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Louis XIV Fêtes et événements Français
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Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant une comédie donnée à Saint-Germain-en-Laye

« Paris, le 30 août 1669
J’ai commencé cette lettre ce matin à Saint Germain, où j’allai coucher hier au soir pour y voir la comédie. Le Roi m’a donné audience après son dîner. Je lui ai expliqué les ordres que Votre Altesse royale m’a donnés sur la mort de messieurs de Vendôme et en faveur de leurs successeurs, [p. 334] puis je lui ai présenté M. d’Arvey, qui lui a fait son compliment et offert les lettres de Vos Altesses royales parce que M. de Laon a jugé qu’il ferait mieux. […]
Monsieur le Dauphin a encore eu quelques attaques de fièvre, que l’on dit considérables, mais on le cache à cause de la Reine. Néanmoins, j’ai envoyé ce matin mon fils aîné à M. de Montausier pour en savoir des nouvelles ; il l’a introduit [p. 335] dans sa chambre, il a voulu qu’il lui ait fait son compliment, il l’a trouvé assis dans son lit qu’il se jouait et il lui a répondu qu’il m’était bien obligé du soin que je prenais de sa personne et qu’il était mon serviteur.
La petite Madame a été malade. Elle se porte mieux, on l’a ainsi dit à un gentilhomme que j’ai envoyé chez elle pour savoir l’état de sa santé.
J’ai été honoré par le dernier ordinaire de la lettre de la main de Votre Altesse royale du dix sept de ce mois. J’ai témoigné à M. de Péguilin combien elle et Madame Royale preniez de part à son avancement ; il m’a témoigné qu’il en avait grande reconnaissance et m’a assuré qu’elles n’avaient pas ici de plus fidèle serviteur que lui.
Dimanche qu’il y eut à Saint Germain comédie, je le fis prier d’y faire avoir place à messieurs d’Arvey et chevalier d’Aglié. On lui parla un peu tard ; il leur fit donner néanmoins un exempt des gardes pour les faire placer, mais le grand monde et la confusion fut cause qu’ils ne purent pas l’être et ils furent un peu poussés, ce qui les obligea à sortir de la salle et ils ne virent rien. Mon fils ainé fut poussé assez rudement par un lieutenant [p. 336] des gardes qui le voulait faire reculer, mais le marquis de Rochefort, qui le vit et qui est capitaine des gardes du corps, lava bien la tête à cet officier, prit mon fils par la main et le fit asseoir sur un banc le plus approché du Roi et à côté du comte de Sault. Le Roi, ayant su tout ce désordre, s’en est fâché fortement ; le sieur de Bonneuil m’en a parlé de sa part et, pour lui témoigner la reconnaissance que j’en ai, je fus hier à cette comédie ; je fus reçu par ledit sieur de Bonneuil et le chevalier de Forbin, major des gardes ; on me rendit plus d’honneurs qu’à l’ordinaire et à tous mes gentilshommes, qui furent placés dans les premières places. Le chevalier d’Aglié n’y vint pas avec moi ; le Roi veut qu’il y aille ; ce sera demain avec ma fille, car la Reine, sachant qu’elle n’y fut pas bien dimanche, elle veut qu’elle y retourne et prendre elle même le soin de la placer.
J’ai cru devoir faire ce petit détail à Votre [p. 337] Altesse royale sur ce qu’Elle pourrait savoir cette affaire différemment. La comédie est galante, il y a de belles entrées de ballet et bonne musique et concert. M. le prince de Toscane y a assisté toutes les trois fois que l’on l’a jouée ; il n’était pas avantageusement placé car il était sur un banc que, bien qu’il fût proche du Roi, il y avait auprès de lui des gentilshommes qui ne font pas ici la première figure.
Après l’audience que j’ai eue aujourd’hui du Roi, je l’ai voulu remercier du magnifique présent qu’il a fait à ma fille ; il ne m’a pas voulu écouter. Néanmoins je lui ai témoigné mes reconnaissances et que j’avais rendu compte à Votre Altesse royale des générosités qu’il faisait à ceux qui sont à Elle. Toute la Cour a témoigné grande joie de ce bienfait qu’il a fait à l’Angélique et font connaître d’être satisfaite de mes civilités et de celles de ma famille. j’ai fait passer ce poinçon pour valoir mille louis, quoiqu’il ne vaille que deux mille écus au plus. On m’a assuré que le Roi avait commandé à M. de Colbert de l’acheter mille et cinq [p. 338] cents pistoles. Quand M. de Bonneuil lui a dit que j’avais fait mon possible pour le lui faire reprendre, il en a été étonné et lui a dit que Votre Altesse royale faisait de si beaux présents à son ambassadeur et à tous ceux qu’il envoyait à sa Cour.
J’ai fait que ma fille a envoyé un étui de vermeil à la fille de madame de Bonneuil, de trois cens écus. Ils firent quelque difficulté de l’accepter, mais mon écuyer le laissa sur leur table. Ils m’en ont remercié et l’ont dit à la Cour. J’ai prôné partout les générosités du Roi, mais je ne laisse pas d’être en peinte que Votre Altesse royale ne trouve mauvais que j’en aie reçu des effets. Je voudrais avoir perdu trois fois autant que vaut le poinçon et que le Toi n’eût pas songé à me l’envoyer. »

Mentions de Saint-Germain-en-Laye dans les mémoires du marquis de Sourches

« [tome 1, p. 48] 12 novembre 1681. Voilà dans quel état se trouvoient les affaires de France quand le Roi, songeant à venir se délasser à Saint Germain en Laye des fatigues de son voyage, partit de Soissons et, ayant diné à Verte Feuillée, vint coucher à Villers Cotterets […].
[p. 50] [13-14 novembre 1681] De Villers Cotterets, le Roi vint diner à Nanteuil, gros château qui appartient à la maison d’Estrées, et de là coucher à Dammartin, d’où il partit le lendemain de bonne heure pour venir diner au Bourget et se rendre à Saint Germain sans passer dans Paris, ce qu’il executa heureusement.
La premiere scene qui parut apres son retour à Saint Germain fut la reconnaissance des deux enfants qu’il avoit de madame de Montespan qui n’etoient pas encore connus. Le garçon se nomma M. le comte de Toulouse, la fille porta le nom de mademoiselle de Blois. […]
[p. 55] [novembre-décembre 1681] La cour étant à Saint Germain, où elle devoit passer l’hiver, commençoit à voir des comedies et des divertissements melés de musique. Mais l’inquietude qu’on eut d’une indisposition de madame la Dauphine, qui faisoit appréhender pour sa grossesse, suspendit les plaisirs des courtisans pour quelques jours, au bout desquels, la grosses de madame la Dauphine se confirmant, ils recommencerent à nouveau, et monseigneur le Dauphin, pour complaire à madame la princesse de Conti, qui aimoit la danse [p. 56] passionnément et qui y reussissoit au dessus de toutes les personnes de son siecle, dansa plusieurs entrees avec elle, et d’autres hommes et dames de la cour, dans les entr’actes des comédies de Pourceaugnac et de Jourdain.
[…]
[p. 65] 1er janvier 1682. Le premier jour de l’année 1682, le Roi fit monseigneur le Dauphin chevalier de l’ordre du Saint Esprit, avec les ceremonies accoutumées. Sa Majesté, comme grand maitre de l’ordre, assembla, selon les statuts, le chapitre dans [p. 66] son cabinet, et proposa le nouveau chevalier, qu’on n’eut point de peine à recevoir. Le Roi, ni les chevaliers, n’etoient point dans leur grand habit de ceremonie, mais seulement en habit de ville, c’est à dire en manteau noir, et les prelats en rochet et camail ; pour Monseigneur, comme c’étoit pour lui que la cérémonie se faisoit, il avoit son habit de novice. Son capot de velours noir étoit chamarré de toutes les pierreries de la Couronne, hormis d’un diamant qui se nommoit le grand Sancy ; il en avoit aussi une magnifique enseigne au retroussis de sa toque de velours. La messe fut chantée par M. l’archevêque d’Auch, commandeur de l’ordre, en présence de tous les commandeurs et chevaliers qui se trouvoient à la cour et qui purent marcher, et des grands et petits officiers de l’ordre. Les grands étoient : M. le cardinal de Bouillon, grand aumonier de l’ordre ; M. de Louvois, chancelier ; M. le president de Mesmes, prevot ou maitre des ceremonies de l’ordre ; M. de Seignelay, tresorier ; et M. de Chateauneuf, greffier ou secretaire.
Après que Monseigneur eut eté fait chevalier et qu’il en eut [p. 67] preté le serment entre les mains du Roi à la fin de la messe, il revint avec Sa Majesté, en ceremonie, comme il etoit venu, jusques à la chambre du Roi, hormis que, au lieu de son capot de velours noir chamarré de pierreries, il etoit revetu de son grand manteau de l’ordre, qu’il avoit bien de la peine à porter.
[…]
[p. 67] Janvier 1682. Cependant la cour commençait à voir les representations de [p. 68] l’opera d’Atys, dont les vers etoient de la composition de Quinault et la musique de celle de Lulli. Monseigneur le Dauphin y dansoit deux entrées avec madame la princesse de Conti ; mais cette princesse, qui en faisoit tout l’ornement, tomba malade d’une fievre continue, avec des redoublements, qui lui dura trois semaines, ce qui n’empecha pas qu’on continuat à representer l’opera, quoiqu’avec de moindres acclamations.
Peu de jours apres arriverent les ambassadeurs du roi du Maroc : ils etoient deux ambassadeurs, suivis seulement de six ou sept autres personnes. Le premier ambassadeur, qui etoit gouverneur de la province de Tetonan, etoit un homme de quarante cinq ans ; il avoit une belle physionomie et une grande barbe grise, un peu plus arrondie que n’est celle d’un capuçin. Il etoit de la race de ces Morisques qui furent chassés d’Espagne sous le regne de Philippe II, et se vantoit d’etre de la maison des fameux Abencerages. L’autre etoit gouverneur de Salé : il avoit une mine sombre et desagreable, et passoit pour un saint parmi les siens, qui disoient meme qu’il faisoit des miracles. Leurs habits n’etoient point magnifiques, n’y ayant ni or ni soir, parce que les peuples de Maroc sont les plus reformés de tous les mahometans et qu’il ne leur est permis de porter aucune etoffe de soie ni aucune chose qui soit d’or. Quand ces ambassadeurs vinrent à l’audience, les compagnies des regiments des gardes suisses et françoises n’etoient pas sous les armes, mais les armes etoient arrangées dans la cour, et les soldats se promenoient [p. 69] derriere ; les gardes de la porte etoient en haie, sans armes ; les gardes de la prevoté etoient en haie dans la cour, sans mettre leurs mousquetons à l’epaule ; les Cent Suisses etoient rangés le long du degré, sans hallebardes ; et les gardes du corps etoient sans armes en haie dans leur salle.
Le Roi reçut les ambassadeurs assis et couvert dans sa chambre, où la Reine, madame la Dauphine et Madame, suivies de toutes les dames de la cour, etoient incognito. Le premier des ambassadeurs fit en sa langue une tres courte harangue au Roi, à laquelle Sa Majesté ne repondit que par des demonstrations d’honneteté, ensuite desquelles l’ambassadeur lui presenta une lettre de la part du roi, son maitre. Ensuite les ambassadeurs s’en retournerent de la meme manière qu’ils etoient venus.
Le lendemain, on leur fit voir l’opera, dont le spectacle les surprit agreablement.
Ils proposoient une ligue offensive et defensive avec la France et ne parloient que d’entrer avec deux cent mille hommes en Espagne. On leur fit dire de traiter avec M. de Seignelay à son retour de Dunkerque, où il etoit allé voir en quel etat etoit le port, qu’on avoit extremement accomodé depuis peu. Ils avoient amené avec eux des animaux de leur pays pour en faire present au Roi, qui etoient des lions, des autruches, et entre autres une tigresse privée que tout le monde alloit voir par rareté. […]
[p. 71] Ce fut à peu près dans les mêmes jours que, monseigneur le Dauphin etant allé chasser un loup sur l’Otie, cet animal se fit chasser si longtemps et s’en alla si loin, quoiqu’on eut tiré plusieurs coups sur lui dont il etoit blessé, qu’une heure avant la nuit Monseigneur se trouva à Gisors, qui est à douze lieues de Saint Germain. Il prit donc la resolution de quitter la chasse et de s’en revenir ; mais comme son cheval etoit rendu, il prit un cheval de poste à Magny, sur lequel il arriva à Saint Germain à dix heures du soir, suivi seulement du comte de Brionne, du comte de Marsan, de Chamarande, de deux officiers de ses gardes et d’un de ses ecuyers, lesquels portoient tour à tour un flambeau devant lui ; mais comme il s’eteignit, parce qu’il pleuvoit et qu’il faisoit un vent epouvantable, ils furent obligés de se servir d’une lanterne pendant quatre lieues. M. le prince de La Roche sur Yon et M. le duc de Vendome, qui s’opiniatrerent à suivre la chasse, furent contraints [p. 72] de faire rompre les chiens à la nuit sans avoir pris le loup, se coucherent dans un village, sans avoir un seul valet avec eux, et ne revinrent à Saint Germain que le jour suivant, sur les dix heures du matin.
[…]
[p. 77] [février 1682] Les ambassadeurs du roi du Maroc ayant traité avec M. de Seignelay et ayant signé une paix pour six années, vinrent prendre leur audience de congé au Roi, en la meme manière qu’ils avoient eu leur premiere audience, et ce fut alors qu’ils amenerent leurs presents et qu’on vit leur tigresse privee dans [p. 78] la chambre de la Reine au milieu de toutes les dames de la cour.
Peu de jours apres, les deputés du clergé en corps vinrent remercier le Roi de la bonté qu’il avoit eue d’accorder à l’Eglise de France, au sujet de la regale, plus qu’elle n’avoit osé esperer. Ce fut M. l’archeveque de Paris, president de l’assemblée, qui se tenoit dans cette capitale du royaume, lequel porta la parole et fit au roi une harangue digne de son savoir et de sa reputation.
La grossesse de madame la Dauphine continuoit toujours, au grand contentement de toute la France, et le Roi, qui devoit quitter Saint Germain au deuxieme de mars pour s’aller etablir à son chateau de Versailles, avoit changé de resolution et pris le parti de n’aller à Versailles qu’apres Pâques. On croyoit meme qu’il iroit auparavant passer un mois à Saint Cloud dans la maison de Monsieur, son frere unique, comme il l’avoit fait l’année derniere.
[…]
[p. 99] 20 avril 1682. Le 20e d’avril, le Roi quitta Saint Germain, dont les batiments qu’il y faisoit [1 : Il y faisoit faire cinq pavillons en saillie, au vieux chateau bati par François Ier, pour agrandir les appartements.] commençoient de rendre le sejour incommode, et vint s’etablir à Saint Cloud, dans la belle maison de Monsieur, son frere unique, avec dessein d’y rester jusqu’à ce que tous les appartements de Versailles fussent en etat d’etre habités. Madame la Dauphine se fit apporter en chaise à Saint Cloud, de peur que le mouvement du carrosse ne fit tort à sa grossesse.
[…]
[p. 172] 21 janvier 1685. Le bruit couroit en ce temps là que le Roi iroit passer le careme à Saint Germain, au lieu de faire le voyage de Compiegne, parce qu’il avoit eu dessein d’aller de Compiegne à Luxembourg et que Vauban lui avoit assuré depuis peu que cette place ne pouvoit pas etre de longtemps en etat de lui donner du plaisir à la voir ; mais cette nouvelle paroissoit encore peu certaine.
[…]
[p. 249] 6 juin 1685. M. l’archeveque de Paris vint, à la tete du clergé de France, dont les deputés etoient assemblés depuis trois jours à Saint Germain en Laye, selon la coutume, et il fit au Roi une tres belle harangue, apres laquelle il alla en faire autant chez Monseigneur et chez madame la Dauphine.
[…]
[p. 300] 29 août 1685. Cette mort fut suivie, de bien près, de celle de M. le duc du Lude, grand maître de l’artillerie de France, chevalier des ordres du Roi et capitaine de Saint Germain en Laye. Il laissoit une grosse depouille à la nomination du Roi. Mais elle servit, des le [p. 301] meme jour, à faire voir combien il etoit avantageux d’avoir la protection de madame de Maintenon, car le Roi donna au marquis de Montchevreuil la capitainerie de Saint Germain, et comme il y avoit un brevet de cent mille livres affecté dessus, il le transferra sur la charge de grand maitre. Il lui donna aussi les coches du Pecq, que le feu duc du Lude avoit obtenus pour en jouir pendant sa vie, et qui pouvoient valoir quatre mille livres de rente. Il paya toutes ses dettes, qui pouvoient monter à cinquante mille ecus. Il donna douze mille livres de pension à son fils, avec la survivance de la capitainerie de Saint Germain ; et deux jours apres, il lui fit epouser mademoiselle de La Marseliere, fille du feu marquis de Combourg de Coetquin, laquelle devoit avoir plus de sept cent mille livres de bien.
[…]
[p. 349] 2 janvier 1686. Le deuxième de janvier, il arriva une affaire qui fut pendant quelques jours l’entretien des courtisans.
Il y avoit à Saint Germain en Laye un curé nommé Cagnyé, natif du lieu meme, et frere d’un controleur de la maison du Roi. Cet homme avoit de tres bonnes qualités, et entre autres il faisoit de grandes aumones dans sa paroisse. Cela lui avoit attiré l’amitié de la defunte reine Marie Therese d’Autriche, à la priere de laquelle le Roi lui avoit nommé une petite abbaye nommée Royalpré ; mais comme il n’en put obtenir les bulles du Pape, parce qu’elle devoit etre possedée par un religieux, il la remit entre les mains du Roi, qui tira des mains d’un nommé Sauleus [p. 350] Sibourg (Silbour de Soleux) le prieuré de Saint Germain en Laye, qui valoit quatre à cinq mille livres de rente, moyennant des pensions qu’il lui donna sur d’autres benefices, et le donna au curé.
Quand il fut en possession, comme ce benefice avoit de fort beaux droits, il les soutint peut etre avec un peu trop de vigueur, et meme il plaida contre le Roi pour la seigneurie de la meilleure partie de Saint Germain en Laye, et contre les marguilliers de la paroisse, pretendant etre seigneur spirituel et temporel de l’eglise.
Les plaintes, qui en furent portées au Roi par un d’entre eux, nommé Antoine, qui avoit eté garçon de sa chambre et etoit alors son porte arquebuse, et les autres qui lui furent faites par plusieurs de ses officiers, obligerent Sa Majesté de renvoyer tous ces differends au jugement de M. l’archeveque de Paris. Mais comme il trouva beaucoup de difficultés à les terminer, le Roi trouva un expedient, pour n’en entendre plus parler de sa vie, qui fut de tirer du curé la demission de sa cure et de son prieuré, moyennant deux abbayes qu’il lui donna, lesquelles valoient douze mille livres de rente.
Le Roi, en faisant cela, avoit le dessein de dedommager l’abbé de Coulombs, qui etoit presentateur du prieuré et de la cure de Saint Germain, et s’attribuer la presentation à la cure et du prieuré avec tels droits qu’il jugeroit à propos ; ce qu’il pouvoit aisement faire dans toutes les regles prescrites par les canons.
La chose etant en cet etat, les habitans de Saint Germain apprirent que leur curé les alloit quitter, et comme ils lui etoient fort affectionnés, ils en furent touchés sensiblement.
Le vicaire, qui se nommoit de La Vertu, voyant, le premier jour de l’an, la plupart des habitants assemblés dans l’eglise pour entendre le sermon, monta en chaire un moment avant le predicateur ; et, leur ayant exposé la grandeur de la perte qu’ils alloient faire en perdant leur curé, il leur assura que le Roi n’avoit pris la resolution de le leur oter que par les mauvais offices que des gens malintentionnés lui avoient rendus aupres de Sa Majesté, les conviant d’aller à Versailles les supplier de vouloir leur rendre leur pasteur.
[p. 351] Apres cette harangue, il s’emut un assez grand bruit dans l’assemblée, lequel ayant fait croire à la femme et aux enfants d’Antoine qu’ils n’y etoient pas en securité, ils se retirerent precipitamment de l’eglise.
Cependant, le bruit s’apaisa ; le predicateur monta en chaire, et tout le monde l’ecouta paisiblement. Mais, apres le sermon, le vicaire de La Vertu y remonta et dit au peuple que, quelque chose qui lui en put arriver, il ne l’abandonneroit point ; qu’il iroit, à sa tete, parler au Roi à Versailles et lui redemander son curé, et qu’au reste il protestoit qu’il faistoit tout cela de son propre mouvement et sans que le curé en eut parlé.
Dès le soir meme, M. de Montchevreuil, capitaine de Saint Germain, en fut averti et en rendit compte au Roi, lui assurant meme qu’il avoit des avis certains que ces habitants, mal conseillés, devoient venir en foule le lendemain l’importuner. Mais, comme il etoit tard, le Roi ne lui ordonna que d’y aller le lendemain pour y mettre ordre.
Il le fit effectivement et, y etant arrivé devant le jour, à peine y eut il eté quelques moments qu’il entendit sonner le tocsin pour l’assemblée des paroissiens. Il courut en meme temps à l’eglise et, etant venu au pied du clocher, il y trouva un pretre qui lui nia fortement que l’on sonnat par son ordre ; mais, ayant frappé inutilement à la porte du clocher, qui etoit fermée, il la fit enfoncer et monta en haut, où il arreta deux hommes qui sonnoient. Ces miserables lui dirent qu’ils le faisoient par l’ordre du pretre qu’il avoit trouvé au pied du clocher. C’est pourquoi, etant descendu et l’y ayant encore trouvé, il l’arreta et le fit conduire avec les deux sonneurs à la prison.
Cela n’empecha pas les habitants de s’assembler, et ils vinrent le meme jour à Versailles, au nombre de six à sept cents, ayant à leur tete leur vicaire et huit autres pretres. Le Roi, les ayant vus dans sa cour, envoya querir le grand prevot pour les faire arreter ; mais, s’etant trouvé incommodé et ayant envoyé un de ses lieutenants prendre l’ordre du Roi, Sa Majesté lui commanda d’en faire arreter une trentaine des plus considerables, ce qu’il executa facilement, sur le pretexte que le Roi lui avoit ordonné d’entendre leurs raisons ; et ils se battoient à qui entreroit chez lui, par preference, pour se faire arreter.
Les huit pretres furent arretés comme les autres ; mais le [p. 352] vicaire de La Vertu ne s’y trouva pas. Cependant, étant allé le lendemain à Paris chez M. l’archeveque pour se justifier, il le fit mettre à l’officialité, où le Roi envoya aussi, deux jours apres, les autres neuf pretres qui etoient arretés. En meme temps, le Roi ordonna au prevot de Saint Germain d’informer contre ceux qui avoient formenté cette sedition, resolu de les chatier, et particulierement ceux qui se trouveroient etre officiers de sa maison ; et il decreta contre deux seulement, le Roi ayant bien voulu faire mettre les autres en liberté apres deux jours de prison.
[…]
[tome 3, p. 4] 3 janvier 1689. On sut, en ce temps là, que le Roi avoit trouvé à propos de choisir son chateau de Saint Germain en Laye pour le sejour de la reine d’Angleterre, au lieu de celui de Vincennes, qu’il lui avoit destiné d’abord, quand il sut son arrivée en France.
[…]
[p. 6] 6 janvier 1689. Le 6, la reine d’Angleterre arriva à Saint Germain avec le prince de Galles, son fils ; le Roi alla au devant d’elle jusqu’aupres de Chatou, suivi d’un grand cortege de carrosses pleins de courtisans. Quand les carrosses de la reine commencerent à paraitre, le Roi descendit du sien avec Monseigneur et Monsieur, qui l’accompagnoient, et, ayant fait arrêter le premier carrosse, dans lequel etoit le prince de Galles, il embrassa plusieurs fois ce jeune prince avec beaucoup de temoignages de tendresse. Cependant, la reine d’Angleterre, ayant eté avertie que le Roi avoit mis pied à terre, descendit aussi de son carrosse, et ils marcherent au devant l’un de l’autre avec empressement.
Le Roi la salua, aussi bien que Monseigneur et Monsieur, que le Roi lui presenta, et, apres beaucoup de marques d’amitié de part et d’autre, le Roi remit la reine dans son carrosse, dans lequel il se plaça à sa gauche, malgré toute la resistance qu’elle y fit ; Monseigneur et Monsieur se mirent dans le devant du [p. 7] carrosse, et madame de Montecuculli, dame d’honneur de la reine, avec madame Powits, gouvernante du prince de Galles, dans les deux portieres. Les carrosses arriverent en cet ordre à Saint Germain, où le Roi conduisit la reine dans l’appartement qu’il lui avoit destiné, qui etoit l’appartement de la defunte Reine, sa femme, mais augmenté de beaucoup par les batiments neufs qu’il y avoit faits. Apres quelques moments de conversation, le Roi dit à la reine qu’il vouloit aller voir le prince de Galles, et, cette princesse lui ayant offert de l’y suivre, il lui donna la main et la conduisit à l’appartement du jeune prince, où, entre autres choses, elle lui dit qu’en passant la mer elle se disoit en elle-même qu’il etoit bien heureux d’etre trop jeune pour connoitre son malheur ; mais que presentement elle le trouvoit bien malheureux de n’etre pas en etat de connoitre tutes les bontés qu’il lui temoignoit. Le Roi, n’ayant oublié aucune des honnetetés qu’il pouvoit temoigner à la reine d’Angleterre, et ne doutant pas qu’elle n’eut besoin de se reposer des fatigues du voyage, prit congé d’elle et s’en revint à Versailles, d’où il luy envoya une magnifique toilette, accompagnée de six mille louis d’or qui lui etoient bien necessaires, vu le denument où elle se trouvoit de toutes choses.
Le 7, le Roi, sachant que le roi d’Angleterre devoit arriver ce jour là à Saint Germain, parce qu’il avoit pris la poste en chaise roulante, il partit aussitot apres son diner pour l’aller attendre chez la reine d’Angleterre ; il la trouva dans son lit, qui se reposoit de la fatigue du voyage, et il s’assit à sa ruelle dans un fauteuil unique qu’on y avoit mis ; pour Monseigneur et Monsieur, qu’il avoit menés avec lui, ils se tinrent debout. Ensuite, le Roi ordonna à M. le duc de Beauvilliers d’aller se mettre en quelque endroit où il put voir arriver le roi d’Angleterre, afin de le venir avertir aussitot qu’il paroitroit. Quelques temps apres, M. de Beauvilliers vint l’avertit que le roi d’Angleterre venoit d’entrer dans la cour ; en meme temps, il se leva et, faisant une reverence à la reine d’Angleterre, il marcha au devant [p. 8] du roi, son epoux, jusqu’à la porte de la salle des gardes, qui donne sur le degré, où il l’attendit environné de toute sa cour. Le roi d’Angleterre ayant monté le degré et ayant aperçu le Roi, ils coururent tous deux d’un meme temps s’embrasser, ce qu’ils firent tres longuement et avec de grandes marques de tendresse. Le Roi dit au roi d’Angleterre : « Monsieur mon frere, que j’ai de joie de vous voir ici ! Je ne me sens pas de joie de vous voir en sureté. » Le roi d’Angleterre lui repondit par un discours moins suivi et plus entrecoupé. Apres cela, le Roi lui dit qu’il vouloit le conduire chez la reine, son epouse, et, passant à toutes les portes devant lui, il le mena effectivement chez la reine et voulut absolument qu’il la saluat dans son lit en sa presence. Les deux rois demeurerent quelque temps debout dans la ruelle de son lit ; ensuite de quoi le Roi proposa d’envoyer querir le prince de Galles ; mais comme il étoit longtemps à venir, le Roi prit le roi d’Angleterre par la main et le conduisit à l’appartement du prince, son fils, lui donnant alors la main partout. Apres qu’ils eurent eté quelque temps chez le prince de Galles, le Roi prit congé du roi d’Angleterre, lequel le voulant reconduire, il ne voulut pas le souffrir et se separa de lui en lui disant : « Je suis aujourd’hui chez moi ; demain, vous serez chez vous, et vous ferez ce que vous voudrez ». Quelques heures apres, le Roi envoya aussi une toilette au roi d’Angleterre et dix mille louis d’or pour ses necessités, jusqu’à temps qu’il lui eut fait un fonds reglé, qu’on disoit devoir aller à deux millions quatre cent mille livres par ans.
Le 8 de janvier […] [p. 9] le roi d’Angleterre vint pour la premiere fois voir le Roi à Versailles, où il reçut tous les honneurs qui etoient dus à son rang. Les regiments des gardes battirent au champ ; les gardes de la porte et de la prevoté se tinrent sous les armes dans leurs postes ; les Cent Suisses borderent le degré ; les gardes du corps se posterent sous les armes, comme quand le Roi arrive. Le Roi alla au devant de lui jusqu’au delà de la salle des gardes, où il le reçut avec toute sa cour, et le conduisit jusque dans son cabinet, dans lequel il fut assez longtemps enfermé avec lui. Après cela, il le conduisit chez madame la Dauphine, où il le laissa. Le roi d’Angleterre, y ayant eté quelque temps, alla aussi voir Monseigneur, Monsieur et madame, chez tous lesquels il ne s’assit point, parce qu’on ne savoit encore comment il les voudroit traiter ; cependant, comme la chose avoit dejà eté agitée, le Roi lui en avoit fait entendre quelques mots, et il lui avoit repondu fort honnetement qu’il l’en faisoit absolument le maitre, sur quoi le Roi lui avoit reparti que, puisuq’il en usoit de cette manière avec lui, il se declaroit en sa faveur, meme contre les princes de sa maison ; et, en effet, il regla deux jours apres que le roi et la reine d’Angleterre donneroient des fauteuils à Monseigneur, à madame la Dauphine, à Monsieur et à Madame seulement, et qu’ils ne donneroient aux autres princes et princesses de la maison royale que des sieges pliants ; en quoi il sembloit que M. le duc de Chartres et les trois filles de feu M. le duc d’Orleans se trouvoient un peu lesés car, comme ils avoient partout ailleurs de grandes prerogatives au dessus des princes et princesses du sang, comme etant petit fils et petites filles de roi, on [p. 10] auroit cru qu’ils auroient aussi du avoir en cette occasion quelque marque de distinction au dessus d’eux ; mais on ne put pas trouver moyen de leur en donner, parce que les rois ne donnent en France que des fauteuils ou des sieges pliants, et qu’ils n’admettent point les chaises à dos qui n’ont point de bras, lesquelles on avoit proposées comme un temperament en cette occasion. […]
Le 9, […] les carrosses de Madame et des princesses demeurerent pendant toute l’apres dinée dans la cour du chateau de Versailles, et l’on attendoit à tout moment qu’elles partissent pour aller à Saint Germain voir la reine d’Angleterre ; mais enfin elles ne partirent point, parce qu’on ne savoit pas encore quel traitement elle voudroit leur faire. […]
[p. 11] Le 10, Madame, madame la grande duchesse, madame de Guise et toutes les princesses du sang, tant legitimes que du coté gauche, allerent à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre ; elles ne s’assirent point chez le roi, qui les reçut debout ; mais elles s’assirent chez la reine. On mit deux fauteuils aux pieds du lit, comme dans une place indifferente ; celui [p. 12] de la droite fut occupé par Madame, celui de la gauche par la reine, et toutes les princesses s’assirent à droit et à gauche sur des sieges pliants. La visite etant faite, la reine d’Angleterre reconduisit Madame jusqu’à la porte de sa chambre, comme elle etoit venue au devant d’elle jusqu’au meme endroit ; mais il y eut une chose qui scandalisa un peu les princesses, qui fut que la reine d’Angleterre fit asseoir aupres d’elle madame de Montecuculli, sa dame d’honneur. On sut, le meme jour, que le Roi avoit decidé le traitement que la reine d’Angleterre feroit aux duchesses, qui pretendoient qu’elle les baiseroit, parce qu’elle baisoit les duchesses d’Angleterre, et qu’elles seroient assises, comme elles ont le droit de l’etre en France ; mais la reine d’Angleterre leur avoit donné le choix d’etre traitées à l’angloise ou à la françoise, c’est à dire qu’elle les baiseroit et qu’elles se tiendroient debout, comme faisoient les duchesses d’Angleterre devant elle, ou bien qu’elle ne les baiseroit point et qu’elles seroient assises, comme elles l’etoient en France. Elles s’assemblerent pour deliberer sur ce choix, et, comme elles opterent d’etre traitées à la françoise, le Roi regla qu’elles ne baiseroient pas la reine d’Angleterre et qu’elles seroient assises devant elle. […]
[p. 14] [11 janvier] On disoit aussi que le roi d’Angleterre pourroit venir demeurer au chateau de Clagny, proche de Versailles, afin d’etre plus à portée de conferer tous les jours avec le Roi ; mais il n’y avoit guere d’apparence à cette nouvelle, parce que ce chateau etoit trop petit pour loger le roi avec tous ses gens, que Versailles en etoit assez eloigné pour que le roi et la reine d’Angleterre fussent incommodés si on y avoit logé leurs domestiques, outre ce qu’il en auroit couté au Roi pour les loyers, et qu’il auroit fallu deloger tous les domestiques de M. le duc du Maine et de M. le comte de Toulouse, dont le logement auroit encore couté de grandes sommes dans Versailles. […]
[p. 15] Ce fut encore le meme jour que M. l’archeveque de Paris, etant allé à Saint Germain pour faire sa cour au roi d’Angleterre, se trouva extremement mal dans sa chambre, d’où etant sorti il tomba une seconde fois en faiblesse dans la salle des gardes, mais de telle manière qu’il perdit entierement connaissance et meme qu’il eut peur de mourir. Cependant on le transporta dans un appartement, où il revint peu à peu, et le meme jour il s’en retourna à Paris. […]
Le 12, le roi d’Angleterre fit milord Powis duc, afin que sa femme, qui etoit gouvernante du prince de Galles, put etre assise devant madame la Dauphine, car pour devant la reine d’Angleterre, les duchesses angloises ne s’y asseyoient jamais ; et ceci etoit une nouveauté, parce que les duchesses [p. 16] françoises s’asseyant devant la reine d’Angleterre, elle voulut que madame Powis eut aussi le droit de s’y asseoir, seulement quand les princesses et duchesses françoises s’y trouveroient ; et à la verité milord Powis et sa femme meritoient bien ce degré d’honneyr, puisqu’ils avoient quitté, pour la religion catholique et pour suivre le roi, leur maitre, cinquante mille ecus de rente et cinq enfants qu’ils avoient laissés dans un extreme danger. […]
[p. 17] Le 13, […] Monsieur, frère, du Roi, et MM. les princes du sang allerent voir le roi et la reine d’Angleterre ; Monsieur y alla le matin, et ils lui donnerent un fauteuil, comme ils avoient fait à Monseigneur. MM. les princes y allerent l’apres dinée, et ils n’eurent que des sieges pliants.
Le meme jour encore, la reine d’Angleterre vint à Versailles voir le Roi. Il alla au devant d’elle jusqu’au haut de son grand degré, où, l’ayant reçue, il la prit par la main et la conduisit au travers de son appartement jusqu’au salon, dans lequel, s’étant chauffés quelques moments, il s’allerent asseoir dans deux fauteuils preparés à cet effet, le Roi donnant la droite à la reine d’Angleterre. Ensuite, il ordonna qu’on apportat des sieges pliants pour Monseigneur et pour Monsieur, et en fit aussi apporter pour madame de Montecuculli et pour madame la duchesse de Powis. La conversation ayant duré un gros quart d’heure de cette manière, la reine se leva, et le Roi lui donna la main pour la mener chez madame la Dauphine par la grande galerie, et quand elle fut entrée dans la chambre de madame la Dauphine, il prit congé d’elle et se retira à son appartement. La reine fit sa visite, de meme qu’elle l’avoit faite au Roi, c’est à dire qu’elles s’assirent chacune dans un fauteuil et que les princesses et duchesses qui s’y trouverent furent assises sur des sieges pliants. Apres cela, la reine d’Angleterre alla aussi faire sa visite à Monseigneur, à Monsieur et à Madame, chez lesquels les memes ceremonies furent observées. […]
[p. 20] Le 15, […] [p. 21] le Roi alla voir le roi d’Angleterre, qui vint au devant de lui jusqu’à la porte de la salle des gardes, et lui donna de grandes marques d’empressement et même de deference. Apres un moment de conversation publique, les deux rois entrerent dans un cabinet, où ils furent enfermés pres d’une heure et demie, pendant laquelle Monseigneur alla rendre visite à la reine, que les courtisans commencerent à connoitre plus que jamais pour une princesse d’un grand cœur et d’un bon esprit, qualités qui ne lui servoient alors qu’à lui faire sentir plus vivement ses malheurs. Le Roi ayant achevé sa visite, le roi d’Angleterre voulut absolument le reconduire ; mais, sur ce que le Roi ne le vouloit pas souffrir, ils convinrent que ce jour là termineroit pour toujours entre eux toutes les ceremonies.
[…]
[p. 24] Le 21, [le roi d’Angleterre] courut le cerf avec Monseigneur dans la forêt de Saint Germain, avec l’équipage de M. le duc du Maine ; mais il n’y eut pas beaucoup de plaisir, tant à cause d’un vent de nord très froid et très violent, qui dura tout le jour, que parce qu’on ne prit point le cerf.
Le 22, le Roi alla rendre visite au roi d’Angleterre, aussi bien qu’à la reine et au prince de Galles, et puis il revint à Versailles.
[…]
[p. 30] [1er février] La première nouvelle du mois de février fut que les presbytériens d’Angleterre, c’est à dire ceux qui font profession de la religion du royaume, armoient de tous les côtés, et qu’on espéroit voir former assez de partis différents dans cet [p. 31] Etat pour n’appréhender pas qu’ils pussent faire grand tort à la France. […] On apprit aussi que deux cents hommes de troupes réglées avec leurs officiers étoient venus d’Angleterre débarquer à Dunkerque.
Ce fut alors qu’arriva aussi à Saint Germain milord Dumbarton, qu’on avoit connu en France sous le nom de milord Douglas, et qui y avoit même été lieutenant général.
Le même jour, le roi d’Angleterre cessa d’être servi par les officiers de la Bouche et du Gobelet du Roi, et commença d’être servi par les siens ; cependant le Roi lui laissa encore ses gardes du corps, de la prévôté de l’Hôtel et de la Porte, et le détachement des Cent Suisses, parce qu’il n’avoit pas encore de gens pour le garder.
[…]
[p. 32] Le 4, le roi et la reine d’Angleterre allèrent à l’abbaye royale de Saint Cyr voir la représentation de la tragédie d’Esther, composée par Racine ; elle étoit représentée par les petites pensionnaires, qui chantoient même des entractes de musique de la composition d’un nommé Moreau ; c’étoit in spectacle fort agréable, et aussi bien exécuté qu’il le pouvoit être par de jeunes enfants ; mais, le jour que le roi d’Angleterre y alla, madame la comtesse de Caylus joua le rôle d’Esther et s’attira l’admiration de tout le monde.
[…]
[p. 35] Le 10 de février, le roi d’Angleterre fit arrêter à Saint Germain par M. de Saint Viance, lieutenant des gardes du corps qui servoit auprès de lui, un Anglois nommé Barnoel, qui s’étoit venu rendre auprès de lui depuis peu de jours ; cet homme, à ce qu’on disoit, avoit changé trois ou quatre fois de religion suivant les différentes occurrences, et l’on assuroit qu’il s’étoit déchainé en invectives contre le roi, depuis son départ d’Angleterre, en présence de plusieurs personnes, dont quelques unes étoient arrivées devant lui à Saint Germain ; ensuite, n’ayant pas trouvé auprès du prince d’Orange le traitement qu’il en avoit espéré, il avoit passé en France pour se rendre auprès du roi d’Angleterre, et ce prince fit très sagement de faire arrêter un homme d’un caractère si dangereux.
[…]
[p. 37] [11 février] Ce fut en ce temps là que mourut à Saint Germain M. de Treamigny, gentilhomme des environs de Beauvais, chef du vol de la chambre pour pie, mais qui, par son assiduité et son savoir faire, avoit trouvé moyen de se faire donner par le Roi un vol pour les champs pour lièvre, pour corneille et pou milan, tous lesquels le Roi lui payoit par extraordinaire. Il avoit été longtemps forte à la mode ; mais, quoiqu’il fut un peu déchu, le Roi ne laissa pas de traiter sa famille favorablement, donnant à son fils la charge du vol de la chambre pour pie avec deux mille livres de pension, quoiqu’il n’eût que dix ou douze ans ; à l’égard [p. 38] des autres vols par commission, le Roi le révoqua, et c’étoit autant de dépense épargnée, considération fort pressante en ce temps là.
[…]
[p. 40] Le 22, le roi d’Angleterre fit arrêter et conduire [p. 41] à la Bastille milord Miljoy, grand maître de l’artillerie d’Irlande, qui avoit passé en France avec Pointis. Milord Tyrconnel, croyant avoir de grands sujets de se défier de sa fidélité, et même l’accusant d’avoir dégarni tout exprès les arsenaux d’Irlande, lui avoit dit que, comme il étoit parfaitement instruit de l’état de toutes choses, il étoit à propos qu’il vint en France en rendre compte au roi, et lui avoit donné pour cet effet une lettre de créance ; amis il en donna en même temps une toute contraire à Pointis, pour la rendre au roi secrètement, par laquelle il lui mandoit la vérité de la chose, et ce fut sur cet avis que ce prince fit arrêter milord Miljoy. Comme Pointis étoit homme d’esprit et fort intelligent dans ce qui regardoit l’artillerie, ayant même inventé la manière de jeter les bombes de dessus les barques, ce qui avoit si bien réussi à Gênes et à Alger, le Roi le donna au roi d’Angleterre pour commander son artillerie.
[…]
[p. 43] Le 25, le roi d’Angleterre alla communier publiquement dans l’église de Notre Dame de Paris, où il donna l’ordre de la Jarretière à M. de Lauzun, pour récompense des importants services qu’il lui avoit rendus, et l’après dînée il vint à Versailles prendre congé du Roi, car il devoit partir le 27, et le Roi devoit aussi le lendemain lui aller dire adieu à Saint Germain ; mais, comme il différa son départ d’un jour, le Roi différa de même ses adieux.
[…]
[p. 46] [28 février] Ce fut encore le même jour que le roi d’Angleterre partit de Saint Germain en poste pour aller s’embarquer à Brest, n’ayant pas en tout plus de vingt personnes avec lui, car M. d’Avaux avait pris les devants, aussi bien que les officiers anglois qui n’étoient pas nécessaires au roi le long de la route.
[…]
[p. 56] Le 18 [mars], la reine d’Angleterre fut attaquée d’une fièvre continue, qui ne lui dura que trois ou quatre jours, et l’on peut dire qu’elle en fut quitte à bon marché, après toutes les agitations du corps et d’esprit qu’elle supportoit depuis quelque temps.
[…]
[p. 63] [30 mars] On sut que la reine d’Angleterre venoit passer quelques jours de retraite au monastère des religieuses de la Visitation qui est à Chaillot, dans lequel la défunte reine, sa belle mère, avoit aussi accoutumé de se retirer pendant ses malheurs.
[…]
[p. 79] Le 25 [avril], le Roi cassa le comte d’Hautefort et ordonna à M. de Luxembourg de lui proposer des gens pour remplir sa place. La reine d’Angleterre, à laquelle le Roi alla ce jour là rendre visite, lui demanda sa grâce, parce qu’il avoit été le premier exempt qui eût servi auprès d’elle ; mais le Roi s’en excusa et lui fit entendre que c’étoit un homme perdu.
[…]
[p. 81] Le 29, Monseigneur, duc de Bourgogne, fit le premier voyage de sa vie, car il alla entendre la messe et dîner à Nanterre, pour y accomplir quelque vœu qu’on avoit fait pour sa santé, et de là il alla à Saint Germain rendre visite à la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 244] Le 4 [juin], M. l’archevêque de Paris, qui présidoit l’assemblée générale du clergé de France, laquelle se tenoit alors à Saint Germain en Laye, vint, selon la coutume, avec tous les députés haranguer le Roi à Versailles, et il lui fit un magnifique discours qui ne lui coûta guère, étant un des plus éloquents et des plus savants hommes de son temps.
[…]
[p. 245] Le 8, M. de Torcy, secrétaire d’Etat en survivance de M. de Croissy, son père, accompagné de M. de Pontchartrain, contrôleur général, de M. de Pussort et de M. d’Argouges, conseillers d’Etat, et du conseil royal des Finances, allèrent, suivant la coutume, à Saint Germain faire de la part du Roi à MM. de l’assemblée du clergé la demande du don gratuit, qu’ils fixèrent à douze millions ; quoique cette somme fût beaucoup au dessus de celles que le clergé avoit accoutumé d’accorder, les nécessités de l’Etat étoient si bien connues, et l’affection du clergé pour le Roi si sincère, que tous les députés voulurent accorder ce que le Roi demandoit sans opiner ; mais M. l’archevêque de Paris, qui présidoit, leur représenta qu’il falloit opiner pour que la [p. 246] chose fût dans les formes, et ainsi chacun opina d’accorder les douze millions, et même davantage, si le Roi le souhaitoit. En même temps, l’assemblée députa au roi M. l’abbé de Phélypeaux, l’un des deux anciens agents qui faisoit la fonction de secrétaire de l’assemblée, pour venir apprendre à Sa Majesté qu’elle avoit fait tout ce qu’elle avoit souhaité de son service, et certainement il fut très bien reçu du Roi, qui étoit alors en son château de Marly.
Le même jour, l’assemblée du clergé envoya douze de ses députés saluer en corps la reine d’Angleterre, et ce fut M. l’archevêque d’Arles qui porta la parole, et qui fit un discours si pathétique sur l’état présent des affaires, qu’il tira les larmes des yeux de tous les Anglois qui étoient présents.
[…]
[p. 271] [22 juillet] La nouvelle qui arriva le 22 au soir déconcertoit bien tous ces beaux projets : ce fut celle de la défaite du roi d’Angleterre, n’ayant pas voulu étendre son armée pour occuper un pont qui étoit sur une rivière, laquelle séparoit son armée de celle des ennemis, et ayant oublié de le faire rompre, le prince d’Orange avoit fait défiler toute la nuit son armée sur ce pont, avoit attaqué l’armée du roi à la pointe du jour et l’avoit battue facilement, parce que tous les Irlandois avoient mis les armes bas ; que M. de Lauzun, voyant la bataille perdue, avoit envoyé M. de Léry dire au roi d’Angleterre qu’il se sauvât au plus tôt, et que pour lui il alloit faire de son mieux avec le reste de ses troupes ; et qu’effectivement le roi s’étoit retiré avec Lery, L’Estrade et quelques autres, et qu’il étoit arrivé à Brest […].
[p. 273] Aussitôt que le Roi sut ces mauvaises nouvelles, il fit partir M. de Bouillon avec trois de ses carrosses pour aller au devant du roi d’Angleterre jusqu’où il pourroit le rencontrer.
[…]
Le 25 au soir, le roi d’Angleterre arriva à Saint Germain en Laye, et le lendemain le Roi alla lui rendre visite.
[…]
[p. 332] Le [26 novembre], le roi d’Angleterre partit de Saint Germain avec M. le maréchal de Bellefonds pour aller à la célèbre abbaye de la Trappe, dont l’abbé et les religieux vivoient avec une si grande austérité qu’elle retraçoit vivement la vie de saint Bernard, leur fondateur.
[…]
[p. 343] Le 6 [janvier 1691], le roi et la reine d’Angleterre arrivèrent avec toute leur cour à Versailles, sur les six heures du roi.
[…]
[p. 359] [25 février] Il arriva ce jour-là une chose bien étrange à Saint Germain, entre deux milords anglois, frères cadres du milord Salisbury ; ils prirent querelle sur un sujet de rien, étant le soir dans leur chambre, tous deux en robe de chambre, et prêts à se mettre au lit, et la colère s’empara si fort de leurs esprits qu’ils se jetèrent à leurs épées, se battirent, et, n’ayant pas voulu ouvrir à leurs gens qui frappoient à la porte pour les séparer, ils se donnèrent l’un à l’autre plusieurs coups d’épée, dont il y en eut un qui mourut peu de jours après ; et quand on eut enfoncé la porte, on les trouva tous deux qui demandoient pardon l’un à l’autre ; et depuis, l’aîné étant mort, le cadet en eut un tel désespoir qu’il arracha tous les bandages et les emplâtres qu’on avoit mis sur ses blessures.
[…]
[p. 420] Le 15 [mai], on sut qu’il étoit arrivé à Saint Germain en Laye un envoyé d’Ecosse qui assuroit qu’il y avoit dans les montagnes quatre mille cinq cents hommes sous les armes, et qui venoit demander pour eux un secours de blé et d’argent.
[…]
[p. 443] Le même jour encore [27 juillet], le Roi ayant appris que, la nuit précédente, [le roi d’Angleterre] avoit été fort mal d’une très grande colique, il alla à Saint Germain lui rendre visite.
[…]
[tome 4, p. 4] Le [17 janvier 1692], le roi d’Angleterre, qui étoit arrivé la veille à Saint Germain, vint rendre visite au Roi à Versailles, et fut pendant quelque temps enfermé avec lui.
[…]
Le 21 [février], on sut que la reine douairière d’Angleterre devoit passer bientôt en Portugal, soit qu’elle fût devenue suspecte au prince d’Orange, soit qu’elle ne pût se résoudre à souffrir plus longtemps la domination d’un usurpateur, soit qu’elle n’eût plus l’exercice de sa religion ; et depuis elle changea de dessein, et l’on sut qu’elle devoit venir débarquer à Calais, passer à Saint Germain et y faire quelque séjour incognito, et ensuite prendre son chemin pour aller à Rome.
[…]
Le 22 [mars], milord Dumbarton, ci devant le marquis de Douglas, lieutenant général des armées du Roi et premier gentilhomme de la chambre du roi d’Angleterre, mourut d’apoplexie à Saint Germain en Laye, universellement regretté de tous les honnêtes gens, qui connoissoient sa valeur et son inviolable fidélité pour son maître.
[…]
Le 14 [avril], on sut de certitude que le roi d’Angleterre s’en alloit au premier jour en Normandie, et tout le monde crut deviner juste en disant qu’il n’y alloit que pour visiter les troupes irlandises.
Le 15, le Roi fut, au bout du pont du Pecq, la revue de ses deux compagnies de gendarmes et des chevau légers de sa garde ; le roi d’Angleterre y vint, et Leurs Majestés trouvèrent ces deux célèbres troupes parfaitement belles.
[…]
[p. 27] Le 19, on sut que le roi d’Angleterre avoit fait trois nouveaux chevaliers de la Jarretière, qui étoient le prince de Galles, son fils, milord Melfort et le duc de Powitz.
Le 20, le Roi alla dire adieu au roi d’Angleterre, et rien ne pouvoit égaler la joie de tous les Anglois qui étoient auprès de lui, car ils croyoient indubitablement qu’avec les troupes que le Roi donnoit au roi, leur maître, il alloit dans peu de jours reconquérir l’Angleterre.
Le lendemain, ce prince partir pour aller à la Trappe et de là passer en Normandie.
[…]
[p. 84] [27 juin] On eut nouvelle, ce jour là, que le roi d’Angleterre etait arrivé le 24 à Saint Germain en Laye.
[…]
[p. 90] Le premier jour de juillet, au matin, le Roi eut nouvelle que la reine d’Angleterre etoit accouchée d’une fille, et qu’elle avoit eté si peu de temps en travail que les princesses ni les ministres n’avoient pu y arriver assez tot.
[…]
[p. 99] Le 18, le Roi alla voir le roi et la reine d’Angleterre à Saint Germain et, le lendemain, il alla à Paris voir Monsieur.
[…]
[p. 114] Le 23 [août], le Roi alla à Saint Germain en Laye, où il tint avec Madame sur les fonds de bapteme la fille du roi d’Angleterre.
[…]
[p. 137] Le 11 [novembre], le grand prieur de France et le comte de Brionne tirent une course de chevaux aupres de Saint Germain ; le roi et la reine d’Angleterre, Monseigneur et tous les princes allerent la voir, et le grand prieur gagna le prix.
[…]
[p. 166] Le 3 [mars 1693], le Roi alla à Saint Germain dire adieu au roi et à la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 190] Le 23 [avril], […] [p. 191] le Roi, qui etoit à Marly, alla à Saint Germain rendre visite au roi et à la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 322] Le 11 [avril 1694], on apprit que quelqu’un ayant mis le feu dans la forêt de Saint Germain en Laye, on avoit eu assez de peine à l’eteindre.
[…]
[p. 420] Le 16 [janvier 1695], le Roi alla voir le roi et la reine d’Angleterre au sujet de la mort de la princesse d’Orange, et, à son retour, on sut que le roi d’Angleterre avait demandé qu’on ne lui fit point de compliments sur la mort de sa fille et qu’on n’en prit point le deuil.
[…]
[p. 453] Le 12 [mai], jour de l’Ascension […] [p. 454] on sut ce jour là que le roi d’Angleterre avoit eu deux accès de fievre.
[…]
[p. 460] Le 29, on fit à Saint Germain en Laye l’ouverture de l’assemblée ordinaire du clergé de France.
[…]
[p. 464] Le 12 [juin], l’archeveque de Paris vint de Saint Germain en Laye faire sa cour au Roi, et travailla longtemps avec Sa Majesté.
[…]
[p. 470] Le 23, le roi d’Angleterre ayant couru le cerf sans avoir mangé, parce qu’il etoit jour de jeune, et s’etant trouvé au salut avec la reine dans les eglises de Saint Germain, il y eut deux faiblesses consecutives, dont la derniere alla presque jusqu’à l’evanouissement.
[…]
[p. 472] [28 juin] On sut encore que le marquis de Montchevreuil etoit assez malade à Saint Germain, d’un rhumatisme accompagné de fievre.
[…]
[tome 5, p. 94] Le 4 [janvier 1696], on sut que […] Sa Majesté avoit donné la dignité de chef d’escadre de ses armées navales au milord grand prieur, fils naturel du roi d’Angleterre, sous le nom de duc d’Albermarle, qui lui convenoit mieux que celui de grand prieur dans la conjoncture des affaires.
[…]
[p. 102] Le 27, on sut que la reine d’Angleterre avoit la fièvre assez violente.
[….]
[p. 112] Le 27 [février], le Roi alla à Saint Germain voir le roi d’Angleterre et lui faire ses adieux, et ce fut alors qu’on apprit que le maréchal de Boufflers travailloit en diligence à Dunkerque à faire un embarquement de douze mille hommes pour passer en Angleterre, où on assuroit qu’il y avoit des apparences considérables de révolte contre le prince d’Orange, aussi bien qu’en Ecosse ; que le duc de Berwick étoit à Londres et qu’il mandoit qu’il y avoit un parti considérable formé pour recevoir le roi Jacques ; que ce seroit le marquis d’Harcourt qui commanderoit les troupes de l’embarquement et qu’il étoit parti le même jour à cet effet ; que le duc de Berwick serviroit sous lui en qualité de lieutenant général, le comte de Pracomtal et Albergotti, en qualité de maréchaux de camp, Barzun, en qualité de commandant de la cavalerie, le marquis de Mornay, le duc d’Humières et le marquis de Biron en qualité de brigadiers d’infanterie ; que Lanson, enseigne des gardes du corps, serviroit auprès du roi d’Angleterre et qu’enfin on croyoit avoir trouvé la conjoncture fatale au prince d’Orange, parce qu’il n’avoit point de flotte ni de troupes et que l’affaire du changement des monnoies faisoit beaucoup de mécontents en Angleterre.
[…]
[p. 113] Le 29, on sut que le roi d’Angleterre étoit parti le soir précédent, qu’il s’est arrêté à Saint Denis pour y faire une protestation par devant notaires comme il partoit dans le dessein d’aller rentrera dans son royaume, où il étoit rappelé par les prieres de ses peuples. On ajoutoit qu’on avoit fait partir cent mille louis d’or pour Calais, où ce prince devoit s’embarquer.
On apprit aussi le détail des troupes qui s’embarquoient, qui étoit dix huit bataillons : les deux régiments de Poitou, celui de Crussol, les deux de Languedoc, les deux d’Humières, celui du Vexin, celui de la Marche, celui de Santerre, celui [p. 114] d’Orléanois, les deux d’Artois, les deux de Vermandois, celui d’Agenois, celui de Montferrat et celui de Saint Second ; trois régiments de cavalerie qui étoient le régiment du Roi, celui d’Anjou et celui de Berry ; et deux régiments de dragons, le Colonel général et celui de Frontenay. On disoit encore que Gabaret commanderoit cet embarquement et que sa flotte seroit composée de neuf gros vaisseaux et de vingt frégates. Il y avoit beaucoup de gens qui croyoient que cet armement alloit descendre en Ecosse ; cependant Monsieur, frère du Roi, assura ce jou là qu’il alloit droit en Angleterre ; et la chose auroit été facile, s’il avoit été vrai, comme on le disoit, que la flotte angloise commandée par Spithal, qui portoit à Cadix des matelots et des provisions, fût sortie de la Manche.
[…]
[p. 116] Le 6 [mars], on assuroit que la flotte de Spithal avoit eté repoussé par les vents dans les ports d’Angleterre, ce qui etoit fort contraire aux desseins du roi Jacques. On assuroit cependant que le Roi lui avoit encore envoyé deux cent mille livres, et que la reine, son epouse, engageoit toutes ses pierreries pour lui envoyer de l’argent.
[…]
[p. 120] Le 20, […] on apprit aussi que le roi d’Angleterre etoit encore à Calais et que l’on avoit fait partir sa chambre et sa vaisselle d’argent pour qu’il eut toutes ses commodités au lieu où il sejourneroit.
[…]
[p. 137] Le 5 [mai], le roi d’Angleterre arriva à Saint Germain, et, selon les apparences, ce n’etoit pas pour en partir sitot. […]
Le 6, […] l’après dinée, le Roi alla visite le roi d’Angleterre à Saint Germain.
[…]
[p. 145] Le 2 [juin], le roi et la reine d’Angleterre partirent de Saint Germain en Laye pour aller à Chartres, où ils devoient sejourner un jour pour y faire leurs devotions, et de là passer à la celebre abbaye de la Trappe, où ils devoient faire un pareil sejour, et de là venir coucher à Anet, d’où ils devoient revenir à Saint Germain.
[…]
[p. 146] Le 5, on sut que le prince de Galles avoit la rougeole, ce qui etoit capable de donner de grandes inquietudes au roi et à la reine d’Angleterre pendant leur voyage de devotion à Chartres et à la Trappe, mais cette maladie n’eut pas de suites facheuses.
[…]
[p. 159] Le 27, […] l’on sut que la reine d’Angleterre avoit depuis deux jours une grosse fievre. Mais le lendemain, on apprit qu’elle l’avoit quittée par l’habileté de son premier medecin, qui l’avoit purgée au fort de son mal.
[…]
[p. 163] Le 12 [juillet], l’on sut que le milord duc de Powits, chevalier de l’ordre de la Jarretière et sans contredit un des plus fideles serviteurs du roi d’Angleterre, etoit mort à Saint Germain en Laye, n’ayant point eu de santé depuis un vomissement de sang qui lui avoit pris à Bologne pendant qu’il y etoit avec le roi, son maitre.
[…]
[p. 234] Le 19 [janvier 1697], on sut que le roi et la reine d’Angleterre, le prince de Galles et la princesse, sa sœur, etoient tombés malades tous à la fois.
[…]
[p. 235] Le 21, on sut que toute la maison royale d’Angleterre etoit guerie, et que le roi d’Angleterre avoit dit qu’il n’etoit pas vrai, comme le prince d’Orange l’avoit publié, que le Roi fut convenu de le reconnoitre pour roi d’Angleterre.
[…]
[p. 343] [26 septembre] On sut certainement ce jour là que le Roi avaoit accordé au roi et à la reine d’Angleterre son château de Saint Germain pour [p. 344] demeure fixe et qu’ils n’iroient point demeurer à Blois comme le bruit en avoit couru.
[…]
[tome 6, p. 31] Le 8 [mai 1698], […] on sut que le roi et la reine d’Angleterre se portoient mieux, car ils avoient eu l’un et l’autre dans le même temps quelque attaque de fièvre.
[…]
Le 11, […] [p. 32] le soir, le Roi, qui etoit à Marly pour quelques jours, alla rendre visite au roi et à la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 42] Le 26 [juin], on disoit que la reine d’Angleterre avoit eu un violent accès de fievre qui avoit empeché le roi, son epoux, de partir pour aller à la Trappe, comme il l’avoit resolu.
[…]
[p. 147] [Le 18 avril 1699], on sut encore, le meme jour, que le chevalier de Gassion, lieutenant general et lieutenant des gardes du corps de quartier, etoit tombé malade assez considerablement à Saint Germain, où il servoit aupres du roi d’Angleterre, avoit eté obligé de se faire transporter à Paris.
Le 19, on disoit que, la reine d’Angleterre ayant reçu des avis qu’on vouloit attenter à la vie du prince de Galles, on lui avoit donné des gardes du corps pour le suivre en plus grand nombre qu’à l’ordinaire.
[…]
[p. 168] Le 28 [juin], [le Roi] alla dire adieu au roi d’Angleterre, qui alloit faire un voyage à la Trappe, pendant lequel la reine devoit se mettre dans le couvent de Sainte Marie de Chaillot.
[…]
[p. 192] Le 10 [octobre], on apprit que Ruzé, contrôleur des Bâtiments, qui faisoit cette charge à Marly et à Saint Germain depuis dix sept ans, avec l’approbation de la Cour, avoit été renvoyé à Saint Germain, avec les appointements qu’il avoit à Marly, et que le Roi avoit mis à sa place un nommé Dujardin, parent de Mansard.
[…]
[p. 206] Le 26 [novembre], le Roi envoya le marquis de Beringhen, son premier écuyer, à Saint-Germain-en-Laye, complimenter le roi d’Angleterre et s’informer de sa santé, parce qu’il avoit au croupion un anthrax, qui lui dura très longtemps.
[…]
[p. 265] Le 14 [juin 1700], Pomereu, comme l’ancien du conseil royal de finance, alla à Saint Germain, escorté de trois autres conseillers d’Etat, faire le compliment au clergé, et son discours ne fut si bien suivi ni si bien raisonné que la réponse que lui fit l’archevêque de Reims, avec beaucoup d’esprit et beaucoup d’art.
[…]
[p. 302] Le 10 [novembre], […] le Roi dépêcha Saint Olon, gentilhomme ordinaire, pour aller à Saint Germain apprendre au roi et à la reine d’Angleterre la mort du roi d’Espagne et le reste des nouvelles.
[…]
[p. 325] Le 4 [décembre], […] [p. 327] le roi Jacques vint prier le Roi de lui donner une garde plus forte, parce qu’il avoit eu avis que les Anglois vouloient enlever le prince de Galles et le faire élever dans la religion anglicane.
[…]
[p. 337] Le 18 [décembre], on disoit que le roi d’Angleterre étoit plus incommodé que jamais, et cette maladie, si elle avoit été véritable, étoit une nouvelle bien importante.
[…]
[tome 7, p. 29] Le 4 [mars 1701], […] on apprit encore que le roi Jacques d’Angleterre avoit eu une grande foiblesse pendant la messe, qu’on avoit été obligé de le remener dans son appartement, et qu’on attribuoit cet accident à ses jeunes et à ses autres austérités.
[…]
[p. 31] [Le 11 mars], le roi d’Angleterre eut une seconde attaque d’apoplexie, bien plus forte que la première, de laquelle il resta paralytique de tout le côté droit.
[…]
[p. 33] [Le 16 mars], le Roi alla visiter le roi d’Angleterre, qui vint au-devant de lui avec la reine jusqu’à la porte de sa grande chambre, s’appuyant assez bien sur la jambe droite et commençant à porter le bras droit jusqu’à sa tête et à s’aider de ses deux doigts ; mais cela n’empêchoit pas qu’il n’eût pris la résolution de partir la semaine de Pâques pour aller à Bourbon.
[…]
Le 18 [mars], le Roi fit dans la plaine d’Houilles la revue de ses deux régiments des gardes, qu’il trouva plus beaux que jamais. Le prince de Galles y vint, et apprit à Sa Majesté que le roi son père avoit encore pris, le soir précédent, de l’émétique, qui lui avoit fait un très bon effet.
[…]
[p. 36] Le 24 [mars], qui étoit le jour du jeudi saint, […] [p. 37] le Roi dit au marquis d’Urfé qu’il l’avoit choisi pour aller conduire le roi d’Angleterre à Bourbon et lui faire rendre, en allant et en revenant, les honneurs qui lui étoeint dus, et pour les frais de son voyage, il lui fit donc de dix mille francs.
[…]
[p. 39] Le 28 [mars], […] la reine d’Angleterre vint prendre congé du Roi, de Monseigneur et de la duchesse de Bourgogne, devant partie deux jours après pour suivre le roi son époux à Bourbon.
[…]
[p. 49] Le 17 [avril], […] [p. 50] on sut aussi ce jour là que le roi Jacques d’Angleterre avoit été retenu par la goutte à la Charité sur Loire, et que Le Pelletier, ci devant ministre d’Etat, étoit fort malade à Paris d’une fièvre continue, pour laquelle on l’avoit fait saigner quatre fois, quoiqu’il eut soixante et onze ans.
[…]
[p. 73] Le 7 [juin], le roi et la reine d’Angleterre arrivèrent à [p. 74] Saint Germain en Laye, revenant de Bourbon, et l’on vit à Marly le marquis d’Urfé, qui les y avoit escortés.
Le 8 [juin], Monsieur étant venu dîner avec le Roi à Marly, il saigna du nez à table. […] L’après dînée, il alla avec beaucoup de dames faire sa visite à Leurs Majestés de la Grande Bretagne, et il saigna encore du nez chez la reine. Un moment après, le Roi et tous les princes et princesses arrivèrent à Saint Germain, et, après avoir fait sa visite, chacun s’en retourna dans son carrosse à Marly. […]
[…]
[p. 97] Le premier d’août, […] la duchesse de Bourgogne alla se baigner dans la rivière de Seine au dessus de Saint Germain en Laye, le Roi ayant fait tendre exprès en cet endroit les tentes du duc de Bourgogne.
[…]
[p. 111] Le 26 [août], on sut […] qu’il s’étoit fait un dépôt d’humeur sur les jambes et sur le col du pied du roi Jacques d’Angleterre.
[…]
[p. 113] Le 2 [septembre], le roi Jacques d’Angleterre eut une grande foiblesse en sortant de la messe, et il fut longtemps sans connoissance. Cette attaque redoubla, et on commença à appréhender qu’il ne passât pas la journée.
[...]
[p. 114] Le 4 [septembre], […] Fagon, premier médecin du Roi, alla en diligence à Saint Germain en Laye pour essayer de secourir le roi Jacques d’Angleterre, qui étoit à l’extrémité. On apprit, à son retour, que le prince avoit reçu tous les sacrements à deux heures et demie après midi, que les remèdes qu’on lui avoit fait prendre lui avoient fait jeter une grande quantité de sang caillé et puant qui étoit extravasé dans sa poitrine, et qu’une saignée qu’on lui avoit faite l’avoit soulagé.
[…]
[p. 115] Le 6 [septembre], l’envoyé de Hesse Cassel, dans une audience publique, assura le Roi que son maître n’embrassoit point le parti de l’Empereur. […] Cependant, le roi Jacques d’Angleterre avoit de fréquentes foiblesses ; il avoit la fièvre avec des redoublements, mais il ne vomissoit plus le sang avec tant d’abondance.
Le 7 [septembre], on lui donna le quinquina, qui fit son effet : sa fièvre parut moins forte, mais on n’en espéroit rien de bon. […]
Le 8 [septembre], le Roi alla s’établir à Marly pour dix jours. En arrivant, on sut que le roi Jacques d’Angleterre avoit encore eu son redoublement, mais que son sang s’étoit arrêté et qu’il restoit encore quelque légère espérance.
[…]
[p. 116] Le 11 [septembre], le Roi alla à Saint Germain voir le roi d’Angleterre, qui étoit au plus mal. Il le trouva dans un grand assoupissement, et demeura une heure auprès de lui, pendant laquelle la duchesse de Bourgogne y vint aussi et n’y demeura qu’un quart d’heure ; mais on ne croyoit pas que ce pauvre prince pût encore passer la semaine.
[…]
[p. 117] Le 13 [septembre], on apprit que le roi d’Angleterre étoit fort mal, qu’il ne pouvoit pas passer la journée, et qu’il avoit déclaré publiquement qu’il pardonnoit au prince d’Orange et à ses filles et à l’Empereur. En même temps, le Roi envoya Fagon, lequel rapporta qu’il n’y avoit plus d’espérance. L’après dînée, le Roi y alla et le laissa à l’extrémité ; mais, auparavant que de partir de Saint Germain, il fit appeler le prince de Galles et lui déclara, en présence de tous les Anglois, qu’après la mort du roi son père il le reconnoitroit pour roi d’Angleterre, et comme le nonce du Pape étoit présent, n’ayant pas abandonné le roi d’Angleterre depuis son mal, le Roi lui dit qu’il voyoit de quelle manière il en usoit avec le roi d’Angleterre et qu’il le prioit de le mander au Pape.
Le 14 [septembre], on eut nouvelle que le jeune Mathan, colonel de Bugey, étoit mort. […] [p. 118] Le soir, on sut que le roi d’Angleterre avoit entièrement perdu la vue ; le duc de Bourgogne alla le voir et, quand il entra dans sa chambre, on disoit pour la cinquième fois les prières des agonisants, et comme on les suspendit à cause de la présence du duc, le roi le pria de trouver bon qu’on les continuât. Enfin, on pouvoit dire que ce prince mouroit de la mort des justes, et les Anglois se flattoient que sa mort changeroit en bien le sort du prince de Galles.
Le 16 [septembre], le roi d’Angleterre mourut à trois heures et demie du matin, et la reine partie en même temps pour s’aller enfermer au monastère de Chaillot. Pour le jeune roi et la princesse, ils restèrent à Saint Germain.
[…]
[p. 119] Le 18 [septembre], […] les princes et les princesses allèrent donner de l’eau bénite au corps du roi d’Angleterre, et, le soir, on l’emporta à Paris à l’église des Bénédictins anglois du faubourg Saint Jacques, où il devoit rester en dépôt jusqu’à ce qu’on pût le porter au tombeau de ses ancêtres, le roi n’ayant pas jugé à propos qu’on l’enterrât dans l’église paroissiale de Saint Germain en Laye, comme il l’avoit souhaité par humilité et même proposé au Roi peu de jours avant sa mort.
Le 19 au soir, la reine d’Angleterre revint à Saint Germain, et, le lendemain, le Roi et toute la Cour allèrent la voir sans cérémonie, parce qu’elle l’avoit souhaité, et elle les reçut dans son lit.
[…]
[p. 123] Le 2 [octobre], on disoit que la flotte angloise étoit rentrée dans ses ports, et qu’elle y avoit été rappelée sur la nouvelle de la mort du roi Jacques ; mais il n’y avoit guère d’apparence que cela pût être, et que, depuis la mort de ce prince, on eût pu envoyer cet ordre à la flotte, qui étoit trop éloignée. On ajoutoit que la reconnoissance du prince de Galles faisoit grand bruit en Angleterre, qu’on y avoit depuis longtemps son portrait presque dans toutes les maisons, qu’on y avoit publié la relation de la mort du roi Jacques, laquelle s’étoit débitée par merveilles, que les régents en avoient fait saisir les exemplaires et fait mettre en prison les colporteurs, mais qu’ils les avoient ensuite fait relâcher. […]
Le 3 [octobre], le bruit couroit que quelques milords étoient venus à Saint Germain trouver le

Bouchet, Louis-François (du)

Mentions de Saint-Germain-en-Laye dans le journal d’Olivier Le Fèvre d’Ormesson

« [p. 13] [6 mars 1643] Le Roy estoit à Saint Germain, se portant mieux de la maladie qu’il avoit eue pendant sept ou huit jours. Chacun le considere comme un prince usé et qui ne peut encore longtemps subsister. La cour, sur cette pensée, se partage.
[…]
[p. 14] [8 mars 1643] M. de Jouy nous vint voir, qui nous dit qu’il avoit accompagné Monsieur, frere du Roy, à Saint Germain, où le Roy luy avoit fait grand accueil, qu’il s’estoit justifié des bruits que l’on avoit fait courir de [p. 15] luy à Paris, d’avoir voulu briguer la regence et de s’estre ligué avec monsieur le Prince.
[…]
[p. 17] Le jeudi 12 mars, M. de Chaillou de Toisy me vint voir l’après disnée, et me dit que Monsieur, frere du Roy, ayant esté à Saint Germain, chacun l’avoit fuy, que le Roy et la Reyne lui avoient fait un tres mauvais accueil, que M. de Mercoeur, fils aisné de M. de Vendosme, avoit esté tres bien reçu du Roy, que M. de Beaufort et Mme de Vendosme avoient eu permission de le voir du premier jour, et qu’il avoit obtenu le retour de M. de Vendosme d’Angleterre. L’on me dit aussy que Mme de La Vieuville avoit permission de revenir.
[…]
[p. 22] [6 avril 1643] La maladie du Roy divisoit toute la cour : la Royne avoit pour elle la noblesse, MM. de Vendosme et de Beaufort, de Longueville, d’Harcourt, les marechaux de La Force, de Chastillon, etc. Monsieur, frere du Roy, avoit de sa part quelques personnes qui s’estoient declarées pour luy contre la Reyne, scavoir le premier president, les presidens de Maiso,s et de Nesmond, et le procureur general. M. le Prince, de son costé, faisoit sa brigue. Il me dit encore que le jour du vendredy saint, le cardinal Mazarin s’estant levé pour aller à l’adoration de la croix apres la Reyne, le duc de Beaufort se leva aussy, [p. 23] mais il yt arresté par la Reyne, qui le retint et fit que le Mazarin y allest, et M. de Beaufort n’y fut point.
La maladie du Roy arrestoit toutes choses, en ce que les ministres ne vouloient rien resoudre sans luy, et ainsy que l’on ne pouvoit donner tous les ordres necessaires pour faire avancer les troupes ; les ennemis faisoient leurs assemblées au Quesnoy.
Le Roy est reduit au lait de vache, qu’il a bien digeré pour la premiere fois ; il a un flux epatique, et par l’avis de M. Juif, qui assista hier à une grande consultation, il est malaisé qu’il en rechappe.
[…]
[p. 26] [16 avril 1643] L’après disnée, je fus à Amboille et revins le dimanche au soir. A mon retour, j’appris comme le Roy, se sentant desfaillir, avoit fait sceller des lettres patentes par lesquelles il declaroit la Reyne regente, Monsieur lieutenant general du royaume, M. le Prince chef du conseil, et avoit nommé ceux qu’il desiroit composer le conseil.
Le lundy matin, M. Pichotel me vint dire les nouvelles, qui estoient la declaration pour la regence, que messieurs du parlement estoient mandés à Saint Germain, que M. d’Emery seroit secretaire d’Estat au lieu de M. Le Tellier, à qui l’on donneroit la charge de lieutenant civil, qu’on luy venoit de dire que le Roy estoit mort, que M. le grand maistre estoit arresté prisonnier. Je fus disner chez Mme de Fourcy, où j’appris les mesmes nouvelles, et tout le monde dans Paris croyoit le Roy mort, et l’on ne tesmoignoit pas grande douleur. Le bruit de la mort du Roy avoit couru sur ce que, le matin, il avoit eu une grande foiblesse et on l’avoit cru mort. Pour M. le grand maistre, ayant eu peur que MM. de Vendosme n’entreprissent contre luy, il avoit envoyé, en diligence, un valet de chambre à Paris avertir ses amis et serviteurs de le venir trouver, et de fait il revint accompagné [p. 27] de trente ou quarante gentilshommes. M. Pichotel me dit que l’on avoit nommé MM. d’Aligre et Bignon, conseillers d’Estat, pour faire l’inventaire des biens de M. le cardinal, et que le lendemain de la disgrace de M. de Noyers l’on avoit fait porter à l’epargne quatorze cent mille livres qui estoient chez M. de Mauroy, appartenant à la succession de M. le cardinal, et que M. de Mauroy en avoit donné l’avis.
Le soir, apres souper, M. de Breteuil, conseiller de la cour et commissaire en la premiere chambre des requestes du Palais, nous vint voir et nous dit comme ils avoient reçu au parlement, sur les huit heures, une lettre de cachet qui leur ordonnoit d’envoyer des deputés à Saint Germain sur les deux heures, qu’il avoit esté deputé de sa chambre avec M. de Machault, qu’il y avoit eu contestation dans les Enquestes entre les presidens et les conseillers sur ce que la lettre de cachet ne demandoit que deux conseillers de chaque chambre, neantmoins il y avoit eu beaucoup de presidens parmi les deputés, qui tous ensemble s’estoient rendus à Saint Germain sur les deux heures, et estant descendus dans le chasteau neuf avoient esté conduits dans une chambre proche celle du Roy, où M. le chancelier les estoit venu trouver avec un visage fort gai, tenant la declaration du Roy pour la regence en sa main, et leur ayant dit que le Roy les avoit mandés pour leur dire de bouche sa volonté sur la declaration de la regence, il leur fit voir comme le Roy avoit escrit de sa propre main ces mot : comme estant ma tres expresse et derniere volonté, et signé Louis, par la Reyne, Anne, et par Monsieur, Gaston, et par trois secretaires d’Estat, Phelypeaux, Bouthillier, Guenegaud ; qu’incontinent ils avoient esté introduits dans la chambre du Roy, qui estoit tout etendu sur son lit, dont les rideaux estoient levés des trois costés, la Reyne assise au pied du lit, ayant M. le Dauphin devant elle, Monsieur debout aupres, et M. le Prince à la ruelle ; au chevet du lit, le cardinal Mazarin, et aupres de luy M. le chancelier, le reste de la chambre plein de princes et seigneurs ; et s’estant tous avancés autour du lit, et le Roy ayant demandé si tous ces messieurs estaient là, il leur dit avec une voix forte et facile qu’il les avoit mandés [p. 28] pour leur dire que, Dieu l’ayant affligé de plusieurs et grandes maladies, il avoit resolu de donner ordre au gouvernement de son royaume au cas que ce fust le plaisir de Dieu de disposer de sa vie, qu’il avoit fait une declaration que son frere (regardant Monsieur) leur porteroit demain avec M. le chancelier, qu’il leur commandoit de la verifier et de luy rendre en cela et en tout l’obeissance qu’ils luy devoient ; et puis, ayant cessé, il repris que pour les exilés de leur corps, il leur pardonnoit de bon cœur et trouvoit bon qu’ils le vinssent servir dans le parlement. M. le premier president luy ayant fait un petit compliment, ils s’estoient retirés avec M. le chancelier, et, ayant commencé à concerter de l’ordre des seances, M. le chancelier leur avoit tesmoigné que Monsieur desiroit prendre place entre luy et M. le premier president. A quoy ayant esté repliqué que l’ordre estoit que Monsieur prist la place ordinaire sur le banc des conseillers, conforme à la seance observée pour le duc d’Anjou, frere de Charles IX, estant venu au parlement pour la verification des lettres patentes pour sa lieutenance en 1567, M. le chancelier en demeura d’accord.
[…]
[p. 33] Le jeudy 23, […] je scus d’un parente de madame de Fourcy, qui revenoit de Saint Germain, que le Roy avoit reçu l’extresme onction sur le onze heures, et qu’il s’affoiblissoit et de voix diminuoit [p. 34] extresmement, que c’estoit une consternation estrange dans Saint Germain. […]
Le vendredi 24 avril, […] l’on disoit que le Roy se portoit mieux. Apres souper, vint un homme de la part de M. de Chezieres, frere de M. de Collanges, qui revenoit de Saint Germain, nous dire que le Roy se portoit bien mieux, avoit dormi, estoit sans fievre, avoit changé de lit, s’estoit fait nettoyer les dents et peindre la barbe, et qu’on en esperoit bien.
Le lundy 27 avril au matin, je fus voir M. de Nivion, qui me dit que M. de Montbazon luy venoit de mander que le Roy estoit bien mal.
[…]
[p. 35] Le mardy 28 avril, je fus avec mon père chez M. le chancelier, où j’appris que le Roy estoit tres mal, que M. le surintendant venoit d’entrer et conferoit avec M. le chancelier, qui monta incontinent en carrosse pour aller tenir le conseil, et M. le surintendant pour aller à Saint Germain.
Le jeudy 30 avril, M. des Ouches, gentilhomme chez Monsieur, vint voir mon père, et nous dit que le Roy se portoit bien mieux, que les medecins en avoient bonne opinion, et que Monsieur estoit monté à cheval pour s’en aller rejouir, que le Roy montroit une telle resolution à la mort qu’il ne souhaitoit pas de guerir et qu’il estoit admirable de l’en entendre parler ; que dans ses bonnes heures, il railloit et avoit dit à Monsieur que le jour qu’il reçut l’extresme onction, il avoit pensé eclater de rire, entendant un prestre commencer une antienne d’un mauvais ton, que la Reyne et Monsieur estoient en tres bonne intelligence et le seroient toujours, outre leurs interests communs, y ayant de l’inclination.
Apres je fus voir M. Briçonnet, qui me dit qu’il avoit esté le jour precedent à Saint Germain, que le Roy se portoit un peu mieux, mais avec si peu de changement que l’on n’en pouvoit rien dire : la cour estoit telle que l’on ne pouvoit plus s’y tourner, M. de Bassompierre plus poli que jamais, que l’on vouloit tirer la demission de M. de La meilleraye de sa lieutenance de Roy en Bretagne au profit de M. de Gesvres, et ce sous pretexte qu’il en avoit le gouvernement.
[…]
[p. 37] Le samedy 2 mai, […] arriva un courrier de Saint Germain qui dit que le Roy se portoit mieux et avoit assez bien dormi la nuit.
[…]
[p. 38] Le lundy, M. de Saint Poange nous dit comme M. Le Tellier estoit arrivé et aussytost allé à Saint Germain, mais qu’il n’avoit point de nouvelles qu’il eust encore presté le serment ; il ne doit avoir qu’une commission de six mois. […] Pour la santé du Roy, elle diminuoit en ce qu’il n’y avoit aucun mandement ; mais sa resolution estoit telle qu’il ne souhaitoit avoir assez de santé pour pouvoir, de son vivant, donner la paix à la France. […]
Le mardy matin, […] j’allai avec mon père disner chez M. de Leon. M. d’Emery y vint apres, qui nous dit que le Roy se portoit bien mieux, que M. Bouvard, premier medecin, en esperoit beaucoup et avoit fait renvoyer les autres medecins, esperant qu’il pourroit gouverner la maladie du Roy sans assistance. Il nous dit que M. Le Tellier avoit fait le matin le serment, entre les mains du Roy, de la commission de secretaire d’Estat pour six mois, que le Roy y avoit à peine consenti, disant que, pour exercer la commission, [p. 39] M. Le Roy, premier commis, suffisoit, que M. Le tellier vouloit donner cent mille ecus de la demission de M. de Noyers et qu’il n’en voudroit point pour ce prix.
[…]
Le mercredy 6 mai, au conseil des finances, où estoit M. le Prince. Pendant le conseil, il reçut nouvelles de Saint Germain, en dit seulement un mort à M. le chancelier et au surintendant, ce qui faisoit juger qu’elles n’estoient pas bonnes. Neantmoins, tout le monde disoit que le Roy se portoit bien mieux. […]
Le vendredy 8 mai, conseil des parties. M. le chancelier estoit revenu la veille de Saint Germain. La maladie du Roy estoit en mesme estat.
[…]
[p. 40] Le lundy au soir, 11 mai, M. de Collanges nous dit que le Roy estoit tres mal : les oses luis perçoient la peau et il estoit si foible qu’il ne pouvoit lever la teste ; il le savoit de M. Mercier, qui venoit de Saint Germain avec M. d’Angoulesme.
[…]
Le jeudy 14 mai, feste de l’Ascension, j’allais aux Minimes entretenir mon frere. Au sortir, je trouvai un de MM. de Collanges, appelé Saint Aubin, qui me dit que l’abbé de Fiesque luy venoit de dire que [p. 41] le Roy estoit mort ce matin à huit heures et que la Reyne reviendroit l’apres disnee. Au retout des Minimes, M. de Langlé me dit la mesme chose. Pendant le disner, nous envoyasmes un laquais chez M. de Malbranche, dans le faubourg Saint Honoré, pour avoir une chambre sur la rue pour voir entrer la Reyne. Nous y fusmes incontinent apres le disner. Nous rencontrasmes l’autre de Collanges, appelé Chezieres, qui revenoit de Saint Germain ; il nous dit que le Roy n’estt point mort. Nous ne laissasmes pas de nous placer dans nostre chambre. Nous estions mon frere, ma femme, sa demoiselle et moy. Jamais il ne se vit un si grand concours de peuple et de carrosses pour sortir la porte. Nous passasmes là l’apres disnée, où l’on nous fit la collation. Nous vismes Le Nostre des Tuilleries, que nous fismes monter avec nous. Sur le soir, passa Monsieur. Le comte de Bruslon nous dit que le Roy avoit esté le matin trois heures en foiblesse telle qu’on l’avoit cru mort, mais qu’il n’estoit mort qu’à deux heures et que la Reyne ne viendroit que le lendemain. Apres ce nous revinsmes par le quai du Louvre, qui estoit gardé par six ou sept compagnies du regiment des gardes.
Tout le monde publioit la mort pieuse du Roy, ses sentimens, sa connoissance. Vingt quatre heures avant que de mourir, il avoit conjuré la Reyne et Monsieur de vivre en bonne intelligence pour l’honneur de Dieu, leur interest chacun en particulier, l’interest de son fils, l’interest de toute la France ; il fit sur la mort des remarques admirables. Il est mort le jeudy, jour de l’Ascension de Nostre Seigneur, apres avoir regné trente trois ans entiers, à deux heures pres. Il n’a jamais eu de contentement en sa vie, qui a toujours esté traversée ; il a fait de grandes choses, mais sous la conduite de ses favoris, particulierement sous celle du cardinal qui, pendant vingt ans, ne luy a jamais fait faire les choses que par la contrainte, de sorte que, pendant sa maladie, il disoit que les peines et contraintes que le cardinal avoit faites sur son esprit l’avoient reduit en l’estat où il estoit.
Le vendredy 15 mai, nous allasmes, mon frere, ma femme, mademoiselle Anne Tillier et moy, des neuf heures du matin, dans nostre [p. 42] mesme chambre, qui appartenoit à une Mme Grandjuge, femme d’un lieutenant suisse, et dependoit de la maison de M. de Malbranche. Nous y demeurasmes jusques à cinq heures du soir, que passa la Reyne. Jamais tant de carrosses et tant de peuple ne sortirent de Paris. A onze heures, les seigneurs qui revenoient de Saint Germain commencerent à passer, qui à cheval, qui en carrosse. Jamais l’on ne vit tant de carrosses à six chevaux et chariots de bagage. M. le Prince passa sur les onze heures avec une troupe de vingt cinq chevaux, presque toujours teste nue. Sur le soir, M. de Bruslon passa, qui se vint mettre avec nous et nous dit que toute les troupes s’estoient mises en bataille dans la garenne de Saint Germain, en attendant la Reyne, qui y avoit esté accompagnée de tous les princes et seigneurs à cheval, et puis avoient tous pris les devans, que cela avoit esté fort beau à voir. Sur les trois heures et demie passerent M. de Montbazon, le president Boulanger, prevost des marechaux, et ensuite tous les officiers de la ville à cheval pour aller recevoir le Roy à la porte et luy faire harangue.
Sur les quatre heures commencerent à passer les premieres troupes, scavoir la moitié du regiment des gardes françoises, les officiers estoient à la teste de leurs compagnies, apres moitié du regiment des gardes suisses, à la teste estoit M. de La Chastre, leur colonel, et apres leurs officiers ; marchoient ensuite les mousquetaires à cheval, conduits par M. de Treville, leur lieutenant, apres les chevau legers, conduits par le marechal de Schomberg, leur lieutenant. Venoit ensuite le carrosse des ecuyers de la Reyne, puis marchoient à pied les gardes de la porte, les gardes du corps françois et les cent suisses. Apres estoient le carrosse ; la Reyne estoit sur le devant, avoit le Roy à sa droite et Monsieur à sa gauche. M. le duc d’Orleans, leur oncle, estoit seul à la portiere du costé de Monsieur. Mesdames de [p. 43] Lansac et de Brassac estoient à l’autre portiere. Madame la Princesse estoit au fond. Le carrosse estoit entouré de valets de pied du Roy. Derriere estoient à cheval trois capitaines des gardes, et le duc de Saint Simon qui, comme premier ecuyer, portoit la petite epée du Roy suivoient les gens d’armes et puis le carrosse des filles de la Reyne, apres l’autre moitié du regiment françois, et puis l’autre moitié du regiment des suisses. Apres estoit le carrosse de madame la Princesse, le petite carrosse du feu Roy avec les six chevaux isabelles que je luy avois vu mener, et puis le carrosse des femmes de chambre. C’estoit une tres grande acclamation de Vive le Roy ! lorsqu’il passoit. Il tesmoignoit une tres grande joie de voir tou ce peuple, et il n’en estoit point etonné, quoyqu’il n’eust point esté à Paris. Je ne le vis point, mais seulement Monsieur, qui est le plus beau prince qui se puisse voir. Tout le monde estoit amoureux de voir ces deux princes et ils disputoient ensemble à qui estoit le plus beau. Ils allerent descendre au Louvre et la Reyne manda à messieurs du parlement qu’ils eussent à différer jusques au lendemain à la venir saluer, qu’elle vouloit se reposer.
Pour le feu Roy, chacun disoit qu’il estoit mort comme un saint, et le comte de Bruslon m’a dit qu’apres cette grande foiblesse estant revenu, et M. Bouvard s’estant approché pour luy taster le poul, le Roy luy dit : « Bouvard, tu m’as promis de me dire de temps en temps combien j’ai encore à vivre ». Sur quoy Bouvard luy ayant repondu qu’il n’avoit pas encore une heure, il s’ecria : « Ah : la bonne nouvelle ! », demanda de nouveau pardon à tout le monde, et pria Dieu avec une devotion admirable. Il s’estoit confessé à M. de Lisieux trois jours auparavant et en estoit demeuré si satisfait qu’il disoit n’avoir jamais esté plus content. Le lendemain de sa mort, il fut ouvert en presence du duc de Nemours et du marechal de Vitry, deputés à cet effet, estant de l’ordre que l’ouverture se fist en presence d’un prince et d’un officier de la couronne. Il avoit un abces dans le poumon, [p. 44] un dans le mesentere, un dans le foie et un dans le rein ; il avoit les boyaux percés et dans le creux de l’estomac un sac plein de vers. Les uns disant que ce sont les vers qui les ont percés, les autres que c’est du poison. Neantmoins l’on dit que les medecins ont donné certificat comme il n’y avoit pas de poison. Dans le petit ventre, il y avoit une telle corruption que ceux qui l’ouvroient penserent crever.
On laissa aupres du corps un lieutenant avec vingt cinq gardes ; il fut exposé sur un lit de velours rouge, le corps entre deux draps avec une camisole blanche et son bonnet de nuit, sans aucune ceremonie, ainsy qu’il avoit bien desiré ; huit prestres autour de son lit, une croix et deux chandeliers, sans couronne ni sceptre sur son lit. Il doit estre porté lundy à Saint Denys sans ceremonie. Voilà pour humilier les Roys et leur faire connoistre qu’ils meurent comme les autres hommes.
[…]
M. de Beaufort a grande creance aupres de la Reyne, et s’en fait fort valoir, ce qui donne dejà peine. Il eut querelle à Saint Germain apres la mort du Roy avec M. le Prince. La Reyne l’ayant prié de faire retirer tout le monde de sa chambre, estant fort incommodée, il s’adressa à M. le duc d’Orleans, qui, à l’heure mesme, partit, et puis dit tout haut : « Messieurs, retirez vous ». Et M. le Prince luy ayant [p. 45] dit : « De quoy vous meslez vous ? », il repliqua : « D’obeir à la Reyne, estant resolu absolument d’obeir aux commandemens de la Reyne et de Monsieur ». Survint M. de Vendosme, qui pria le Prince d’excuser la promptitude de son fils et trouver bon qu’il lui en fit des excuses. M. le Prince se retira en sa chambre, où M. de Beaufort le fut trouver, puis retourna en sa chambre, où M. le Prince le fut visiter.
[…]
[p. 353] Le mardy 17 juillet [1646], M. l’evesque d’Agoulesme me dit que M. le prince de Galles estoit à Saint Germain.
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[p. 360] Le mardy [21 août], nous partismes de Paris, mon père et moy, pour aller coucher à Sucy, et le lendemain nous arrivasmes à Fontaineblau à deux heures. J’allai au chasteau aussytost avec mon père, où nous vismes le bal que la Reyne donnoit à la reyne d’Angleterre. La reyne d’Angleterre avoit la droite, et parce que le prince de Galles ne s’assit jamais devant sa mere, le Roy se tint debout.
[…]
[p. 362] Le vendredy 7 septembre, M. le duc d’Orleans et M. le cardinal partirent pour venir à Paris. On disoit que c’estoit pour ne pas abandonner Monsieur qu’il ne fust entierement persuadé ; mais, en effet, c’estoit pour aller voir le prince de Galles à Saint Germain.
[…]
[p. 390] Le vendredy 9 aoust [1647], le Roy et la Reyne arriverent à Paris, ayant disné à Saint Germain en Laye, pour visiter la reyne d’Angleterre. Ils revenoient de Dieppe.
[…]
[p. 449] [19 février 1648] Le Roy et la Reyne estoient allés voir cette journée, à Saint Germain, la reyne d’Angleterre. Les uns disoient que le Roy avoit esté mené à Londres, où le parlement lui faisoit son proces, les autres qu’ils luy avoient coupé le col, et declaré sa race indigne de la couronne d’Angleterre.
[…]
[p. 464] Le jeudy 19 mars, au Palais, j’appris que la Reyne avoit tesmoigné grande satisfaction de la soumission du parlement, qu’il y avoit eu un si grand concours de noblesse au Palais Royal, lorsque messieurs du parlement y estoient allés, qu’ils avoient eu toutes les peines du monde d’entrer dans le cabinet. L’apres disnée, je fus voir M. du Bignon, qui me dit la mesme chose et que, lorsqu’ils porterent l’arresté, l’on avoit attendu le retour de Monsieur, de Saint Germain ; qu’ils ne l’avoient presenté qu’à huit heures du soir ; que la Reyne l’avoit reçus sans respondre mot.
[…]
[p. 556] [26 août] Comminges, lieutenant des gardes de la Royne, alla chez M. de Bruxelles, le trouva sortant de table, le pressa de le suivre avec quelques paroles rudes, et l’emmena en pantouffles et en manteau, et ce parce qu’il craignoit la rumeur ; il l’empescha de prendre aucun livre. Le peuple courut apres le carrosse, qui rompit pres du [p. 557] Palais. Là on le menaça du poignard s’il parloit, en disant que l’on en avoit ordre. Comminges fit descendre une damoiselle qui passoit [p. 558] en carrosse, fit monter M. de Buxelles dedans sa voiture et l’emmena vers le Palais Royal. Le peuple qui suivoit fut arresté par les [p. 559] gardes. Au Palais Royal, ils trouverent un autre carrosse avec lequel ils le menerent à Madrid, où ils le firent chasser, et de là à Saint [p. 560] Germain en Laye, d’où il partit le jeudy, et le ramenerent par la France pour le conduire à Sedan.
[…]
[p. 572] Le dimanche 13 septembre, je fus pour aller à la messe du Roy. J’appris de M. Rose que le Roy estoit parti des six heures du matin avec M. le cardinal pour Ruel, que la Reyne iroit l’apres disnée, que M. de La Meilleraye estoit aussy parti. Chacun commençoit à parler comme d’une fuite de Paris.
[…]
[p. 578] [22 septembre] M. le premier president fut obligé d’aller à Saint Germain des l’apres disnée. M. le president de Longueil fut deputé avec deux conseillers pour aller convier les princes. […]
Le mercredy 23 septembre, je fus au parlement, où M. le premier president fit la relation de ce qui s’estoit passé à Saint Germain. Il dit qu’aussytost qu’ils furent arrivés, on les fit entrer dans le cabinet où estoit la Reyne, M. le duc d’Orleans, M. le Prince, M. le prince de Conty, M. le duc de Longueville et M. le chancelier ; qu’ayant tesmoigné à la Reyne les apprehensions qu’avoit données la sortie du Roy si extraordinaire et sans aucune marque de la majesté royale, que les meubles enlevés de toutes les personnes de la cour donnoient sujet de craindre que l’on ne voulust entreprendre quelque chose, que ces inquietudes estoient une marque de la veritable affection que les habitans de Paris avoient pour leur Roy, que le parlement, [p. 579] en ayant connu la consequence, les avoit deputés pour la supplier de vouloir, par sa presence, dissiper toutes ces apprehensions que les ennemis du repos public alloient augmentant et de faire retirer les troupes que l’on disoit s’approcher de Paris.
Sur ce, la Reyne luy avoit dit que les apprehensions de Paris estoient sans aucun fondement, qu’elle avoit donné aux colonels et capitaines toutes les assurances de son affection pour Paris, que la saison avoyt convié le Roy à sorti, que s’il estoit sorti le matin, c’estoit une marque de son impatience quand il alloit aux champs, qu’elle n’estoit sortie que l’apres disnée, avoit esté tout le matin par la ville fort peu accompagnée, pour marquer sa confiance, qu’elle n’avoit aucun ressentiment du passé et qu’elle retourneroit bientost à Paris.
M. le premier president ajouta que M. le duc d’Orleans leur avoit dit ensuite qu’il avoit esté convié par les deputés du parlement de s’y trouver le lendemain, mais qu’il n’iroit pas, ayant appris que les propositions qui s’y faisoient estoient contre le service du Roy et le bien de l’Estat, qu’il n’abandonneroit point la Reyne, que M. le Prince avoit dit la mesme chose et M. le prince de Conty et M. de Longueville.
[…]
[p. 580] L’apres disnée, tout Paris estoit en alarme : l’on avoit enlevé des la veille le petit Monsieur, dans une chaire, et on l’avoit mené à Rueil. Le jour mesme, le Roy et la cour estoient allés à Saint Germain : l’on [p. 581] disoit que c’estoit pour s’enfuir. Chacun voulut faire provision de pain et de blé, dont il y eut grand bruit aux halles. L’on pilla un demy muid de blé aux jesuites. Force gens voulurent enlever leurs meubles, dont il y en eut de pillés, un au marquis de Laigle, l’autre à Mme de Bretonvilliers, où on luy prit huit mille francs. On a dit depuis que celuy dont elle avoit reçu cet argent en avoit esté la cause.
Le jeudy 24 septembre, le parlement s’estant assemblé, l’on dit que M. de Choisy et le chancelier de Rivière demandoient à entrer de la part de M. le duc d’Orleans et de M. le Prince. On les fit entrer et seoir entre les conseillers vis à vis des presidens. Ils presenterent chacun une lettre de la part de leur maistre, avec protestation de service pour la compagnie. Apres lecture faite des deux lettres, par lesquelles les deux princes demandoient des deputés pour entrer en conference à Saint Germain, les envoyés s’estant retirés, la conference fut acceptée par tous, mais quelques uns vouloient qu’elle se fist dans l’hostel de ville. Neantmoins, il passa à aller à Saint Germain.
[…]
[p. 603] Le mercredy 6 janvier [1649], feste des roys, à sept heures, Mme de Sevigny m’envoya dire que le Roy estoit parti la nuit ; jamais nouvelle ne me surprit tant. J’allai chez M. de Lamoignon, où la mesme nouovelle me fut confirmée, que la porte Saint Honoré estoit gardée, et que le peuple avoit forcé le bagage du Roy de rentrer dans le Palais Royal. Je revins donner ordre pour avoir du pain pendant huir jours. La pluspart de la cour se hastoient de partir, mais la pluspart des portes estoient fermées, et personne ne sortoit. L’on pilloit les chariots qui vouloient sortir. Jamais l’estonnement ne fut plus grand : le parlement s’assembla l’apres disnée et donna arrest que les bourgeois se mettroient en armes pour la seureté de la ville, que l’on ne laisseroit sortir personne. Il enjoignit au prevost des marchands de tenir la [p. 604] main pour faire venir des vivres, avec deffense aux gouverneurs des places de recevoir des garnisons. […]
[p. 606] L’Hostel de ville deputa, sans en parler au parlement, les sieurs Fournier et Helyot, eschevins, et les sieurs Barthelemy d’Oinville et [vide], conseillers de ville, pour aller à Saint Germain. Pour nous, maistre des requestes du quartier de janvier, nous envoyasmes Engrand, nostre huissier, pour recevoir les ordres de M. le chancelier et l’assurer que nous les executerions.
Cependant les portes estoient gardès tres exactement, en sorte que le bagage du Roy, ayant voulu sortir fut repoussé dans le Palais Royal. L’estonnement estoit grand, chacun doutant à quoy se resoudre. J’oubliois qu’au parlement l’on avoit arresté d’establir la chambre de police et, à cet effet, mandé aux compagnies d’y deputer pour le lendemain apres disner.
[p. 607] Le vendredy 8 janvier, ayant esté deputé des maistres des requestes, MM. Pinon, Chomel, Tillier et moy, pour assister au parlement, je m’y trouvai de tres bonne heure et remarquai grande consternation. M. le premier president et M. Le Coigneur s’entretenant avec chaleur, le premier president luy disant qu’il avoit esté surpris à la nouvelle de la sortie du Roy, et que sa proposition avoit fait prendre ce party, et qu’il ne scavoit que penser de tout cecy. […]
Apres, ayant esté annoncé que les gens du Roy estoient de retour de Saint Germain, ils furent mandés. M. Talon, suivi de M. le procureur general et de M. Bignon, dit que, suivant les ordres de la compagnie, ils s’estoient mis sur le chemin de Saint Germain, et, passant par la rue Saint Honoré, avoient rencontré une populace assemblée, armée et furieuse, sans ordre ni commandement, et avoient avec peine sorti la porte au peril de leurs personnes ; qu’ayant passé le pont du Pec, estant au haut de la montagne, ils avoient esté arrestés de la part de la Reyne par un gentilhomme qui leur avoit dit qu’elle l’avoit envoyé vers eux pour scavoir s’ils venoient comme particuliers ayant executé les volontés du Roy, que s’ils venoient de la part du [p. 608] parlement parti pour Montargis, ils estoient les bienvenus, mais que s’ils venoient de la part du parlement seant à Paris, ils n’avoient qu’à retourner et que la Reyne leur deffendoit de passer outre.
Sur quoy luy ayant demandé son nom pour scavoir qui leur portoit ce commandement, apres quelques refus, il leur avoit dit enfant qu’il s’appeloit Sanguin, maistre de l’hostel ordinaire du Roy. Apres quoy, luy ayant dit qu’ils ne recevoient de parole de la Reyne que par la bouche de M. le chancelier, qu’ainsy ils ne pouvoient deferer à son commandement ; qu’ils auroient bien souhaité parler à la Reyne, mais qu’au moins ils demandoient à parler à M. le chancelier ; qu’ils avoient enfin obtenu qu’il iroit en faire instance de leur part, mais à condition de ne partir de leur place, où ils avoient attendu un bon quart d’heure ; que ce mesme gentilhomme estoit revenu leur dire que M. le chancelier ne pouvoit parler à eux s’ils ne venoient de la part du parlement obeissant et parti pour Montargis, et qu’ils eussent à s’en retourner sans passer plus avant ; qu’ils luy avoient encore demandé de pouvoir entrer dans le bourg pour y passer la nuit, n’estant pas heure de retourner, estant neuf heures ; qu’il estoit retourné une seconde fois et leur estoit revenu dire qu’ils pouvoient entrer dans le bourg.
Ce qu’ayant fait, ils estoient descendus à la Conciergerie, où M. de Longueil les avoit bien reçus ; que là ils avoient vu M. de Guenegaud, secretaire d’Estat, M. son frere et M. Tubeuf ; qu’ayant fait instance pour parler à M. le chancelier, et la Reyne l’ayant enfin trouvé bon, ils avoient esté introduits dans son cabinet, où luy ayant voulu parler, il avoit d’abord pris la parole, pour leur dire qu’il ne pouvoit les entendre venant de la part du parlement seant à Paris et desobeissant ; que la Reyne estoit fort offensée du mespris qu’ils avoient fait de ses ordres ; qu’ils avoient refusé d’entendre le sieur de Lisle et de recevoir son paquet ; que la reyne vouloit qu’ils y obeissent, et il mit le paquet es mains de M. le procureur general [p. 609] pour le porter à la compagnie (et au mesme temps, M. le procureur general le mit sur le bureau) ; que M. le chancelier leur avoit ensuite tesmoigné que la Reyne n’avoit pu souffrir toutes ces assemblées et qu’au prejudice de sa parole le parlement eust recommencé apres la Saint Martin ; qu’elle vouloit estre obeie. Sur quoy, estant retirés, ils estoient partis la nuit pour estre à l’entrée de l’assemblée de Messieurs ; qu’il pouvoit dire qu’il avoit reconnu une tres grandes consternation sur tous les visages des estranges desseins que l’on avoit pris contre le parlement, s’il n’obeissoit ; que, pour cela, les troupes avançoient de tous costés, commandées par M. le duc d’Orleans et M. le Prince ; qu’il pouvoit assurer qu’à l’heure qu’il parloit Paris estoit bloqué et tous les passages des vivres fermés.
[…]
[p. 614] [9 janvier 1649] M. Fournier dit ensuite qu’ayant esté deputé de l’Hostel de ville, il estoit allé à Saint Germain avec un eschevin et deux conseillers de ville et, ayant esté introduits en suite des deputés de la chambre des Comptes et de la cour des Aydes, ils s’estoient jetés aux pieds du Roy et de la Reyne, et qu’il leur avoit dit que la bonne ville de Paris les avoit deputés pour venir tesmoigner son desplaisir d’avoir perdu la presence de son Roy et de voir tous les preparatifs pour estre assiegée, que cette ville, qui avoit tousjours esté obeissante et fidele, et qui conservoit par son exemple les autres villes du royaume, ne pouvoit s’imaginer pourquoy elle tomboit dans l’indignation de son Roy dans un temps qu’elle ne respiroit que son service, et de voir ses mains armées pour la destruction d’une si belle ville ; qu’ils le supplioient de ne pas vouloir ruiner et perdre une ville que le roy son grand père Henry le Grand avoit ornée et augmentée, qu’ils esperoient que la Reyne, qui, ayant eu l’honneur de donner à la France son Roy et Monsieur son frere, pouvoit estre appelée la mere de l’Estat, ne deschireroit pas ses propres entrailles et ne ruineroit pas le royaume de son fils, qu’elle auroit compassion du miserable estat de la ville, des hospitaux et des communautés de religieuses, qui sont dans une consternation epouvantable, et enfin auroit pitié de son paure peuple, et que ne pouvant mieux exprimer la douleur de Paris que par ses larmes, sa parole luy avoit manqué.
Le sieur Fournier ajouta que la Reyne avoit respondu qu’elle aimoit la bonne ville de Paris, mais qu’elle vouloit estre obeie par le parlement, que c’estoit luy seul qui resistoit à ses volontés, et que, le [p. 616] parlement sortant par une porte, elle rentreroit par l’autre avec toute sorte d’abondance ; qu’ils s’estoient jetés aux pieds de tous les princes pour les prier d’interceder pour eux, mais qu’ils n’avoient pu rien obtenir, et enfin avoient esté obligés de se retirer. […]
[p. 617] L’apres disnée, j’appris que les deputés de la chambre des Comptes et de la cour des Aydes avoient esté bien reçus, à condition qu’ils ne parleroient point du parlement. M. Amelot ayant harangué, et la Reyne luy ayant dit que le parlement estoit dans la desobeissance, il luy repliqua : « C’est luy neantmoins, Madame, qui a conservé la couronne à la maison de Bourbon et qui vous a declaré regente ». La Reyne luy repartit : « Vous dites cela sans ordre de votre compagnie ; elle vous desavouera pour une seconde fois. Vous estes un fat, et, si ce n’estoit la consideration de ceux qui sont avec vous, je vous ferois mettre en prison ». M. le Prince ajouta : « Madame, vous luy faites tort : il faut l’envoyer aux Petites Maisons, c’est un fol ». Pour la chambre des Comptes, la Reyne leur offrit des logemens dans Saint Germain. Ils respondirent qu’ils estoient obligés de retourner à Paris rendre compte à leur compagnie. Je vis M. d’Angoulesme, qui tesmoignoit vouloir estre arbitre et mediateur entre le Roy et le parlement. M. d’Avaux se retira à Saint Germain dans un carrosse des deputés, habillé en maistre des comptes.
[…]
Le mercredy 13 janvier, M. le president Perrot proposa d’assister la reyne d’Angleterre de quelque argent, estant en grande extremité. Chacun l’approuva. Cependant l’affaire mise en deliberation, quelques uns dirent qu’il falloit n’estre pas si facile à donner de l’argent dans la necessité presente. Il fut arresté d’envoyer sans faire eclat le greffier de la cour mettre es mains de son tresorier vingt mille livres [p. 629] pour un mois, et faire excuse sir la compagnie n’avoit pu faire davantage.
[…]
[p. 631] [14 janvier] L’on dit de Saint Germain que la consternation y est tres grande. L’on s’y retranche les vivres, qui sont plus chers qu’à Paris, toute la cour faisant remonstrance à la Reyne de l’estat auquel elle reduit la France par son opiniastreté. L’on dit que M. le duc d’Orleans est observé, et que M. le Prince seul veut soustenir cette affaire et qu’il est furieux, que hors les Allemandes, toutes les troupes promettent de ne se point deffendre contre les Parisiens, que M. de Vitry est arrivé, que l’on a arresté à Saint Germain Bussy Lamet et, en contre [p. 632] echange que M. le prince de Conty a fait arrester l’evesque de Dol, resolu de luy faire pareil traitement que l’on fera à Saint Germain.
[…]
[p. 639] Le vendredy 22 janvier, nous deliberasmes au Palais sur les rapports à nous faits par Herbin que M. le chancelier, le lendemain des Roys, à Saint Germain, luy avoit donné charge de nous avertir d’aller à Saint Germain quand nous pourrions, qu’il en avoit dit autant à M. de Leon, qui avoit dit que, quand M. le chancelier luy escriroit, il demanderoit un passeport. Les uns estoient d’avis de ne rien dire, les autres, dont j’estois, de demander passeport au parlement pour nostre descharge, scachant bien qu’il nous seroit refusé. L’on voulut se lever sans rien conclure ; ceux de mon avis dirent qu’ils vouloient que les avis fussent escrits et les noms, afin de les faire voir [p. 640] un jour à la cour. Cela fit bruit. Enfin chacun revint à nostre avis. Je scus que M. d’Angoulesme, sortant de la ville avec passeport, avoit esté refusé, les gens de M. de Guenegaud, tresorier de l’Espargne, ayant esté reconnus parmy les siens.
[…]
[p. 643] [26 janvier] M. d’Angoulesme partit pour Saint Germain et alla par Corbeil.
[…]
[p. 646] Le dimanche 31 janvier, […] je scus que M. d’Angoulesme avoit esté obligé de passer par Corbeil et n’arrivoit que ce soir à Saint Germain.
[…]
[p. 652] Le samedy 6 fevrier, ayant scu que M. l’archevesque de Toulouse estoit revenu de Saint Germain et avoit attendu cinq heures à la porte pour rentrer, je fus chez luy et vis M. de Montchal, qui me dit comme M. de Toulouse, passant à Saint Cloud, y avoit saluté M. me Prince et M. le cardinal, lequel luy ayant dit : « Eh bien ! Monsieur, nous apportez vous la paix ? » Il luy avoit respondu : « Monsieur, elle est en vos mains, puisque si vous vous vouliez retirer, elle seroit bientost faite ». A quoy M. le cardinal avoit respondu que, s’il ne tenoit qu’à cela pour conserver l’autorité du Roy et donner la paix, il se retireroit tres volontiers ; qu’à Saint Germain il avoit entretenu la Reyne, qui avoit escouté favorablement tout ce qu’il luy avoit dit, avoit beaucoup pleuré et tesmoigné toutes les bonnes dispositions pour un accommodement, et dit que pourvu qu’elle pust conserver l’autorité du Roy son fils, elle aimeroit mieux la douceur que la violence ; qu’il avoit aussy entretenu M. le Prince, qu’il avoit trouvé fort raisonnable, et que, dans tout Saint Germain, la paix estoit souhaitée.
[…]
[p. 670] [18 février] Les gens du Roy entrerent ensuite et M. Talon dit que, suivant les ordres de la compagnie, ils avoient vendredy dernier rendu response au herault, avoient escrit en mesme temps à M. le chancelier pour avoir audience de la Reyne, et à M. Le Tellier pour avoir leur passeport, leur route et l’escorte, et que le sieur Petit, qui accompagnoit le herault, s’estoit chargé de les rendre ; que le dimanche ils avoient escrit une seconde fois par un courrier, ce qui c’estoit trouvé necessaire parce que le sieur Petit n’avoit pas rendu leurs lettres, ainsy qu’ils n’avoient eu leur passeport que le mary au soir ; qu’ils estoient sortis de la ville le mercredy à sept heures du matin, avoient trouvé un trompette du Roy hors la porte, et au couvent des minimes de Nigeon une brigade des gens d’armes de la Reyne commandée par le marechal des logis, et qu’à la dernier porte du bois de Boulogne M. le marechal de Grammont les avoit abordés, s’estoit mis dans leur carrosse, les avoit fait descendre chez luy à Saint Cloud, où s’estant rechauffés un moment, sa compagnie des gardes les avoit conduits à Ruel, où ils avoient trouvé la compagnie des chevaux legers du Roy, qui les avoit escortés jusqu’à Saint Germain. Ils estoient descendus suivant leur ordre chez M. Le Tellier, estoient [p. 671] allés chez M. le chancelier le prier de demander audience pour eux à la Reyne, qui les avoit remis apres disner ; que la Reyne ayant esté à vespres et au sermon, ils n’avoient esté admis à l’audience que sur les sept heures, avoient esté conduits dans le chasteau et avoient passé par la chambre du Roy, qui soupoit, que ses officiers s’estoient mis en haye pour empescher que le Roy ne les vist et qu’ils ne fussent obligés à le saluer ; qu’ils estoient entrés dans la chambre où estoit la Reyne avec son conseil, que l’ayant saluée ils luy avoient dit que vendredy dernier le parlement, estant assemblé à son ordinaire, avoit esté averti qu’il y avoit un herault à la porte Saint Honoré qui demandoit à entrer dans la ville et à parler au parlement, que cette nouveauté l’avoit extresmement surpris, neantmoins que revenu de cet estonnement et ayant fait reflexion sur eux mesmes et consideré que les heraults ne s’envoient qu’aux souverains ou à ceux qui le croient estre (à Dieu en plaise, Madame, qu’ils aient jamais eu cette pensée), et au contraire qu’ils n’avoient autre autorité que celle du Roy et autres sentimens que ceux de ses tres humbles et tres fideles sujets, le parlement avoit cru ne pouvoir entendre ce herault, mais par un sentiment de respect et de soumission et en mesme temps les avoit envoyés devant Sa Majsté pour la supplier de ne les vouloir par traiter autrement que comme ses tres humbles sujets, ainsy qu’ayant refusé le herault ils se presentoient devant elle sans autre armes que leur habit de magistrature et venoient comme ce grand prestre dont il est question dans l’Ecriture qui, pour flechir l’ire de Dieu, ne se servit d’autres armes que de la soumission dessus ses levres et de la confiance dans le cœur ; que de cette manière, ils esperoient flechir la colere de Sa Majesté et reclamer sa bonté pour une compagnie qui n’avoit autres sentimens que de respect et de soumission et n’avoit autre realité qte de ses tres humbles et tres fideles sujets.
[p. 672] Sur quoy, la Reyne ayant dit à M. le chancelier de respondre, il leur avoit dit que la Reyne estoit tres satisfaite des paroles de soumission et de respect du parlement, mais qu’elle souhaitait en voir des effets ; qu’elle avoit tousjours eu bonté pour la compagnie et qu’elle les pouvoit assurer qu’elle ne vouloit de mal à aucun de la compagnie, et qu’elle donnoit seureté entiere toute entiere pour les personnes, pour les biens et pour les charges de qui que ce soit, tant en general qu’en particulier. Ensuite M. le duc d’Orleans et M. le Prince avoient donné les mesmes assurances, et la Reyne leur avoit enjoint de luy faire scavoir la response du parlement.
[…]
[p. 678] [20 février] Les nouvelles estoient publiques qu’à Saint Germain M. le Prince et M. le duc d’Orleans estoient brouillés sur le passeport des gens du Roy, le dernier voulant la paix.
[…]
[p. 680] [22 février] L’on parla d’un rôle de taxes faites à Saint Germain sur presque tous les bourgeois et officiers de Paris à cause de leurs terres à la campagne. L’imprimé estant donné à lire, on lut d’abord un arrest du conseil d’en haut par lequel le Roy, pour la subsistance de son armée, ordonnoit que les maisons de campagne appartenant aux bourgeois de Paris seroient taxées, au payement desquelles taxes les receveurs et fermiers des terres seroient contraints par vente des meubles estant esdites maisons, materiaux d’icelles et coupe des bois de haute futaie. A la suite de cet arrest estoit un role des maisons taxées, dont les deniers seroient reçus par Longuet. le premier article estoit de la terre de Champlastreux et du Plessis appartenant au sieur Molé, cy devant premier president du parlement transferé à Montargis, taxé à 8000 livres ; M. Nicolaï, à cause de Goussainville, taxé de mesme ; M. de Montmort taxé 4000 livres ; les presidens de la cour ensuite taxés à 6000 livres ; les maistres des requestes taxés à 3 et 4000 ; les conseillers à 2000. On les appeloit cy devant conseillers, ils estoient tous nommés sans ordre ; tous les frondeurs y estoient, et beaucoup d’autres. Il y avoit plus de deux cents articles, dont la somme totale se montoit à plus de 500000 livres. Je n’y suis point nommé à cause d’Amboille. Ledit rôle, arresté au conseil d’en haut, estoit signé Guenegaud. […]
[p. 681] Il fut donné arrest de deffences et, en cas que l’on passast outre, l’on useroit de represailles sur les maisons des gens de la cour à Paris. M. le premier president voulant empescher cette deliberation dit que cet imprimé n’avoit esté signifié à personne, et ainsy n’estoit point public. Il demanda qui l’avoit donné ; M. de Blancmesnil dit que c’estoit luy, et que l’on le luy avoit envoyé de Saint Germain. Le premier president repeta : « de Saint Germain, Monsieur ? », le voulant taxer de correspondance. De quoy Blancmesnil s’offensa, et dit qu’il n’avoit point de correspondance à Saint Germain. Le premier president repliqua qu’il ne l’avoit point pensé. […]
L’on arresta encore de deputer vers la reyne d’Angleterre pour se condouloir de la mort du roy d’Angleterre.
[…]
[p. 690] Le samedy 27 février, je fus au Palais pour entendre devant le feu la relation de la deputation du premier president. L’on dit que Brie estoit pris et que Bourgogne, gouverneur, s’estoit retiré dans le chasteau, que nostre convoy avoit bien reussi et que l’on estoit allé querir du blé jusques à sept lieues de Paris dans la France, qu’il en estoit arrivé beaucoup.
Le parlement estant assemblé, où estoient le prince de Conty, MM. d’Elbeuf, de Beaufort, de Luynes, de Brissac, de la Mothe et le coadjuteur, les gens du Roy sont entrés ; M. le premier president dit que, suivant les ordres de la compagnie, estant parti avec MM. les deputés, il avoit trouvé l’escorte dans le Cours de la Reyne, et qu’au [p. 691] dessus de Chaillot ils avoient trouvé M. le marechal de Grammont à la teste de deux escadrons de cavalerie ; il s’estoit mis dans leur carrosse jusques dans Saint Cloud, où ils avoient trouvé une seconde escorte, qui les avoit conduits à Ruel, où ils avoient couché et où M. de Grammont estoit venu les visiter ; que le jeudy, ayant reçu l’ordre pour avoir l’audience à deux heures, ils s’estoient rendus à Saint Germain dans la conciergerie, où M. de Longueil les avoit reçus et traités tres bien, selon son affection et l’honneur qu’il porte à la compagnie. Là ils avoient esté visités des marechaux de Schomberg, de Villeroy et de toutes les personnes de condition, sur le visage desquels ils n’avoient rien remarqué d’ennemis ; que le secretaire d’Estat [de Guenegaud] les estant venus querir pour l’audience, ils avoient passé par plusieurs chambres pleines de monde et avoient esté introduits dans le cabinet, où estoyent la reyne, M. le duc d’Orleans, M. le Prince et autres du conseil (pour ne pas nommer le cardinal, qui y estoit), qu’il avoit dit à la Reyne que le respect qui estoit dû aux roys estoit tellement imprimé dans le cœur du peuple françois, que la marque de l’autorité souveraine estoit imprimée si avant dans l’ame de tous ses officiers qu’ils aimeroient mieux, les uns et les autres, se reconnoistre coupables que de manquer au devoir et à l’obeissance qu’ils luy devoient et luy donner juste sujet de plainte, aussy que ni les uns ni les autres n’avoient pas cru s’en departir lorsqu’ils avoient pris les resolutions auxquelles la necessité de leur propre conservation les avoit obligés, la deffense estant tousjours tres legitime et tres innocente lorsque l’on ne songe qu’à conserver sa vie, et que si dans les resolutions qu’il avoit fallu prendre il avoit esté fait quelque chose au prejudice de l’autorité royale, le prince, par un sage conseil, [p. 692] approuvoit tout ce qui avoit esté fait, connoissant et l’innocence et la sincerité dans les intentions, et ressembloit à ce sage pilote lorsque dans la tempeste il se fait quelque chose ou sans ses ordres ou contre ses ordres mesmes, que l’on a baissé les voiles, pris en main le gouvernail et mesme jeté une partie des marchandises les plus precieuses, tant s’en faut qu’il le trouve mauvais, qu’au contraire il en scait gré et l’approuve, scachant que chascun n’a agi que pour sa propre conservation et tascher de garantir le vaisseau du naufrage, et apres l’orage passé chascun reprend sa fonction et execute les ordres qui luy sont prescrits ; qu’avec cette pensée, il estoit deputé de la part du parlement pour assurer Sa Majesté que si pendant cette tempeste ils avoient fait baisser ou lever les voiles sans ordres, et s’ils avoient mis la main sur le gouvernail, ils estoient prests à retourner à leurs fonctions sytost que Sa Majesté auroit fait cesser cette tempeste, qui estoit capable de faire perir ce grand vaisseau, dans lequel sa fortune estoit enfermée aussy bien que celle de ses sujets, que si cette mesme necessité leur avoit fait recevoir un envoyé de l’archiduc, lire ses lettres et entendre sa creance, ç’avoit esté avec ce respect et cette soumission d’apporter à Sa Majsté la lettre et la creance pour en ordonner ce qu’elle jugeroit utile pour le bien du royaume, pouvant assurer Sa Majesté que le parlement, en cette rencontre, n’a point eu d’autres sentimens que de ses tres humbles et tres obeissans serviteurs et sujets.
A quoy la Reyne avoit respondu de sa bouche, M. le chancelier n’y estant point à cause de son indisposition, qu’elle avoit tousjours eu bonne volonté pour la ville de Paris et leur compagnie, mais [p. 693] qu’elle estoit obligée de conserver l’autorité du Roy son fils et qu’elle feroit tout son possible pour la maintenir, et qu’elle feroit scavoir son intention par escrit.
Eux s’estant retirés et ayant jugé qu’il ne falloit pas se separer en cet estat, ils avoient fait demander à la Reyne si elle trouveroit bon qu’ils eussent l’honneur de parler à M. le duc d’Orleans et à M. le Prince. La Reyne l’ayant permis, ils avoient eu conference avec M. le duc d’Orleans et avec M. le Prince trois heures entieres, où il s’estoit dit tout ce qui se pouvoit de part et d’autre ; que le lendemain ils avoient conferé encore pendant deux heures, et avoient obtenu parole que, pourvu que le parlement voulust deputer pour la conference où les deputés pourroient resoudre ce qu’ils estimeroient à propos, la Reyne accorderoit aussytost un passage pour amener suffisamment de blés pour la subsistance de Paris ; qu’avec cette assurance ils s’estoient separés et que l’on leur avoit donné un papier contenant la responce de la Reyne avec les originaux de deux lettres du comte Pigneranda, du 12 fevrier, par lesquelles il se plaignoit que l’on n’avoit donné au sieur Friquet que des paroles generales, et ce pour monstrer que le dire de l’envoyé de l’archiduc estoit faux par lequel il assuroit que le cardinal Mazarin offroit toutes choses pour avoir la paix. Ayant pris ces deux papiers, ils estoient retournés avec la mesme escorte. M. le premier president ajouta qu’il pouvoit assurer la compagnie qu’il avoit trouvé tous les esprits tres disposés à l’accommodement.
[…]
[p. 700] Le mercredy 3 mars, apres le disner, je scus de M. d’Eaubonne que les gens du Roy estoient venus le matin de Saint Germain et avoient apporté les passeports pour la conference, qui devoit commencer à Ruel le lendemain jeudy à onze heures, que les ordres estoient donnés pour l’ouverture du passage de Corbeil pour cent muids de blé et plus par jour à raison de 12 ivres 10 sous le setier, dont toute la compagnie avoit tesmoigné grande satisfaction.
[…]
[p. 705] Le vendredy 12 mars, Mme de Fourcy nous envoya dire que la paix estoit faite. Cette nouvelle nous fut confirmée de tous costés.
[…]
[p. 711] Le dimanche 14 mars, je scus que le parlement estoit assemblé et que les deputés n’estoient point partis. Je fus le soir chez M. de Petit-Marets qui me dit que M. le premier president, au lieu de recevoir des passeports, avoit reçu une lettre de cachet adressée au parlement sur laquelle il l’avoit assemblée, que par cette lettre le Roy disoit avoir executé le traité de son costé et desiroit que le parlement l’executast du sien, et que les generaux ne pouvoient avoir d’interest particulier sans faire connoistre que le bien public ne leur a servi que de pretexte. […]
A partir de ce soir, du costé de Saint Germain, l’on referma les passages des vivres qui avoient esté ouverts des le vendredy apres disnée.
[…]
[p. 721] Le mardy 16 mars, […] l’apres disnée, les deputés partirent pour aller à Saint Germain.
[…]
[p. 722] Le vendredy 19 mars, la surseance d’armes fut continuée. […] Le matin, je fus chez M. Amelot, qui avoit reçu une lettre de M. le chancelier par laquelle nous etions mandés à Saint Germain.
[…]
[p. 723] Le dimanche 21 mars, je fus à Saint Germain à cheval avec MM. Bernard Rezé et l’abbé du Tremblay. En passant par la porte Saint Honoré, l’officier qui commandoit me dit avoir reçu ordre de M. de Beaufort d’arrester un chariot chargé de hardes accompagné de quatre gardes de M. de Bouillon. Arrivant à Saint Germain, je trouvai les esprits fort estonnés de la declaration des generaux faite le samedy et apportée par le comte de Maure, et de la nouvelle arrivée de l’approche de l’archiduc, qui estoit au Pont à Vere et venoit à La Ferté Million, et, outre ce, de ce que les deputés de Rouen ne venoient point. L’on disoit que le Roy s’en alloit. Je vis M. d’Avaux et M. Le Roy, qui me dirent qu’il se faisoit une negociation secrete avec les generaux. Je vis encore M. le chancelier, M. Haligre, M. de La Meilleraye, et les deputés du parlement, qui retournerent à Ruel et remirent la conference au lendemain, les deputés de Rouen devant arriver, et en effet ils passerent par Saint Germain et allerent coucher à Ruel, ce qui remit les esprits. L’approche de l’archiduc [p. 724] surprenoit de voir qu’il avançast sans estre assuré d’une place et qu’il voulust passer deux rivieres parce que, l’affaire de Paris s’accommodant, son armée estoit ruynée devant que de se pouvoir retirer, d’autant que le colonel d’Erlac s’avançoit avec dix mille hommes de l’armée de M. de Turenne, et en cinq jours de marche devoit estre derriere l’archiduc et luy empescher la retraite, cependant que le mareschal du Plessis l’arrestoit en teste.
Le lundy 22 mars, le bruit augmentoit que le Roy s’en alloit et partiroit la nuit, ce qui m’obligea à revenir pendant que la treve continuoit et qu’il estoit incertain si elle seroit renouvelée. Je vis M. Le Roy, qui me dit que tout iroit bien nonobstant le bruit commun. Je vis aussy les deputés de Paris et de Rouen ensemble, qui s’en alloient à la conference chez M. le chancelier, où estoient pour le Roy MM. le chancelier, les mareschaux de La Meilleraye et de Villeroy, MM. d’Avaux, de La Vrilliere, de Brienne et Le Tellier. Je vis ce matin, devant que partir, M. Le Tellier. Arrivé à Paris, j’appris que l’archiduc avoit offert à M. le prince de Conty de ne pas passer outre, si la Reyne vouloit envoyer des plenipotentiaires pour la paix, de quoy M. le prince de Conty avoit donné avis au parlement, et l’un et l’autre à leurs deputés. La Reyne avoit accepté cette proposition.
[…]
[p. 728] Le jeudy 1er avril, je fus au Palais, qui estoit bien gardé. M. de Lamoignon me dit que tout iroit bien. […] [p. 733] Ainsy finit cette guerre, apres avoir duré douze semaines, contre la pensée de la cour qui ne l’avoit entreprise que dans la pensée qu’elle ne dureroit que huitaine.
[…]
[p. 736] Le mardy 6 avril, les deputés du parlement furent à Saint Germain avec ceux de la chambre des Comptes, qui furent regalés magnifiquement.
Le mercredy 7 avril, la Ville y fut aussy avec les colonels, et puis les corps des marchands, l’université, le grand conseil.
[…]
Le samedy 10 avril, je fus à Saint Germain avec MM. de Lamoignon, Boucherat, Brillac et le marquis de Crenan, lieutenant des chevaux legers de M. le prince de Conty. Là j’appris la disgrace de M. de Roquelaure, renvoyé chez luy pour avoir tesmoigné que, s’il n’eust esté attaché à la cour par sa charge, il eust suivi le parti des princes. L’on me raconta le detail de l’affaire de M. de La Meilleraye, que jeudy, chacun disant qu’il sortoit des finances, Mme d’Aiguillon luy en avoit parlé pour l’y disposer, que le lendemain ses amis l’estant venus voir, et M. de Saint Chamond luy en ayant fait compliment plus ouvert, il avoit dit qu’il n’en avoit point ouy parler, et qu’il attendroit que le Roy luy donnast l’ordre. M. le cardinal le vint voir ensuite, fut deux heures avec luy, et luy protesta qu’il feroittout ce qu’il voudroit, qu’il garderoit sa charge, s’il vouloit, qu’il estoit le maistre ; que M. de La Meilleraye, pour monstrer qu’il vouloit garder sa charge, avoit tenu l’apres disnée direction. Je scus que l’on destinoit pour sa charge ou M. d’Avaux ou M. Servien, ou le president de Maisons. D’autres disoient que l’on n’y mettroit sytost personne, et que les directeurs continueroient. L’on me dit que M. Servien devoit arriver, qu’on luy avoit envoyé trois courriers. La cour paroissoit tres embarrassée. M. le marechal de Grammont demandoit permission d’aller en Bearn ; M. le prince de Conty devoit venir lundy à Saint Germain, et M. le Prince aller mardy voir M. de Longueville [p. 737] à Bouconvilliers, sur le chemin de Rouen. M. le Prince, changeant de methode, caressoit extraordinairement tous les generaux de Paris.
[…]
[t. 2, p. 344] [16 avril 1665] L’entrée du Roy est remise de lundy prochain en huit jours. Il partira [lundy] pour Saint Germain avec toute la cour, et reviendra pour aller au parlement.
[…]
[p. 348] [28 avril] Le mal de la Reyne mere augmente fort. Elle a esté en basteau à Saint Cloud, où elle eut une nuit mauvaise ; le lendemain, en basteau, à Saint Germain, où l’on dit qu’elle est encore plus mal, et l’on craint qu’elle ne dure pas longtemps. Chacun regarde cette perte avec douleur parce que, quoyque la Reyne mere n’ayt pas de credit pour faire plaisir, elle empesche du mal et retient l’union dans la maison royale. J’y perdrai en mon particulier beaucoup par la bonté qu’elle m’a tesmoignée, ayant fait tout ce qu’elle a pu pour m’obliger.
Le mercredy 29 avril, le Roy vint de Saint Germain pour faire verifier au parlement la declaration contre les jansenistes. […] [p. 352] Après, le Roy se leva et parla longtemps à M. le chancelier, et, après, à M. le premier president assez longtemps, et, saluant toute la compagnie civilement en passant, il sortit et alla disner à Versailles, où sa maistresse se devoit rendre de Saint Germain.
[…]
[p. 355] [2 mai] Les divertissemens du Roy continuent, il chasse tous les jours avec sa maistresse. Le mal de la Reyne mere augmente, quoiqu’elle paroisse habillée et fort propre. Toute la suite de la cour s’ennuye fort à Saint Germain, car chacun ne parle que misere. La Reyne est grosse.
[…]
[p. 360] [12 mai] J’appris encore que M. le president de Novion, avec M. le president Tubeuf, s’estant presentés à Saint Germain pour remercier le Roy de l’employ donné à M. Tubeuf le maistre des requestes, ayant trouvé que le Roy venoit d’entrer dans son conseil, un valet de chambre estant entré pour presenter au Roy un mouchoit, il luy dit à l’oreille que M. le president de Novion estoit là. Le Roy, levant la parole, dit : « Voilà qui est plaisant ! M. le president de Novion me fait dire qu’il m’attend. Oh ! qu’il m’attende et ne s’impatiente pas. » Le valet de chambre ayant dit au Roy que c’estoit M. Tubeuf qui luy avoit dit de parler, le Roy reprit encore : « Soit : M. le president Tubeuf ou M. le president de Nivion, cela est esgal, qu’ils m’attendent. » M. Colbert ne parla pas, mais, à la fin du conseil, s’estant approché pour dire au Roy que M. le president de Novion souhaitoit le saluer, il luy dit : « Eh bien ! il me verra chez la Reyne ma mere, ou me parlera en passant ; c’est assez pour luy. »
[…]
[p. 363] Le dimanche 31 mai, M. Boucherat me dit qu’il avoit esté le jour precedent à Saint Germain, où tous Messieurs du conseil avoient esté mandés ; qu’ils trouverent que la Reyne mere estoit fort mal et la cour en larmes ; neantmoins qu’à onze heures ils avoient esté chez le Roy, qui leur avoit dit que, depuis qu’il avoit pris le soin des affaires de son Estat, il avoit commencé par la reformation des finances, et qu’il croyoit y avoit reussi ; qu’il vouloit à present travailler à la reformation [p. 364] de la justice, et comme il connoissoit tous ceux qui estoient dans son conseil pour fort habiles et qui avoient esté dans tous les employs, il les avoit mandés pour leur dire qu’il souhaitoit que chacun d’eux en particulier fist des memoires sur les choses qu’il croiroit estre à reformer, et que, dans trois semaines, ils eussent à tous revenir et d’apporter chacun en particulier ces memoires, afin qu’il examinast et vist ce qui seroit à faire ; qu’aussytost il s’estoit retiré et paroissoit fort touché de l’extremité de la Reyne mere ; que M. le chancelier estoit present et M. Colbert, et qu’ils n’avoient rien dit, et que chacun apres le disner estoit revenu à Paris.
[…]
[p. 367] [6 juin] La Reyne continue à se mieux porter. M. de Mirepoix m’a dit ce matin samedy que, sytost qu’elle pourroit estre transportée, la cour reviendroit. Elle ira au Val de Grace et le Roy au Bois de Vincennes.
[…]
[p. 369] Le dimanche 21 juin, MM. du conseil allerent à Saint Germain porter leurs memoires pour la reformation de la justice. Le Roy les [p. 370] reçut sans leur parler. L’on dit qu’ils doivent estre mis dans huit jours es mains de M. le chancelier.
[…]
[p. 385] Le mardy 11 aoust, toute la cour est revenue de Saint Germain. La Reyne mere a esté transportée au Val de Grace, s’estant trouvée assez forte pour souffrir le transport.
[…]
[p. 441] Le mercredy 27 janvier [1666], je fus avec MM. Boucherat, de Fourcy, de Bermond, de Paris et de Boissy, et avec les autres députés du parlement, à Saint Germain, pour faire les complimens au Roy sur la mort de la Reyne mere. Le carrosse de M. de Montmort le conseiller versa à la montagne. Arrivés à Saint Germain, messieurs du parlement furent dans la chambre qui leur estoit preparée. M. Boucherat et moy montasmes en haut chez le Roy, que nous saluasmes lorsqu’il passoit de sa petite chambre pour entrer dans sa grande chambre et donner ses audiences. Nous estions assez proches de sa chaire, derriere MM. Turenne, de Villeroy, du Lude, Rose, qui s’ouvroient pour nous faire voir. M. le premier président fit fort bien son compliment, le premier president de la chambre des Comptes aussy ; le premier president de la cour des Aydes hesita et se troubla, et apres le president des monnoyes. Les procureurs et avocats generaux font, apres chaque cour, leurs compliments separés. Les complimens finis, M. de Turenne dit au Roy que M. Boucherat estoit là et qu’il estoit des amis de M. le premier president, et le Roy respondit : « Et d’Ormesson, qui est aussy de ses bons amis ».
[p. 442] Je fus apres à la messe du Roy, où estoient la Reyne, M. le Dauphin, Monsieur, et Mlle de La Vallière, que la Reyne a prise aupres d’elle par complaisance pour le Roy. En quoy elle est fort sage. Cette demoiselle ne me parut point belle : elle a les yeux fort beaux et le teint, mais elle est descharnée, les joues cousues, la bouche et les dents laides, le bout du nez gros et le visage fort long. En verité, je fus surpris de la trouver si peu belle. Apres la messe, la Reyne reçut les memes complimens des compagnies

Le Fèvre d’Ormesson, Olivier

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, donnant des nouvelles de la cour à Saint-Germain-en-Laye

« Paris, le 9 février 1673
[…]
[p. 483] Il y eut lundi au soir un bal magnifique à Saint Germain ; tout y était en grande parure. Le Roi n’y dansa pas, il laisse maintenant ce plaisir à monsieur le Dauphin. Les dames n’y parurent pas, ce qui fait conjecturer que madame de Montespan pourrait être enceinte ; néanmoins, on dit par la Cour que le Roi regarde fort mademoiselle de Théobon, fille de la Reine. Elle a été jolie, elle est maintenant fort massive et même on croit que Sa Majesté s’en servit il y a trois ans à Chambord. »

Récit du baptême de Louis XIV dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye

« Les ceremonies du baptesme de monseigneur le Dauphin, à present Louys XIV, à Sainct Germain en Laye le 21 avril 1643
Le feu roy Louis XIII ayant fait ondoyer monseigneur le Dauphin son fils des le jour de sa naissance par monsieur Dominique Seguier, evesque de Meaux et son premier aumosnier, comme a esté remarqué cy dessus à la page 214 de ce livre, Sa Majesté avoit toujours differé la ceremonie du baptesme de ce sien fils aisné jusques au vingt unieme du mois d’avril mil six cens quarante trois, auquel estant indisposée, Elle voulut que l’on baptisast ce prince, et pour ce sujet choisit monsieur le cardinal Jules Mazarin pour parain et madame Charlote Marguerite de Montmorency, femme de feu monseigneur le prince de Condé, pour maraine de Son Altesse royale. Ainsi plusieurs de nos roys ont choisi des ecclesiastiques pour estre les parains de leurs fils aisnez, entre autres saint Louys fit le choix d’Odon ou Eude III, abbé de Saint Denys, pour estre le parain de son fils aisné Louys de France.
Ce fut sur les quatre ou cinq heures du soir du mesme jour que se fit [p. 246] cette royale et saincte ceremonie dans la belle chapelle du vieil chasteau de Sainct Germain en Laye, en cet ordre :
Monseigneur le Dauphin vestu, par dessus son habit ordinaire, d’une robbe de taffetas d’argent, marchoit devant la Reyne et la marquise douairiere de Lansac, sa gouvernante, derriere Son Altesse royale. Apres la Reyne suivoient la susnommée Charlote Marguerite de Montmorency, princesse de Condé, madame Anne de Montafié, comtesse de Soissons, madame Anne de Bourbon, duchesse de Longueville, et les autres princesses et dames de la cour.
La Reyne et monseigneur le Dauphin estans arrivez en cette royale chapelle, dont le chœur et la nef, le jubé et les galeries et tribunes estans remplis de plusieurs seigneurs et dames qui estoient venues pour voir cette auguste ceremonie, la musique du Roy chanta un motet ravissant, pendant lequel, la Reyne s’estant mise de genoux sur son prié Dieu garny de son drap de pied et carreaux de veloux rouge cramoisy à franges d’or, et monseigneur le Dauphin aussi à genoux aupres de Sa Majesté et à sa droite, la princesse de Condé se tenant aussi à genoux à sa gauche, le susnommé evesque de Meaux, vestu de ses habits et ornemens pontificaux, accompagné de quatre aumosniers de Sadite Majesté, en presence de ces six prelats, tous en rochet et camail, monsieur l’evesque et comte de Beauvais, pair de France et premier aumosnier de la Reyne, de la maison de Potier, monsieur l’evesque de Viviers, de l’illustre maison des comtes de Suze ou de la Baume en Dauphiné, monsieur l’evesque de Riés de la maison de Doni assez conneue à Florence et à Avignon, monsieur l’evesque de Sainct Paul de l’illustre maison d’Ademar de Monteil et comtes de Grignan en Provence, monsieur l’evesque de Coutances de la maison de Matignon, et de monsieur l’evesque du Puy de la maison de Maupas ou des barons du Tour en Champagne, et de plusieurs abbez et de tout le clergé de la chapelle du Roy, sortit de la sacristie et, apres avoir adoré le tres sainct sacrement qui estoit exposé sur l’autel orné de tres riches paremens, il s’approcha du prié Dieu de la Reyne, laquelle luy presenta monseigneur le Dauphin, qui fut ensuite eslevé par la marquise de Lansac sur l’appuy ou acoudoir dudit prié Dieu. Puis le cardinal Mazarin, qui avoit accompagné la Reyne depuis son departement jusques à cette chapelle, passa à la main droite de monseigneur le Dauphin et la princesse de Condé de l’autre costé, selon l’ordre observé en l’Eglise entre les parains et maraines, de laquelle dignité il a plu au Roy de les honorer, Sa Majesté leur ayant temoigné de sa propre bouche que c’estoit pour obligé encore plus estroitement le prince de Condé et Son Eminence à son service et à celuy de monseigneur le Dauphin son fils qu’Elle leur faisoit cet honneur, qui est le plus grand qu’eux ny autres pouvoient jamais recevoir.
Alors la Reyne, tenant par derriere mondit seigneur le Dauphin, qui parut beau comme un ange et fit voit en toute cette saincte action une modestie et retenue extraordinaire à ceux de son age, l’evesque [p. 247] de Meaux, qui l’avoit ondoyé comme a esté rapporté cy dessus, ayant salué Sa Majesté la mitre en teste, demanda ausdits parain et maraine le nom que l’on vouloit donner à ce prince. La princesse de Condé, ayant fait grand compliment à Son Eminence, puis une reverence à la Reyne, le nomma Louys, suivant l’intention de Sa Majesté. En suite de quoy l’evesque continua l’office selon le rituel romain, suivant lequel il exorciza, benit le sel et en mit dans la bouche de ce prince, dix neufieme dauphin de Viennois, Louys de France, quatrieme du nom, qui le receut fort pieusement, et avec une humilité qui ravit toute l’assistance en admiration. Puis, la Reyne luy ayant, ainsi qu’il se pratique en telles ceremonies, decouvert la poitrine et les epaules, l’evesque officiant luy appliqua les sainctes huiles des catechumenes, et à toutes les fois que ce prelat luy dit : Ludovice abrenuncias Sathanae, pompis et operibus ejus ?, il repondit luy mesme autant de fois : Abrenuncio, comme aussi aux trois interrogations qu’il luy fit sur sa creance, selon les termes du mesme rituel, il repondit hardiment autant de fois : Credo. Alors l’evesque luy declara qu’il estoit introduit dans l’Eglise, et tant les parain et maraine que ce prelat et tous les assistans reciterent avec Son Altesse royale à haute voix le symbole des apostres et l’oraison dominicale. Puis l’evesque, obmettant l’infusion de l’eau (qui avoit esté faite à ce prince des le jour de sa naissance le dimanche cinquieme de septembre mil six cens trente huit et qui ne se reitere jamais), la Reyne luy decouvrant la teste, l’evesque luy en oignit le sommet avec le sainct cresme. Ce fait, il luy mit sur la teste le cresmeau, recitant aussi les mots du rituel sur ce sujet, et luy presenta le cierge allumé, que Son Altesse prit elle mesme à deux mains et le tint seule durant le reste de la ceremonie. A la fin de laquelle l’evesque officiant monta à l’autel et donna la benediction solennelle, que toute l’assistance receut à genoux, et la musique du Roy chnta encore ensuite le Regina caeli etc. Puis chacun s’en retourna, merveilleusement satisfait d’avoir assisté à cette saincte et auguste ceremonie, laquelle fut fermée par un remerciement que ce prince vint faire jusque dans la sacristie à l’evesque qui l’avoit baptisé.
Ce dix neufieme dauphin Louys de France, quatrieme du nom, par cette action donna des indices de sa future bonté et pieté, et des asseurances que quand Son Altesse royale seroit plus avancée en age, elle suivroit les vertus de tant de roys et de princes ses ancestres, desquels le nom et la mémoire est en benediction pour leur affection, leur respect et leur sainct zele vers l’Eglise, unique espouse du fils unique de Dieu. La premiere action royale que Son Altesse royale fit des le jeudy Sainct le onzieme de ce mesme mois d’avril en la ceremonie de la Cene, lavant les pieds aux pauvres, ne put estre que de bon augure, estant pareillement de pieté, et un presage qu’il imiteroit le Roy son père, qui avoit fait autrefois une pareille action. »

Acte de baptême dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye de Louis-François de France, duc d’Anjou

« Le mardy 1er jour de novembre 1672, furent supplées les ceremonies du saint sacrement de baptesme à Louys François, troisiesme fils de France, duc d’Anjou, fils de tres haut et puissant monarque Louys de Bourbon, roy de France et de Navarre, et de tres devote et religieuse reyne Marie Therese d’Austriche, son espouse, le parrein tres hault et puissant prince Louys de Bourbon, prince de Conty, la marreine madame la mareschalle de La Motte, gouvernante des Enfants de France, lesd. ceremonies supplées par Son Eminence monseigneur le cardinal de Bouillon, gran aumosnier de France, M. le curé present et revestu de son estolle par dessus le surplis, les saintes huilles par luy presentées pour lesd. ceremonies faictes en la chapelle du chasteau vieil de Saint Germain en Laye. »

Acte de mariage du prince et de la princesse de Conti dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye

« Ce jourd’huy seizieme janvier mil six cens quatre vingts, a esté fait et solemnisé en face de Sainte Eglise en la chapelle du chasteau vieil de ce lieu par eminentissime monseigneur Emmanuel Theodoze de La Tour d’Auvergne, cardinal de Bouillon, grand aumonier de France, le mariage de tres hault et puissant prince Arman Louis de Bourbon, prince de Conty, prince du sang, pair de France, filz aisné de deffunts tres hault et puissant prince Arman de Bourbon, prince de Conty, prince du sang, pair de France, gouverneur lieutenant general pour Sa Majsté en la province de Languedoc, et de tres haulte et puissante princesse Anne Marie Martinozzy, son espouse, d’une part, et tres haulte et puissante princesse madmoiselle Marie Anne de Bourbon, fille naturelle et legitimée du Roy, d’autre part, apres la publication des deux premiers bans et dispence du troizieme de monseigneur l’archevesque en datte du treizieme janvier du mesme mois au prosne de la grande messe parroissiale de cedict lieu et des eglises parroissiales de Saint André des Arts et de Saint Eustache à Paris ainsi qu’il apert par les certificats des sieurs curés desdictz parroisses aussi en datte du neufvieme et quinzieme du present, qui sont demeurez entre nos mains, et les fiançailles faictes audict chasteau en l’appartement de Sa Majesté le jour de hier par mondit seigneur cardinal, ledict mariage fait en presence et sous le bon plaisir de Sa Majesté, de tres haulte, tres puissante et tres excellente princesse Marie Thereze, par la grace de Dieu reyne de France et de Navarre et epouze de Sad. Majesté, de tres hault, tres puissant et tres excellent prince monseigneur Louis, dauphin de France, de tres hault et tres puissant prince monseigneur Philippe de France, frere unique de Sadicte Majesté, duc d’Orleans, de tres haulte et tres puissante princesse madame Elizabeth Charlotte, epouse de Son Altesse royale, de tres hault et puissant prince Louis, duc de Bourbon, premier prince du sang, premier pair et grand maistre de France, duc d’Anguien, Chasteauroux et Monmorency, oncle et tuteur honnoraire, ledict mariage fait du consentement de monseigneur François de Chamvalon, archevesque de Paris, duc et pair de France, commandeur des ordres du Roy, et en presence de moy curé soubsigné revestu de mon surpelis et estole, lesquels ont signé à la reserve de monseigneur le Dauphin, de Monsieur, frere unique du Roy, de madame Elizabeth Charlotte son epouse, lesquels n’ont signé, leur rang ayant esté remply par inadvertence ; approuvé par le Roy.
Louis
Marie Terese
Louis de Bourbon
Louis Armand de Bourbon
Marie Anne de Bourbon, l. de France
Cagnyé
[…]
Ce jourd’huy seizieme janvier mil six cens quatre vingts, sur les onze heures du roi, au chasteau neuf de ce lieu, a esté faicte la benediction du lict de tres hault et puissant prince Arman Louis de Bourbon, prince de Conty, prince du sang, pair de France, filz aisné de deffunts tres hault et puissant prince Arman de Bourbon, prince de Conty, prince du sang, pair de France, gouverneur lieutenant general pour Sa Majesté en la province du Languedoc, et tres haulte et puissante princesse Anne Marie Martinozzy, son espouse, et tres haulte et puissante princesse madmoiselle Marie Anne de Bourbon, fille naturelle et legitimée du Roy, en l’appartement que Sad. Majesté avoit fait preparer pour cest effect, par eminentissime monseigneur Emmanuel Theodoze de La Tour d’Auvergne, cardinal de Bouillon, grand aumosnier de France, en presence de tres hault, tres puissant et tres excellent prince Louis quatorzieme, par la grace de Dieu roy de France et de Navarre, et tres haulte, tres puissante et tres excellente princesse Marie Thereze, par la grace de Dieu reyne de France et de Navarre et epouse de Sad. Majesté, et de tres hault, tres puissant et tres excellent prince monseigneur Louis, dauphin de France, de tres hault, tres puissant prince monseigneur Philippe de France, frere unique de Sad. Majesté, duc d’Orleans, et de tres haulte, tres puissante princesse madame Elizabeth Charlotte, epouse de Son Altesse royale, et de moy curé subsigné revestu de mon surplis et estole.
Louis
Cagnyé »

Lettre de Carlo Vigarani à la duchesse de Modène concernant la réception du grand-duc de Toscane et le petit appartement du roi à Saint-Germain-en-Laye

« Serenissima Altezza,
Dal letto, ove m’ha confinato alucni giorni sono l’excessiva occupatione havuta per le feste fattesi all’arrivo e dimora qui del Serenissimo Gran Principe di Toscana, subito ricevuti i pregiatissimi commandi de L. A. V. Serenissima, ho’ avisato il signore Pouch, acio con la sua destrezza, e in conformita d’essi commandi, dia qualche lume dell’intentione che hanno cuca il partito le persone, che pensano a la compra de le rendite dell’A. V. Serenissima, siche col prossimo ordinario spero potergliene render conto.
Con l’ultima mia avisai l’arrivo a la corte del Serenissimo Gran Principe, e come S. M. lo havesse ricevuto a la prima visita, come per sorpresa, cise ch’essendo S. M. ne la sua camera con il solo duca di Saint Agnan, ora primo gentilhuoma, e con tre o quattr’altri servitori all’entrar di S. A. mostra d’esser sorpreso, e lasciato il capello su la tavola s’avanzo alcuni passi a riceverlo. E di la lo condusse egli stesse da la Regina. Qualche giorno dopo, il Re havendolo contotto a Versaglia ivi lo regalo di musiche, balli, comedie, collationi, giardini illuminati, e fuochi d’artifizio ; tornando il Re a San Germano, e S. A a Parigi ove sta alloggiato in casa del suo residente benche sia sevito da tutti gli ufficiali, carozze e staffieri del Signore duca di Guisa, il che m’haveva da prima fatto credere che fosse anche allogiato in sua casa.
A San Germano dopoi sele e fatta redere una comedia galante framezzata con balletti, e musciha, e con qualche scena : cosa pero di poca importanza, dopo la quale ogni volta sene ritorna a dormir a Parigi, anzi a cena, essendo ben presso a meza notte quando fnisse l’opera, non essendovi stato convito alcuno per anche, ecredo non vene sara. Tutta la casa di Conde e ritirata credo per la discrepannza de titoli e delle precedenze. Li duchi e Pari non l’honna visitato perche non le ha voluto dar la mano. […]
Ha S. M. fatto fare qui due cabinetti nel suo appartamento tutti ricoperti per tutto di specchi incastrati in cornici di legno indorate e sopradipinte, opera richissima del signore Brun, pittore eccelente : sopra gli spechi son dipinti bellissimi comparti d’ornamenti, che fanno un ammirabil vaghezza, ma la pittura e dietro al cristallo tra esso e l’argento vivo ; maniere e studi nuovi a quale vado applicando con la speranza di ripatriare un giorno per godere l’istessa fortuna del Principe nella sua gloriosa servitu alla serenissima casa, e sotto i clementissimi auspizy de L. A. V. Serenissima, a la quale profadamente inchinandom, mi dedico, de L. A. V. Serenissima,
Umilissimo, devotissimo et obligatissimo servitore.
C. Vigarani
Di S. Germano, li 30 Augusto 1669 »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant une comédie donnée à Saint-Germain-en-Laye

« A Paris, le 28 août 1669
Il y eut dimanche dernier une comédie et ballet à Saint Germain. Quoiqu’on n’y conviât personne, la Reine dit qu’elle voulait que l’ambassadrice et sa fille y allassent. Ma femme, étant au lit croyant de s’être blessée, y envoya sa fille et, croyant qu’il [p. 331] y eût bal, elle l’avait parée et mis ses pierreries. Comme la foule y fut très grande, cette enfant a perdu une boîte de diamants et un poinçon de la valeur d’onze ou douze cents pistoles. La Reine lui voulut parler elle-même et donna des ordres aussi bien que le Roi pour que l’on les cherchât, envoya des officiers des gardes dans la salle parler au concierge et au tapissier, qu’ils menacèrent de peines très rigoureuses. Le lendemain, la boîte se trouva dans la retrousse de la robe d’une des demoiselles de mademoiselle de Montpensier ; on la remit à M. le marquis de Saint Damien, qui était là. Pour le poinçon, qui ne vaut pas deux cents pistoles, il est perdu.
Le Roi, l’ayant su, a envoyé aujourd’hui visiter la marquise de Saint Maurice par M. de Bonneuil sur son infirmité. Après avoir fait son compliment, il a demandé l’Angélique, lui a dit que Sa Majesté ayant appris que son poinçon était égaré, que comme il s’en était trouvé un, qu’il le lui envoyait, et lui en a remis un très beau et de [p. 332] grande valeur. On me l’est venu dire dans ma chambre ; je suis passé dans celle de ma femme, j’ai fait mon possible pour le faire reprendre à M. de Bonneuil, lui représentant que je ne méprisais pas les bienfaits du Roi mais que j’étais dans un emploi à ne pouvoir pas les accepter ; il n’a jamais voulu le reprendre, quoique je l’aie prié de le faire et de le garder jusqu’à ce que j’eusse écrit à Votre Altesse royale pour avoir ses ordres sur ce que j’aurais à faire. Il a dit que le Roi ne prétendait pas de me rien donner, mais qu’il ne voulait pas que ma fille perdît rien chez lui et que l’on ne devait rien trouver de suspect en cette action, qu’il était vrai que l’Angélique était belle mais que son âge pouvait bien faire juger que ce n’était que par un motif d’une simple amitié. Je lui ai répondu que je souhaiterais qu’elle fût belle et en âge de pouvoir servir au plaisir du Roi, que je la lui donnerais avec grande joie.
Jamais homme n’a été embarrassé comme je le suis. Tout le monde me dit que, nonobstant mon caractère, je ne puis pas empêcher le Roi de faire des présents à ma fille. Cependant, Monseigneur, je sais que je fais faute et que Votre Altesse [p. 333] royale doit blâmer ma conduite en acceptant ce poinçon. Je la supplie de m’en envoyer son sentiment avec sa bonté ordinaire, car si je ne peux pas rendre ce poinçon, je frai un présent de sa valeur à madame de Bonneuil. Il est d’un seul diamant très grand ; il a bien quelques petits défauts mais, comme je ne m’y connais pas, je ne sais pas l’estimer et j’ai cru qu’il n’était pas honnête d’avoir empressement d’en savoir le prix. »

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