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Description archivistique
Corpus numérique sur l'histoire du château et des jardins de Saint-Germain-en-Laye Louis XIV Français
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Lettre de Colbert à Louis XIV concernant les travaux menés à Versailles et à Saint-Germain-en-Laye

« Paris, 27 juin 1673
Il me semble que je ne dois point interrompre Vostre Majesté ni derober un seul moment de la grande et prodigieuse application qu’elle donne à sa glorieuse entreprise. Il suffit qu’Elle scache que tous les ordres qu’Elle a donnés sur ses finances s’executent avec toute l’application que je dois.
Que j’avance toujours quelque chose dans le dessein de rendre Vostre Majesté quitte dans la fin de cette année.
Que tout est icy paisible, et que chacun ne pense qu’à prieur Dieu pour la conservation de Vostre Majesté et pour l’heureux succes de ses desseins.
Les ouvrages de Saint Germain et de Versailles s’avancent toujours tout autant qu’il est possible.
Par tous les avis que je reçois des places où l’on travaille, il me semble que les ordres de Vostre Majesté sont bien et diligemment executés.
Je continue à envoyer à Vostre Majesté les ordonnances cy jointes, afin qu’Elle ayt agreable de les signer.
Je dois dire à Vostre Majesté que j’ay porté à monsieur le premier president la recommandation qu’Elle m’a ordonné pour madame de Bregis, et qu’elle est venue me dire depuis huit jours qu’elle ne trouvoit aucune facilité aupres du sieur premier president pour parvenir à sa separation. »

Colbert, Jean-Baptiste

Lettre de Colbert à Louis XIV concernant les travaux menés à Versailles et à Saint-Germain-en-Laye

« Le Labyrinthe, les appartemens de marbre, la pompe, les appartemens de Saint Germain s’avancent également. J’espere que le tout sera achevé dans la fin de juillet ou au 15 aoust au plus tard. J’y apporterai toute la diligence qu’il sera possible. »

Colbert, Jean-Baptiste

Lettre de Colbert à Louis XIV concernant les travaux menés à Versailles et à Saint-Germain-en-Laye

« Paris, 5 may 1670
Je fus hier à Versailles et à Saint Germain. Les charpentiers commencerent du matin leur comble de Trianon. J’espère que, dans quinze jours, la couverture en sera achevée, et en mesme temps qu’une piece sera couverte, l’on en fera le plafond et le lambris de stuc.
Le jardin s’avance fort. On fournit à Le Bouteux tout ce qui luy est necessaire.
Pour Versailles, la corniche de la face sur le parterre est entierement posée. L’on continue avec grande diligence, et l’on commence à tailler le bois pour le comble. Je fais encore augmenter le nombre des ouvriers pour les pavillons de la grande avant-cour.
Les couvertures des deux ailes et pavillons joints au petit chasteau sont presque achevées, et les stucateurs travailleront au dedans la semaine où nous entrons.
Nous avons trouvé que l’elevation de quatre pouces des dessins portés par des figures de l’allée d’eau reussira fort bien, et mesme l’eloignement de quatre pieds des figures du bassin du Dragon. Mais il estoit bien necessaire de vider l’eau du rond, d’autant que toutes ces figures se sont trouvées crevées par la grande gelée qu’il a fait. Je les fais raccommoder, et je prendray les precautions necessaires à l’avenir pour empescher que cela arrive davantage.
Pour Saint Germain, je fais reblanchir la chambre de Vostre Majesté, et restablir la menuiserie et serrurerie de ses appartemens.
L’on continue le grand parterre. Les deux grands carrés seront plantés dans la fin de ce mois, et Vostre Majesté trouvera, à son retour, plus de 700 toises de la grande terrasse achevées.
Je supplie Vostre Majesté de me faire scavoir si Elle desire que je fasse payer les ordonnances de voyage qui sont expediées icy, en attendant que je puisse les envoyer à Vostre Majesté pour les signer.
Elle agreera aussy de signer les ordonnances cy jointes.
Les affaires de finances sont en l’estat que Vostre Majesté les a mises et les scait, en sorte qu’il n’est pas necessaire de luy en rien dire.
Mademoiselle de Blois a eu la petite verole volante. Ma femme a fait venir le sieur Brayer, qui en a pris soin. Grace à Dieu, elle en est à present presque quitte.
M. le comte de Vermandois est fort enrhumé, ce qui luy a causé un peu d’emotion. Vostre Majesté peut estre assurée que ma femme en prend tout le soin qu’elle doit.
J’avois envoyé au parlement de Rouen le reglement general des manufactures pour le registrer purement et simplement par les soins de M. Pellot, mais ce parlement en a fait difficulté. Je supplie Vostre Majesté de me faire scavoir si Elle agreera que j’envoye ses ordres à M. de Beuvron, de les y porter pour les faire enregistrer par l’autorité de Vostre Majesté.
Ce 6, au matin
Mademoiselle de Blois se porte fort bien, et sera purgée demain matin.
Le prince n’a plus d’emotion, et son rhume est fort diminué. »

Colbert, Jean-Baptiste

Lettre de Colbert à Louis XIV concernant les travaux menés à Versailles et à Saint-Germain-en-Laye

« Sceaux, 28 septembre 1673
Je fis hier, Sire, faire une experience des pompes de Versailles.
Je puis assurer Vostre Majesté que les deux dernieres pompes en chapelets du sieur Francine portent 72 pouces d’eau dans le reservoir haut, et par consequent que les quatre en porteront 144 pouces.
Le reservoir d’en haut estoit entierement plein. Je fis marcher continuellement ces deux pompes et deux autres des quatre basses dudit Francines et de Denis, et cela pour faire l’experience sur la moitié des pompes seulement. D’autant qu’il y aura huit pompes nouvelles qui seront dans le reservoir haut et que je n’en fis aller que quatre, avec l’une des deux de la grande pompe.
Je fis ouvrir les huit jets, scavoir cinq du parterre, le Triton, la cour et la terrasse, à une heure precise du matin. Ils jeterent jusqu’à cinq heures et demie du soir que le reservoir se trouva vide. En sorte que je crois que Vostre Majesté peut faire estat que lorsque les dix pompes porteront toutes dans le reservoir haut, ces huit jets pourront aller douze heures sans difficulté. Mais il y a deux choses à observer : l’une que les dix pompes rempliront le reservoir haut en six heures de temps, et l’autre que la grotte, le Dragon et l’orangerie tirent de ce mesme resevoir.
Je fais travailler nuit et jour aux deux autres pompes en chapelets, et j’espere qu’elles seront en place dans quinze jours.
L’on couvre tout à Trianon, et Le Bouteux promet que Vostre Majesté sera satisfaite sur les fleurs.
Le Labyrinthe, le Marais, la Ceres, les groupes du Theatre et de la cour et les six pieces du grand appartement de Vostre Majesté seront entierement achevés dans le mesme temps.
Il n’y a plus que les doreurs dans l’appartement de madame de Montespan à Saint Germain. Le tout sera achevé dans huit jours.
J’ay fait payer 500 000 livres à compte des 1 200 000 que Vostre Majesté a demandées sur le mois de decembre, outre les 200 000 qui estoient desja payées. J’espere avancer de quatre ou cinq jours le temps que Vostre Majesté m’a donné jusqu’au dix.
J’expederay ce que Vostre Majesté ordonne sur le sujet du parc de Folembray et de la terre d’Aubigni. »

Colbert, Jean-Baptiste

Lettre de Guy Patin concernant la fuite du roi à Saint-Germain-en-Laye

« Le jour de l’an s’est passé ici comme les autres jours ; mais la Reine etant en colere contre le parlement, qui continuoit toujours ses assemblées, sans vouloir verifier aucune declaration, afin qu’elle put recouvrer finances pour continuer la guerre, et pour l’entretien de sa maison ; au contraire, apprenant qu’en ces assemblées le parlement meme avoit menacé de donner arret contre la chambre des Comptes, si elle verifioit la declaration qu’elle leur avoit envoyée, en faveur de quelques partisans. Enfin, elle s’est resolue à la rigueur et à la voie de fair. Le mercredi, jour des Rois, sixieme de janvier, à deux heures du matin, elle est sortie de son palais cardinal avec le Roi, M. le duc d’Anjou, et le cardinal Mazarin, et s’en est allée à Saint Germain en Laye. M. le duc d’Orleans et M. le Prince y sont allés aussi. Et ensuite de ces maitres, quantité d’officiers. Des que cela a eté su, le prevot des marchands et les echevins ont ordonné que l’on gradat les portes de la ville et qu’on ne laissat rien sortir. Cela en a retenu plusieurs qui pensoient d’ici se sauver, et meme quelques chariots pleins de bagages ont eté pillés en divers endroits par quelque populace mutinée, qui ne demande que de l’argent. M. le duc d’Orleans avoit toujours refusé de consentir à cette retraite, mais enfin il s’est laissé aller aux prieres de la Reine, laquelle est deliberée et pretend de se venger du parlement et du peuple de Paris, duquel elle pretend avoir été bravée aux barricades dernieres du mois d’aout passé. Et comme le cardinal Mazarin est fort hai, et dans Paris et au parlement, elle veut à toute force, et en depit de tous ceux qui en parlent, le conserver pour ses affaires et le maintenir en credit. On [p. 426] garde ici les portes. Le parlement a envoyé MM. les gens du Roi à Saint Germain. Il y a quantité de troupes ici alentour, avec lesquelles je pense que la Reine veut affamer Paris, ou obliger toute cette grande ville de lui demander pardon. »

Lettre de Guy Patin concernant la paix après le siège de Paris par le roi établi à Saint-Germain-en-Laye

« Il est ici mort [p. 500] un intendant des finances, nommé M. Charon, à la place duquel on a mis un Lyonnois, mais natif de Bale, nommé M. Hervart. Son affaire cependant n’est pas encore tout à fait conclue : la Reine y resiste et dit que sa conscience y repugne à cause de sa religion. On dit que le Mazarin le voudroit installer en cette charge pour le recompenser du grand service qu’il lui rendit durant notre guerre, en ce qu’il fit trouver et fournir presque sur le champ la somme de huit cent mille livres qui furent employées à debaucher la plupart des Allemands de l’armée de M. le marechal de Turenne qui venoit pour nous contre le Mazarin, lequel et tous les autres qui etoient à Saint Germain eurent si peur dudit marechal et de son armée que cela les fit penser tout de bon à traiter de la paix avec nous, et c’est ce qui engendra la conference de Rueil. Joint que d’autres tres puissantes causes les y obligeaient : 1° qu’ils n’avoient plus d’argent à Saint Germain et qu’ils ne savoient où en prendre à l’avenir, 2° ils voyoient l’Espagnol sur la frontiere, qui étoit tout pret d’entrer et de venir jusqu’ici.
Le 23e de novembre, à huit heures du soir, Mme de Beauvais, premiere femme de chambre de la Reine, fut disgraciée, et reçut commandement de se retirer de la Cour et de s’en aller en sa maison des champs. Cette disgrace est tant plus remarquable à la Cour que cette dame étoit une de celles qui y avoit le plus grand credit, laquelle couchoit dans la chambre de la Reine, et qui étoit la plus grande confidente de sa maitresse, et du Mazarin aussi. »

Patin, Guy

Lettre de Guy Patin concernant la paix après le siège de Paris par le roi établi à Saint-Germain-en-Laye

« Sur les propositions d’un second envoyé de l’archiduc Leopold, la cour, avant que d’en deliberer, a arreté d’en donner avis à la Reine, et a envoyé à Saint Germain expres pour obtenir passeport, afin d’y pouvoir aller en sureté, et a eté arreté que les deputés qui iroient à Saint Germain ne seroient plus MM. les gens du Roi, mais qu’ils seroient pris du corps de la cour, savoir M. le premier president, avec un president à mortier, deux conseillers de la grand’chambre, un deputé de chaque chambre des cinq des enquetes, et deux des requetes, c’est à dire onze en tout. La Reine, ou au moins son conseil, a fait difficulté d’envoyer et d’accorder ce passeport, disant qu’elle vouloit savoir quels seroient ces deputés. Mais tout cela n’etoit que pour gagner du temps, en attendant reponse de deux deputés qu’elle a envoyés à l’archiduc Leopold, où on croit qu’elle ni eux ne gagneront rien, vu que ledit archiduc Leopold s’est fort declaré pour nous et pour le parlement, par cet envoyé, et particulierement contre le cardinal Mazarin, joint qu’il a pres de soi une dame pleine de persuasion, qui est madame de Chevreuse, laquelle ce Mazarin a fait exiler hors de France, il y a plus de quatre ans, et qu’elle hait fortement sur toutes les choses du monde, et neanmoins lesdits deputés sont partis de cette ville, le mercredi 24 de fevrier, avec les assurances requises, et sont allés coucher à Saint Germain en Laye, pour y voir la Reine. Utinam feliciter ambulent, et que les remontrances serieuses que M. le premier [p. 428] president va faire à la Reine puissent lui disposer l’esprit à faire la paix et à ne rien porter à l’extremité, vu que tout est pardu, si elle en vient là, par le mauvais conseil des mechants politiques partisans, banqueroutiers et interessés, du nombre infini desquels elle est assiegée. Si la guerre s’echauffe davantage, nous en aurons tant plus de mal ; mais aussi les affaires s’irritant, il y aura beaucoup plus de danger pour la Reine. Tout le monde est ici merveilleusement animé contre la Reine ; ce cardinal, et M. le Prince, l’unique protecteur qui, voulant conserver dans la faveur et pres de la Reine ce malheureux cardinal, cause tous les desordres qui sont de deça. On crie ici tout haut avec beaucoup d’impatience qu’il ne faut point que nos generaux temporisent davantage, que nous n’avons que faire de secours etrangers, qu’il faut aller droit et tete baissée à Saint Germain assieger le chateau, dans lequel ce malheureux et maudit fourbe est enfermé, qu’il faut ramener le Roi et la Reine à Paris, et mettre dans la Conciergerie le cardinal, au meme lieu dans lequel fut autrefois mis Ravaillac, et de là le mener à la Greve, pour faire un exemple à la posterité, et apprendre aux Italiens à ne plus venir ici se fourrer si aisement à la cour, à la desolation et ruine d’un si florissant royaume, comme pareillement vouloit faire autrefois le marquis d’Ancre, qui en fit à la fin tres mauvais marchand, avec sa femme et a suite. […]
[p. 429] Tandis que le peuple et les mutins s’impatientent de la haine, qu’ils ont tous très grande, contre le Mazarin, les moderés et les plus sages esperent que MM. les deputés du parlement reviendront demain de Saint Germain, où ils sont allés saluer la Reine, et confere avec elle et les siens pour trouver quelque moyen, si detur in natura, d’apaiser et de pacifier tout le desordre de la guerre qui s’allume dans l’Etat, parmi un si grand mecontentement et presque universel de tous les bons François. […]
[p. 430] Enfin nos deputés sont revenus de Saint Germain le vendredi 26 de fevrier. Le samedi matin, ils ont fait leur rapport qu’ils avoient eté tres bien reçus à Saint Germain de tous les seigneurs et princes qui y sont, et meme de la Reine, laquelle leur a donné audiance dans son cabinet, assistée du duc d’Orleans, du prince de Condé, des quatre secretaires d’Etat, du cardinal Mazarin et de l’abbé de La Riviere. Le premier president lui parla en peu de mots, mais fort genereusement, et si hardiment que tout le monde s’etonna que la Reine ne lui imposat silence. Quand il eut achevé de parler, la Reine lui dit que, M. le chancelier n’ayant pu se trouver à cette conference à cause qu’il etoit malade, elle leur feroit savoir et entendre sa volonté par ecrit, ce qu’elle fit, dont voici la substance. La Reine ne refuse point un accommodement, et desirant de conserver sa bonne ville de Paris à son service, contre laquelle elle n’a aucune rancune ni desir de vangeance contre aucun qui que ce soit, ni en sa charge, ni en ses biens, ni en sa vie, elle desire que MM. du parlement deputent certain nombre de leur corps, et ce au plus tot, qui confereront de la paix entre elle et Paris en un lieu qui sera accordé et agréé de part et d’autre, à la charge que lesdits deputés auront tout pouvoir de conclure sur le champ de tous les articles, sans qu’il soit besoin d’en rapporter à la cour, et tout cela pour avoir tant plus tot fait ; à la charge que, des le jour meme que la cour de parlement aura accordé et nommé les deputés [p.431] pour ladite conference, elle ouvrira un passage par lequel il viendra du blé et autres provisions suffisamment pour Paris. Voilà ce qui fut rapporté à la cour samedi matin, et la deliberation fut remise au meme jour apres midi, à la charge que MM. les princes de notre parti y seroient appelés. Mais rien ne fut conclu ce jour là, lesdits sieurs princes ayant temoigné que cette deliberation ne leur plaisoit point, et le tout fut remis au lendemain dimanche, auquel fut conclu que deputés seroient nommés selon l’intention de la Reine. […]
[p. 432] Madame la Princesse la mere est à Saint Germain, laquelle tient, avec tout le reste de ce qui est à la cour, si fort notre parti contre le Mazarin que la Reine lui en a fait querelle, et de là ces deux femmes, echauffées sur le Mazarin, se sont fait de beaux reproches l’une à l’autre. […]
[p. 433] Enfin la paix a eté signée de part et d’autre, c’est à dire par les deputés de la Reine et les notres, le jeudi 11 de mars à neuf heures du roi, et vendredi soir, qui fut le lendemain, [p. 434] MM. nos deputés revinrent de Revel ; et ce meme jour là, il y eut dès midi ici entrée libre de beaucoup de denrées qui etoient arretées ici alentour. […] Trois articles particulierement deplaisent à quelques uns, et pour cet effet MM. nos deputés du parlement seulement sont retournés [p. 435] à Saint Germain avec une belle escorte en faire remontrance à la Reine, afin d’en obtenir quelque modification, comme il y a grande apparence qu’ils l’obtiendront, et meme M. le premier president l’a fait croire au parlement, et en ce cas là notre paix vaudra tout autrement mieux que la guerre de tous les princes et que le secours que l’on nous a tant promis de Normandie et de Poitou, qui a trop tardé à venir. Ils ont charge pareillement de traiter de l’accommodement des princes qui ont suivi notre parti. De ces trois articles, le premier est que le parlement, en corps, iroit faire une seance à Saint Germain, où le Roi en personne assisteroit et seieroit en son lit de justice, où seroit verifiée la declaration de paix avec tous ses articles, et datée datée Saint Germain, en recompense qu’au commencement de la guerre MM. du parlement n’avoient pas obei à la Reine lorsqu’elle vouloit qu’ils allassent à Montargis. Le deuxieme est de souffrir les prets pour deux ans au dernier douze. Il n’y a que ceux qui preteront leur argent aux grands partisans qui y pourront perdre, et infailliblement y perdront, car que le Roi n’est nullement en etat de payer ses dettes de longtemps, vu l’effroyable profusion qui a eté fait de ses finances par tant de voleurs depuis vingt cinq ans. Le troisieme est que MM. du parlement ne pourront faire le reste de cette année aucune assemblée generale dans la [p. 436] grande chambre sur matiere d’Etat. Mais à tous ces trois articles la solution y seroit aisée, et je pense que la Reine, dans le desir qu’elle doit avoir de la paix, les accordera tous trois, et autre chose meme, si on lui en demandoit. […] Nos deputés sont encore à Saint Germain en leur conference pour la paix, où ils ont obtenu une abolition des trois articles de ci-dessus. »

Lettre de Guy Patin concernant le retour à Paris d’une partie de la Cour établie à Saint-Germain-en-Laye

« Je vous dirai que, ce vendredi meme, M. le Prince arriva ici sur le soir, sans bruit et à petite compagnie, et des le lendemain, qui fut samedi, M. le duc d’Orléans, apres avoir couché ici deux nuits, s’en retourna à Saint Germain. M. le Prince s’en est aussi retourné à Saint Germain, apres avoir eté pareillement ici deux jours, et apres avoir bien reconnu qu’il est fort hai dans cette ville, pour le mal qu’il y a voulu faire à la defense d’un gros et pernicieux larron, qui meriteroit d’etre ecorché tout vif par la populace. Ce M. le Prince y est venu pour faire mine ; je ne sais si bientot il reviendra. Comme tous les esprits sont encore trop [p. 439] eschauffés et malcontents, je crois qu’il vaudroit mieux qu’il s’abstentat un peu et qu’il s’en allat plutot gagner quelque bataille ou prendre quelque ville en Flandre ou en Catalogne.
Toute la Cour est à Saint Germain. M. de Servien y est arrivé de Munster, qui a refusé la charge de surintendant des finances qu’on lui offre pour recompense, et notez que tous deux sont creatures mazarinesques, fort aimés et en grand credit. »

Lettre de Guy Patin concernant le siège de Paris par le roi établi à Saint-Germain-en-Laye

« Je vous ecrivis ma derniere vendredi, 8 de janvier, et depuis ce temps là plusieurs choses fort memorables sont arrivées ici. Ce vendredi 8, tandis que le Roi et toute la cour etoient à Saint Germain, le parlement donna arret contre le Mazarin, par lequel il fut declaré criminel de lese majesté, comme perturbateur du repos public ; le samedi, il fut ordonné que l’on leveroit des troupes pour la defense de la ville de Paris, [p. 404] et ce meme jour M. d’Elbeuf le père, M. de Bouillon Sedan, frere ainé du marechal de Turenne, le marechal de La Mothe Houdancourt, le marquis de La Boulaye, le marquis d’Aubeterre et autres seigneurs se presenterent pour commander et avoir charge dans l’armee que Paris s’en alloit lever. […] [p. 405] M. du Tremblai, frere du defunt père Joseph, capucin, accusé d’avoir trop tot rendu la Bastille à MM. du parlement, a eté condamné à Saint Germain d’avoir la tete tranchée. La Reine est tellement irritée contre Paris qu’elle a chassé auprès d’elle mademoiselle Danse, qui etoit une de ses femmes de chambre, pour avoir voulu lui parler pour Paris. […] [p. 406] Quelques cavaliers des troupes de M. le prince de Condé sont allés de Saint Germain à Meudon, où ayant trouvé quelque resistance dans le château, par les paysans qui s’y etaient retirés, ils y ont joué de main mise et en ont tué plusieurs, puis ont pillé le château. […]
Toute la cour est à Saint Germain avec le Mazarin ; M. le Prince voltige de ça et de là avec des cavaliers, pour empêcher l’abord de Paris à toute sorte de marchandise. »

Lettre de Guy Patin concernant le siège de Paris par le roi établi à Saint-Germain-en-Laye

« Ceux qui decrient le parti de Paris en parlent avec passion et ignorance. C’est un mystere que peu de monde comprend : le parlement fait de son mieux et s’est fort bien defendu du siege mazarin, sur la parole que leur avait donnée M. le Prince, qui a tourné casaque. Les generaux ne vouloient que faire durer la guerre et faire entrer l’Espagnol en France. M. le Prince avoit un autre dessein, qui n’a pas reussi. Le siege de Paris ne lui servoit que de pretexte, car qu’est ce qu’il a fait ? Il a pris Meudon, Charenton, le Bourg de la Reine, et le tout sans canon. [p. 262] Il n’est mort personne de faim dans Paris, pas meme un mendiant. Pas un homme n’y a eté tué. Cinq mois durant, personne n’y a eté pendu ni fouetté. Le parlement et la ville sont demeuré dans le respect et le service du Roi, et comme la Reine et ceux de Saint Germain virent la grande union qui etoit dans Paris et les dangers dont ces emeutes nous menaçoient, on tint prudemment une conference à Saint Germain qui etablit la paix. Il y en a qui disent que le Mazarin ira dans la Flandre en qualité de generalissime pour quelque temps, mais il n’y a point d’apparence qu’il veuille quitter la Reine et qu’il ose si fort se fier à sa bonne fortune, qui le pourroit abandonner en ce cas là, vu qu’en son absence quelqu’un se pourroit presenter qui detromperoit la Reine, lui faisant connaitre comment ce pantalon de longue robe, ce comedien à rouge bonnet, est cause de tous nos maux et de la ruine de la France. »

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