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Louis XIV
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Lettre de Guy Patin concernant la paix après le siège de Paris par le roi établi à Saint-Germain-en-Laye

« Sur les propositions d’un second envoyé de l’archiduc Leopold, la cour, avant que d’en deliberer, a arreté d’en donner avis à la Reine, et a envoyé à Saint Germain expres pour obtenir passeport, afin d’y pouvoir aller en sureté, et a eté arreté que les deputés qui iroient à Saint Germain ne seroient plus MM. les gens du Roi, mais qu’ils seroient pris du corps de la cour, savoir M. le premier president, avec un president à mortier, deux conseillers de la grand’chambre, un deputé de chaque chambre des cinq des enquetes, et deux des requetes, c’est à dire onze en tout. La Reine, ou au moins son conseil, a fait difficulté d’envoyer et d’accorder ce passeport, disant qu’elle vouloit savoir quels seroient ces deputés. Mais tout cela n’etoit que pour gagner du temps, en attendant reponse de deux deputés qu’elle a envoyés à l’archiduc Leopold, où on croit qu’elle ni eux ne gagneront rien, vu que ledit archiduc Leopold s’est fort declaré pour nous et pour le parlement, par cet envoyé, et particulierement contre le cardinal Mazarin, joint qu’il a pres de soi une dame pleine de persuasion, qui est madame de Chevreuse, laquelle ce Mazarin a fait exiler hors de France, il y a plus de quatre ans, et qu’elle hait fortement sur toutes les choses du monde, et neanmoins lesdits deputés sont partis de cette ville, le mercredi 24 de fevrier, avec les assurances requises, et sont allés coucher à Saint Germain en Laye, pour y voir la Reine. Utinam feliciter ambulent, et que les remontrances serieuses que M. le premier [p. 428] president va faire à la Reine puissent lui disposer l’esprit à faire la paix et à ne rien porter à l’extremité, vu que tout est pardu, si elle en vient là, par le mauvais conseil des mechants politiques partisans, banqueroutiers et interessés, du nombre infini desquels elle est assiegée. Si la guerre s’echauffe davantage, nous en aurons tant plus de mal ; mais aussi les affaires s’irritant, il y aura beaucoup plus de danger pour la Reine. Tout le monde est ici merveilleusement animé contre la Reine ; ce cardinal, et M. le Prince, l’unique protecteur qui, voulant conserver dans la faveur et pres de la Reine ce malheureux cardinal, cause tous les desordres qui sont de deça. On crie ici tout haut avec beaucoup d’impatience qu’il ne faut point que nos generaux temporisent davantage, que nous n’avons que faire de secours etrangers, qu’il faut aller droit et tete baissée à Saint Germain assieger le chateau, dans lequel ce malheureux et maudit fourbe est enfermé, qu’il faut ramener le Roi et la Reine à Paris, et mettre dans la Conciergerie le cardinal, au meme lieu dans lequel fut autrefois mis Ravaillac, et de là le mener à la Greve, pour faire un exemple à la posterité, et apprendre aux Italiens à ne plus venir ici se fourrer si aisement à la cour, à la desolation et ruine d’un si florissant royaume, comme pareillement vouloit faire autrefois le marquis d’Ancre, qui en fit à la fin tres mauvais marchand, avec sa femme et a suite. […]
[p. 429] Tandis que le peuple et les mutins s’impatientent de la haine, qu’ils ont tous très grande, contre le Mazarin, les moderés et les plus sages esperent que MM. les deputés du parlement reviendront demain de Saint Germain, où ils sont allés saluer la Reine, et confere avec elle et les siens pour trouver quelque moyen, si detur in natura, d’apaiser et de pacifier tout le desordre de la guerre qui s’allume dans l’Etat, parmi un si grand mecontentement et presque universel de tous les bons François. […]
[p. 430] Enfin nos deputés sont revenus de Saint Germain le vendredi 26 de fevrier. Le samedi matin, ils ont fait leur rapport qu’ils avoient eté tres bien reçus à Saint Germain de tous les seigneurs et princes qui y sont, et meme de la Reine, laquelle leur a donné audiance dans son cabinet, assistée du duc d’Orleans, du prince de Condé, des quatre secretaires d’Etat, du cardinal Mazarin et de l’abbé de La Riviere. Le premier president lui parla en peu de mots, mais fort genereusement, et si hardiment que tout le monde s’etonna que la Reine ne lui imposat silence. Quand il eut achevé de parler, la Reine lui dit que, M. le chancelier n’ayant pu se trouver à cette conference à cause qu’il etoit malade, elle leur feroit savoir et entendre sa volonté par ecrit, ce qu’elle fit, dont voici la substance. La Reine ne refuse point un accommodement, et desirant de conserver sa bonne ville de Paris à son service, contre laquelle elle n’a aucune rancune ni desir de vangeance contre aucun qui que ce soit, ni en sa charge, ni en ses biens, ni en sa vie, elle desire que MM. du parlement deputent certain nombre de leur corps, et ce au plus tot, qui confereront de la paix entre elle et Paris en un lieu qui sera accordé et agréé de part et d’autre, à la charge que lesdits deputés auront tout pouvoir de conclure sur le champ de tous les articles, sans qu’il soit besoin d’en rapporter à la cour, et tout cela pour avoir tant plus tot fait ; à la charge que, des le jour meme que la cour de parlement aura accordé et nommé les deputés [p.431] pour ladite conference, elle ouvrira un passage par lequel il viendra du blé et autres provisions suffisamment pour Paris. Voilà ce qui fut rapporté à la cour samedi matin, et la deliberation fut remise au meme jour apres midi, à la charge que MM. les princes de notre parti y seroient appelés. Mais rien ne fut conclu ce jour là, lesdits sieurs princes ayant temoigné que cette deliberation ne leur plaisoit point, et le tout fut remis au lendemain dimanche, auquel fut conclu que deputés seroient nommés selon l’intention de la Reine. […]
[p. 432] Madame la Princesse la mere est à Saint Germain, laquelle tient, avec tout le reste de ce qui est à la cour, si fort notre parti contre le Mazarin que la Reine lui en a fait querelle, et de là ces deux femmes, echauffées sur le Mazarin, se sont fait de beaux reproches l’une à l’autre. […]
[p. 433] Enfin la paix a eté signée de part et d’autre, c’est à dire par les deputés de la Reine et les notres, le jeudi 11 de mars à neuf heures du roi, et vendredi soir, qui fut le lendemain, [p. 434] MM. nos deputés revinrent de Revel ; et ce meme jour là, il y eut dès midi ici entrée libre de beaucoup de denrées qui etoient arretées ici alentour. […] Trois articles particulierement deplaisent à quelques uns, et pour cet effet MM. nos deputés du parlement seulement sont retournés [p. 435] à Saint Germain avec une belle escorte en faire remontrance à la Reine, afin d’en obtenir quelque modification, comme il y a grande apparence qu’ils l’obtiendront, et meme M. le premier president l’a fait croire au parlement, et en ce cas là notre paix vaudra tout autrement mieux que la guerre de tous les princes et que le secours que l’on nous a tant promis de Normandie et de Poitou, qui a trop tardé à venir. Ils ont charge pareillement de traiter de l’accommodement des princes qui ont suivi notre parti. De ces trois articles, le premier est que le parlement, en corps, iroit faire une seance à Saint Germain, où le Roi en personne assisteroit et seieroit en son lit de justice, où seroit verifiée la declaration de paix avec tous ses articles, et datée datée Saint Germain, en recompense qu’au commencement de la guerre MM. du parlement n’avoient pas obei à la Reine lorsqu’elle vouloit qu’ils allassent à Montargis. Le deuxieme est de souffrir les prets pour deux ans au dernier douze. Il n’y a que ceux qui preteront leur argent aux grands partisans qui y pourront perdre, et infailliblement y perdront, car que le Roi n’est nullement en etat de payer ses dettes de longtemps, vu l’effroyable profusion qui a eté fait de ses finances par tant de voleurs depuis vingt cinq ans. Le troisieme est que MM. du parlement ne pourront faire le reste de cette année aucune assemblée generale dans la [p. 436] grande chambre sur matiere d’Etat. Mais à tous ces trois articles la solution y seroit aisée, et je pense que la Reine, dans le desir qu’elle doit avoir de la paix, les accordera tous trois, et autre chose meme, si on lui en demandoit. […] Nos deputés sont encore à Saint Germain en leur conference pour la paix, où ils ont obtenu une abolition des trois articles de ci-dessus. »

Lettre de Guy Patin concernant le retour à Paris d’une partie de la Cour établie à Saint-Germain-en-Laye

« Je vous dirai que, ce vendredi meme, M. le Prince arriva ici sur le soir, sans bruit et à petite compagnie, et des le lendemain, qui fut samedi, M. le duc d’Orléans, apres avoir couché ici deux nuits, s’en retourna à Saint Germain. M. le Prince s’en est aussi retourné à Saint Germain, apres avoir eté pareillement ici deux jours, et apres avoir bien reconnu qu’il est fort hai dans cette ville, pour le mal qu’il y a voulu faire à la defense d’un gros et pernicieux larron, qui meriteroit d’etre ecorché tout vif par la populace. Ce M. le Prince y est venu pour faire mine ; je ne sais si bientot il reviendra. Comme tous les esprits sont encore trop [p. 439] eschauffés et malcontents, je crois qu’il vaudroit mieux qu’il s’abstentat un peu et qu’il s’en allat plutot gagner quelque bataille ou prendre quelque ville en Flandre ou en Catalogne.
Toute la Cour est à Saint Germain. M. de Servien y est arrivé de Munster, qui a refusé la charge de surintendant des finances qu’on lui offre pour recompense, et notez que tous deux sont creatures mazarinesques, fort aimés et en grand credit. »

Lettre de Guy Patin concernant le siège de Paris par le roi établi à Saint-Germain-en-Laye

« Ceux qui decrient le parti de Paris en parlent avec passion et ignorance. C’est un mystere que peu de monde comprend : le parlement fait de son mieux et s’est fort bien defendu du siege mazarin, sur la parole que leur avait donnée M. le Prince, qui a tourné casaque. Les generaux ne vouloient que faire durer la guerre et faire entrer l’Espagnol en France. M. le Prince avoit un autre dessein, qui n’a pas reussi. Le siege de Paris ne lui servoit que de pretexte, car qu’est ce qu’il a fait ? Il a pris Meudon, Charenton, le Bourg de la Reine, et le tout sans canon. [p. 262] Il n’est mort personne de faim dans Paris, pas meme un mendiant. Pas un homme n’y a eté tué. Cinq mois durant, personne n’y a eté pendu ni fouetté. Le parlement et la ville sont demeuré dans le respect et le service du Roi, et comme la Reine et ceux de Saint Germain virent la grande union qui etoit dans Paris et les dangers dont ces emeutes nous menaçoient, on tint prudemment une conference à Saint Germain qui etablit la paix. Il y en a qui disent que le Mazarin ira dans la Flandre en qualité de generalissime pour quelque temps, mais il n’y a point d’apparence qu’il veuille quitter la Reine et qu’il ose si fort se fier à sa bonne fortune, qui le pourroit abandonner en ce cas là, vu qu’en son absence quelqu’un se pourroit presenter qui detromperoit la Reine, lui faisant connaitre comment ce pantalon de longue robe, ce comedien à rouge bonnet, est cause de tous nos maux et de la ruine de la France. »

Lettre de Guy Patin concernant le siège de Paris par le roi établi à Saint-Germain-en-Laye

« Plusieurs donnent ici avis au parlement de divers endroits où il y a de l’argent caché, lequel servira à faire la guerre, et la grosse recompense qu’on leur [p. 411] donne pour leur droit d’avis invitera beaucoup d’autres à en faire de meme par ci apres. On a pris chez M. Galland, secretaire du Conseil, 25000 livres ; chez M. Pavillon, aux Marais du Temple, 100000 ecus, qui venoient de Bordeaux. On a pris aux Gabelles 250000 livres. On en a cherché dans la maison de madame de Combalet, où l’on a trouvé de fort belles caches, mais pas d’argent. On a grande esperance d’en trouver ailleurs, tant celui du cardinal Mazarin que du defunt Richelieu. L’avis avoit eté donné qu’en on avoit caché en la pompe qui est la maison où est la Samaritaine sur le pont Neuf ; on y a bien cherché, mais on n’y a rien trouvé. On croit qu’il en a eté enlevé depuis un mois seulement et qu’il a eté emmené par eau à Saint Germain, où de present sont tous ceux à qui il peut appartenir. On se rejouit ici des bonnes nouvelles qui nous viennent de province et de Bretagne, où les parlements tiennent le parti du notre. On en croit autant de Toulouse et de Bordeaux, combien qu’on n’en ait eu aucune nouvelle, à cause que les courriers en ont eté divertis et emmenés à Saint Germain. Tout le monde est ici en une merveilleuse resolution contre le Mazarin, et combien que le pain y soit cher, neanmoins personne n’y gronde. […]
[p. 414] La nouvelle de la mort de M. de Chatillon a fort troublé toute la Cour, qui est à Saint Germain. Tous les seigneurs le regrettent, et toutes les dames crient si haut que c’est pitié ; depuis ce temps là, le Mazarin ne s’est plus montré, latet abditus ; il demeure caché dans le cabinet de la Reine, de peur d’etre tué ou massacré par quelqu’un de ceux qui detestent la guerre, dont le nombre n’est pas petit en ce pays là. […]
[p. 415] Il se presanta hier à la porte de Saint Honoré un heraut d’armes de la part de la Reine. Le parlement ne voulut pas qu’il fut admis dans la ville, la coutume n’etant d’envoyer des herauts qu’aux souverains, aux ennemis et aux rebelles, le parlement ne voulant passer pour aucun des trois, non plus que les princes qui tiennent ici notre parti, qui avoient eté appelés en parlement. Le heraut fut averti qu’il n’entreroit point ; et en meme temps, il fut ordonné par la Cour que MM. les gens du Roi se transporteroient à Saint Germain pur faire entendre à la Reine les raisons pour lesquelles le heraut qu’elle a envoyé n’a pas eté admis, avec defense à eux de faire aucune autre proposition à la Reine, de paix ni de guerre. MM. les gens du Roi sont allés parler audit heraut, mais ils n’ont pas voulu partir sans passeport, sauf conduit et assurance, pourquoi obtenir ils ont sur le champ ecrit à M. le chancelier, à M. Le Tellier, secretaire d’Etat, qu’un nommé Petit, compagnon dudit heraut, s’est offert de porter en leur nom à Saint Germain, et de leur en rapporter reponse s’il en etoit chargé. […]
[p. 416] On a surpris un homme pres d’ici, sur le chemin de Saint Germain, chargé d’environ quarante lettres, où, entre autres, il y en avoit quatre qui ecrivoient tout ce qui se fait et se passe à Paris fort exactement, et entre autres une, laquelle est d’un conseiller de la Cour, qui ne se peut deviner, mais qui neanmoins est fort soupçonné, et en grand danger d’etre decouvert, qui donnoit divers avis fort importants à M. le prince de Condé. […]
[p. 417] Le mardi gras, 16 de fevrier, MM. les gens du Roi, Talon, Bignon et Meliaud, ont reçu le passeport, l’assurance et le sauf conduit qu’ils avoient demandé pour aller à Saint Germain y voir la Reine, comme je vous ai dit ci dessus, et sont partis à cet effet et à cette intention le lendemain mercredi des Cendres, de grand matin, et en sont revenus le lendemain jeudi à quatre heures au soir. […]
[p. 419] MM. les gens du Roi ont rapporté à la Cour qu’en vertu du passeport qui leur avoit eté envoyé, ils s’etoient acheminés à Saint Germain avec l’escorte de la part de la Reine, que partout ils avoient eté tres bien reçus, et sur les chemins et là, et meme par la Reine, laquelle leur temoigna qu’elle ne vouloit aucun mal au parlement de Paris, ni en general ni en particulier, qu’elle etoit prete de leur en donner telles assurances qu’il seroit possible, et eut agreables les raisons qu’ils lui alleguerent de ce qu’on n’avoit pas reçu le heraut. M. le chancelier ayant parlé pour la Reine, le duc d’Orleans et le prince de Condé firent ce qu’ils purent pour rencherir par dessus, et temoignerent grande disposition à un accord. MM. les gens du Roi, ayant pris congé de la Reine, furent menés au lieu où ils devoient souper, auquel ils furent aussitôt visités par tous les plus grands seigneurs de la Cour. Sur ce rapport, le parlement a deliberé d’envoyer à Saint Germain quatorze deputés du corps du parlement, deux de chaque chambre, et fit, pour donner avis à la Reine que l’archiduc Leopold leur a envoyé un gentilhomme avec lettres de creance, par lequel il leur mande qu’il ne veut plus traiter de la paix [p. 420] avec le Mazarin, sachant l’arret qui a eté donné contre lui ; que c’est un fourbe et un mechant homme, qui a eludé tous les traités de paix que le roi d’Espagne a consenti etre faits par ses deputés depuis trois ans avec MM. de Longueville et d’Avaux, qu’il a loué avec eloge et tres honorablement, qu’il ne veut traiter de ladite paix qu’avec MM. du parlement, qu’il s’offre de traiter de la paix de France et d’Espagne, et meme de les en faire arbitres, qu’il est pret à recevoir leurs deputés, s’ils veulent lui en envoyer, ou qu’il est pret de leur en envoyer s’ils veulent les recevoir, qu’il veut faire la meme chose qu’ont faite autrefois quelques princes etrangers qui ont remis leurs interets et se sont soumis au jugement de ce parlement, qu’il a une armée de 18000 hommes toute prete, avec laquelle il pourroit prendre de nos villes frontieres, qu’il sait fort bien etre tres mal fournies, ou reprendre celles que nous tenons d’eux, mais qu’au lieu de tout cela il offre de nous l’envoyer pour nous en servir contre le Mazarin, et pour etre commandée par tel general que nous voudrons. Que si le parlement veut, il enverra ses deputés à Paris, si mieux il n’aime que ce soit à Bruxelles, ou en tout autre lieu qu’il voudra, que son armée ne bougera de la frontiere pour venir de deça à notre secours quand nous la demanderons, sinon qu’elle ne bougera de là et qu’elle ne servira point à d’autres, etc.
La Cour a ordonné que tout cela seroit enregistré, et que copie seroit tirée du registre et envoyée par les quatorze deputés à la Reine, afin qu’elle voie et connoisse quel credit nous avons dedans et dehors le royaume.
Le prince d’Orange a aussi ecrit à M. de Longueville, lui offrent 10000 Hollandois soldés pour trois mois. Le parlement d’Angleterre avoit aussi envoyé un deputé au parlement, comme a fait l’archiduc Leopold, mais il a eté arreté et mené à Saint Germain. »

Lettre de Guy Patin concernant le siège de Paris par le roi établi à Saint-Germain-en-Laye

« Je vous ecrivis ma derniere vendredi, 8 de janvier, et depuis ce temps là plusieurs choses fort memorables sont arrivées ici. Ce vendredi 8, tandis que le Roi et toute la cour etoient à Saint Germain, le parlement donna arret contre le Mazarin, par lequel il fut declaré criminel de lese majesté, comme perturbateur du repos public ; le samedi, il fut ordonné que l’on leveroit des troupes pour la defense de la ville de Paris, [p. 404] et ce meme jour M. d’Elbeuf le père, M. de Bouillon Sedan, frere ainé du marechal de Turenne, le marechal de La Mothe Houdancourt, le marquis de La Boulaye, le marquis d’Aubeterre et autres seigneurs se presenterent pour commander et avoir charge dans l’armee que Paris s’en alloit lever. […] [p. 405] M. du Tremblai, frere du defunt père Joseph, capucin, accusé d’avoir trop tot rendu la Bastille à MM. du parlement, a eté condamné à Saint Germain d’avoir la tete tranchée. La Reine est tellement irritée contre Paris qu’elle a chassé auprès d’elle mademoiselle Danse, qui etoit une de ses femmes de chambre, pour avoir voulu lui parler pour Paris. […] [p. 406] Quelques cavaliers des troupes de M. le prince de Condé sont allés de Saint Germain à Meudon, où ayant trouvé quelque resistance dans le château, par les paysans qui s’y etaient retirés, ils y ont joué de main mise et en ont tué plusieurs, puis ont pillé le château. […]
Toute la cour est à Saint Germain avec le Mazarin ; M. le Prince voltige de ça et de là avec des cavaliers, pour empêcher l’abord de Paris à toute sorte de marchandise. »

Lettre de Guy Patin mentionnant la volonté du roi de bâtir à Saint-Germain-en-Laye

« Sa Majesté a fait defense que personne n’ait à faire aucun batiment d’ici à dix lieues à la ronde. On dit que c’est pour faire quatre grands ateliers d’ouvriers aux maisons royales qu‘il veut faire rebatir ou achever, telles que sont le Louvre, Saint Germain en Laye, le bois de Vincennes, etc. »

Lettre de Guy Patin mentionnant le départ du roi de Saint-Germain-en-Laye

« Aujourd’hui au matin, ce 16 mai, est mort à Saint Germain M. Guenaut d’une apoplexie ; Dieu n’a pas permis que le vin emetique le sauvat, lui qui en a autrefois tant tué avec ce poisson et avec le laudanum chymisticum.
Le Roi est aujourd’hui parti de Saint Germain et a pris le chemin d’Amiens pour faire un grand voyage. »

Lettre de Guy Patin mentionnant le séjour du roi à Saint-Germain-en-Laye

« Le Roi est à Saint Germain, et on croit qu’il y sera encore tout le mois prochain, pour obliger d’autant plus la Reine à garder le lit encore longtemps que pour empecher ainsi l’accouchement avant terme. M. le premier president et le parlement ont revu la pretendue reformation de la chicane ; ils ont pourtant renvoyé le cahier à Saint Germain avec tres [p. 631] humble priere au Roi de vouloir bien revoir quelques observations qu’ils y ont faites. »

Lettre de Guy Patin mentionnant le séjour du roi à Saint-Germain-en-Laye

« Le Roi se trouve si bien à Saint Germain, et il s’y plait tant qu’il y veut passer l’hiver, et ne revenir à Paris qu’à la fin du careme.
[…]
L’envoyé du Grand Turc n’est plus à Issy, il est aujourd’hui logé dans Paris, derriere la place Royale, à l’hôtel de ville ; il a eté à Saint Germain en ceremonie, mais on ne sait encore rien de particulier de ces affaires. »

Lettre de Guy Patin mentionnant le séjour du roi à Saint-Germain-en-Laye

« Trainel, fils d’un papetier devant le Palais, agé d’environ vingt huit ans, apres avoir eté condamné au Chatelet, a été transferé à la Conciergerie. Enfin, apres environ un mois de temps, son appel a eté jugé à la Tournelle, et la sentence confirmée ; tot apres on a apporté au president de la Tournelle, qui est M. Le Coigneux, une lettre de cachet, par laquelle le Roi veut que l’execution soit sursise. Des le lendemain (ce 25 fevrier), messieurs de La Tournelle ont envoyé des deputés au Roi pour lui faire entendre la justice de leur arret. M. le president Le Coigneux a donc eté à Saint Germain, où il a eté bien reçu du Roi et bien ecouté. M. Renard, conseiller de la grand chambre et rapporteur du proces, y estoit aussi. »

Lettre de Guy Patin mentionnant l’abandon du fort Saint-Sébastien près de Saint-Germain-en-Laye

« Le Roi a ordonné la dissolution de son camp. On en prend 15000 hommes que l’on envoie à Saint Quentin en Vermandois, d’où ils seront commandés pour le rendez-vous qu’on tient encore secret. Il y a toute apparence que ce sera contre les Hollandais. Ils sont devenus si glorieux depuis leur commerce des Indes que ceux qui traitent avec eux disent qu’ils sont insupportables. Le Roi s’en est cru méprisé et on croit qu’il en garde son ressentiment jusqu’à l’occasion de les en faire repentir. On a envoyé encore 6000 hommes vers Soissons et d’autres ailleurs. »

Lettre de Guy Patin mentionnant un incident lié à une revue de troupes faite par le roi à Saint-Germain-en-Laye

« Quinze soldats de la compagnie dite des royaux ont eté noyés au lac de Conflans, pres de Saint Germain et Andrezy, qui venoient pour la revue que le Roi a fait faire pres de Saint Germain ; dans la plaine de Houille. Le vaisseau, qui etoit trop chargé, s’est entr’ouvert par le milieu ; ils en sont tous morts, et ont eté repechés le lendemain. Le Roi est fort faché de cette perte. »

Lettre de Guy Patin mentionnant un possible séjour du roi à Saint-Germain-en-Laye

« Le Roi et le Mazarin partirent hier pour aller passer quelques jours à Saint Germain, où on se resoudra par quel voyage le Roi commencera sa campagne. […]
[p. 244] M. de Maisons, president à mortier, avoit eté exilé ; il est revenu et a marié sa fille avec un grand maitre de la garde robe nommé M. Saucour, et ainsi a refait sa paix. Il avoit la charge de capitaine de Saint Germain et maitre des chasses, qu’on avoit donnée à M. de Beaumont. En ce voyage de Saint Germain, le Roi la doit oter audit de Beaumont, et y installer ledit de Saucour : ainsi voilà M. de Maisons, jadis en disgrace, tout retabli. Ainsi le temps, le credit et l’argent font tout, partout, et principalement à la cour, uni nummus multus magnum nomen est. »

Lettre de Guy Patin mentionnant un séjour du roi et de la reine mère à Saint-Germain-en-Laye

« La Reine mere a de mauvaises nuits. Elle va neanmoins avec le Roi à Saint Germain. On dit aussi que ses douleurs s’accroissent, et qu’elles sont plus poignantes que de coutumes. […]
[p. 526] La Reine mere fut hier, ce 26 avril, saignée à Saint Germain pour diminuer la douleur et la fluxion de sa mamelle ; elle s’est ennuyée à Saint Cloud, aussi fait elle à Saint Germain ; on dit qu’elle se fera ramener au Bois de Vincennes. […]
[p. 527] Je viens d’apprendre que le Roi et les Reines quittent Saint Germain, et que toute la cour revient au Bois de Vincennes. »

Lettre de Guy Patin mentionnant un séjour du roi à Saint-Germain-en-Laye après la mort de sa mère

« Aujourd’hui, ce 20 janvier, je vous ecris la mort de la Reine mere, qui est arrivée cette nuit du 20 janvier. Mais je ne sais quel chemin elle peut avoir pris : trouvera t elle en l’autre monde le cardinal Mazarin ? […] Des qu’elle est morte, le Roi est allé à Versailles : c’est pratiquer le precepte du Seigneur, sinite mortuos sepelire mortuos. Il a emmené quant et soi la jeune Reine sa femme, et M. le duc d’Orleans et sa femme s’en sont allés à Saint Cloud. […]
[p. 580] Le Roi et la Reine seront demain à Saint Germain en Laye, et le corps de la Reine mere sera porté sans ceremonie à Saint Denis. »

Lettre de Guy Patin mentionnant une revue de troupes faite par le roi à Saint-Germain-en-Laye

« Le Roi veut faire faire la revue à ses 10000 hommes, quatre ou cinq jours durant, dans la plaine de Houille entre Saint Germain, Sartrouville et Argenteuil, où il fera voir une belle representation de la guerre aux dames de la cour, qui aiment de tels combats, où l’on s’echauffe jusqu’à la sueur meme, mais où l’on ne tue personne. Apres cette revue faite, on dit que les troupes ont ordre de marcher au rendez vous qui leur sera assigné. Mais où sera ce ? Personne ne le sait que ceux qui commandent, et je ne puis encore me persuader que ce soit en Flandre, et plut à Dieu que ce fut plutôt contre le Turc. »

Lettre de Philippe d’Orléans concernant l’arrestation du chevalier de Lorraine dans son appartement au Château-Neuf

« Monsieur, à M. Colbert
Villers Coterets, le 2 fevrier 1670
Monsieur Colbert,
Comme depuis quelque temps je vous crois de mes amis, et que vous etes le seul de ceux qui ont l’honneur d’approcher le Roi qui m’en ayez donné des marques dans l’epouvantable malheur qui me vient d’arriver, je crois que vous ne serez pas faché que je vous prie ici de dire au Roi que je suis venu ici avec la derniere douleur de me voir obligé de m’eloigner de lui, ou de demeurer avec honte à sa Cour. Que je le prie de considerer ce qu’on diroit dans le monde si l’on me voyoit gai et tranquille dans les plaisirs de Saint Germain et du carnaval, pendant qu’un prince innocent, le meilleur ami que j’aie sur la terre, et attaché à moi, languit pour l’amour de moi dans une miserable prison ; de plus, la manière dont on l’a pris a eté pour moi le plus sensible affront que je pusse recevoir, ayant eté longtemps incertain si c’etoit à ma personne que l’on en vouloit, ma chambre ayant eté assez longtemps environnée de toutes parts de gardes, tant [p. 462] aux portes qu’aux fenetres, et tous mes domestiques, epouvantés, me vinrent dire qu’ils ne savoient si c’etoit à moi qu’on en vouloit. De plus, le Roi fit demander à ma femme quel parti elle vouloit prendre ; cela marquoit dont qu’il avoit envie d’autoriser qu’elle ne fit pas son devoir à mon egard en me fuyant. Malgré toutes ces raisons, si je m’etois cru utile au service du Roi, je ne l’aurois pas quitté ; mais la manière dont il m’a traité toute sa vie me fait bien croire le contraire. Je sais que dans l’humeur où je suis, je ne pourrois lui etre que desagreable, et qu’il auroit de la peine meme à avoir à tous momens devant ses yeux un frere qu’il a mis dans le derniere desespoir, que cela seroit tres ennuyeux pour lui, et fort honteux pour moi, que je n’ai aucun dessein que de lui cacher ma sensible douleur, jusques à tant qu’il veuille me redonner de la joie. Que si j’osois je prierois le Roi de se mettre à ma place et de songer à ce qu’il feroit dans une pareille occasion, de me donner conseil lui meme, un conseil tel qu’il le croiroit honnete pour moi, et que tout le monde vit qu’il l’a donné à un frere, qui n’a songé toute sa vie qu’à lui etre agreable et à lui plaire. Cependant j’aime mieux vous ouvrir mon cœur qu’à tout autre, parce que je sais que vous etes sincere et de bonne foi, que vous n’avez d’autres interets que ceux du Roi, et que vous savez mieux que personne que mon malheur m’est arrivé dans un temps où je meritois un autre traitement assurement par toutes les choses que je sacrifiois tous les [p. 463] jours au Roi ; que si M. le chevalier de Lorraine etoit coupable, j’aurois eté le premier à l’eloigner d’aupres de moi, mais qu’il n’a jamais songé qu’à pouvoir meriter ses bonnes graces et son estime ; que j’en pouvois repondre, connoissant mieux que personne le fond de son cœur ; qu’enfin je ferois voir, à la honte de mes ennemis, que j’aimois le Roi plus que moi meme, mais qu’il me donnat les moyens d’accorder ma tendresse avec mon honneur, et qu’en cela je le conjurois de songer que j’etois son frere.
Apres cela, je n’ai rien à vous dire, que de vous assurer que je serai toute ma vie, M. Colbert, votre bien bon ami.
Philippe »

Philippe, duc d'Orléans

Lettre de madame de Sévigné à sa fille concernant l’installation de la Cour d'Angleterre à Saint-Germain-en-Laye

« A Paris, lundi 10 janvier 1689
[…] L’abbé Tetu est dans une insomnie qui fait tout craindre. Les medecins ne voudroient pas repondre de son esprit ; il sent son etat et c’est une douleur : il ne subsiste que par l’opium ; il tache de se divertir, de se dissiper, il cherche des spectacles. Nous voulons l’envoyer à Saint Germain pour y voir le roi, la reine d’Angleterre et le prince de Galles : peut on voir un evenement plus grand et plus digne de faire de grandes diversions ? Pour la fuite du roi, il paroit que le prince [d’Orange] l’a bien voulu. Le roi fut envoyé à Excester où il avoit dessein d’aller : il etoit fort bien gardé par le devant de sa maison, et toutes les portes de derriere etoient ouvertes. Le prince n’a point songé à faire perir son beau père ; il est dans Londres à la place du roi, sans en prendre le nom, ne voulant que retablir une religion qu’il croit bonne et maintenir les loix du pays sans qu’il en coute une goutte de sang : voilà l’envers tout juste de ce que nous pensons de lui ; ce sont des points de vue bien differents. Cependant, le Roi fait pour ces Majesté angloises des choses toutes divines ; car n’est ce point etre l’image du Tout Puissant que de soutenir un roi chassé, trahi, abandonné ? La belle ame du Roi se plait à jouer ce grand role. Il fut au devant de la reine avec toute sa maison et cent carrosses à six chevaux. Quand il aperçut le carrosse du prince de Galles, il descendit et l’embrassa tendrement, puis il courut au devant de la reine qui etoit descendue, il la salua, lui parla quelque tems, la mit à sa droite dans son carrosse, lui presenta Monseigneur et Monsieur, qui furent aussi dans le carrosse, et la mena à Saint Germain, où elle se trouva toute servie comme la reine, de toutes sortes de hardes, parmi lesquelles etoit une cassette tres riche avec six mille louis d’or. Le lendemain, il fut question de l’arrivee du roi d’Angleterre à Saint Germain, où le Roi l’attendoit : il arriva tard ; Sa Majesté alla au bout de la salle des gardes au devant de lui ; le roi d’Angleterre se baissa fort, comme s’il eut voulu embrasser ses genoux ; le Roi l’en empecha et l’embrassa à trois ou quatre reprises fort cordialement. Ils se parlerent bas un quart d’heure ; le Roi lui presenta Monseigneur, Monsieur, les princes du sang et le cardinal de Bonzi ; il le conduisit à l’appartement de la Reine, qui eut peine à retenir ses larmes. Apres une conversation de quelques instans, Sa Majesté les mena chez le prince de Galles, où ils furent encore quelque tems à causer, et les y laissa, ne voulant point etre reconduit, et disant au roi : « Voici votre maison, quand j’y viendrai vous m’en ferez les honneurs, et je vous les ferai quand vous viendrez à Versailles ». Le lendemain, qui etoit hier, madame la Dauphine y aller, et toute la Cour. Je ne sais comme on aura reglé les chaises de ces princesses, car elles en eurent à la reine d’Espagne, et la reine mere d’Angleterre etoit traitée comme fille de France : je vous manderai ce detail. Le Roy envoya dix mille louis d’or au roi d’Angleterre. Ce dernier paroit vieilli et fatigué, la reine maigre et des yeux qui ont pleuré, mais beaux et noirs, un beau teint un peu pale, la bouche grande, de belles dents, une belle taille et bien de l’esprit ; tout cela compose une personne qui plait fort. Voilà de quoi subsister longtems dans les conversations publiques. »

Lettre de madame de Sévigné à sa fille concernant l’installation de la Cour d'Angleterre à Saint-Germain-en-Laye

« A Paris, mercredi 12 janvier 1689
Vous etes retirée à cinq heures du roi ; vous avez donc fait vos rois à dîner : vous etiez en fort bonne compagnie, et aussi bonne qu’à Paris. Il ne tiendra pas à moi que l’archevêque [d’Aix] ne sache que vous etes contente de lui ; je le dis l’autre jour à madame de La Fayette, qui en fut fort aise ; elle a resolu que vous ne preniez point tous deux l’esprit ni les pensées de Provence.
Mais parlons du roi et de la reine d’Angleterre ; c’est quelque chose de si extraordinaire d’avoir là cette Cour, qu’on s’en entretien sans cesse. On tache de regler les rangs et de faire vie qui dure avec gens si loins d’etre retablis. Le Roi disoit l’autre jour, et que ce roi etoit le meilleur homme du monde, qu’il chassoit avec lui, qu’il viendroit à Marly, à Trianon, et que les courtisans devoient s’y accoutumer. Le roi d’Angleterre ne donne pas la main à Monseigneur et ne le reconduit pas. La reine n’a point baisé Monsieur, qui en boude ; elle a dit au Roi : Dites moi comment vous voulez que je fasse ; si vous voulez que ce soit à la mode de France, je saluerai qui vous voudrez : pour la mode d’Angleterre, c’est que je ne baisois personne. Elle a été voir madame la Dauphine, qui est malade et qui l’a reçue dans son lit. On ne s’assied point en Angleterre ; je crois que les duchesses feront avec elle à la mode de France, comme avec sa belle mère. On est fort occupé de cette nouvelle Cour.
Cependant le prince d’Orange est à Londres, où il fait mettre des Mylords en prison ; il est severe et il se fera bientot hair. M. de Schomberg est general ds armées en Hollande, à la place de ce prince, et son fils a la survivance : voilà le masque bien levé. »

Lettre de madame de Sévigné à sa fille concernant l’installation de la Cour d'Angleterre à Saint-Germain-en-Laye

« A Paris, mercredi 26 janvier 1689
[…] Peut etre que le prince d’Orange n’aura pas le tems cette année de songer à la France ; il a des affaires en Angleterre et en Irlande, où l’on veut armer pour le Roi : nos mers sont toutes emues, il n’y a que notre Mediterranée qui soit tranquille. Je ne sais à qui en ont vos femmes avec leurs vœux extravagans ; je voudrois y ajouter de ne plus manger d’oranges et de bannir l’oranger en arbre et en couleur : ce devroit être sur nos cotes que l’on fit toutes ces folies.
Je crois, en verité, que le roi et la reine d’Angleterre sont bien mieux à Saint Germain que dans leur perfide royaume. Le roi d’Angleterre appelle M. de Lauzun son gouverneur, mais il ne gouverne que ce roi, car d’ailleurs sa faveur n’est pas grande. Ces Majestés n’ont accepté de tout ce que le Roi vouloit leur donner que cinquante mille francs, et ne veulent point vivre comme des rois ; il leur est venu bien des Anglois, sans cela ils se reduiroient encore à moins : enfin, ils veulent faire vie qui dure. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant la maladie de la fille du roi à Saint-Germain-en-Laye

« Paris, le 24 février 1672
Leurs Majestés sont dans une grande affliction de Madame, leur fille, qui est moribonde et presque sans espérance qu’on la puisse sauver. Dimanche dernier, elle tomba dans une grande faiblesse, accompagnée de convulsions qui ne l’ont plus quittée. On dit qu’elle a perd la vue et la parole. On adapte cet accident à un abcès qu’elle a dans la tête et qui pousse en dedans. Elle en a déjà eu à l’oreille, ce qui l’avait un peu défigurée, et on n’espérait pas qu’elle puisse vivre. Néanmoins, ce coup a étonné Leurs Majestés. Dès aussitôt que Madame sera morte, Elles se retireront à Versailles pour y demeurer jusques à Pâques et dès à cette heure on prendra le grand deuil. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant la maladie de la fille du roi à Saint-Germain-en-Laye

« Paris, le 26 février 1672
On croyait hier matin que la petite Madame mourrait ; elle fut dans un si grand assoupissement que l’on doutait qu’elle était encore en vie ; on lui mettait des miroirs devant la bouche sans qu’elle les flétrît. Le Roi n’attendait que le moment qu’elle eût expiré pour se retirer à Versailles, tous les bagages étant chargés pour cela. On avait donné le matin l’émétique à cette princesse et on désespérait qu’il eût aucun effet favorable lorsque l’après midi cette princesse parla aux femmes qui la gardaient et leur dit de lui donner une cornette de point de France, ce qui donna des grandes espérances de joie à toute la Cour. On lui donna du bouillon qu’elle trouva bon, le médicament [p. 256] fit son effet ; du depuis, elle a été un peu mieux, que si elle continue jusqu’à demain dans le bon état où elle est présentement, on espère de la sauver pour cette fois. C’est ce que mon écuyer vient de m’apprendre, lequel j’avais envoyé exprès à Saint Germain pour en apprendre des nouvelles.
Le Roi a été dans un grand déplaisir durant tout le mal de Madame. On ne l’avait jamais vu si troublé. Il n’a presque pas dormi et envoyait, durant le gros de la nuit, de demi heure en demi heure, pour savoir l’état auquel elle se trouvait. Si Dieu le console cette fois, il n’y à appréhender sinon que ce ne soit pas pour longtemps. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant la mort de la fille du roi à Saint-Germain-en-Laye

« Paris, le 2 mars 1672
L’amélioration qui a paru aux maux de Madame n’a pas été de longue durée ; lundi au soir, les accidents et les convulsions qui avaient cessé, il y avait quelques jours, se renouvelèrent avec tant de violence que l’on jugea à l’abord qu’elle n’en réchapperait plus. Elle fut dans l’agonie jusques à hier à dix heures qu’elle expira. Leurs Majestés en sont dans une affliction qui n’est pas concevable. On a vu le Roi presque toujours dans la chambre de Madame durant ces deniers accidents, et les yeux en larmes. Elles se retirèrent hier à Versailles et y finirent dans une profonde mélancolie le carnaval. On va prendre le grand deuil comme à la mort du duc d’Anjou. J’ai [p. 258] déjà donné des ordres pour habiller mes domestiques et draper deux carrosses. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant la mort du duc d’Anjou à Saint-Germain-en-Laye

« Paris, le 13 juillet 1671
J’ai cru être obligé de faire passer cette lettre à Votre Altesse royale par un courrier exprès de Lyon à Chambéry pour lui faire savoir la mort de M. le duc d’Anjou et que Leurs Majestés en sont dans une affliction des plus grandes, le Roi n’en ayant pas encore montré de pareille, à ce que tous ses vieux courtisans assurent. Il mourut vendredi au soir dans un temps de tonnerre. Le Roi était pour lors entre Senlis et Luzarches. Il coucha en ce dernier lieu, où il apprit la mauvaise nouvelle, car il n’était éloigné de Saint Germain que de six lieues. Il eut le lundi, à Ath, la nouvelle que ce prince s’affaiblissait notablement et qu’il n’y avait presque plus d’espérance pour le sauver. Il résolut d’en partir le mardi pour le venir faire servir, bien que son retour n’eût été fixé qu’au samedi. J’étais parti de Lens le lundi et le mardi matin je sus la [p. 110] résolution de Sa Majesté, entre Valenciennes et Cambrai, par M. le duc de Longueville et quelques seigneurs de la Cour qui venaient ici sur des chevaux de poste. Je continuai mon chemin dans la grande route pour fuir la marche du Roi, comme aussi les embarras et les incommodités qui s’y rencontrent, ce que je ne pus éviter, car une bonne partie des seigneurs de la Cour suivirent mon exemple.
J’arrivai à Senlis une heure après que Leurs Majestés y eurent passé, bien qu’elles eussent fait grande diligence, et arrivai avant-hier en cette ville, où je sus que Leurs Majestés, de Luzarches étaient allées coucher à Maisons pour fuir Saint Germain, et de là passèrent hier à Versailles, accablées de douleur et de tristesse qui est assurément générale parmi la noblesse et le peuple.
On a ouvert le corps de feu M. le duc d’Anjou ; on lui trouvé le foie pourri, les poumons gâtés et beaucoup d’eau dans l’estomac, ce qui augmente les craintes de toute la Cour puisqu’on trouva les mêmes défauts en feue Madame, sa sœur, la première [p. 111] fille du Roi et que l’on voit que monsieur le Dauphin est sujet à de grandes infirmités, ayant encore présentement un peu de dévoiement, les médecins ayant dit déjà plusieurs fois que tous les enfants de Leurs Majestés avaient les intestins faibles et qu’en cela ils ressemblaient au feu roi Louis XIII. Dieu leur donnera une meilleure santé, s’il lui plait, pour la consolation de tous ceux qui y sont intéressés. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant le départ de la cour pour Saint-Germain-en-Laye

« Paris, le 24 avril 1669
La Cour ira lundi à Saint Germain, et pour longtemps. Les dames sont prêtes à voyager après avoir [p. 305] demeuré cinq mois à aller chez la Reine ; elles l’ont vue aux Carmélites et à sa toilette ; ce n’a pas été sans quelques railleries de son côté, mais très modérées et galantes. C’est un petit miracle de voir de l’air qu’elle prend ces sortes de choses. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant le départ du roi de Saint-Germain-en-Laye

« A Paris, le 2 mai 1670
Le Roi partit lundi dernier de Saint Germain pour le voyage de Flandre, avec une des plus belles et des plus pompeuses suites que l’on puisse voir. Ils étaient huit dans son carrosse, lui, la Reine, Monsieur, madame la duchesse d’Orléans, mademoiselle de Montpensier, la duchesse de La Vallière, la comtesse de Béthune et la marquise de Montespan. Le temps était mauvais aussi bien que les chemins, son carrosse demeura embourbé en plusieurs endroits et une partie des bagages de [p. 423] la Cour, qui ne peut arriver la première nuit à Senlis. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant le départ du roi de Saint-Germain-en-Laye

« Paris, le 27 avril 1672
Je viens d’arriver de Saint Germain. Comme le Roi avait résolu de partir seulement demain, j’y avais conduit M. le comte Cagnol pour faire un peu de cour et nous attentions dans la cour du vieux château l’heure que Sa Majesté dut aller à la messe pour nous faire voir à Elle. Tout d’un coup, on a dit qu’Elle allait partir, sans que personne l’eût pénétré, car Elle n’en avait rien dit à son lever. Elle est soudain descendue à la chapelle pour entendre la messe, puis est montée seule dans une calèche à six chevaux, M. de Duras une autre, accompagnée de dix à douze gardes, et est partie à onze heures pour aller coucher [p. 279] à Nanteuil chez M. le duc d’Estrées et ira demain à Villers Cotterets, où Monsieur et tout ce qui ira joindre le Roi se rendra. Il n’a dit adieu qu’à la Reine et à monsieur le Dauphin ; ceux qui étaient les plus proches de lui lui ont fait la révérence, mais fort à la hâte. Jamais il n’y a eu de pareille surprise à la Cour ; personne n’en a jamais pu pénétrer la véritable cause. On disait bien que ç’a été pour éviter les tendresses qu’il aurait pu avoir en l’adieu des dames. Je ne le crois pas ; en tout cas, si Votre Altesse royale se le persuade, il sera bien de n’en pas parler. Madame de Montespan était sortie de bon matin de Saint Germain, je l’ai rencontrée dans la garenne dans une calèche à six chevaux. Je ne l’ai pas vue, car les rideaux étaient tirés, mais je me suis figuré que c’était elle, à voir derrière son carrosse les gardes qui ont accoutumé de la suivre, et quand j’ai été à Saint Germain, j’ai su que c’était bien elle, et qu’assurément elle était venue en cette ville, bien que je me figurasse qu’elle allait attendre le Roi à Nanteuil. »

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