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Louis XIV
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Lettre de Guy Patin mentionnant le départ du roi de Saint-Germain-en-Laye

« Aujourd’hui au matin, ce 16 mai, est mort à Saint Germain M. Guenaut d’une apoplexie ; Dieu n’a pas permis que le vin emetique le sauvat, lui qui en a autrefois tant tué avec ce poisson et avec le laudanum chymisticum.
Le Roi est aujourd’hui parti de Saint Germain et a pris le chemin d’Amiens pour faire un grand voyage. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, donnant des nouvelles de la cour à Saint-Germain-en-Laye

« De Paris, le 29 septembre 1667
[…]
La cour est assez mélancolique à Saint Germain ; le Roi y négocie, joue souvent à la paume, et des cinq à six heures de suite il va à la chasse pour le vol et fait l’amour ; l’on en parle si diversement que l’on à peine à croire ce que chacun en dit. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, donnant des nouvelles de la cour à Saint-Germain-en-Laye

« Paris, le 27 juillet 1668
L’on attend à Saint Germain l’accouchement de la Reine ; l’on la saigna vendredi dernier pour le rendre heureux et facile. Le Roi n’en bouge pas. Il est chagrin de ce que tout le monde dit qu’il lui doit arriver quelque grand malheur et surprenant, sans que l’on puisse pénétrer d’où procède cette pensée. L’affaire de la femme qui lui dit des injures l’a beaucoup fâché, aussi bien que l’emportement d’un gentilhomme qui en dit beaucoup de mal. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant le fort Saint-Sébastien près de Saint-Germain-en-Laye

« A Paris, le 5 juillet 1669
Mercredi, j’allai au lever du Roi. Messieurs de Turenne, le maréchal du Plessis et le Grand Prieur [p. 319] me dirent que le lendemain il y avait revue générale des troupes de la Maison du Roi, que je ferais plaisir à Sa Majesté d’y aller et d’y mener avec moi M. le marquis de Saint Damien. Comme nous nous préparions hier matin pour y aller, je reçus un billet du maréchal de Bellefonds, qui m’écrivait la même chose, que le Roi dînerait au fort et que si nous nous y trouvions à bonne heure, que nous mangerions avec Sa Majesté. Nous passâmes à Saint Germain, fûmes au lever du Roi et puis nous acheminâmes au camp.
Le Roi, qui va avec sa diligence ordinaire, nous passa en chemin. Il était seul dans sa calèche et, nous rencontrant, nous salua fort civilement. Mettant pied à terre devant ses tentes, nous y trouvâmes le maréchal de Bellefonds. Je lui témoignai que Votre Altesse royale aurait reconnaissance de l’honneur qu’il procurait au marquis de Saint Damien. Il me fit connaître que c’était lui qui l’avait proposé à Sa Majesté, sur ce qu’Elle avait [p. 320] souhaité que l’ambassadeur d’Angleterre et mois dinassions là avec Elle. Quand j’entrai dans la tente où était le Roi, il m’aborda et me dit que nous y aurions chaud ; je lui répondis que l’on le considérait peu quand on avait l’honneur d’être auprès de lui, que je savais combien ses tentes étaient commodes et pompeuses depuis l’avantage que j’avais eu de le suivre en Flandre où, par ses fatigues et ses travaux, il nous avait fait voir qu’il ne fallait pas avoir égard au temps et à ses incommodités quand il s’agissait de la gloire. Il se mit à tire et me dit tout haut que, comme j’étais de ses amis, je le faisais plus brave qu’il n’était. Il me fit l’honneur de m’entretenir le long de tout son appartement de choses indifférentes du fort et que je savais comme il était fait, que j’y avais déjà été dîner avec M. de Chaulnes.
Monsieur arriva, et avec lui l’ambassadeur d’Angleterre. Il demanda d’abord sa viande. Quand on eut servi, je considérai que M. le duc de Guise [p. 321] se tenait fort proche de la personne du Roi. Je voulus observer le parti que prendrait l’ambassadeur d’Angleterre pour se placer, afin que j’en pusse faire de même. Le bon ambassadeur, qui veut disputer le pas à monsieur le Prince, laissa prendre la seconde place audit duc de Guise, qui était à la gauche du Roi, Monsieur à la droite, auprès duquel ledit ambassadeur se mit. Je jugeai qu’il ne me fallait pas mettre auprès de lui. Je me plaçai entre les ducs de Bouillon et de Luxembourg. Ils se retirèrent pour me faire place et M. de Bellefonds me dit de me mettre auprès de M. de Montaigu. Je n’y voulus pas aller et dis tout haut qu’il n’y avait pas de rang à la table de Sa Majesté et que l’on dînerait bien dans tous les endroits. Nous avions tous le chapeau sur la tête, sauf le Roi et Monsieur. Il but la santé du roi de la Grande Bretagne qu’il porta à M. de Montaigu, puis celle de Votre Altesse royale, qu’il me porta ; nous étions vingt à table, tous la burent chapeau bas.
Il monta à cheval une heure après midi et nous allâmes voir ses troupes, qui étaient en bataille sur une ligne. Il y avait plus de deux mille cinq [p. 322] cents chevaux et près de neuf mille hommes de pied en seize escadrons et quatorze bataillons ; l’artillerie était en tête de l’infanterie ; nous vîmes et revîmes les troupes par une chaleur et poussière des plus incommodes. Le Roi parla souvent à M. le marquis de Saint Damien, comme aussi Monsieur, messieurs de Turenne et de Louvois et tous les grands de la Cour.
Comme nous étions dans une halte en attendant la Reine, nous vîmes venir à nous un carrosse en diligence qui s’arrêta à trois cents pas, d’om sortit M. le marquis de Berny. Le Roi ne le reconnaissant pas et demandant qui c’était, je le lui dis. Il alla à lui tout seul au galop. Je m’entretenais pour lors avec l’ambassadeur d’Angleterre. Je lui dis à l’oreille : « Voilà des nouvelles de l’élection d’un roi en Pologne ». Monsieur m’ayant demandé ce que je disais, je lui en fis la répétition. Sa Majesté revint à nous avec un visage assez froid et qui marquait peu de satisfaction, et nous dit que les Polonais avaient élu un de leur pays pour roi, nommé Wisniowiecki et qu’ils l’avaient [p. 323] déjà couronnés. Chacun en raisonne à sa fantaisie avec assez de liberté. On m’en demanda mon sentiment ; je dis que j’aurais fort souhaité que les Polonais eussent choisi monsieur le Prince et que Sa Majesté l’eût nommé en tête de ses troupes ; que ces peuples là, quoiqu’ils eussent agi en cette rencontre contre leurs constitutions, que néanmoins ils avaient considéré de ne désobliger pas les prétendants étrangers et leurs partisans et qu’en cela ils avaient témoigné d’avoir de l’esprit aussi bien qu’à retarder l’élection, puisqu’ils avaient eu le temps de recevoir tout l’argent qu’on leur avait porté de tant d’endroits. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant une comédie donnée à Saint-Germain-en-Laye

« Paris, le 30 août 1669
J’ai commencé cette lettre ce matin à Saint Germain, où j’allai coucher hier au soir pour y voir la comédie. Le Roi m’a donné audience après son dîner. Je lui ai expliqué les ordres que Votre Altesse royale m’a donnés sur la mort de messieurs de Vendôme et en faveur de leurs successeurs, [p. 334] puis je lui ai présenté M. d’Arvey, qui lui a fait son compliment et offert les lettres de Vos Altesses royales parce que M. de Laon a jugé qu’il ferait mieux. […]
Monsieur le Dauphin a encore eu quelques attaques de fièvre, que l’on dit considérables, mais on le cache à cause de la Reine. Néanmoins, j’ai envoyé ce matin mon fils aîné à M. de Montausier pour en savoir des nouvelles ; il l’a introduit [p. 335] dans sa chambre, il a voulu qu’il lui ait fait son compliment, il l’a trouvé assis dans son lit qu’il se jouait et il lui a répondu qu’il m’était bien obligé du soin que je prenais de sa personne et qu’il était mon serviteur.
La petite Madame a été malade. Elle se porte mieux, on l’a ainsi dit à un gentilhomme que j’ai envoyé chez elle pour savoir l’état de sa santé.
J’ai été honoré par le dernier ordinaire de la lettre de la main de Votre Altesse royale du dix sept de ce mois. J’ai témoigné à M. de Péguilin combien elle et Madame Royale preniez de part à son avancement ; il m’a témoigné qu’il en avait grande reconnaissance et m’a assuré qu’elles n’avaient pas ici de plus fidèle serviteur que lui.
Dimanche qu’il y eut à Saint Germain comédie, je le fis prier d’y faire avoir place à messieurs d’Arvey et chevalier d’Aglié. On lui parla un peu tard ; il leur fit donner néanmoins un exempt des gardes pour les faire placer, mais le grand monde et la confusion fut cause qu’ils ne purent pas l’être et ils furent un peu poussés, ce qui les obligea à sortir de la salle et ils ne virent rien. Mon fils ainé fut poussé assez rudement par un lieutenant [p. 336] des gardes qui le voulait faire reculer, mais le marquis de Rochefort, qui le vit et qui est capitaine des gardes du corps, lava bien la tête à cet officier, prit mon fils par la main et le fit asseoir sur un banc le plus approché du Roi et à côté du comte de Sault. Le Roi, ayant su tout ce désordre, s’en est fâché fortement ; le sieur de Bonneuil m’en a parlé de sa part et, pour lui témoigner la reconnaissance que j’en ai, je fus hier à cette comédie ; je fus reçu par ledit sieur de Bonneuil et le chevalier de Forbin, major des gardes ; on me rendit plus d’honneurs qu’à l’ordinaire et à tous mes gentilshommes, qui furent placés dans les premières places. Le chevalier d’Aglié n’y vint pas avec moi ; le Roi veut qu’il y aille ; ce sera demain avec ma fille, car la Reine, sachant qu’elle n’y fut pas bien dimanche, elle veut qu’elle y retourne et prendre elle même le soin de la placer.
J’ai cru devoir faire ce petit détail à Votre [p. 337] Altesse royale sur ce qu’Elle pourrait savoir cette affaire différemment. La comédie est galante, il y a de belles entrées de ballet et bonne musique et concert. M. le prince de Toscane y a assisté toutes les trois fois que l’on l’a jouée ; il n’était pas avantageusement placé car il était sur un banc que, bien qu’il fût proche du Roi, il y avait auprès de lui des gentilshommes qui ne font pas ici la première figure.
Après l’audience que j’ai eue aujourd’hui du Roi, je l’ai voulu remercier du magnifique présent qu’il a fait à ma fille ; il ne m’a pas voulu écouter. Néanmoins je lui ai témoigné mes reconnaissances et que j’avais rendu compte à Votre Altesse royale des générosités qu’il faisait à ceux qui sont à Elle. Toute la Cour a témoigné grande joie de ce bienfait qu’il a fait à l’Angélique et font connaître d’être satisfaite de mes civilités et de celles de ma famille. j’ai fait passer ce poinçon pour valoir mille louis, quoiqu’il ne vaille que deux mille écus au plus. On m’a assuré que le Roi avait commandé à M. de Colbert de l’acheter mille et cinq [p. 338] cents pistoles. Quand M. de Bonneuil lui a dit que j’avais fait mon possible pour le lui faire reprendre, il en a été étonné et lui a dit que Votre Altesse royale faisait de si beaux présents à son ambassadeur et à tous ceux qu’il envoyait à sa Cour.
J’ai fait que ma fille a envoyé un étui de vermeil à la fille de madame de Bonneuil, de trois cens écus. Ils firent quelque difficulté de l’accepter, mais mon écuyer le laissa sur leur table. Ils m’en ont remercié et l’ont dit à la Cour. J’ai prôné partout les générosités du Roi, mais je ne laisse pas d’être en peinte que Votre Altesse royale ne trouve mauvais que j’en aie reçu des effets. Je voudrais avoir perdu trois fois autant que vaut le poinçon et que le Toi n’eût pas songé à me l’envoyer. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, donnant des nouvelles de la cour à Saint-Germain-en-Laye

« A Paris, le 31 janvier 1670
Bien que j’aie su dès le point du jour et même avant que de commencer cette lettre que M. le chevalier de Lorraine avait été hier soir arrêté prisonnier à Saint Germain et que Monsieur en était parti à l’heure, très mal satisfait, néanmoins je n’ai pas cru le devoir faire savoir à Votre Altesse royale que je n’en susse au vrai toutes les circonstances et les causes, ce que j’ai eu de la peine à débrouiller parce qu’on en parle bien différemment à Paris, mais à la fin j’ai su ce [p. 384] qu’Elle verra dans le mémoire ci-joint de ma main, que je n’ai pas le temps de faire copier parce qu’il est fort tard.
Relation de ce qui s’est passé à Saint Germain la nuit du 30 janvier 1670
Le Roi fit donner une petite revue à ses gardes du corps pour avoir prétexte de les assembler et donner ordre à M. le comte d’Ayen, fils de M. le duc de Noailles, capitaine de quartier, et à M. le comte de Lauzun, marquis de Péguilin, d’en prendre quatre cents à l’entrée de la nuit et de se rendre maîtres de toutes les avenues du château neuf, ce qui ne se put faire sans que Monsieur, qui y avait son logement, n’en fût averti, dont il fut fort surpris et en peine. M. Le Tellier entra d’abord dans sa chambre et lui dit que le Roi était fâché d’être forcé, pour le bien de ses affaires, de s’assurer de M. le chevalier de Lorraine, qu’il croyait qu’il y donnerait les mains de bonne grâce puisque Sa Majesté lui avait donné l’ordre de l’assurer de la continuation de son amitié et de son estime. Monsieur lui répartit que, quels traitements que le Roi fît à ce chevalier, [p. 385] qu’il l’aimerait toujours parfaitement et qu’il lui donnerait toute sa confiance mais que, puisque le Roi le traitait de la sorte, qu’il allait partir à l’heure même pour se retirer à Villers Cotterets. M. Le Tellier lui voulut représenter qu’il ne fallait pas aller si loin, que ce serait assez de se retirer à Saint Cloud ; Monsieur lui répliqua qu’il voudrait avoir une maison à trois cents lieues de La Cour pour s’y aller consoler.
M. Le Tellier, voyant entrer le comte d’Ayen dans la chambre, passa en l’appartement de madame la duchesse d’Orléans ; ce comte dit à Monsieur qu’il avait un extrême regret d’être obligé d’exécuter les ordres qu’il avait en sa présence ; il lui répliqua qu’il entendait assez ce qu’il lui voulait dire, il se tourna au chevalier de Lorraine, l’embrassa et se retira dans son cabinet, la larme aux yeux. Le comte d’Ayen fit prisonnier le chevalier de Lorraine avec toute la civilité possible, sans lui ôter son épée, le conduisit dehors de l’appartement de Monsieur, le remit au comte de Lauzun, qui l’amena sur l’heure à la Bastille, dont il est parti aujourd’hui pour être enfermé dans le château de Pierre Encise à Lyon.
[p. 386] M. Le Tellier, qui était passé chez Madame, lui fit le récit de toute la chose et lui demanda ce qu’elle ferait ; elle lui répartit hardiment : ce que Monsieur lui ordonnerait. Ils partirent sur le champ et arrivèrent à Paris environ minuit. Monsieur fit appelée l’ambassadeur d’Angleterre et l’abbé Montaigu, il demeura enfermé avec eux jusques à quatre heures ; on dit qu’il pressa fort ledit ambassadeur d’aller à Saint Germain, qui s’en excusa, et à son refus l’abbé de Montaigu a fait ce voyage là ce matin.
On parle diversement par Paris du sujet de cette détention. On dit que l’évêque de Langres étant mort, qui était cet abbé de La Rivière qui avait tant eu de crédit auprès de feu M. le duc d’Orléans, a laissé vacantes deux abbayes valant de revenu 40000 livres, qu’elles sont dans l’apanage de Monsieur et par conséquent de sa nomination ; que, les ayant données au chevalier de Lorraine et en ayant demandé l’agrément au Roi, il lui répondit [p. 387] que, n’étant pas prêtre, il en avait du scrupule et qu’alors il se passa entre eux quelques paroles d’aigreur. Mais ceux qui savent l’état des choses et qui en jugent sainement croient que le roi d’Angleterre a voulu la prison de ce chevalier, lui imputant les mauvais traitements que reçoit Madame, ceux que l’on a faits à madame de Saint Chaumont et à M. l’évêque de Valence, ses créateurs. En effet, bien que Madame suive Monsieur, elle a de la joie du malheur du chevalier de Lorraine et d’avoir l’avantage de s’être vengée du crédit du roi, son frère, que l’on ne veut pas maintenant fâcher ici.
On dit que Monsieur persiste dans la résolution de partir de Rueil pour Villers Cotterets, quoique MM. Le Tellier et de Lauzun soient venus aujourd’hui de Saint Germain pour lui parler. Il pourrait bien avoir le loisir de s’en repentir : s’il est bien conseillé, il se soumettra aux volontés du Roi ; il ne sera suivi que par ceux de sa maison et s’y divertira mal. Il n’est plus le temps d’autrefois que, quand un Fils de France se retirait de la Cour mal satisfait et était une fois à trois lieues de Paris, l’on croyait le royaume bouleversé et [p. 388] en péril ; chacun armait pour son parti et les mécontents levaient le masque ; présentement personne ne bougera, tout le monde est soumis dans le devoir et dans la crainte, le Roi dans la souveraine puissance, fort en argent et en troupes, maître des parlements, des places et de tout ce qui es dans son royaume. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, concernant le départ du roi de Saint-Germain-en-Laye

« A Paris, le 2 mai 1670
Le Roi partit lundi dernier de Saint Germain pour le voyage de Flandre, avec une des plus belles et des plus pompeuses suites que l’on puisse voir. Ils étaient huit dans son carrosse, lui, la Reine, Monsieur, madame la duchesse d’Orléans, mademoiselle de Montpensier, la duchesse de La Vallière, la comtesse de Béthune et la marquise de Montespan. Le temps était mauvais aussi bien que les chemins, son carrosse demeura embourbé en plusieurs endroits et une partie des bagages de [p. 423] la Cour, qui ne peut arriver la première nuit à Senlis. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, donnant des nouvelles de la cour à Saint-Germain-en-Laye

« A Rueil, le 20 juin 1670
Nous étions mardi à la Cour pour faire compliment à Leurs Majestés sur leur voyage et heureux retour, monsieur le nonce et moi d’ambassadeurs, les envoyés et résidents de Portugal, Suède, palatin et de Mantoue. Nous ne pûmes voir le Roi contre la coutume que l’après dîner, car, encore qu’il se porte bien, néanmoins il se baigne le matin dans la chambre par précaution. Je lui fis le compliment sur la bonne santé qui l’a accompagné dans son voyage, où je l’assurai que Votre Altesse royale l’avait suivi de ses vœux et de ses souhaits, ce que j’accompagnai d’expressions de vénération et de partialité. Il me répondit qu’il avait trouvé les choses en bon état en Flandres et mieux que quand nous y avions été ensemble, qu’il était très satisfait de son voyage. […]
[p. 444] Il me demanda ensuite avec amitié des nouvelles de la santé de Vos Altesses royales et de celle de monseigneur le prince et me témoigna de la joie quand je l’assurai qu’elles étaient parfaites, et je sortis d’auprès de lui très satisfait comme toutes les autres fois que j’ai eu l’honneur d’en [p. 445] approcher. Je vis ensuite la Reine et puis le Dauphin, dont je reçus aussi des grandes marques de bonté pour Vos Altesses royales et de ce prince, qui est toujours plus spirituel, pour monseigneur le prince de Piémont.
Madame arriva avant hier au soir à Saint Germain, fort satisfaite des honneurs, des caresses et des présents que le roi et la reine d’Angleterre lui ont faits, entre autres d’un poinçon et d‘une paire de boucles d’oreilles de grand prix. Leurs Majestés la reçurent avec des grands témoignages de bienveillance. Hier matin, avant le dîner, elle alla chez le Roi et l’après dîner le Roi alla chez elle. Ils s’entretinrent longtemps seuls et ont paru très satisfaits de leurs conférences. On dit qu’elle a fait tout ce qu’elle a voulu à l’avantage de la France, que messieurs de Colbert et de Ruvigny ont fort négocié avec Sa Majesté britannique et signé des traités de commerce pour l’Amérique, ce qui portera du préjudice [p. 446] aux Espagnols et Hollandais. M. le maréchal du Plessis y a aussi beaucoup agi et on a assuré que Madame a parole du roi, son frère, qu’il abandonnera la ligue du Nord quand Sa Majesté Très Chrétienne le voudra. On publie par Paris qu’il veut répudier la reine, sa femme, et épouser mademoiselle de Montpensier, que le Roi Très Chrétien achète tous les biens de cette princesse pour le prix de quinze millions. Je ne croirais pas néanmoins à ces deux dernières nouvelles que je n’en aie des assurances solides, car je vois bien des difficultés pour les exécuter.
Madame hait toujours mortellement madame la comtesse de Soissons, ce qui fait qu’on appréhende qu’elle ne lui fasse pièce. Elle est néanmoins à Saint Germain et jusques à présent elle espère d’aller avec la Cour à Versailles, qui part aujourd’hui de Saint Germain pour y aller faire quelque séjour. Les dames de la faveur sont aussi bien et aussi belles que jamais et toutes choses marchent de leur train ordinaire. »

Lettre du marquis de Saint-Maurice, ambassadeur de Savoie, donnant des nouvelles de la cour à Saint-Germain-en-Laye

« Paris, le 15 janvier 1672
La pensée de Votre Altesse royale sur le malheur du comte de Lauzun est très judicieuse et ce ne peut être autre chose. Il en voulait à madame de Montespan, parce qu’elle ne lui était pas favorable. Outre qu’il en a dit du mal, on croit toujours qu’il voulait donner moyen à son mari de l’enlever. Elle a encore peur de l’être et de quelque insulte, car elle ne marche jamais sans gardes, pas même pour aller de sa chambre à la chapelle [à] Saint Germain, bien qu’elle en soit tout contre.
[p. 223] Elle est toujours mieux que jamais. On avait dit que le Roi regardait avec un œil passionné la duchesse de Ventadour et que madame de Richelieu travaillait à la lui rendre facile, mais je n’en crois rien, car outre que le Roi aime toujours beaucoup madame de Montespan, c’est qu’elle est amie de la duchesse de Richelieu et lui a fait avoir la charge de dame d’honneur de la Reine. Il y a bien des gens qui croient que le Roi ne marchera qu’après les couches de la Reine pour ne pas s’éloigner des dames qu’il mènera puis à la suite de la Reine. Si cela était, on ne bougerait d’ici qu’au mois de juillet. C’est à quoi je veille, afin de tenir Votre Altesse royale instruite de ce qu’il fera. »

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