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Louis XIV
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Lettre de Colbert à Louis XIV concernant les travaux menés à Versailles et à Saint-Germain-en-Laye

« Paris, 27 juin 1673
Il me semble que je ne dois point interrompre Vostre Majesté ni derober un seul moment de la grande et prodigieuse application qu’elle donne à sa glorieuse entreprise. Il suffit qu’Elle scache que tous les ordres qu’Elle a donnés sur ses finances s’executent avec toute l’application que je dois.
Que j’avance toujours quelque chose dans le dessein de rendre Vostre Majesté quitte dans la fin de cette année.
Que tout est icy paisible, et que chacun ne pense qu’à prieur Dieu pour la conservation de Vostre Majesté et pour l’heureux succes de ses desseins.
Les ouvrages de Saint Germain et de Versailles s’avancent toujours tout autant qu’il est possible.
Par tous les avis que je reçois des places où l’on travaille, il me semble que les ordres de Vostre Majesté sont bien et diligemment executés.
Je continue à envoyer à Vostre Majesté les ordonnances cy jointes, afin qu’Elle ayt agreable de les signer.
Je dois dire à Vostre Majesté que j’ay porté à monsieur le premier president la recommandation qu’Elle m’a ordonné pour madame de Bregis, et qu’elle est venue me dire depuis huit jours qu’elle ne trouvoit aucune facilité aupres du sieur premier president pour parvenir à sa separation. »

Colbert, Jean-Baptiste

Lettre de Colbert à Louis XIV concernant les travaux menés à Versailles et à Saint-Germain-en-Laye

« Le Labyrinthe, les appartemens de marbre, la pompe, les appartemens de Saint Germain s’avancent également. J’espere que le tout sera achevé dans la fin de juillet ou au 15 aoust au plus tard. J’y apporterai toute la diligence qu’il sera possible. »

Colbert, Jean-Baptiste

Lettre de Colbert à Louis XIV concernant les travaux menés à Versailles et à Saint-Germain-en-Laye

« Paris, 5 may 1670
Je fus hier à Versailles et à Saint Germain. Les charpentiers commencerent du matin leur comble de Trianon. J’espère que, dans quinze jours, la couverture en sera achevée, et en mesme temps qu’une piece sera couverte, l’on en fera le plafond et le lambris de stuc.
Le jardin s’avance fort. On fournit à Le Bouteux tout ce qui luy est necessaire.
Pour Versailles, la corniche de la face sur le parterre est entierement posée. L’on continue avec grande diligence, et l’on commence à tailler le bois pour le comble. Je fais encore augmenter le nombre des ouvriers pour les pavillons de la grande avant-cour.
Les couvertures des deux ailes et pavillons joints au petit chasteau sont presque achevées, et les stucateurs travailleront au dedans la semaine où nous entrons.
Nous avons trouvé que l’elevation de quatre pouces des dessins portés par des figures de l’allée d’eau reussira fort bien, et mesme l’eloignement de quatre pieds des figures du bassin du Dragon. Mais il estoit bien necessaire de vider l’eau du rond, d’autant que toutes ces figures se sont trouvées crevées par la grande gelée qu’il a fait. Je les fais raccommoder, et je prendray les precautions necessaires à l’avenir pour empescher que cela arrive davantage.
Pour Saint Germain, je fais reblanchir la chambre de Vostre Majesté, et restablir la menuiserie et serrurerie de ses appartemens.
L’on continue le grand parterre. Les deux grands carrés seront plantés dans la fin de ce mois, et Vostre Majesté trouvera, à son retour, plus de 700 toises de la grande terrasse achevées.
Je supplie Vostre Majesté de me faire scavoir si Elle desire que je fasse payer les ordonnances de voyage qui sont expediées icy, en attendant que je puisse les envoyer à Vostre Majesté pour les signer.
Elle agreera aussy de signer les ordonnances cy jointes.
Les affaires de finances sont en l’estat que Vostre Majesté les a mises et les scait, en sorte qu’il n’est pas necessaire de luy en rien dire.
Mademoiselle de Blois a eu la petite verole volante. Ma femme a fait venir le sieur Brayer, qui en a pris soin. Grace à Dieu, elle en est à present presque quitte.
M. le comte de Vermandois est fort enrhumé, ce qui luy a causé un peu d’emotion. Vostre Majesté peut estre assurée que ma femme en prend tout le soin qu’elle doit.
J’avois envoyé au parlement de Rouen le reglement general des manufactures pour le registrer purement et simplement par les soins de M. Pellot, mais ce parlement en a fait difficulté. Je supplie Vostre Majesté de me faire scavoir si Elle agreera que j’envoye ses ordres à M. de Beuvron, de les y porter pour les faire enregistrer par l’autorité de Vostre Majesté.
Ce 6, au matin
Mademoiselle de Blois se porte fort bien, et sera purgée demain matin.
Le prince n’a plus d’emotion, et son rhume est fort diminué. »

Colbert, Jean-Baptiste

Lettre de Colbert à Louis XIV concernant les travaux menés à Versailles et à Saint-Germain-en-Laye

« Sceaux, 28 septembre 1673
Je fis hier, Sire, faire une experience des pompes de Versailles.
Je puis assurer Vostre Majesté que les deux dernieres pompes en chapelets du sieur Francine portent 72 pouces d’eau dans le reservoir haut, et par consequent que les quatre en porteront 144 pouces.
Le reservoir d’en haut estoit entierement plein. Je fis marcher continuellement ces deux pompes et deux autres des quatre basses dudit Francines et de Denis, et cela pour faire l’experience sur la moitié des pompes seulement. D’autant qu’il y aura huit pompes nouvelles qui seront dans le reservoir haut et que je n’en fis aller que quatre, avec l’une des deux de la grande pompe.
Je fis ouvrir les huit jets, scavoir cinq du parterre, le Triton, la cour et la terrasse, à une heure precise du matin. Ils jeterent jusqu’à cinq heures et demie du soir que le reservoir se trouva vide. En sorte que je crois que Vostre Majesté peut faire estat que lorsque les dix pompes porteront toutes dans le reservoir haut, ces huit jets pourront aller douze heures sans difficulté. Mais il y a deux choses à observer : l’une que les dix pompes rempliront le reservoir haut en six heures de temps, et l’autre que la grotte, le Dragon et l’orangerie tirent de ce mesme resevoir.
Je fais travailler nuit et jour aux deux autres pompes en chapelets, et j’espere qu’elles seront en place dans quinze jours.
L’on couvre tout à Trianon, et Le Bouteux promet que Vostre Majesté sera satisfaite sur les fleurs.
Le Labyrinthe, le Marais, la Ceres, les groupes du Theatre et de la cour et les six pieces du grand appartement de Vostre Majesté seront entierement achevés dans le mesme temps.
Il n’y a plus que les doreurs dans l’appartement de madame de Montespan à Saint Germain. Le tout sera achevé dans huit jours.
J’ay fait payer 500 000 livres à compte des 1 200 000 que Vostre Majesté a demandées sur le mois de decembre, outre les 200 000 qui estoient desja payées. J’espere avancer de quatre ou cinq jours le temps que Vostre Majesté m’a donné jusqu’au dix.
J’expederay ce que Vostre Majesté ordonne sur le sujet du parc de Folembray et de la terre d’Aubigni. »

Colbert, Jean-Baptiste

Lettre de Guy Patin concernant la fuite du roi à Saint-Germain-en-Laye

« Le jour de l’an s’est passé ici comme les autres jours ; mais la Reine etant en colere contre le parlement, qui continuoit toujours ses assemblées, sans vouloir verifier aucune declaration, afin qu’elle put recouvrer finances pour continuer la guerre, et pour l’entretien de sa maison ; au contraire, apprenant qu’en ces assemblées le parlement meme avoit menacé de donner arret contre la chambre des Comptes, si elle verifioit la declaration qu’elle leur avoit envoyée, en faveur de quelques partisans. Enfin, elle s’est resolue à la rigueur et à la voie de fair. Le mercredi, jour des Rois, sixieme de janvier, à deux heures du matin, elle est sortie de son palais cardinal avec le Roi, M. le duc d’Anjou, et le cardinal Mazarin, et s’en est allée à Saint Germain en Laye. M. le duc d’Orleans et M. le Prince y sont allés aussi. Et ensuite de ces maitres, quantité d’officiers. Des que cela a eté su, le prevot des marchands et les echevins ont ordonné que l’on gradat les portes de la ville et qu’on ne laissat rien sortir. Cela en a retenu plusieurs qui pensoient d’ici se sauver, et meme quelques chariots pleins de bagages ont eté pillés en divers endroits par quelque populace mutinée, qui ne demande que de l’argent. M. le duc d’Orleans avoit toujours refusé de consentir à cette retraite, mais enfin il s’est laissé aller aux prieres de la Reine, laquelle est deliberée et pretend de se venger du parlement et du peuple de Paris, duquel elle pretend avoir été bravée aux barricades dernieres du mois d’aout passé. Et comme le cardinal Mazarin est fort hai, et dans Paris et au parlement, elle veut à toute force, et en depit de tous ceux qui en parlent, le conserver pour ses affaires et le maintenir en credit. On [p. 426] garde ici les portes. Le parlement a envoyé MM. les gens du Roi à Saint Germain. Il y a quantité de troupes ici alentour, avec lesquelles je pense que la Reine veut affamer Paris, ou obliger toute cette grande ville de lui demander pardon. »

Lettre de Guy Patin concernant la paix après le siège de Paris par le roi établi à Saint-Germain-en-Laye

« Il est ici mort [p. 500] un intendant des finances, nommé M. Charon, à la place duquel on a mis un Lyonnois, mais natif de Bale, nommé M. Hervart. Son affaire cependant n’est pas encore tout à fait conclue : la Reine y resiste et dit que sa conscience y repugne à cause de sa religion. On dit que le Mazarin le voudroit installer en cette charge pour le recompenser du grand service qu’il lui rendit durant notre guerre, en ce qu’il fit trouver et fournir presque sur le champ la somme de huit cent mille livres qui furent employées à debaucher la plupart des Allemands de l’armée de M. le marechal de Turenne qui venoit pour nous contre le Mazarin, lequel et tous les autres qui etoient à Saint Germain eurent si peur dudit marechal et de son armée que cela les fit penser tout de bon à traiter de la paix avec nous, et c’est ce qui engendra la conference de Rueil. Joint que d’autres tres puissantes causes les y obligeaient : 1° qu’ils n’avoient plus d’argent à Saint Germain et qu’ils ne savoient où en prendre à l’avenir, 2° ils voyoient l’Espagnol sur la frontiere, qui étoit tout pret d’entrer et de venir jusqu’ici.
Le 23e de novembre, à huit heures du soir, Mme de Beauvais, premiere femme de chambre de la Reine, fut disgraciée, et reçut commandement de se retirer de la Cour et de s’en aller en sa maison des champs. Cette disgrace est tant plus remarquable à la Cour que cette dame étoit une de celles qui y avoit le plus grand credit, laquelle couchoit dans la chambre de la Reine, et qui étoit la plus grande confidente de sa maitresse, et du Mazarin aussi. »

Patin, Guy

Lettre de Guy Patin concernant la paix après le siège de Paris par le roi établi à Saint-Germain-en-Laye

« Sur les propositions d’un second envoyé de l’archiduc Leopold, la cour, avant que d’en deliberer, a arreté d’en donner avis à la Reine, et a envoyé à Saint Germain expres pour obtenir passeport, afin d’y pouvoir aller en sureté, et a eté arreté que les deputés qui iroient à Saint Germain ne seroient plus MM. les gens du Roi, mais qu’ils seroient pris du corps de la cour, savoir M. le premier president, avec un president à mortier, deux conseillers de la grand’chambre, un deputé de chaque chambre des cinq des enquetes, et deux des requetes, c’est à dire onze en tout. La Reine, ou au moins son conseil, a fait difficulté d’envoyer et d’accorder ce passeport, disant qu’elle vouloit savoir quels seroient ces deputés. Mais tout cela n’etoit que pour gagner du temps, en attendant reponse de deux deputés qu’elle a envoyés à l’archiduc Leopold, où on croit qu’elle ni eux ne gagneront rien, vu que ledit archiduc Leopold s’est fort declaré pour nous et pour le parlement, par cet envoyé, et particulierement contre le cardinal Mazarin, joint qu’il a pres de soi une dame pleine de persuasion, qui est madame de Chevreuse, laquelle ce Mazarin a fait exiler hors de France, il y a plus de quatre ans, et qu’elle hait fortement sur toutes les choses du monde, et neanmoins lesdits deputés sont partis de cette ville, le mercredi 24 de fevrier, avec les assurances requises, et sont allés coucher à Saint Germain en Laye, pour y voir la Reine. Utinam feliciter ambulent, et que les remontrances serieuses que M. le premier [p. 428] president va faire à la Reine puissent lui disposer l’esprit à faire la paix et à ne rien porter à l’extremité, vu que tout est pardu, si elle en vient là, par le mauvais conseil des mechants politiques partisans, banqueroutiers et interessés, du nombre infini desquels elle est assiegée. Si la guerre s’echauffe davantage, nous en aurons tant plus de mal ; mais aussi les affaires s’irritant, il y aura beaucoup plus de danger pour la Reine. Tout le monde est ici merveilleusement animé contre la Reine ; ce cardinal, et M. le Prince, l’unique protecteur qui, voulant conserver dans la faveur et pres de la Reine ce malheureux cardinal, cause tous les desordres qui sont de deça. On crie ici tout haut avec beaucoup d’impatience qu’il ne faut point que nos generaux temporisent davantage, que nous n’avons que faire de secours etrangers, qu’il faut aller droit et tete baissée à Saint Germain assieger le chateau, dans lequel ce malheureux et maudit fourbe est enfermé, qu’il faut ramener le Roi et la Reine à Paris, et mettre dans la Conciergerie le cardinal, au meme lieu dans lequel fut autrefois mis Ravaillac, et de là le mener à la Greve, pour faire un exemple à la posterité, et apprendre aux Italiens à ne plus venir ici se fourrer si aisement à la cour, à la desolation et ruine d’un si florissant royaume, comme pareillement vouloit faire autrefois le marquis d’Ancre, qui en fit à la fin tres mauvais marchand, avec sa femme et a suite. […]
[p. 429] Tandis que le peuple et les mutins s’impatientent de la haine, qu’ils ont tous très grande, contre le Mazarin, les moderés et les plus sages esperent que MM. les deputés du parlement reviendront demain de Saint Germain, où ils sont allés saluer la Reine, et confere avec elle et les siens pour trouver quelque moyen, si detur in natura, d’apaiser et de pacifier tout le desordre de la guerre qui s’allume dans l’Etat, parmi un si grand mecontentement et presque universel de tous les bons François. […]
[p. 430] Enfin nos deputés sont revenus de Saint Germain le vendredi 26 de fevrier. Le samedi matin, ils ont fait leur rapport qu’ils avoient eté tres bien reçus à Saint Germain de tous les seigneurs et princes qui y sont, et meme de la Reine, laquelle leur a donné audiance dans son cabinet, assistée du duc d’Orleans, du prince de Condé, des quatre secretaires d’Etat, du cardinal Mazarin et de l’abbé de La Riviere. Le premier president lui parla en peu de mots, mais fort genereusement, et si hardiment que tout le monde s’etonna que la Reine ne lui imposat silence. Quand il eut achevé de parler, la Reine lui dit que, M. le chancelier n’ayant pu se trouver à cette conference à cause qu’il etoit malade, elle leur feroit savoir et entendre sa volonté par ecrit, ce qu’elle fit, dont voici la substance. La Reine ne refuse point un accommodement, et desirant de conserver sa bonne ville de Paris à son service, contre laquelle elle n’a aucune rancune ni desir de vangeance contre aucun qui que ce soit, ni en sa charge, ni en ses biens, ni en sa vie, elle desire que MM. du parlement deputent certain nombre de leur corps, et ce au plus tot, qui confereront de la paix entre elle et Paris en un lieu qui sera accordé et agréé de part et d’autre, à la charge que lesdits deputés auront tout pouvoir de conclure sur le champ de tous les articles, sans qu’il soit besoin d’en rapporter à la cour, et tout cela pour avoir tant plus tot fait ; à la charge que, des le jour meme que la cour de parlement aura accordé et nommé les deputés [p.431] pour ladite conference, elle ouvrira un passage par lequel il viendra du blé et autres provisions suffisamment pour Paris. Voilà ce qui fut rapporté à la cour samedi matin, et la deliberation fut remise au meme jour apres midi, à la charge que MM. les princes de notre parti y seroient appelés. Mais rien ne fut conclu ce jour là, lesdits sieurs princes ayant temoigné que cette deliberation ne leur plaisoit point, et le tout fut remis au lendemain dimanche, auquel fut conclu que deputés seroient nommés selon l’intention de la Reine. […]
[p. 432] Madame la Princesse la mere est à Saint Germain, laquelle tient, avec tout le reste de ce qui est à la cour, si fort notre parti contre le Mazarin que la Reine lui en a fait querelle, et de là ces deux femmes, echauffées sur le Mazarin, se sont fait de beaux reproches l’une à l’autre. […]
[p. 433] Enfin la paix a eté signée de part et d’autre, c’est à dire par les deputés de la Reine et les notres, le jeudi 11 de mars à neuf heures du roi, et vendredi soir, qui fut le lendemain, [p. 434] MM. nos deputés revinrent de Revel ; et ce meme jour là, il y eut dès midi ici entrée libre de beaucoup de denrées qui etoient arretées ici alentour. […] Trois articles particulierement deplaisent à quelques uns, et pour cet effet MM. nos deputés du parlement seulement sont retournés [p. 435] à Saint Germain avec une belle escorte en faire remontrance à la Reine, afin d’en obtenir quelque modification, comme il y a grande apparence qu’ils l’obtiendront, et meme M. le premier president l’a fait croire au parlement, et en ce cas là notre paix vaudra tout autrement mieux que la guerre de tous les princes et que le secours que l’on nous a tant promis de Normandie et de Poitou, qui a trop tardé à venir. Ils ont charge pareillement de traiter de l’accommodement des princes qui ont suivi notre parti. De ces trois articles, le premier est que le parlement, en corps, iroit faire une seance à Saint Germain, où le Roi en personne assisteroit et seieroit en son lit de justice, où seroit verifiée la declaration de paix avec tous ses articles, et datée datée Saint Germain, en recompense qu’au commencement de la guerre MM. du parlement n’avoient pas obei à la Reine lorsqu’elle vouloit qu’ils allassent à Montargis. Le deuxieme est de souffrir les prets pour deux ans au dernier douze. Il n’y a que ceux qui preteront leur argent aux grands partisans qui y pourront perdre, et infailliblement y perdront, car que le Roi n’est nullement en etat de payer ses dettes de longtemps, vu l’effroyable profusion qui a eté fait de ses finances par tant de voleurs depuis vingt cinq ans. Le troisieme est que MM. du parlement ne pourront faire le reste de cette année aucune assemblée generale dans la [p. 436] grande chambre sur matiere d’Etat. Mais à tous ces trois articles la solution y seroit aisée, et je pense que la Reine, dans le desir qu’elle doit avoir de la paix, les accordera tous trois, et autre chose meme, si on lui en demandoit. […] Nos deputés sont encore à Saint Germain en leur conference pour la paix, où ils ont obtenu une abolition des trois articles de ci-dessus. »

Lettre de Guy Patin concernant le retour à Paris d’une partie de la Cour établie à Saint-Germain-en-Laye

« Je vous dirai que, ce vendredi meme, M. le Prince arriva ici sur le soir, sans bruit et à petite compagnie, et des le lendemain, qui fut samedi, M. le duc d’Orléans, apres avoir couché ici deux nuits, s’en retourna à Saint Germain. M. le Prince s’en est aussi retourné à Saint Germain, apres avoir eté pareillement ici deux jours, et apres avoir bien reconnu qu’il est fort hai dans cette ville, pour le mal qu’il y a voulu faire à la defense d’un gros et pernicieux larron, qui meriteroit d’etre ecorché tout vif par la populace. Ce M. le Prince y est venu pour faire mine ; je ne sais si bientot il reviendra. Comme tous les esprits sont encore trop [p. 439] eschauffés et malcontents, je crois qu’il vaudroit mieux qu’il s’abstentat un peu et qu’il s’en allat plutot gagner quelque bataille ou prendre quelque ville en Flandre ou en Catalogne.
Toute la Cour est à Saint Germain. M. de Servien y est arrivé de Munster, qui a refusé la charge de surintendant des finances qu’on lui offre pour recompense, et notez que tous deux sont creatures mazarinesques, fort aimés et en grand credit. »

Lettre de Guy Patin concernant le siège de Paris par le roi établi à Saint-Germain-en-Laye

« Je vous ecrivis ma derniere vendredi, 8 de janvier, et depuis ce temps là plusieurs choses fort memorables sont arrivées ici. Ce vendredi 8, tandis que le Roi et toute la cour etoient à Saint Germain, le parlement donna arret contre le Mazarin, par lequel il fut declaré criminel de lese majesté, comme perturbateur du repos public ; le samedi, il fut ordonné que l’on leveroit des troupes pour la defense de la ville de Paris, [p. 404] et ce meme jour M. d’Elbeuf le père, M. de Bouillon Sedan, frere ainé du marechal de Turenne, le marechal de La Mothe Houdancourt, le marquis de La Boulaye, le marquis d’Aubeterre et autres seigneurs se presenterent pour commander et avoir charge dans l’armee que Paris s’en alloit lever. […] [p. 405] M. du Tremblai, frere du defunt père Joseph, capucin, accusé d’avoir trop tot rendu la Bastille à MM. du parlement, a eté condamné à Saint Germain d’avoir la tete tranchée. La Reine est tellement irritée contre Paris qu’elle a chassé auprès d’elle mademoiselle Danse, qui etoit une de ses femmes de chambre, pour avoir voulu lui parler pour Paris. […] [p. 406] Quelques cavaliers des troupes de M. le prince de Condé sont allés de Saint Germain à Meudon, où ayant trouvé quelque resistance dans le château, par les paysans qui s’y etaient retirés, ils y ont joué de main mise et en ont tué plusieurs, puis ont pillé le château. […]
Toute la cour est à Saint Germain avec le Mazarin ; M. le Prince voltige de ça et de là avec des cavaliers, pour empêcher l’abord de Paris à toute sorte de marchandise. »

Lettre de Guy Patin concernant le siège de Paris par le roi établi à Saint-Germain-en-Laye

« Ceux qui decrient le parti de Paris en parlent avec passion et ignorance. C’est un mystere que peu de monde comprend : le parlement fait de son mieux et s’est fort bien defendu du siege mazarin, sur la parole que leur avait donnée M. le Prince, qui a tourné casaque. Les generaux ne vouloient que faire durer la guerre et faire entrer l’Espagnol en France. M. le Prince avoit un autre dessein, qui n’a pas reussi. Le siege de Paris ne lui servoit que de pretexte, car qu’est ce qu’il a fait ? Il a pris Meudon, Charenton, le Bourg de la Reine, et le tout sans canon. [p. 262] Il n’est mort personne de faim dans Paris, pas meme un mendiant. Pas un homme n’y a eté tué. Cinq mois durant, personne n’y a eté pendu ni fouetté. Le parlement et la ville sont demeuré dans le respect et le service du Roi, et comme la Reine et ceux de Saint Germain virent la grande union qui etoit dans Paris et les dangers dont ces emeutes nous menaçoient, on tint prudemment une conference à Saint Germain qui etablit la paix. Il y en a qui disent que le Mazarin ira dans la Flandre en qualité de generalissime pour quelque temps, mais il n’y a point d’apparence qu’il veuille quitter la Reine et qu’il ose si fort se fier à sa bonne fortune, qui le pourroit abandonner en ce cas là, vu qu’en son absence quelqu’un se pourroit presenter qui detromperoit la Reine, lui faisant connaitre comment ce pantalon de longue robe, ce comedien à rouge bonnet, est cause de tous nos maux et de la ruine de la France. »

Lettre de Guy Patin concernant le siège de Paris par le roi établi à Saint-Germain-en-Laye

« Plusieurs donnent ici avis au parlement de divers endroits où il y a de l’argent caché, lequel servira à faire la guerre, et la grosse recompense qu’on leur [p. 411] donne pour leur droit d’avis invitera beaucoup d’autres à en faire de meme par ci apres. On a pris chez M. Galland, secretaire du Conseil, 25000 livres ; chez M. Pavillon, aux Marais du Temple, 100000 ecus, qui venoient de Bordeaux. On a pris aux Gabelles 250000 livres. On en a cherché dans la maison de madame de Combalet, où l’on a trouvé de fort belles caches, mais pas d’argent. On a grande esperance d’en trouver ailleurs, tant celui du cardinal Mazarin que du defunt Richelieu. L’avis avoit eté donné qu’en on avoit caché en la pompe qui est la maison où est la Samaritaine sur le pont Neuf ; on y a bien cherché, mais on n’y a rien trouvé. On croit qu’il en a eté enlevé depuis un mois seulement et qu’il a eté emmené par eau à Saint Germain, où de present sont tous ceux à qui il peut appartenir. On se rejouit ici des bonnes nouvelles qui nous viennent de province et de Bretagne, où les parlements tiennent le parti du notre. On en croit autant de Toulouse et de Bordeaux, combien qu’on n’en ait eu aucune nouvelle, à cause que les courriers en ont eté divertis et emmenés à Saint Germain. Tout le monde est ici en une merveilleuse resolution contre le Mazarin, et combien que le pain y soit cher, neanmoins personne n’y gronde. […]
[p. 414] La nouvelle de la mort de M. de Chatillon a fort troublé toute la Cour, qui est à Saint Germain. Tous les seigneurs le regrettent, et toutes les dames crient si haut que c’est pitié ; depuis ce temps là, le Mazarin ne s’est plus montré, latet abditus ; il demeure caché dans le cabinet de la Reine, de peur d’etre tué ou massacré par quelqu’un de ceux qui detestent la guerre, dont le nombre n’est pas petit en ce pays là. […]
[p. 415] Il se presanta hier à la porte de Saint Honoré un heraut d’armes de la part de la Reine. Le parlement ne voulut pas qu’il fut admis dans la ville, la coutume n’etant d’envoyer des herauts qu’aux souverains, aux ennemis et aux rebelles, le parlement ne voulant passer pour aucun des trois, non plus que les princes qui tiennent ici notre parti, qui avoient eté appelés en parlement. Le heraut fut averti qu’il n’entreroit point ; et en meme temps, il fut ordonné par la Cour que MM. les gens du Roi se transporteroient à Saint Germain pur faire entendre à la Reine les raisons pour lesquelles le heraut qu’elle a envoyé n’a pas eté admis, avec defense à eux de faire aucune autre proposition à la Reine, de paix ni de guerre. MM. les gens du Roi sont allés parler audit heraut, mais ils n’ont pas voulu partir sans passeport, sauf conduit et assurance, pourquoi obtenir ils ont sur le champ ecrit à M. le chancelier, à M. Le Tellier, secretaire d’Etat, qu’un nommé Petit, compagnon dudit heraut, s’est offert de porter en leur nom à Saint Germain, et de leur en rapporter reponse s’il en etoit chargé. […]
[p. 416] On a surpris un homme pres d’ici, sur le chemin de Saint Germain, chargé d’environ quarante lettres, où, entre autres, il y en avoit quatre qui ecrivoient tout ce qui se fait et se passe à Paris fort exactement, et entre autres une, laquelle est d’un conseiller de la Cour, qui ne se peut deviner, mais qui neanmoins est fort soupçonné, et en grand danger d’etre decouvert, qui donnoit divers avis fort importants à M. le prince de Condé. […]
[p. 417] Le mardi gras, 16 de fevrier, MM. les gens du Roi, Talon, Bignon et Meliaud, ont reçu le passeport, l’assurance et le sauf conduit qu’ils avoient demandé pour aller à Saint Germain y voir la Reine, comme je vous ai dit ci dessus, et sont partis à cet effet et à cette intention le lendemain mercredi des Cendres, de grand matin, et en sont revenus le lendemain jeudi à quatre heures au soir. […]
[p. 419] MM. les gens du Roi ont rapporté à la Cour qu’en vertu du passeport qui leur avoit eté envoyé, ils s’etoient acheminés à Saint Germain avec l’escorte de la part de la Reine, que partout ils avoient eté tres bien reçus, et sur les chemins et là, et meme par la Reine, laquelle leur temoigna qu’elle ne vouloit aucun mal au parlement de Paris, ni en general ni en particulier, qu’elle etoit prete de leur en donner telles assurances qu’il seroit possible, et eut agreables les raisons qu’ils lui alleguerent de ce qu’on n’avoit pas reçu le heraut. M. le chancelier ayant parlé pour la Reine, le duc d’Orleans et le prince de Condé firent ce qu’ils purent pour rencherir par dessus, et temoignerent grande disposition à un accord. MM. les gens du Roi, ayant pris congé de la Reine, furent menés au lieu où ils devoient souper, auquel ils furent aussitôt visités par tous les plus grands seigneurs de la Cour. Sur ce rapport, le parlement a deliberé d’envoyer à Saint Germain quatorze deputés du corps du parlement, deux de chaque chambre, et fit, pour donner avis à la Reine que l’archiduc Leopold leur a envoyé un gentilhomme avec lettres de creance, par lequel il leur mande qu’il ne veut plus traiter de la paix [p. 420] avec le Mazarin, sachant l’arret qui a eté donné contre lui ; que c’est un fourbe et un mechant homme, qui a eludé tous les traités de paix que le roi d’Espagne a consenti etre faits par ses deputés depuis trois ans avec MM. de Longueville et d’Avaux, qu’il a loué avec eloge et tres honorablement, qu’il ne veut traiter de ladite paix qu’avec MM. du parlement, qu’il s’offre de traiter de la paix de France et d’Espagne, et meme de les en faire arbitres, qu’il est pret à recevoir leurs deputés, s’ils veulent lui en envoyer, ou qu’il est pret de leur en envoyer s’ils veulent les recevoir, qu’il veut faire la meme chose qu’ont faite autrefois quelques princes etrangers qui ont remis leurs interets et se sont soumis au jugement de ce parlement, qu’il a une armée de 18000 hommes toute prete, avec laquelle il pourroit prendre de nos villes frontieres, qu’il sait fort bien etre tres mal fournies, ou reprendre celles que nous tenons d’eux, mais qu’au lieu de tout cela il offre de nous l’envoyer pour nous en servir contre le Mazarin, et pour etre commandée par tel general que nous voudrons. Que si le parlement veut, il enverra ses deputés à Paris, si mieux il n’aime que ce soit à Bruxelles, ou en tout autre lieu qu’il voudra, que son armée ne bougera de la frontiere pour venir de deça à notre secours quand nous la demanderons, sinon qu’elle ne bougera de là et qu’elle ne servira point à d’autres, etc.
La Cour a ordonné que tout cela seroit enregistré, et que copie seroit tirée du registre et envoyée par les quatorze deputés à la Reine, afin qu’elle voie et connoisse quel credit nous avons dedans et dehors le royaume.
Le prince d’Orange a aussi ecrit à M. de Longueville, lui offrent 10000 Hollandois soldés pour trois mois. Le parlement d’Angleterre avoit aussi envoyé un deputé au parlement, comme a fait l’archiduc Leopold, mais il a eté arreté et mené à Saint Germain. »

Lettre de Guy Patin mentionnant la volonté du roi de bâtir à Saint-Germain-en-Laye

« Sa Majesté a fait defense que personne n’ait à faire aucun batiment d’ici à dix lieues à la ronde. On dit que c’est pour faire quatre grands ateliers d’ouvriers aux maisons royales qu‘il veut faire rebatir ou achever, telles que sont le Louvre, Saint Germain en Laye, le bois de Vincennes, etc. »

Lettre de Guy Patin mentionnant le départ du roi de Saint-Germain-en-Laye

« Aujourd’hui au matin, ce 16 mai, est mort à Saint Germain M. Guenaut d’une apoplexie ; Dieu n’a pas permis que le vin emetique le sauvat, lui qui en a autrefois tant tué avec ce poisson et avec le laudanum chymisticum.
Le Roi est aujourd’hui parti de Saint Germain et a pris le chemin d’Amiens pour faire un grand voyage. »

Lettre de Guy Patin mentionnant le séjour du roi à Saint-Germain-en-Laye

« Trainel, fils d’un papetier devant le Palais, agé d’environ vingt huit ans, apres avoir eté condamné au Chatelet, a été transferé à la Conciergerie. Enfin, apres environ un mois de temps, son appel a eté jugé à la Tournelle, et la sentence confirmée ; tot apres on a apporté au president de la Tournelle, qui est M. Le Coigneux, une lettre de cachet, par laquelle le Roi veut que l’execution soit sursise. Des le lendemain (ce 25 fevrier), messieurs de La Tournelle ont envoyé des deputés au Roi pour lui faire entendre la justice de leur arret. M. le president Le Coigneux a donc eté à Saint Germain, où il a eté bien reçu du Roi et bien ecouté. M. Renard, conseiller de la grand chambre et rapporteur du proces, y estoit aussi. »

Lettre de Guy Patin mentionnant le séjour du roi à Saint-Germain-en-Laye

« Le Roi se trouve si bien à Saint Germain, et il s’y plait tant qu’il y veut passer l’hiver, et ne revenir à Paris qu’à la fin du careme.
[…]
L’envoyé du Grand Turc n’est plus à Issy, il est aujourd’hui logé dans Paris, derriere la place Royale, à l’hôtel de ville ; il a eté à Saint Germain en ceremonie, mais on ne sait encore rien de particulier de ces affaires. »

Lettre de Guy Patin mentionnant l’abandon du fort Saint-Sébastien près de Saint-Germain-en-Laye

« Le Roi a ordonné la dissolution de son camp. On en prend 15000 hommes que l’on envoie à Saint Quentin en Vermandois, d’où ils seront commandés pour le rendez-vous qu’on tient encore secret. Il y a toute apparence que ce sera contre les Hollandais. Ils sont devenus si glorieux depuis leur commerce des Indes que ceux qui traitent avec eux disent qu’ils sont insupportables. Le Roi s’en est cru méprisé et on croit qu’il en garde son ressentiment jusqu’à l’occasion de les en faire repentir. On a envoyé encore 6000 hommes vers Soissons et d’autres ailleurs. »

Lettre de Guy Patin mentionnant un incident lié à une revue de troupes faite par le roi à Saint-Germain-en-Laye

« Quinze soldats de la compagnie dite des royaux ont eté noyés au lac de Conflans, pres de Saint Germain et Andrezy, qui venoient pour la revue que le Roi a fait faire pres de Saint Germain ; dans la plaine de Houille. Le vaisseau, qui etoit trop chargé, s’est entr’ouvert par le milieu ; ils en sont tous morts, et ont eté repechés le lendemain. Le Roi est fort faché de cette perte. »

Lettre de Guy Patin mentionnant un possible séjour du roi à Saint-Germain-en-Laye

« Le Roi et le Mazarin partirent hier pour aller passer quelques jours à Saint Germain, où on se resoudra par quel voyage le Roi commencera sa campagne. […]
[p. 244] M. de Maisons, president à mortier, avoit eté exilé ; il est revenu et a marié sa fille avec un grand maitre de la garde robe nommé M. Saucour, et ainsi a refait sa paix. Il avoit la charge de capitaine de Saint Germain et maitre des chasses, qu’on avoit donnée à M. de Beaumont. En ce voyage de Saint Germain, le Roi la doit oter audit de Beaumont, et y installer ledit de Saucour : ainsi voilà M. de Maisons, jadis en disgrace, tout retabli. Ainsi le temps, le credit et l’argent font tout, partout, et principalement à la cour, uni nummus multus magnum nomen est. »

Lettre de Guy Patin mentionnant une revue de troupes faite par le roi à Saint-Germain-en-Laye

« Le Roi veut faire faire la revue à ses 10000 hommes, quatre ou cinq jours durant, dans la plaine de Houille entre Saint Germain, Sartrouville et Argenteuil, où il fera voir une belle representation de la guerre aux dames de la cour, qui aiment de tels combats, où l’on s’echauffe jusqu’à la sueur meme, mais où l’on ne tue personne. Apres cette revue faite, on dit que les troupes ont ordre de marcher au rendez vous qui leur sera assigné. Mais où sera ce ? Personne ne le sait que ceux qui commandent, et je ne puis encore me persuader que ce soit en Flandre, et plut à Dieu que ce fut plutôt contre le Turc. »

Lettre de Philippe d’Orléans concernant l’arrestation du chevalier de Lorraine dans son appartement au Château-Neuf

« Monsieur, à M. Colbert
Villers Coterets, le 2 fevrier 1670
Monsieur Colbert,
Comme depuis quelque temps je vous crois de mes amis, et que vous etes le seul de ceux qui ont l’honneur d’approcher le Roi qui m’en ayez donné des marques dans l’epouvantable malheur qui me vient d’arriver, je crois que vous ne serez pas faché que je vous prie ici de dire au Roi que je suis venu ici avec la derniere douleur de me voir obligé de m’eloigner de lui, ou de demeurer avec honte à sa Cour. Que je le prie de considerer ce qu’on diroit dans le monde si l’on me voyoit gai et tranquille dans les plaisirs de Saint Germain et du carnaval, pendant qu’un prince innocent, le meilleur ami que j’aie sur la terre, et attaché à moi, languit pour l’amour de moi dans une miserable prison ; de plus, la manière dont on l’a pris a eté pour moi le plus sensible affront que je pusse recevoir, ayant eté longtemps incertain si c’etoit à ma personne que l’on en vouloit, ma chambre ayant eté assez longtemps environnée de toutes parts de gardes, tant [p. 462] aux portes qu’aux fenetres, et tous mes domestiques, epouvantés, me vinrent dire qu’ils ne savoient si c’etoit à moi qu’on en vouloit. De plus, le Roi fit demander à ma femme quel parti elle vouloit prendre ; cela marquoit dont qu’il avoit envie d’autoriser qu’elle ne fit pas son devoir à mon egard en me fuyant. Malgré toutes ces raisons, si je m’etois cru utile au service du Roi, je ne l’aurois pas quitté ; mais la manière dont il m’a traité toute sa vie me fait bien croire le contraire. Je sais que dans l’humeur où je suis, je ne pourrois lui etre que desagreable, et qu’il auroit de la peine meme à avoir à tous momens devant ses yeux un frere qu’il a mis dans le derniere desespoir, que cela seroit tres ennuyeux pour lui, et fort honteux pour moi, que je n’ai aucun dessein que de lui cacher ma sensible douleur, jusques à tant qu’il veuille me redonner de la joie. Que si j’osois je prierois le Roi de se mettre à ma place et de songer à ce qu’il feroit dans une pareille occasion, de me donner conseil lui meme, un conseil tel qu’il le croiroit honnete pour moi, et que tout le monde vit qu’il l’a donné à un frere, qui n’a songé toute sa vie qu’à lui etre agreable et à lui plaire. Cependant j’aime mieux vous ouvrir mon cœur qu’à tout autre, parce que je sais que vous etes sincere et de bonne foi, que vous n’avez d’autres interets que ceux du Roi, et que vous savez mieux que personne que mon malheur m’est arrivé dans un temps où je meritois un autre traitement assurement par toutes les choses que je sacrifiois tous les [p. 463] jours au Roi ; que si M. le chevalier de Lorraine etoit coupable, j’aurois eté le premier à l’eloigner d’aupres de moi, mais qu’il n’a jamais songé qu’à pouvoir meriter ses bonnes graces et son estime ; que j’en pouvois repondre, connoissant mieux que personne le fond de son cœur ; qu’enfin je ferois voir, à la honte de mes ennemis, que j’aimois le Roi plus que moi meme, mais qu’il me donnat les moyens d’accorder ma tendresse avec mon honneur, et qu’en cela je le conjurois de songer que j’etois son frere.
Apres cela, je n’ai rien à vous dire, que de vous assurer que je serai toute ma vie, M. Colbert, votre bien bon ami.
Philippe »

Philippe, duc d'Orléans

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant la maladie de la fille du roi à Saint-Germain-en-Laye

« Paris, le 26 février 1672
On croyait hier matin que la petite Madame mourrait ; elle fut dans un si grand assoupissement que l’on doutait qu’elle était encore en vie ; on lui mettait des miroirs devant la bouche sans qu’elle les flétrît. Le Roi n’attendait que le moment qu’elle eût expiré pour se retirer à Versailles, tous les bagages étant chargés pour cela. On avait donné le matin l’émétique à cette princesse et on désespérait qu’il eût aucun effet favorable lorsque l’après midi cette princesse parla aux femmes qui la gardaient et leur dit de lui donner une cornette de point de France, ce qui donna des grandes espérances de joie à toute la Cour. On lui donna du bouillon qu’elle trouva bon, le médicament [p. 256] fit son effet ; du depuis, elle a été un peu mieux, que si elle continue jusqu’à demain dans le bon état où elle est présentement, on espère de la sauver pour cette fois. C’est ce que mon écuyer vient de m’apprendre, lequel j’avais envoyé exprès à Saint Germain pour en apprendre des nouvelles.
Le Roi a été dans un grand déplaisir durant tout le mal de Madame. On ne l’avait jamais vu si troublé. Il n’a presque pas dormi et envoyait, durant le gros de la nuit, de demi heure en demi heure, pour savoir l’état auquel elle se trouvait. Si Dieu le console cette fois, il n’y à appréhender sinon que ce ne soit pas pour longtemps. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant la mort du duc d’Anjou à Saint-Germain-en-Laye

« Paris, le 13 juillet 1671
J’ai cru être obligé de faire passer cette lettre à Votre Altesse royale par un courrier exprès de Lyon à Chambéry pour lui faire savoir la mort de M. le duc d’Anjou et que Leurs Majestés en sont dans une affliction des plus grandes, le Roi n’en ayant pas encore montré de pareille, à ce que tous ses vieux courtisans assurent. Il mourut vendredi au soir dans un temps de tonnerre. Le Roi était pour lors entre Senlis et Luzarches. Il coucha en ce dernier lieu, où il apprit la mauvaise nouvelle, car il n’était éloigné de Saint Germain que de six lieues. Il eut le lundi, à Ath, la nouvelle que ce prince s’affaiblissait notablement et qu’il n’y avait presque plus d’espérance pour le sauver. Il résolut d’en partir le mardi pour le venir faire servir, bien que son retour n’eût été fixé qu’au samedi. J’étais parti de Lens le lundi et le mardi matin je sus la [p. 110] résolution de Sa Majesté, entre Valenciennes et Cambrai, par M. le duc de Longueville et quelques seigneurs de la Cour qui venaient ici sur des chevaux de poste. Je continuai mon chemin dans la grande route pour fuir la marche du Roi, comme aussi les embarras et les incommodités qui s’y rencontrent, ce que je ne pus éviter, car une bonne partie des seigneurs de la Cour suivirent mon exemple.
J’arrivai à Senlis une heure après que Leurs Majestés y eurent passé, bien qu’elles eussent fait grande diligence, et arrivai avant-hier en cette ville, où je sus que Leurs Majestés, de Luzarches étaient allées coucher à Maisons pour fuir Saint Germain, et de là passèrent hier à Versailles, accablées de douleur et de tristesse qui est assurément générale parmi la noblesse et le peuple.
On a ouvert le corps de feu M. le duc d’Anjou ; on lui trouvé le foie pourri, les poumons gâtés et beaucoup d’eau dans l’estomac, ce qui augmente les craintes de toute la Cour puisqu’on trouva les mêmes défauts en feue Madame, sa sœur, la première [p. 111] fille du Roi et que l’on voit que monsieur le Dauphin est sujet à de grandes infirmités, ayant encore présentement un peu de dévoiement, les médecins ayant dit déjà plusieurs fois que tous les enfants de Leurs Majestés avaient les intestins faibles et qu’en cela ils ressemblaient au feu roi Louis XIII. Dieu leur donnera une meilleure santé, s’il lui plait, pour la consolation de tous ceux qui y sont intéressés. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant le départ de la cour pour Saint-Germain-en-Laye

« Paris, le 24 avril 1669
La Cour ira lundi à Saint Germain, et pour longtemps. Les dames sont prêtes à voyager après avoir [p. 305] demeuré cinq mois à aller chez la Reine ; elles l’ont vue aux Carmélites et à sa toilette ; ce n’a pas été sans quelques railleries de son côté, mais très modérées et galantes. C’est un petit miracle de voir de l’air qu’elle prend ces sortes de choses. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant le départ du roi de Saint-Germain-en-Laye

« Paris, le 27 avril 1672
Je viens d’arriver de Saint Germain. Comme le Roi avait résolu de partir seulement demain, j’y avais conduit M. le comte Cagnol pour faire un peu de cour et nous attentions dans la cour du vieux château l’heure que Sa Majesté dut aller à la messe pour nous faire voir à Elle. Tout d’un coup, on a dit qu’Elle allait partir, sans que personne l’eût pénétré, car Elle n’en avait rien dit à son lever. Elle est soudain descendue à la chapelle pour entendre la messe, puis est montée seule dans une calèche à six chevaux, M. de Duras une autre, accompagnée de dix à douze gardes, et est partie à onze heures pour aller coucher [p. 279] à Nanteuil chez M. le duc d’Estrées et ira demain à Villers Cotterets, où Monsieur et tout ce qui ira joindre le Roi se rendra. Il n’a dit adieu qu’à la Reine et à monsieur le Dauphin ; ceux qui étaient les plus proches de lui lui ont fait la révérence, mais fort à la hâte. Jamais il n’y a eu de pareille surprise à la Cour ; personne n’en a jamais pu pénétrer la véritable cause. On disait bien que ç’a été pour éviter les tendresses qu’il aurait pu avoir en l’adieu des dames. Je ne le crois pas ; en tout cas, si Votre Altesse royale se le persuade, il sera bien de n’en pas parler. Madame de Montespan était sortie de bon matin de Saint Germain, je l’ai rencontrée dans la garenne dans une calèche à six chevaux. Je ne l’ai pas vue, car les rideaux étaient tirés, mais je me suis figuré que c’était elle, à voir derrière son carrosse les gardes qui ont accoutumé de la suivre, et quand j’ai été à Saint Germain, j’ai su que c’était bien elle, et qu’assurément elle était venue en cette ville, bien que je me figurasse qu’elle allait attendre le Roi à Nanteuil. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant le départ du roi de Saint-Germain-en-Laye

« A Paris, le 2 mai 1670
Le Roi partit lundi dernier de Saint Germain pour le voyage de Flandre, avec une des plus belles et des plus pompeuses suites que l’on puisse voir. Ils étaient huit dans son carrosse, lui, la Reine, Monsieur, madame la duchesse d’Orléans, mademoiselle de Montpensier, la duchesse de La Vallière, la comtesse de Béthune et la marquise de Montespan. Le temps était mauvais aussi bien que les chemins, son carrosse demeura embourbé en plusieurs endroits et une partie des bagages de [p. 423] la Cour, qui ne peut arriver la première nuit à Senlis. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant le fort Saint-Sébastien près de Saint-Germain-en-Laye

« A Paris, le 1er août 1670
[…]
[p. 471] Le Roi agit toujours à son ordinaire tant à l’égard des dames que de son camp ; il va tous les jours voir ses troupes, il les fait mettre en bataille, il les fait combattre, il les divise en deux corps d’armée dont il en commanda un et M. le maréchal de Créquy l’autre. Hier, le Roi fut attiré dans une embuscade et fait prisonnier par le marquis de Villeroy, puis regagné par son armée qui mit [p. 472] l’autre en déroute. Ce sont des jeux et des divertissements qui fatiguent à l’heure de midi et au gros de la chaleur, mais qui stylent à miracle les officiers et les soldats. Jamais il n’y a eu tant de régularité ni de discipline ni jamais armée n’a été si bien réglée que dans ce camp. Entr’autres, les soldats y observent le silence quatre heures tous les jours, les officiers de cavalerie n’y sont jamais sans bottes et toujours en collet de buffle et ceux d’infanterie continuellement en soliers. Votre Altesse royale fera plaisir au Roi et à M. de Louvois si Elle lui en parle avec admiration. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant le fort Saint-Sébastien près de Saint-Germain-en-Laye

« A Paris, le 5 juillet 1669
Mercredi, j’allai au lever du Roi. Messieurs de Turenne, le maréchal du Plessis et le Grand Prieur [p. 319] me dirent que le lendemain il y avait revue générale des troupes de la Maison du Roi, que je ferais plaisir à Sa Majesté d’y aller et d’y mener avec moi M. le marquis de Saint Damien. Comme nous nous préparions hier matin pour y aller, je reçus un billet du maréchal de Bellefonds, qui m’écrivait la même chose, que le Roi dînerait au fort et que si nous nous y trouvions à bonne heure, que nous mangerions avec Sa Majesté. Nous passâmes à Saint Germain, fûmes au lever du Roi et puis nous acheminâmes au camp.
Le Roi, qui va avec sa diligence ordinaire, nous passa en chemin. Il était seul dans sa calèche et, nous rencontrant, nous salua fort civilement. Mettant pied à terre devant ses tentes, nous y trouvâmes le maréchal de Bellefonds. Je lui témoignai que Votre Altesse royale aurait reconnaissance de l’honneur qu’il procurait au marquis de Saint Damien. Il me fit connaître que c’était lui qui l’avait proposé à Sa Majesté, sur ce qu’Elle avait [p. 320] souhaité que l’ambassadeur d’Angleterre et mois dinassions là avec Elle. Quand j’entrai dans la tente où était le Roi, il m’aborda et me dit que nous y aurions chaud ; je lui répondis que l’on le considérait peu quand on avait l’honneur d’être auprès de lui, que je savais combien ses tentes étaient commodes et pompeuses depuis l’avantage que j’avais eu de le suivre en Flandre où, par ses fatigues et ses travaux, il nous avait fait voir qu’il ne fallait pas avoir égard au temps et à ses incommodités quand il s’agissait de la gloire. Il se mit à tire et me dit tout haut que, comme j’étais de ses amis, je le faisais plus brave qu’il n’était. Il me fit l’honneur de m’entretenir le long de tout son appartement de choses indifférentes du fort et que je savais comme il était fait, que j’y avais déjà été dîner avec M. de Chaulnes.
Monsieur arriva, et avec lui l’ambassadeur d’Angleterre. Il demanda d’abord sa viande. Quand on eut servi, je considérai que M. le duc de Guise [p. 321] se tenait fort proche de la personne du Roi. Je voulus observer le parti que prendrait l’ambassadeur d’Angleterre pour se placer, afin que j’en pusse faire de même. Le bon ambassadeur, qui veut disputer le pas à monsieur le Prince, laissa prendre la seconde place audit duc de Guise, qui était à la gauche du Roi, Monsieur à la droite, auprès duquel ledit ambassadeur se mit. Je jugeai qu’il ne me fallait pas mettre auprès de lui. Je me plaçai entre les ducs de Bouillon et de Luxembourg. Ils se retirèrent pour me faire place et M. de Bellefonds me dit de me mettre auprès de M. de Montaigu. Je n’y voulus pas aller et dis tout haut qu’il n’y avait pas de rang à la table de Sa Majesté et que l’on dînerait bien dans tous les endroits. Nous avions tous le chapeau sur la tête, sauf le Roi et Monsieur. Il but la santé du roi de la Grande Bretagne qu’il porta à M. de Montaigu, puis celle de Votre Altesse royale, qu’il me porta ; nous étions vingt à table, tous la burent chapeau bas.
Il monta à cheval une heure après midi et nous allâmes voir ses troupes, qui étaient en bataille sur une ligne. Il y avait plus de deux mille cinq [p. 322] cents chevaux et près de neuf mille hommes de pied en seize escadrons et quatorze bataillons ; l’artillerie était en tête de l’infanterie ; nous vîmes et revîmes les troupes par une chaleur et poussière des plus incommodes. Le Roi parla souvent à M. le marquis de Saint Damien, comme aussi Monsieur, messieurs de Turenne et de Louvois et tous les grands de la Cour.
Comme nous étions dans une halte en attendant la Reine, nous vîmes venir à nous un carrosse en diligence qui s’arrêta à trois cents pas, d’om sortit M. le marquis de Berny. Le Roi ne le reconnaissant pas et demandant qui c’était, je le lui dis. Il alla à lui tout seul au galop. Je m’entretenais pour lors avec l’ambassadeur d’Angleterre. Je lui dis à l’oreille : « Voilà des nouvelles de l’élection d’un roi en Pologne ». Monsieur m’ayant demandé ce que je disais, je lui en fis la répétition. Sa Majesté revint à nous avec un visage assez froid et qui marquait peu de satisfaction, et nous dit que les Polonais avaient élu un de leur pays pour roi, nommé Wisniowiecki et qu’ils l’avaient [p. 323] déjà couronnés. Chacun en raisonne à sa fantaisie avec assez de liberté. On m’en demanda mon sentiment ; je dis que j’aurais fort souhaité que les Polonais eussent choisi monsieur le Prince et que Sa Majesté l’eût nommé en tête de ses troupes ; que ces peuples là, quoiqu’ils eussent agi en cette rencontre contre leurs constitutions, que néanmoins ils avaient considéré de ne désobliger pas les prétendants étrangers et leurs partisans et qu’en cela ils avaient témoigné d’avoir de l’esprit aussi bien qu’à retarder l’élection, puisqu’ils avaient eu le temps de recevoir tout l’argent qu’on leur avait porté de tant d’endroits. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant le retour du roi à Saint-Germain-en-Laye

« De Suresnes, le 26 octobre 1668
Je reçus dimanche la lettre que Votre Altesse royale m’a fait l’honneur de m’écrire le douzième de ce mois, dans laquelle j’ai vu avec joie qu’elle goûtait les délices de la Vénerie royale en parfaite santé pendant ces beaux commencements d’automne. Le Roi arriva le même jour à Saint Germain de son voyage de Chambord, fort satisfait des beautés de ce lieu là, des chasses qu’il y a faites et encore plus, à son arrivée, de voir le Dauphin, qui a fait un notable changement pendant leur séparation. Il fut à la rencontre de Leurs Majestés à la dînée la plus proche de Saint Germain, il leur fit si bien sa cour et les entretint si galammant qu’elles en furent émerveillées, et lui demeura aussi très content des caresses que lui firent et le Roi et la reine. En sortant de carrosses, il appela M. de Montausier, [p. 238] lui dit avec sa gentillesse ordinaire qu’il était fort satisfait du Roi et qu’il l’avait traité fort honnêtement.
Le Roi, le soir avant son arrivée, coucha à Linas, où il fut surpris avec joie lorsque M. de Turenne lui déclara qu’il voulait faire abjuration de sa créance et se réduire dans le giron de l’Eglise romaine, ce qu’il exécuta mardi matin entre les mains de M. l’archevêque de Paris dans la chapelle de l’archevêché, puis alla se confesser, entendre messe et se communier à Notre Dame, et de là à Saint Germain, où le Roi l’embrassa et lui fit toutes les caresses possibles et où toute la Cour le complimenta. […]
[p. 240] Je fus mercredi à Saint Germain pour y faire ma cour au Roi, à son lever. Il y avait si grand monde que l’on ne pouvait se tourner dans sa chambre. J’eus grande peine à m’en approcher, tellement tout le monde s’empresse de se faire voir à lui. Ses courtisans, en pareille rencontre, ont peu de déférence pour les étrangers. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant le retour du roi à Saint-Germain-en-Laye

« A Rueil, le 11 juin 1670
Madame n’est pas encore de retour d’Angleterre. On croit qu’elle passera demain la mer pour en [p. 438] revenir […].
Le Roi arriva samedi au soir à Saint Germain. J’y fus lundi à son lever ; il me salua, d’abord qu’il me vit, avec empressement. J’y répondis le plus respectueusement que je pus, mais tout s’aboutit là : il ne me parla pas, ni moi à lui. Nous irons bientôt à l’audience pour le féliciter de son heureux retour. Nous en avons grand sujet, car jamais il ne s’est mieux porté. La Reine et monsieur le Dauphin jouissent aussi d’une parfaite santé ; ils ont été l’admiration des Flamands. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant le retour du roi à Saint-Germain-en-Laye

« Camp de Boxtel, le 25 juillet 1672
[…]
[p. 386] Il n’y a jamais eu d’empressement égal à celui que toute la Cour et les officiers d’armée ont d’aller à Paris. On ne parle plus que des tournois et des ballets qu’on fera l’hiver prochain. La ville de Paris voulait faire une entrée et un arc de triomphe pour recevoir le Roi. Il n’en a pas voulu et ne veut pas passer par leur ville, mais aller de longue à Saint Germain. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant le séjour de la cour à Saint-Germain-en-Laye

« De Paris, ce 29 avril 1667
Monseigneur,
J’arrivai ici mardi à six heures après midi. Dès le lendemain, je me mis en état de servir Votre Altesse royale et je vis pour cela M. Giraud, pour concerter avec lui la manière de faire savoir au Roi mon arrivée et de me préparer pour avoir audience de lui. Nous résolûmes que j’écrirais et enverrais un gentilhomme à de M. Lionne pour savoir de lui quand je le pourrais (p. 2] voir. Hier, je mandai le sieur Chappuys, mon secrétaire, à Saint Germain ; il présenta ma lettre à ce ministre et lui exposa sa commission. M. de Lionne lui dit qu’il avait beaucoup de joie de mon arrivée, qu’il ne voulait pas que j’allasse à Saint Germain, que le Roi lui permettra de venir samedi ici et qu’il m’attendrait tout le jour chez lui, si bien que demain je tiendrai un laquais à sa porte, et soudain que je saurai son arrivée, j’irai le visiter de la part de Votre Altesse royale, lui présenter sa lettre et l‘entretenir du sujet pour lequel Votre Altesse royale m’a envoyé en ce pays. Cependant, je me mets et mon équipage en état de pouvoir aller et paraître à Saint Germain, où tout ce qui veut faire sa cour fait une résidence actuelle et d’où les ministres ne sortent pas.
J’ai vu mesdames les princesses de Carignan [p. 3] et comtesse de Soissons, qui ont reçu avec des marques de respect les lettres que je leur ai présentées de la part de Votre Altesse royale. Je n’ai pas vu madame la princesse de Bade, elle est à Saint Germain. M. le comte de Soissons a eu aussi les mêmes soumissions et reconnaissances pour la lettre de Votre Altesse royale que je lui ai présentées ; il m’a offert ici ses sollicitations pour le service de Votre Altesse royale et je crois qu’elles ne seraient pas inutiles, car il a du crédit auprès de M. de Lionne.
[…]
[p. 6] Comme je n’ai pas encore été à la cour, je sais peu des nouvelles du cabinet ni des intrigues qu’il y a. L’on assure que la Reine est enceinte, [p. 7] ce qui l’empêchera de suivre le Roi, car assurément il marchera à la moitié du mois prochain ; que si la Reine n’est pas enceinte, elle ira à Compiègne et en ce cas là les dames, et notamment mademoiselle de La Vallière ; sinon elle se retirera aux champs avec quelque dame de qualité pendant l’absence du Roi. L’on dit qu’elle déchoit beaucoup de sa beauté et qu’elle est fort maigre. Il ne va quasi plus personne chez elle ; elle devient d’une humeur fort altière et au camp de Houilles, où elle a été fort souvent à la suite de la cour et où elle a été fort leste, elle a toujours été fâchée contre le Roi de ce qu’il ne l’y a jamais abordée, car Sa Majesté n’y quitta jamais la Reine, et l’on croit que si cette demoiselle continue à être de cette humeur, qu’elle se perdra. »

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