche 13 septembre, je fus pour aller à la messe du Roy. J’appris de M. Rose que le Roy estoit parti des six heures du matin avec M. le cardinal pour Ruel, que la Reyne iroit l’apres disnée, que M. de La Meilleraye estoit aussy parti. Chacun commençoit à parler comme d’une fuite de Paris.
[…]
[p. 578] [22 septembre] M. le premier president fut obligé d’aller à Saint Germain des l’apres disnée. M. le president de Longueil fut deputé avec deux conseillers pour aller convier les princes. […]
Le mercredy 23 septembre, je fus au parlement, où M. le premier president fit la relation de ce qui s’estoit passé à Saint Germain. Il dit qu’aussytost qu’ils furent arrivés, on les fit entrer dans le cabinet où estoit la Reyne, M. le duc d’Orleans, M. le Prince, M. le prince de Conty, M. le duc de Longueville et M. le chancelier ; qu’ayant tesmoigné à la Reyne les apprehensions qu’avoit données la sortie du Roy si extraordinaire et sans aucune marque de la majesté royale, que les meubles enlevés de toutes les personnes de la cour donnoient sujet de craindre que l’on ne voulust entreprendre quelque chose, que ces inquietudes estoient une marque de la veritable affection que les habitans de Paris avoient pour leur Roy, que le parlement, [p. 579] en ayant connu la consequence, les avoit deputés pour la supplier de vouloir, par sa presence, dissiper toutes ces apprehensions que les ennemis du repos public alloient augmentant et de faire retirer les troupes que l’on disoit s’approcher de Paris.
Sur ce, la Reyne luy avoit dit que les apprehensions de Paris estoient sans aucun fondement, qu’elle avoit donné aux colonels et capitaines toutes les assurances de son affection pour Paris, que la saison avoyt convié le Roy à sorti, que s’il estoit sorti le matin, c’estoit une marque de son impatience quand il alloit aux champs, qu’elle n’estoit sortie que l’apres disnée, avoit esté tout le matin par la ville fort peu accompagnée, pour marquer sa confiance, qu’elle n’avoit aucun ressentiment du passé et qu’elle retourneroit bientost à Paris.
M. le premier president ajouta que M. le duc d’Orleans leur avoit dit ensuite qu’il avoit esté convié par les deputés du parlement de s’y trouver le lendemain, mais qu’il n’iroit pas, ayant appris que les propositions qui s’y faisoient estoient contre le service du Roy et le bien de l’Estat, qu’il n’abandonneroit point la Reyne, que M. le Prince avoit dit la mesme chose et M. le prince de Conty et M. de Longueville.
[…]
[p. 580] L’apres disnée, tout Paris estoit en alarme : l’on avoit enlevé des la veille le petit Monsieur, dans une chaire, et on l’avoit mené à Rueil. Le jour mesme, le Roy et la cour estoient allés à Saint Germain : l’on [p. 581] disoit que c’estoit pour s’enfuir. Chacun voulut faire provision de pain et de blé, dont il y eut grand bruit aux halles. L’on pilla un demy muid de blé aux jesuites. Force gens voulurent enlever leurs meubles, dont il y en eut de pillés, un au marquis de Laigle, l’autre à Mme de Bretonvilliers, où on luy prit huit mille francs. On a dit depuis que celuy dont elle avoit reçu cet argent en avoit esté la cause.
Le jeudy 24 septembre, le parlement s’estant assemblé, l’on dit que M. de Choisy et le chancelier de Rivière demandoient à entrer de la part de M. le duc d’Orleans et de M. le Prince. On les fit entrer et seoir entre les conseillers vis à vis des presidens. Ils presenterent chacun une lettre de la part de leur maistre, avec protestation de service pour la compagnie. Apres lecture faite des deux lettres, par lesquelles les deux princes demandoient des deputés pour entrer en conference à Saint Germain, les envoyés s’estant retirés, la conference fut acceptée par tous, mais quelques uns vouloient qu’elle se fist dans l’hostel de ville. Neantmoins, il passa à aller à Saint Germain.
[…]
[p. 603] Le mercredy 6 janvier [1649], feste des roys, à sept heures, Mme de Sevigny m’envoya dire que le Roy estoit parti la nuit ; jamais nouvelle ne me surprit tant. J’allai chez M. de Lamoignon, où la mesme nouovelle me fut confirmée, que la porte Saint Honoré estoit gardée, et que le peuple avoit forcé le bagage du Roy de rentrer dans le Palais Royal. Je revins donner ordre pour avoir du pain pendant huir jours. La pluspart de la cour se hastoient de partir, mais la pluspart des portes estoient fermées, et personne ne sortoit. L’on pilloit les chariots qui vouloient sortir. Jamais l’estonnement ne fut plus grand : le parlement s’assembla l’apres disnée et donna arrest que les bourgeois se mettroient en armes pour la seureté de la ville, que l’on ne laisseroit sortir personne. Il enjoignit au prevost des marchands de tenir la [p. 604] main pour faire venir des vivres, avec deffense aux gouverneurs des places de recevoir des garnisons. […]
[p. 606] L’Hostel de ville deputa, sans en parler au parlement, les sieurs Fournier et Helyot, eschevins, et les sieurs Barthelemy d’Oinville et [vide], conseillers de ville, pour aller à Saint Germain. Pour nous, maistre des requestes du quartier de janvier, nous envoyasmes Engrand, nostre huissier, pour recevoir les ordres de M. le chancelier et l’assurer que nous les executerions.
Cependant les portes estoient gardès tres exactement, en sorte que le bagage du Roy, ayant voulu sortir fut repoussé dans le Palais Royal. L’estonnement estoit grand, chacun doutant à quoy se resoudre. J’oubliois qu’au parlement l’on avoit arresté d’establir la chambre de police et, à cet effet, mandé aux compagnies d’y deputer pour le lendemain apres disner.
[p. 607] Le vendredy 8 janvier, ayant esté deputé des maistres des requestes, MM. Pinon, Chomel, Tillier et moy, pour assister au parlement, je m’y trouvai de tres bonne heure et remarquai grande consternation. M. le premier president et M. Le Coigneur s’entretenant avec chaleur, le premier president luy disant qu’il avoit esté surpris à la nouvelle de la sortie du Roy, et que sa proposition avoit fait prendre ce party, et qu’il ne scavoit que penser de tout cecy. […]
Apres, ayant esté annoncé que les gens du Roy estoient de retour de Saint Germain, ils furent mandés. M. Talon, suivi de M. le procureur general et de M. Bignon, dit que, suivant les ordres de la compagnie, ils s’estoient mis sur le chemin de Saint Germain, et, passant par la rue Saint Honoré, avoient rencontré une populace assemblée, armée et furieuse, sans ordre ni commandement, et avoient avec peine sorti la porte au peril de leurs personnes ; qu’ayant passé le pont du Pec, estant au haut de la montagne, ils avoient esté arrestés de la part de la Reyne par un gentilhomme qui leur avoit dit qu’elle l’avoit envoyé vers eux pour scavoir s’ils venoient comme particuliers ayant executé les volontés du Roy, que s’ils venoient de la part du [p. 608] parlement parti pour Montargis, ils estoient les bienvenus, mais que s’ils venoient de la part du parlement seant à Paris, ils n’avoient qu’à retourner et que la Reyne leur deffendoit de passer outre.
Sur quoy luy ayant demandé son nom pour scavoir qui leur portoit ce commandement, apres quelques refus, il leur avoit dit enfant qu’il s’appeloit Sanguin, maistre de l’hostel ordinaire du Roy. Apres quoy, luy ayant dit qu’ils ne recevoient de parole de la Reyne que par la bouche de M. le chancelier, qu’ainsy ils ne pouvoient deferer à son commandement ; qu’ils auroient bien souhaité parler à la Reyne, mais qu’au moins ils demandoient à parler à M. le chancelier ; qu’ils avoient enfin obtenu qu’il iroit en faire instance de leur part, mais à condition de ne partir de leur place, où ils avoient attendu un bon quart d’heure ; que ce mesme gentilhomme estoit revenu leur dire que M. le chancelier ne pouvoit parler à eux s’ils ne venoient de la part du parlement obeissant et parti pour Montargis, et qu’ils eussent à s’en retourner sans passer plus avant ; qu’ils luy avoient encore demandé de pouvoir entrer dans le bourg pour y passer la nuit, n’estant pas heure de retourner, estant neuf heures ; qu’il estoit retourné une seconde fois et leur estoit revenu dire qu’ils pouvoient entrer dans le bourg.
Ce qu’ayant fait, ils estoient descendus à la Conciergerie, où M. de Longueil les avoit bien reçus ; que là ils avoient vu M. de Guenegaud, secretaire d’Estat, M. son frere et M. Tubeuf ; qu’ayant fait instance pour parler à M. le chancelier, et la Reyne l’ayant enfin trouvé bon, ils avoient esté introduits dans son cabinet, où luy ayant voulu parler, il avoit d’abord pris la parole, pour leur dire qu’il ne pouvoit les entendre venant de la part du parlement seant à Paris et desobeissant ; que la Reyne estoit fort offensée du mespris qu’ils avoient fait de ses ordres ; qu’ils avoient refusé d’entendre le sieur de Lisle et de recevoir son paquet ; que la reyne vouloit qu’ils y obeissent, et il mit le paquet es mains de M. le procureur general [p. 609] pour le porter à la compagnie (et au mesme temps, M. le procureur general le mit sur le bureau) ; que M. le chancelier leur avoit ensuite tesmoigné que la Reyne n’avoit pu souffrir toutes ces assemblées et qu’au prejudice de sa parole le parlement eust recommencé apres la Saint Martin ; qu’elle vouloit estre obeie. Sur quoy, estant retirés, ils estoient partis la nuit pour estre à l’entrée de l’assemblée de Messieurs ; qu’il pouvoit dire qu’il avoit reconnu une tres grandes consternation sur tous les visages des estranges desseins que l’on avoit pris contre le parlement, s’il n’obeissoit ; que, pour cela, les troupes avançoient de tous costés, commandées par M. le duc d’Orleans et M. le Prince ; qu’il pouvoit assurer qu’à l’heure qu’il parloit Paris estoit bloqué et tous les passages des vivres fermés.
[…]
[p. 614] [9 janvier 1649] M. Fournier dit ensuite qu’ayant esté deputé de l’Hostel de ville, il estoit allé à Saint Germain avec un eschevin et deux conseillers de ville et, ayant esté introduits en suite des deputés de la chambre des Comptes et de la cour des Aydes, ils s’estoient jetés aux pieds du Roy et de la Reyne, et qu’il leur avoit dit que la bonne ville de Paris les avoit deputés pour venir tesmoigner son desplaisir d’avoir perdu la presence de son Roy et de voir tous les preparatifs pour estre assiegée, que cette ville, qui avoit tousjours esté obeissante et fidele, et qui conservoit par son exemple les autres villes du royaume, ne pouvoit s’imaginer pourquoy elle tomboit dans l’indignation de son Roy dans un temps qu’elle ne respiroit que son service, et de voir ses mains armées pour la destruction d’une si belle ville ; qu’ils le supplioient de ne pas vouloir ruiner et perdre une ville que le roy son grand père Henry le Grand avoit ornée et augmentée, qu’ils esperoient que la Reyne, qui, ayant eu l’honneur de donner à la France son Roy et Monsieur son frere, pouvoit estre appelée la mere de l’Estat, ne deschireroit pas ses propres entrailles et ne ruineroit pas le royaume de son fils, qu’elle auroit compassion du miserable estat de la ville, des hospitaux et des communautés de religieuses, qui sont dans une consternation epouvantable, et enfin auroit pitié de son paure peuple, et que ne pouvant mieux exprimer la douleur de Paris que par ses larmes, sa parole luy avoit manqué.
Le sieur Fournier ajouta que la Reyne avoit respondu qu’elle aimoit la bonne ville de Paris, mais qu’elle vouloit estre obeie par le parlement, que c’estoit luy seul qui resistoit à ses volontés, et que, le [p. 616] parlement sortant par une porte, elle rentreroit par l’autre avec toute sorte d’abondance ; qu’ils s’estoient jetés aux pieds de tous les princes pour les prier d’interceder pour eux, mais qu’ils n’avoient pu rien obtenir, et enfin avoient esté obligés de se retirer. […]
[p. 617] L’apres disnée, j’appris que les deputés de la chambre des Comptes et de la cour des Aydes avoient esté bien reçus, à condition qu’ils ne parleroient point du parlement. M. Amelot ayant harangué, et la Reyne luy ayant dit que le parlement estoit dans la desobeissance, il luy repliqua : « C’est luy neantmoins, Madame, qui a conservé la couronne à la maison de Bourbon et qui vous a declaré regente ». La Reyne luy repartit : « Vous dites cela sans ordre de votre compagnie ; elle vous desavouera pour une seconde fois. Vous estes un fat, et, si ce n’estoit la consideration de ceux qui sont avec vous, je vous ferois mettre en prison ». M. le Prince ajouta : « Madame, vous luy faites tort : il faut l’envoyer aux Petites Maisons, c’est un fol ». Pour la chambre des Comptes, la Reyne leur offrit des logemens dans Saint Germain. Ils respondirent qu’ils estoient obligés de retourner à Paris rendre compte à leur compagnie. Je vis M. d’Angoulesme, qui tesmoignoit vouloir estre arbitre et mediateur entre le Roy et le parlement. M. d’Avaux se retira à Saint Germain dans un carrosse des deputés, habillé en maistre des comptes.
[…]
Le mercredy 13 janvier, M. le president Perrot proposa d’assister la reyne d’Angleterre de quelque argent, estant en grande extremité. Chacun l’approuva. Cependant l’affaire mise en deliberation, quelques uns dirent qu’il falloit n’estre pas si facile à donner de l’argent dans la necessité presente. Il fut arresté d’envoyer sans faire eclat le greffier de la cour mettre es mains de son tresorier vingt mille livres [p. 629] pour un mois, et faire excuse sir la compagnie n’avoit pu faire davantage.
[…]
[p. 631] [14 janvier] L’on dit de Saint Germain que la consternation y est tres grande. L’on s’y retranche les vivres, qui sont plus chers qu’à Paris, toute la cour faisant remonstrance à la Reyne de l’estat auquel elle reduit la France par son opiniastreté. L’on dit que M. le duc d’Orleans est observé, et que M. le Prince seul veut soustenir cette affaire et qu’il est furieux, que hors les Allemandes, toutes les troupes promettent de ne se point deffendre contre les Parisiens, que M. de Vitry est arrivé, que l’on a arresté à Saint Germain Bussy Lamet et, en contre [p. 632] echange que M. le prince de Conty a fait arrester l’evesque de Dol, resolu de luy faire pareil traitement que l’on fera à Saint Germain.
[…]
[p. 639] Le vendredy 22 janvier, nous deliberasmes au Palais sur les rapports à nous faits par Herbin que M. le chancelier, le lendemain des Roys, à Saint Germain, luy avoit donné charge de nous avertir d’aller à Saint Germain quand nous pourrions, qu’il en avoit dit autant à M. de Leon, qui avoit dit que, quand M. le chancelier luy escriroit, il demanderoit un passeport. Les uns estoient d’avis de ne rien dire, les autres, dont j’estois, de demander passeport au parlement pour nostre descharge, scachant bien qu’il nous seroit refusé. L’on voulut se lever sans rien conclure ; ceux de mon avis dirent qu’ils vouloient que les avis fussent escrits et les noms, afin de les faire voir [p. 640] un jour à la cour. Cela fit bruit. Enfin chacun revint à nostre avis. Je scus que M. d’Angoulesme, sortant de la ville avec passeport, avoit esté refusé, les gens de M. de Guenegaud, tresorier de l’Espargne, ayant esté reconnus parmy les siens.
[…]
[p. 643] [26 janvier] M. d’Angoulesme partit pour Saint Germain et alla par Corbeil.
[…]
[p. 646] Le dimanche 31 janvier, […] je scus que M. d’Angoulesme avoit esté obligé de passer par Corbeil et n’arrivoit que ce soir à Saint Germain.
[…]
[p. 652] Le samedy 6 fevrier, ayant scu que M. l’archevesque de Toulouse estoit revenu de Saint Germain et avoit attendu cinq heures à la porte pour rentrer, je fus chez luy et vis M. de Montchal, qui me dit comme M. de Toulouse, passant à Saint Cloud, y avoit saluté M. me Prince et M. le cardinal, lequel luy ayant dit : « Eh bien ! Monsieur, nous apportez vous la paix ? » Il luy avoit respondu : « Monsieur, elle est en vos mains, puisque si vous vous vouliez retirer, elle seroit bientost faite ». A quoy M. le cardinal avoit respondu que, s’il ne tenoit qu’à cela pour conserver l’autorité du Roy et donner la paix, il se retireroit tres volontiers ; qu’à Saint Germain il avoit entretenu la Reyne, qui avoit escouté favorablement tout ce qu’il luy avoit dit, avoit beaucoup pleuré et tesmoigné toutes les bonnes dispositions pour un accommodement, et dit que pourvu qu’elle pust conserver l’autorité du Roy son fils, elle aimeroit mieux la douceur que la violence ; qu’il avoit aussy entretenu M. le Prince, qu’il avoit trouvé fort raisonnable, et que, dans tout Saint Germain, la paix estoit souhaitée.
[…]
[p. 670] [18 février] Les gens du Roy entrerent ensuite et M. Talon dit que, suivant les ordres de la compagnie, ils avoient vendredy dernier rendu response au herault, avoient escrit en mesme temps à M. le chancelier pour avoir audience de la Reyne, et à M. Le Tellier pour avoir leur passeport, leur route et l’escorte, et que le sieur Petit, qui accompagnoit le herault, s’estoit chargé de les rendre ; que le dimanche ils avoient escrit une seconde fois par un courrier, ce qui c’estoit trouvé necessaire parce que le sieur Petit n’avoit pas rendu leurs lettres, ainsy qu’ils n’avoient eu leur passeport que le mary au soir ; qu’ils estoient sortis de la ville le mercredy à sept heures du matin, avoient trouvé un trompette du Roy hors la porte, et au couvent des minimes de Nigeon une brigade des gens d’armes de la Reyne commandée par le marechal des logis, et qu’à la dernier porte du bois de Boulogne M. le marechal de Grammont les avoit abordés, s’estoit mis dans leur carrosse, les avoit fait descendre chez luy à Saint Cloud, où s’estant rechauffés un moment, sa compagnie des gardes les avoit conduits à Ruel, où ils avoient trouvé la compagnie des chevaux legers du Roy, qui les avoit escortés jusqu’à Saint Germain. Ils estoient descendus suivant leur ordre chez M. Le Tellier, estoient [p. 671] allés chez M. le chancelier le prier de demander audience pour eux à la Reyne, qui les avoit remis apres disner ; que la Reyne ayant esté à vespres et au sermon, ils n’avoient esté admis à l’audience que sur les sept heures, avoient esté conduits dans le chasteau et avoient passé par la chambre du Roy, qui soupoit, que ses officiers s’estoient mis en haye pour empescher que le Roy ne les vist et qu’ils ne fussent obligés à le saluer ; qu’ils estoient entrés dans la chambre où estoit la Reyne avec son conseil, que l’ayant saluée ils luy avoient dit que vendredy dernier le parlement, estant assemblé à son ordinaire, avoit esté averti qu’il y avoit un herault à la porte Saint Honoré qui demandoit à entrer dans la ville et à parler au parlement, que cette nouveauté l’avoit extresmement surpris, neantmoins que revenu de cet estonnement et ayant fait reflexion sur eux mesmes et consideré que les heraults ne s’envoient qu’aux souverains ou à ceux qui le croient estre (à Dieu en plaise, Madame, qu’ils aient jamais eu cette pensée), et au contraire qu’ils n’avoient autre autorité que celle du Roy et autres sentimens que ceux de ses tres humbles et tres fideles sujets, le parlement avoit cru ne pouvoir entendre ce herault, mais par un sentiment de respect et de soumission et en mesme temps les avoit envoyés devant Sa Majsté pour la supplier de ne les vouloir par traiter autrement que comme ses tres humbles sujets, ainsy qu’ayant refusé le herault ils se presentoient devant elle sans autre armes que leur habit de magistrature et venoient comme ce grand prestre dont il est question dans l’Ecriture qui, pour flechir l’ire de Dieu, ne se servit d’autres armes que de la soumission dessus ses levres et de la confiance dans le cœur ; que de cette manière, ils esperoient flechir la colere de Sa Majesté et reclamer sa bonté pour une compagnie qui n’avoit autres sentimens que de respect et de soumission et n’avoit autre realité qte de ses tres humbles et tres fideles sujets.
[p. 672] Sur quoy, la Reyne ayant dit à M. le chancelier de respondre, il leur avoit dit que la Reyne estoit tres satisfaite des paroles de soumission et de respect du parlement, mais qu’elle souhaitait en voir des effets ; qu’elle avoit tousjours eu bonté pour la compagnie et qu’elle les pouvoit assurer qu’elle ne vouloit de mal à aucun de la compagnie, et qu’elle donnoit seureté entiere toute entiere pour les personnes, pour les biens et pour les charges de qui que ce soit, tant en general qu’en particulier. Ensuite M. le duc d’Orleans et M. le Prince avoient donné les mesmes assurances, et la Reyne leur avoit enjoint de luy faire scavoir la response du parlement.
[…]
[p. 678] [20 février] Les nouvelles estoient publiques qu’à Saint Germain M. le Prince et M. le duc d’Orleans estoient brouillés sur le passeport des gens du Roy, le dernier voulant la paix.
[…]
[p. 680] [22 février] L’on parla d’un rôle de taxes faites à Saint Germain sur presque tous les bourgeois et officiers de Paris à cause de leurs terres à la campagne. L’imprimé estant donné à lire, on lut d’abord un arrest du conseil d’en haut par lequel le Roy, pour la subsistance de son armée, ordonnoit que les maisons de campagne appartenant aux bourgeois de Paris seroient taxées, au payement desquelles taxes les receveurs et fermiers des terres seroient contraints par vente des meubles estant esdites maisons, materiaux d’icelles et coupe des bois de haute futaie. A la suite de cet arrest estoit un role des maisons taxées, dont les deniers seroient reçus par Longuet. le premier article estoit de la terre de Champlastreux et du Plessis appartenant au sieur Molé, cy devant premier president du parlement transferé à Montargis, taxé à 8000 livres ; M. Nicolaï, à cause de Goussainville, taxé de mesme ; M. de Montmort taxé 4000 livres ; les presidens de la cour ensuite taxés à 6000 livres ; les maistres des requestes taxés à 3 et 4000 ; les conseillers à 2000. On les appeloit cy devant conseillers, ils estoient tous nommés sans ordre ; tous les frondeurs y estoient, et beaucoup d’autres. Il y avoit plus de deux cents articles, dont la somme totale se montoit à plus de 500000 livres. Je n’y suis point nommé à cause d’Amboille. Ledit rôle, arresté au conseil d’en haut, estoit signé Guenegaud. […]
[p. 681] Il fut donné arrest de deffences et, en cas que l’on passast outre, l’on useroit de represailles sur les maisons des gens de la cour à Paris. M. le premier president voulant empescher cette deliberation dit que cet imprimé n’avoit esté signifié à personne, et ainsy n’estoit point public. Il demanda qui l’avoit donné ; M. de Blancmesnil dit que c’estoit luy, et que l’on le luy avoit envoyé de Saint Germain. Le premier president repeta : « de Saint Germain, Monsieur ? », le voulant taxer de correspondance. De quoy Blancmesnil s’offensa, et dit qu’il n’avoit point de correspondance à Saint Germain. Le premier president repliqua qu’il ne l’avoit point pensé. […]
L’on arresta encore de deputer vers la reyne d’Angleterre pour se condouloir de la mort du roy d’Angleterre.
[…]
[p. 690] Le samedy 27 février, je fus au Palais pour entendre devant le feu la relation de la deputation du premier president. L’on dit que Brie estoit pris et que Bourgogne, gouverneur, s’estoit retiré dans le chasteau, que nostre convoy avoit bien reussi et que l’on estoit allé querir du blé jusques à sept lieues de Paris dans la France, qu’il en estoit arrivé beaucoup.
Le parlement estant assemblé, où estoient le prince de Conty, MM. d’Elbeuf, de Beaufort, de Luynes, de Brissac, de la Mothe et le coadjuteur, les gens du Roy sont entrés ; M. le premier president dit que, suivant les ordres de la compagnie, estant parti avec MM. les deputés, il avoit trouvé l’escorte dans le Cours de la Reyne, et qu’au [p. 691] dessus de Chaillot ils avoient trouvé M. le marechal de Grammont à la teste de deux escadrons de cavalerie ; il s’estoit mis dans leur carrosse jusques dans Saint Cloud, où ils avoient trouvé une seconde escorte, qui les avoit conduits à Ruel, où ils avoient couché et où M. de Grammont estoit venu les visiter ; que le jeudy, ayant reçu l’ordre pour avoir l’audience à deux heures, ils s’estoient rendus à Saint Germain dans la conciergerie, où M. de Longueil les avoit reçus et traités tres bien, selon son affection et l’honneur qu’il porte à la compagnie. Là ils avoient esté visités des marechaux de Schomberg, de Villeroy et de toutes les personnes de condition, sur le visage desquels ils n’avoient rien remarqué d’ennemis ; que le secretaire d’Estat [de Guenegaud] les estant venus querir pour l’audience, ils avoient passé par plusieurs chambres pleines de monde et avoient esté introduits dans le cabinet, où estoyent la reyne, M. le duc d’Orleans, M. le Prince et autres du conseil (pour ne pas nommer le cardinal, qui y estoit), qu’il avoit dit à la Reyne que le respect qui estoit dû aux roys estoit tellement imprimé dans le cœur du peuple françois, que la marque de l’autorité souveraine estoit imprimée si avant dans l’ame de tous ses officiers qu’ils aimeroient mieux, les uns et les autres, se reconnoistre coupables que de manquer au devoir et à l’obeissance qu’ils luy devoient et luy donner juste sujet de plainte, aussy que ni les uns ni les autres n’avoient pas cru s’en departir lorsqu’ils avoient pris les resolutions auxquelles la necessité de leur propre conservation les avoit obligés, la deffense estant tousjours tres legitime et tres innocente lorsque l’on ne songe qu’à conserver sa vie, et que si dans les resolutions qu’il avoit fallu prendre il avoit esté fait quelque chose au prejudice de l’autorité royale, le prince, par un sage conseil, [p. 692] approuvoit tout ce qui avoit esté fait, connoissant et l’innocence et la sincerité dans les intentions, et ressembloit à ce sage pilote lorsque dans la tempeste il se fait quelque chose ou sans ses ordres ou contre ses ordres mesmes, que l’on a baissé les voiles, pris en main le gouvernail et mesme jeté une partie des marchandises les plus precieuses, tant s’en faut qu’il le trouve mauvais, qu’au contraire il en scait gré et l’approuve, scachant que chascun n’a agi que pour sa propre conservation et tascher de garantir le vaisseau du naufrage, et apres l’orage passé chascun reprend sa fonction et execute les ordres qui luy sont prescrits ; qu’avec cette pensée, il estoit deputé de la part du parlement pour assurer Sa Majesté que si pendant cette tempeste ils avoient fait baisser ou lever les voiles sans ordres, et s’ils avoient mis la main sur le gouvernail, ils estoient prests à retourner à leurs fonctions sytost que Sa Majesté auroit fait cesser cette tempeste, qui estoit capable de faire perir ce grand vaisseau, dans lequel sa fortune estoit enfermée aussy bien que celle de ses sujets, que si cette mesme necessité leur avoit fait recevoir un envoyé de l’archiduc, lire ses lettres et entendre sa creance, ç’avoit esté avec ce respect et cette soumission d’apporter à Sa Majsté la lettre et la creance pour en ordonner ce qu’elle jugeroit utile pour le bien du royaume, pouvant assurer Sa Majesté que le parlement, en cette rencontre, n’a point eu d’autres sentimens que de ses tres humbles et tres obeissans serviteurs et sujets.
A quoy la Reyne avoit respondu de sa bouche, M. le chancelier n’y estant point à cause de son indisposition, qu’elle avoit tousjours eu bonne volonté pour la ville de Paris et leur compagnie, mais [p. 693] qu’elle estoit obligée de conserver l’autorité du Roy son fils et qu’elle feroit tout son possible pour la maintenir, et qu’elle feroit scavoir son intention par escrit.
Eux s’estant retirés et ayant jugé qu’il ne falloit pas se separer en cet estat, ils avoient fait demander à la Reyne si elle trouveroit bon qu’ils eussent l’honneur de parler à M. le duc d’Orleans et à M. le Prince. La Reyne l’ayant permis, ils avoient eu conference avec M. le duc d’Orleans et avec M. le Prince trois heures entieres, où il s’estoit dit tout ce qui se pouvoit de part et d’autre ; que le lendemain ils avoient conferé encore pendant deux heures, et avoient obtenu parole que, pourvu que le parlement voulust deputer pour la conference où les deputés pourroient resoudre ce qu’ils estimeroient à propos, la Reyne accorderoit aussytost un passage pour amener suffisamment de blés pour la subsistance de Paris ; qu’avec cette assurance ils s’estoient separés et que l’on leur avoit donné un papier contenant la responce de la Reyne avec les originaux de deux lettres du comte Pigneranda, du 12 fevrier, par lesquelles il se plaignoit que l’on n’avoit donné au sieur Friquet que des paroles generales, et ce pour monstrer que le dire de l’envoyé de l’archiduc estoit faux par lequel il assuroit que le cardinal Mazarin offroit toutes choses pour avoir la paix. Ayant pris ces deux papiers, ils estoient retournés avec la mesme escorte. M. le premier president ajouta qu’il pouvoit assurer la compagnie qu’il avoit trouvé tous les esprits tres disposés à l’accommodement.
[…]
[p. 700] Le mercredy 3 mars, apres le disner, je scus de M. d’Eaubonne que les gens du Roy estoient venus le matin de Saint Germain et avoient apporté les passeports pour la conference, qui devoit commencer à Ruel le lendemain jeudy à onze heures, que les ordres estoient donnés pour l’ouverture du passage de Corbeil pour cent muids de blé et plus par jour à raison de 12 ivres 10 sous le setier, dont toute la compagnie avoit tesmoigné grande satisfaction.
[…]
[p. 705] Le vendredy 12 mars, Mme de Fourcy nous envoya dire que la paix estoit faite. Cette nouvelle nous fut confirmée de tous costés.
[…]
[p. 711] Le dimanche 14 mars, je scus que le parlement estoit assemblé et que les deputés n’estoient point partis. Je fus le soir chez M. de Petit-Marets qui me dit que M. le premier president, au lieu de recevoir des passeports, avoit reçu une lettre de cachet adressée au parlement sur laquelle il l’avoit assemblée, que par cette lettre le Roy disoit avoir executé le traité de son costé et desiroit que le parlement l’executast du sien, et que les generaux ne pouvoient avoir d’interest particulier sans faire connoistre que le bien public ne leur a servi que de pretexte. […]
A partir de ce soir, du costé de Saint Germain, l’on referma les passages des vivres qui avoient esté ouverts des le vendredy apres disnée.
[…]
[p. 721] Le mardy 16 mars, […] l’apres disnée, les deputés partirent pour aller à Saint Germain.
[…]
[p. 722] Le vendredy 19 mars, la surseance d’armes fut continuée. […] Le matin, je fus chez M. Amelot, qui avoit reçu une lettre de M. le chancelier par laquelle nous etions mandés à Saint Germain.
[…]
[p. 723] Le dimanche 21 mars, je fus à Saint Germain à cheval avec MM. Bernard Rezé et l’abbé du Tremblay. En passant par la porte Saint Honoré, l’officier qui commandoit me dit avoir reçu ordre de M. de Beaufort d’arrester un chariot chargé de hardes accompagné de quatre gardes de M. de Bouillon. Arrivant à Saint Germain, je trouvai les esprits fort estonnés de la declaration des generaux faite le samedy et apportée par le comte de Maure, et de la nouvelle arrivée de l’approche de l’archiduc, qui estoit au Pont à Vere et venoit à La Ferté Million, et, outre ce, de ce que les deputés de Rouen ne venoient point. L’on disoit que le Roy s’en alloit. Je vis M. d’Avaux et M. Le Roy, qui me dirent qu’il se faisoit une negociation secrete avec les generaux. Je vis encore M. le chancelier, M. Haligre, M. de La Meilleraye, et les deputés du parlement, qui retournerent à Ruel et remirent la conference au lendemain, les deputés de Rouen devant arriver, et en effet ils passerent par Saint Germain et allerent coucher à Ruel, ce qui remit les esprits. L’approche de l’archiduc [p. 724] surprenoit de voir qu’il avançast sans estre assuré d’une place et qu’il voulust passer deux rivieres parce que, l’affaire de Paris s’accommodant, son armée estoit ruynée devant que de se pouvoir retirer, d’autant que le colonel d’Erlac s’avançoit avec dix mille hommes de l’armée de M. de Turenne, et en cinq jours de marche devoit estre derriere l’archiduc et luy empescher la retraite, cependant que le mareschal du Plessis l’arrestoit en teste.
Le lundy 22 mars, le bruit augmentoit que le Roy s’en alloit et partiroit la nuit, ce qui m’obligea à revenir pendant que la treve continuoit et qu’il estoit incertain si elle seroit renouvelée. Je vis M. Le Roy, qui me dit que tout iroit bien nonobstant le bruit commun. Je vis aussy les deputés de Paris et de Rouen ensemble, qui s’en alloient à la conference chez M. le chancelier, où estoient pour le Roy MM. le chancelier, les mareschaux de La Meilleraye et de Villeroy, MM. d’Avaux, de La Vrilliere, de Brienne et Le Tellier. Je vis ce matin, devant que partir, M. Le Tellier. Arrivé à Paris, j’appris que l’archiduc avoit offert à M. le prince de Conty de ne pas passer outre, si la Reyne vouloit envoyer des plenipotentiaires pour la paix, de quoy M. le prince de Conty avoit donné avis au parlement, et l’un et l’autre à leurs deputés. La Reyne avoit accepté cette proposition.
[…]
[p. 728] Le jeudy 1er avril, je fus au Palais, qui estoit bien gardé. M. de Lamoignon me dit que tout iroit bien. […] [p. 733] Ainsy finit cette guerre, apres avoir duré douze semaines, contre la pensée de la cour qui ne l’avoit entreprise que dans la pensée qu’elle ne dureroit que huitaine.
[…]
[p. 736] Le mardy 6 avril, les deputés du parlement furent à Saint Germain avec ceux de la chambre des Comptes, qui furent regalés magnifiquement.
Le mercredy 7 avril, la Ville y fut aussy avec les colonels, et puis les corps des marchands, l’université, le grand conseil.
[…]
Le samedy 10 avril, je fus à Saint Germain avec MM. de Lamoignon, Boucherat, Brillac et le marquis de Crenan, lieutenant des chevaux legers de M. le prince de Conty. Là j’appris la disgrace de M. de Roquelaure, renvoyé chez luy pour avoir tesmoigné que, s’il n’eust esté attaché à la cour par sa charge, il eust suivi le parti des princes. L’on me raconta le detail de l’affaire de M. de La Meilleraye, que jeudy, chacun disant qu’il sortoit des finances, Mme d’Aiguillon luy en avoit parlé pour l’y disposer, que le lendemain ses amis l’estant venus voir, et M. de Saint Chamond luy en ayant fait compliment plus ouvert, il avoit dit qu’il n’en avoit point ouy parler, et qu’il attendroit que le Roy luy donnast l’ordre. M. le cardinal le vint voir ensuite, fut deux heures avec luy, et luy protesta qu’il feroittout ce qu’il voudroit, qu’il garderoit sa charge, s’il vouloit, qu’il estoit le maistre ; que M. de La Meilleraye, pour monstrer qu’il vouloit garder sa charge, avoit tenu l’apres disnée direction. Je scus que l’on destinoit pour sa charge ou M. d’Avaux ou M. Servien, ou le president de Maisons. D’autres disoient que l’on n’y mettroit sytost personne, et que les directeurs continueroient. L’on me dit que M. Servien devoit arriver, qu’on luy avoit envoyé trois courriers. La cour paroissoit tres embarrassée. M. le marechal de Grammont demandoit permission d’aller en Bearn ; M. le prince de Conty devoit venir lundy à Saint Germain, et M. le Prince aller mardy voir M. de Longueville [p. 737] à Bouconvilliers, sur le chemin de Rouen. M. le Prince, changeant de methode, caressoit extraordinairement tous les generaux de Paris.
[…]
[t. 2, p. 344] [16 avril 1665] L’entrée du Roy est remise de lundy prochain en huit jours. Il partira [lundy] pour Saint Germain avec toute la cour, et reviendra pour aller au parlement.
[…]
[p. 348] [28 avril] Le mal de la Reyne mere augmente fort. Elle a esté en basteau à Saint Cloud, où elle eut une nuit mauvaise ; le lendemain, en basteau, à Saint Germain, où l’on dit qu’elle est encore plus mal, et l’on craint qu’elle ne dure pas longtemps. Chacun regarde cette perte avec douleur parce que, quoyque la Reyne mere n’ayt pas de credit pour faire plaisir, elle empesche du mal et retient l’union dans la maison royale. J’y perdrai en mon particulier beaucoup par la bonté qu’elle m’a tesmoignée, ayant fait tout ce qu’elle a pu pour m’obliger.
Le mercredy 29 avril, le Roy vint de Saint Germain pour faire verifier au parlement la declaration contre les jansenistes. […] [p. 352] Après, le Roy se leva et parla longtemps à M. le chancelier, et, après, à M. le premier president assez longtemps, et, saluant toute la compagnie civilement en passant, il sortit et alla disner à Versailles, où sa maistresse se devoit rendre de Saint Germain.
[…]
[p. 355] [2 mai] Les divertissemens du Roy continuent, il chasse tous les jours avec sa maistresse. Le mal de la Reyne mere augmente, quoiqu’elle paroisse habillée et fort propre. Toute la suite de la cour s’ennuye fort à Saint Germain, car chacun ne parle que misere. La Reyne est grosse.
[…]
[p. 360] [12 mai] J’appris encore que M. le president de Novion, avec M. le president Tubeuf, s’estant presentés à Saint Germain pour remercier le Roy de l’employ donné à M. Tubeuf le maistre des requestes, ayant trouvé que le Roy venoit d’entrer dans son conseil, un valet de chambre estant entré pour presenter au Roy un mouchoit, il luy dit à l’oreille que M. le president de Novion estoit là. Le Roy, levant la parole, dit : « Voilà qui est plaisant ! M. le president de Novion me fait dire qu’il m’attend. Oh ! qu’il m’attende et ne s’impatiente pas. » Le valet de chambre ayant dit au Roy que c’estoit M. Tubeuf qui luy avoit dit de parler, le Roy reprit encore : « Soit : M. le president Tubeuf ou M. le president de Nivion, cela est esgal, qu’ils m’attendent. » M. Colbert ne parla pas, mais, à la fin du conseil, s’estant approché pour dire au Roy que M. le president de Novion souhaitoit le saluer, il luy dit : « Eh bien ! il me verra chez la Reyne ma mere, ou me parlera en passant ; c’est assez pour luy. »
[…]
[p. 363] Le dimanche 31 mai, M. Boucherat me dit qu’il avoit esté le jour precedent à Saint Germain, où tous Messieurs du conseil avoient esté mandés ; qu’ils trouverent que la Reyne mere estoit fort mal et la cour en larmes ; neantmoins qu’à onze heures ils avoient esté chez le Roy, qui leur avoit dit que, depuis qu’il avoit pris le soin des affaires de son Estat, il avoit commencé par la reformation des finances, et qu’il croyoit y avoit reussi ; qu’il vouloit à present travailler à la reformation [p. 364] de la justice, et comme il connoissoit tous ceux qui estoient dans son conseil pour fort habiles et qui avoient esté dans tous les employs, il les avoit mandés pour leur dire qu’il souhaitoit que chacun d’eux en particulier fist des memoires sur les choses qu’il croiroit estre à reformer, et que, dans trois semaines, ils eussent à tous revenir et d’apporter chacun en particulier ces memoires, afin qu’il examinast et vist ce qui seroit à faire ; qu’aussytost il s’estoit retiré et paroissoit fort touché de l’extremité de la Reyne mere ; que M. le chancelier estoit present et M. Colbert, et qu’ils n’avoient rien dit, et que chacun apres le disner estoit revenu à Paris.
[…]
[p. 367] [6 juin] La Reyne continue à se mieux porter. M. de Mirepoix m’a dit ce matin samedy que, sytost qu’elle pourroit estre transportée, la cour reviendroit. Elle ira au Val de Grace et le Roy au Bois de Vincennes.
[…]
[p. 369] Le dimanche 21 juin, MM. du conseil allerent à Saint Germain porter leurs memoires pour la reformation de la justice. Le Roy les [p. 370] reçut sans leur parler. L’on dit qu’ils doivent estre mis dans huit jours es mains de M. le chancelier.
[…]
[p. 385] Le mardy 11 aoust, toute la cour est revenue de Saint Germain. La Reyne mere a esté transportée au Val de Grace, s’estant trouvée assez forte pour souffrir le transport.
[…]
[p. 441] Le mercredy 27 janvier [1666], je fus avec MM. Boucherat, de Fourcy, de Bermond, de Paris et de Boissy, et avec les autres députés du parlement, à Saint Germain, pour faire les complimens au Roy sur la mort de la Reyne mere. Le carrosse de M. de Montmort le conseiller versa à la montagne. Arrivés à Saint Germain, messieurs du parlement furent dans la chambre qui leur estoit preparée. M. Boucherat et moy montasmes en haut chez le Roy, que nous saluasmes lorsqu’il passoit de sa petite chambre pour entrer dans sa grande chambre et donner ses audiences. Nous estions assez proches de sa chaire, derriere MM. Turenne, de Villeroy, du Lude, Rose, qui s’ouvroient pour nous faire voir. M. le premier président fit fort bien son compliment, le premier president de la chambre des Comptes aussy ; le premier president de la cour des Aydes hesita et se troubla, et apres le president des monnoyes. Les procureurs et avocats generaux font, apres chaque cour, leurs compliments separés. Les complimens finis, M. de Turenne dit au Roy que M. Boucherat estoit là et qu’il estoit des amis de M. le premier president, et le Roy respondit : « Et d’Ormesson, qui est aussy de ses bons amis ».
[p. 442] Je fus apres à la messe du Roy, où estoient la Reyne, M. le Dauphin, Monsieur, et Mlle de La Vallière, que la Reyne a prise aupres d’elle par complaisance pour le Roy. En quoy elle est fort sage. Cette demoiselle ne me parut point belle : elle a les yeux fort beaux et le teint, mais elle est descharnée, les joues cousues, la bouche et les dents laides, le bout du nez gros et le visage fort long. En verité, je fus surpris de la trouver si peu belle. Apres la messe, la Reyne reçut les memes complimens des compagnies

Le Fèvre d’Ormesson, Olivier

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