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Description archivistique
Bibliothèque nationale de France Pièce
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Description du petit parc de Saint-Germain-en-Laye, par Antoine, porte-arquebuse du roi

« [f. 32] Estat present du petit parc de Saint Germain en Laye au commencement de l’année 1686
Led. parc contient la quantité de quatre cent seize arpens quatorze perches tant en bois de futaye, routes, places vuides, la grande terrasse que la maison et jardin du chasteau du Val, lesquels sont figurez sur la carte avec l’explication de la nature, qualité et quantité de bois et terrain qui se trouvent dans chaque endroit, le tout cotté par ciffres conformément au present estat.
Premierement, à l’entrée dud. parc tenant au jardin,

  1. Futaye en retour contenant vingt deux arpens quatre vingt seize perches un quart
    Cette futaye est toute morte en cime et quelques arbres en racine, laquelle deperit tous les jours, estant sur son retour. Il seroit necessaire, pour l’ornement dud. parc, de l’abattre pendant qu’elle a encore un peu de vie pour repeupler ce canton d’un nouveau [f. 32v] bois qu’on laisseroit revenir à la suitte des temps en haut recru, qui seroit plus agréable à voir que ces bois secs.
  2. Futaye sur le retour contenant dix arpens cinquante perches
    Cette futaye est aussy en retour, mais il y a plus d’arbres vifs que dans la partie cy devant. Il se trouve vers le bout du mail, du costé du Val, quelques jeunes chesnes et charmes qui renouvellent ce canton, lesquels font un assez beau couvert.
  3. Jeune futaye de bonne essence contenant cent soixante sept arpens cinquante cinq perches
    Cette futaye est garnie de plus des trois quarts de charmes et d’érables, et le surplus de chesne, laquelle est fort eslevée mais plus dans le fond du costé du mur du parc que vers la terrasse. Elle est de fort bonne essence, faisant un agréable couvert, s’y trouvant très peu d’arbres morts en cime et en racine.
  4. La grande terrasse contenant, [f. 33] y compris deux vuides entre icelle et la futaye de [vide]
  5. Futaye moderne contenant vingt trois arpens soixante dix perches
    Cette futaye est meslée de chesne et de charme par endroits et dans d’autres tous chesnes, dont une partie sont morts en cime, et particulièrement du costé de l’octogone où il y a quantité d’arbres morts en racine.
  6. Ancienne futaye contenant seize arpens cinquante cinq perches
    Cette futaye est plantée de chesne d’une assez belle hauteur, et particulierement vers le fonds, meslée de quelques charmes par endroits, le tout de bonne essence à la reserve de quelques arbres morts en cime.
  7. Grand vuide contenant [vide]
    Ce vuide est une place deserte de bois tenant au chasteau du Val.
  8. Le chasteau et jardin du Val contenant [vide]
    [f. 33v] 9. Haute futaye contenant soixante onze arpens soixante cinq perches
    Cette futaye est passablement peuplée et meslée d’arbres vifs, de morts en cime, et d’autres en racine, tout chesnes, ayant très peu d’autres bois. Les arbres sont d’une belle hauteur, et de moyenne grosseur.
  9. Vieille futaye sur le retour contenant vingt sept arpens
    Cette futaye est une des plus anciennes de la forest, dont la plus grande partie des arbres sont morts en cime, en cœur et en racine, lesquels n’ont pas beaucoup de hauteur, mais ils sont passablement gros et peu garnis, faisant de grandes clairières où il n’y a rien. »

Récit par le maître des cérémonies Nicolas Sainctot de l’installation du roi et de la reine d’Angleterre à Saint-Germain-en-Laye

« [f. 481] Arrivée de la reyne d’Angleterre en France avec le prince de Galles le 21 decembre 1688 et celle du roy d’Angleterre le 2 janvier 1689
Aussytost que la reyne d’Angleterre fut arrivée avec le prince de Galles à Callais, M. le duc de Charost, qui en est gouverneur, en donna avis au Roy.
Le Roy fit partir dans l’instant le marquis de Belinghem, son premier escuyer, avec un de ses carrosses du corps pour la reyne et deux autres carrosses de suitte, huit pages et quelques valets de pied.
Le Roy ordonna à monsieur le Prince, grand maistre de sa Maison, d’envoyer les officiers necessaires pour le traittement de la reyne.
Monsieur le Prince fit choix du sieur d’Esrouville, maistre d’hostel, et luy dit de mener avec luy deux gentilshommes servans, un controlleur clerc, un commis du controlleur general, des officiers de la Bouche et du Goblet avec un officier de panneterie et de fouriere.
Sa Majesté ordonna aussy à l’evesque d’Orleans, premier aumosnier, de nommer un chapelain et un clerc de chapelle,
Au duc de la Trimouille, premier gentilhomme de la chambre, deux huissiers de la chambre,
Au marechal de Lorge, capitaine des gardes du corps, de detacher 40 gardes avec le sieur de Saint Viance, lieutenant des gardes, les sieurs Demyanne et Hauteforts, exempts,
Au marquis de Thiladet, capitaine des Cent Suisses de sa garde, de faire partir 20 suisses, un exempt et un fourier,
[f. 481v] Au marquis de Sourches, grand prevosté de l’hostel, quatre gardes de la prevosté,
Au comte de la Chaise, capitaine de la porte, quatre gardes de la porte.
Le sieur de Cavois, grand mareschal des logis, eut ordre aussy d’envoyer deux mareschaux des logis et quelques fourriers.
Il n’y eut point d’officiers de ceremonie : la reyne ne vouloit point qu’on luy fit aucune reception dans les villes. Sa Majesté britanique demeura peu à Calais. Elle en partir le 23 decembre pour se rendre à Boulogne où la maison du Roy la joignit. Elle y sejourna quelques jours, ne pouvant se resoudre à s’esloigner de la mer pour avoir plus promptement des nouvelles du roy d’Angleterre, mais tous les bruits qui couroient que le roy avoit esté pris en se sauvant d’Angleterre firent qu’on pressa son depart pour la tirer d’un lieu où elle se trouvoit livrée toute entiere à sa douleur et sans aucune consolation.
Pendant qu’elle estoit en chemin, le roy receut des nouvelles que [le] roy d’Angletere s’estoit enfin sauvé et qu’il estoit arrivé le 2e de janvier, à quatre heures du matin, à Ambleteuse, à deux lieues de Boulogne.
La reyne d’Angleterre devant arriver à Beaumont le 5 janvier, le Roy y envoya le comte d’Armagnac, son grand escuyer, luy faire des complimens de sa part et de celle de monseigneur le Dauphin. Il eut ordre aussy d’aller ensuite complimenter [f. 482] le roy d’Angleterre. Sa Majesté ordonna en mesme temps au marquis de Belinghen de mener au roy d’Angleterre un carrosse du corps et d’en faire tenir trois sur la route, un à Beaumont, un à Luzarche et le 3e à Saint Denis.
Madame la Dauphine envoya le marquis d’Anjeau, son chevalier d’honneur, complimenter la reyne. Monsieur envoya le comte de Chastillon, son premier gentilhomme, Madame, le marquis de la Rongere, son chevalier d’honneur.
Le baron de Riviere, capitaine des gardes de M. le Prince, y fut de la part de son maistre, et de celle de madame la Princesse, de monsieur et de madame la Duchesse.
Toutes les personnes qui avoient esté complimenter la reyne allerent au devant du roy de la part de leurs maistres et de leurs maistresses luy faire les mesmes complimens.
Le 6, le Roy voulut aller au devant de la reyne d’Angleterre. Il se rendit au deça du vilage de Chatou dans la plaine de Saint Germain. Sa Majesté estoit accompagnée des deux compagnies de ses mousquetaires, des chevaux legers des gardes du corps et de ses gensdarmes, qui tous se placerent hors les gardes du corps, au deça du pont du Pec.
Le Roy, qui avoit eu avis que la reyne approchoit, voyant venir le carrosse où le prince de Galles estoit, descendit du sien, fit [f. 483] arrester le carrosse du prince de Galles, baisa ce prince et l’embrassa sans permettre qu’on le descendit. Le reyne, qui suivoit de pres, mit pied à terre. Le Roy quitta le prince de Galles et vint à la Reyne, la salua, la baisa et, apres beaucoup de civilités, il luy presenta monseigneur le Dauphin et Monsieur qui la saluerent et la baiserent. Le Roy ensuite la prit par la main et la fit monter dans le fond du carrosse d’où elle venoit de descendre, la plaça à droit et se mit à gauche. Monseigneur le Dauphin et Monsieur se mirent dans l’autre fond et la donna Victoria et [vide] qui estoient venues avec la royne d’Angleterre se placerent sur le strapontin.
L’on marcha vers Saint Germain en cet ordre :
Les deux compagnies des mousquetaires
Les chevaux legers
Le carrosse du premier escuyer
Le carrosse du corps du Roy
Quatre chevaux legers à la teste du carrosse, quatre gardes du corps avec l’aide major marchant à la reste des chevaux du carrosse du Roy
Le carrosse où Leurs Majestés estoient
Les gardes du corps derriere le carrosse
Les gensdarmes
La marche fermée par les carrosses des princes
A la descente du carrosse, dans la cour du château de Saint Germain, le Roy donna la main [f. 483] à la reyne pour la mener dans son appartement, qui est celuy que la feue reyne occupoit. Où ayant esté peu de temps, il voulut mener le prince de Galles dans celuy qu’on luy avoit preparé, proche de l’appartement de la reyne, mais la reyne voulut l’en empescher et, ne l’ayant pu faire, le suivit. Ensuitte, ils revinrent ensemble dans la chambre de la reyne et de la passerent dans un cabinet où ils demeurerent seuls un quart d’heure, monseigneur le Dauphin et Monsieur estant restés dans la chambre.
Lorsque Leurs Majestés sortirent du cabinet, le Roy ne voulut jamais souffrir que la reyne le reconduisit, l’obligeant à demeurer dans sa chambre.
Le 7 janvier, sur les six heures du roi, le roy d’Angleterre arriva à Saint Germain dans les carrosses du Roy. Son premier dessein estoit de passer par Versailles pour y voir le Roy, mais le Roy luy manda qu’il l’alloit attendre à Saint Germain, ce qu’il fit. Pendant qu’il l’attendoit, il visita la reyne, qui estoit au lict. Comme on vint à parler dans la conversation du prince de Galles, la reyne dit au Roy : J’advoue, Monsieur, que j’estimois mon fils bien heureux de ne pas sentir ses malheurs, mais presentement je l’estime bien malheureux de n’estre pas en estat de connoistre les bontés que vous avez pour luy.
Le Roy estant averty que le roy d’Angleterre arrivoit dans la cour du château voulut aller au devant de luy jusques au haut de l’escalier. Mais la foule du courtisan l’empescha d’y arriver. Les deux roys se rencontrerent dans la salle des gardes [f. 483v] du corps, où ils s’embrasserent à diverses fois, se traiterent de Monsieur et de Majesté se parlant l’un à l’autre, et après s’estre donné des marques d’estime, le Roy crut qu’il ne faloit pas retarder le plaisir à la reyne de voie le roy d’Angleterre. Sa Majesté le pressa de passer le premier, luy donna le pas et la main, luy disant que pour aujourd’huy il vouloit faire les honneurs de sa maison, mais qu’apres l’avoir mis en possession, il seroit à luy à les faire à son tour.
Les roys et la reyne furent quelque temps en public. Le Roy mena ensuitte Sa Majesté britanique pour voir le prince de Galles. Ce fut là que, dans la conversation, le roy d’Angleterre conta la manière qu’il s’estoit sauvé de Rochester, estant assés persuadé que le prince d’Orange avoit favorisé sa retraite par la negligence des gardes qu’on luy avoit donné. De là, ils passerent chez la reyne où ils demeurerent une demye heure tous ensemble proche du lict. Le Roy sortant, le roy d’Angleterre voulut le reconduire. Le Roy luy dit : Monsieur, nous avons plus d’un jour à vivre ensemble, ne faisons point de ceremonie ; vous ne me reconduirez point. Le roy d’Angleterre ne sortit point de sa chambre et laissa aller le Roy comme il voulut.
Le 8, le roy d’Angleterre vint à Versailles voir le Roy. Lorsque Sa Majesté britannique arriva, la garde françoise et suisse estoit sous les armes, tambours battant, le Roy ayant donné un ordre pour tousjours au mareschal duc de [f. 484] La Feuillade, maistre de camp du regiment des gardes, au duc de Noailles, capitaine des gardes du corps, et au marquis de Thiliadet, capitaine des Cent Suisses, de faire rendre au roy d’Angleterre de pareils honneurs qu’à luy mesme.
Dans le temps que le roy d’Angleterre arrivoit, le Roy, accompagné de monseigneur le Dauphin, de Monsieur, de messieurs les princes du sang, vint au haut du degré de son petit appartement par où le roy d’Angleterre devoit passer. Le Roy le receut avec un acceuil favorable, l’embrassa, luy donna la main aux passages, le conduisit dans son salon, proche de la table, vis à vis de la cheminée, où les roys pendant une demye heure s’entretinrent en public. Ensuitte, ils entrerent dans le cabinet où ils demeurerent ensemble.
Au sortir du cabinet, le Roy mena par la galerie le roy d’Angleterre chez madame la Dauphine qui les receut à la porte de sa chambre, où le roy d’Angleterre la salua et la baise. Les roys demeurerent debout pendant la conversation, ce qui donna lieu à monseigneur le Dauphin de se rendre chez luy pour recevoir le roy d’Angleterre. La visite rendue, madame la Dauphine reconduisit le roy d’Angleterre jusques à la porte de la salle des gardes, et le Roy le reconduisit jusques au haut de l’escalier, ordonnant à ses courtisans d’accompagner Sa Majesté britanique chez monseigneur le Dauphin.
Monseigneur receut le roy d’Angleterre [f. 484v] hors la porte de la salle de ses gardes, le conduisit dans sa chambre où, après avoir esté quelques temps, Monseigneur le mena dans son cabinet où ils demeurerent debout et couverts, et lorsque le roy se retira, Monseigneur le reconduisit jusques au lieu où il l’avoit receu.
Le roy d’Angleterre alla aussy visiter les ducs de Bourgogne, d’Anjou et de Bery, Monsieur et Madame, et de là revint à Saint Germain, aiant trouvé à son passage tous les gardes tambours battant.
Le 9, Monseigneur le Dauphin ala [à] Saint Germain rendre visite au roy et à la reyne d’Angleterre. Il commença par le roy, qui le receut à la porte de sa petite chambre. Ils ne s’assirent et ne se couvrirent point. Monseigneur se retirant, le roy le reconduisit jusques au lieu où il l’avoit pris. De là, Monseigneur passa par un cabinet pour aller à l’appartement de la reyne. La reyne fit quelques pas pour aller au devant de luy, luy fit donner un fauteuil qu’on plaça au dessus du sien. Après la conservation qui dura peu, Monseigneur prenant congé de la reyne, fit les mesmes pas qu’elle avoit fait à sa reception.
Le 10, Madame, Mademoiselle, madame la grande duchesse, madame de Guise se rendirent à Saint Germain sur les trois heures. Elles allerent d’abord voir le roy d’Angleterre qui les baisa. Elles visiterent ensuitte la reyne d’Angleterre, qui les baisa aussy. Sa Majesté britanique, apres avoir pris un fauteuil, en fit donner un à Madame [f. 485] et des sieges playans aux trois princesses.
Le 11, mesdames les princesses du sang rendirent les mesmes devoirs au roy et à la reyne. Elles eurent les mesmes honneurs que Mademoiselle.
Ce mesme jour, madame la princesse de Lisbonne avec mesdemoiselles de Lisbonne et Commercy, ses filles, la princesse d’Arcourt et la princesse de Soubise, mesdames les duchesses de Chevreuse, de Saint Simon, de Beauviliers, vinrent voir la reyne. On donna à ces dames des sieges playans. Elles avoient pretendu d’estre baisées de la reyne, mais la reyne leur fit dire avant leur visite qu’elles pouvoient choisir ou estre traittées selon le ceremonial anglois, qui alloit à les baiser seulement, ou selon le ceremonial françois, qui est d’estre assise sur des sieges playans et d’avoir l’entrée au château pour leurs carrosses. Pendant que ces dames estoient au cercle de la reyne, le roy survint, qui les salua toutes et les baisa, commençant par les princesses que le sieur de Saint Viance luy noma.
Le 13, sur les unze heures, monsieur Boucherat, chancelier, accompagné des sieurs Courtin, du Harlay, du comte d’Avaux, conseillers d’Estat, et de quelques maistres des requestes, alla comme particulier à Saint Germain voir le roy d’Angleterre, à qui il fit un compliment et luy presenta ensuitte les personnes qui l’avoient accompagné.
A midy, Monsieur vint rendre visite au roy d’Angleterre. Le roy, qui estoit dans sa petite chambre, ne fit qu’un pas ou deux pour le [f. 458v] recevoir et conserva la main sur luy. Monsieur s’excusa sur son indisposition d’avoir tant tardé à le venir voir. Pendant tout le temps de la visite, ils demeurerent l’un et l’autre debout et decouverts, et lorsque Monsieur prit congé de luy, le roy ne le reconduisit point. Monsieur alla aussy chez la reyne, Sa Majesté britanique, après avoir pris un fauteuil qu’on plaça vers le milieu du lict, en fit donner un à Monsieur, qu’on mit au dessous du sien. Monsieur s’assit sans se couvrir. La conversation dura peu. Le roy et la reyne n’avoient pas encore esté à la messe, il estoit tard. Monsieur se leva, le roy entra dans l’instant, la reyne et Monsieur se separerent, Monsieur pour aller voir le prince de Galles. Alors le roy donna la main à la reyne pour la conduire à la chapelle dans une tribune où, l’ayant laissée, descendit en bas entendre la messe, estant accompagné des gardes du corps du Roy. Après la messe, il remonta à la tribune reprendre la reyne.
Le roy et la reyne disnerent en public avec les mesmes ceremonies qu’on observe pour le Roy, le maistre d’hostel ayant son baston, l’essay se faisant des viandes, la nef au bout de la table, et à chaque couvert un cadenas. Pendant le disner, la duchesse de Nevers et quelques autres duchesses vinrent, à qui on donna des sieges playans.
Apres le disner, monsieur le Prince, monsieur [f. 486] le Duc, monsieur le prince de Conti, monsieur le duc du Maine, et monsieur le comte de Thoulouze, visiterent le roy. Sa Majesté britanique les receut debout sans faire aucun pas. Monsieur le Prince les presenta tous. Le roy se couvrit et les princes se couvrirent et demeurerent couverts pendant tout le temps qu’ils furent ensemble. La visite finie, les princes se retirerent et le roy demeura en sa place.
Ces princes visiterent la reyne, qui estoit assise dans un fauteuil. Elle se leva, les baisa tous, et leur fit donner des sieges playans. Mais comme la reyne avoit à aller à Versailles, ils demeurernt peu à leur visite. Lorsqu’ils se leverent, la reyne se leva mais ne fit aucun pas pour les conduire. Tous ces princes passerent dans l’appartement du prince de Galles.
La reyne partit sur les trois heures de Saint Germain. Elle monta dans un carrosse du corps du Roy, un exempt et vingt gardes du corps la suivoient. Elle trouva en arrivant à Versailles la garde françoise et suisse sous les armes, tambours battant, à la porte les gardes de la porte, les gardes du grand prevost et les Cent Suisses sous les armes dans la cour. Sa Majesté britanique descendit au bas de l’escalier du petit apartement. Le Roy la receut au haut de l’escalier et la conduisit au salon, luy fit donner un fauteuil et en prit un qu’on mit au dessous du sien. Sa visite faite, le Roy la conduisit par la galerie chez madame la Dauphine, qui la receut à l’entrée de son [f. 486v] appartement. Le Roy, les ayant mis ensemble, les quitta. Madame la Dauphine presenta à la reyne monsieur le duc de Bourgogne, le duc d’Anjou et le duc de Bery. Sa Majesté les baisa tous. L’on prit des fauteuils. La reyne se mit au milieu, à la place d’honneur, ayant à sa droite madame la Dauphine et à sa gauche monsieur le duc de Bourgogne, monsieur le duc d’Anjou au dessous de madame la Dauphine et le duc de Bery au dessous de monsieur le duc de Bourgogne, Madame au dessous de monsieur le duc d’Anjou. Le cercle fut grand et remply de princesses et de duchesses à qui on donna des sieges playans. La visite dura plus d’une demie heure, apres laquelle la reyne alla voir monseigneur le Dauphin, estant reconduite par madame la Dauphine jusqu’à la salle des gardes, où elle n’entra pas. Monseigneur receut la reyne au mesme lieu qu’il avoit receu le roy et la reconduisit apres sa visite au mesme endroit. De chez Monseigneur, elle alla voir messeigneurs les ducs de Bourgogne, d’Anjou et de Bery dans leur appartement, et ensuitte Monsieur et Madame qui l’attendoient chez eux.
Depuis, les roys se sont veus familierement sans aucune ceremonie.
Monsieur de Chartres n’a pas veu en visite le roy. Mademoiselle d’Orleans, qui faisoit difficulté [f. 487] au commencement de visiter le roy et la reyne, les a veu depuis avec madame la grande duchesse et madame de Guise.
Le sieur de Bonneuil, introducteur des ambassadeurs, demanda au roy d’Angleterre audience pour messieurs les ambassadeurs de Venise, de Savoye et de Malte, qui, s’estant rendus à Saint Germain au jour qu’on leur avoit marqué, on leur dit que le roy les recevroit en particulier, dans son cabinet, sans les faire couvrir, à quoy les ambassadeurs ne pouvant consentir, ils ne le virent point.
Le roy ne creut pas devoir leur donner une audience publique. Il n’avoit pas voulu recevoir de complimens d’aucun corps du royaume.
Le roy d’Angleterre partit de Saint Germain le dernier de fevrier 1689 pour aller en Irlande. »

État du coût des travaux réalisés aux châteaux de Saint-Germain-en-Laye de 1664 à 1690

« [f. 17v] Châteaux de Saint Germain en Laye et le Val
Cette maison, illustrée par la naissance du Roy, est très ancienne. Elle consiste en deux châteaux, l’un vieil et l’autre neuf. Le vieil château est beaucoup plus beau et mieux bâty que le neuf. Ils ne sont séparez l’un de l’autre que d’une grande basse cour qui pouroit servir [f. 18] de manège.
Le vieil château est entièrement isolé, d’une forme assez irrégulière. Cinq gros pavillons en font le principal ornement. Un balcon de fer règne dans toute la circonférence du château à la hauteur des principaux, apartemens, qui sont très vastes. Ce château a pour principal aspect les jardins et la forest, et le château neuf sa principale veue sur la rivière de Seine. Le Roy, qui y a séjourné très longtemps, y a fait faire des augmentations considérables. C’est une demeure toute royale et, quoyque la cour n’y habite pas actuellement, ce ne laisse pas d’estre un des plus beaux lieux des environs de Paris pour sa situation naturelle.
Le Val est un jardin dépendant [f. 18v] de Saint Germain que Sa Majesté fait entretenir avec soin et qui produit une infinité de beaux fruits dans toutes les saisons, surtout des précoces.
Je ne dis rien des autres dépendances de Saint Germain, crainte d’ennuyer.
Dépenses des châteaux de Saint Germain en Laye et dépendances par années
Années :
1664 : 193767 l. 13 s. 6 d.
1665 : 179478 l. 14 s. 9 d.
1666 : 59124 l. 11 s. 6 d.
1667 : 56235 l. 8 s. 4 d.
1668 : 120271 l. 18 s. 3 d.
1669 : 515214 l. 19 s.
1670 : 597429 l. 1 s. 4 d.
[f. 19] 1671 : 361020 l. 11 s. 11 d.
1672 : 208516 l. 13 s.
1673 : 97379 l. 4 s. 3 d.
1674 : 112168 l. 19 s. 11 d.
1675 : 130306 l. 18 s. 2 d.
1676 : 176118 l. 14 s. 10 d.
1677 : 194303 l. 14 s. 2 d.
1678 : 196770 l. 5 s. 9 d.
1679 : 447401 l. 14 s. 4 d.
1680 : 607619 l. 9 s. 2 d.
1681 : 279509 l. 9 s. 2 d.
1682 : 662826 l. 13 s. 4 d.
1683 : 460695 l. 9 s. 8 d.
1684 : 300218 l. 19 s.
1685 : 189598 l. 0 s. 7 d.
1686 : 47618 l. 4 s. 5 d.
1687 : 50450 l. 2 s. 1 d.
[f. 19v] 1688 : 152950 l. 18 s. 10 d.
1689 : 33176 l. 13 s. 6 d.
1690 : 25388 l. 15 s. 3 d.
Somme totale : 6455561 l. 18 s.
Six milions quatre cent cinquante cinq mil cinq cent soixante une livres dix huit solz »

Note sur l’usage de la pyramide disposée devant le Château-Vieux comme fontaine à vin lors des naissances royales

« [p. 60] Le 27e juin 1550 naquit dans le vieux château de Saint Germain en Laye Charles Maximilien de France, second fils dudit roy Henry second, duc d’Alençon et d’Angoulesme, et depuisroy sous le nom de Charles 9. Et fut baptisé audit lieu avec grande ceremonie et rejouissance, et nommé par l’ambassadeur Maximilien 2e d’Autriche, roy de Boeme, gendre de l’empereur Charles 5, avec Louis d’Albret, roy de Navarre, et Anne d’Est, duchesse de Guise.
Et pour conserver la mémoire à la postérité d’une [p. 61] si grande solennité qui fut faite pour cette naissance tant desirée et à la ceremonie de ce baptesme fut posé dans la grande place devant l’eglise de la paroisse dudit lieu de Saint Germain une piramide de pierre ornée des armes et chiffres royalles, au haut de laquelle il y a une couronne royalle soutenue d’un globe entouré d’un rang de grande pierre en forme d’un bassin et de 3 rangs de marches qui en font tout le circuit, d’où sortit une fontaine de vin tout le jour de cette grande cérémonie, ce qui c’est observé dudepuis tres ponctuellement à touttes les [p. 62] naissances des premiers princes, Enffans de France, comme à l’heureuse naissance du roy Louis 14 dit le Grand à present regnant, qui ariva en ce lieu, à celle de monseigneur Louis, dauphin de France, qui ariva au château de Fontainebleau le 1er novembre 1661, comme à la ceremonie de son baptesme qui fut faite dans la cour du vieil château de Saint Germain le 24e mars 1668, et en dernier lieu le jour de la naissance de monseigneur Louis de France, duc de Bourgogne, qui ariva à Versailles le [vide]. »

Description des châteaux de Saint-Germain-en-Laye

« [p. 78] Description des bâtimens du vieux chateau de Saint Germain en Laye
Apres avoir amplement prouvé l’antiquité du [p. 79] vieux château de Saint Germain en Laye par tout ce qui a esté dit cy devant depuis la fondation et commencement d’iceluy, faite par le roy Louis 6e vers l’an 1122, ce qui confirme qu’il est l’un des plus anciens chateaux de France qui subsiste à present, apres celuy de Compiegne que l’on pretend avoir esté baty par le roy Charles le Chauve vers l’an 876, le chateau de Fontainebleau n’ayant eté baty que par le roy Louis 7 vers l’an [vide], le vieux Louvre de Paris par le roy Philippes Auguste, Vincennes par le roy Charles 5, Chambord, Madrid, Folambray, La Muette dans la forest de Saint Germain par le roy François premier et beaucoup d’augmentation dans les autres chateaux. Le roy Henry 4 a baty aussy Monceaux, Annet et le château neuf de Saint Germain en Laye. Versailles par le roy Louis 13. Touttes lesdites maisons ont esté la pluspart aussy augmentez et ornez du reigne du Roy ainsy qu’ils se voyent dans leurs magnificences extraordinaires, comme celuy de Versailles et ses dependances, Marly, le Val et le vieux chateau de Saint Germain en Laye dont on fera une mention particuliere des augmentations qui y ont eté [p. 80] faites de temps en temps depuis sa derniere destruction qui fut faite par l’incendie du reigne du roy Philippes de Vallois l’an 1346. Ce château n’etoit baty dans ce temps qu’en maniere d’une forteresse, n’y ayant aucune cimetrie, avec quelques tours aux angles d’iceluy, entouré d’un large et profond fossé revetu de pierre de taille. Son rempart estoit tres fort, où il y avoit des crenaux, meurtrieres et abaventes, ce qui luy servoit de deffence dans ce temps que la poudre n’etoit point encore inventée, ne l’ayant esté qu’en l’an 1380 par un nommé Bertol de Skuartz, en uzage en France vers l’an 1425 au siege de la ville du Mans. Tout le circuit etoit bien fermé, n’y ayant que 3 ponts levis pour y entrer, dont l’un etoit baty d’une structure tres particuliere en maniere d’une grande arcade surbaissée sur toutte la largeur du fossé, où l’on passoit meme à couvert dans le parc sans etre veu. Ce pont a eté demoly quand on a construit le pavillon où est l’appartement du Roy. Ce château ou forteresse estant demeuré ruiné jusqu’au regne du roy Charles 5 dit le Sage, vers l’an 1367, ayant veu que la scituation de ce château etoit [p. 81] tres belle et fort avantageuse tant pour une forteresse que pour une maison de plaisance, prit la resolution de la rebatir sur ses anciens fondemens et d’y ajouter meme quelques logemens, pour y pouvoir loger dans des saisons de l’année. C’est ce qui a fait croire à plusieurs historiens que c’etoit Charles 5 qui avoit fait jetter les premiers fondemens de ce chateau, n’ayant pas penetré jusqu’à la source de son antiquité de plus de deux cens ans devant le roy Charles 5.
La cour de ce château est d’une figure fort extraordinaire et dont l’on ne peut pas dire au vray la forme, n’etant ny carrée, ny ronde, ny ovalle, l’on dit qu’elle ressemble assez à un B gotique. Elle est remarquable par sa scituation où il peut y avoir de l’ombre et du soleil dans touttes les saisons de l’année par l’elevation de son batiment, qui a eté relevé de la hauteur des deux tours du reigne du roy François Ier vers l’an 1535, qui aymoit fort ce lieu etant accompagné d’une si belle forest, sy propre aux plaisirs de la chasse et de la promenade. C’est ce qui obligea ce grand roy de faire bien des augmentations aux batimens de ce château pour en faire sa demeure la plus ordinaire, et pour cet effet en donna la commission [p. 82] au seigneur de Villeroy pour veiller et faire batir cet ediffice lors que la charge de surintendant des Bâtimens n’etoit pas encore erigée et ne se faisoit que par la commission qu’en donnoit le Roy au premier de ses favoris. Ce batiment fut elevé en peu de temps dans toute son etendue de pierre et brique de la hauteur qu’il est à present, d’une tour ancienne restée où est presentement posée une guerite couverte de plomb fort elevée dans laquelle il y a une grosse horloge et 3 cloches qui y furent mises en l’année 1683, le tonnerre et le foudre ayant tombé dessus ladite guerite au mois de juillet de ladite année et l’ayant entierement consumée en telle façon qu’il n’y en demeura aucune chose et, sans le prompt secours qui y fut apporté, le chateau en auroit bien eté endommagé.
Tout le batiment est vouté par le haut, couvert en platte forme de grandes pierres dures entourées d’un ballustre de pierre tournées, avec des pillastres de distances egalles où sont gravez en relief les armes de France avec des salamandres et des E F couronnez qui sont les devises et chiffres de ce grand roy François ainsy qu’il y en a en plusieurs autres endroits de ces batiments, particulierement aux cheminées, qui sont de briques, qui exceddent beaucoup par dessus cette grande terrasse qui [p. 83] peut passer pour l’une des plus belles du royaume par son elevation, qui sert meme d’une grande promenade et d’où l’on peut decouvrir de bien loing ainsy qu’il fut eprouvé par le roy Henry 4, etant lors dans ce lieu, ayant fait faire du feu la nuit sur un des costez du haut de ce château qui fut veu de celui de Monceaux, qui en est eloigné d’environ 15 à 16 lieues, où etoit pour lors madame Gabrielle d’Estrée.
Le roy François n’epargna rien pour rendre les logemens de cette maison royalle commodes et en assez grand nombre pour y pouvoir loger toutte sa cour, qui commençoit à etre dans ce temps assez nombreuse. Les appartemens etoient composez sans beaucoup de magnificence, n’estans ornez en dedans que de quelques lambris de bois peint avec quelques filets d’or dessus la menuiserie posée au pourtour des chambres et cabinets, ainsy qu’il y avoit aussi sur les cheminées faites de grosse sculpture de pierre où etoient gravez les armes de France. Tous ces appartemens etoient les uns sur les autres, sansun grand plain pied que de 3 pieces de suitte separées par plusieurs petits corridors et escaliers qui faisoient leur degagement. Du costé du soleil couchant, il y a la grande salle servant aux bals, ballets, comedies et operats qui ce faisoient dans des jours de rejouissance et aussi aux autres ceremonies qui se font dans des jours divers. Cette salle passe [p. 84] pour une des plus spacieuses du royaume. Elle est voutée d’une grande hauteur en arcades de pierre et brique, entourée d’un amphiteatre de menuiserie où il y peut tenir une tres grande quantité de personnes assizes tres commodement.
Du costé du midy, ce voit une tres belle chapelle qui compose toutte la face du chateau. Elle est aussy ancienne que le chateau, batie tres delicatement, voutée en arcades et ceintrées de pierre d’une tres grande hauteur. Elle contient [vide] de long sur [vide] de largeur, et dedidée en l’honneur de saint Jean Baptiste, auquel jour le clergé de la paroisse de ce lieu alloient cy devant en procession touttes les années par devotion. Cette chapelle etant demeurée sans avoir eté bien decorée jusqu’au reigne du roy Louis 13 dit le Juste, qui, par une pieté toutte particuliere, la fit decorer en l’année 1625 ainsy qu’elle se voit de present, tres bien dorée et peinte fort delicatement, accompagnée d’une belle sculpture et architecture, principallement le retable du grand autel qui est d’ordre corinthien soutenu de 4 grosses colonnes de marbre noir accompagnés de leur bases et chapitaux de marbre blanc bien façonnez. Dans le milieu d’iceluy, il se voit, dans une tres riche bordure dorée, un tableau d’une Cenne de Notre Seigneur d’une beauté achevée, fait par l’excellent peintre le Poussin, qui est d’un prix inestimable. Au dessus [p. 85] duquel un autre tableau dans le frontispice representant une sainte Trinité fait par Voit, peintre de l’Academie, accompagné de deux anges au naturel de stuc tenant les armes de France. Le cœur de cette chapelle est separé de la nefs par une belle balustrade de fer ornée et dorée en divers endroits, laquelle renferme aussi deux petittes chapelles aux deux costez, y ayant des retables d’autel de menuiserie dorez. Dans celuy à droit, il y a un tableau de saint Louis donnant l’aumone et dans l’autre, à gauche, il y a un tableau de la sainte Vierge et de sainte Anne faitz par ledit Voit. Touttes les murailles ainsy que la voute sont peintes et dorées avec plusieurs tableaux de l’histoire sainte et une tres belle menuiserie qui en fait tout le cirant. Cette chapelle est aussi des plus commodes pour entendre le divin service, tant de plain pied que par une tribune qui est par le haut des galleries, qui a communication à tous les appartemens du château, à y venir à couvert, ainsy qu’au jubé qui est tres spacieux, où il y a de belles orgues. La sacristie est tres commode, où est gardé tous les ornemens qui servent au divin service, qui sont tres magnifiques. Tous les vases sacrez sont d’or et d’argent vermeil doré et d’une orphevrerie toutte [p. 86] particuliere, principallement la grande croix. Les chandeliers, vases et la lampe sont d’une grande beauté, lesquels ont esé volez deux fois de notre temps, la premiere la veille de la feste des roys en l’année 1648 par 3 volleurs dont l’un etoit du village de Neuilly, lequel y fut pris, y ayant porté une partie desdits vases sacrez, et fut pendu devant la porte du chateau, et encore en l’année 1674 par le sieur de Courcelles, qui avoit emporté la grande croix et les chandelliers sur le chemin de Cambray, qui lors n’etoit pas à la France, ayant esté pris à Liancourt, eut la teste tranchée à la croix du Traoir à Paris.
Il est à remarquer que cette chapelle royalle avoit eté autresfois deservie par les religieux de Sainte Genevieve du prieuré d’Hannemont, lorsque le roy Charles V fit demolir la vieille chapelle du chateau de Poissy vers l’année 1367 et fait restaurer celle du château de Saint Germain en Laye, ces religieux l’ayant aussi desservie jusqu’à la fin du reigne du roy Henry 4e que, la communauté de ce prieuré d’Hannemont etant diminuée jusqu’à n’y avoir qu’un seul religieux par les mauvais temps des guerres civiles, lequel ne pouvant continuer [f. 87] de faire son devoir de religieux et de desservir icelle chapelle, ce qui etoit cause qu’elle estoit ordinairement fermée en l’absence du sejour du Roy, n’y ayant aucun service divin. Ce qui auroit duré jusqu’en l’année 1640 que le roy Louis 13, d’heureuse mémoire, ayant fait decorer et embellir ce saint temple, voulut que les louanges du seigneur y fussent chantés comme par le passé, et pour cet effet la fonda d’un chaplain nommé de Beaumont et deux petits clercs, lequel chaplain seroit obligé dorenavant de celebrer tous les jours à l’intention de Sa Majesté une messe basse avec un petit Salut le soir, ce qui c’est observé tres ponctuellement jusqu’en l’année 16[vide] que le roy Louis 14 à present regnant, voulant aussi concourir à la pieté du Roy son père et pour etre meme participant aux prieres qui se diroient doresnavant dans cette chapelle royalle, a augmenté la fondation d’une messe tous les jours qui se dira à son intention par l’un des deux pretres qui tiendront la place des deux petits clercs cy devant fondez, lesquels seront sous la direction de l’ancien titulaire pour ayder à desservir et faire le divin service avec plus de commodité et de veneration, meme assister dans les ceremonies qui s’y font quelques fois comme baptesmes, mariages des roys, [p. 88] princes et autres personnes de la premiere qualité dont il y en a plusieurs qui s’y sont faits pendant quelques reignes. […]
[p. 90] Il est à remarquer que, comme le roy Louis 14 faisoit son sejour ordinaire dans ce château de Saint Germain depuis plusieurs années ainsy qu’il a esté justiffié cy devant, ayant veu que les appartements et logements ordinaires n’etoient pas assez spacieux ny en assez grand nombre pour y pouvoir loger avec toutte sa cour, aussi grande et magnifique qu’elle est, qui surpasse touttes celles qui ont esté par le passé, Sa Majesté, pour cet effet, prit resolution en l’année 1680 de batir pour agrandir les batimens de ce vieux château cinq gros pavillons aux angles d’iceluy, d’une pareille hauteur, cimetrie et construction que l’ancien, ce qui a esté executé en tres peu de temps sous les ordres du sieur Colbert, lors ministre, secretaire d’Estat et surintendant des Bâtimens de France, sur les desseins du sieur Mansart, premier des architectes de Sa Majesté, dont le genie et la capacité sont tres connue dans tout le royaume, où la despence a monté a plus de seize cens mil livres, y compris une reparation entiere des anciens batimens qui fut aussy faite dans tout ce [p. 91] chateau, n’y en ayant point eu depuis le reigne du roy François premier. Par cet ouvrage, les appartements et logemens ont eté agrandis et augmentez en tres grand nombre, qui sont à present tres commodes et bien degagez les uns des autres par plusieurs corridors, entresolles et escaliers, en telle façon que le Roy et toutte sa cour y peut être tres bien logée et commodement dans touttes les saisons de l’année.
Au devant du chateau, du costé de l’eglise de la paroisse du lieu, il y avoit une avant cour tres ancienne qui servoit pour les offices et corps de gardes, où etoient aussi les logemens de messieurs les secretaires d’Etat et celuy de M. le capitaine de Saint Germain. Les batimens de cette cour estant tombez en ruine par leur caducité, n’etans couverts que de tuille, ayans eté cy devant batis sur les anciens fondemens des cloitres des religieux du prieuré qui pour lors etoient en ce lieu, cette cour fut demolie en l’année 1682 pour la rebatir de neuf sur un autre dessein, convenable aux batimens du château.
[p. 92] Chateau neuf de Saint Germain en Laye
Le chateau neuf de Saint Germain en Laye n’est distance du vieux que d’environ deux cens toises, separé par une espece d’avant cour verte avec une chaussée de pavé qui y conduit. L’on tient que le roy François premier y avoit fait jetter quelques fondements, qui etoient demeurez imparfaits jusqu’au reigne du roy Henry 4 et de la reyne Marie de Medicis, sa femme, lesquels ont fait construire entierement ce chateau vers l’année 1600, ayant trouvé cette scituation tres agreable pour y faire leur sejour dans les beaux jours de l’année. Je diray en faisant la description de ce chateau qu’il etoit l’un des plus jolis qu’il y eut dans le royaume, etant baty sur un dessein tres particulier. La principalle cour est [p. 93] d’une figure exagone. Tous les batiments sont faits de pierre de taille, façonnez avec des briques par compartiments, tres peu elevez, en plusieurs pavillons reguliers couverts d’ardoise et plomb tres proprement, n’y ayant qu’un etage lambrissé. Les premiers appartemens sont au rez de chaussée, fort grands et magnifiques, et tres bien exposez, ayant la veue par devant au soleil levant, où se voit la plus belle qui soit dans l’univers, et de l’autre costé sur des cours où il y a plusieurs beaux logemens pour les personnes de qualité et officiers de la suitte.
La principalle porte est du costé du vieux chateau, qui est ornée d’un tres beau portail soutenu par douze grosses colonnes de pierre rondes, cizelées et taillées en compartimens de broderie, sous lesquelles il y a un vestibul avec une terrasse dessus entourée d’un ballustre de pierre tournées avec pillastres de distance en distance, où sont gravez en relief les armes de France et la devise de ce roy, qui est une epée couronnée avec l’inscription Duo protegit unus. De cette porte, l’on entre dans la princiaplle cour, qui est d’une tres belle figure, au bout de laquelle est l’entrée [p. 94] de la grande salle qui separe deux grands appartements et sert aussi de passage à aller dehors sur les terrasses.
Le premier appartement est à droit en entrant, qui etoit celuy de la reyne Marie de Medicis, qui est composé de plusieurs pieces de plain pied richement dorez, peints et plafonnez tres proprement d’ornemens et de sculpture, au bout desquelles il y a une belle gallerie qui sert de cabinet à cet appartement, de la longueur et largeur de toutte la face du batiment, qui est aussi dorée, peinte et plafonnée d’ornemens tres fins, avec de grands tableaux entre les croisées qui representant plusieurs villes et paysages au naturel. Cet appartement a toujours servy au logement des reynes, en dernier lieu à la reyne Anne d’Autriche où elle fit son dernier testament, etant à l’extremité de maladie, y ayant receu le saint sacrement le 3e aoust de l’année 1665 […]. [p. 97] Et le unzieme dudit mois, elle se fit porter au Louvre à Paris, où elle deceda sur les six heures du matin, le vendredy 20e janvier ensuivant 1666, aagée de 64 ans et 4 mois.
L’autre grand appartement de ce chateau est à gauche de la grande salle. Il sert pour le Roy, composé de meme quantité de pieces que celuy de la Reyne, avec une pareille gallerie ornée et peinte de meme, à l’exception des tableaux qui sont l’histoire de Dianne chasseresse dans de beaux paysages. C’est dans cet appartement qu’est arivé l’heureuse naissance du roy Louis 14 à present regnant, le 5e septembre 1638, laquelle avoit eté tant desirée [p. 98] par plusieurs années, qui donna une tres grande joie dans tout le royaume. C’est aussi dans ce meme lieu où arriva la facheuse mort du roy Louis 13, son père, le 14e may 1643, feste de l’Ascension, qui causa aussi une grande tristesse par tout ce royaume, dont le recit en sera fait cy apres plus amplement. Tous les autres appartemens de ce château sont par haut assez commodes, la pluspart lambrissez, les autres sont par bas dans les 2 basses cours où sont les offices, cuisines et autres logemens du commun, où il y a deux grandes vollieres pour toutes sortes d’oiseaux rares comme poulles huppées, cannes musquées, paons, faisands, autruches, perroquets et autres especes farouches les plus rares qui c’etoient pu trouver, comme aussy des animaux qui etoient en tres grand nombre enfermez dans des lieux particuliers que l’on faisoit veoir comme une chose tres rare par curiosité.
En sortant de la grande salle sur le devant de la [p. 99] belle veue, l’on se trouve sur une grande terrasse qui contient toutte la face du batiment, fort elevée, revetue de pierre cizelée avec des compartimens de briques, aux deux bouts de laquelle il y avoit deux galleries voutées en arcades et ceintrées en portique, soutenues par des pilliers à jour qui soutenoient des terrasses au dessus garnie de ballustres de pierre tournées avec des pillastres ornez de sculpture, qui servoient à se promener à couvert et à passer dans deux gros pavillons pavillons carrez, dont l’un servoit d’une chapelle et l’autre de logement. Ces deux pavillons sont dettachez du corps du château, batis de pierre et briques, tres bien ornez d’architecture, couverts d’ardoise en ecailles et plomb par rayons tres bien façonnez et entourez d’un mesme ballustre et pillastres que sur les autres terrasses, avec les chiffres du roy et de la reyne Marie de Medicis, dont ce chateau est partout orné, ce qui en fait une des beautez, etans tres delicatement travaillez.
En descendant cette premiere terrasse par deux grandes rampes egalles qui tournoient en fer à cheval qui [p. 100] aboutissoient sur deux petits jardins de distance egalle, plantez de bouis en broderie où il y avoit dans le milieu deux bassins entourez d’un cordon de pierre. Dans le milieu d’iceux, il y avoit sur un pied destail, entouré de figures de satires de bronse qui jettoient de l’eau par la bouche, qui soutenoient une belle figure d’un ange d’une grandeur naturelle tenant une couronne royalle sur la teste, d’où il sortoit une tres grande quantité de jets d’eau, lesquels en tombant faisoient 4 nappes d’eau sur une grande pierre taillées en 4 coquilles egalles enrichies d’ornemens de sculpture tres propres. Il y avoit sur le devant un grand bassin au milieu des escaliers ou rampes de fer à cheval, sur un beau pied destail enrichy aussi de plusieurs belles figures de bronse qui jettoient de l’eau differemment des uns des autres, qui soutenoient une figure d’un Mercure de bronse verte de grandeur naturelle, laquelle [p. 101] passoit dans ce temps pour tres belle, qui fut donnée par rareté à la reyne Marie de Medicis, qui avoit eté faite à Florence et qui a esté portée depuis à Versailles avec plusieurs autres figures lorsque cet endroit fut detruit par la cheute de la grande terrasse, sous laquelle il y avoit deux belles grottes, l’une de Neptune et l’autre de la Damoiselle, d’une grandeur naturelle, qui jouoit d’un clavessin. Tous ces lieux etoient enrichis de belles rocailles, nappes et jets d’eau qui par la cheute de la terrasse, touttes ces grottes ont esté ruynées et rebaties depuis, ainsy qu’ils se voyent, d’un autre dessein en l’année 1662. Sous laquelle il n’y a plus qu’une maniere de grande gallerie avec deux sallons aux deux bouts, qui n’ont point eté achevez en dedans, estans ceintrez en portiques sur le devant avec un frontispice soutenu de 4 colonnes de pierre dans le milieu de la porte d’entrée, faisant un assez joly portail.
[p. 102] Au dessous de cette seconde terrasse, d’où l’on decend par deux continuitez de rampes de pavé qui sont tres douces, où l’on pouvoit aller à cheval, l’on se trouvoit encore sur une autre pareille, sous laquelle il y avoit trois des plus belles grottes qui soient dans l’univers, separés par une meme gallerie voutée et ornée de tables, bassins et figures de marbre et jaspe de touttes les couleurs. Dans le milieu, en face de l’entrée, il y avoit un pariel rocher qu’à celle d’au dessus, sur lequel etoit la figure de Bachus.
A main droite, l’on entroit dans un avant sallon, tres proprement enrocaillé, pour passer à la grotte nommée de Persée, qui etoit tres spacieuse. Dans la face d’icelle se voyoit la figure de Persée, d’une grandeur surnaturelle, descendre du haut de la voute, armée de touttes pieces, tenant une epee à la main, qui venoit frapper sur la [p. 103] teste d’un grand dragon qui sortoit d’un grand bassin plein d’eau. Ayant receu ces coups, il disparoissoit au fonds des eaux. A costé du bassin se voyoit une tres agreable figure au naturel d’une Andromede qui etoit attachée et enchainée par le bras à un gros rocher, dont les chesnes de fer se deffaisoient d’elles mesme. A l’opposite, dans cette grotte, se voyoit encore une figure d’un Bachus de bronse assis sur un tonneau au haut d’un gros rocher, tenant une coupe en main d’où sortoit un tres gros bouillon d’eau ainsy que du tonneau qui, en tombant du haut de ce rocher, faisoit remuer plusieurs petittes figures qui etoient placées en plusieurs endroits de ce rocher comme forgerons, tixerands, menuisiers, remouleurs et autres sortes d’ouvriers qui remuoient et travailloient chacun de leur metier, tres au naturel, avec des moulins à vent et à eau qui tournoient et mouvoient par le seul decoulement de l’eau qui tomboit de ce rocher dans une grande [p. 104] cuve de marbre noir, y faisant encore une nappe d’eau, le tout par de petittes conduittes qui etoient imperceptibles. Toutte cette grotte estoit, ainsy que le sallon, fort delicatement enrocaillé de beaux et fins coquillages employez d’un travail qui imittoit bien touttes sortes de figures au naturel comme satires, monstres marins, animaux, oiseaux, plantes et fleurs de plusieurs façons ainsy que l’architecture et sculpture, qui y etoit bien observée, que des grotesques d’où decouloient une tres grande quantité de nappes, bouillons et jets d’eau qui moulloient bien quelques fois les spectateurs s’ils n’en etoient prevenus auparavant.
De l’autre côté de la grande gallerie precedente, il y avoit un pareil sallon enrocaillé et garny de tables de marbre de meme que celuy cy dessus, où il y avoit aux 4 coins d’iceluy quatre grandes figures au naturel qui representoient les 4 vertus tenant à leur main chacun leur simbolle. [p. 105] De ce sallon, l’on entroit dans la grotte d’Orphée, au milieu de laquelle etoit cette figure, de grandeur naturelle, assize sur un rocher, jouant de la lire ou violon plusieurs airs differends les uns apres les autres, que l’on entendoit tres bien et fort distinctement, en remuant la tete et les mains d’une manière tres surprenante, jouant si melodieusement qu’il excitoit plusieurs animaux feroces, reptils, oiseaux et autres qui venoient paroitre et passer devant luy, les uns apres les autres, sortans de leurs cavernes, comme lions, leopards, tigres, ours, loups, renards, cerfs, sangliers et autres sortes de bestes feroces et privées ainsy que des serpens et lezards jusqu’au crocodille, y venoit paroistre charmés et aprivoisez par les chants melodieux d’Orphée. Tout ce desert etoit un agreable boccage orné de plantes et fleurs avec de grands arbres verdoyans qui, par leurs remuements et branles, sembloient vouloir aprocher, ayant sur leurs branches plusieurs sortes d’oiseaux de differends plumages, [p. 106] chacun chantant leur ramage, entr’autres le rossignol et le coucou s’y faisoient entendre fort distinctement par dessus les autres, sy bien qu’ils pouvoient tromper la veue et l’ouie des spectateurs s’ils n’en estoient prevenus. Tout ce beau lieu etoit orné aussy de tres belles et fines rocailles pareilles à la grotte de Persée, où l’on etoit aussy quelques fois bien mouillé par de petits jets d’eau qui sortoient du pavé et par des conduittes qui etoient imperceptibles à veoir.
Apres avoir fait une petitte description de ces grottes humides, il faut faire mention d’une nommée des flambeaux, à cause qu’elle ne se pouvoit veoir qu’à la lueur des lumieres. Elle etoit au bout de la grotte d’Orphée, où il y avoit un grand theatre sur lequel il ce faisoit plusieurs changemens de decorations les uns apres les autres. L’on y voioit paroistre la mer en deux differentes manieres, en temps calme avec [p. 107] des isles verdoyantes eclairées par les rayons d’un soleil levant, des monstres et poissons marins sur le rivage. Apres, la mer y paroissoit en tempeste agitée, des vents, tonnerres et eclairs effroyables, avec des debris de vaisseaux brisez contre des rochers. Apres cette premiere decoration, la terre paroissoit avec toutte la beauté de la plus belle saison, accompagnée de fleurs et les arbres chargez de fruits, et des maisons champetres et beaux chateaux de plaisance, aussy accompagnez de jardins tres delicieux, et par un beau trait de perspective fort eloigné, l’on voyoit celuy de Saint Germain comme au naturel, avec ses jardins dans lesquels l’on y appercevoit le roy et les princes s’y promenant avec monseigneur le dauphin, qui a eté depuis le roy Louis 13, que l’on voyoit descendre du ciel dans un chart de triomphe soutenu par deux anges qui luy toient une couronne royalle sur la teste, toutte brillante de lumiere, accompagné d’un concert d’instrumens [p. 108] de musique qui jouoient plusieurs differends airs tres distinctement et sy melodieusement que l’ouye des plus fameux musiciens en etoient souvent trompez. Apres cette decoration, tout ce changeoit en un instant en un affreux desert où il y avoit plusieurs animaux, tant feroces, reptils qu’autres incestes qui habitent ordinairement dans les deserts et autres lieux champetres, que l’on voyoit sortir dans des cavernes et vieilles ruynes de chateaux au naturel. Dans le milieu de ce desert, l’on y voyoit une belle figure d’Orphée, de grandeur humaine, qui jouoit d’un instrument qui ressembloit assez à un luth ou guitare, sy bien qu’il etoit presque impossible de s’apercevoir que ce ne fut pas un maitre de musique ou autre personne qui touchoit cet instrument.
Touttes les grottes que j’ay decrites cy devant etoient tres bien enrocaillées de [p. 109] rocailles les plus fines qui c’etoient pu trouver dans les pays les plus eloignez. Ils etoient, ainsy que les sallons, ornez de touttes sortes de figures humaines, avec des masques crotesques et autres sortes, faits d’architecture et touttes sortes de pierres precieuses, ornées de tables girandolles et lustres de marbre, jaspe et porphire de touttes couleurs bien travaillés d’une manière propre et magnifique. Touttes les machines et ressorts qui faisoient mouvoir tout ce qui etoit dans ces belles grottes n’etoit que par le seul mouvement de l’eau, qui etoit retenue dans des reservoirs qui decouloit imperceptiblement par de petittes conduittes qui etoient inconnues, lesquels mouilloient bien souvent les spectateurs s’ils n’en estoient prevenus auparavant, qui venoient de tous pays veoir ces belles raretez, où le roy Henry 4 et la reyne sa femme n’avoient rien epargné pour les rendre dans leur perfection, ainsy [p. 110] que ce chateau avec tout ce qui l’accompagne, qui etoit digné de leur grandeur, ayant meme pour cet effet fait venir de Florence le sieur de Franciny, homme le plus experimenté et habille de son temps, qui a inventé et fait construire touttes ces belles grottes, qui etoient sans contredit les plus belles et admirables qu’il y eut dans l’univers, lesquelles ont subcisté dans le bel etsta jusques vers l’année 1649, que la minorité du Roy etoit traversée par de grandes guerres qui ne permettoient pas que l’on put continuer les entretiens et reparations qui etoient necessaires et dans les autres maisons royalles, particullierement à celle de Saint Germain, et ce qui a causé la ruine totalle et destruction de touttes ces belles choses, n’ayant point eté entretenues, et par la cheutte d’une partye des grandes terrasses, sous lesquelles ils [p. 111] etoient, qui ont meme abimé et detruit touttes ces belles machines, ce qui fait bien veoir que touttes les belles choses de ce monde n’ont qu’une durée et seront dans l’oubly dans les temps à venir, dont il n’en sera plus fait mention que dans l’histoire du pays.
En descendant au dessous d’icelle grotte par d’autres rampes voutées sur plusieurs grandes terrasses qui sont les unes sur les autres, revetues de belles pierre cizelées par compartiments, avec de la briqe bien proprement travaillez, voutez par-dessous dans le dessein que l’on avoit d’y faire encore d’autres grottes qui sont demeurez imparfaites, etant comme de grandes galleries voutées.
De plain pied du jardin, il se voit deux autres terrasses voutées et couvertes par dessus de grandes pierres et qui ferment ce jardin par les [p. 112] 2 cotez, au bout duquel il y a deyux pavillons carez en cimetrie du chateau, couverts d’ardoise et plomb, servans de logemens au jardinier et peintre du chateau.
Au bas de la face du chateau, il y a deux jardins. L’un est planté de buis en broderie, avec 4 grands compartimens egaux tres singuliers par leurs dessein où sont representez dans leur milieu les chiffres du roy Louis treize et de la reyne Anne, sa femme, avec 4 dauphins à coté tres bien figurez. Ce jardin est orné autour d’arbrisseaux avec des fleurs de touttes saisons accompagné de deux bosquets aux cotez pour se pouvoir promener à l’ombre dans les chaleurs de l’esté. Au bas de ce premier jardin, il y en a un autre, qui est tres grand et spacieux, qui s’etend jusqu’à la riviere de Seyne qui le borne, qui est un grand verger d’arbres fruitiers entouré de [p. 113] murs où il y a des espaliers d’arbres de touttes les especes de bons fruits. Ce jardin est separé par une tres haute terrasse dans le milieu, sous laquelle il y a une voute qui sert de passage pour aller à couvert dans la prairie et au village de Carriere quand les eaues sont debordées. C’etoit dans le milieu de cette terrasse que devoit estre posé le cheval de bronse qui est à present à la place Royalle de Paris, où la figure du roy Henry 4 devoit etre mise, lequel cheval avoit été fait à Venise, ayant eté sur ce lieu jusqu’en l’année 1630 que le roy Louis treize le fit porter à ladite place Royalle de Paris où il est presentement avec l’effigie du roy Louis treize. C’est encore ce qui faisoit connoitre que le roy Henry 4 et la reyne sa femme n’avoient rien epargné pour embellir et decorer ce beau château où ils faisoient leur demeure dans les beaux jours de l’année.
[p. 114] De plain pied du chateau neuf, il y avoit aux deux cotez d’iceluy deux jardins, qui y avoient communication par les deux bouts des galleries. Celuy à droit est le boullingrin, nom anglois d’un jardin particulier. Il fut ainsy nommé par feue madame Henriette d’Angleterre, premiere femme de M. le duc d’Orleans, estant de ce royaume, qui en donna le dessein au commencement qu’elle fut dans ce lieu. Ce jardin etoit planté sur le devant d’un fort jolly parterre par pieces coupées avec des plattes bandes autour garnies d’arbrisseaux et fleurs de touttes les saisons, et sur le derriere en maniere d’amphiteatre, où il y avoit autour plusieurs portiques de chevrefeuils avec des contr’allées de cipres autour et des berceaux aux 4 coings, qui etoient tres propres pour ce mettre à couvert. Ce jardin est tres beau et particulier meme pour la belle veue scituée sur une haute terrasse qui contient toute [p. 115] la face de ce jardin, où la promenade est fort agreable. C’etoit l’une des plus frequentes que faisoit la feue reyne quand elle etoit à Saint Germain. Depuis quelque temps, ce jardin a été echangé d’un autre dessein, ainsy qu’il se voit à present, planté d’un parterre avec un espece de pré ou gason entouré d’arbrisseaux verds, accompagné d’un bosquet planté de pallissades de charmes et d’ormes où il y a plusieurs belles allées pour se promener à couvert.
L’autre jardin, du coté du parc, etoit planté anciennement comme un fruitier avec des allées de meuriers blancs dont les feuilles servent à norir des verds à soye que le roy Henry 4 avoit fait planter expres, aimant à nourir luy meme ces petits animaux par divertissement. Ce jardin a eté aussy changé et planté en l’année 1679 ainsy qu’il se voit à present, etant planté en compartimens de pieces de gason entouré de quantité [p. 116] d’ifs taillez et figurés en differentes et belles manieres, avec des contr’allées de pixias soutenus sur le devant d’une terrasse revetue de pierre ainsy que celle du boullingrin qui en fait la meme cimetrie. Ce jardin se nomme de madame la Dauphine, à cause qu’il a eté planté lorsqu’elle ariva en France, et elle s’y promenoit fort souvent.
Apres avoir fait une ample description du chateau neuf de Saint Germain et de ses jardins, nous reviendrons au grand jardin qui est en face du vieux château, planté en deux grandes pieces de bouis en broderie egallées, separées par une belle allée dans le milieu, de 10 toises de large, entourées de plattes bandes garnies de fleurs de touttes les saisons, avec des contr’allées de pixias et de maronniers d’Indes autour, y ayant 3 grands bassins d’eau en divers endroits. Ce parterre fut planté ainsy que tout le jardin en l’année 1674. Il se separe de celuy de madame la Dauphine par un bosquet et une allée [p. 117] de 4 ranges d’ormes, et de l’autre coté il y a une orangerie où il y a de tres beaux orangers et autres sortes d’arbrisseaux curieux.
Au milieu de ce grand parterre qui est en face du chateau, il se voit deux grandes routes ou allées. L’une contient 40 toises de large, qui a été percée dans la fores et plantée de deux rangées d’ormes en l’année 1675, laquelle conduit au couvent des Loges, et l’autre sur la demi lune de la grande terrasse, qui est l’un des plus beaux ouvrages que le Roy aye fait de son reigne à Saint Germain. Elle contient 1200 toises de long sur 15 toises de largeur. Elle est revetue sur le devant d’un mur tres haut avec une tablette et cordon de pierre dure sur toutte la longueur, et sur le coté de la futaye du petit parc est planté d’un rang de tres beaux ormes avec de la charmille. Cette terrasse est l’une des plus belles du royaume pour sa belle veue et pour la [p. 118] promenade. Elle fut batie et plantée vers l’année 1676.
Petit parc
Le petit parc de Saint Germain est contigu aux jardins et grande terrasse. Il contient 416 arpens tant plain que vuide. L’on voit qu’il fut clos de murs du reigne du roy François premier, vers l’an 1536. Il est separé de la forest jusqu’à la porte de la Muette. C’etoit cy devant l’une des plus belles futayes du royaume, qui venoit jusques au pied du chateau. Il est composé de plusieurs sortes de bois comme chesnes, erables, fresnes et charmes qui sont presque tous peris par caducité et les grands hyvers qui sont survenus de temps en temps, ce qui a obligé d’en faire abattre une [p. 119] grande partie, qui a eté replantée d’ormes ainsy qu’il se voit, avec plusieurs allées pour donner du couvert. Dans le parc ancien, il y avoit aussi plusieurs routes, sans aucune cimetrie, ainsy que la nature les avoit faites dans la principalle qui aboutissoit au petit pont du chateau, laquelle traversoit toutte la futaye du parc, mesme de la forest où il y avoit dans le milieu une ancienne chapelle qui etoit en ruyne depuis un long temps, dediée en l’honneur de l’archange Saint Michel, ange titulaire de ce royaume, laquelle fut reparée et rebatie du reigne du roy Henry 4 à cause que messieurs les princes ses enffans y venoient entendre la messe dans les beaux jours à pied du chateau neuf, où ils etoient elevez, en se promenant par une belle allée de charmille qui aboutissoit à cette chapelle. Et apres la messe, on leur servoit [p. 120] à dejeuner devant ladite chapelle, sur une grande table de pierre, sous un grand chesne. Ensuitte, ils jouoient au mail pendant quelques heures pour leur servir de recreation et de promenade. Cette chapelle etant demeurée jusqu’en l’année 1649 sans y avoir fait aucune reparation, etant tombée encore en ruine, ce qui obligea le roy Louis 14, à present reignant, et de l’avis de la reyne sa mere, lors regente de ce royaume, par une pieté toutte singuliere, de la faire rebatir de neuf en ladite année 1649 et de la fonder de 400 l. de rente à recevoir par chacune année sur la recepte des bois de la generalité de Paris par cun chaplain qui fut nommé par Sa Majesté, à la charge de celebrer dans icelle chapelle trois messes basses touttes les semaines de l’année, scavoir le dimanche, le mercredy et le samedy, à l’intention de Sa Majesté et de ses successeurs roys, ce qui c’est executé pendant quelques années, jusqu’au deceds du sieur Levavasseur, dernier titulaire de ce benefice, qui arriva en l’année [vide], lequel etoit [p. 121] obligé de celebrer lesdites messes ailleurs à cause du mauvais etat du batiment de cette chapelle qui, etant encore tombée depuis en ruine faute d’entretiens, ce qui auroit obligé Sa Majesté, par sa pieté, de transferer le tiltre de cette fondation à la chapelle des pauves malades de l’hopital ou charité etablie dans le lieu de Saint Germain en faveur du sieur Chauveau, chaplain qui leur administre les sacrements sous la direction du sieur curé de la paroisse dudit lieu, pour y acquitter les charges portées par icelle fondation royalle, affin que les pauves malades, convalescens et autres personnes qui y assisteront prient le Seigneur pour la conservation de Sa Majesté, fondateur et bienfaiteur de ladite chapelle et de cet hopital royal. […]
[p. 130] Chateau du Val
Le petit chateau du Val est à l’un dex extremitez du petit parc, au bout de la grande terrasse, à côté d’une plaine nommée le Val où etoit une belle futaye qui fut abattue du reigne du roy Henry 4, et le bois fut donné au sieur de Frontenac, lors capitaine de Saint Germain en Laye, vers l’année 1609. Ce fut pour decouvrir [p. 131] la maison du Val, qui n’etoit batie dans ce temps qu’en manière d’un gros pavillon caré couvert de tuille accompagné de plusieurs batimens, dans lesquels il y avoit une grande salle haute, peinte en verdure avec des chasses de différentes manieres, et sous icelle des offices, avec une basse court et quelques batimens pour servir de menagerie, et un jardin potager et fruitier. Ce lieu n’etoit sans autre agrement, qui ne servoit seulement que pour y faire collation aux retours des chasses que les roys faisoient dans la forest. Cette maison ayant demeuré ainsy jusqu’en l’année 1676 que le Roy la voulut rebatir d’un autre dessein, meme en deux differentes fois, ainsy qu’elle se voit à present. Sa Majesté y allant fort souvent se promener apres les retours de chasses, ainsy que la feue reyne Marie Therese, qui y faisoit collation dans les beaux jours. C’est aussy ce qui donna occasion à sa majesté de rebatir ce petit chateau ainsy qu’il se voit à present, qui est d’un dessein fort joly, y ayant dans le milieu du batiment un grand sallon caré vouté en dosme tres exaucé qui est en face du [p. 132] jardin et de la cour. Il separe deux petitz appartements bas composez de plusieurs pieces de plain pied tres commodes pour touttes les saisons, y ayant meme un poesle inconnu qui chauffe en hyver.
En la face de devant est une belle cour principalle entourée d’une grande grille de fer peinte en verd. L’autre cour est pour les offices et logement du concierge, dans l’enclos du batiment, qui est couvert de plomb et ardoise avec des ornemens d’architecture et bustes autour de marbre blanc de distance en distance sur ldes consolles tres proprement travaillés. Les jardins sont fort beaux et spacieux, partye en terrasses avec des parterres de buis en broderie et pieces coupées entourées de plattes bandes où il y a quantité d’ifs tres bien figurez et autres arbrisseaux verts avec des fleurs de touttes les saisons, accompagnés d’un grand verger où il y a quantité de beaux espalliers d’arbres où il croist les meilleurs fruits du royaume, qui sont portez au Roy dans les saisons. »

Récit des travaux entrepris à l’église de Saint-Germain-en-Laye par ordre du roi

« [p. 32] Le roy Louis 14 a donné en plusieurs et differends temps plus de cent mil livres, nottamment quand il a fallu agrandir cette eglise royalle, dans laquelle il ne pouvoit contenir la moitié des peuples qui s’etoient venus habiter dans le lieu de Saint Germain à cause dy sejour ordinaire que Sa Majesté y faisoit avec sa cour. Il donna pour l’agrandissement de ladite eglise 46590 l., qui ne se pouvoit faire que du costé du prieuré, et on demanda au sieur de Soleux, lors prieur commendataire dud. lieu, quelque terrain dans la cour de son prieuré, où il donna 23 toises de long sur 4 toises de largeur de son terrain dans la cour dudit prieuré. Mais comme iceluy prieur n’étoit qu’usufruitier de son benefice et ne pouvant allienner aucun fonds, il fit pour cet effet passer un acte devant les notaires du lieu le 18e mars 1681 entre luy et les sieurs Jean Anthoine, escuyer, porte arquebuse du Roy, et François Ferrand, sieur de Fillancourt, lors marguilliers en charge de ladite eglise, par lequel acte la paroisse c’est obligée de faire dire une grande messe tous les premiers jours du mois de may à l’intention dud. sieur Soleux et ses successeurs avec une reconnoissance de [p. 33] dix sols de rente annuelle. Lorsque cet acte fut terminé, lesdits sieurs marguilliers commencerent à faire travailler à la demolition d’un ancien bas costé de l’eglise où les eaux avoient percé et penetré les arcades et les pilliers de pierre jusques dans leurs fondemens, ce qui cause la cheute de la plus grande partie du batiment du costé du cœur et de la grande nefs, qui ariva l 12e septembre 1681. Le Roy estant pour lors à Fontainebleau, ayant apris ce malheur, ordonna à M. de Colbert, ministre d’Estat et surintendant des Bâtimens de Sa Majesté, de s’y transporter pour visitter l’estat auquel estoit le reste des batimens de cette eglise. Les ayant veus et visittez, ayant trouvé une partie de cette eglise abattue et le reste dans un peril tres evident, l’ayant dit à Sa Majesté, Elle luy ordonna de faire faire incessamment le retablissement entier de toutte l’eglise, ce qui a esté executé sur les desseins de monsieur Mansart, premier architecte des Batimens de Sa Majesté, qui y a donné ses soins pendant 6 années où les sieurs Antoine et Ferrand furent continuez en la fonction de marguilliers de ladite paroisse.
La premiere pierre fondamentalle du batiment fut [p. 34] posée avec grande ceremonie au nom du Roy au mois de mars de l’année 1682 par M. le duc de Noailles, pair de France, gouverneur de Perpignan et premier capitaine des gardes de Sa Majesté, estant absente, au jambage de la petitte porte qui conduit de l’eglise dans le prieuré, sous laquelle fut mise 3 medailles dont deux d’argent où sont les effigies du Roy et de la Reyne, et l’autre de plomb où est gravé sur un costé le nom et qualité dudit seigneur duc de Noailles et sur le revers ceux desdits sieurs Anthoine et ferrand avec une pareille inscription que celle qui est mise sur la porte de l’eglise du costé du château, qui est que celle eglise a esté rebatye du reigne et des biens faits du roy Louis 14 dit le Grand, en l’année 1682, ainsy qu’il ft encore mis en plusieurs autres endroits des bastimens.
Apres que tous lesdits batimens furent achevez le 10e avril 1683, veille du dimanche des Rameaux, monseigneur l’archevesque de Paris vint faire la benediction en presence de mondit sieur le duc de [p. 35] Noailles. »

Description et antiquités de la forêt de Saint-Germain-en-Laye, par Antoine, porte-arquebuse du roi

« [f. 1] Description et antiquitées de la forest de Saint Germain en Laye
[f. 2] Au Roy
Sire,
Le lieu de Saint Germain tirant toute sa gloire de l’heureuse naissance de Vostre Majesté, dans lequel est scituée la forest de Laye, qui est l’une de plus belle et agréable de son royaume, et qui a esté toujours honnorée de la présence des roys ses prédécesseurs, et de celle de Votre Majesté dans les [f. 2v] plaisirs des chasses et promenades depuis le commencement de son règne jusques à présent, j’ay cru par tous ces endroits qu’Elle voudra bien me permettre de luy présenter le plan avec une description de ladite forest que j’ay faite, où Elle pourra la voie en racourcy dans toute son estendue, comme ayant eu l’honneur d’avoir esté commis par un brevet de Votre Majesté en l’année 1688 à l’inspection de lad. forest et capitainerie de ce lieu, qui est une grâce qu’Elle a bien voulu joindre à beaucoup d’autres que j’ay l’avantage de tenir d’Elle comme une marque de la confiance dont Elle m’a toujours honnoré, et pour répondre à laquelle j’ay tasché d’exercer lad. commission avec toute l’asiduitté et fidelité qu’il m’a esté possible, ayant pour cet effet donné tous mes soins pour la conservation de ladite forest, encore qu’elle se trouve maintenant dans une très grande désolation, ainsy que j’ay eu l’honneur de l’en informer plusieurs fois, suivant les ordres précis que j’en ay receus d’Elle, espérant que Votre Majesté voudra bien, par l’attachement qu’Elle a toujours eu pour cette belle forest, d’empescher sa totalle ruyne en y apportant les remèdes qu’il conviendra y apporter pour cet effet. C’est là le but, Sire, que je me suis proposé en prenant la liberté [f. 3] de luy présenter ce petit manuscrit, par une marque de ma reconnoissance et combien je suis sensible aux grâces qu’Elle me fait tous les jours et à ma famille, laquelle offre journellement à Dieu ses vœux et prières pour la conservation de la sacrée personne de Votre Majesté. Ce sont là, Sire, les désirs les plus ardens de celuy qui est de Votre Majesté le très humble et très obéissant serviteur et fidel sujet.
Antoine, écuyer, porte arquebuse de Vostre Majesté

[f. 4] Carte de la forest de Saint Germain

[f. 5] Description de la forest de Saint Germain en Laye
La forest de Saint Germain en Laye est l’une de plus belles du royaume pour ce qu’elle contient, tant par la beauté de sa scituation que par plusieurs autres agrémens dont elle est accompagnée. Elle ne contenoit cy devant que 5198 arpens 45 perches, et à présent 5714 arpens huit perches, suivant le dernier arpentage qui en a esté fait par le sieur Caron, arpenteur de la maistrise de ce lieu en l’année 1686, tant plain que vuide, de plusieurs sortes de bois, tant futaye que taillis, dont elle est entourée. L’on tient qu’elle fût nommé la forest des Layes à cause qu’il y a eu de tout temps beaucoup de gibier, et particulièrement des sangliers et layes. Son terrain est secq, très beau, presque sablonneux, sans montagne, vallée ny marécage, fort uny, faisant très beau se promener et chasser dans toutes les saisons de l’année. C’est ce qui la fait l’une des forests la plus chérie des roys et princes [f. 5v] depuis plus de six cens années, qui est le temps de la fondation du vieux chasteau faite par le roy Louis 6e dit le Gros, vers l’an 1122. Ce que nous marquons avoir esté continué jusques à présent par les roys ses descendans, qui y ont pris aussy leurs divertissemens les plus ordinaires pendant le cours de leurs règnes, ainsy que nous voyons par les anciens registres de la maistrise de cette forest, qui marquent que les roys cy devant n’en possédoient qu’une partie, ayant acquis de temps en temps l’autre, particulièrement du prieuré des Loges et de plusieurs particuliers voisins d’icelle forest, ainsy que le Roy a fait encore en l’année 1673, ayant acquis tout le restant des bois en icelle forest qui se montoient à 391 arpens 20 perches de bois taillis qui appartenoient partie aux dames religieuses de la grande abbaye de Poissy, au prieuré d’Hannemont, aux seigneurs de Maisons et de Fresne, tant par eschange d’autres bois dans la forest des Alluets le Roy qu’en rentes sur l’hostel de ville de Paris. Tellement que par cette dernière acquisition, laditte forest de Saint Germain en Laye appartient à présent en total au domaine royal de la Couronne de France, ainsy que celle de Marly, pour laquelle il a esté fait une pareille eschange. C’est ce qui empeschera à l’avenir beaucoup de malversations qui s’y sont commises cy devant sous prétexte [f. 6] de propriété des bois. Comm’aussy Sa Majesté ayant fait l’eschange desd. bois avec lesd. particuliers desnommez, lesquels avoient aussy droit de pâturages dans cette forest pour leurs bestiaux avec beaucoup d’autres lieux circonvoisins d’icelle, Sa Majesté, voulant aussy les supprimer, et par une justice et bonté toute particulière, a bien voulu pour concourir au soulagement des particuliers, leur remplacer les droits qu’ils avoient de ces pâturages par des prairies et autres terrains que Sa Majesté a acquis pour cet effet, qui ce sont montez à une somme de plus de six vingt mil livres, lesquelles prairies ont esté partagées scavoir aux habitans de Saint Germain en Laye qui avoient une grande commune au bord de cette forest, les villages de Carrière sous le Bois, le Mesnil le Roy, Maisons, Garennes, Achères, Chambourcy et le prieuré d’Hannemont, tous lesquels avoient droit de mettre pâturer dans lad. forest de Saint Germain leurs bestiaux, qui montoient à plus de mil bestes omailles qui paissoient journellement dans toute l’estendue d’icelle forest, ce qui n’a pas peu contribuer à sa ruine, avec plus de 1200 bestes fauves qui y estoient dans ce temps, ce qui obligea aussy d’en faire sortir ou tuer une partie afin de pouvoir soulager et remettre cette forest en meilleur estat, qui estoit très désolée, soit par cette raison que par les grands hyvers, qui ont fait périr [f. 6v] beaucoup de futaye qui estoit à son retour, et par les malversations qui s’y sont commises, par le manque de soin et d’attention des officiers d’icelle, nottamment pendant la minorité du Roy, qui, ayant esté informée de tous ces désordres, a bien voulu chercher les moyens pour trouver quelques remèdes de pouvoir restablir cette forest, soit par en receper une partie et replanter l’autre, ce qui a esté fait en plusieurs endroits vuides où lesd. bois estoient morts, et ce qui a esté exécuté pendant le cours de son règne avec une extrême dépense, sans fruit, pour n’avoir pas pris les précautions nécessaires pour les exécutions des ordres de Sa Majesté. Laquelle, pour une plus grande seureté et tranquilité, l’a voulu faire clore de murs, dans laquelle clôture il y a eu vingt cinq portes aux passages et advenues des grands chemins pour la commodité publique, qui sont gardées par des suisses qui dépendent de M. le capitaine. Tous les soins font espérer, avec toutes les précautions que Sa Majesté veut bien avoir pour cette belle forest, qu’elle reprendra son ancien lustre si les bonnes intentions de Sa Majesté sont secondées cy après par ceux à qui Elle en a confié la garde. Car l’on peut dire qu’elle est l’une des plus belles et délicieuses du royaume par sa scituation, entourée par un costé de la rivière de Seyne, qui luy sert comme d’un canal [f. 7] accompagnée de plusieurs isles et prairies verdoyantes qui la bordent, dont la veue sur plusieurs villages luy est fort agréable. Elle est remplie de toutes sortes de gibier, tant fauves qu’autres, s’y plaisant fort, y estant à son aise par les bons ganiages et quantité de marres d’eau qui sont très nécessaires pendant les chaleurs de l’esté, ce qui est une chose des plus essentielles, particulièrement pour les bestes fauves, dont une forest esloignée de la rivière.
Après avoir fait une ample description de cette forest, il est aussy à propos de faire une petite mention de quelques particularitez qui sont venus à nostre connoissance, ainsy que des lieux et routes remarquables distinguez par des croix et autres choses curieuses, qu’il est quelques fois nécessaires de scavoir pour la commidité publique et des chasseurs. Il y a la croix nommée Pucelle, qui est sur l’ancien chemin de Saint Germain à Poissy, où l’on tient qu’il y a eu une jeune fille viollée et tuée en cet endroit vers l’an 1423. Une autre croix très ancienne, nommée la croix de Laye, qui est sur le chemin de Poissy, au village de Chambourcy, la croix de Berry dans la route de la Muette, où le nommé de Berry de Poissy fut assassiné l’an 1540. Il y a la croix Dauphine, dans l’ancienne routte de Garennes, qui y fut posée l’an 1545 [f. 7v] lorsque le roy Henry second estoit dauphin, la croix de Saint Simon posée l’an 1635 par M. le duc de Saint Simon, lors capitaine de ce lieu, sur le chemin de Conflans, la croix de Poissy, posée de l’ordre du roy Louis 13 an l’année 1640, et en dernier lieu a esté posé une croix dans le milieu de la grande route de Poissy en l’année 1690, nommée la croix de Montchevreuil, qui est capitaine de ce lieu, lequel a beaucoup contribué à l’embellissement de cette route, particulièrement à la faire paver, qui estoit cy devant impraticable. Il se voit encore plusieurs endroits remarquables, mesme pour les chasseurs, comme le pas du Roy, qui est une pierre où est emprint la forme d’un pied, que l’on dit est celuy du roy François premier, posé sur un grand chemin derrière les Loges. Il y a aussy plusieurs chesnes remarquables dans des carrefours et routtes distinguées par des petites figures de saints qui y sont posées, comme le chesne de sainte Barbe proche la Muette, celuy de saint Joseph sur le chemin d’Achères, le chesne de sainte Anne sur le chemin des Loges à Poissy, celuy de saint Fiacre sur le chemin de Conflans, celuy où il y a une Vierge nouvellement remise, qui est dans la routte des Loges, ayant esté autresfois dans le vieux chemin de ce monastère à Saint Germain. Il y avoit aussy la croix de Beaumont, [f. 8] qui estoit sur un chesne coupé dans les ventes de Maisons, qui est l’endroit où le sieur de Beaumont, capitaine et maître particulier des Saint Germain, fut assassiné le premier may 1660 par deux personnes de distinction avec lesquelles il avoit eu quelques différens, leur procez, ayant esté fait, les obligea de sortir du royaume pour se sauver en Angleterre où ils sont décédez.
Nous dirons aussy que pour le gouvernement de cette forest, il y a plusieurs officiers, scavoir un grand maître et un maître particulier, un lieutenant, un procureur du Roy, un inspecteur, un garde manteau, un greffier, un arpenteur, lesquels officiers ont inspection sur tous les bois et les eaux qui dépendent d’icelle maistrise, qui tiennent les audiences tous les jeudis dans l’auditoire de la prévosté du lieu pour ce qui regarde et concerne les affaires de ladite maistrise, d’où dépend, outre lad. forest de Saint Germain qui contient 5714 arpens, celle de Marly 2000 arpens, les bois de Vezins 1009 arpens, Vezinet et autres bosquets qui en dépendent, comm’aussy la maistrise de Pontoise, qui a esté supprimée et réunie à cette maistrise l’an 1669, la petite forest des Alluets le Roy qui contenoit 848 arpens 55 perches de bois taillis qui en dépend et qui ont esté eschangez à d’autres, ainsy qu’il a esté dit cy [f. 8v] devant, pour les réunir aux forests de Saint Germain en Laye et de Marly. Il y [a] aussy six gardes pour lad. forest de Saint Germain, trois pour celle de Marly et un en Vezinet.
Il y avoit anciennement une grurie qui a esté supprimée en l’année 1666, estant très inutile.
Le gouvernement et capitainerie de Saint Germain en Laye est une des premières de ce royaume, et l’une des plus honnorables, estant d’une grande estendue, puisqu’elle a près de dix lieues de long sur cinq ou environ de large. Elle a esté agrandie en différends temps. En premier lieu par le roy François premier, car il se remarque que, devant son règne, que les capitaines ne se qualifoient que de concierge de Saint Germain. Cette charge ne s’estendoit pour lors que sur le chasteau, la ville, la forest et ses environs, ainsy qu’il est justifié par une inscription sur la tumbe de Robert de Meudon dans l’église du prieuré d’Hannemont, qui ne se qualifié que de concierge de Saint Germain sous le règne du roy Philippes 5 dit le Long, l’an 1320. Nous remarquons que cette charge a esté toujours possédée par des personnes de la première qualité, [f. 9] puisqu’en l’année 1472 qu’un Guillaume de Montmorency la possédoit sous le roy Louis unze. Depuis ce temps, et dans les règnes suivans, comme dans celuy cy, nous avons veu messieurs les ducs de Saint Simon, les marquis de Maisons père ety fils, le marquis de Beaumont, le marquis de Richelieu, le duc du Lude, grand maître de l’artillerie, et à présent possédée par M. le marquis de Montchevreuil et M. son fils en survivance, dont les gages sont payez par le trésorier des chasses, ayant sous luy plusieurs officiers de ladite capitainerie, scavoir un lieutenant, un soulieutenant, un procureur du Roy, un greffier, deux rachasseurs, douze gardes à cheval, vingt huit gardes à pied et un inspecteur général pourveu par brevet de Sa Majesté du 19e juin 1688. Le capitaine tient tous les lundis les audiences dans l’hostel de la capitainerie, assisté de tous ses officiers pour le fait des chasses qu’il juge en dernier ressort. Et comme laditte forest se trouve maintenant dans une grande désolation et dépérissement, nonobstant tous les soins et les dépenses que Sa Majesté y a fait faire cy devant et qui ont esté aussy inutilles, faut d’y avoir apporté toute l’attention qui estoit nécessaire. Cependant, [f. 9v] quand il plaira à Sa Majesté, l’on pourra trouver des moyens pour y remédier avec plus de mesnagement que ce qui a esté fait par le passé.
Monastère et couvent des Loges dans la forest de Saint Germain
Comme ce monastère est compris dans ladite forest, nous avons cru qu’il estoit bon d’en faire icy l’explication en la manière suivante :
Au bout de la grande route en face du vieux chasteau, il se découvre le monastère et couvant des Loges, qui estoit anciennement un prieuré en titre de bénéfice, dont l’on ne scait pas bien le temps de sa fondation, estant très ancien, le titre en est demeuré toujours. Il est maintenant en la personne d’un religieux augustin nommé Alexis qui en a esté pourveu par Sa Majesté le [vide] du mois de l’an 16[vide] sous le nom de Saint Fiacre. Ce monastère est dans les limites de la parroisse de Saint Germain en Laye, ainsy [f. 10] qu’il est justifié par une permutation qui fut faite de ce bénéfice le 18 may 1509 incérée dans l’arrest de la réunion de lad. parroisse de Saint Germain en Laye au diocèse de Paris rendu l’an 1670. Ce prieuré ayant esté ruiné, soit par les guerres ou autrement, les titres en ont esté perdus, les bastimens démolis faute d’entretiens, en telle façon qu’il n’y avoit resté que des ruynes pendant un grand temps, dans lesquelles il s’y establit un bon religieux hermite nommé frère René, qui ne vivoit que des charitez des bonnes gens des environs de cet hermitage. Ce religieux estoit mesme considéré du roy Louis 13, d’heureuse mémoire, qui luy faisoit souvent des aumosnes quand il le rencontroit dans la forest et en d’autres lieux, lequel estant devenu caduc et incommodé dans sa vieillesse, ne pouvant plus sortir pour aller à la queste, ce qui l’obligea de demander permission au roy Louis 13 d’associer quelques religieux avec luy pour le soliciter dans ses nécessitez, ce que le roy luy accorda par ses importunitez avec bien de la peine, appréhendant les suittes qu’un monastère feroit dans la forest, où il s’y pouvoit establir un jour une grande communauté de religieux, ce qui ariva peu de temps après. Cet hermite ayant fait choix l’an 1635, suivant la permission qu’il en avoit eue de Sa Majesté, de deux religieux, petits [f. 10v] religieux augustins deschaussez, lors nouveaux venus en France, lesquels demeurèrent avec led. hermite jusqu’à sa mort, qui arriva en l’année 1640, après laquelle il s’y establit une plus grande communauté desd. religieux augustins, qui dans la suitte se multiplia par la protection que leur donna la Reyne, mère du Roy, ayant conceu une bonne volonté pour ce monastère, y allant visiter ce lieu très souvent par dévotion, ainsy que la chapelle de saint Fiacre. C’est ce qui obligea aussy cette reyne, par sa piété, de leur faire de temps en temps des charitez pour ayder à bastir et construire ce monastère, sur quelques vieilles ruines restées de l’ancien monastère, qui estoit proche de cette chapelle de saint Fiacre, en telle façon et en peu de temps y a esté basty une très jolie église avec des cloistres, réfectoires, dortois et autres logemens réguliers accompagnez de jardins et d’un bosquet, fait dans un lieu qui estoit inculte, n’y ayant que des espines et éronces, qui sert d’une petite promenade dans l’enclos de cette maison régulière qui est scituée dans le milieu de la forest, au bout d’une belle route qui fut faite exprès l’an 1675 pour la commodité publique et de la promenade. Ce qui a donné occasion à un grand concours de peuple d’y aller, soit par dévotion entendre le service divin, ou par promenade, mesme au Roy et à lad. Reyne [f. 11-12] sa mère, particulièrement les jours de Pasques et des grandes festes aux stations, mesme aux jubilez et autres dévotions qui arrivent pendant l’année. Lorsque cette princesse estoit à Saint Germain, c’estoit une de ses plus fréquentes promenades. Elle y a fait mesme bastir au coing du jardin un petit pavilon destaché dud. monastère pour s’y reposer et estre en particulier lorsqu’elle est venue séjournée à Saint Germain jusqu’à sa mort. Il sera remarqué que l’ancienne chapelle de saint Fiacre estoit dans l’enclos de cette maison, laquelle dépendoit de la parroisse de Saint Germain en Laye, où le curé et son clergé a droit d’aller tous les ans en procession le jour et feste de Saint Fiacre. Mais comme dans la suitte cette chapelle estoit tombée en ruyne et restablie dans la nouvelle église, ce qui cause quelques contestations avec lesd. religieux pour raison des droits d’icelle, il fut fait un accord par l’entremise et charité de cette princesse Reyne avec lesd. religieux augustins, et les sieurs curé et marguilliers de lad. parroisse de Saint Germain, le 26 aoust 1656, par lequel accord lesd. sieurs curé et marguilliers ont esté maintenus en la possession et droit que la parroisse avoit eu de tout temps dans cette chapelle et d’y aller en procession ainsy que par le passé, et que les religieux augustins partageroient par moitié aux questes et aumosnes qui se [f. 11-12v] recevroient pendant le jour de saint Fiacre, et que les restes des bastimens de cette vieille chapelle seroient démolis et le tire transféré dans l’une des chapelles de leur nouvelle église, pour avoir le mesme droit que la parroisse avoit dans lad. ancienne chapelle, où est proche d’icelle un reste de grand bastiment avec un enclos qui dépend à présent des maistres particuliers de la forest. C’estoit dans ce lieu où ce rendoit cy devant la justice de la maistrise et grurie des Eaux et forests de ce lieu tous les jeudis, et mesme où les titres concernans laditte forest estoient gardez dans des armoires, qui ont esté depuis transférez à l’auditoire de la prevosté de Saint Germain où l’on tient à présent le siège des Eaux et Forest de cette maistrise. C’est ce qui a causé en partie la ruyne de tous les autres bastimens, qui estoient considérables cy devant qui faisoient partie de ceux de l’ancien prieuré de Saint Fiacre des Loges.
Chasteau de la Muette dans la forest de Saint Germain en Laye
Comme ce chasteau est compris dans lad. forest, [f. 13] nous avons cru qu’il est bon d’en faire icy l’explication en la manière suivante :
Dans l’une des extrémitez de lad. forest de Saint Germain se voit à présent les ruynes du chasteau de la Muette. L’on l’a ainsy nommé à cause qu’une partie des équipages des chasses et véneries y logeoient ordinairement. Il a esté basty par le roy François premier vers l’an 1530 pour y loger dans les beaux jours lors des grandes parties de chasses. Il est basty dans le milieu de la forest, en un lieu très solitaire, sans eau ny aucun agrément de jardins que la naturel de la forest. Les bastimens du chasteau estoient assez considérable, en manière d’un gros pavillon quarré fort exaucé avec plusieurs tourelles autour, basty de pierres et briques très proprement, couvert par-dessus en platteforme de grandes pierres entourées d’un balustre de pierre tournées avec des pillastres de distance en distance où estoient gravez en relief des salamandres, les armes de France et des FF couronnées qui faisoient tout le circuit de cette belle terrasse, sur laquelle l’on se promenoit et d’où l’on voyoit quelques fois passer la chasse quand elle s’adonnoit aux environs de ce lieu. Et ce qu’il y avoit de très particulier estoit un fort beau jeu de paume couvert qui estoit sur cette terrasse, d’où l’on voit une très belle veue. [f. 13v] Les appartemens de ce chasteau n’estoient pas magnifiques, mais très commodes, sans aucuns ornemens que de la menuiserie, les uns sur les autres, dégagez par des coridors et escaliers avec des offices et cuisines dessous, tout le pourtour du bastiment voûtées avec des ceintres et arcs de pierre et entouré d’un fossé revestu de pierre et brique, lequel fermoit le dehors. Et sur le devant, il y avoit une grande avant cour qui n’estoit fermée que par un simple mur avec une porte cochère en face, ayant au milieu un grand puys et une chapelle quarrée d’une grandeur convenable pour y contenir les personnes de la suitte que le roy y menoit. L’on remarque que c’est la dernière demeure que le roy François premier aye faite dans ses maisons royalles, s’y estant trouvé très mal d’un abceds qui luy vint au bas du vente pendant huit jours qu’il séjourna dans ce chasteau au commencement du mois de mars, estant venu dans ce lieu pour changer d’air et pour y estre plus en son particulier, aymant les lieux deserts et solitaires, ainsy qu’il se prouve par plusieurs châteaux que ce roy a fait bastir dans divers lieux champestres. Son mal c’estant bien augmenté dans ce lieu, l’obligea de le quitter le 17 dud. mois de mars, d’où il fut coucher à Villepreux, ensuitte à Dampierre, à Limours, chasteau [f. 14] qu’il faisoit bastir, de ce lieu à Rochefort, et enfin à Rambouillet où il mourut le 30 du mesme mois de mars l’an 1547, au grand regret de tous ses sujets, d’où son corps fut porté dans l’église du prieuré de Haute Bruyère près Montfort l’Amaury. Depuis ce temps, les roys ses successeurs ont toujours de temps à autres habité ce chasteau de la Muette, sans y avoir fait aucune réparation, jusques au règne du roy Louis 13, qui y faisoit souvent des retours de chasses. Ce qui l’obligea d’y faire faire les choses nécessaires pour en empescher la ruine, ainsy qu’à la chapelle, qui avoit esté abandonnée, l’ayant fait restablir de neuf et rebéniste par l’official du prieur de Saint Germain en l’année 1630 afin que l’on pust y dire la messe les festes, dimanches et jours que Sa Majesté le souhaitteroit pour la commodité de sa cour. Proche de ce chasteau, il y avoit une espèce d’avant cours où il y avoit des escuries et chenils pour les équipages des chasses. Les avenues et promenades estoient très belles dans plusieurs routes qui traversoient toute la forest de toutes parts, dont la principale venoit de ce lieu au chasteau de Saint Germain et une autre alloit au village nommé Vignolle, qui estoit scitué dans la route de Garennes, que le roy Henry second a fait démolir entièrement, le trouvant mal placé [f. 14v] dans cette partie de forest, et l’église d’iceluy village transférée à Garennes pour ne pas oster aux habitans le service divin. Ce chasteau de la Muette estant demeuré en bon estat jusqu’au règne du roy Louis 14 à présent régnant. Pendant sa minorité, qui estoit bien traversée, les réparations n’ayant pas esté faites dans les temps propres, ont causé en partie la ruyne totalle de cette maison royalle, avec l’absence de Sa Majesté, ne servant plus qu’à loger un concierge et un sous lieutenant des chasses nommé Compiègne qui l’a occupée le dernier jusqu’à son décedz arrivé par un malheur assez particulier, d’un mousqueton qui se lascha seul des mains du sieur de Compiègne, son nepveu, qui le tua sur la place dans la basse court du vieux chasteau de Saint Germain. Depuis ce temps, ce chasteau de la Muette a esté entièrement abandonné, en telle façon qu’un chacun en emportoit des débris, ce qui faisoit tomber de temps en temps quelques partyes du bastiment, jusqu’en l’année 1665 que, le Roy estant à Saint Germain, chassant souvent le lièvre dans son petit parc de Saint Germain, l’ayant trouvé trop petit pour cette chasse, prit le dessein d’agrandir ce parc jusques aux environs de ce chasteau, et pour cet effet Sa Majesté en donna la commission au sieur Rose, lors maistre particulier de cette forest, lequel [f. 15], pour éviter à la dépense qu’il convenait faire pour la closture de cet agrandissement, donna l’avis au Roy d’abattre ce chasteau de la Muette pour en prendre les matereaux, ce qui luy fut accordé. Y ayant mis grande quantité d’ouvriers à la démolition, qui fut faite en trop peu de temps pour n’avoir pas assez réflechy sur le dommage qu’il y avoit de ruyner un chasteau qui auroit encore bien servy aux roys et princes dans les temps advenir, et de ne pouvoir se repentir de l’avoir destruit inutillement. C’est ce qui arriva dans cette occasion car, à peyne ce chasteau estoit il achevé de démolir, que le dessein de Sa Majesté n’ayant point esté exécuté, les matéreaux de pierre demeurèrent sur le lieu, les bois de charpente, menuiserie, ferrure et autres furent donnez en partie aux religieux des Loges pour leur monastère, ce qui a esté un très grand dommage, car ce chasteau auroit esté bien réparé de la dépense qui a esté faite pour sa démolition, ce qui peut servir d’exemple à un chacun de ne pas donner de mauvais advis aux roys lorsqu’il s’agit de ruyner ou abbattre quelque chose de cette conséquence.
Petit parc
[f. 15v] Comme le petit parc du chasteau de Saint Germain en Laye est de la dépendance et tient à la forest, nous dirons qu’il est contigu aux jardins et grande terrasse. Il contient 416 arpens, tant plain que vuide. L’on voit qu’il fut enclors de murs du règne du roy François premier vers l’an 1536. Il est séparé de la forest jusqu’à la porte de la Muette. C’estoit cy devant l’une des plus belles fustayes du royaume, qui venoit jusqu’au pied du chasteau. Il est composé de plusieurs sortes de bois, comme chesnes, érables, fresnes et charmes, qui sont presque tous péris par caducité et les grands hyvers qui sont survenus de temps en temps. Ce qui a obligé d’en faire abbattre une grande partie, qui a esté replantée d’ormes ainsy qu’il se voit, avec plusieurs allées pour donner du couvert. Dans ce parc ancien, il y avoit aussy plusieurs route sans aucune cimétrie, ainsy que la nature les avoit faites. Dans la principalle qui aboutissoit au petit pont du chasteau, laquelle traversoit toute la futaye du parc, mesme de la forest où il y avoit dans le milieu une ancienne chapelle qui estoit en ruyne depuis longtemps, dédiée en l’honneur de l’archange saint Michel, ange titulaire de ce royaume, laquelle fut réparée et rebatye du règne du roy Henry 4e, à cause que [f. 16] messieurs les princes ses enfans y venoient entendre la messe dans les beaux jours, à pied, du chasteau neuf, où ils estoient eslevez, en se promenant par une belle allée de charmille qui aboutissoit à cette chapelle, et après la messe on leur servoir à déjeuner devant lad. chapelle sur une grande table de pierre, sous un grand chesne. Ensuitte, ils jouoient au mail pendant quelques heures pour leur servir de recréation et de promenade. Cette chapelle estant demeurée jusqu’en l’année 1649 sans y avoir aucune réparation, estant tombée encore en ruyne, ce qui obligea le roy Louis 14, à présent régnant, et de l’advis de la Reyne, sa mère, lors régente de ce royaume, par une piété toute singulière, de la faire rebastir de neuf en lad. année 1649 et de la fonder de quatre cens livres de rente, à recevoir par chacune année sur la recepte des bois de la généralité de Paris, par un chappelain qui a esté nommé par Sa Majesté, à la charge de célébrer dans icelle chapelle trois messes basses toutes les semaines de l’année, scavoir le dimanche, le mercredy et le samedy à l’inenteion de Sa Majesté et de ses successeurs roys, ce qui a esté exécuté pendant quelques années, jusqu’au décedz du sieur Levavasseur, dernier titulaire de ce bénéfice, qui [f. 16v] arriva en l’année 1692, lequel estoit obligé de célébrer lesd. messes ailleurs, à cause du meschant estat du bastiment de cette chapelle, qui estant encore tombée depuis en ruyne faute d’entretiens, ce qui auroit obligé Sa Majesté, par sa piété, de transférer le titre de cette fondation à la chapelle des pauvres malades de l’hospital ou charité establie dans ce lieu de Saint Germain en faveur du sieur Chauveau, chappelain, qui leur administre les sacremens sous la direction du sieur curé de la parroisse dud. lieu, pour y acquitter les charges portées par icelle fondation royalle, afin que les payves malades convalescens et autres personnes qui y assisteront prient le Seigneur pour la conservation de Sa Majesté, fondateur et bienfaiteur de laditte chapelle et de cet hospital royal. »

Projet de règlement des coupes dans la forêt de Saint-Germain-en-Laye et dans la garenne du Vésinet

« [p. 87] Projet de règlement de coupes dans la forest de Saint Germain
Il y a dans la forest de Saint Germain environ 3631 arpens de taillis, dont il s’en trouve environ 2099 en valeur, environ 674 abroutis qu’il faut receper et comprendre dans les ventes, environ 258 qu’on juge à propos de réserver pour des ventes extraordinaires lorsqu’ils seront rétablis, environ 580 dont on ne doit attendre le rétablissement que du temps, et environ 20 arpens qu’on juge à propos de laisser croître en futaye. Ainsi, on ne doit compter que sur environ 2773 arpens de taillis dont on puisse régler les coupes.
Sur ce pied, comme on a remarqué que le bois de cette forest dépérit après 25 à 30 ans de crue, on, croit qu’on ne sçauroit mieux pourvoir à son aménagement qu’en y réglant les coupes de taillis à 27 ans de crue et à depuis 80 jusqu’à 120 arpens par an, suivant la consistance des cantons, desquels il ne seroit pas à propos, pour la décoration, de couper une partye sans l’autre.
[p. 88] En cas que ce projet soit approuvé par le Roy, comme il se trouve dans plusieurs endroits beaucoup d’anciens balliveaux sur le retour et un grand nombre de modernes établés en pommiers, il faudra dans toutes les ventes où il s’en trouvera de tels et où ils offusquent le taillis les couper en observant de réserver les mieux venans des uns et des autres et quelques vieux chênes de côté et d’autre, des moins sur le retour, afin qu’ils jettent du gland dans les ventes.
Et comme, cette forest étant destinée pour le plaisir du Roy et de la maison royalle, on n’est pas moins obligé de s’attacher à la rendre agréable qu’à la rendre utile, il faut indispensablement y réserver des bordures sur toutes les routes, qui y fassent du couvert et qui soyent de quatre toises sur les grandes routes et de trois toises sur les petites. A la vérité, cela diminuera le prix des ventes mais, comme il vient d’estre dit, on ne doit pas avoir moins d’égard au plaisir que le Roy et la maison royalle y doivent prendre qu’au revenu [p. 89] que Sa Majesté en peut retirer.
La dépence qu’il est nécessaire de faire pour le recepage et le retablissement des bois abroutis diminuera aussy le produit des ventes, et parce que cette dépence pourroit paroitre excessive si on la faisoit tout à la fois, on croit qu’il est à propos de ne la faire qu’à mesure que le temps de les couper se présentera, c’est-à-dire dans les années où les bois abroutis feront partye des ventes extraordinaires.
Avec cette conduite, et en enfermant de treillage les bois exploités jusqu’à ce qu’ils soyent deffensables, on rétablira la forest sans que le Roy soit obligé de prendre du fond ailleurs que dans le produit des ventes, ce qui se fera seulement dans les années qu’il y aura du bois à receper, et Sa Majesté en assurera le rétablissement et la conservation du reste de la forest en ordonnant qu’on oste les vieilles biches et qu’on diminue le nombre excessive des dains qui y font en dégâts étrange et celuy des lapins qui ruinent aussy le bois considérablement.
[…]
[p. 131] Projet d’aménagement de la garenne du Vezinet
La garenne du Vezinet n’est proprement qu’un bois de décoration qui, en contribuant à la beauté de la veue du château neuf de Saint Germain, sert en même temps au plaisir de la chasse par les retraites et les demeures que le gibier y trouve. Sa consistance est petite car elle ne contient qu’environ 770 arpens, y compris 17 remises à grains qui s’y trouvent et la faisanderie.
On croit qu’on ne doit pas songer à y établir des coupes réglées, estimant qu’il est plus à propos, pour y conserver le bois en le renouvellant, d’en faire quelques coupes extraordinaires dans les temps qu’il commencera à ne plus profiter, ainsi, après avoir examiné sa nature et la qualité du terrain, on juge :
Que les sept cantons entre les terres de Chatou et la grande place Royalle qui fait face au château neuf, contenant environ 218 arpens, y compris dix remises [p. 132] à grain qui en contiennent environ 45, plantés d’un revenu de taillis de bouleaux pour la plus grande partye, meslées de quelques peu de chênes et de charmes âgés de dix ans, doivent être coupés lorsque le bois aura atteint l’âge de 15 ans avec les balliveaux morts en cime qui s’y trouveront et qu’il doit en estre fait une vente extraordinaire en 1711 pour être coupé en 1712
Procès verbal page 72
Plan, cotte A
Que la vente traversée par la route Royalle entre les terres de Chatou et de Montesson et la grande place Royalle, contenant en sept cantons environ cent onze arpens, y compris trois remises à grain qui en contiennent environ neuf, planté d’un taillis de chêne pour la plus grande partye, mêlés de quelques peu de bouleaux âgé de 8 ans, doit être coupé en une seule exploitation à 22 ans de crue, avec les balliveaux qui s’y trouveront morts en cime lors des coupes, et qu’il en doit estre fait une vente extraordinaire [p. 133] en 1721 pour estre coupée en 1722.
Procès verbal page 74
Plan, cotte B.
Que les restans de la garrenne du Vezinet entre les communes de Montesson et la rivière, contenant en six cantons environ 125 arpens, y compris une remise à grains de la consistance d’environ trois arpens, et la faisanderie de la consistance d’environ dix, planté d’un assé beau revenu de taillis de chêne âgé de sept ans, doivent estre coupé en une seule exploitation à 25 ans de crue avec les balliveaux morts en cime qui s’y trouveront lors des coupes et qu’il en doit estre fais une vente extraordinaire en 1724 pour estre coupé en 1725.
Procès verbal page 75
Plan, cotte C.
Que les sepées fort éparses qui sont depuis la route de Croissy jusqu’à la rivière, contenant environ 317 arpens, y compris les trois remises à grain de la consistance d’environ 17 arpens, doivent être laissées croître jusqu’à ce qu’on [page 134] s’aperçoive qu’elle ne profite plus, afin que le terrain qu’elles occupent, qui paroit fort dégarny de bois, aye le temps de s’en garnir, observant lorsqu’on y coupera de laisser tous les arbres de brins qui s’y trouverons.
Procès verbal page 71
Plan, cotte D.
Que la futaye et le bois de la Trahison doivent être aménagés de la manière qui a esté proposée pour le corps de la futaye de la forest de Saint Germain, qui est d’y faire de temps en temps de menus marchés des arbres qui s’y trouveront morts en come.
Procès verbal page 72
Plan, cotte.
Que l’ormeraye d’un arpent et demy ou environ qui est scituée le long de la rivière neuve et qui aboutit au fossé qui sépare la garenne du Vézinet d’avec la seigneurie de Croissy, estant plantée d’ormes dont la plus grande partye sont morts en come, ne peut être coupée assés tost.
Procès verbal, page 71.
[p. 135] Plan, cotte.
Et qu’enfin, pour conserver les dix remises à bois de la plaine de la Borde et d’Houille, et y rendre le bois fort et espais, on doit l’y couper à dix ans de crue, n’en jamais couper qu’une à la fois et observer quand on en voudra couper de prendre la plus éloignée de la dernière coupée autant qu’il se pourra.
Procès verbal page 75. »

Lettre d’Henri II concernant ses enfants à Saint-Germain-en-Laye

« Mon cousin,
Je receu avant hier voz lettres escriptes a Mouchy par lesquelles m’advertissiez comme vous en partiez pour vous en aller a Sainct Germain en Laye ainsi que je vous avois mandé, et ce matin j’ay veu par celles que m’avez escriptes par vostre filz present porteur comme a vostre arrivee aud. lieu avez trouvé mes enfans en bien bonne santé, qui sont les meilleurs nouvelles que m’eussiez sceu mander. Vous advisant que ne me scauriez faire plus grand plaisir que de m’en escripre le plus souvent que pourrez. Et pour ce que par ced. porteur entenderez des miennes et de celles que je eu hier de vostre filz de Contay, je ne vous feray la presente plus longue si n’est pour prier Dieu, monsieur de Humyeres, qu’il vous ait en sa sainte garde. Escript a Chasteau Thierry le IIIIme jour d’aoust 1547.
Henry
Clausse
[f. 32v] A mon cousin le sieur de Humyeres, chevalier de mon ordre »

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