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Louis XIV
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Mentions de Saint-Germain-en-Laye dans le journal de Jean Vallier

« [t. I, p. 95] [27 août 1648] Il fut pourtant enfin convenu que, tout presentement, la Reine renverroit querir lesdits sieurs de Broussel et du Blancmesnil, et les mettroit en liberté. […] [p. 96] Aussi fit-on partir à l’instant meme deux carrosses du Roi pour executer au plus tôt les ordres de la Reine, conformement à ce qui venoit d’etre arreté. M. du Blancmesnil retourna des le soir du meme jour 27e aout, parce qu’il n’etoit pas plus loin que le Bois de Vincennes ; mais M. de Broussel, que l’on avoit conduit le jour precedent dans le chateau de Saint Germain en Laye et auquel l’on faisoit prendre la route de Sedan par un chemin de traverse et peu frequenté, n’ayant pu etre rencontré qu’aupres du Mesnil Madame Rance, il ne fut pas possible de le ramener à Paris que sur les neuf heures du lendemain [p. 97] matin 28e, si bien que l’on demeura sous les armes toute la nuit.
[…]
[p. 105] Le mardi suivant 22e septembre que le Parlement recommença de s’assembler touchant le tarif, il y eut plusieurs conseillers (et entr’autres M. Viole, president en la quatrieme chambre des Enquetes) qui, se laissant emporter à leurs affections particulieres, interrompirent M. le president de Mesms, qui vouloit faire enregistrer la commission que le Roi lui avoit fait expedier pour l’etablissement d’une chambre de justice dont il etoit le chef, et lui dirent fierement qu’il y avoit des affaires bien plus pressées, et de bien plus grande importance. […] [p. 106] Et sur cela, et sans entrer plus avant en connoissance de cause, fut ordonné que tres humbles remontrances en seroient faites à la Reine par ecrit, et Sa Majesté suppliée de vouloir ramener le Roi à Paris au plus tot, et cependant que le prevot des marchands et les echevins de la ville tiendroient la main à ce qu’elle ne manquat point de vivres, enjoignant à tous les gouverneurs des autres voisines de les laisser passer librement. […] [p. 108] Quelques particuliers, bons serviteurs du Roi et de l’Etat, firent entendre sous main à M. le duc d’Orleans et à monsieur le Prince, qui etoient à Rueil avec Leurs Majestés, que, s’ils avoient agreable de se rendre mediateurs de ce differend, ils seroient tres volontiers et tres favorablement ecoutés par la compagnie. Et, sur cette ouverture, ils ecrivirent tous deux au Parlement et lui firent rendre leurs lettres, le jeudi 24e septembre, en entrant au Palais, l’une par M. de Choisy, chancelier de S.A.R. et l’autre par le chevalier de Rivière, écuyer du prince. […] [p. 109] Elles contenoient toutes deux la meme chose, à savoir que, pour eviter les inconvenients qui pourroient arriver s’ils continuoient leurs deliberations sans avoir conferé ensemble, ils prioient la compagnie d’en deputer quelques uns pour s’aboucher avec eux à Saint Germain (où pour lors etoit la Cour) afin de trouver des moyens convenables pour l’accomplissement des volontés du Roi et pour le repos du public.
Ces lettres, qui n’avoient pas surpris les principaux du Parlement, parce qu’ils les avoient eux-mêmes sollicitées secretement, furent si bien reçues que, sans aucune remise, il fut arreté que, des le lendemain 25e, l’on iroit à Saint Germain en Laye pour conferer avec messieurs les princes, avec ce retentum toutefois que M. le cardinal Mazarin ne seroit point admis dans la conference. Ainsi M. le premier president, M. le president de Maisons, quatre conseillers de la Grand’Chambre et de deux de chacune des Enquetes et des [p. 110] requetes du Palais se rendirent à la Cour, où, apres avoir salué Leurs Majestés et diné, ils furent trouver S.A.R. et, en presence des princes de Condé et de Conti et du duc de Longueville seulement, ils se renfermerent dans les quatre demandes qui suivent :
La premiere, et sur laquelle ils insisterent le plus, fut le retour du Roi dans Paris, à quoi M. le duc d’Orleans repondit qu’il y avoit peu d’apparence de pouvoir persuader la Reine de ramener le Roi à Paris si promptement, vu qu’il se portoit si bien à la campagne et avoit accoutumé d’y prendre l’air tous les ans en cette saison. […]
[p. 111] Et ainsi finit cette premiere conference, la deuxieme ayant eté remise au dimanche suivant, 27 dudit mois de septembre, au meme lieu.
[p. 112] L’on en tint encore quatre ou cinq autres de temps en temps, dans les intervalles desquelles se continuoient aussi les assemblées du Parlement, avec assez d’alterations.
[…]
[p. 119] Mais lorsque, le dernier jour d’octobre, l’on vit toute la Cour revenir de Saint Germain à Paris, il ne se peut dire combien toute la ville en fut comblée de joie : chacun fit part de cette bonne nouvelle et l’épandit dans toutes les provinces, où les choses furent retablies si promptement en leur premier etat que, huit jours apres, il n’y parut aucune alteration.
[…]
[p. 135] [1645] Le lendemain matin 6e dudit mois, et quatre heures avant qu’il y eut personne dans les rues, la Reine fit sortir le Roi hors de Paris et l’emmena clandestinement dans son carrosse à Saint Germain en Laye, [p. 136] accompagné de M. le duc d’Orleans, de monsieur le Prince, de M. le cardinal Mazarin et de peu de personnes, et cela avec tant de precipitation et avec si peu d’ordre et de prevoyance que tout le bagage de Leurs Majestés meme et presque tous leurs officiers demeurerent enfermés dans Paris sans en pouvoir sortir de tout le jour, ni le suivant.
[…]
[p. 137] Le lendemain 7e, les Chambres s’assmeblerent encore d’assez bonne heure, sur l’avis qu’elles eurent de la marche de quelques troupes vers Paris, et aussi afin de deliberer sur la lettre de cachet que le Roi avoit envoyée aux prevot des marchands et echevins de cette ville, contenant « que, Sa Majesté ayant eté bien informée qu’aucuns du Parlement avoient voulu entreprendre ou attenter sur sa personne et pratiqué des intelligences avec ses ennemis, Elle avoit jugé à propos de se retirer à Saint Germain en Laye, dont Elle avoit bien voulu leur donner avis » : chose horrible et qui meritoit la roue, si elle eut eté aussi bien verifiée qu’elle se trouva destituée de toute sorte d’apparence.
Il fut pourtant arreté que les gens du Roi se transporteroient à Saint Germain pour temoigner à Leurs Majestés le deplaisir extreme qu’avoit tout le Parlement de leur sortie de Paris, dont toutes les circonstances etoient autant de marques de leur courroux et [p. 138] de quelque sinistre opinion qu’on leur avoit donnée de sa fidelité, dont toutefois il ne s’etoit jamais departi. […]
Messieurs du parquet partirent incontinent apres diner et se rendirent à Saint Germain des le soir du meme jour 7e, pour faire entendre à Leurs Majestés les sinceres et respectueuses intentions du Parlement ; mais, parce qu’il avoit refusé adroitement et sous ombre d’un manquement de formalité de recevoir le paquet que le sieur de la Sourdiere lui avoit presenté le matin de la part du Roi (que l’on savoit bien contenir la translation de tout le Parlement à Montargis), l’on ne voulut pas seulement voir ses [p. 139] envoyés, et les laissa t on revenir si mal satisfaits et si outrés de douleur de n’avoir pu etre entendus sur les propositions si raisonnables et si soumises qu’ils avoient à faire à Leurs Majestés de la part du Parlement, que des lors les affaires furent hors d’accommodement.
[…]
[p. 143] Le Conseil, ayant eté aussitôt averti de cet arret, fit expedier, le 9e de janvier, une lettre de cachet du Roi adressante aux prevot des marchands et echevins de Paris, portant entre autres choses que Sa Majesté leur comandoit, et à tous les habitants de ladite ville, d’en chasser et mettre hors le plus promptement possible qu’ils pourroient tout le corps du Parlement, leur promettent, en ce cas, la continuation de ses bonnes graces, et que, en meme temps que ledit Parlement en sortiroit par une porte, Sadite Majesté y rentreroit par une autre pour leur en temoigner les effets. Mais, comme la chose n’etoit pas possible, à moins que de prendre les armes et de remplir la ville de sang et de carnage, joint que le prevot des marchands etoit du corps, l’on y eut fort peu d’egard ; au contraire, elle fut portée au Parlement par M. le duc de Montbazon, gouverneur de la ville, accompagné du sieur Fournier, premier echevin, et d’un autre.
[…]
[p. 145] Il ne fut pas omettre que, ledit sieur Fournier ayant eté envoyé avec un autre echevin vers Leurs Majestés à Saint Germain en Laye, des le lendemain de [p. 146] leur sortie de Paris, afin de les assurer et protester de nouveau de l’affection tres ardente et tres cordiale de tous les habitants de la ville et de leur fidelité inviolable envers Elles, il leur fit une harangue à sa mode, laquelle, quoique peu etudiée, fut trouvée si pressante et si forte, lors memement qu’il s’etendit sur le pitoyable et malheureux etat de cette grande ville et sur la cruelle necessité où tant de bons bourgeois se trouvoient reduits, ou de tremper leurs mains dans le sang de leurs principaux concitoyens (en se mettant en devoir de chasser le Parlement), ou de perir par la faim en leur desobeissant, que Leurs Majestés ne purent s’empecher de temoigner par quelques larmes les secrets sentiments de compassion qu’il avoit excités dans leurs ames contre la resolution de leur Conseil.
[…]
[p. 148] M. le duc d’Elbeuf, toutefois, qui etoit demeuré dans Paris, ayant eté proposé sous main, et de son consentement, par M. Payen, n’eut pas grand peine à se faire agreer pour remplir cette belle charge, tant parce qu’il fut le premier à se declarer, que faute d’autre ; aussi fut-il incontinent accepté par toute la compagnie et declaré general des troupes parisiennes contre les pernicieux desseins du cardinal [p. 149] Mazarin et de ses adherents, le dimanche 10e janvier, sur les neuf heures du matin.
Mais, tandis que l’on lui en faisoit les compliments et que la Cour etoit encore assemblée, elle apprit avoie joie que M. le prince de Conti et M. de Longueville etoient à la porte Saint Honoré et demandoient à entrer dans la ville, afin de venir servir la cause commune. Ils s’etoient derobé la nuit, et sans aucune suite, de Saint Germain en Laye, tres mal satisfaits, disoient ils, du procedé et de la mauvaise conduite du conseil d’en haut.
[…]
[p. 159] Le 13e, le Parlement, ayant appris que la reine d’Angleterre etoit demeurée dans Paris avec fort peu de moyen d’y pouvoir subsister sans quelque secours extraordinaire, arreta que, des deniers des levées et contributions qui se faisoient dans la ville, il en seroit baillé à cette infortunée princesse, tante du Roi, [p. 160] jusques à vingt mille livres par mois, et que cela se feroit le plus secretement qu’il lui seroit possible, afin que la dignité de sa naissance et de sa majesté n’en fut point offensée. […]
La Reine s’etoit retirée avec tant de precipitation et avec tant de crainte d’etre traversée dans son dessein qu’elle n’avoit pas eu le temps de faire partir son bagage, ni meme celui du Roi : de sorte que, la garde bourgeoise ayant eté posée aux portes de la ville aussitôt que la nouvelle en eut eté repandue dans la ville, Leurs Majestés et toute leur Cour passerent plusieurs jours à Saint Germain avec une extreme incommodité, faute de lits et de toute autre sorte de meubles et d’habits, meme pour les personnes sacrées (chose honteuse et qui ne peut etre assez blamée de la posterité). Le capitaine du charroi, qui les avoit fait [p. 161] charger le plus dligemmnt qu’il avoit pu, s’etoit bien mis en etat de les emmener ; mais s’etant presenté à la porte Saint Honoré pour sortir, il en fut empeché et repoussé insolemment par une infinité de coquins qui se trouverent en armes à ladite porte, et cela certes avec un tres sensible deplaisir des honnetes gens, qui blamerent assez haut cet injurieux procedé et ne purent approuver que l’on refusat ainsi de laisser sortir les choses dont Leurs Majestés avoient tant de besoin.
Cette rigueur inouie et criminelle dura cinq ou six jours au moins, et jusques à ce que le Parlement eut commis MM. Doujat et Sevin, conseillers en la Grand’Chambre, pour se transporter au Palais Cardinal afin de donner ordre que l’on fit seulement sortir tout ce qui appartenoit et etoit necessaire pour la personne du Roi et celle de M. le duc d’Anjou, son frere, sans souffrir que le bagage de la Reine ni de qui que ce fut sortit de la ville : marque trop evidente et insupportable de la haine et de l’extreme aversion que l’on avoit pour elle et pour tout son conseil.
En effet, cette garde fut si exacte que tous ceux qui etoient dans la ville le jour que Leurs Majestés en sortirent s’y trouverent enfermés et retenus pour la [p. 162] plupart contre leur volonté, sans qu’il leur fut possible de s’en echapper, sinon en se deguisant, les uns en laquais, les autres en paysans, en sisses, en servantes ou en nourrices, ainsi que firent peu à peu diverses personnes de qualité de l’un et de l’autre sexe dont aucunes, ayant eté reconnues aux portes, furent maltraitées au dedans par la canaille, et celles qui passerent par la soldatesque au dehors.
[…]
[p. 212] [13 février] Le duc d’York, fils puiné du roi d’Angleterre, touché d’une extreme passion de voir la reine sa mere, qui etoit demeurée dans Paris, y arriva heureusement ledit jour.
[…]
[p. 213] Or, comme le parlement de Paris travailloit incessamment pour faire subsister ses troupes aux depens de ceux qui s’etoient retirés à Saint Germain, ceux là, de leur coté, faisoient, pour l’entretenement des leurs, tout ce qui leur etoit possible, afin de la charge en tombat sur les officiers de cette compagnie et des autres et les rendit plus sages une autre fois. A cet effet, messieurs du Conseil firent expedier un grand role contenant toutes les maisons, terres et heritages qui leur appartenoient es environs de la ville, et meme dans quelques provinces du royaume, qu’ils taxerent à une ou deux années du revenu d’icelles, en sorte que le tout se montoit à cinq cent vingt trois mille livres ; auquel role ils attacherent un arret du Conseil du 15e fevrier, signé en commandement De Guenegaud, portant que, « faute de payer par les fermiers ou receveurs desdites terres, maisons et heritages et de mettre, dans trois jours de la signification d’icelui, entre les mains de M. Longuet, tresorier [p. 214] de l’extraordinaire des guerres, les sommes y contenues, que le recouvrement en seroit fait par les gens de guerre, à tenir compte sur leurs montres, et dont ils se feroient payer par la vente de tous les meubles, bestiaux et materiaux qui se trouveroient esdites terres et maisons, et meme par la coupe des bois taillis et de haute futaie en dependant ».
Cette derniere clause fut trouvée si etrange et si dure, que ceux meme qui la mirent en avant n’oserent la faire executer en aucun endroit, et donna lieu de dire aux gens de bien, qui n’avoient autre dessein que de voir l’autorité du Roi retablie et les peuples un peu soulagés par des voies plus douces et convenables, qu’il eut eté à souhaiter que le Conseil de Sa Majesté et le parlement de Paris eussent eté plus moderés et retenus qu’ils n’etoient, l’un et l’autre agissant avec tant d’emportement et de violence que la posterité aura peine de se figurer ce que nous en avons vu et ressenti.
[…]
[p. 216] Le 17e, qui etoit le jour des Cendres, messieurs les gens du Roi partirent de Paris pour aller trouver Leurs Majestés à Saint Germain, afin de leur faire entendre les motifs respectueux et pleins de soumissions qui avoient obligé le Parlement et la ville d’n refuser l’entrée au heraut qui s’etoit presenté de leur part à la porte Saint Honoré : resolution qui excita beaucoup de joie parmi les bons François, dans la pensée qu’ils eurent que ce voyage etoit un acheminement indubitable à la pacification de tant de desordres.
[…]
[p. 220] Le 19e, messieurs les gens du Roi firent leur rapport au Parlement de ce qu’ils avoient fait à Saint Germain et dirent, en presence de M. le prince de Conti et de MM. les ducs d’Elbeuf, de Beaufort, de Luynes et de Brissac, que la Reine leur avoit temoigné par la bouche de M. le chancelier qu’elle avoit pris en bonne part le refus que l’on avoit fait de laisser entrer et d’ouir le heraut, puisqu’il ne procedoit que du respect et de la soumission du Parlement envers le Roi ; qu’elle avoit eu tres agreables les protestations de leur fidelité et de leur obeissance, mais qu’elle en attendoit les preuvres ; que, de sa part, elle leur donneroit toujours des marques de sa bonté, de son affection et de sa bienveillance, pourvu que l’autorité du Roi fut conservée toute entiere : à quoi ils ajouterent que M. le duc d’Orleans et monsieur le Prince les avoient assurés de la meme chose, ce qui donna lieu d’arreter que les memes gens du Roi retourneroient incontinent apres diner ou le lendemain à Saint Germain, afin de rendre tres humbles graces à la Reine de ses bonnes volontés et de savoir d’elle quelles etoient les preuves que Sa Majesté desiroit avoir de l’obeissance et de la fidelité du Parlement.
[…]
[p. 233] Le 20e fevrier, fut arreté au parlement de Paris que l’on deputeroit vers la reine d’Angleterre pour se condouloir avec Sa Majesté de la perte qu’elle avoit faite, et que, à cet effet, chaque chambre nommeroit un conseiller pour accompagner M. le premier president, qui devoit porter la parole, et lui rendre ce triste temoignage de leur douleur.
[…]
[p. 241] Les deputés du parlement de Paris etant cependant retournés de Saint Germain, M. le premier president fit son rapport à la compagnie, le 27e dudit mois de fevrier, de la bonne reception qui leur y avoit eté faite et comme ils avoient trouvé la Reine, accompagnée seulement de M. le duc d’Orleans, de monsieur le Prince et de M. le cardinal Mazarin (à cause de l’indisposition de M. le chancelier), à laquelle ils avoient fait entendre le sujet de leur voyage, et que, apres la reponse de Sa Majesté, ils s’etoient retirés dans la capitainerie du chateau, où, peu de temps apres, ces deux princes s’etant rendus, ils etoient entrés en une [p. 242] conference assez particuliere avec eux, dans laquelle ils avoient un peu adouci les paroles aigres et facheuses dont la Reine avoit usé dans sa reponse, laquelle Sa Majesté leur avoit envoyée incontinent apres par ecrit, en suite de quoi ils s’etoient retirés.
[…]
[p. 252] L’on eut aussi nouvelles que M. le marechal de Rantzau avoit eté arreté prisonnier par M. de Villequier, capitaine des gardes, en mettant pied à terre à Saint Germain en Laye, où il s’etoit rendu enfin et apres plusieurs ordres de Leurs Majestés, qui n’estimoient pas que Dunkerque fut en sureté entre les mains de cet etranger, que l’on disoit (avec peu de certitude) avoir eu quelques secretes intelligences avec les Espagnols pour remettre cette importance place en leur disposition.
[…]
[p. 257] [mars] Toutes ces atroces medisances et toutes ces noires invectives n’avoient pas empeché messieurs les gens du Roi de sortir de Paris le 2e de ce mois et de porter à [p. 258] Leurs Majestés le dernier arret du Parlement, contenant le nom des deputés qui, sous leur bon plaisir, avoient eté nommés de sa part pour assister à la conference proposée par M. le duc d’Orleans. Ils eurent aussi ordre expres de savoir de la Reine le lieu qu’il avoit plu à Sa Majesté d’ordonner pour une action si importance ; elle eut bien desiré que c’eut eté à Saint Germain, mais comme il etoit un peu trop eloigné de Paris, que les esprits etoient encore un peu trop aigris de part et d’autre et le logement trop serré, le chateau de Rueil (pour se rencontrer à moitié chemin) fut jugé plus commode et preparé à cet effet.
[…]
[p. 263] Si l’on avoit un extreme besoin de la paix dans Paris, elle n’etoit pas moins necessaire ni desirée par tous ceux qui etoient à Saint Germain, et, si le pain etoit rare d’un coté, l’argent n’etoit pas fort commun de l’autre, et moins encore toutes les autres commodités de la vie. Messieurs les princes et Leurs Majestés memes manquoient de beaucoup de choses et ne souhaitoient rien plus ardemment que de sortir bientôt et honnetement de l’embarras où leur mauvais et detestable conseil secret les avoit jetés contre toutes les regles d’une bonne politique : de sorte qu’il ne fut pas difficile à messieurs du Parquet d’obtenir ce qu’ils demanderent touchant l’entrée des vivres.
[…]
[p. 297] Le 16e dudit mois de mars, MM. les deputés [p. 298] du Parlement partirent de Paris pour se rendre à Saint Germain, afin d’obtenir de Leurs Majestés la reformation des deux, trois et douzième articles ci devant enoncés, et, s’il etoit possible, quelque satisfaction pour nos generaux.
[…]
[p. 325] [30 mars] L’après dinée du meme jour, MM. les deputés du Parlement retournerent enfin de Saint Germain en cette ville avec une declaration du Roi contenant tout ce qu’ils avoient arreté et si solennellement concerté avec ceux du Roi.
[…]
[p. 331] [avril] Le lendemain 6e, les deputés du Parlement, au nombre de quarante, furent à Saint Germain temoigner à Leurs Majestés avec quel profond respect et avec quels sentiments de joie et d’amour ils avoient reçu la paix qu’il avoit plu à leur bonté de leur accorder, et les supplier tres humblement de vouloir honorer au plus tot de leur presence la capitale du royaume ; lesquels, apres avoir eté magnifiquement traités aux depens du Roi, reçurent enfin cette agreable reponse de la bouche de la Reine qu’elle avoit une tres grande passion d’aller à Paris et d’y mener le Roi, ce qu’elle feroit assurement sitot que le bien de ses affaires le permettroit.
[…]
[p. 337] Le 28e avril, le Roi ecrivit au Parlement et au corps de ville que, ayant resolu de s’approcher de sa frontiere de Picardie pour y donner plus commodement et plus à propos les ordres necessaires contre les entreprises de ses ennemis, Sa Majesté avoit bien voulu leur en donner avis, afin qu’ils eussent à maintenir le peuple de sa bonne ville de Paris dans l’obeissance qu’il lui devoit. Et, de fait, Leurs Majestés partirent de Saint Germain le dernier de ce mois, et allerent [p. 338] coucher à Ecouen, et tout le Conseil en cette ville.
[…]
[t. II, p. 281] Le 7e [février 1651], l’on fut extremement etonné d’apprendre par toute la ville que Son Eminence etoit enfin sortie sur les onze heures du soir du jour precedent, et qu’elle avoit pris la route de Saint Germain en Laye, accompagnée de deux cents chevaux.
[…]
[t. III, p. 215] [1652] Mais enfin, le Roi s’etant rendu à Saint Germain, le samedi 27e avril (où dejà etoient arrivés M. de Rohan, de Chavigny et Goulas, que M. le duc d’Orleans y avoit envoyés pour apprendre les volontés du Roi sur les ouvertures du roi d’Angleterre), Sa Majesté remit à les entendre au lendemain, après diner. Ils furent introduits dans la chambre de la Reine par le milord Montagu et reçus fort favorablement de Leurs Majestés ; apres qu’ils eurent protesté de la fidelité et sincere affection des princes qui les avoient envoyés, ils supplierent tres humblement le Roi de leur vouloir dire avec lequel de messieurs de son Conseil Sa Majesté desiroit qu’ils conferassent de l’affaire qui les avoit amenés vers elle. « Avec M. le cardinal, répondit le Roi, que j’ai ordonné pour cela ». « Nous avons, dirent-ils, un ordre précis de ne point traiter avec M. le cardinal, ni meme de le voir ». Mais le Roi leur ayant reparti [p. 216] brusquement qu’il le vouloit ainsi et le leur commandoit absolument, ils firent une profonde reverence et dirent que, Sa Majesté ayant tout pouvoir sur eux, ils obeiroient aveuglement à son commandement. Alors le Roi et la Reine se leverent et les menerent dans un cabinet où, presque en meme temps, se rendit le sieur cardinal qui, prenant la parole d’abord, se fit des reproches à lui meme (par ironie) de tous les crimes dont il etoit chargé par l’arret de sa condamnation. « Voilà), dit-il, Messieurs, ce criminel de lese majesté, ce perturbateur du repos public, ce pirate, ce proscrit », et enfin tomba serieusement sur l’affaire dont il s’agissoit. Mais, comme elle etoit de longue discussion, Leurs Majestés sortirent et laisserent ledit sieur cardinal tout seul avec ces trois deputés et leur conducteur.
Sitot que cette conference (qui dura quatre heures) fut finie, le Roi fit assembler son Conseil, où M. le cardinal ayant fait rapport devant Leurs Majestés de tout ce qui venoit d’etre proposé et resolu, il parut tant de joie sur le visage de ceux qui avoient eu l’honneur d’y etre appelés, lorsqu’ils en sortirent, que personne ne douta plus que la paix ne fut faite ou, du moins, fort avancée. C’etoient M. le garde des sceaux, [p. 217] M. le duc de Bouillon, MM. les marechaux du Plessis et de Villeroy et MM. les quatre secretaires d’Etat.
Le lendemain 29e, M. le duc d’Orleans, accompagné de monsieur le Prince, se rendit au Palais et dit qu’il etoit venu faire part à la compagnie de ce qui s’etoit passé à Saint Germain.
[…]
[p. 225] [mai] Le 6e dudit mois, les deputés du parlement s’etant rendus à Saint Germain pour faire de secondes remontrances au Roi sur l’eloignement tant souhaité et si necessaire du cardinal Mazarin, Sa Majesté leur dit Elle meme que, encore qu’Elle eut resolu de n’entendre plus aucunes remontrances sur ce sujet, elle vouloit bien toutefois leur donner encore cette satisfaction que d’ecouter les leurs, et meme d’entendre lire en leur presence celles qui lui avoient eté presentées à Gien de la part de leur compagnie ; ce qu’ayant eté fait, ainsi qu’ils le desiroient, le Roi ajouta qu’il leur feroit savoir sa volonté par ecrit à leur retour à Paris.
Mais les deputés de la Ville, qui n’usoient que de tres humbles supplications et n’insistoient pas tant sur l’eloignement dudit cardinal que sur le retour de Sa Majesté dans Paris, ne furent pas peu surpris quand [p. 226] Elle leur repondit, par la bouche de M. le garde des sceaux, qu’il etoit bien etrange que, en meme temps qu’ils supplioient le Roi de vouloir retourner à Paris, ils souffrissent que l’on en fermat toutes les avenues à Sa Majesté par la rupture des ponts et par l’occupation des passages qui lui pouvoient conduire ; qu’Elle ne jugeoit pas à propos de donner autant de combats qu’il y avoit de villages entre Saint Germain et Paris pour en rendre l’acces libre à Sa Majesté, qui meme trouveroit peu de sureté dans son Louvre, tandis que les factieux auroient les armes en main ; qu’il etoit bien juste de les poser avant toutes choses et de faire retirer ceux qui s’etoient declarés si ouvertement ses ennemis ; que, apres cela, Sa Majesté leur promettoit de retourner aussitôt dans sa bonne ville de Paris et de lui donner toutes les marques possibles de sa bonté et de ses affections paternelles envers elle.
[…]
[p. 228] La Cour, cependant, demeuroit à Saint Germain sans pouvoir prendre aucun bon parti sur toutes ces occurrences et donnoit le temps à monsieur le Prince de fortifier sa faction dans Paris, faute de resolution et de vigueur, etant certain que, si le Roi y fut venu tout droit au partir de Corbeil, qu’il y eut eté tres bien reçu, malgré tous les frondeurs, et eut sans doute obligé monsieur le Prince, et peut etre M. le duc d’Orleans, d’en sortir ; et de là dependoit la decision de l’affaire et de la ruine totale des factieux. Mais l’esprit de M. le cardinal n’etoit pas d’une trempe assez forte pour exciter en son ame des resolutions si fermes et si genereuses ; il ne pouvoit se departir ni de ses souplesses naturelles, ni de ses intrigues ordinaires, et, moins encore, de ses secretes et artificieuses negociations, quelque experience qu’il eut faite du mauvais succes de ce lache et honteux procedé.
[…]
[p. 236] Cependant, MM. les gens du Roi avoient été entendus à Saint Germain par Sa Majesté sur le sujet de l’eloignement de ses troupes des environs de Paris [p. 237] et en avoient eu cette favorable reponse que, aussitôt que les Princes auroient fait retirer les leurs, Elle commanderoit aux siennes de faire la meme chose et donneroit toute sureté aux etrangeres pour leur retour.
[…]
[p. 242] L’on ne laissoit pas cependant de faire force voyages de Saint Germain à Paris et d’ici à la Cour, pour trouver quelque bon accommodement aux affaires. M. le duc de Damville et le milord Montagu s’y employoient de tout leur pouvoir et ne craignoient point de representer [p. 243] souvent à la Reine les inconvenients que pourroit enfin produire la ferme resolution que Sa Majesté sembloit avoir prise de retenir le cardinal aupres d’Elle, et lui dirent jusque là que l’exemple d’Angleterre n’etoit pas detesté de tous les Parisiens (chose horrible et incroyable) : mais inutilement, tant son ame etoit fortement attachée à la conservation de ce ministre insuffisant, meprisé et sans vigueur.
[…]
[t. IV, p. 91] [octobre 1652] MM. les colonels de la ville s’etoient cependant assemblés chez M. de Seve, sieur de Chatignonville, leur ancien, afin d’aviser au moyen de la decharger d’une si horrible oppression, et, sans la participation des echevins, ni meme de S.A.R., etoient convenus de faire une celebre deputation vers le Roi, pour assurer Sa Majesté de l’immuable fidelité de leurs concitoyens ; et, à cet effet, avoient ils resolu de la composer de quatre d’entre eux, de quatre de leurs lieutenants, de trente deux capitaines, d’autant de lieutenants et de pareil nombre d’enseignes, et encore d’un notable bourgeois de chacune compagnie, qui faisoient en tout deux cent seize personnes. Mais ce ne fut pas sans grande difficulté que M. le duc d’Orleans leur permit d’executer ce bon dessein et de sortir de Paris pour aller trouver le Roi à Saint Germain en Laye : ce qu’il ne fit encore qu’à toute extremité et que sous [p. 92] cette condition expresse qu’ils obtiendroient une amnistie generale et sans exception de ce qui s’etoit passé le 4e juillet dans l’hôtel de ville, parce que, la grace du Roi ne s’etendant que sur les bourgeois de ladite ville, S.A.R., qui savoit bien en sa conscience qu’elle y avoit au moins preté son consentement, ne vouloit pas en etre exclue, ni laisser M. de Beaufort et les autres principaux officiers de ses troupes (complices de cette detestable action) en etat de pouvoir etre recherchés et punis quelque jour.
[…]
[p. 95] Le 15e, les colonels et les autres officiers militaires de la ville en partirent enfin pour se rendre à Rueil, à dessein d’aller le lendemain à Saint Germain assurer le Roi de l’obeissance et de la fidelité de tout le reste [p. 96] des habitants. Mais Sa Majesté n’y etant arrivée que le 17e, ils ne purent avoir audience que le jour suivant. Ce fut ledit sieur de Chatignonville qui porta la parole et qui n’omit aucune chose pour persuader le Roi de vouloir retourner à Paris. Sa Majesté leur repondit qu’Elle n’oublieroit jamais le service qu’ils lui rendoient en cette occasion et que, inclinant à leurs prieres, Elle se rendroit le lundi suivant dans sa bonne ville de Paris encore que les auteurs de la rebellion lui donnassent tout sujet d’aller ailleurs.
La bonne reception qui leur fut faire temoignoit assez la satisfaction que l’on avoit de leur envoi. Aussi parlerent ils debout, et non pas à genoux, comme quelques uns du Conseil pretendoient qu’ils dussent faire ; mais la consideration que c’etoit un corps militaire, et non de bourgeois, l’emporta sur les vieilles maximes, ainsi que fit le festin dont ils furent regalés sur tous les precedents : en telle sorte [p. 97] qu’ils retournerent tres contents le 19e, et ramenerent avec eux M. le gouverneur (que le Roi avoit fait ministre d’Etat quelques jours auparavant) et lesdits sieurs Le Fevre, prevot des marchands, Guillois et Philippe, echevins.
Il ne faut pas omettre la raillerie que fit la Reine au president Charton, en lui disant qu’elle etoit bien aise de le voir parmi les deputés et que « le feu de l’hotel de ville l’eut enfin eclairé » ; et sur ce qu’il pria Sa Majesté de se souvenir des promesses qu’on leur faisoit de ramener le Roi à Paris, elle lui repartit de bonne grace que l’on reconnoitroit la difference qu’il y avoit entre la parole du Roi et ce qui se disoit sur le pont Neuf. Il n’y eut que le seul Raguenet, marchand de la rue Saint Honoré, qui ne fut point admis à l’honneur de faire la reverence au Roi : aussi, sans mentir, s’etoit ils trop signalé parmi les plus grands frondeurs. Il s’en abstint fort à propos, sur l’avis que M. de Sainctot lui donna de se retirer, de crainte de facher Sa Majesté.
[…]
[p. 265] [1653] Le 10e de juillet, M. de Maisons, president au mortier, eut ordre de sortir de Paris et de s’en aller à Conches. Si la resistance qu’il avoit apportée ou, plutôt, le refus qu’il avoit fait de donner sa demission de la capitainerie du chateau de Saint Germain en Laye, dont le Roi vouloit gratifier le sieur de Beaumont [p. 266] (en le remboursant des quarante trois mille ecus qu’il en avoit baillés à M. le duc de Saint Simon) fut la veritable cause de cette disgrace, je m’en rapporte ; mais il est certain que Sa Majesté eut tant d’impatience qu’il fut parti que, en moins d’une apres dinée, Elle envoya trois fois lui commanda absolument de partir. Ensuite de quoi, Elle manda les autres grands presidents et leur dit que ce n’etoit point comme officier [p. 267] de son parlement qu’Elle avoit eloigné ledit sieur de Maisons, mais comme son domestique, qui n’avoit pas voulu obeir à ses volontés touchant la capitainerie de Saint Germain. Il y avoit pourtant beaucoup d’apparence que la sollicitation qu’il faisoit sous main pour l’assemblée des chambres en faveur des conseillers absents, et particulierement à M. de Longueil, son frere, qui etoit indisposé à Auxonne, n’avoit pas peu contribué à cette defaveur : ce qui parut assez visiblement par les plaintes que fit la Reine contre ledit sieur de Longueil, son chancelier, qu’elle accusa de meconnoissance envers elle, et de cabale perpetuelle contre le service du Roi, son fils. M. de Maisons, maitre des requetes, l’abbé de Conches et mademoiselle de Maisons eurent ordre de suivre leur pere. »

Vallier, Jean

Récit par Marie Dubois, valet de chambre du roi, de séjours de la cour à Saint-Germain-en-Laye

« [p. 140] 23 [septembre 1648]. La Reyne, ayant ouy la messe, monta en carosse et fut querir monsieur le duc d’Angeou à Besanval et arriva sur le midy. Le Roy les fut recevoir dans la cour, et, quoyque monsieur d’Angeou eut encore le visage tout rouge de sa petite verolle, le Roy ne laissa pas de se jetter à son col, et ces deux enfans se tenoient collés leurs visages l’un contre l’autre, se baisant [p. 141] tendrement, et pluroient de joye, ce quy ravissoit tous ceux quy les voyoient. Monsieur ne coucha pas à Ruel, il partit sur le soir pour aller coucher à Croissy.
Ce mesme jour, le provos des marchands et messieurs du cardenier de Paris vinrent et reçurent toute asseurance de la Reyne et de messieurs d’Orléans et de Condey. Le parlement et les peuples de Paris n’estoient pas fort asseurés et les affaires estoient à la veille de prendre ung mauvais biais, ce quy obligea messieurs d’Orléans et de Condey à leur faire ces lettres suivantes :
Lettres de monseigneur le duc d’Orléans et de monsieur le Prince à messieurs du parlement
A Messieurs de la cour de parlement du Roy, mon seigneur et nepveu, à Paris
Messieurs,
Vous savez les soings que j’ay pris pour accomoder les affaires presentes et y apporter tout le tamperament que le service du Roy, mon seigneur et nepveu, et la satisfaction de vostre compagnie ont peu desirer. Et, comme j’ay jeugé que, dans l’estat où elles se truvoient, une conference seroit tres utile pour regler toutes choses, j’ay bien voulu vous faire encore cette lettre pour vous prier de desputer quelques uns de vostre corps pour se truver au lieu où sera la Reyne et adviser aux moyens quy seront convenables pour l’accomplissement des volontés de Leurs Majestés et pour le repos public. Je veux croire que vous concourerez avecque moy dans ce bon dessein et que vous aurez la mesme creance à ce que le sieur de Choisy, mon chancelier, vous dira sur ce subjet que vous l’auriez à moy mesme, quy suis, Messieurs,
Vostre affectionné amy.
Gaston
De Ruel, ce 23 septembre 1648
[p. 142] Lettre de monsieur le Prince à messieurs de la cour de parlement, à Paris
Messieurs,
Ne pouvant aller au parlement, aynssy que m’aviez temoigné le souhaiter par vostre desputation d’hier, et prevoyant les inconvenients quy pourraient arriver sy vous continuez vostre deliberation sans que j’eusse eu le bien de vous voir auparavant, j’ay creu vous devoir inviter, comme le faict monsieur le duc d’Orleans, à Saint Germein, à une conference où nous puissions traiter des desordres quy peuvent estre presentement dans l’Estat et tacher d’y remedier. Le zele que j’ay pour le service du Roy et l’affection particulleire que j’ay pour vostre compagnie m’obligent à vous proposer cet expedient pour remedier à des maux auxquels vous et moy ne pourrons peut estre plus donner ordre, sy vous laissez perdre cette occasion. La Reyne est dans tous les sentiments de bonté que vostre compagnie peut attendre d’elle. Monsieur le duc d’Orleans vous temoigne assez les siens par les soings qu’il a pris jeusques à cette heure et par la lettre qu’il vous escrit, et moy je n’ay point de plus forte passion, apres celle que j’ay pour le bien de l’Estat et pour le maintien de l’autorité royale, que celle de vous servir. Faictes donc paroitre en cette occasion cette affection que vous avez toujours temoignée en contribuant tout ce quy est en vous pour l’accomodement des affaires. Donnez moy lieu, par les services que je vous rendray auprès de Sa Majesté, de vous temoigner que je suis, Messieurs, vostre tres humble et tres affectionné serviteur.
Louis de Bourbon
A Ruel, ce 23 septembre 1648
Apporté par le chevalier de Rivière.
[p. 143] Ce mesme jour, l’on fit commendement pour aller le lendemain à Saint Germein. Et le lendemain 24, tout partit et la reyne d’Angleterre delogea du viel château et alla loger au Louvre à Paris. Le Roy arriva d’assez bonne heure et la Reyne sur les six heures, et fut descendre à la chapelle du viel château, où elle entendit les litanies, quy ont de coustume de se chanter tous les soirs. La Reyne, quy est fort propre, truva dans le chasteau mille puanteurs, que les Anglois y avoient laissées : ce sont gens quy vivent fort sallement. L’on truva sur un fumier force serpens dans une lie de vin d’Espagne, quy avoit esté vidé dans le bour, et dit on que ces choses là servent à ceux quy sont ladres, de quoy l’on accusoit ung millor. Tout le viel chasteau se truva occupé, la cour estant fort grosse. Monsieur d’Orleans eut pour luy et pour Madame, sa femme, tout le chasteau neuf. La nuict du 24 au vingt cinq, la seconde chambre de la Reyne, quy estoit demeurée dans le chasteau de Ruel, fut vollée, les coffres ouvers et tout le plus précieux pris. La Reyne y avoit ung vallet de chambre et ung tapissier, quy furent coucher au bourg au lieu de coucher dans la mesme chambre pour garder les meubles, de sorte qu’ils faillirent tous deux à estre chassés. Aussy estoient ils fort blamables. C’est à quoy nous devons bien prendre garde, lorsque nous sommes ou à la premiere ou à la dernière chambre. Y estant, nous sommes obligés, sur peine de la vie, de les conserver.
Le vendredy 25, messieurs les deputés du parlement vinrent au nombre de 21, lesquels salluerent Leurs Majestés et monsieur le cardinal, et ensuite le Roy leur donna à disner, à l’issue duquel ils furent au chasteau neuf, dans le grand cabinet de Monsieur d’Orleans, à main gauche en entrant, et s’enfermerent avecque messeigneurs d’Orleans, de Condey, de Conty et de Longueville, et furent deux heures en conference. A l’issue de laquelle, ces messieurs s’en retournèrent à [p. 144] Paris.
Pendant qu’ils estoient enfermés, je voulus voir le chambre où le defunct Roy, mon mestre, mourut, et j’y truvay monsieur l’abbé de La Rivière logé, monsieur d’Orleans n’y ayant pas voulu loger, mais bien son favory. Je ne consideray pas ce lieu sans soupirer et prier Dieu pour mon defunct cher mestre.
26 [septembre]. Le courrier d’Alemagne arriva quy apporta nouvelles de la pax d’Allemagne, mais j’ay crainte qu’elle n’ayt pas lieu. La Reyne fut voir madame la duchesse d’Orleans au chasteau neuf.
27 [septembre]. Ce jour de dimanche, je fus au disner de monsieur le Prince et le remerciay de l’honneur qu’il m’avoit faict de me donner quartier. II me fit la grace de me prendre la main, de me la serrer et de me dire : « Monsieur, vous vous moquez de moy, je suis vostre serviteur ». Ce discours me fit voir que je n’estois pas mal dans son esprit et que toutes les fois que j’avois escrit les petites nouvelles à monsieur Dumont, l’un de ses segretaires, Son Altesse les avoit lues, aynssy que m’a dit dudepuis monsieur Dumont. Monsieur le Prince estant hors de table, il alla au chasteau neuf, suivy de messieurs de Conty et de Longueville et de plusieurs autres, à la seconde conference avecque les mesmes deputés du parlement et les mesmes princes. Aussy, cette fois là, ils y appelerent messieurs le chancellier, de La Meillerès et de Tuebeuf pour les finances. Messieurs les princes sortirent par deux fois pour conferer ensemble et envoyèrent monsieur de La Riviere truver la Reyne. A l’issue de la conference, ils se separèrent à l’ordinaire.
28 [septembre]. Le Roy continua ses divertissements ordinaires : le jour, à l’estude, à la promenade, et le soir au collin mallar, où les princes et seigneurs [p. 145] prenoient leur part du divertissement. Et pour moy, je faisois ma cour chez madame la Princesse et chez les autres princes et princesses desquels j’ay l’honneur d’estre cogneu.
29 [septembre]. Il y eut grande chasse du cerf où le Roy et tous les princes et seigneurs estoient. C’estoit avecque les chiens de monsieur d’Orléans. Le cerf fut pris.
30 [septembre]. Je pris congé du Roy à l’issue de son souper et fus au souper de madame la Princesse la mere, où madame la Princesse la jeune estoit arrivée de jour, de laquelle je pris congé, comme de tous mes amis, et me fus retirer sur la meinuict.
[…]
[p. 183] En ce temps [mars 1649], le Roy, la Reyne et le Conseil estoient à Saint Germein en Lès, et l’armée du Roy autour de Paris, qu’il avoit bloqué et afamé depuis le jour qu’il en estoit party, quy estoit la veille des Roys, à cause des desobéissances de messieurs du parlement. Messieurs les princes de Conty, de Longueville, de Beaufort et autres se jeterent dans Paris et apuierent le parlement contre Sa Majesté. Le desordre estoit tres grand dans l’Estat, grandes partiallités. Il nous faillut assembler nombre d’officiers du Roy pour gaygner Saint Germein, nous faillut aller par Illiers en Beausse, par Dreux, et, à chaque village, il failloit quiter espée et pistolletz. L’on faisoit garde partout et n’y avoit neulle seureté pour les passants : tous les peuples tenoient pour le parlement et assassinoient ceux quy alloient au service du Roy. Ils nous appelloient les Masarins, à cause du gouvernement de monsieur le cardinal Masarin, quy estoit chef du Conseil et fort haï.
Je raportay à Saint Germein ce que j’avois veu et [p. 184] mesme le dit à quelques ungs du Conseil du Roy, des plus affidés à la Reyne et à des familliers de monsieur le cardinal de Masarin, comme à monsieur le commandeur de Souvrey et à quelques autres desquels j’estois cogneu, et auxquels je fis voir aussy l’afection que monsieur le duc de Vandomes avoit faict voir dans des rancontres dans le Vandomois où il estoit alors, et ce que j’en dis c’estoit par ordre de monsieur de Souvrey, premier gentilhomme de la Chambre, quy estoit alors à Vandomes, près monsieur le duc, de quoy je reçus après compliment, lorsque monsieur de Vandomes vint à la cour.
Nous partimes le 28 mars, le dimanche des Rameaux, après le service, et arivames à Saint Germein le mercredy, et entrasmes le jeudy absolu en quartier où, estant à tenebres, dans la chapelle du chasteau, les nouvelles de la paix vinrent, que les desputés du Roy aresterent à Ruel avecque monsieur le Premier President et autres nommés de messieurs les princes et du parlement. Sy tost que l’on entendit cette novelle, quy ne pouvoit venir que du Ciel, tout le monde se jeta
à genoul et loua tout Dieu de tout son coeur.
Toutes les festes de Pasques se passèrent en joye. Tous les princes, excepté monsieur de Beaufort, vinrent. Tous les corps du parlement et de Paris, les ungs après les autres, que le Roy regalla d’importance, asseurerent Leurs Majestés de leurs fidelités et obeissances. De là à quelques jours, monsieur d’Orléans fut à Paris, les princes et princesses aussy, quy y furent tous les bien receus.
Le 30 du mois d’avril, Leurs Majestés et toute la cour partirent de Saint Germein pour Compiegne, et vint on coucher à Chantilly, où monsieur le Prince fit l’honneur de la meson à merveilles. Ils y sejeurnerent deux jours et puis furent à Compiegnes.
[…]
[p. 291] Le cinquieme may [1652], il arriva un garçon quy me fut envoyé exprès de Saint Germein, où estoit la cour durant le siège de Paris, que monsieur Le Conte et mes cousins de La Boullière m’envoyerent pour me donner avis que Artus de Plannes, l’ung de mes compagnons, estoit mort et que Leurs Majestés n’avaient pas voulu disposer de la charge, qu’ils en vouloient remplir les deux anciens, quy ne servoient que de deux ans l’ung. Et, moy, quy estois l’ancien sans contredit, je me resolus de partir. […]
La guerre civile estoit sy allumée qu’elle me fit bien cognoître la dangereuse extremité que c’est d’aller par la campagne pendant la guerre civile où tout est en armes et en allarmes. […] [p. 292] Partant le lendemain matin, nous fumes passer à Roussières remercier M. l’abbé, quy nous donna encore le mesme Allemand pour nous guider par des petits chemins escartés jeusques à Montfort pour esviter les bois de Saint Leger, où tous ceux quy y passoient estoient volés et la plupart tués. Nous nous separasmes à Montfort et fusmes, le vallet de pied et moy, coucher à Saint Germein, tojours partis quy nous venoient recognoître et bien souvent pour nous piller. Les couleurs de la [p. 292] Reyne me firent du bien et une faveur toute particuliere. Ce jour là, l’armée du Roy estoit occupée à l’Ille Adan, qu’elle prit, sans cela je n’aurois pas manqué à faire mon entrée dans Saint Germein aynssy que me dit madame de Vandosmes : « Il me semble, dit elle, que je suis à Saint Germein et que je vous y vois arriver tout neu, couvert seullement d’une mechante chemise fort salle qu’un de ceux quy vous auront vollé vous auront baillée pour la vostre ». Elle avoit envoyé lematin cinq des siens bien montés et armés, quy furent bien bastus par les chemins.
Enfin, par la grace de Dieu, j’arrivay en santé. Je fus voir mes supérieurs et ensuite Leurs Majestés.
Monsieur et madame de Souvrey me firent voir comme ils avoient travaillé pour moy. Monsieur de Crequy, quy estoit en année, estoit à Paris : quoyqu’il eut passeportz du Roy et des Princes, et congé, il ne laissa pas d’avoir de la peine de sortir. Pour moy, je truvois trop de peril d’aller à Paris pour le voir : je l’attendis. Il vint, avecque luy La Planche, l’ung de mes compagnons, quy pretendoit deux mille livres sur la charge vacante, disant que Bonnefont les avoit eues de Moreau, quy estoit entré dans la charge de Butanger. Gomme nous fumes devant monsieur de Crequy, La Planche, Dalbanes (quy estoit le beau frere du defunct, auquel la Reyne donnoit l’autre moitié), monsieur de Crequy dit : « La Reyne vous gratifie vous deux de la charge de défunct de Plannes, mais vous donnerez tous deux deux mille livres à La Planches ». Je pris la parolle et le priay de me permettre de dire mes raisons, ce qu’il eut à gré. Je lui dis : « Monsieur, vous savez que l’ancien, [p. 294] quy entre par le droit de ses services, ne paye rien. Vous avez observé et continué l’ancien ordre vous mesme, dans vostre derniere année, après la mort de Butanger. Porteau, quy estoit l’ancien, entra sans argent. Mais Moreau, quy estoit après, paya les deux milles livres à Bonnefonds ». Monsieur de Créquy, quy est homme de peu de parolle, dit à Darbanes : « Il faut que ce soit vous quy les payez à La Planches, autrement vous ne servirez pas ». Ce que Darbanes accorda : passerent ung escrit pour la somme et, après, monsieur de Crequy me permit de quitter l’espée et le manteau et d’achever de servir le quartier, quy estoit le mien. Il faut observer que tout officier quy meurt dans le service, c’est-à-dire pendant son quartier, les gages sont à la veuve ou aux heritiers. C’est pourquoy je n’y pouvois rien pretendre. Darbanes, quy parloit pour tous ces heritiers, m’acorda le tiers des gages, et ainsy j’achevay de servir le quartier pour entrer en possession de la charge entiere.
Pendant ce temps, les allées et veneues de Saint Germein à Paris se faisoient continuellement. Monsieur le maréchal de L’Opital, gouverneur de Paris, faisoit force voyages. Les troupes des Princes estoient tout autour de Paris, tenoient les ponts de Neuilly et furent prendre Saint Denis, où estoit monsieur le Prince en personne. Les troupes du Roy le reprirent le lendemain, où il y eut force gens tués, et mesme de ceux de Paris, lesquels estoient sortis assez imprudemment et furent poussés et battus jeusques dans les faubourgs. Ce quy fit grand bruict à Paris. Enfin, après force allées et veneues, il fut conclu que l’armée du Roy se retireroit à dix lieues de Paris, ce quy fut faict.
Il arriva que, pendant ce temps là, le coronel Rabe, quy commandoit le régiment des Cravattes, vint à
Saint Germein, avecque sa femme. Il y avoit peu de temps que, passant par icy, il m’avoit obligé de bonne [p. 295] manière, aynssy qu’il est en son lieu cy davant, tellement que je leur randis à tous deux force civillitez. Leurs Majestez seurent la courtoisie qu’il m’avoit faicte, toute la cour luy fit voir que l’action qu’il avoit faicte en me donnant Coustures et en l’évitant du pillage des quatre régiments de cavallerie quy marchoient soubs ses ordres luy estoit glorieuse, et mesme Leurs Majestés luy en témoignerent quelques choses. Je n’oubliay donc rien à toutes les choses que la recognoissance et la civillité m’obligeoit de faire : Monsieur donna le bal au Roy et aux dames, j’obtins permission de luy amener, où le Roy la reçut à merveille et la baisa, et Monsieur à l’entrée du bal et à la sortie, et eurent toutes les civillitez que l’on pouvoit souhaiter, tellement qu’ils s’en allerent à l’armée fort satisfaictz des ressentiments que j’avois du bien qu’il m’avoit faict, et à mes amis. Aussy ne faut il pas estre ingrat lorsque l’on a receu des courtoisies des gens de guerre et que l’on les voit à la cour : il faut en donner cognoissance au Roy et faire qu’ils truvent satisfaction d’avoir obligé articullierement ceux quy sont au Roy. Et, tout petit que l’on soit, on peut en ces lieux là leur rendre des services bien signalés, ce quy les oblige, dans les commandements qu’ils ont, de considérer ceux quy ont l’honneur d’estre au Roy.
L’armée du Roy marcha vers Estampes, où estoit la plupart des troupes de messieurs les Princes, commandée par le marquis de Tavannes.
Leurs Majestez partirent, le vingt et deux, de Saint Germein pour Corbet. […]
[…]
[p. 447] Le mercredy 30 avril [1665], la Cour estant à Saint Germain, Madame la contesse de Fles, premiere dame d’honneur de la Reyne mere Anne d’Autriche, la Reyne estant avecque elle, je lur monstray le desseing de la chapelle, et mesme les deux morceaux de pierre. […]
[p. 449] Le 21 may, le Roy fit assembler tous les fameux chirurgiens pour voir le mal que la Reyne sa mere avoit à la mamelle gauche et pour apprendre d’eux le remede qu’il y pourroit avoir. Apres qu’ils l’eurent veue, ils se rendirent tous, par l’ordre du Roy, dans sa chambre. Sa Majesté s’y rendit aussy, et Monsieur son frere, estant tous deux debout, testes nues, appuiés contre la croyzée de la chambre, ils entendirent tous ces illustres parler les ungs apres les autres sur le sujet de ce facheux mal ; ils vinrent tous d’accord que c’estoit ung cancer et par consequent incurable, et qu’il n’en failloit attendre que de mauvaises evenements. Comme en effet, le 28 du mesme mois, elle se truva mal, pendant heuict jours elle fut seignée trois fois, c’estoit une erezipelle. Le Roy en fut tellement touché que par plusieurs fois il en plura amerement. Monsieur, Madame suivirent le Roy et la Reyne par leurs larmes.
Je ne puis achever le chapitre de mon quartier sans parler de monseigneur le Dauphin. C’est un enfant admirable. Je ne pus m’empecher de luy procurer une picque et ung petit mousquet par l’agrement de madame la marechalle de La Motte, sa gouvernante, et le tout de la façon de Saint Mallo, artillier du Roy, [p. 450] et par le consentement et l’ordre du Roy. Ung matin, il eut sa petite picque que Saint Mallo et moy luy portasmes ; il ne fut jamais tant de joye qu’il en reçut. Elle estoit bleue, le fer du haut et du bas doré. Il l’aporta monstrer à Leurs Majestez et s’en divertit à merveilles. Mais lorsque le petit mousquet monté sur de beau noyer, avecque des petits dauphins d’argent dessus la plaque bien gravée, fut arrivé, madame la marechalle de La Motte fit difficulté de luy donner, disant que, lorsqu’il avoit des armes à la main, il devenoit furieux et que cela l’empechoit d’estudier. J’entray dans la chambre de Monseigneur faché de n’avoir peu obtenir l’agrement du mousquet. Sy tost que Monsegneur me vit, il me parla de son mousquet ; je luy dis en particullier, comme sy c’eut esté ung homme, que je n’estois pas assez puissant pour luy faire donner, quoy qu’il fut à Saint Germein, et qu’il failloit qu’il priat monsieur le duc de Saint Agnan, son bon amy, quy estoit là present, pour luy faire donner. Monsieur le duc estoit dans ung coing de la chambre, quy parloit à monseigneur l’archevesque de Rouan.Cet enfant de trois ans et demy part de la main et dit : « Monsieur de Saint Agnan, mon bon amy, mon mignon, mon favry, je vous prie que le Roy et madame la marechalle me donnent mon petit mousquet ». Monsieur de Saint Agnan luy dit : « Mon mestre, ne redites pas ces parolles là, vous me feriez esvanouir. Je vous promets que s’il ne faut qu’aller à Paris à pied, que je vous l’iray querir et que le Roy et madame la marechalle vous le [p. 451] donneront ». Il l’eut des le mesme jour. Le Roy dit qu’il n’y auroit pas de danger de boucher la lumière, crainte qu’il se blessat ; elle ne fut pourtant pas bouchée. Le Roy le voulut tirer le premier, en presence de monseigneur le Dauphin.
Sur la fin du quartier, ung soir que j’estois de garde, esclairant au Roy, l’on parla de monseigneur le Dauphin. Je pris la liberté de dire que Monseigneur, estant sur les bras de madame la marechalle, il y touchoit le sein par dessus son mouchoir de col et dit à monsieur de Langlée qu’il touchat par dessoubs. « Comment, dit madame la marechalle, il n’y a que vous en Frances quy ayt la liberté d’y toucher. Le Roy ne l’a pas ». Monseigneur luy dit : « Ah ! Madame, le Roy est le mestre ».
« Syre, il y a deux jours que monseigneur le Dauphin, sortant de table, voulut entrer chez madame la marechalle, quy mangeoit, quy avoit faict fermer la porte, crainte qu’il n’entrat. Comme il eut longtemps heurté, madame la marechalle commanda à ung marmitton nommé Claude d’ouvrir la porte, et de s’y tenir, et de dire qu’il avoit ordre du Roy de ne laisser entrer personne. Ce garçon fit cette action avecque ung visage assez asseuré. Monseigneur le Dauphin, le considérant gras et sale, avecque ung grand davanteau sale davant luy, en eut horreur, se retire trois pas et dit : « Ce marmiton, ce traditor, quy m’a empeché d’entrer ». Monsieur de La Feuillades dit : « Qu’est ce quy luy apprend ces mots là ? » Le Roy dit : « Mon filz entend tout ». Et je dis : « Syre, monsieur l’ambassadeur d’Espagnes l’ayme d’amour, se vient jouer avecque luy, comme s’il estoit lui mesme ung enfant, luy parle toujours espagnol, et monseigneur le Dauphin luy respond jeuste ». Le Roy truva bon ce que je dis.
[…]
[p. 467] Le temps vint qu’il failloit aller servir le Roy, estant encore, grace à Dieu, en estat de servir. Je partys, après avoir faict mes petites devotions à mon ordinaire, et m’en allay en compagnie à Saint Germein et y arrivay le dernier jour de mars [1667], la cour y estant. Nous entrasmes en quartier chez le Roy et chez monseigneur le Dauphin que nous servions par jour alternativement, le Roy ne donnant pas d’autres officiers à monseigneur le Dauphin que les siens. Il se truva qu’ung de nos camarades nommé Du Pont manquat sans que l’on peut savoir ce qu’il estoit deveneu, Monsieur le conte du Lude l’ayant dit au Roy à son lever, le Roy dit qu’il luy avoit donné congé d’aller en Itallie. […]
[p. 469] [Le Roi] ayant son desseing arresté pour la guerre de Flandre, partit le 16 may de Saint Germein, pleing de magnificences, où les trompettes, les timballes et tambours faisoient merveilles. La Reyne alla aussy accompagner le Roy jusques à Amiens. Le Roy, sortant de la chapelle pour monter en carosse, avecque la Reyne et plusieurs princesses et dames, je me jetay à genoulz et luy embrassay la cuisse ; il me regarda et monta en carosse. Je me retiray pour plurer à mon particulier, voyant que mon age ny mes forces ne me permettoient pas de suivre mon bon mestre à l’armée, ayant ordre du Roy de demeurer auprès de monseigneur le Dauphin, avecque mon filz de Montigny (pour lequel j’avoys demandé) et La Planche, l’ung de nos vielz camarades, quy estoit incommodé de la veue.
Leurs Majestez estant partis, je montay chez monseigneur le Dauphin, où j’eus l’honneur de le servir à son disner, me tenant derriere sa chere. Là, ma playe se rouvrit : ce cher enfant, agé de cinq ans et demy, nous raconta avecque beaucoup de tendresse comme le Roy luy avoit donné sa benediction et l’avoit embrassé et baisé. Son repas estant faict, il nous demandoit sy le Roy estoit arrivé à Andilly, quy estoit la disnée, et après à Champlastreux, où estoit la couchée, quelles distances il y avoit les ungs des autres. Après, il se mit dans son faulteuil et ne se voulut faire entretenir que du Roy et de la Reyne. Quelques cavaliers de la brigade de la compagnie des gendarmes de la Reyne, commandez par [p. 470] monsieur le marquis de Rouville, quy estoit pour la garde et la conduite de Monseigneur, le vinrent voir. Toute l’après disnée se passa fort tristement et se coucha de mesme.
Le Roy auparavant que de partir avait faict ung camp de 13 à 14 mille hommes dans la plaine d’Ouille, proche Saint Germein, pour establir les ordres et rangs dans la marche, et logement de ses armées, où luy mesme avoit campé, y ayant ses tentes, son lit de camp et toutes les choses nécessaires dans les armées. Le Roy n’y coucha pas, mais il y passoit les jours entiers, y mangeoit, et mesme y traita la Reyne et les dames de la cour. Ces premisses estoient pour une marque de ses desseins, que je prie Dieu qu’il bénisse ses armes et sa personne sacrée et qu’il la conserve, comme la personne du monde quy nous est la plus chere en Frances, comme estant le plus grand roy et le plus honneste homme quy ayt esté, que je prie Dieu derechef de l’accompagner et de marcher toujours à sa droite, comme il fit à celle de David.
Le mariage de monsieur de Guize et de madamoiselle d’Allansson fut le 15 may à Saint Germein. Le Roy en fit tous les honneurs.
Le mardy 17 may, monseigneur le Dauphin estant esveillé se fit porter dans le lit de madamoiselle de Toussy, quy avoit esté obligée de coucher dans la chambre de Monseigneur, avecque madame la marechalle de La Motte, sa mere, gouvernante de Monseigneur. Elle avoit une petite chienne, quy avoit receu une atteinte de Monseigneur ; elle le fuioit et luy la vouloit prendre. Cette petite beste couroit entre les draps, [p. 470] comme une navette, et luy quy la suivoit pour la prendre, ce quy occupoit assez mademoiselle de Toussy à cacher ce qu’il luy descouvroit, estant agée de 18 ans et belle comme le jour.
Comme nous habillions Monseigneur, il me commanda d’emplir, de l’eau qu’il buvoit ordinairement, son flacon d’argent doré, quy estoit ung peu plus gros qu’une noyx, pour mettre dans sa poche pour boire par les chemins, s’il avoit souef. Voilà toute la provision qu’il fit pour son voyage. Faisant cette petite provision, Basin et Montigny, l’ung son mestre pour luy apprendre à jouer au volant et à la paulme, l’autre vallet de chambre du Roy, mon petit filz, agé de 15 à 16, entrerent dans sa chambre, la botte levée et le fouet de postillon à la main. Voilà la premiere joye du voyage : il voulut manier leurs fouetz et savoir comme ils estoient montés et leur dit qu’il leur vouloit voir piquer la masette, comme de faict il leur en envoya louer chacun une, comme à moy. La trousse du corps estant faicte, je dis à monseigneur le Dauphin que je voulois le servir comme le filz du Roy, mon mestre, qu’il failloit partir davant afin qu’il truvat son lit prest lorsqu’il arriveroit à Champlâtreux, où estoit la couchée. Il truva cette proposition rude, mais comme il estoit dejà fort raisonnable, quoyqu’il n’eut que cinq ans et demi, il se contenta de mes raisons et nous laissa partir, à condition que nous luy baiserions la main, ce que nous fimes tous trois prenant congé de luy, quy monta en carosse avecque Madame sa soeur, quy n’avoit que six mois, sur les onze heures.
[…]
[p. 515] Arrivant à Saint Germein le dernier de mars [1671], par ung temps de neiges et de glaces rudes et facheuses, je truvay le saint jubillé que j’eus l’honneur de faire avant le lever du Roy, où je me truvay seul de vallet de chambre. Monsieur le duc de Gevres, auparavant capitaine des gardes du corps et à l’heure premier gentilhomme de la Chambre, m’ayant demandé où estoient mes camarades, je luy dis que je croyois qu’ils seroient à Versaille, où le Roy alloit sytost qu’il auroit disné. Il me commanda de demeurer de garde au lit du Roy, ce que je fis, couchant dans la chambre du Roy les dix et heuict jours que Sa Majesté demeura à Versailles, le Roy nous donnant ung escu par jour pour nostre noriture et deux buches et deux fagotz et une livre de grosses bougies pour la chambre du Roy.
Le Roy revint le samedy 18 [avril] et partit le judy [p. 516] d’après, le 23, pour son voyage de Flandres, avecque la Reyne. Monseigneur le Dauphin, monsieur d’Anjou et Madame demeurerent à Saint Germein. Monsieur le duc de Gevres et madame la marechalle de La Motte, gouvernante des Enfans de France, avoient concerté ensemble que je demeurerais aupres de monsieur d’Angeou. Mais l’ayant dit au Roy, il commanda à M. de Gevres de me renvoyer chez moy, ce qu’ayant seu le mercredy au soir, la veille du depart du Roy, je priay
monsieur de Gevre de me donner lieu de faire mon petit compliment au Roy. Ce qu’il fit de très bonnes graces : le Roy s’etant levé de sur sa chere percée, ayant mis sa robe de chambre sur ses espaules, estant au chevet de son lit, monsieur de Gevres m’ayant faict place et lieu d’approcher le Roy seul, je luy dis : « Sire, je remercie très heumblement Vostre Majesté de m’avoir donné mon congé. Je m’en vais dans ma heutte prier Dieu jour et nuict pour vous. Pour vostre chapelle, monsieur de Haultefort y a entendu la messe, M. de Chanteloup l’a
veue : ils peuvent dire à Vostre Majesté ce que c’est. Je vous demande pardon sy je vous ay importuné pour une desplorable esglize, quy a receu le pillage et l’incendie par les ordres de Jeanne d’Albret, aynssy que l’on m’a dit, dans le temps qu’elle desclara la guerre sy sanglante à l’Esglize. Je ne pouvois pas m’adresser à d’autre qu’à Vostre Majesté pour son retablissement. Et quand il vous plaira me confier quelque argent, j’entreprenderay le grand autel et ung retable où vos magnificences royales seront plus estendues ». Le Roy me fit l’honneur de me dire : « Et bien, ce sera pour ung autre foys ». Je luy baise sa robe et luy dis : « Adieu, mon bon mestre ». […]
[p. 517] Le temps estant veneu, je partis à l’ordinaire, après m’estre confessé et comeunié, le jour de saint Jean, et fus coucher à Montoire et le lendemain à Chasteaudung pour partir avecque le carosse et pour me truver le dernier juing à coucher à Saint Germein, où estoient demeurés monseigneur le Dauphin, monsieur d’Anjou et Madame, le Roy et la Reyne estant en Flandres. J’avoys pour competiteur du quartier de service auprès de monseigneur le Dauphin l’ung de mes camarades nommé La Planche, quy estoit de ces certains philosophes aigres sur toutes choses, contredisant sans cesse sur toutes choses. Il avoit dejà servi ung quartier monseigneur le Dauphin depuis qu’il estoit entre les mains des hommes ; neanmoings, comme il estoit de ceux quy pretendent tout et ne font rien, il disoit qu’il servoit tous les ans et que je ne servoys que de deux ans l’ung, et que par consequent il devoit servir deux quartiers contre moy ung. Nous dismes toutes nos raisons à M. le duc de Gevres, auquel je dis : « Sy je ne suis mort ou malade, je seray au premier jullet auprès de monseigneur le Dauphin. Je suis l’ancien du corps des valletz de chambre. Ce droit m’appartient. Je m’y truveray, Dieu aydant ». Aynssy dit, aussy faict. Sytost que je fus arrivé, j’en donnay avis à M. le duc de Gevres, quy estoit en année, et de plus je luy manday que Rome estoit mort, l’un de mes camarades du quartier de janvier, que le Roy avoit resolu de remplir ceux de nous quy ne servoient que de deux ans l’ung ; mais le Roy, quy aymoit ung nommé La Vienne, barbier, luy donna la charge de Rome, qu’il vendit six mille escus. Tout le corps des valletz de chambre y eut assez grand regret.
Pour suivre mon sujet, j’entray donc de quartier le premier jullet auprès de M. le Dauphin et mon competiteur ne parut point.
[p. 518] Le premier jour de juillet, je m’establis avecque les ceremonies ordinaires, estant au lever de M. le duc de Montausier et faisant toutes les choses quy se font en semblables rencontres. Je relevay Moreau, du quartier de janvier, quy avoit servi avril, et quy tesmoigna bien de la joye d’en sortir. Ce jour se passa à faire mon establissement. Il faillut changer de logement et de façon de vivre, faisant ordinaire dans ma chambre, ayant ung escu du Roy par jour pour ma noriture.
Mon vallet me tenoit à onze heures mon disner prest, à six heures mon souper. Je ne demanday jamais à messieurs de La Chenardiere et de La Faye, avecque lesquels je servoys, que la messe du Roy, qu’ils m’accorderent, aymant uniquement la meusique du Roy, quy est belle et bonne à merveilles. La Chenardiere estant vallet de chambre ordinaire à cause de ses hautes sciences, soit des langues latines, grecques, hebreues, et La Faye servoit six mois aussy à cause de sa langue latine. Ce premier jour, je me tins peu à l’estude (j’avois trop d’affaires pour m’establir), quoyque monseigneur le Dauphin me tesmoigna par sa veue qu’il eut esté bien aise que je luy eusse veu faire son thesme.
2 [juillet]. Je commençay ce jour à prendre mon poste derrière la chere de monseigneur le Dauphin et perdis très peu ma place pendant mes trois moys de quartier, au point que je surprenois les plus fortz d’estre environ trois heures le matin et autant le soir debout, à soixante et douze ans, ce quy surprenoit beaucoup de gens. Je me [p. 519] resouvenois du service que j’avois rendu au Roy, l’ayant servy à ses estudes que luy faisoit feu monseigneur de Paris, son precepteur. Ce mesme jour donc, quy estoit le 2, messeigneurs les princes de Conty, agez de dix à douze ans, vinrent à l’estude de Monseigneur, quy expliqua en latin et en françois la cheute de Davit avecque Berssabée, la mort d’Eurie, comme Absallon tua son frere Amenon et la raison du viol de sa soeur Tamar, la revolte d’Abssallon, sa mort, la vanité de Davit dans le desnombrement de ses troupes, sa penitence. L’estude finie, ilz entendirent la messe et disnerent avecque Monseigneur. L’après disnée, ilz furent longtemps sur la terrasse testes neues. Monseigneur logeoit au viel chasteau du costé du nord. Ilz prirent congé de Monseigneur, quy rentra à sa seconde estude, et, estant derriere sa chere, il me commanda d’ouvrir les chassis. Le vent estoit du nord grand et froid : je luy dis que le vent luy feroit mal et qu’il avoit esté avecque messieurs les princes de Conty neues testes sur la terrasse et qu’il se souvint que l’air de la terrasse de Compiegne luy avoit causé tant de mal ; et, de faict, il se truva mal sur le soir d’une esbullition et prit ung lavement, et soupa dans son lit, où mesdamoiselles de Langes et de Lavallettes, avecque leurs luths et leurs voix, le vinrent
divertyr jusques à dix heures du soir, qu’elles prinrent congé.
Ce mesme jour, je luy appris à cognoitre les lievres au giste, à discerner les malles d’avecque les femelles, quy ont les oreilles avallées sur les deux espaules et les malles les ont colées sur les reins, et d’autres avantures de chasse qu’il fut bien aise d’entendre.
[p. 520] Le 3, il n’y eut point d’estude : il y eut promenade. Au soir, ung lavement.
Le 4, il y eut de l’estude, et le 5, il prit medecine. Madamoiselle le vint voir, à laquelle il donna collation dans l’antichambre ; mais Monseigneur n’y fut pas.
Le 6, il commença ses bains delicieux pour l’abondance de fleurs d’oranger, d’œillets et d’autres, quy estoient 4 doigts d’espais sur l’eau, et force bouquets attachés dedans son pavillon. Dans le commencement, il y avoit luths et violles, mais ilz le faisoient estudier et chassèrent tous ces beaux divertissements.
Le 7 et 8, il continua et me commanda, estant dans le bain, d’aller voir Madame de sa part. L’après disnée, il estudia et eut bien de la peine à faire son thesme, disant : « Vous me gardez icy ung bon solliscisme ou deux », et prit grand soing pour s’en esclaircir, s’adressant à M. de
Condon, son précepteur : « Vous m’avez dit que vous me soulageriez en tout ce que vous pourriez, et vous ne le faictes pas ». Ce reproche fut très à propos, voyant qu’il avoit assez peu de tendresses pour mon petit mestre, quy recevoit souvent des fellulles, que monsieur de
Condon luy eut peu eviter.
Le 9, le bain continua, et, l’après disnée, à la leçon, il eut quelques demelés avecque M. de Condon, ce quy se passa, Monseigneur luy presentant la main, luy disant : « Monsieur, raccommodons-nous ».
Le vendredy 10 juillet, entrant dans le bain, messieurs les barbiers et garsons de la Chambre avoient faict une couronne de fleurs, quy pendoit sur la teste de Monseigneur, M. de Montausier dit : « Il faut attendre à 50 ans d’icy ». Monseigneur repartit : « Je ne la souhaite qu’à 100, priant Dieu qu’il conserve le Roy ». Sortant du [p. 521] bain, il essaya ung fort bel habit pour aller au devant du Roy, quy devoit arriver le lendemain de son voyage de
Flandre. Il devoit aller au davant jusques à la disnée. M. de Condon luy demanda comment il aborderoit le Roy et la Reyne. Luy ayant dit que ce seroit avecque les caresses les plus passionnées qu’il se pouvoit, M. de Condon luy dit : « Lorsque le Roy sera dans son carosse et que vous y serez aussy, il vous fera des questions sur vos estudes » ; et lors il dit en latin qu’il prieroit le Roy de luy faire des propositions en latin, qu’il luy reponderoit. Ensuite, il fit collation et, avant que d’aller à la promenade, il alla dire adieu à monsieur d’Angeou, son frère, quy estoit malade il y avoit six mois. Après cette visite, Monseigneur s’en revint tout réjouy : « Bonbon, mon frère se porte beaucoup mieux ». C’estoit sur les six heures du soir. Cependant, à cause de l’arrivée de Leurs Majestez, nous avions commandement d’aller preparer le lit et l’appartement de monseigneur le Dauphin au chasteau neuf ; faisant ce remue mesnage, l’on nous vint dire que monsieur d’Angeou se mouroit, comme de faict il mourut sur les sept heures du soir Philippe de Bourbon, duc d’Anjou, par ung temps d’esclairs et de tonnerres. Et l’on remarqua que, dans le temps de sa naissance, il plut à verse.
Machinet, garson de la garde robe de monseigneur le Dauphin, fut à toutes jambes porter ces nouvelles à monsieur le duc de Montausier, gouverneur de monseigneur le Dauphin, qu’il luy dit en secret. M. de Montausier dit à M. Millet, soubs gouverneur, d’amener Monseigneur doucement et qu’il alloit davant. Monseigneur le Dauphin, estant de retour, auquel on avoit celé la mort de Monsieur, nous dit : « Lorsque Machinet est veneu à toutes jambes parler en particulier à M. de [p. 522] Montausier, j’ay eu envie de plurer, et je croys que l’on me celle quelques choses ». Monsieur de Montausier, madame la marechalle de La Motte, première dame d’honneur et gouvernante des Enfans de Frances, truverent à propos que monsieur l’esvesque de Condon, precepteur de monseigneur le Dauphin, allat au davant du Roy porter cette triste nouvelle. Il marcha toute la nuict et arriva à Luszarche au lever de Roy, lequel le voyant luy dit : « Il n’y a donc pas eu moyen de sauver ce pauvre enfant ». Après quelques raisons, le Roy luy dit : « Pour moy, je veux ce que Dieu veult, mais allons voir la Reyne », quy leur dit qu’Elle estoit resignée à la volonté de Dieu, mais qu’elle les prioit de la laisser plurer tout son soûl. Cependant on ne dit point cette triste nouvelle à Monseigneur que le semdy onze, après son réveil, quy plura amerement et nous reçut dans sa chere, les mains croyzées et les yeux baignés de larmes. Il fut question de prendre ung habit de deuil et partir
pour Franconvilles, où Leurs Majestés venoient disner, où Monseigneur les fut truver, où les ungs et les autres respandirent force larmes. Ils vinrent coucher à Méson, où nous eumes ordre d’aller pour y servir Monseigneur, ce quy fut faict, où nous truvasmes Leurs Majestez bien affligées.
Lendemain 12, nous revismes coucher à Saint Germein et Leurs Majestez à Versailles, où ils menerent Monseigneur jusques là dans leur carosse et revint dans le sien coucher à Saint Germein. Et, le mesme jour, à dix et onze heures du soir, l’on fit le convoy des funérailles de feu M. d’Anjou.
Le 13, M. de Joyeux, premier valet de chambre, nestoyant les dents de Monseigneur, quy remuoit toujours et quy parloit aux uns et aux autres, au point que [p. 523] l’on ne les y pouvoit nestoyer, je luy dis que, lorsque le Roy se faisoit nestoyer les dents, il se tenoit ferme comme ung rocher. Monseigneur repartit : « Le Roy n’est il pas ung rocher sur la terre ? » Ce mesme jour, à son lever, madame la marechalle de La Motte, premiere dame d’honneur et gouvernante des Enfans de Frances, vint, accompagnée de toutes les femmes et norisses de feu monseigneur d’Anjeou, voir M. le Dauphin et luy demanderent sa protection, estant dans la derniere affliction. Ses leçons à l’ordinaire, et au soir la promenade, et, après souper, la meusique, où fut la Reyne et les dames.
Le 14, il continua ses bains, et, à l’ordinaire on le pressa pour ses leçons, au point qu’entrant dans son lit l’on le fit habiller et priant Dieu, il luy prit une foyblesse ; au lieu de le remettre dans son lit, on le pressa de s’habiller. Il eut besoing d’aller à sa chere percée où il luy prit une foyblesse et tomba entre mes bras. Nous luy fismes prendre du vin ; il revint. Le voyant dans cet estat, je dis à monsieur de Montausier et à ceux quy estoient là que j’allois raccommoder son lit et qu’il failloit l’y remettre. Le lit raccommodé, ilz se mocquèrent de moy et me dirent que je ne cognoissois pas monseigneur le Dauphin et que, ce que je voyois, tout cela n’estoit que pour eviter l’estude, et l’y pousserent, et ne luy firent non plus de quartier que les autres jours. Neanmoings, il se truva mal tout le jour et ne dormit pas bien la nuict ensuivante, ce quy obligea M. Vallot et les autres medecins à luy faire prendre medecine, le lendemain 15. Il faut dire une vérité que je n’ay jamais veu enfant, ny personne, quy les prenne avecque tant de facilité que faict monseigneur le Dauphin. Toute la Cour le vint visiter, et, comme il faisoit beau, il ne laissa pas de sortir le soir du mesme jour.
Le 16, il prit ung lavement, et toujours son estude ordinaire, où fut le pere Ferrier, confesseur du Roy. [p. 524] Il continua assez bien ses estudes et ses exercices jusques au 26, qu’il commença à faire ses thesmes luy seul.
Le lundy 27, Philliber Esmanuel de Beaumanoier, esvesques du Mans, mon bon amy, mourut à heuict heures du soir. Et, le lendemain 28, le pere Ferrier estant à l’estude de monseigneur le Dauphin, le frere du pere m’en apprit la novelle. Et le mesme soir, je m’en alloy au coucher du Roy luy demanday le serment de fidelité quy appartenoit à Sa Majesté pour Philipe Le Moyne, fils de mon cousin de La Fosse Boulliere. Le Roy m’ayant demandé pour quy c’estoit, luy ayant dit que c’estoit pour ce garson, mon parent, il me commanda de donner mon placet au pere Férier, et que d’autres luy avoient demandé et qu’il verroit à quy la deveroit donner.
Le 29, toute la Cour partit pour Versailles. […]
[p. 538] Le lendemain [30 septembre], quy estoit le dernier du quartier, l’estude du matin fut assez bonne, et Monseigneur s’en vint à Saint Germein en carosse avecque Leurs Majestez. Le soir, Monseigneur se divertissoit sur sa table à crayonner des fortifications, avoit coupé de petits morceaux de papier, dont il fit ung petit bouchon, se jouant il traversa sa chambre pour le venir jeter dans le feu. Le foyer de sa cheminée est de marbre. Les deux pieds luy manquerent, il tomba assez rudement. J’estois seul à la cheminée, je le relevay promptement. Je croys [p. 539] que la teste ne porta pas. Au soir, M. de Condon le dit à la Reyne, à laquelle j’avois presenté ung placet pour nostre pauvre esglize et quy m’avoit promis quelques choses. Je Luy dis que quartier estoit finy et que sy elle vouloit donner quelques choses. Elle me dit : « Le Roy ne vous a rien donné, je ne vous donneray rien aussy ». Je pris congé d’elle et allay au coucher du Roy, prenant congé de luy et le remerciant de tous ses bienfaictz. Il se prit à rire. Dans cet instant, quatre ou cinq de mes camarades l’entourèrent pour le service de M. le Dauphin. Il appela M. le duc de Gevres, premier gentilhomme de la Chambre en année, et luy commanda de prendre le nom de tous ces vallets de chambre et les faire servir les ungs après les autres, sans considérer desquelz quartiers ils pourroient estre. »

Dubois, Marie

Mentions de Saint-Germain-en-Laye dans les mémoires de Saint-Simon

« [t. 2, p. 37] [1697] La premiere nouvelle qu’on eut de sa signature fut par un aide de camp du marechal de Boufflers qui arriva le dimanche 22 septembre à Fontainebleau, depeché par le marechal, sur ce que l’electeur de Baviere lui avoit mandé que la paix avoit eté signée à Ryswick le vendredi precedent à minuit. […] Le roi et la reine d’Angleterre etoient à Fontainebleau, à qui la reconnoissance du prince d’Orange fut bien amere, [p. 38] mais ils en connoissoient bien la necessité pour avoir la paix, et savoient bien aussi que cet article ne l’etoit guere moins au Roi qu’à eux-mêmes, dont j’expliquerai tout presentement la raison. Ils se consolerent comme ils purent, et parurent meme fort obligés au Roi, qui tint egalement ferme à ne vouloir pas souffrir qu’ils sortissent de France, ni qu’ils quittassent le sejour de Saint Germain. Ces deux points avoient eté vivement demandés, le dernier surtout dans l’impossibilité d’obtenir l’autre, tant à Ryswick que dans les conferences par Portland. Le Roi eut l’attention de dire à Torcy, sur le point de la signature, que si le courrier qui en apporteroit la nouvelle arrivoit, un ou plusieurs, l’un apres l’autre, il ne lui vint point dire s’il etoit alors avec le roi et la reine d’Angleterre, et il defendit aux musiciens de chantier rien qui eut rapport à la paix jusqu’au depart de la cour d’Angleterre.
[…]
[p. 93] [1698] Le roi d’Angleterre etoit au comble de satisfaction de se voir enfin reconnu par le Roi, et paisible sur ce trone ; mais un usurpateur n’est jamais tranquille et content. Il etoit blessé du sejour du roi legitime et de sa famille à Saint Germain. C’etoit trop à portée du Roi et trop pres d’Angleterre [p. 94] pour le laisser sans inquietude. Il avoit fait tous ses efforts, tant à Ryswick que dans les conferences de Portland et du marechal de Boufflers, pour obtenir leur sortie du royaume, tout au moins leur eloignement de la Cour. Il avoit trouvé le Roi inflexible ; il voulut essayer tout, et voir si, n’en faisant plus une condition, puisqu’il avoit passé carriere, et comblant le Roi de prevenances et de respects, il ne pourroit pas obtenir ce fruit par ces souplesses. Dans cette vue, il envoya le duc de Saint Albans, chevalier de la Jarretiere, complimenter le Roi sur le mariage de monseigneur le duc de Bourgogne. Il ne pouvoit choisir un homme plus marqué pour une simple commission ; on fut surpris meme qu’il l’eut acceptée. Il etoit batard de Charles II, frere ainé du roi Jacques II, et c’etoit bien encore là une raison pour Saint Albans de s’en excuser. Il voulut meme pretendre quelques distinctions, mais on tint poliment ferme à ne le traiter que comme un simple envoyé d’Angleterre. Les ducs de ce pays là n’ont aucun rang ici, non plus que ceux d’ici en Angleterre. Le Roi avoit fait la duchesse de Portsmouth et le duc de Richemont, son fils, duc et duchesse à brevet, et accordé un tabouret de grace en passant à la duchesse de Cleveland, maitresse de Charles II, son ami. […]
[p. 95] Des la premiere fois qu’il vit Torcy avant d’aller à Versailles, il lui parla du renvoi, à tout le moins de l’eloignement du roi Jacques et de sa famille. Torcy sagement n’en fit point à deux fois, et lui barra tout de suite la veine. Il lui repondit que ce point, tant de fois proposé dans ses conferences avec le marechal de Boufflers, et sous tant de diverses [p. 96] formes debattu à Ryswick, avoit eté constamment et nettement rejeté partout, que c’etoit une chose reglée et entierement finie, qu’il savoit que le Roi, non seulement ne se laisseroit jamais entamer là-dessus le moins du monde, mais qu’il seroit extremement blessé d’en ouir parler davantage, qu’il pouvoit l’assurer de la disposition du Roi à correspondre en tout, avec toutes sortes de soins, à la liaison qui se formoit entre lui et le roi d’Angleterre, et personnellement à le traiter lui avec toutes sortes de distinctions ; qu’un mot dit par lui sur Saint Germain seroit capable de gater de si utiles dispositions, et de rendre son ambassade triste et languissante ; et que, s’il etoit capable de lui donner un conseil, c’etoit celui de ne rien gater, et de ne pas dire un seul mot au Roi, ni davantage à aucun de ses ministres, sur un point convenu, et sur lequel le Roi avoit pris son parti. Portland le crut, et s’en trouva bien ; mais on verra bientôt que ce ne fut pas sans depit, et le Roi approuva extremement que Torcy lui eut des l’abord fermé la bouche sur cet article. On prit un grand soin de faire en sorte qu’aucun Anglois de Saint Germain ne se trouvat à Versailles ni à Paris, à aucune portée de ceux de l’ambassadeur, et cela fut tres exactement executé. […] [p. 98] Mais parmi tant de fleurs, il ne laissa pas d’essuyer quelques epines, et de sentir la presence du legitime roi d’Angleterre en France. Il etoit allé une autre fois à Meudon pour suivre Monseigneur à la chasse. On alloit partir et Portland se bottoit, lorsque Monseigneur fut averti que le roi d’Angleterre se trouveroit au rendez vous. A l’instant il le manda à Portland, et qu’il le prioit de remettre à une autre fois. Il fallut se debotter et revenir tout de suite à Paris. […] [p. 98] Il etoit grand chasseur. Soit envie de voir faire la meute du Roi, soit surprise de ne recevoir aucune civilité du duc de La Rochefoucauld que la simple reverence lorsqu’ils se rencontroient, il dit et repeta souvent qu’il mouroit d’envie de chasser avec les chiens du Roi. Il le dit tant et devant tant de gens qu’il jugea impossible que cela ne fut revenu à M. de La Rochefoucauld, et cependant sans aucune suite. Lassé de cette obscurité, il la voulut percer, et au sortir d’un lever du Roi aborda franchement le grand veneur, et lui dit son desir. L’autre ne s’en embarrassa point. Il lui repondit assez sechement qu’à la verité il avoit l’honneur d’etre grand veneur, mais qu’il ne disposoit point des chasses, que c’etoit le roi d’Angleterre dont il prenoit les ordre, qu’il y venoit tres souvent mais qu’il ne savoit jamais qu’au moment de partir quand il ne venoit pas au rendez vous, et tout de suite la reverence, et laissa là Portland dans un grand depit, et toutefois sans se pouvoir plaindre. M. de La Rochefoucauld fut le seul grand seigneur distingué de la Cour qui n’approcha jamais Portland. Ce qu’il lui repondit etoit pure generosité pour le roi d’Angleterre. Ce prince, à la verité, disposoit quand il vouloit de la meute du Roi, mais il y avoit bien des temps qu’il ne chassoit point, et jamais à toutes les chasses. Il ne tenoit donc qu’à M. de La Rochefoucauld d’en donner à Portland tant qu’il auroit voulu, à [p. 99] coup sur, mais piqué de la prostitution publique à la vue de la Cour de Saint Germain, il ne put se refuser cette mortification au triomphant ambassadeur de l’usurpateur qui avoit attaché à son char jusqu’à M. de Lauzun, malgré ses engagements et son attachement au roi et à la reine d’Angleterre, et sans y pouvoir gagner que de la honte, pour suivre la mode et faire sa cour au Roi.
Enfin, Portland, comblé en toutes les manieres possibles, se resolut au depart. […] Sur son depart de Paris, il avoit affecté de repandre que tant que le roi Jacques seroit à Saint Germain, la reine d’Angleterre ne seroit point payée du douaire qui lui avoit eté accordé à la paix, et il tint parole.
[…]
[p. 416] [1700] L’archevêque de Reims présida l’assemblée du clergé qui se tient de cinq ans en cinq ans. […] [p. 417] Cette assemblée se tint à Saint Germain quoique le roi d’Angleterre occupat le château. M. de Reims y tenoit une grande table et avoit du vin de Champagne qu’on vanta fort. Le roi d’Angleterre, qui n’en buvoit guere d’autre, en entendit parler et en envoya demander à l’archeveque, qui lui envoya six bouteilles. Quelque temps apres, le roi d’Angleterre, qui l’en avoit remercié, et qui avoit trouvé ce vin fort bon, l’envoya prier de lui en envoyer encore. L’archeveque, plus avare encore de son vin que de son argent, lui manda tout net que son vin n’etoit point fou et ne couroit point les rues, et ne lui en envoya point. Quelque accoutumé qu’on fut aux brusqueries de l’archeveque, celle ci parut si etrange qu’il en fut beaucoup parlé, mais il n’en fut autre chose.
[…]
[t. 3, p. 37] [1700] Aussitôt après la déclaration [de l’acceptation du testament du roi d’Espagne], le Roi la manda par le premier ecuyer au roi et à la reine d’Espagne. […] Depuis cette declaration, le roi d’Espagne fut traité comme le roi d’Angleterre. Il avoit à souper un fauteuil et son cadenas à la droite du roi, Monseigneur et le reste de la famille royale des ployants au bout, et au retour de la table à l’ordinaire, pour boire, une soucoupe et un verre couvert, et l’essai comme pour le Roi. Ils ne se voyoient en public qu’à la chapelle, et pour y aller et en revenir, et à souper, au sortir duquel le Roi le conduisoit jusqu’à la porte de la galerie. Il vit le roi et la reine d’Angleterre à Versailles et à Saint Germain, et ils se traiterent comme le roi et le roi d’Angleterre en tout, mais les trois rois ne se trouverent jamais nulle part tous trois ensemble.
[…]
[p. 328] [1701] Le voyage du roi d’Angleterre lui avoit peu reussi, et il ne traina depuis qu’une vie languissante. Depusi la mi aout, elle s’affoiblit de plus en plus, et, vers le 8 septembre, il tomba dans un etat de paralysie et d’autres maux à n’en laisser rien esperer. Le Roi, madame de Maintenon, toutes les personnes royales le visiterent souvent. Il reçut les derniers sacrements avec une pieté qui repondit à l’edification de sa vie, et on n’attendoit plus que sa mort à tous les instants. Dans cette conjoncture, le Roi prit une resolution plus digne de la generosité de Louis XII et de François Ier que de sa sagesse. Il alla de Marly, où il etoit, à Saint Germain, le mardi 13 septembre. Le roi d’Angleterre etoit si mal que, lorsqu’on lui annonça le Roi, à peine ouvrit il les yeux un moment. Le Roi lui dit qu’il etoit venu l’assurer qu’il [p. 329] pouvoit mourir en repos sur le prince de Galles, et qu’il le reconnoitroit roi d’Angleterre, d’Ecosse et d’Irlande. Le peu d’Anglois qui se trouverent presents se jeterent à ses genoux, mais le roi d’Angleterre ne donna pas signe de vie. Aussitôt après, le Roi passez chez la reine d’Angleterre, à qui il donna la meme assurance. Ils envoyerent chercher le prince de Galles, à qui ils le dirent. On peut juger de la reconnoissance et des expressions de la mere et du fils. Revenu à Marly, le Roi declara à toute la Cour ce qu’il venoit de faire. Ce ne fut qu’applaudissement et que louanges. […]
[p. 330] Le roi d’Angleterre, dans le peu d’intervalles qu’il eut, parut fort sensible à ce que le Roi venoit de faire. Il lui avoit fait promettre de ne pas souffrir qu’il lui fut fait la moindre ceremonie apres sa mort, qui arriva sur les trois heures apres midi du 16 septembre de cette année 1701.
M. le prince de Conti s’etoit tenu tous ces derniers jours à Saint Germain sans en partie, parce que la reine d’Angleterre et lui etoient enfants des deux sœurs Martinozzi, desquelles la mere etoit sœur du cardinal Mazarin. Le nonce du pape s’y etoit pareillement tenu, par l’ordre anticipé duquel il reconnut et salua le prince de Galles comme roi d’Angleterre. Le soir du meme jour, la reine d’Angleterre s’en alla aux Filles de Sainte Marie de Chaillot, qu’elle aimait fort, et lendemain samedi, sur les sept heures du soir, le corps du roi d’Angleterre, fort legerement accompagné, et suivi de quelques carrosses remplis des principaux Anglois de Saint Germain, fut conduit aux Benedictins anglois à Paris, rue Saint Jacques, où il fut mis en depot dans une chapelle comme le plus simple particulier, jusqu’aux temps, apparemment du moins, fort éloignés qu’il puisse etre transporté [p. 331] en Angleterre ; et son cœur aux Filles de Sainte Marie de Chaillot.
Ce prince a eté si connu dans le monde duc d’York et roi d’Angleterre, que je me dispenserai d’en parler ici. Il s’etoit fort distingué par sa valeur et par sa bonté, beaucoup plus par la magnanimité constante avec laquelle il a supporté tous ses malheurs, enfin par une sainteté eminente.
Le mardi 20 septembre, le Roi alla à Saint Germain, et fut reçu et conduit par le nouveau roi d’Angleterre comme il l’avoit eté par le roi son pere la premiere fois qu’ils se virent ; il demeura peu chez lui, et passez chez la reine d’Angleterre. Le roi son fils etoit en grand manteau violet ; pour elle, elle n’etoit point en mante, et ne voulut point de ceremonie. toute la maison royale et toutes les princesses du sang vinrent en robe de chambre faire leur visite pendant que le Roi y etoit, qui y resta le dernier, et qui demeura toujours debout. Le lendemain mercredi, le roi d’Angleterre, en grand manteau violet, vint voir le roi à Versailles, qui le reçut et le conduisit comme il avoit fait la premiere fois le roi son pere au haut du degré, comme lui meme en avoit eté reçu et conduit.
[…]
[t. 4, p. 116] [1703] La reine d’Angleterre, fort incommodée d’une glande au sein, dont elle guerit à la longue par un regime tres severe, [p. 117] eut une nouvelle affliction : elle perdit la comtesse Dalmont, Italienne et Montecuculli, qu’elle avoit amenée et mariée en Angleterre, qui ne l’avoit jamais quittée, et pour qui elle avoit eu la plus grande amitié et la plus grande confiance toute sa vie. C’etoit une grande femme, tres bien faite et de beaucoup d’esprit, dont notre cour s’accommodoit extremement. La reine d’aimoit tant, qu’elle lui avoit fait donner un tabouret de grace, comme je crois l’avoir dejà remarqué ailleurs.
[…]
[t. 5, p. 397] [1707] [Le duc d’Orléans] n’ignoroit pas que le premier Fils de France qui ait eu un fauteuil devant une tete couronnée a eté Gaston, qui, etant lieutenant general de l’Etat dans la minorité de Louis XIV, profita de l’indigence, des malheurs et des besoins de la reine d’Angleterre sa sœur pour ses enfants et pour elle meme, refugiés en France apres l’etrange catastrophe du roi Charles Ier, son mari, dont l’exemple et une raison semblable valut le fateuil à Monsieur et à Madame, pere et mere de M. le duc d’Orleans, [de la part] du roi Jacques II et de la reine sa femme, refugiés pareillement en France en 1688 par l’invasion et l’usurpation du prince d’Orange, depuis dit le roi Guillaume III. Mais il savoit aussi que lui meme ne l’avoit pu obtenir. On lui avoit seulement souffert, à madame la duchesse d’Orleans, à Mademoiselle, sa sœur, depuis duchesse de Lorraine, et aux trois filles de Gaston, de ne voir le roi et la reine d’Angleterre qu’avec Monseigneur, Monsieur ou Madame, devant qui ils ne pretendoient qu’un tabouret ; et comme tout s’etend en France sans autre droit que de l’oser, les deux autres filles du Roi, toujours blessées du rang si superieur au leur de leur sœur cadette, se mirent sur le meme pied de ne voir la cour d’Angleterre qu’avec des Fils ou des Filles de France ; puis d’elles, qui etoient princesses du sang par leurs maris, les autres princesses du sang en ont toujours usé de meme. Le Roi le souffroit, et le roi et la reine d’Angleterre n’etoient pas en situation de s’en plaindre.
[…]
[t. 6, p. 191] [1708] On eut grand soin qu’il ne parut aucun mouvement à Saint Germain. On couvrit le peu d’equipages qu’on tint prets au roi d’Angleterre d’un voyage à Anet pour des parties de chasse. Il ne devoit etre suivi, comme en effet il le fut, que du duc de Perth qui avoit eté son gouverneur, de Scheldon qui avoit été son sous gouverneur, des deux Hamilton, de Middleton, et de fort peu d’autres.
Perth etoit Ecossois ; il avoit eté longtemps chancelier d’Ecosse, qui est la premiere dignité et la plus autorisée du pays, et qui est aussi militaire, toujours remplie par les premiers seigneurs. Ses gendres, ses neveux, ses plus proches y occupoient encore les premiers emplois, y avoient le principal credit, et etoient tous dans le secret et les plus ardents promoteurs de l’entreprise. Le sous gouverneur etoit un des plus beaux, des meilleurs et des plus etendus esprits de toute l’Angleterre, brave, pieux, sage, savant, excellent officier, et d’une fidelité à toute epreuve. Les Hamilton etoient freres de la comtesse de Grammont, des premiers seigneurs d’Ecosse, braves et pleins d’esprit, fideles. Ceux là, par leur sœur, etoient fort melés à la meilleure compagnie de notre Cour ; ils etoient pauvres et avoient leur bon coin de singularité. Middleton etoit le seul secretaire d’Etat, parce qu’il avoit coulé à fond le duc de Melford, frere du duc de Perth, qui etoit l’autre, qui n’en avoit plus que le nom depuis les exils où fort injustement, à ce que les Anglois de Saint Germain pretendoient, Middleton l’avoit fait chasse. Il n’habitoit meme plus Saint Germain. La femme de Middleton etoit gouvernante de la princesse d’Angleterre, et avoit toute la confiance de la reine. C’etoit une grande femme, bien faite, maigre, à mine devote [p. 192] et austere. Elle et son mari avoient de l’esprit et de l’intrigue comme deux demons ; et Middleton, par etre de fort bonne compagnie, voyoit familierement la meilleure de Versailles. Sa femme etoit catholique, lui protestant, tous deux de fort peu de chose, et les seuls de tout ce qui etoit à Saint Germain qui touchassent tous leurs revenus d’Angleterre. Le feu roi Jacques, en mourant, l’avoit fort exhorté à se faire catholique. C’etoit un athée de profession et d’effet, s’il peut y en avoir, au moins un franc deiste ; il s’en cachoit meme fort peu. Quelques mois apres la mort de Jacques, il fut un matin trouver la reine, et comme eperdu lui declara avec grande effusion de cœur qu’il devoit son salut à ses prieres, et protesta qu’il etoit catholique. La reine fut assez credule pour s’abandonner au transport de sa joie, Middleton fit une retraite qu’il termina par une abjuration, se mit dans la grande devotion, et à frequenter les sacrements. La confiance de la reine en luit n’eut plus de bornes ; il gouverna tout à Saint Germain. La Jarretiere lui fut offerte qu’il refusa par modestie, mais pour tout cela ses revenus d’Angleterre ne lui etoient pas moins fidelement remis. Plus d’une fois le projet d’Ecosse, proposé d’abord à Saint Germain, avoit eté rejeté par lui, et meprisé par la reine qu’il gouvernoit. Quand il se vit pleinement ancré, il quitta peu à peu la devotion, et peu à peu reprit son premier genre d vie sans que son credit en reçut de diminution. Cette fois, comme les precedentes, il fut de tout le secret ; mais comme notre Cour y entroit avec efficace, il n’osa le contredire, mais il s’y rendit mollement. Tel fut le seul et veritable mentor que la reine donna au roi son fils pour l’expedition d’Ecosse.
[…]
[p. 218] On etoit lors dans la plus grande inquietude de l’entreprise [p. 219] d’Ecosse, et le roi d’Angleterre arriva à Saint Germain le meme soir que Chamillart revint à Marly de Flandres [20 avril].
[…]
[p. 233] [30 avril] Le roi déclara les généraux de ses armées. […] Le roi déclara en meme temps que M. le duc de Berry, mais comme volontaire seulement, accompagneroit monseigneur son frere, et les trois seuls hommes de leur suite que j’ai dits. Il declara aussi que le roi d’Angleterre feroit la campagne en Flandre, mais dans un entier incognito, sous le nom de chevalier de Saint Georges.
[…]
[p. 435] Vienne, piquée d’avoir succombé, en voulut tirer une réparation tout à fait en la disposition du pape, et lui demanda un chapeau pour le prince de Lorraine. Le pape, qui en etoit avare, et qui craignoit d’accoutumer l’empereur à prescrire, differa tant qu’il put, et l’habile abbé de Polignac saisit la conjoncture pour se faire un asile peu honorable, et d’une planche, apres tant de naufrages, une route pour arriver à la pourpre. […] [p. 436] Le pape desiroit fort, sur l’exemple de La Tremoille, faire passer Polignac aux deux couronnes ensemble, pour compensation du prince de Lorraine. Mais la dexterité de l’abbé, ni le credit de ses amis, ne purent faire gouter cet expedient au Roi ; et l’empereur, enflé des prosperités de sa si grande alliance, declara nettement que, si le pape faisoit un sujet pour les deux couronnes avec le prince de Lorraine, il pretendoit avoir en meme temps un autre chapeau au nom de l’archiduc, comme roi d’Espagne. Cette pretention etoit absurde. L’archiduc n’etoit point roi d’Espagne, à Rome moins que partout ailleurs, où Philippe V etoit seul reconnu, avoit un legat à Naples, tenoit actuellement un ambassadeur à Rome, qui etoit le duc d’Uzeda, et avoit un nonce à Madrid. L’empereur d’ailleurs ne pouvoit contester au Roi un droit egal au sien, et il n’avoit pas le moindre pretexte de plainte que l’abbé de Polignac passat pour la France avec le prince de Lorraine pour lui, c’etoit le roi d’Espagne seul qui en auroit eté laissé. A cette difficulté, il s’en joignit une autre dans notre Cour. Madame de Lorraine, qui, pour etre depuis longtemps mourante et alors fort pres de sa fin, n’en etoit pas moins attentive à l’elevation des siens et à l’etablissement de ses enfants, fut bientôt informée de ce qui se passoit la dessus. Elle sentit combien une promotion de traverse eloigneroit celle des couronnes. Elle ecrivit donc au Roi, et lui demanda d’insister à ce que le prince de Lorraine passat comme couronne pour l’empereur. Le Roi n’eut garde de lui refuser cette complaisance, mais elle ne fit qu’augmenter la difficulté. […] [p. 437] Mais cependant l’abbé de Polignac prit un autre four. Il avoit toujours menagé la Cour de Saint Germain, en France et à Rome ; il se tourna vers elle pour avoir sa nomination. Cette marque de royauté etoit comme la seule qui restat au malheureux roi d’Angleterre, et Rome n’en pouvoit pas faire de difficulté à un prince qui perdoit tout pour la religion, qui n’avoit d’asile que Rome, et qui y etoit traité en roi. Avec toutes ces raisons, ce prince crut en avoir de bonnes raisons d’introduire l’exercice de ce droit par un sujet agreable au pape et protegé par la France. Torcy, qui, dans l’affaire de la nomination de Pologne, n’avoit pas voulu decider entre ses deux amis, et avoit remis le choix au Roi, sans porter l’un plus que l’autre, fut ravi d’une occasion de revenir sur l’abbé de Polignac, et le servit de toutes ses forces. Il obtint donc en ce temps ci la nomination du roi d’Angleterre pour la promotion des couronnes, et le pape, qui ne demandoit qu’un pretexte de le faire cardinal, l’agrea avec plaisir.
[…]
[t. 7, p. 16] Ce lendemain mardi 11 [décembre], le roi d’Angleterre arriva à Saint Germain, et vint voir le Roi le mercredi avec la reine sa mere.
[…]
[p. 18] Ce pauvre prince vivoit son incognito avec le meme respect avec les deux princes que s’il n’eut eté qu’un mediocre particulier. Eux aussi en abusoient avec la derniere indecence, sans la moindre des attentions que ce qu’il etoit exigé d’eux, à travers tous les voiles, jusqu’à le laisser tres ordinairement attendre parmi la foule dans les antichambres, et ne lui parloient presque point. Le scandale en fut d’autant plus grand qu’il dura toute la campagne, et que le chevalier de Saint Georges s’y etoit concilié l’estime et l’affection de toute l’armée par ses manieres et par toute sa conduite. Vers les derniers temps de la campagne, Gamaches, poussé à bout d’un procedé si constant, s’adressant aux deux princes devant tout le monde : « Est ce une gageure ? leur demanda t il tout à coup ; parlez franchement ; si c’en est une, vous l’avez gagnée, il n’y a rien à dire ; mais au moins, après cela, parlez un peu à M. le chevalier de Saint Georges, et le traitez un peu plus honnetement. » Toutes ces saillies eussent eté bonnes tete à tete, et fort à propos, mais en public, ce zele et ces verités [p. 19] n’en pouvoient couvrir l’indiscretion. On etoit accoutumé aux siennes, elles ne furent pas mal prises, mais elles ne servirent de rien.
[…]
[t. 9, p. 178] [1711] Le lendemain, mardi 21 avril, M. [le Dauphin] et madame la Dauphine, M. [le duc] et madame la duchesse de Berry, Madame, M. [le duc] et madame la duchesse d’Orleans allerent, l’apres dinée, en meme carrosse, à Saint Germain, tous en mante et en grand manteau. Ils allerent droit chez le roi d’Angleterre, où ils ne s’assirent point, ensuite chez la reine, où ils s’assirent dans six fauteuils, M. [le duc] et madame la duchesse d’Orleans et M. du Maine sur un ployant [p 179] chacun. Il etoit allé les y attendre pour jouir de cet honneur, et s’y egaler à un Petit Fils de France. La reine fit des excuses de n’etre pas en mante pour les recevoir, c’est à dire en petit voile, parce que, au moins en France, les veuves ne portent de mante en nulle occasion ; elle ajouta que le Roi le lui avoit defendu. Cette excuse fut le comble de la politesse. Le Roi, tres attentif à ne faire sentir à la reine d’Angleterre rien de sa triste situation, n’avoit garde de souffrir qu’elle prit une mante, ni le roi d’Angleterre un grand manteau, pour recevoir le grand deuil de ceremonie d’un Dauphin et qui n’etoit pas roi. En se levant, ils voulurent aller chez la princesse d’Angleterre, mais la reine les arreta et l’envoya chercher. Elle se contenta que la visite fut marquée. On ne se rassit point. La princesse, qui à cause de la reine sa mere etoit sans mante, ne pouvoit avoir de fauteuil devant elle, ni les Fils et Filles de France sans fauteuil devant la reine dans le sien, ni garder le leur en presence de la princesse d’Angleterre sur un ployant. La visite finit de la sorte. De toute la Cour de Saint Germain, aucune dame ne parut en mante, ni aucun homme en manteau long que le seul duc de Berwick, à cause de ses dignités françoises.
[…]
[p. 313] Le roi d’Angleterre partit, en ce meme temps, pour aller voyager par le royaume, ennuyé apparemment de ses tristes campagnes incognito, et plus encore de demeurer à Saint Germain pendant la guerre. On soupçonna du mystere en ce voyage, sans qu’il n’y en eut aucun. Il alla avec une petite suite d’abord à Dijon, puis en France Comté, en Alsace, et voir l’armée d’Allemagne ; de là par Lyon en Dauphiné, à l’armée du duc de Berwick, voir les ports de Provence, et revenir par le Languedoc et la Guyenne.
[…]
[t. 10, p. 16] Le roi Jacques revint aussi à Saint Germain, apres avoir employé tout l’eté à voir les principales provinces du royaume, quelques unes de nos armées et plusieurs de nos ports.
[…]
[t. 11, p. 32] [1714] M. de Lauzun fut arreté en decembre 1671, à Saint Germain, dans sa chambre, un soir qu’il revenoit de Paris rapporter des pierreries à madame de Montespan qui l’en avoit chargé. Il etoit capitaine des gardes, et fut arreté par le marquis de Rochefort, depuis marechal de France, qui l’etoit aussi, car un capitaine des gardes ne peut etre arreté [p. 3] que par un autre capitaine des gardes.
[…]
[p. 43] La reine d’Angleterre tomba malade à Saint Germain, et reçut tous les sacrements. Les medecins la condamnoient, et elle en etoit contente ; la vie n’avoit rien qui put l’attacher depuis bien des années, et elle faisoit le plus saint usage de ses malheurs. Le Roi lui rendit de grands soins pendant cette maladie, et madame de Maintenon aussi.
Le duc de Melford mourut à Saint Germain. Il avoit la Jarretiere, avoit eté secretaire d’Etat d’Ecosse, et etoit frere du duc de Perth, aussi chevalier de la Jarretiere. Il avoit essuyé des soupçons et des exils. On a vu que le feu roi Jacques avoit cru en mourant qu’ils avoient eté mal fondés, et qu’en reparation il l’avoit fait duc. Tout le monde à Saint Germain et à Versailles n’en fut pas aussi persuadé que ce prince.
[…]
[p. 174] Le lendemain lundi 28 [août 1714], la reine d’Angleterre vint de Chaillot, où elle etoit presque toujours, avec madame de Maintenon. Le Roi fut l’y trouver. Dès qu’il l’aperçut : « Madame, lui dit il en homme plein et faché, j’ai fait mon testament, on m’a tourmenté pour le faire ».
[…]
[t. 12, p. 57] [1715] Le Roi partit le mardi 12 juin pour Marly : ce fut son dernier voyage ; et la reine d’Angleterre partit le lendemain en litiere pour aller prendre les eaux de Plombieres, plus encore pour voir le roi son fils.
[…]
[p. 66] Nesmond, eveque de Bayeux, mourut aussi doyen de l’episcopat de France, à quatre vingt six ans. […] [p. 67] Tant que le roi Jacques vecut en France, il lui donnoit tous les ans dix mille ecus, et jamais on ne l’a su qu’apres la mort de l’eveque.
[…]
[p. 452] Plusieurs choses contribuerent à tirer pour toujours la Cour hors de Paris, et à la tenir sans interruption à la campagne. Les troubles de la minorité, dont cette ville fut le grand theatre, en avoient imprimé au roi l’aversion, et la persuasion encore que son sejour y etoit dangereux, et que la residence de la Cour ailleurs rendroit à Paris les cabales moins aisées par la distance des lieux, quelque peu eloignés [p. 453] qu’ils fussent, et en meme temps plus difficiles à cacher par les absences si aisées à remarquer. Il ne pouvoit pardonner à Paris sa sortie fugitive de cette ville la veille des Rois (1649), ni de l’avoir rendue, malgré lui, temoin de ses larmes, à la premiere retraite de madame de La Valliere. L’embarras des maitresses, et le danger de pousser de grands scandales au milieu d’une capitale si peuplée, et si remplie de tant de differents esprits, n’eut pas peu de part à l’en eloigner. Il s’y trouvoit importuné de la foule du peuple à chaque fois qu’il sortoit, qu’il rentroit, qu’il paroissoit dans les rues ; il ne l’etoit pas moins d’une autre sorte de foule de gens de la ville, et qui n’etoit pas pour aller assidument plus loin. Des inquietudes aussi, qui ne furent pas plutôt apercues que les plus familiers de ceux qui etoient commis à sa garde, le vieux Noailles, M. de Lauzun et quelques subalternes, firent leur cour de leur vigilance, et furent accusés de multiplier expres de faux avis qu’ils se faisoient donner, pour avoir occasion de se faire valoir et d’avoir plus souvent des particuliers avec le Roi ; le gout de la promenade et de la chasse, bien plus commodes à la campagne qu’à Paris, eloigné des forets et sterile en lieux de promenades ; celui des batiments qui vint apres, et peu à peu toujours croissant, ne lui en permettoit pas l’amusement dans une ville où il n’auroit pu eviter d’y etre continuellement en spectacle ; enfin l’idée de se rendre plus venerable en se derobant aux yeux de la multitude, et à l’habitude d’en etre vu tous les jours, toutes ces considerations fixerent le Roi à Saint Germain bientôt apres la mort de la Reine sa mere.
Ce fut là où il commença à attirer le monde par les fetes et les galanteries, et à faire sentir qu’il vouloit etre vu souvent.
L’amour de madame de La Valliere, qui fut d’abord un mystere, donna lieu à de frequentes promenades à Versailles, petit chateau de cartes alors, bati par Louis XIII ennuyé, et [p. 454] sa suite encore plus, d’y avoir souvent couché dans un mechant cabaret à rouliers et dans un moulin à vent, excedés de ses longues chasses dans la foret de Saint Leger et plus loin encore, loin alors de ces temps reservés à son fils où les routes, la vitesse des chiens et le nombre gagé des piqueurs et des chasseurs à cheval a rendu les chasses si aisées et si courtes. Ce monarque ne couchoit jamais ou bien rarement à Versailles qu’une nuit, et par necessité ; le Roi son fils, pour etre plus en particulier avec sa maitresse, plaisirs inconnus au Juste, au heros, digne fils de saint Louis, qui batit ce petit Versailles.
Ces petites parties de Louis XIV y firent naitre peu à peu ces batiments immenses qu’il y a faits, et leur commodité pour une nombreuse Cour, si differente des logements de Saint Germain, y transporta tout à fait sa demeure peu de temps avant la mort de la Reine. Il y fit des logements infinis, qu’on lui faisoit sa cour de lui demander, au lieu qu’à Saint Germain, presque tout le monde avoit l’incommodité d’etre à la ville, et le peu qui etoit logé au chateau y etoit etrangement à l’etroit.
Les fetes frequentes, les promenades particulieres à Versailles, les voyages furent des moyens que le Roi saisit pour distinguer et pour mortifier en nommant les personnes qui à chaque fois en devoient etre, et pour tenir chacun assidu et attentif à lui plaire. Il sentoit qu’il n’avoit pas à beaucoup pres assez de graces à repandre pour faire un effet continuel. Il en substitua donc aux veritables d’ideales, par la jalousie, les petites preferences qui se trouvoient tous les jours, et pour ainsi dire, à tous moments, par son art. Les esperances que ces petites preferences et ces distinctions faisoient naitre, et la consideration qui s’en tiroit, personne ne fut plus ingenieux que lui à inventer sans cesse ces sortes de choses. Marly, dans la suite, lui fut en cela d’un plus grand usage, et Trianon où tout le monde, à la verité, pouvoit lui aller faire sa cour, mais où les dames avoient l’honneur de manger [p. 455] avec lui, et où à chaque repas elles etoient choisies ; le bougeoir qu’il faisoit tenir tous les soirs à son coucher par un courtisan qu’il vouloit distinguer, et toujours entre les plus qualifiés de ceux qui s’y trouvoient, qu’il nommoit tout haut au sortir de sa priere. Les justaucorps à brevet fut une autre de ces inventions. Il etoit doublé de rouge avec les parements et la veste rouge, brodé d’un dessin magnifique or et un peu d’argent, particulier à ces habits. Il n’y en avoit qu’un nombre, dont le Roi, sa famille et les princes du sang etoient ; mais ceux-ci, comme le reste des [p. 456] courtisans, n’en avoient qu’à mesure qu’il en vaquoit. Les plus distingués de la Cour par eux-mêmes ou par la faveur les demandoient au Roi, et c’etoit une grace que d’en obtenir. Le secretaire d’Etat ayant la Maison du Roi en son departement en expedioit lebrevet, et nul d’eux n’etoit à portée d’en avoir. Ils furent imaginés pour ceux, en tres petit nombre, qui avoient la liberté de suivre le Roi aux promenades de Saint Germain à Versailles sans etre nommés, et depuis que cela cessa, ces habits ont cessé aussi de donner aucun privilege, excepté celui d’etre portés quoiqu’on fut en deuil de Cour ou de famille, pourvu que le deuil ne fut pas grand ou qu’il fut sur ces fins, et dans les temps encore où il etoit defendu de porter de l’or et de l’argent.
[…]
[p. 465] Rien, jusqu’à lui, n’a jamais approché du nombre et de la magnificence de ses equipages de chasse et de toutes ses autres sortes d’equipages. Ses batiments, qui les pourroit denombrer ? En meme temps, qui n’en deplorera pas l’orgeuil, le caprice, le mauvais gout ? Il abandonna Saint Germain [p. 466] et ne fit jamais à Paris ni ornement ni commodité que le pont Royal, par pure necessité, en quoi, avec son incomparable etendue, elle est si inferieure à tant de villes dans toutes les parties de l’Europe. […]
Saint Germain, lieu unique pour rassembler les merveilles de la vue, l’immense plain pied d’une foret toute joignante, unique encore par la beauté de ses arbres, de son terrain, de sa situation, l’avantage et la facilité des eaux de source sur cette elevation, les agrements admirables des jardins, des hauteurs et des terrasses, qui les unes sur les autres se pouvoient si aisement conduire dans toute l’etendue qu’on auroit voulu, les charmes et les commodités de la Seine, enfin, une ville toute faite et que sa position entretenoit par elle meme, il l’abandonna pour Versailles, le plus triste et le plus ingrat de tous les lieux, sans vue, sans bois, sans eau, sans terre, parce que tout y est sable mouvant ou marecage, sans air par consequent qui n’y peut etre bon.
[…]
[t. 13, p. 37] Reine en particulier, à l’exterieur pour le ton, le siege et la place en presence du roi, de Monseigneur, de Monsieur, de la cour d’Angleterre et de qui que ce fut, [madame de Maintenon] etoit tres simple particuliere au dehors, et toujours aux dernieres places. J’en ai vu les fins aux diners du Roi à Marly, mangeant avec lui et les dames, et à Fontainbleau en grand habit chez la reine d’Angleterre, comme je l’ai remarqué ailleurs, cedant absolument sa place, et se reculant partout pour les femmes titrées, meme pour des femmes de qualité distinguées.
[…]
[p. 50] Reine dans le particulier, madame de Maintenon n’etoit jamais que dans un fauteuil, et dans le lieu le plus commode de sa chambre, devant le Roi, devant toute la famille royale, meme devant la reine d’Angleterre. Elle se levoit tout au plus pour Monseigneur et pour Monsieur, parce qu’ils alloient [p. 51] rarement chez elle ; M. le duc d’Orleans, ni aucun prince du sang, jamais que par audiences, et comme jamais ; mais Monseigneur, messeigneurs ses fils, Monsieur et M. le duc de Chartres, toujours en partant pour l’armée, et le soir meme qu’ils en arrivoient, ou, s’il etoit trop tard, de bonne heure le lendemain. Pour aucun autre Fils de France, leurs epouses, ou les batards du Roi, elle ne se levoit point, ni pour personne, sinon un peu pour les personnes ordinaires avec qui elle n’avoit point de familiarité, et qui en obtenoient des audiences ; car modeste et polie, elle l’a toujours affecté à ces egards là.
[…]
[p. 101] Il ne se passoit guere quinze jours que le Roi n’allat à Saint Germain, meme apres la mort du roi Jacques II. La cour de Saint Germain venoit aussi à Versailles, mais plus souvent à Marly, et souvent y souper, et nulle fete de ceremonie ou de divertissement qu’elle n’y fut invitée, qu’elle vint et dont elle ne reçut tous les honneurs. Ils etoient reciproquement convenus de se recevoir et se conduire dans le [p. 102] milieu de leur appartement. A Marly, le Roi les recevoit et les conduisoit à la porte du petit salon du coté de la Perspective, et les y voyoit descendre et monter dans leur chaise à porteurs ; à Fontainebleau, tous les voyages, au haut de l’escalier à fer à cheval, depuis que le Roi leur eut accordé de ne les aller plus recevoir et conduire au bout de la foret. Rien n’etoit pareil aux soins, aux egards, à la politesse du Roi pour eux, ni à l’air de majesté et de galanterie avec lequel cela se passoit à chaque fois.
[…]
[p. 291] [1715] Le Prétendant partit deguisé de Bar, accompagné de trois ou quatre personnes seulement, vint à Chaillot où M. de Lauzun avoit une ancienne petite maison où il n’alloit jamais, et qu’il avoit gardée par fantaisie, quoiqu’il eut celle de Passy dont il faisoit beaucoup d’usage. Ce fut où le Pretendant coucha, et où il vit la reine sa mere, qui etoit souvent et longtemps aux Filles de Sainte Marie de Chaillot ; et de là partit pour aller s’embarquer en Bretagne par la route d’Alençon, dans une chaise de poste de Torcy.
Stairs decouvrit cette marche, et resolut de ne rien oublier pour delivrer son parti de ce reste unique des Stuarts. […] Nonancourt est une espece de petite villette sur ce chemin, à dix neuf lieues de Paris. […] [p. 293] C’etoit la chaise attendue, à qui, et à trois hommes qui l’accompagnoient à cheval, on fit, sans qu’elle sut pourquoi, prendre le petit pas. C’etoit le roi Jacques. Madame Lospital l’aborde, lui dit qu’il est attendu et perdu s’il n’y prend garde, mais qu’il ait à se fier à elle et à la [p. 294] suivre ; et les voilà allés chez l’amie. Là il apprend tout ce qui s’est passé, et on le cache le mieux qu’il est possible. […]
[p. 295] La reine d’Angleterre fit venir madame Lospital à Saint Germain, la remercia, la caressa comme elle le meritoit, et lui [p. 296] donna son portrait ; ce fut tout : le regent, quoi que ce soit ; et longtemps après, le roi Jacques lui ecrivit et lui envoya aussi son portrait.
[…]
[t. 15, p. 233] [1718] On a vu la brouillerie du duc de Noailles et de Law, le replâtrage qui s’y fit, le gré sensible que M. le duc d’Orleans sut au duc de Noailles de sa complaisance et de ses protestations à cet egard, et l’apreté avec laquelle il en sut profiter pour en tirer le gouvernement et la capitainerie de Saint Germain, qu’il avoit toute sa vie muguetée, et que la fortune lui livra precisement dans ce favorable instant par la prompt mort de Mornay sans enfants.
[…]
[p. 274] M. de Lorraine alla courre le cerf à Saint Germain avec les chiens du prince Charles. Le duc de Noailles n’eut garde de manquer cette occasion de faire sa cour au régent. Il donna à M. de Lorraine un grand retour de chasse au Val.
[…]
[p. 332] La reine d’Angleterre mourut le 7 mai à Saint Germain apres dix ou douze jours de maladie. Sa vie, depuis qu’elle fut en France, à la fin de 1688, n’a eté qu’une suite de malheurs qu’elle a heroiquement portés jusqu’à la fin, dans l’oblation à Dieu, le detachement, la penitence, la priere et les bonnes œuvres continuelles, et toutes les vertus qui consomment les saints. Parmi la plus grande sensibilité naturelle, beaucoup d’esprit et de hauteur naturelle, qu’elle sut captiver etroitement et humilier constamment, avec le plus grand air du monde, le plus majestueux, le plus imposant, avec cela doux et modeste. Sa mort fut aussi sainte qu’avoit eté sa vie. Sur les six cent mille livres que le Roi lui donnoit par an, elle s’epargnoit tout pour faire subsister les pauvres Anglois dont Saint Germain etoit rempli. Son corps fut porté le surlendemain aux Filles de Sainte Marie de [p. 333] Chaillot, où il est demeuré en depot, et où elle se retiroit souvent. La Cour ne prit aucun soin ni part en ses obseques. Le duc de Noailles alla à Saint Germain comme gouverneur du lieu et comme capitaine des gardes, pour ordonner seulement que tout y fut decent. Le deuil ne fut que de trois semaines.
[…]
[t. 17, p. 184] [1719] Le samedi au soir 15 avril, veille de la Quasimodo, mourut à Saint Cyr la celebre et fatale madame de Maintenon. […] [p. 185] Elle se retira à Saint Cyr au moment meme de la mort du roi, et eut le bon sens de s’y reputer morte au monde, et de n’avoir jamais mis le pied hors de la cloture de cette maison. […]
Une fois la semaine, quand la reine d’Angleterre etoit à Saint Germain, [elle] alloit diner avec elle, mais de Chaillot, où elle passoit des temps considerables, elle n’y alloit pas. Elles avoient chacune leur fauteuil égal, vis à vis l’une de l’autre. A l’heure du diner, on mettoit une table entre elles deux, leur couvert, les premiers plats et une cloche. C’etoit les jeunes demoiselles de la chambre qui faisoient tout ce menage, et qui leur servoit à boire, des assiettes et un nouveau service quand la cloche les appeloit ; la reine leur temoignoit toujours quelques bontés. Le repas fini, elles desservoient et otoient tout de la chambre, puis apportoient [p. 186] et rapportoient le café. La reine y passoit deux ou trois heures tete à tete, puis elles s’embrassoient ; madame de Maintenon faisoit trois ou quatre pas en la recevant et en la conduisant ; les demoiselles, qui etoient dans l’antichambre, l’accompagnoient à son carrosse, et l’aimoient fort, parce qu’elle leur etoit fort gracieuse. […]
[p. 187] Madame de Maintenon, comme à la Cour, se levoit matin et se couchoit de bonne heure. […] Son diner etoit simple, mais delicat et recherché dans sa simplicité, et tres abondant en tout. Le duc de Noailles, apres Mornay et Bloin, ne la laissoient pas manquer de gibier de Saint Germain et de Versailles, ni les Batiments de fruits.
[…]
[p. 247] [1719] Peu de jours apres, le duc de Richelieu sortit de la Bastille et alla coucher à Conflans chez le cardinal de Noailles. Il etoit veuf sans enfants de sa niece, mais, par son traité avec l’Espagne, il avoit voulu depouiller le duc de Guiche, autre neveu du cardinal de Noailles, du regiment des gardes, et l’avoir. Il devoit s’en aller à Richelieu ; il obtint d’aller faire une pause à Saint Germain, où il avoit une maison, puis d’y demeurer, apres d’etre à Paris sans voir le Roi ni le regent ; au bout de trois mois il eut permission de les saluer, et tout fut bientôt oublié.
[…]
[p. 451] [1720] Le duc de Perth mourut presque en meme temps dans le château de Saint Germain, où il etoit demeuré. C’etoit un seigneur qui avoit quitté de grands etablissements en Ecosse, par fidelité pour le roi Jacques, qui le fit gouverneur du prince de Galles. Sa femme etoit morte à Saint Germain, dame d’honneur de la reine d’Angleterre, dont il etoit grand ecuyer. C’etoit un homme d’honneur et de beaucoup de pieté, qui valoit bien mieux que le duc de Melford son frere. Le roi Jacques les fit ducs tous les deux, le dernier en mourant, comme on l’a vu en son lieu, et leur donna à tous deux la Jarretière.
[…]
[p. 473] L’abbé Gautier, dont il est si bien et si souvent parlé dans ce qui a été donné ici, d’après M. de Torcy, sur les negociations de la paix avec la reine Anne, et de celle d’Utrecht, mourut dans un appartement que le feu roi lui avoit donné dans le chateau neuf de Saint Germain, avec des pensions et une abbaye. Il s’y etoit retiré aussitôt apres ces negociations où il avoit eté si heureusement employé, apres en avoir ouvert lui-même le premier chemin, et rentra en home de bien modeste et humble, dans son etat naturel, et y vecut comme s’il ne se fut jamais melé de rien, avec une rare simplicité, et qui a peu d’exemples en des gens de sa sorte, qui, dans le maniement des affaires les plus importances et les plus secretes, dont lui-même avoit donné la premiere clef, sans s’intriguer, s’etoit concilié l’estime et l’affection du roi et de ses ministres, de la reine Anne et des siens, et des plenipotentiaires qui travaillerent à ces deux paix.
[…]
[t. 20, p. 39] [1723] Le duc de Lauzun etoit un petit homme, blondasse, bien fait dans sa taille, de physionomie haute, pleine d’esprit, qui imposoit, mais sans agrement dans le visage, à ce que j’ai ouï dire aux gens de son temps. […] Il vint à la Cour sans aucun bien, cadet de Gascogne fort jeune, debarquer de sa province sous le nom de marquis de Puyguilhem. […] [p. 40] Le duc Mazarin, dejà retiré de la Cour, en 1669 voulut se defaire de sa charge de grand maitre de l’artillerie ; Puyguilhem en eut le vent des premiers, il la demanda au Roi qui la lui promit, mais sous le secret pour quelques jours. Le jour venu que le Roi lui avoit dit qu’il le declareroit, Puyguilhem, qui avoit les entrées des premiers gentilshommes de la chambre, qu’on nomme aussi les grandes entrées, alla attendre la sortie du Roi du conseil des finances, dans une piece où personne n’entroit pendant le Conseil, entre celle où toute la Cour attendoit et celle où le Conseil se tenoit. Il y trouva Nyert, premier valet de chambre en quartier, qui lui demanda par quel hasard il y venoit ; Puyguilhem, sur de son affaire, crut se devouer ce premier valet de chambre en lui faisant confidence de ce qui alloit se declarer en sa faveur ; Nyert lui en temoigna sa joie, puis tira sa montre, et vit qu’il avoit encore le temps d’aller executer, disoit il, quelque chose de court et de pressé que le Roi lui avoit ordonné : il monte quatre à quatre un petit degré au haut duquel etoit le bureau où Louvois travailloit toute la journée, car à Saint Germain les logements etoient fort petits et fort rares, et les ministres et presque toute la Cour logeoient chacun chez soi, à la ville. Nyert entre dans le bureau de Louvois, et l’avertit qu’au sortir du conseil des finances, dont Louvois n’etoit point, Puyguilhem alloit etre declaré grand maitre de l’artillerie, et lui conte ce qu’il venoit d’apprendre de lui meme, et où il l’avoit laissé.
Louvois haissoit Puyguilhem, ami de Colbert, son emule, [p. 41] et il craignoit la faveur et les hauteurs dans une charge qui avoit tant de rapports necessaires avec son departement de la guerre, et de laquelle il envahissoit les fonctions et l’autorité tant qu’il pouvoit, ce qu’il sentoit que Puyguilhem ne seroit ni d’humeur ni de faveur à souffrir. Il embrasse Nyert, le remercie, le renvoie au plus vite, prend quelque papier pour lui servir d’introduction, descend, et trouve Puyguilhem et Nyert dans cette piece ci devant dire. Nyert fait le surpris de voir arriver Louvois, et lui dit que le Conseil n’est pas levé. « N’importe, repondit Louvois, je veux entrer, j’ai quelque chose de pressé à dire au Roi », et tout de suite entre ; le Roi, surpris de le voir, lui demande ce qui l’amene, et lui dit qu’il sait qu’il va declarer Puyguilhem grand maitre de l’artillerie, qu’il l’attend à la sortie du Conseil dans la piece voisine, que Sa Majesté est pleinement maitresse de ses graces et de ses choix, mais qu’il a cru de son service de lui representer l’incompatibilité qu’il est entre Puyguilhem et lui, ses caprices, ses hauteurs ; qu’il voudra tout faire et tout changer dans l’artillerie ; que cette charge a une si necessaire connexion avec le departement de la guerre, qu’il est impossible que le service s’y fasse parmi des entreprises et des fantaisies continuelles, et la mesintelligence declarée entre le grand maitre et le secretaire d’Etat, dont le moindre inconvenient sera d’importuner Sa Majesté tous les jours de leurs querelles et de leurs reciproques pretentions, dont il faudra qu’Elle soit juge à tous moments.
Le Roi se sentit extremement piqué de voir son secret su à celui à qui principalement il le vouloit cacher, repond à Louvois d’un air fort serieux que cela n’est pas fait encore, le congedie et va se rasseoir au Conseil. Un moment apres qu’il fut levé, le Roi sort pour aller à la messe, voit Puyguilhem et passe sans lui rien dire. Puyguilhem, fort etonné, attend le reste de la journée, et voyant que la declaration [p. 42] promise ne venoit point, en parle au Roi à son petit coucher. Le Roi lui repond que cela ne se peut encore, et qu’il verra : l’ambiguité de la reponse et son ton sec alarment Puyguilhem ; il avoit le vol des dames et le jargon de la galanterie ; il va trouver madame de Montespan, à qui il conte son inquietude, et qu’il conjure de la faire cesser. Elle lui promet merveilles et l’amuse ainsi plusieurs jours.
Las de tout ce manege et ne pouvant deviner d’où lui vient son mal, il prend une resolution incroyable si elle n’etoit attestée de toute la Cour d’alors. Il couchoit avec une femme de chambre favorite de madame de Montespan, car tout lui etoit bon pour etre averti et protegé, et vient à bout de la plus hasardeuse hardiesse dont on ait jamais ouï parler. Parmi tous ses amours, le Roi ne decoucha jamais d’avec la Reine, souvent tard, sans y manquer, tellement que pour etre plus à son aise, il se mettoit les apres dinées entre deux draps chez ses maitresses. Puyguilhem se fit cacher par cette femme de chambre sous le lit dans lequel le Roi s’alloit mettre avec madame de Montespan, et par leur conversation, y apprit l’obstacle que Louvois avoit mis à sa charge, la colere du Roi de ce que son secret avoit eté eventé, sa resolution de ne lui point donner l’artillerie par ce depit, et pour eviter les querelles et l’importunité continuelle d’avoir à les decider entre Puyguilhem et Louvois. Il y entendit tous les propos qui se tinrent de lui entre le Roi et sa maitresse, et que celle ci, qui lui avoit promis tous ses bons offices, lui en rendit tous les mauvais qu’elle put. Une toux, le moindre mouvement, le plus leger hasard pouvoit deceler ce temeraire, et alors que seroit il devenu ? Ce sont de ces choses dont le recit etouffe et epouvante à la fois.
Il fut plus heureux que sage, et ne fut point decouvert. Le Roi et sa maitresse sortirent enfin de ce lit ; le Roi se rhabilla et s’en alla chez lui, madame de Montespan se mit à sa toilette pour aller à la repetition d’un ballet où le Roi, la Reine et toute la Cour devoit aller. La femme de chambre tira [p. 43] Puyguilhem de dessous ce lit, qui apparemment n’eut pas un moindre besoin d’aller se rajuster chez lui. De là il s’en vint se coller à la porte de la chambre de madame de Montespan.
Lorsqu’elle en sortit pour aller à la repetition du ballet, il lui presenta la main, et lui demanda avec un air plein de douceur et de respect, s’il pouvoit se flatter qu’elle eut daigné se souvenir de lui aupres du Roi. Elle l’assura qu’elle n’y avoit pas manqué, et lui composa comme il lui plut tous les services qu’elle venoit de lui rendre. Par ci, par là, il l’interrompit credulement de questions pour la mieux enferrer, puis s’approchant de son oreille, il lui dit qu’elle etoit une menteuse, une friponne, une coquine, une p… à chien, et lui repeta mot pour mot toute la conversation du Roi et d’elle. Madame de Montespan en fut si troublée qu’elle n’eut pas la force de lui repondre en un seul mot, et à peine de gagner le lieu où elle alloit, avec grande difficulté à surmonter et à cacher le tremblement de ses jambes et de tout son corps, en sorte qu’en arrivant dans le lieu de la repetition du ballet, elle s’evanouit. Toute la Cour y etoit déjà. Le Roi tout effrayé vint à elle, on eut de la peine à la faire revenir. Le soir elle conta au Roi ce qui lui etoit arrivé, et ne doutoit pas que ce ne fut le diable qui eut sitot et si precisement informé Puyguilhem de tout ce qu’ils avoient dit de lui dans ce lit. Le Roi fut extremement irrité de toutes les injures que madame de Montespan en avoit essuyées, et fort en peine comme Puyguilhem avoit [pu] etre si exactement et si subitement instruit.
Puyguilhem, de son coté, etoit furieux de manquer l’artillerie, de sorte que le Roi et lui se trouvoient dans une etrange contrainte ensemble. Cela ne put durer que quelques jours. Puyguilhem, avec ses grandes entrées, epia un tete à tete avec le Roi et le saisit. Il lui parla de l’artillerie et le somma audacieusement de sa parole. Le Roi lui repondit qu’il n’en etoit plus tenu, puisqu’il ne la lui avoit donnée [p. 44] que sous le secret, et qu’il y avoit manquée. La dessus Puyguilhem s’eloigne de quelques pas, tourne le dos au Roi, tire son epée, en casse la lame avec son pied, et s’ecrie en fureur qu’il ne servira plus de sa vie un prince qui manque si vilainement de parole. Le Roi, transporté de colere, fit peut etre dans ce moment la plus belle action de sa vie. Il se tourne à l’instant, ouvre la fenetre, jette sa canne dehors, dit qu’il seroit faché d’avoir frappé un homme de qualité, et sort.
Le lendemain matin, Puyguilhem, qui n’avoit osé se montrer depuis, fut arreté dans sa chambre et conduit à la Bastille. Il etoit ami intime de Guitry, favori du Roi, pour lequel il avoit créé la charge de grand maitre de la garde robe. Il osa parler au Roi en sa faveur, et tacher de rappeler ce gout infini qu’il avoit pris pour lui. Il reussit à toucher le Roi d’avoir fait tourner la tete à Puyguilhem par le refus d’une assi grande charge, sur laquelle il avoit cru devoir compter sur sa parole, tellement que le Roi voulut reparer ce refus. Il donna l’artillerie au comte du Lude, chevalier de l’ordre en 1661, qu’il aimoit fort par habitude et par la conformité du gout de la galanterie et de la chasse. Il etoit capitaine et gouverneur de Saint Germain, et premier gentilhomme de la chambre. Il le fit duc non verifié ou à brevet en 1675. La duchesse du Lude, dame d’honneur de madame la Dauphine-Savoie, etoit sa seconde femme et veuve sans enfants. Il vendit sa charge de premier gentilhomme de la chambre, pour payer l’artillerie, au duc de Gesvres, qui etoit capitaine des gardes du corps, et le Roi fit offrir cette derniere charge en dedommagement à Puyguilhem, dans la Bastille. Puyguilhem, voyant cet incroyable et prompt retour du Roi pour lui, reprit assez d’audace por se flatter d’en tirer un plus grand parti, et refusa. Le Roi ne s’en rebuta point. Guitry alla precher son ami dans la Bastille, et obtint à grand peine qu’il auroit la bonté d’accepter l’offre du Roi. Des qu’il eut accepté, il sortit de la Bastille, alla [p. 45] saluer le Roi, et preter serment de sa nouvelle charge, et vendit les dragons. »

Saint-Simon, Louis de Rouvroy (duc de)

Récit signalant les places occupées par Louis XIV et ses favorites dans la chapelle du château de Saint-Germain-en-Laye

« Le Roi vivait avec ses favorites, chacune de son côté, comme dans une famille légitime : la Reine recevait leurs visites ainsi que celles des enfants naturels, comme si c’était pour elle un devoir à remplir, car tout doit marcher suivant la qualité de chacune et la volonté du Roi. Lorsqu’elles assistaient à la messe à Saint-Germain, elles ses plaçaient devant les yeux du Roi, Mme de Montespan avec ses enfants sur la tribune à gauche, vis-à-vis de tout le monde, et l’autre à droite, tandis qu’à Versailles Mme de Montespan était du côté de l’Evangille et Mlle de Fontanges sur des gradins élevés du côté de l’Epître. Elles priaient, le chapelet ou leur livre de messe à la main, levant les yeux en extase, comme des saintes. Enfin, la Cour est la plus belle comédie du monde. »

Primi Visconti

Mentions de Saint-Germain-en-Laye dans les souvenirs de la comtesse de Caylus

« [p. 479] Nous arrivames ensemble à Paris, où madame de Maintenon vint aussitôt me chercher et m’emmena seule à Saint Germain. Je pleurai d’abord beaucoup, mais je trouvai le lendemain la messe du Roi si belle que je consentis à me faire catholique, à condition que je l’entendrois tous les jours, et qu’on me garantiroit du fouet. C’est là toute la controverse qu’on employa et la seule abjuration que je fis.
M. de Cheteau Regnault eut ordre d’envoyer mon frere à la Cour. Il y arriva presque aussitôt que moi et fit une plus longue resistance. Mais enfin il se rendit, on le mit à l’academie et il quitta la marine.
[…]
[p. 481] J’arriva à Saint Germain au mois de janvier 1681. La Reine vivoit, monseigneur le Dauphin etoit marié depuis un an, et madame de Maintenon, dans une faveur eclatante, paroissoit aussi bien avec la Reine qu’avec le Roi. Cette princesse attribuoit à la nouvelle favorite les bons procedés que le Roi avoit pour elle depuis quelque temps, et elle la regardoit avec raison sur un pied bien different des autres.
Mais, avant de parler des choses que j’ai vues, il est bon de raconter celles que j’ai entendu dire.
J’ai pu voir madame de Fontanges mais, ou je ne l’ai pas vue, ou il ne m’en souvient pas. Je me souviens seulement d’avoir vu pendant quelque temps, à Saint Germain, le Roi passer du chateau vieux au neuf pour l’aller voir tous les soirs : on disoit qu’elle etoit malade, et en effet elle partit quelques mois apres pour aller mourir à Port Royal de Paris. Il courut beaucoup de bruits sur cette mort, au desavantage de madame de Montespan, mais je suis convaincue qu’ils etoient sans fondement. […]
Je me souviens aussi d’avoir souvent entendu parler de madame de La Vallière. On sait qu’elle a precedé madame de Montespan, et ce n’est pas l’histoire de chaque maitresse que je pretends faire, je veux seulement ecrire les faits qui me sont demeurés plus particulierement dans l’esprit, soit que j’aie eté temoin, ou que je les aie entendu raconter par madame de Maintenon.
Le Roi prit donc de l’amour pour madame de Montespan dans le temps qu’il vivoit avec madame de La Valliere en maitresse declarée ; et madame de Montespan, en maitresse peu delicate, vivoit avec elle : meme table et presque meme maison. Elle aima mieux d’abord qu’il en usat ainsi, soit qu’elle esperat par là abuser le public et son mari, soit qu’elle ne s’en souciat pas, ou que son orgueil lui fit plus gouter le plaisir de voir à tous les instans humilier sa rivale, que la delicatesse de sa passion ne la portoit à la crainte de ses charmes. Quoi qu’il en soit, c’est un fait certain. Mais un jour, fâchée contre le Roi pour quelque autre sujet (ce qui lui arrivoit souvent), elle se plaignit de cette communauté avec une amertume qu’elle ne sentoit pas : elle y trouvoit, disoit elle, peu de delicatesse de la part du Roi. Ce prince, pour l’apaiser, repondit avec beaucoup de douceur et de tendresse, et finit par lui dire que cet etablissement s’etoit fait insensiblement. « Insensiblement pour vous, reprit madame de Montespan, mais tres sensiblement pour moi. »
[…]
[p. 489] Un jour que le carrosse de madame de Montespan passa sur le corps d’un pauvre homme sur le pont de Saint Germain, madame de Montausier, madame de Richelieu, madame de Maintenon et quelques autres qui etoient avec elle en furent effrayées et saisies comme on l’est d’ordinaire en pareille occasion : la seule madame de Montespan ne s’en emut pas et elle reprocha meme à ces dames leur foiblesse. « Si c’etoit, leur disoit elle, un effet de la bonté de votre cœur et une veritable compassion, vous auriez le meme sentiment en apprenant que cette aventure est arrivée loin comme pres de vous. »
[…]
[p. 508] La guerre commença en 1688 par le siege de Philisbourg et le roi d’Angleterre fut chassé de son trone l’hiver d’apres. La reine d’Angleterre se sauva la premiere avec le prince de Galles son fils, et la fortune singuliere de Lauzun fit qu’il se trouva precisement en Angleterre dans ce temps là. On lui sut gré ici d’avoir contribué à une fuite à laquelle le prince d’Orange n’auroit eu garde de s’opposer. Le Roi cependant l’en recompensa comme d’un grand service rendu aux deux couronnes. A la priere du roi et de la reine d’Angleterre, il le fit duc et lui permit de revenir à la Cour où il n’avoit paru qu’une fois apres sa prison. M. le Prince, en le voyant revenir, dit que c’etoit une bombe qui tomboit sur tous les courtisans.
Si le prince d’Orange n’avoit pas eté faché de voir partir d’Angleterre la reine et le prince de Galles, il fut encore plus soulagé d’etre defait de son beau pere.
Le Roi les vint recevoir avec toute la politesse d’un seigneur particulier qui sait bien vivre, et il a eu la meme conduite avec eux jusqu’au dernier moment de sa vie.
M. de Montchevreuil etoit gouverneur de Saint Germain, et comme je quittois peu madame de Montchevreuil, je voyois avec elle cette Cour de pres. Il ne faut donc pas s’etonner si, ayant vu croitre le prince de Galles, naitre la princesse sa sœur et reçut beaucoup d’honnetetés du roi et de la reine d’Angleterre, je suis demeurée jacobite, malgré les grands changemens qui sont arrivés en ce pays ci par rapport à cette cause.
La reine d’Angleterre s’etoit fait hair, disoit on, par sa hauteur, autant que par la religion qu’elle professoit en Italienne, c’est à dire qu’elle y ajoutoit une infinité de petites pratiques inutiles partout et beaucoup mal placées en Angleterre. Cette princesse avoir pourtant de l’esprit et de bonnes qualités, qui lui attirerent de la part de madame de Maintenon une estime et un attachement qui n’ont fini qu’avec leurs vies
Il est vrai que madame de Maintenon souffroit impatiemment le peu de secret qu’ils gardoient dans leurs affaires, car on n’a jamais fait de projet pour leur retablissement qu’il n’ait eté aussitôt su en Angleterre qu’imaginé à Versailles. Mais ce n’etoit pas la faute de ces malheureuses Majestés : ils etoient environnés à Saint Germain de gens qui les trahissoient, jusqu’à une femme de la Reine et pour laquelle elle avoit une bonté particuliere, qui prenoit dans ses proches les lettres que le Roi ou madame de Maintenon lui ecrivoient, les copioit pendant que la reine dormoit et les envoyoit en Angleterre. Cette femme s’appeloit madame Strickland, mere d’un petit abbé Strickland qui, dans ces derniers temps, digne heritier de madame sa mere, a pretendu au cardinalat par son manege. »

Le Valois de Villette de Murçay, Marthe-Marguerite

Mentions de Saint-Germain-en-Laye dans les mémoires du marquis de Sourches

« [tome 1, p. 48] 12 novembre 1681. Voilà dans quel état se trouvoient les affaires de France quand le Roi, songeant à venir se délasser à Saint Germain en Laye des fatigues de son voyage, partit de Soissons et, ayant diné à Verte Feuillée, vint coucher à Villers Cotterets […].
[p. 50] [13-14 novembre 1681] De Villers Cotterets, le Roi vint diner à Nanteuil, gros château qui appartient à la maison d’Estrées, et de là coucher à Dammartin, d’où il partit le lendemain de bonne heure pour venir diner au Bourget et se rendre à Saint Germain sans passer dans Paris, ce qu’il executa heureusement.
La premiere scene qui parut apres son retour à Saint Germain fut la reconnaissance des deux enfants qu’il avoit de madame de Montespan qui n’etoient pas encore connus. Le garçon se nomma M. le comte de Toulouse, la fille porta le nom de mademoiselle de Blois. […]
[p. 55] [novembre-décembre 1681] La cour étant à Saint Germain, où elle devoit passer l’hiver, commençoit à voir des comedies et des divertissements melés de musique. Mais l’inquietude qu’on eut d’une indisposition de madame la Dauphine, qui faisoit appréhender pour sa grossesse, suspendit les plaisirs des courtisans pour quelques jours, au bout desquels, la grosses de madame la Dauphine se confirmant, ils recommencerent à nouveau, et monseigneur le Dauphin, pour complaire à madame la princesse de Conti, qui aimoit la danse [p. 56] passionnément et qui y reussissoit au dessus de toutes les personnes de son siecle, dansa plusieurs entrees avec elle, et d’autres hommes et dames de la cour, dans les entr’actes des comédies de Pourceaugnac et de Jourdain.
[…]
[p. 65] 1er janvier 1682. Le premier jour de l’année 1682, le Roi fit monseigneur le Dauphin chevalier de l’ordre du Saint Esprit, avec les ceremonies accoutumées. Sa Majesté, comme grand maitre de l’ordre, assembla, selon les statuts, le chapitre dans [p. 66] son cabinet, et proposa le nouveau chevalier, qu’on n’eut point de peine à recevoir. Le Roi, ni les chevaliers, n’etoient point dans leur grand habit de ceremonie, mais seulement en habit de ville, c’est à dire en manteau noir, et les prelats en rochet et camail ; pour Monseigneur, comme c’étoit pour lui que la cérémonie se faisoit, il avoit son habit de novice. Son capot de velours noir étoit chamarré de toutes les pierreries de la Couronne, hormis d’un diamant qui se nommoit le grand Sancy ; il en avoit aussi une magnifique enseigne au retroussis de sa toque de velours. La messe fut chantée par M. l’archevêque d’Auch, commandeur de l’ordre, en présence de tous les commandeurs et chevaliers qui se trouvoient à la cour et qui purent marcher, et des grands et petits officiers de l’ordre. Les grands étoient : M. le cardinal de Bouillon, grand aumonier de l’ordre ; M. de Louvois, chancelier ; M. le president de Mesmes, prevot ou maitre des ceremonies de l’ordre ; M. de Seignelay, tresorier ; et M. de Chateauneuf, greffier ou secretaire.
Après que Monseigneur eut eté fait chevalier et qu’il en eut [p. 67] preté le serment entre les mains du Roi à la fin de la messe, il revint avec Sa Majesté, en ceremonie, comme il etoit venu, jusques à la chambre du Roi, hormis que, au lieu de son capot de velours noir chamarré de pierreries, il etoit revetu de son grand manteau de l’ordre, qu’il avoit bien de la peine à porter.
[…]
[p. 67] Janvier 1682. Cependant la cour commençait à voir les representations de [p. 68] l’opera d’Atys, dont les vers etoient de la composition de Quinault et la musique de celle de Lulli. Monseigneur le Dauphin y dansoit deux entrées avec madame la princesse de Conti ; mais cette princesse, qui en faisoit tout l’ornement, tomba malade d’une fievre continue, avec des redoublements, qui lui dura trois semaines, ce qui n’empecha pas qu’on continuat à representer l’opera, quoiqu’avec de moindres acclamations.
Peu de jours apres arriverent les ambassadeurs du roi du Maroc : ils etoient deux ambassadeurs, suivis seulement de six ou sept autres personnes. Le premier ambassadeur, qui etoit gouverneur de la province de Tetonan, etoit un homme de quarante cinq ans ; il avoit une belle physionomie et une grande barbe grise, un peu plus arrondie que n’est celle d’un capuçin. Il etoit de la race de ces Morisques qui furent chassés d’Espagne sous le regne de Philippe II, et se vantoit d’etre de la maison des fameux Abencerages. L’autre etoit gouverneur de Salé : il avoit une mine sombre et desagreable, et passoit pour un saint parmi les siens, qui disoient meme qu’il faisoit des miracles. Leurs habits n’etoient point magnifiques, n’y ayant ni or ni soir, parce que les peuples de Maroc sont les plus reformés de tous les mahometans et qu’il ne leur est permis de porter aucune etoffe de soie ni aucune chose qui soit d’or. Quand ces ambassadeurs vinrent à l’audience, les compagnies des regiments des gardes suisses et françoises n’etoient pas sous les armes, mais les armes etoient arrangées dans la cour, et les soldats se promenoient [p. 69] derriere ; les gardes de la porte etoient en haie, sans armes ; les gardes de la prevoté etoient en haie dans la cour, sans mettre leurs mousquetons à l’epaule ; les Cent Suisses etoient rangés le long du degré, sans hallebardes ; et les gardes du corps etoient sans armes en haie dans leur salle.
Le Roi reçut les ambassadeurs assis et couvert dans sa chambre, où la Reine, madame la Dauphine et Madame, suivies de toutes les dames de la cour, etoient incognito. Le premier des ambassadeurs fit en sa langue une tres courte harangue au Roi, à laquelle Sa Majesté ne repondit que par des demonstrations d’honneteté, ensuite desquelles l’ambassadeur lui presenta une lettre de la part du roi, son maitre. Ensuite les ambassadeurs s’en retournerent de la meme manière qu’ils etoient venus.
Le lendemain, on leur fit voir l’opera, dont le spectacle les surprit agreablement.
Ils proposoient une ligue offensive et defensive avec la France et ne parloient que d’entrer avec deux cent mille hommes en Espagne. On leur fit dire de traiter avec M. de Seignelay à son retour de Dunkerque, où il etoit allé voir en quel etat etoit le port, qu’on avoit extremement accomodé depuis peu. Ils avoient amené avec eux des animaux de leur pays pour en faire present au Roi, qui etoient des lions, des autruches, et entre autres une tigresse privée que tout le monde alloit voir par rareté. […]
[p. 71] Ce fut à peu près dans les mêmes jours que, monseigneur le Dauphin etant allé chasser un loup sur l’Otie, cet animal se fit chasser si longtemps et s’en alla si loin, quoiqu’on eut tiré plusieurs coups sur lui dont il etoit blessé, qu’une heure avant la nuit Monseigneur se trouva à Gisors, qui est à douze lieues de Saint Germain. Il prit donc la resolution de quitter la chasse et de s’en revenir ; mais comme son cheval etoit rendu, il prit un cheval de poste à Magny, sur lequel il arriva à Saint Germain à dix heures du soir, suivi seulement du comte de Brionne, du comte de Marsan, de Chamarande, de deux officiers de ses gardes et d’un de ses ecuyers, lesquels portoient tour à tour un flambeau devant lui ; mais comme il s’eteignit, parce qu’il pleuvoit et qu’il faisoit un vent epouvantable, ils furent obligés de se servir d’une lanterne pendant quatre lieues. M. le prince de La Roche sur Yon et M. le duc de Vendome, qui s’opiniatrerent à suivre la chasse, furent contraints [p. 72] de faire rompre les chiens à la nuit sans avoir pris le loup, se coucherent dans un village, sans avoir un seul valet avec eux, et ne revinrent à Saint Germain que le jour suivant, sur les dix heures du matin.
[…]
[p. 77] [février 1682] Les ambassadeurs du roi du Maroc ayant traité avec M. de Seignelay et ayant signé une paix pour six années, vinrent prendre leur audience de congé au Roi, en la meme manière qu’ils avoient eu leur premiere audience, et ce fut alors qu’ils amenerent leurs presents et qu’on vit leur tigresse privee dans [p. 78] la chambre de la Reine au milieu de toutes les dames de la cour.
Peu de jours apres, les deputés du clergé en corps vinrent remercier le Roi de la bonté qu’il avoit eue d’accorder à l’Eglise de France, au sujet de la regale, plus qu’elle n’avoit osé esperer. Ce fut M. l’archeveque de Paris, president de l’assemblée, qui se tenoit dans cette capitale du royaume, lequel porta la parole et fit au roi une harangue digne de son savoir et de sa reputation.
La grossesse de madame la Dauphine continuoit toujours, au grand contentement de toute la France, et le Roi, qui devoit quitter Saint Germain au deuxieme de mars pour s’aller etablir à son chateau de Versailles, avoit changé de resolution et pris le parti de n’aller à Versailles qu’apres Pâques. On croyoit meme qu’il iroit auparavant passer un mois à Saint Cloud dans la maison de Monsieur, son frere unique, comme il l’avoit fait l’année derniere.
[…]
[p. 99] 20 avril 1682. Le 20e d’avril, le Roi quitta Saint Germain, dont les batiments qu’il y faisoit [1 : Il y faisoit faire cinq pavillons en saillie, au vieux chateau bati par François Ier, pour agrandir les appartements.] commençoient de rendre le sejour incommode, et vint s’etablir à Saint Cloud, dans la belle maison de Monsieur, son frere unique, avec dessein d’y rester jusqu’à ce que tous les appartements de Versailles fussent en etat d’etre habités. Madame la Dauphine se fit apporter en chaise à Saint Cloud, de peur que le mouvement du carrosse ne fit tort à sa grossesse.
[…]
[p. 172] 21 janvier 1685. Le bruit couroit en ce temps là que le Roi iroit passer le careme à Saint Germain, au lieu de faire le voyage de Compiegne, parce qu’il avoit eu dessein d’aller de Compiegne à Luxembourg et que Vauban lui avoit assuré depuis peu que cette place ne pouvoit pas etre de longtemps en etat de lui donner du plaisir à la voir ; mais cette nouvelle paroissoit encore peu certaine.
[…]
[p. 249] 6 juin 1685. M. l’archeveque de Paris vint, à la tete du clergé de France, dont les deputés etoient assemblés depuis trois jours à Saint Germain en Laye, selon la coutume, et il fit au Roi une tres belle harangue, apres laquelle il alla en faire autant chez Monseigneur et chez madame la Dauphine.
[…]
[p. 300] 29 août 1685. Cette mort fut suivie, de bien près, de celle de M. le duc du Lude, grand maître de l’artillerie de France, chevalier des ordres du Roi et capitaine de Saint Germain en Laye. Il laissoit une grosse depouille à la nomination du Roi. Mais elle servit, des le [p. 301] meme jour, à faire voir combien il etoit avantageux d’avoir la protection de madame de Maintenon, car le Roi donna au marquis de Montchevreuil la capitainerie de Saint Germain, et comme il y avoit un brevet de cent mille livres affecté dessus, il le transferra sur la charge de grand maitre. Il lui donna aussi les coches du Pecq, que le feu duc du Lude avoit obtenus pour en jouir pendant sa vie, et qui pouvoient valoir quatre mille livres de rente. Il paya toutes ses dettes, qui pouvoient monter à cinquante mille ecus. Il donna douze mille livres de pension à son fils, avec la survivance de la capitainerie de Saint Germain ; et deux jours apres, il lui fit epouser mademoiselle de La Marseliere, fille du feu marquis de Combourg de Coetquin, laquelle devoit avoir plus de sept cent mille livres de bien.
[…]
[p. 349] 2 janvier 1686. Le deuxième de janvier, il arriva une affaire qui fut pendant quelques jours l’entretien des courtisans.
Il y avoit à Saint Germain en Laye un curé nommé Cagnyé, natif du lieu meme, et frere d’un controleur de la maison du Roi. Cet homme avoit de tres bonnes qualités, et entre autres il faisoit de grandes aumones dans sa paroisse. Cela lui avoit attiré l’amitié de la defunte reine Marie Therese d’Autriche, à la priere de laquelle le Roi lui avoit nommé une petite abbaye nommée Royalpré ; mais comme il n’en put obtenir les bulles du Pape, parce qu’elle devoit etre possedée par un religieux, il la remit entre les mains du Roi, qui tira des mains d’un nommé Sauleus [p. 350] Sibourg (Silbour de Soleux) le prieuré de Saint Germain en Laye, qui valoit quatre à cinq mille livres de rente, moyennant des pensions qu’il lui donna sur d’autres benefices, et le donna au curé.
Quand il fut en possession, comme ce benefice avoit de fort beaux droits, il les soutint peut etre avec un peu trop de vigueur, et meme il plaida contre le Roi pour la seigneurie de la meilleure partie de Saint Germain en Laye, et contre les marguilliers de la paroisse, pretendant etre seigneur spirituel et temporel de l’eglise.
Les plaintes, qui en furent portées au Roi par un d’entre eux, nommé Antoine, qui avoit eté garçon de sa chambre et etoit alors son porte arquebuse, et les autres qui lui furent faites par plusieurs de ses officiers, obligerent Sa Majesté de renvoyer tous ces differends au jugement de M. l’archeveque de Paris. Mais comme il trouva beaucoup de difficultés à les terminer, le Roi trouva un expedient, pour n’en entendre plus parler de sa vie, qui fut de tirer du curé la demission de sa cure et de son prieuré, moyennant deux abbayes qu’il lui donna, lesquelles valoient douze mille livres de rente.
Le Roi, en faisant cela, avoit le dessein de dedommager l’abbé de Coulombs, qui etoit presentateur du prieuré et de la cure de Saint Germain, et s’attribuer la presentation à la cure et du prieuré avec tels droits qu’il jugeroit à propos ; ce qu’il pouvoit aisement faire dans toutes les regles prescrites par les canons.
La chose etant en cet etat, les habitans de Saint Germain apprirent que leur curé les alloit quitter, et comme ils lui etoient fort affectionnés, ils en furent touchés sensiblement.
Le vicaire, qui se nommoit de La Vertu, voyant, le premier jour de l’an, la plupart des habitants assemblés dans l’eglise pour entendre le sermon, monta en chaire un moment avant le predicateur ; et, leur ayant exposé la grandeur de la perte qu’ils alloient faire en perdant leur curé, il leur assura que le Roi n’avoit pris la resolution de le leur oter que par les mauvais offices que des gens malintentionnés lui avoient rendus aupres de Sa Majesté, les conviant d’aller à Versailles les supplier de vouloir leur rendre leur pasteur.
[p. 351] Apres cette harangue, il s’emut un assez grand bruit dans l’assemblée, lequel ayant fait croire à la femme et aux enfants d’Antoine qu’ils n’y etoient pas en securité, ils se retirerent precipitamment de l’eglise.
Cependant, le bruit s’apaisa ; le predicateur monta en chaire, et tout le monde l’ecouta paisiblement. Mais, apres le sermon, le vicaire de La Vertu y remonta et dit au peuple que, quelque chose qui lui en put arriver, il ne l’abandonneroit point ; qu’il iroit, à sa tete, parler au Roi à Versailles et lui redemander son curé, et qu’au reste il protestoit qu’il faistoit tout cela de son propre mouvement et sans que le curé en eut parlé.
Dès le soir meme, M. de Montchevreuil, capitaine de Saint Germain, en fut averti et en rendit compte au Roi, lui assurant meme qu’il avoit des avis certains que ces habitants, mal conseillés, devoient venir en foule le lendemain l’importuner. Mais, comme il etoit tard, le Roi ne lui ordonna que d’y aller le lendemain pour y mettre ordre.
Il le fit effectivement et, y etant arrivé devant le jour, à peine y eut il eté quelques moments qu’il entendit sonner le tocsin pour l’assemblée des paroissiens. Il courut en meme temps à l’eglise et, etant venu au pied du clocher, il y trouva un pretre qui lui nia fortement que l’on sonnat par son ordre ; mais, ayant frappé inutilement à la porte du clocher, qui etoit fermée, il la fit enfoncer et monta en haut, où il arreta deux hommes qui sonnoient. Ces miserables lui dirent qu’ils le faisoient par l’ordre du pretre qu’il avoit trouvé au pied du clocher. C’est pourquoi, etant descendu et l’y ayant encore trouvé, il l’arreta et le fit conduire avec les deux sonneurs à la prison.
Cela n’empecha pas les habitants de s’assembler, et ils vinrent le meme jour à Versailles, au nombre de six à sept cents, ayant à leur tete leur vicaire et huit autres pretres. Le Roi, les ayant vus dans sa cour, envoya querir le grand prevot pour les faire arreter ; mais, s’etant trouvé incommodé et ayant envoyé un de ses lieutenants prendre l’ordre du Roi, Sa Majesté lui commanda d’en faire arreter une trentaine des plus considerables, ce qu’il executa facilement, sur le pretexte que le Roi lui avoit ordonné d’entendre leurs raisons ; et ils se battoient à qui entreroit chez lui, par preference, pour se faire arreter.
Les huit pretres furent arretés comme les autres ; mais le [p. 352] vicaire de La Vertu ne s’y trouva pas. Cependant, étant allé le lendemain à Paris chez M. l’archeveque pour se justifier, il le fit mettre à l’officialité, où le Roi envoya aussi, deux jours apres, les autres neuf pretres qui etoient arretés. En meme temps, le Roi ordonna au prevot de Saint Germain d’informer contre ceux qui avoient formenté cette sedition, resolu de les chatier, et particulierement ceux qui se trouveroient etre officiers de sa maison ; et il decreta contre deux seulement, le Roi ayant bien voulu faire mettre les autres en liberté apres deux jours de prison.
[…]
[tome 3, p. 4] 3 janvier 1689. On sut, en ce temps là, que le Roi avoit trouvé à propos de choisir son chateau de Saint Germain en Laye pour le sejour de la reine d’Angleterre, au lieu de celui de Vincennes, qu’il lui avoit destiné d’abord, quand il sut son arrivée en France.
[…]
[p. 6] 6 janvier 1689. Le 6, la reine d’Angleterre arriva à Saint Germain avec le prince de Galles, son fils ; le Roi alla au devant d’elle jusqu’aupres de Chatou, suivi d’un grand cortege de carrosses pleins de courtisans. Quand les carrosses de la reine commencerent à paraitre, le Roi descendit du sien avec Monseigneur et Monsieur, qui l’accompagnoient, et, ayant fait arrêter le premier carrosse, dans lequel etoit le prince de Galles, il embrassa plusieurs fois ce jeune prince avec beaucoup de temoignages de tendresse. Cependant, la reine d’Angleterre, ayant eté avertie que le Roi avoit mis pied à terre, descendit aussi de son carrosse, et ils marcherent au devant l’un de l’autre avec empressement.
Le Roi la salua, aussi bien que Monseigneur et Monsieur, que le Roi lui presenta, et, apres beaucoup de marques d’amitié de part et d’autre, le Roi remit la reine dans son carrosse, dans lequel il se plaça à sa gauche, malgré toute la resistance qu’elle y fit ; Monseigneur et Monsieur se mirent dans le devant du [p. 7] carrosse, et madame de Montecuculli, dame d’honneur de la reine, avec madame Powits, gouvernante du prince de Galles, dans les deux portieres. Les carrosses arriverent en cet ordre à Saint Germain, où le Roi conduisit la reine dans l’appartement qu’il lui avoit destiné, qui etoit l’appartement de la defunte Reine, sa femme, mais augmenté de beaucoup par les batiments neufs qu’il y avoit faits. Apres quelques moments de conversation, le Roi dit à la reine qu’il vouloit aller voir le prince de Galles, et, cette princesse lui ayant offert de l’y suivre, il lui donna la main et la conduisit à l’appartement du jeune prince, où, entre autres choses, elle lui dit qu’en passant la mer elle se disoit en elle-même qu’il etoit bien heureux d’etre trop jeune pour connoitre son malheur ; mais que presentement elle le trouvoit bien malheureux de n’etre pas en etat de connoitre tutes les bontés qu’il lui temoignoit. Le Roi, n’ayant oublié aucune des honnetetés qu’il pouvoit temoigner à la reine d’Angleterre, et ne doutant pas qu’elle n’eut besoin de se reposer des fatigues du voyage, prit congé d’elle et s’en revint à Versailles, d’où il luy envoya une magnifique toilette, accompagnée de six mille louis d’or qui lui etoient bien necessaires, vu le denument où elle se trouvoit de toutes choses.
Le 7, le Roi, sachant que le roi d’Angleterre devoit arriver ce jour là à Saint Germain, parce qu’il avoit pris la poste en chaise roulante, il partit aussitot apres son diner pour l’aller attendre chez la reine d’Angleterre ; il la trouva dans son lit, qui se reposoit de la fatigue du voyage, et il s’assit à sa ruelle dans un fauteuil unique qu’on y avoit mis ; pour Monseigneur et Monsieur, qu’il avoit menés avec lui, ils se tinrent debout. Ensuite, le Roi ordonna à M. le duc de Beauvilliers d’aller se mettre en quelque endroit où il put voir arriver le roi d’Angleterre, afin de le venir avertir aussitot qu’il paroitroit. Quelques temps apres, M. de Beauvilliers vint l’avertit que le roi d’Angleterre venoit d’entrer dans la cour ; en meme temps, il se leva et, faisant une reverence à la reine d’Angleterre, il marcha au devant [p. 8] du roi, son epoux, jusqu’à la porte de la salle des gardes, qui donne sur le degré, où il l’attendit environné de toute sa cour. Le roi d’Angleterre ayant monté le degré et ayant aperçu le Roi, ils coururent tous deux d’un meme temps s’embrasser, ce qu’ils firent tres longuement et avec de grandes marques de tendresse. Le Roi dit au roi d’Angleterre : « Monsieur mon frere, que j’ai de joie de vous voir ici ! Je ne me sens pas de joie de vous voir en sureté. » Le roi d’Angleterre lui repondit par un discours moins suivi et plus entrecoupé. Apres cela, le Roi lui dit qu’il vouloit le conduire chez la reine, son epouse, et, passant à toutes les portes devant lui, il le mena effectivement chez la reine et voulut absolument qu’il la saluat dans son lit en sa presence. Les deux rois demeurerent quelque temps debout dans la ruelle de son lit ; ensuite de quoi le Roi proposa d’envoyer querir le prince de Galles ; mais comme il étoit longtemps à venir, le Roi prit le roi d’Angleterre par la main et le conduisit à l’appartement du prince, son fils, lui donnant alors la main partout. Apres qu’ils eurent eté quelque temps chez le prince de Galles, le Roi prit congé du roi d’Angleterre, lequel le voulant reconduire, il ne voulut pas le souffrir et se separa de lui en lui disant : « Je suis aujourd’hui chez moi ; demain, vous serez chez vous, et vous ferez ce que vous voudrez ». Quelques heures apres, le Roi envoya aussi une toilette au roi d’Angleterre et dix mille louis d’or pour ses necessités, jusqu’à temps qu’il lui eut fait un fonds reglé, qu’on disoit devoir aller à deux millions quatre cent mille livres par ans.
Le 8 de janvier […] [p. 9] le roi d’Angleterre vint pour la premiere fois voir le Roi à Versailles, où il reçut tous les honneurs qui etoient dus à son rang. Les regiments des gardes battirent au champ ; les gardes de la porte et de la prevoté se tinrent sous les armes dans leurs postes ; les Cent Suisses borderent le degré ; les gardes du corps se posterent sous les armes, comme quand le Roi arrive. Le Roi alla au devant de lui jusqu’au delà de la salle des gardes, où il le reçut avec toute sa cour, et le conduisit jusque dans son cabinet, dans lequel il fut assez longtemps enfermé avec lui. Après cela, il le conduisit chez madame la Dauphine, où il le laissa. Le roi d’Angleterre, y ayant eté quelque temps, alla aussi voir Monseigneur, Monsieur et madame, chez tous lesquels il ne s’assit point, parce qu’on ne savoit encore comment il les voudroit traiter ; cependant, comme la chose avoit dejà eté agitée, le Roi lui en avoit fait entendre quelques mots, et il lui avoit repondu fort honnetement qu’il l’en faisoit absolument le maitre, sur quoi le Roi lui avoit reparti que, puisuq’il en usoit de cette manière avec lui, il se declaroit en sa faveur, meme contre les princes de sa maison ; et, en effet, il regla deux jours apres que le roi et la reine d’Angleterre donneroient des fauteuils à Monseigneur, à madame la Dauphine, à Monsieur et à Madame seulement, et qu’ils ne donneroient aux autres princes et princesses de la maison royale que des sieges pliants ; en quoi il sembloit que M. le duc de Chartres et les trois filles de feu M. le duc d’Orleans se trouvoient un peu lesés car, comme ils avoient partout ailleurs de grandes prerogatives au dessus des princes et princesses du sang, comme etant petit fils et petites filles de roi, on [p. 10] auroit cru qu’ils auroient aussi du avoir en cette occasion quelque marque de distinction au dessus d’eux ; mais on ne put pas trouver moyen de leur en donner, parce que les rois ne donnent en France que des fauteuils ou des sieges pliants, et qu’ils n’admettent point les chaises à dos qui n’ont point de bras, lesquelles on avoit proposées comme un temperament en cette occasion. […]
Le 9, […] les carrosses de Madame et des princesses demeurerent pendant toute l’apres dinée dans la cour du chateau de Versailles, et l’on attendoit à tout moment qu’elles partissent pour aller à Saint Germain voir la reine d’Angleterre ; mais enfin elles ne partirent point, parce qu’on ne savoit pas encore quel traitement elle voudroit leur faire. […]
[p. 11] Le 10, Madame, madame la grande duchesse, madame de Guise et toutes les princesses du sang, tant legitimes que du coté gauche, allerent à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre ; elles ne s’assirent point chez le roi, qui les reçut debout ; mais elles s’assirent chez la reine. On mit deux fauteuils aux pieds du lit, comme dans une place indifferente ; celui [p. 12] de la droite fut occupé par Madame, celui de la gauche par la reine, et toutes les princesses s’assirent à droit et à gauche sur des sieges pliants. La visite etant faite, la reine d’Angleterre reconduisit Madame jusqu’à la porte de sa chambre, comme elle etoit venue au devant d’elle jusqu’au meme endroit ; mais il y eut une chose qui scandalisa un peu les princesses, qui fut que la reine d’Angleterre fit asseoir aupres d’elle madame de Montecuculli, sa dame d’honneur. On sut, le meme jour, que le Roi avoit decidé le traitement que la reine d’Angleterre feroit aux duchesses, qui pretendoient qu’elle les baiseroit, parce qu’elle baisoit les duchesses d’Angleterre, et qu’elles seroient assises, comme elles ont le droit de l’etre en France ; mais la reine d’Angleterre leur avoit donné le choix d’etre traitées à l’angloise ou à la françoise, c’est à dire qu’elle les baiseroit et qu’elles se tiendroient debout, comme faisoient les duchesses d’Angleterre devant elle, ou bien qu’elle ne les baiseroit point et qu’elles seroient assises, comme elles l’etoient en France. Elles s’assemblerent pour deliberer sur ce choix, et, comme elles opterent d’etre traitées à la françoise, le Roi regla qu’elles ne baiseroient pas la reine d’Angleterre et qu’elles seroient assises devant elle. […]
[p. 14] [11 janvier] On disoit aussi que le roi d’Angleterre pourroit venir demeurer au chateau de Clagny, proche de Versailles, afin d’etre plus à portée de conferer tous les jours avec le Roi ; mais il n’y avoit guere d’apparence à cette nouvelle, parce que ce chateau etoit trop petit pour loger le roi avec tous ses gens, que Versailles en etoit assez eloigné pour que le roi et la reine d’Angleterre fussent incommodés si on y avoit logé leurs domestiques, outre ce qu’il en auroit couté au Roi pour les loyers, et qu’il auroit fallu deloger tous les domestiques de M. le duc du Maine et de M. le comte de Toulouse, dont le logement auroit encore couté de grandes sommes dans Versailles. […]
[p. 15] Ce fut encore le meme jour que M. l’archeveque de Paris, etant allé à Saint Germain pour faire sa cour au roi d’Angleterre, se trouva extremement mal dans sa chambre, d’où etant sorti il tomba une seconde fois en faiblesse dans la salle des gardes, mais de telle manière qu’il perdit entierement connaissance et meme qu’il eut peur de mourir. Cependant on le transporta dans un appartement, où il revint peu à peu, et le meme jour il s’en retourna à Paris. […]
Le 12, le roi d’Angleterre fit milord Powis duc, afin que sa femme, qui etoit gouvernante du prince de Galles, put etre assise devant madame la Dauphine, car pour devant la reine d’Angleterre, les duchesses angloises ne s’y asseyoient jamais ; et ceci etoit une nouveauté, parce que les duchesses [p. 16] françoises s’asseyant devant la reine d’Angleterre, elle voulut que madame Powis eut aussi le droit de s’y asseoir, seulement quand les princesses et duchesses françoises s’y trouveroient ; et à la verité milord Powis et sa femme meritoient bien ce degré d’honneyr, puisqu’ils avoient quitté, pour la religion catholique et pour suivre le roi, leur maitre, cinquante mille ecus de rente et cinq enfants qu’ils avoient laissés dans un extreme danger. […]
[p. 17] Le 13, […] Monsieur, frère, du Roi, et MM. les princes du sang allerent voir le roi et la reine d’Angleterre ; Monsieur y alla le matin, et ils lui donnerent un fauteuil, comme ils avoient fait à Monseigneur. MM. les princes y allerent l’apres dinée, et ils n’eurent que des sieges pliants.
Le meme jour encore, la reine d’Angleterre vint à Versailles voir le Roi. Il alla au devant d’elle jusqu’au haut de son grand degré, où, l’ayant reçue, il la prit par la main et la conduisit au travers de son appartement jusqu’au salon, dans lequel, s’étant chauffés quelques moments, il s’allerent asseoir dans deux fauteuils preparés à cet effet, le Roi donnant la droite à la reine d’Angleterre. Ensuite, il ordonna qu’on apportat des sieges pliants pour Monseigneur et pour Monsieur, et en fit aussi apporter pour madame de Montecuculli et pour madame la duchesse de Powis. La conversation ayant duré un gros quart d’heure de cette manière, la reine se leva, et le Roi lui donna la main pour la mener chez madame la Dauphine par la grande galerie, et quand elle fut entrée dans la chambre de madame la Dauphine, il prit congé d’elle et se retira à son appartement. La reine fit sa visite, de meme qu’elle l’avoit faite au Roi, c’est à dire qu’elles s’assirent chacune dans un fauteuil et que les princesses et duchesses qui s’y trouverent furent assises sur des sieges pliants. Apres cela, la reine d’Angleterre alla aussi faire sa visite à Monseigneur, à Monsieur et à Madame, chez lesquels les memes ceremonies furent observées. […]
[p. 20] Le 15, […] [p. 21] le Roi alla voir le roi d’Angleterre, qui vint au devant de lui jusqu’à la porte de la salle des gardes, et lui donna de grandes marques d’empressement et même de deference. Apres un moment de conversation publique, les deux rois entrerent dans un cabinet, où ils furent enfermés pres d’une heure et demie, pendant laquelle Monseigneur alla rendre visite à la reine, que les courtisans commencerent à connoitre plus que jamais pour une princesse d’un grand cœur et d’un bon esprit, qualités qui ne lui servoient alors qu’à lui faire sentir plus vivement ses malheurs. Le Roi ayant achevé sa visite, le roi d’Angleterre voulut absolument le reconduire ; mais, sur ce que le Roi ne le vouloit pas souffrir, ils convinrent que ce jour là termineroit pour toujours entre eux toutes les ceremonies.
[…]
[p. 24] Le 21, [le roi d’Angleterre] courut le cerf avec Monseigneur dans la forêt de Saint Germain, avec l’équipage de M. le duc du Maine ; mais il n’y eut pas beaucoup de plaisir, tant à cause d’un vent de nord très froid et très violent, qui dura tout le jour, que parce qu’on ne prit point le cerf.
Le 22, le Roi alla rendre visite au roi d’Angleterre, aussi bien qu’à la reine et au prince de Galles, et puis il revint à Versailles.
[…]
[p. 30] [1er février] La première nouvelle du mois de février fut que les presbytériens d’Angleterre, c’est à dire ceux qui font profession de la religion du royaume, armoient de tous les côtés, et qu’on espéroit voir former assez de partis différents dans cet [p. 31] Etat pour n’appréhender pas qu’ils pussent faire grand tort à la France. […] On apprit aussi que deux cents hommes de troupes réglées avec leurs officiers étoient venus d’Angleterre débarquer à Dunkerque.
Ce fut alors qu’arriva aussi à Saint Germain milord Dumbarton, qu’on avoit connu en France sous le nom de milord Douglas, et qui y avoit même été lieutenant général.
Le même jour, le roi d’Angleterre cessa d’être servi par les officiers de la Bouche et du Gobelet du Roi, et commença d’être servi par les siens ; cependant le Roi lui laissa encore ses gardes du corps, de la prévôté de l’Hôtel et de la Porte, et le détachement des Cent Suisses, parce qu’il n’avoit pas encore de gens pour le garder.
[…]
[p. 32] Le 4, le roi et la reine d’Angleterre allèrent à l’abbaye royale de Saint Cyr voir la représentation de la tragédie d’Esther, composée par Racine ; elle étoit représentée par les petites pensionnaires, qui chantoient même des entractes de musique de la composition d’un nommé Moreau ; c’étoit in spectacle fort agréable, et aussi bien exécuté qu’il le pouvoit être par de jeunes enfants ; mais, le jour que le roi d’Angleterre y alla, madame la comtesse de Caylus joua le rôle d’Esther et s’attira l’admiration de tout le monde.
[…]
[p. 35] Le 10 de février, le roi d’Angleterre fit arrêter à Saint Germain par M. de Saint Viance, lieutenant des gardes du corps qui servoit auprès de lui, un Anglois nommé Barnoel, qui s’étoit venu rendre auprès de lui depuis peu de jours ; cet homme, à ce qu’on disoit, avoit changé trois ou quatre fois de religion suivant les différentes occurrences, et l’on assuroit qu’il s’étoit déchainé en invectives contre le roi, depuis son départ d’Angleterre, en présence de plusieurs personnes, dont quelques unes étoient arrivées devant lui à Saint Germain ; ensuite, n’ayant pas trouvé auprès du prince d’Orange le traitement qu’il en avoit espéré, il avoit passé en France pour se rendre auprès du roi d’Angleterre, et ce prince fit très sagement de faire arrêter un homme d’un caractère si dangereux.
[…]
[p. 37] [11 février] Ce fut en ce temps là que mourut à Saint Germain M. de Treamigny, gentilhomme des environs de Beauvais, chef du vol de la chambre pour pie, mais qui, par son assiduité et son savoir faire, avoit trouvé moyen de se faire donner par le Roi un vol pour les champs pour lièvre, pour corneille et pou milan, tous lesquels le Roi lui payoit par extraordinaire. Il avoit été longtemps forte à la mode ; mais, quoiqu’il fut un peu déchu, le Roi ne laissa pas de traiter sa famille favorablement, donnant à son fils la charge du vol de la chambre pour pie avec deux mille livres de pension, quoiqu’il n’eût que dix ou douze ans ; à l’égard [p. 38] des autres vols par commission, le Roi le révoqua, et c’étoit autant de dépense épargnée, considération fort pressante en ce temps là.
[…]
[p. 40] Le 22, le roi d’Angleterre fit arrêter et conduire [p. 41] à la Bastille milord Miljoy, grand maître de l’artillerie d’Irlande, qui avoit passé en France avec Pointis. Milord Tyrconnel, croyant avoir de grands sujets de se défier de sa fidélité, et même l’accusant d’avoir dégarni tout exprès les arsenaux d’Irlande, lui avoit dit que, comme il étoit parfaitement instruit de l’état de toutes choses, il étoit à propos qu’il vint en France en rendre compte au roi, et lui avoit donné pour cet effet une lettre de créance ; amis il en donna en même temps une toute contraire à Pointis, pour la rendre au roi secrètement, par laquelle il lui mandoit la vérité de la chose, et ce fut sur cet avis que ce prince fit arrêter milord Miljoy. Comme Pointis étoit homme d’esprit et fort intelligent dans ce qui regardoit l’artillerie, ayant même inventé la manière de jeter les bombes de dessus les barques, ce qui avoit si bien réussi à Gênes et à Alger, le Roi le donna au roi d’Angleterre pour commander son artillerie.
[…]
[p. 43] Le 25, le roi d’Angleterre alla communier publiquement dans l’église de Notre Dame de Paris, où il donna l’ordre de la Jarretière à M. de Lauzun, pour récompense des importants services qu’il lui avoit rendus, et l’après dînée il vint à Versailles prendre congé du Roi, car il devoit partir le 27, et le Roi devoit aussi le lendemain lui aller dire adieu à Saint Germain ; mais, comme il différa son départ d’un jour, le Roi différa de même ses adieux.
[…]
[p. 46] [28 février] Ce fut encore le même jour que le roi d’Angleterre partit de Saint Germain en poste pour aller s’embarquer à Brest, n’ayant pas en tout plus de vingt personnes avec lui, car M. d’Avaux avait pris les devants, aussi bien que les officiers anglois qui n’étoient pas nécessaires au roi le long de la route.
[…]
[p. 56] Le 18 [mars], la reine d’Angleterre fut attaquée d’une fièvre continue, qui ne lui dura que trois ou quatre jours, et l’on peut dire qu’elle en fut quitte à bon marché, après toutes les agitations du corps et d’esprit qu’elle supportoit depuis quelque temps.
[…]
[p. 63] [30 mars] On sut que la reine d’Angleterre venoit passer quelques jours de retraite au monastère des religieuses de la Visitation qui est à Chaillot, dans lequel la défunte reine, sa belle mère, avoit aussi accoutumé de se retirer pendant ses malheurs.
[…]
[p. 79] Le 25 [avril], le Roi cassa le comte d’Hautefort et ordonna à M. de Luxembourg de lui proposer des gens pour remplir sa place. La reine d’Angleterre, à laquelle le Roi alla ce jour là rendre visite, lui demanda sa grâce, parce qu’il avoit été le premier exempt qui eût servi auprès d’elle ; mais le Roi s’en excusa et lui fit entendre que c’étoit un homme perdu.
[…]
[p. 81] Le 29, Monseigneur, duc de Bourgogne, fit le premier voyage de sa vie, car il alla entendre la messe et dîner à Nanterre, pour y accomplir quelque vœu qu’on avoit fait pour sa santé, et de là il alla à Saint Germain rendre visite à la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 244] Le 4 [juin], M. l’archevêque de Paris, qui présidoit l’assemblée générale du clergé de France, laquelle se tenoit alors à Saint Germain en Laye, vint, selon la coutume, avec tous les députés haranguer le Roi à Versailles, et il lui fit un magnifique discours qui ne lui coûta guère, étant un des plus éloquents et des plus savants hommes de son temps.
[…]
[p. 245] Le 8, M. de Torcy, secrétaire d’Etat en survivance de M. de Croissy, son père, accompagné de M. de Pontchartrain, contrôleur général, de M. de Pussort et de M. d’Argouges, conseillers d’Etat, et du conseil royal des Finances, allèrent, suivant la coutume, à Saint Germain faire de la part du Roi à MM. de l’assemblée du clergé la demande du don gratuit, qu’ils fixèrent à douze millions ; quoique cette somme fût beaucoup au dessus de celles que le clergé avoit accoutumé d’accorder, les nécessités de l’Etat étoient si bien connues, et l’affection du clergé pour le Roi si sincère, que tous les députés voulurent accorder ce que le Roi demandoit sans opiner ; mais M. l’archevêque de Paris, qui présidoit, leur représenta qu’il falloit opiner pour que la [p. 246] chose fût dans les formes, et ainsi chacun opina d’accorder les douze millions, et même davantage, si le Roi le souhaitoit. En même temps, l’assemblée députa au roi M. l’abbé de Phélypeaux, l’un des deux anciens agents qui faisoit la fonction de secrétaire de l’assemblée, pour venir apprendre à Sa Majesté qu’elle avoit fait tout ce qu’elle avoit souhaité de son service, et certainement il fut très bien reçu du Roi, qui étoit alors en son château de Marly.
Le même jour, l’assemblée du clergé envoya douze de ses députés saluer en corps la reine d’Angleterre, et ce fut M. l’archevêque d’Arles qui porta la parole, et qui fit un discours si pathétique sur l’état présent des affaires, qu’il tira les larmes des yeux de tous les Anglois qui étoient présents.
[…]
[p. 271] [22 juillet] La nouvelle qui arriva le 22 au soir déconcertoit bien tous ces beaux projets : ce fut celle de la défaite du roi d’Angleterre, n’ayant pas voulu étendre son armée pour occuper un pont qui étoit sur une rivière, laquelle séparoit son armée de celle des ennemis, et ayant oublié de le faire rompre, le prince d’Orange avoit fait défiler toute la nuit son armée sur ce pont, avoit attaqué l’armée du roi à la pointe du jour et l’avoit battue facilement, parce que tous les Irlandois avoient mis les armes bas ; que M. de Lauzun, voyant la bataille perdue, avoit envoyé M. de Léry dire au roi d’Angleterre qu’il se sauvât au plus tôt, et que pour lui il alloit faire de son mieux avec le reste de ses troupes ; et qu’effectivement le roi s’étoit retiré avec Lery, L’Estrade et quelques autres, et qu’il étoit arrivé à Brest […].
[p. 273] Aussitôt que le Roi sut ces mauvaises nouvelles, il fit partir M. de Bouillon avec trois de ses carrosses pour aller au devant du roi d’Angleterre jusqu’où il pourroit le rencontrer.
[…]
Le 25 au soir, le roi d’Angleterre arriva à Saint Germain en Laye, et le lendemain le Roi alla lui rendre visite.
[…]
[p. 332] Le [26 novembre], le roi d’Angleterre partit de Saint Germain avec M. le maréchal de Bellefonds pour aller à la célèbre abbaye de la Trappe, dont l’abbé et les religieux vivoient avec une si grande austérité qu’elle retraçoit vivement la vie de saint Bernard, leur fondateur.
[…]
[p. 343] Le 6 [janvier 1691], le roi et la reine d’Angleterre arrivèrent avec toute leur cour à Versailles, sur les six heures du roi.
[…]
[p. 359] [25 février] Il arriva ce jour-là une chose bien étrange à Saint Germain, entre deux milords anglois, frères cadres du milord Salisbury ; ils prirent querelle sur un sujet de rien, étant le soir dans leur chambre, tous deux en robe de chambre, et prêts à se mettre au lit, et la colère s’empara si fort de leurs esprits qu’ils se jetèrent à leurs épées, se battirent, et, n’ayant pas voulu ouvrir à leurs gens qui frappoient à la porte pour les séparer, ils se donnèrent l’un à l’autre plusieurs coups d’épée, dont il y en eut un qui mourut peu de jours après ; et quand on eut enfoncé la porte, on les trouva tous deux qui demandoient pardon l’un à l’autre ; et depuis, l’aîné étant mort, le cadet en eut un tel désespoir qu’il arracha tous les bandages et les emplâtres qu’on avoit mis sur ses blessures.
[…]
[p. 420] Le 15 [mai], on sut qu’il étoit arrivé à Saint Germain en Laye un envoyé d’Ecosse qui assuroit qu’il y avoit dans les montagnes quatre mille cinq cents hommes sous les armes, et qui venoit demander pour eux un secours de blé et d’argent.
[…]
[p. 443] Le même jour encore [27 juillet], le Roi ayant appris que, la nuit précédente, [le roi d’Angleterre] avoit été fort mal d’une très grande colique, il alla à Saint Germain lui rendre visite.
[…]
[tome 4, p. 4] Le [17 janvier 1692], le roi d’Angleterre, qui étoit arrivé la veille à Saint Germain, vint rendre visite au Roi à Versailles, et fut pendant quelque temps enfermé avec lui.
[…]
Le 21 [février], on sut que la reine douairière d’Angleterre devoit passer bientôt en Portugal, soit qu’elle fût devenue suspecte au prince d’Orange, soit qu’elle ne pût se résoudre à souffrir plus longtemps la domination d’un usurpateur, soit qu’elle n’eût plus l’exercice de sa religion ; et depuis elle changea de dessein, et l’on sut qu’elle devoit venir débarquer à Calais, passer à Saint Germain et y faire quelque séjour incognito, et ensuite prendre son chemin pour aller à Rome.
[…]
Le 22 [mars], milord Dumbarton, ci devant le marquis de Douglas, lieutenant général des armées du Roi et premier gentilhomme de la chambre du roi d’Angleterre, mourut d’apoplexie à Saint Germain en Laye, universellement regretté de tous les honnêtes gens, qui connoissoient sa valeur et son inviolable fidélité pour son maître.
[…]
Le 14 [avril], on sut de certitude que le roi d’Angleterre s’en alloit au premier jour en Normandie, et tout le monde crut deviner juste en disant qu’il n’y alloit que pour visiter les troupes irlandises.
Le 15, le Roi fut, au bout du pont du Pecq, la revue de ses deux compagnies de gendarmes et des chevau légers de sa garde ; le roi d’Angleterre y vint, et Leurs Majestés trouvèrent ces deux célèbres troupes parfaitement belles.
[…]
[p. 27] Le 19, on sut que le roi d’Angleterre avoit fait trois nouveaux chevaliers de la Jarretière, qui étoient le prince de Galles, son fils, milord Melfort et le duc de Powitz.
Le 20, le Roi alla dire adieu au roi d’Angleterre, et rien ne pouvoit égaler la joie de tous les Anglois qui étoient auprès de lui, car ils croyoient indubitablement qu’avec les troupes que le Roi donnoit au roi, leur maître, il alloit dans peu de jours reconquérir l’Angleterre.
Le lendemain, ce prince partir pour aller à la Trappe et de là passer en Normandie.
[…]
[p. 84] [27 juin] On eut nouvelle, ce jour là, que le roi d’Angleterre etait arrivé le 24 à Saint Germain en Laye.
[…]
[p. 90] Le premier jour de juillet, au matin, le Roi eut nouvelle que la reine d’Angleterre etoit accouchée d’une fille, et qu’elle avoit eté si peu de temps en travail que les princesses ni les ministres n’avoient pu y arriver assez tot.
[…]
[p. 99] Le 18, le Roi alla voir le roi et la reine d’Angleterre à Saint Germain et, le lendemain, il alla à Paris voir Monsieur.
[…]
[p. 114] Le 23 [août], le Roi alla à Saint Germain en Laye, où il tint avec Madame sur les fonds de bapteme la fille du roi d’Angleterre.
[…]
[p. 137] Le 11 [novembre], le grand prieur de France et le comte de Brionne tirent une course de chevaux aupres de Saint Germain ; le roi et la reine d’Angleterre, Monseigneur et tous les princes allerent la voir, et le grand prieur gagna le prix.
[…]
[p. 166] Le 3 [mars 1693], le Roi alla à Saint Germain dire adieu au roi et à la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 190] Le 23 [avril], […] [p. 191] le Roi, qui etoit à Marly, alla à Saint Germain rendre visite au roi et à la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 322] Le 11 [avril 1694], on apprit que quelqu’un ayant mis le feu dans la forêt de Saint Germain en Laye, on avoit eu assez de peine à l’eteindre.
[…]
[p. 420] Le 16 [janvier 1695], le Roi alla voir le roi et la reine d’Angleterre au sujet de la mort de la princesse d’Orange, et, à son retour, on sut que le roi d’Angleterre avait demandé qu’on ne lui fit point de compliments sur la mort de sa fille et qu’on n’en prit point le deuil.
[…]
[p. 453] Le 12 [mai], jour de l’Ascension […] [p. 454] on sut ce jour là que le roi d’Angleterre avoit eu deux accès de fievre.
[…]
[p. 460] Le 29, on fit à Saint Germain en Laye l’ouverture de l’assemblée ordinaire du clergé de France.
[…]
[p. 464] Le 12 [juin], l’archeveque de Paris vint de Saint Germain en Laye faire sa cour au Roi, et travailla longtemps avec Sa Majesté.
[…]
[p. 470] Le 23, le roi d’Angleterre ayant couru le cerf sans avoir mangé, parce qu’il etoit jour de jeune, et s’etant trouvé au salut avec la reine dans les eglises de Saint Germain, il y eut deux faiblesses consecutives, dont la derniere alla presque jusqu’à l’evanouissement.
[…]
[p. 472] [28 juin] On sut encore que le marquis de Montchevreuil etoit assez malade à Saint Germain, d’un rhumatisme accompagné de fievre.
[…]
[tome 5, p. 94] Le 4 [janvier 1696], on sut que […] Sa Majesté avoit donné la dignité de chef d’escadre de ses armées navales au milord grand prieur, fils naturel du roi d’Angleterre, sous le nom de duc d’Albermarle, qui lui convenoit mieux que celui de grand prieur dans la conjoncture des affaires.
[…]
[p. 102] Le 27, on sut que la reine d’Angleterre avoit la fièvre assez violente.
[….]
[p. 112] Le 27 [février], le Roi alla à Saint Germain voir le roi d’Angleterre et lui faire ses adieux, et ce fut alors qu’on apprit que le maréchal de Boufflers travailloit en diligence à Dunkerque à faire un embarquement de douze mille hommes pour passer en Angleterre, où on assuroit qu’il y avoit des apparences considérables de révolte contre le prince d’Orange, aussi bien qu’en Ecosse ; que le duc de Berwick étoit à Londres et qu’il mandoit qu’il y avoit un parti considérable formé pour recevoir le roi Jacques ; que ce seroit le marquis d’Harcourt qui commanderoit les troupes de l’embarquement et qu’il étoit parti le même jour à cet effet ; que le duc de Berwick serviroit sous lui en qualité de lieutenant général, le comte de Pracomtal et Albergotti, en qualité de maréchaux de camp, Barzun, en qualité de commandant de la cavalerie, le marquis de Mornay, le duc d’Humières et le marquis de Biron en qualité de brigadiers d’infanterie ; que Lanson, enseigne des gardes du corps, serviroit auprès du roi d’Angleterre et qu’enfin on croyoit avoir trouvé la conjoncture fatale au prince d’Orange, parce qu’il n’avoit point de flotte ni de troupes et que l’affaire du changement des monnoies faisoit beaucoup de mécontents en Angleterre.
[…]
[p. 113] Le 29, on sut que le roi d’Angleterre étoit parti le soir précédent, qu’il s’est arrêté à Saint Denis pour y faire une protestation par devant notaires comme il partoit dans le dessein d’aller rentrera dans son royaume, où il étoit rappelé par les prieres de ses peuples. On ajoutoit qu’on avoit fait partir cent mille louis d’or pour Calais, où ce prince devoit s’embarquer.
On apprit aussi le détail des troupes qui s’embarquoient, qui étoit dix huit bataillons : les deux régiments de Poitou, celui de Crussol, les deux de Languedoc, les deux d’Humières, celui du Vexin, celui de la Marche, celui de Santerre, celui [p. 114] d’Orléanois, les deux d’Artois, les deux de Vermandois, celui d’Agenois, celui de Montferrat et celui de Saint Second ; trois régiments de cavalerie qui étoient le régiment du Roi, celui d’Anjou et celui de Berry ; et deux régiments de dragons, le Colonel général et celui de Frontenay. On disoit encore que Gabaret commanderoit cet embarquement et que sa flotte seroit composée de neuf gros vaisseaux et de vingt frégates. Il y avoit beaucoup de gens qui croyoient que cet armement alloit descendre en Ecosse ; cependant Monsieur, frère du Roi, assura ce jou là qu’il alloit droit en Angleterre ; et la chose auroit été facile, s’il avoit été vrai, comme on le disoit, que la flotte angloise commandée par Spithal, qui portoit à Cadix des matelots et des provisions, fût sortie de la Manche.
[…]
[p. 116] Le 6 [mars], on assuroit que la flotte de Spithal avoit eté repoussé par les vents dans les ports d’Angleterre, ce qui etoit fort contraire aux desseins du roi Jacques. On assuroit cependant que le Roi lui avoit encore envoyé deux cent mille livres, et que la reine, son epouse, engageoit toutes ses pierreries pour lui envoyer de l’argent.
[…]
[p. 120] Le 20, […] on apprit aussi que le roi d’Angleterre etoit encore à Calais et que l’on avoit fait partir sa chambre et sa vaisselle d’argent pour qu’il eut toutes ses commodités au lieu où il sejourneroit.
[…]
[p. 137] Le 5 [mai], le roi d’Angleterre arriva à Saint Germain, et, selon les apparences, ce n’etoit pas pour en partir sitot. […]
Le 6, […] l’après dinée, le Roi alla visite le roi d’Angleterre à Saint Germain.
[…]
[p. 145] Le 2 [juin], le roi et la reine d’Angleterre partirent de Saint Germain en Laye pour aller à Chartres, où ils devoient sejourner un jour pour y faire leurs devotions, et de là passer à la celebre abbaye de la Trappe, où ils devoient faire un pareil sejour, et de là venir coucher à Anet, d’où ils devoient revenir à Saint Germain.
[…]
[p. 146] Le 5, on sut que le prince de Galles avoit la rougeole, ce qui etoit capable de donner de grandes inquietudes au roi et à la reine d’Angleterre pendant leur voyage de devotion à Chartres et à la Trappe, mais cette maladie n’eut pas de suites facheuses.
[…]
[p. 159] Le 27, […] l’on sut que la reine d’Angleterre avoit depuis deux jours une grosse fievre. Mais le lendemain, on apprit qu’elle l’avoit quittée par l’habileté de son premier medecin, qui l’avoit purgée au fort de son mal.
[…]
[p. 163] Le 12 [juillet], l’on sut que le milord duc de Powits, chevalier de l’ordre de la Jarretière et sans contredit un des plus fideles serviteurs du roi d’Angleterre, etoit mort à Saint Germain en Laye, n’ayant point eu de santé depuis un vomissement de sang qui lui avoit pris à Bologne pendant qu’il y etoit avec le roi, son maitre.
[…]
[p. 234] Le 19 [janvier 1697], on sut que le roi et la reine d’Angleterre, le prince de Galles et la princesse, sa sœur, etoient tombés malades tous à la fois.
[…]
[p. 235] Le 21, on sut que toute la maison royale d’Angleterre etoit guerie, et que le roi d’Angleterre avoit dit qu’il n’etoit pas vrai, comme le prince d’Orange l’avoit publié, que le Roi fut convenu de le reconnoitre pour roi d’Angleterre.
[…]
[p. 343] [26 septembre] On sut certainement ce jour là que le Roi avaoit accordé au roi et à la reine d’Angleterre son château de Saint Germain pour [p. 344] demeure fixe et qu’ils n’iroient point demeurer à Blois comme le bruit en avoit couru.
[…]
[tome 6, p. 31] Le 8 [mai 1698], […] on sut que le roi et la reine d’Angleterre se portoient mieux, car ils avoient eu l’un et l’autre dans le même temps quelque attaque de fièvre.
[…]
Le 11, […] [p. 32] le soir, le Roi, qui etoit à Marly pour quelques jours, alla rendre visite au roi et à la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 42] Le 26 [juin], on disoit que la reine d’Angleterre avoit eu un violent accès de fievre qui avoit empeché le roi, son epoux, de partir pour aller à la Trappe, comme il l’avoit resolu.
[…]
[p. 147] [Le 18 avril 1699], on sut encore, le meme jour, que le chevalier de Gassion, lieutenant general et lieutenant des gardes du corps de quartier, etoit tombé malade assez considerablement à Saint Germain, où il servoit aupres du roi d’Angleterre, avoit eté obligé de se faire transporter à Paris.
Le 19, on disoit que, la reine d’Angleterre ayant reçu des avis qu’on vouloit attenter à la vie du prince de Galles, on lui avoit donné des gardes du corps pour le suivre en plus grand nombre qu’à l’ordinaire.
[…]
[p. 168] Le 28 [juin], [le Roi] alla dire adieu au roi d’Angleterre, qui alloit faire un voyage à la Trappe, pendant lequel la reine devoit se mettre dans le couvent de Sainte Marie de Chaillot.
[…]
[p. 192] Le 10 [octobre], on apprit que Ruzé, contrôleur des Bâtiments, qui faisoit cette charge à Marly et à Saint Germain depuis dix sept ans, avec l’approbation de la Cour, avoit été renvoyé à Saint Germain, avec les appointements qu’il avoit à Marly, et que le Roi avoit mis à sa place un nommé Dujardin, parent de Mansard.
[…]
[p. 206] Le 26 [novembre], le Roi envoya le marquis de Beringhen, son premier écuyer, à Saint-Germain-en-Laye, complimenter le roi d’Angleterre et s’informer de sa santé, parce qu’il avoit au croupion un anthrax, qui lui dura très longtemps.
[…]
[p. 265] Le 14 [juin 1700], Pomereu, comme l’ancien du conseil royal de finance, alla à Saint Germain, escorté de trois autres conseillers d’Etat, faire le compliment au clergé, et son discours ne fut si bien suivi ni si bien raisonné que la réponse que lui fit l’archevêque de Reims, avec beaucoup d’esprit et beaucoup d’art.
[…]
[p. 302] Le 10 [novembre], […] le Roi dépêcha Saint Olon, gentilhomme ordinaire, pour aller à Saint Germain apprendre au roi et à la reine d’Angleterre la mort du roi d’Espagne et le reste des nouvelles.
[…]
[p. 325] Le 4 [décembre], […] [p. 327] le roi Jacques vint prier le Roi de lui donner une garde plus forte, parce qu’il avoit eu avis que les Anglois vouloient enlever le prince de Galles et le faire élever dans la religion anglicane.
[…]
[p. 337] Le 18 [décembre], on disoit que le roi d’Angleterre étoit plus incommodé que jamais, et cette maladie, si elle avoit été véritable, étoit une nouvelle bien importante.
[…]
[tome 7, p. 29] Le 4 [mars 1701], […] on apprit encore que le roi Jacques d’Angleterre avoit eu une grande foiblesse pendant la messe, qu’on avoit été obligé de le remener dans son appartement, et qu’on attribuoit cet accident à ses jeunes et à ses autres austérités.
[…]
[p. 31] [Le 11 mars], le roi d’Angleterre eut une seconde attaque d’apoplexie, bien plus forte que la première, de laquelle il resta paralytique de tout le côté droit.
[…]
[p. 33] [Le 16 mars], le Roi alla visiter le roi d’Angleterre, qui vint au-devant de lui avec la reine jusqu’à la porte de sa grande chambre, s’appuyant assez bien sur la jambe droite et commençant à porter le bras droit jusqu’à sa tête et à s’aider de ses deux doigts ; mais cela n’empêchoit pas qu’il n’eût pris la résolution de partir la semaine de Pâques pour aller à Bourbon.
[…]
Le 18 [mars], le Roi fit dans la plaine d’Houilles la revue de ses deux régiments des gardes, qu’il trouva plus beaux que jamais. Le prince de Galles y vint, et apprit à Sa Majesté que le roi son père avoit encore pris, le soir précédent, de l’émétique, qui lui avoit fait un très bon effet.
[…]
[p. 36] Le 24 [mars], qui étoit le jour du jeudi saint, […] [p. 37] le Roi dit au marquis d’Urfé qu’il l’avoit choisi pour aller conduire le roi d’Angleterre à Bourbon et lui faire rendre, en allant et en revenant, les honneurs qui lui étoeint dus, et pour les frais de son voyage, il lui fit donc de dix mille francs.
[…]
[p. 39] Le 28 [mars], […] la reine d’Angleterre vint prendre congé du Roi, de Monseigneur et de la duchesse de Bourgogne, devant partie deux jours après pour suivre le roi son époux à Bourbon.
[…]
[p. 49] Le 17 [avril], […] [p. 50] on sut aussi ce jour là que le roi Jacques d’Angleterre avoit été retenu par la goutte à la Charité sur Loire, et que Le Pelletier, ci devant ministre d’Etat, étoit fort malade à Paris d’une fièvre continue, pour laquelle on l’avoit fait saigner quatre fois, quoiqu’il eut soixante et onze ans.
[…]
[p. 73] Le 7 [juin], le roi et la reine d’Angleterre arrivèrent à [p. 74] Saint Germain en Laye, revenant de Bourbon, et l’on vit à Marly le marquis d’Urfé, qui les y avoit escortés.
Le 8 [juin], Monsieur étant venu dîner avec le Roi à Marly, il saigna du nez à table. […] L’après dînée, il alla avec beaucoup de dames faire sa visite à Leurs Majestés de la Grande Bretagne, et il saigna encore du nez chez la reine. Un moment après, le Roi et tous les princes et princesses arrivèrent à Saint Germain, et, après avoir fait sa visite, chacun s’en retourna dans son carrosse à Marly. […]
[…]
[p. 97] Le premier d’août, […] la duchesse de Bourgogne alla se baigner dans la rivière de Seine au dessus de Saint Germain en Laye, le Roi ayant fait tendre exprès en cet endroit les tentes du duc de Bourgogne.
[…]
[p. 111] Le 26 [août], on sut […] qu’il s’étoit fait un dépôt d’humeur sur les jambes et sur le col du pied du roi Jacques d’Angleterre.
[…]
[p. 113] Le 2 [septembre], le roi Jacques d’Angleterre eut une grande foiblesse en sortant de la messe, et il fut longtemps sans connoissance. Cette attaque redoubla, et on commença à appréhender qu’il ne passât pas la journée.
[...]
[p. 114] Le 4 [septembre], […] Fagon, premier médecin du Roi, alla en diligence à Saint Germain en Laye pour essayer de secourir le roi Jacques d’Angleterre, qui étoit à l’extrémité. On apprit, à son retour, que le prince avoit reçu tous les sacrements à deux heures et demie après midi, que les remèdes qu’on lui avoit fait prendre lui avoient fait jeter une grande quantité de sang caillé et puant qui étoit extravasé dans sa poitrine, et qu’une saignée qu’on lui avoit faite l’avoit soulagé.
[…]
[p. 115] Le 6 [septembre], l’envoyé de Hesse Cassel, dans une audience publique, assura le Roi que son maître n’embrassoit point le parti de l’Empereur. […] Cependant, le roi Jacques d’Angleterre avoit de fréquentes foiblesses ; il avoit la fièvre avec des redoublements, mais il ne vomissoit plus le sang avec tant d’abondance.
Le 7 [septembre], on lui donna le quinquina, qui fit son effet : sa fièvre parut moins forte, mais on n’en espéroit rien de bon. […]
Le 8 [septembre], le Roi alla s’établir à Marly pour dix jours. En arrivant, on sut que le roi Jacques d’Angleterre avoit encore eu son redoublement, mais que son sang s’étoit arrêté et qu’il restoit encore quelque légère espérance.
[…]
[p. 116] Le 11 [septembre], le Roi alla à Saint Germain voir le roi d’Angleterre, qui étoit au plus mal. Il le trouva dans un grand assoupissement, et demeura une heure auprès de lui, pendant laquelle la duchesse de Bourgogne y vint aussi et n’y demeura qu’un quart d’heure ; mais on ne croyoit pas que ce pauvre prince pût encore passer la semaine.
[…]
[p. 117] Le 13 [septembre], on apprit que le roi d’Angleterre étoit fort mal, qu’il ne pouvoit pas passer la journée, et qu’il avoit déclaré publiquement qu’il pardonnoit au prince d’Orange et à ses filles et à l’Empereur. En même temps, le Roi envoya Fagon, lequel rapporta qu’il n’y avoit plus d’espérance. L’après dînée, le Roi y alla et le laissa à l’extrémité ; mais, auparavant que de partir de Saint Germain, il fit appeler le prince de Galles et lui déclara, en présence de tous les Anglois, qu’après la mort du roi son père il le reconnoitroit pour roi d’Angleterre, et comme le nonce du Pape étoit présent, n’ayant pas abandonné le roi d’Angleterre depuis son mal, le Roi lui dit qu’il voyoit de quelle manière il en usoit avec le roi d’Angleterre et qu’il le prioit de le mander au Pape.
Le 14 [septembre], on eut nouvelle que le jeune Mathan, colonel de Bugey, étoit mort. […] [p. 118] Le soir, on sut que le roi d’Angleterre avoit entièrement perdu la vue ; le duc de Bourgogne alla le voir et, quand il entra dans sa chambre, on disoit pour la cinquième fois les prières des agonisants, et comme on les suspendit à cause de la présence du duc, le roi le pria de trouver bon qu’on les continuât. Enfin, on pouvoit dire que ce prince mouroit de la mort des justes, et les Anglois se flattoient que sa mort changeroit en bien le sort du prince de Galles.
Le 16 [septembre], le roi d’Angleterre mourut à trois heures et demie du matin, et la reine partie en même temps pour s’aller enfermer au monastère de Chaillot. Pour le jeune roi et la princesse, ils restèrent à Saint Germain.
[…]
[p. 119] Le 18 [septembre], […] les princes et les princesses allèrent donner de l’eau bénite au corps du roi d’Angleterre, et, le soir, on l’emporta à Paris à l’église des Bénédictins anglois du faubourg Saint Jacques, où il devoit rester en dépôt jusqu’à ce qu’on pût le porter au tombeau de ses ancêtres, le roi n’ayant pas jugé à propos qu’on l’enterrât dans l’église paroissiale de Saint Germain en Laye, comme il l’avoit souhaité par humilité et même proposé au Roi peu de jours avant sa mort.
Le 19 au soir, la reine d’Angleterre revint à Saint Germain, et, le lendemain, le Roi et toute la Cour allèrent la voir sans cérémonie, parce qu’elle l’avoit souhaité, et elle les reçut dans son lit.
[…]
[p. 123] Le 2 [octobre], on disoit que la flotte angloise étoit rentrée dans ses ports, et qu’elle y avoit été rappelée sur la nouvelle de la mort du roi Jacques ; mais il n’y avoit guère d’apparence que cela pût être, et que, depuis la mort de ce prince, on eût pu envoyer cet ordre à la flotte, qui étoit trop éloignée. On ajoutoit que la reconnoissance du prince de Galles faisoit grand bruit en Angleterre, qu’on y avoit depuis longtemps son portrait presque dans toutes les maisons, qu’on y avoit publié la relation de la mort du roi Jacques, laquelle s’étoit débitée par merveilles, que les régents en avoient fait saisir les exemplaires et fait mettre en prison les colporteurs, mais qu’ils les avoient ensuite fait relâcher. […]
Le 3 [octobre], le bruit couroit que quelques milords étoient venus à Saint Germain trouver le

Bouchet, Louis-François (du)

Mentions de Saint-Germain-en-Laye dans les mémoires du marquis de Dangeau

« [tome 1, p. 73] Mercredi 22 [novembre 1684]. […] Monseigneur alla courre le cerf dans la forêt de Saint Germain.
[…]
[p. 76] Vendredi 1er décembre. Le Roi alla faire la revue de ses gardes du corps ; il y avoit plus d’un an qu’il ne les avoit vus. Il les trouva en fort bon état malgré leur fatigue. En revenant de la plaine d’Ouille, où il avoit fait la revue, il passa au château de Saint Germain, et il revint très content de tous les bâtiments qu’on y avoit faits.
[…]
[p. 79] Lundi 11. […] Monseigneur alla courre le cerf à Saint Germain.
[…]
[p. 114] Lundi 29 [janvier 1685], à Versailles. […] Monseigneur alla courre le cerf dans la forêt de Saint Germain.
[…]
[p. 116] Jeudi 1er février, à Versailles. […] Monseigneur alla courre le cerf dans la forêt de Saint Germain.
[…]
[p. 117] Lundi 5, à Versailles. […] Monseigneur alla courre le cerf dans la forêt de Saint Germain.
[…]
[p. 119] Samedi 10, à Versailles. […] Monseigneur courut le cerf dans la forêt de Saint Germain.
[…]
[p. 121] Jeudi 15, à Versailles. […] [p. 122] Monseigneur courut le cerf dans la forêt de Saint Germain.
[…]
[p. 123] Lundi 19, à Versailles. […] Monseigneur courut le cerf dans la forêt de Saint Germain.
[…]
[p. 124] Mercredi 21, à Versailles. […] Monseigneur vouloit aller courir le sanglier dans la forêt de Saint Germain, mais il n’y en avoit point de détourné. […]
[p. 125] Jeudi 22, à Versailles. […] Monseigneur courut le cerf dans la forêt de Saint Germain.
[…]
[p. 127] Lundi 26, à Versailles. […] Monseigneur courut la bague et les têtes, puis alla courre le cerf dans la forêt de Saint Germain.
[…]
[p. 129] Vendredi 2 [mars], à Versailles. [….] Monseigneur courut le cerf dans la forêt de Saint Germain, avec les chiens de M. de Furstemberg. On donna les relais à l’envers ; c’est une manière de chasser extraordinaire. On ne laissa pas de prendre le cerf et même fort vite.
[…]
[p. 131] Mardi 6 [mars], à Versailles. […] Monseigneur courut le cerf dans la forêt de Saint Germain.
[…]
[p. 137] Lundi 19, à Versailles. […] Monseigneur courut le cerf dans la forêt de Saint Germain avec l’équipage de M. de Furstemberf et fit une fort belle chasse.
[…]
[p. 143] Vendredi 30, à Versailles. […] Monseigneur courut le cerf dans la forêt de Saint Germain avec les chiens de M. de Furstemberg, qui firent une fort belle chasse ; ce [p. 144] sera la dernière. Ils ont pris les sept cerfs qu’ils ont courus, et ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est qu’ils donneur leurs relais à l’envers : leurs vieux chiens sont à la meute, et les chiens les plus vites sont au dernier relais. Madame étoit à la chasse avec Monseigneur.
[…]
[p. 149] Vendredi 6 [avril], à Versailles. […] Monseigneur courut le cerf avec les chiens du roi, qui étaient revenus de Saint Germain à Versailles.
[…]
[p. 180] Lundi 28 [mai], à Versailles. […] L’assemblée du clergé doit commencer aujourd’hui à Saint Germain, l’archevêque présidant.
[…]
[p. 188] Vendredi 8 [juin], à Versailles. […] Monseigneur courut le loup dans la forêt de Saint Germain.
[…]
[p. 191] Jeudi 14, à Versailles. […] Monseigneur chassa dans la forêt de Saint Germain. Il y tua un gros sanglier et un loup, et revint encore d’assez bonne humeur pour le salut.
[…]
[p. 193] Lundi 18, à Versailles. […] L’assemblée du clergé, qui se tient à Saint Germain, accorda au Roi 3000000 de don gratuit, que Sa Majesté leur avoit demandés, et ces 3000000 ont été accordés d’un consentement unanime.
[…]
[p. 196] Mardi 26, à Versailles. […] Monseigneur courut le loup dans la forêt de Saint Germain. […]
[p. 197] Mercredi 27, à Versailles. […] Monseigneur alla dans la forêt de Saint Germain pour y prendre des loups qui sont dans le parc, et fouilla toute la forêt sans les trouver.
[…]
[p. 213] Jeudi 30 [août], à Versailles. […] [p. 214] Le duc du Lude, grand maître de l’artillerie, mourut à Paris. Il étoit chevalier de l’Ordre, il avoit le justaucorps bleu et étoit capitaine de Saint Germain. Sa femme aura la plus grande partie de son bien. Le duc de Roquelaure et la duchesse de Foix, enfants de sa sœur, sont ses héritiers. La capitainerie de Saint Germain fut donnée à M. le marquis de Montchevreuil. On lui donna aussi la survivance pour son fils, qui épouse mademoiselle de Coetquen, fille de feu Combourg.
[…]
[p. 274] Mercredi 2 [janvier 1686], à Versailles. […] J’appris que le Roi avoit fort diminué le fonds des dépenses pour ses bâtiments ; il lui en a coûté l’année passée plus de 15000000 et il n’en veut dépenser celle ci que 4 tout au plus, tant pour les bâtiments que pour la conduite de la rivière Eure. […] Il y eut une manière de sédition à Saint Germain sur ce que les habitants se soulevèrent pour demander que le curé ne quittât point ; les habitants tinrent des discours un peut trop forts ; le Roi en fit mettre plusieurs en prison et interdit beaucoup de prêtres, et on a exilé le curé à Rouen.
[…]
[p. 380] Mercredi 4 [septembre], à Marly. Le Roi vouloit aller tirer dans Vézinet, au dessous de Saint Germain ; le vilain temps l’en empêcha.
[…]
[p. 433] Jeudi 19 [décembre]. […] Monseigneur courut le lièvre dans le parc de Saint Germain avec les chiens de M. du Maine. Madame la princesse de Conty, madame de Mortemart, madame de Bellefonds et mademoiselle d’Humières étoient à cheval avec Monseigneur.
[…]
[tome 2, p. 68] Jeudi 20 [novembre 1687], à Marly. […] Monseigneur et les princesses allèrent courre le daim dans la forêt de Saint Germain avec les chiens de M. le duc du Maine. Madame la Dauphine, qui est demeurée à Versailles, envoya trois de ses filles pour monter à cheval avec les princesses, mesdemoiselles de La Force, de Séméac et de Bellefonds.
[…]
[p. 69] Lundi 24, à Versailles. […] M. le duc du Maine a souhaité d’avoir un équipage pour courre le cerf. Le Roi lui donne 10000 écus pour le mettre sur pied et ordonne 10000 écus par an pour l’entretien. Le chevalier d’Aunay commandera l’équipage et on lui donne pour cela 1000 écus d’appointements.
[…]
[p. 71] Vendredi 28 à Versailles. […] Monseigneur et Madame coururent le cerf dans la forêt de Saint Germain avec les chiens de M. du Maine et revint d’assez bonne heure pour être à la répétition.
[…]
[p. 80] Mardi 16 [décembre], à Marly. Le Roi, après son dîner, monta en carrosse avec mesdames les princesses, Monseigneur et Madame ; il alla courre le cerf dans la forêt de Saint Germain avec les chiens de M. du Maine.
[…]
[p. 94] Mercredi 14 [janvier 1688], à Marly. Le Roi alla à Saint Germain. Il s’y promena pour voir ce qu’il fait couper dans son parc, les changements qu’il fait dans ses jardins et la cour des cuisines qu’il fait abattre pour en bâtir une magnifique pour loger les secrétaires d’Etat.
[…]
[p. 98] Vendredi 23, à Versailles. […] Monseigneur alla courre le cerf dans la forêt de Saint Germain avec les chiens de M. du Maine.
[…]
[p. 104] Jeudi 5 [février] à Versailles. […] Le Roi donna à M. de Montchevreuil la charge de maître des Eaux et forêts de Saint Germain.
[…]
[p. 106] Lundi 9, à Versailles. […] Monseigneur courut trois cerfs dans la forêt de Saint Germain avec l’équipage de M. du Maine, malgré la gelée, qui est fort grande.
[…]
Vendredi 13, à Versailles. […] Monseigneur courut le cerf dans la forêt de Saint Germain avec les chiens de M. du Maine.
[…]
[p. 109] Jeudi 19, à Marly. Le Roi et Monseigneur allèrent [p. 110] dans la forêt de Saint Germain, d’où ils firent sortir deux cents cerfs qu’on avoit renfermés dans une petite enceinte. Il y en avoit trop dans la forêt. Le Roi prit assez de plaisir à cette manière de chasser.[…]
Vendredi 20 février, à Marly. Le Roi alla dans l’après-dînée courre le cerf avec les chiens de M. du Maine dans la forêt de Saint Germain. Monseigneur vint l’y trouver et avoit couru le loup dès le matin. […]
[p. 111] Samedi 21, à Versailles. Le Roi courut encore le cerf avec les chiens de M. du Maine dans la forêt de Saint Germain. Il avoit manqué celui d’hier, et en a pris deux aujourd’hui.
[…]
[p. 114] Mercredi 3 [mars], à Versailles. […] L’après dînée, le Roi partit de bonne heure et alla à Saint Germain voir sortir du parc quantité de cerfs et de daims qu’on en ôte, et ensuite revint à Marly.
[…]
[p. 289] Jeudi 6 [janvier 1689], à Versailles. Le Roi, après son dîner, partit d’ici avec Monseigneur et Monsieur dans son carrosse et vint jusqu’auprès de Chatou, où il attendit la reine d’Angleterre, qui arriva un quart d’heure après. Dès qu’on vit paraître les carrosses qui la menoient, le Roi, [p. 290] Monseigneur et Monsieur mirent pied à terre. Le Roi fit arrêter le carrosse qui marchoit devant celui de la Reine, où étoit le prince de Galles, et l’embrassa. Pendant ce temps là, la reine d’Angleterre descendit de carrosse et fit au Roi un compliment fort plein de reconnaissance pour elle et pour le roi son mari. Le Roi lui répondit qu’il leur rendoit un triste service en cette occasion, mais qu’il espéroit être en état de leur en rendre de plus utiles dans la suite. Le Roi avoit avec lui ses gardes, ses chevau légers et ses mousquetaires, et tous les courtisans l’avoient accompagné. Le Roi monta en carrosse avec la reine ; Monseigneur et Monsieur s’y mirent aussi. Cela avoit été concerté dès le jour précédent, c’est pourquoi elle n’avoit avec elle que madame de Powits et la signora Anna Victoria Montecuculli, une Italienne qu’elle aimoit fort. Ils descendirent au château de Saint Germain, qui étoit meublé fort magnifiquement et où l’on trouva toutes les commodités imaginables pour le prince de Galles. Tourolle, tapissier du Roi, donna à la reine la clef d’un petit coffre où il y avoit 6000 pistoles. Monsieur et madame de Montchevreuil sont à Saint Germain pour faire à la reine les honneurs du gouvernement. Le roi d’Angleterre couche aujourd’hui à Breteuil. Le duc de Berwick, son fils, est venu devant pour apporter de ses nouvelles à la reine. Madame de Portsmouth avoit voulu venir au devant de la reine, mais M. de Lauzun lui manda qu’elle ne verroit personne qu’après être arrivée à Saint Germain. Les bruits qu’on a fait courre sur ce qu’elle a dit n’ont pas laissé de faire impression sur la reine, mais elle s’en justifie fort bien. […]
[p. 291] Vendredi 7, à Versailles. […] [p. 292] Entre cinq et six heures, le Roi monta en carrosse avec Monseigneur et M. de Chartres et alla descendre au château de Saint Germain. Il trouva la reine d’Angleterre au lit. Il causa une demi heure avec elle et la quitta quand on vint lui dire que le roi d’Angleterre étoit entré dans la cour du château ; le Roi alla au devant de lui jusqu’à la porte de la salle des gardes. Le roi d’Angleterre se baissa jusqu’à ses genoux ; le Roi l’embrassa et ils demeurèrent longtemps à s’entr’embrasser. Et ensuite, le Roi, lui tenant toujours la main, le mena dans la chambre de la reine sa femme, et le lui présenta, lui disant : « Je vous amène un homme que vous serez bien aise de voir ». Le roi d’Angleterre demeura longtemps dans les bras de la reine, et ensuite le Roi lui présenta Monseigneur, M. de Chartres, les princes du sang, le cardinal de Bonzy et quelques uns des courtisans que le roi d’Angleterre connaissoit. Puis le Roi mena le roi d’Angleterre chez le prince de Galles, et après l’avoir ramené chez la reine, en se séparant il lui dit : « Je ne veux point que vous me conduisiez ; vous êtes encore aujourd’hui chez moi. Demain vous me viendrez voir à Versailles comme nous en sommes convenus, je vous en ferai les honneurs, et vous me les ferez de Saint Germain la première fois que j’y viendrai, et ensuite nous vivrons sans façon ». […]
[p. 293] Samedi 8, à Versailles. Le Roi envoya le matin M. de La Trémouille à Saint Germain pour savoir des nouvelles du roi d’Angleterre, de la reine et du prince de Galles. Le roi d’Angleterre vint ici sur les quatre heures. […]
[p. 294] Dimanche 9, à Versailles. […] Monseigneur, en sortant de table, alla à Saint Germain. Le roi d’Angleterre vint le recevoir au bout de sa chambre, mais il ne sortit point. Ils causèrent longtemps debout, et ensuite Monseigneur alla voir la reine, qui lui donna un fauteuil, mais au dessous d’elle. En sortant de chez la reine, Monseigneur alla chez le prince de Galles, puis retourna à Versailles. Les maréchales d’Humières, de Lorges, d’Estrées ont été faire leur cour à la reine d’Angleterre, qui ne les a point baisées. Elle ne baisa point non plus la duchesse de Nevers, qui étoit allée au devant d’elle à Beaumont. Le Roi a réglé ce qu’il donnera au roi d’Angleterre pour sa dépense : il lui donnera 50000 écus pour se remettre en équipage et 50000 [p. 295] francs par mois. Le roi d’Angleterre n’en vouloit que la moitié. La reine d’Angleterre dit qu’elle traitera les dames ou comme les reines les traitent en Angleterre, ou comme les reines les traitent en France ; elle en laisse le choix au Roi, et ne veut rien faire que ce qui lui sera le plus agréable. Les reines en Angleterre baisent les princesses et les duchesses et ne les font point asseoir, et ici les reines font asseoir les princesses et les duchesses et ne les baisent point. La feue reine mère d’Angleterre, quand elle étoit ici, baisoit les duchesses, les maréchales de France, la femme du chevalier d’honneur et les dames d’atour. La reine dit à Monseigneur qu’elle n’attendoit qu’un habit pour aller à Versailles faire sa cour au Roi et voir madame la Dauphine.
Lundi 10, à Versailles. Madame alla sur les quatre heures à Saint Germain. Mademoiselle sa fille, madame de Guise et toutes les princes du sang y allèrent aussi. La reine d’Angleterre les salua toutes et donna un fauteuil à Madame et des sièges pliants aux princesses. Elle fit asseoir la duchesse de Portsmouth et la signora Anna Victoria Montecuculli, ce qu’on trouva extraordinaire car elle n’est point duchesse ; apparemment c’est comme étant sa dame d’honneur et on la priera de s’expliquer là-dessus.
[…]
[p. 297] Mercredi 12, à Versailles. […] Il y avoit encore quelque difficulté à régler sur le cérémonial pour la manière dont les princes du sang doivent être traités de LL. MM. BB. On est convenu, aujourd’hui, que les princes du sang se couvriront quand le roi d’Angleterre se couvrira et que la reine leur donnera des sièges ployants et les baisera. La feue reine, notre maîtresse, ne les faisoit pas asseoir, mais ils s’étoient toujours assis devant la reine mère. Le feu roi d’Angleterre, à Bruxelles, donna un fauteuil à feu M. le Prince. L’Empereur en fit offrir à MM. les princes de Conty quand ils passèrent à Vienne et il y a beaucoup d’exemple que les princes du sang de France ont reçu de plus grands honneurs que ceux qu’ils ont en cette occasion ; mais le Roi veut qu’on rende plus de respect encore au roi d’Angleterre malheureux que s’il étoit dans la prospérité. […] Le roi d’Angleterre a fait milord Powits duc. Il a quitté plus de 50000 écus de rente pour suivre le roi son maître, et est homme de grande qualité. […]
[p. 298] Jeudi 13, à Versailles. La reine d’Angleterre vint ici sur les quatre heures.
[…]
[p. 301] Samedi 15, à Versailles. Le Roi, après son dîner, alla à Saint Germain avec Monseigneur. Le roi d’Angleterre le vint recevoir au bout de la salle des gardes. Après avoir été quelque temps enfermés ensemble, ils allèrent chez la reine, où il y avoit trois fauteuils, mais le roi d’Angleterre ne voulut point s’asseoir et alla auprès de la cheminée causer avec Monseigneur, qui étoit debout, disant au Roi : « Nous sommes convenus que nous ne ferions plus de façons après cette visite ci ; je veux commencer dès ce soir ». Sur les six heures, le Roi en repartit et Monseigneur revint à la comédie.
[…]
[p. 306] Vendredi 21, à Marly. […] Monseigneur alla à Saint Germain ; il vouloit y courre le loup, mais n’en trouva point. Il y courut le cerf avec les chiens de M. du Maine. Le roi d’Angleterre étoit à la chasse et fut toujours à la tête des chiens ; il faisoit un temps terrible, et l’on manqua le cerf. […]
[p. 307] Samedi 22, à Versailles. Le Roi, après son dîner, partit de Marly et alla à Saint Germain voir le roi d’Angleterre. Il demeura assez longtemps enfermé avec lui, puis ils allèrent chez la reine, qui étoit au lit, et ensuite passèrent chez le prince de Galles.
[…]
[p. 309] Lundi 24, à Versailles. […] Le nonce d’Adda est arrivé à Saint Germain depuis quelques jours et s’en retourne à Rome, où il espère qu’on lui donnera le chapeau de cardinal. Nous n’avons pas été trop contents ici de la conduite qu’il a eue en Angleterre, et l’aimons mieux en Italie que dans ces pays ci. Le roi d’Angleterre a permis par un brevet au duc de Berwick, son fils, de porter l’étoile de l’ordre de la Jarretière sur ses habits, quoi qu’il n’ait pas été reçu à la chapelle de Windsor.
[…]
[p. 319] Mardi 1er février, à Versailles. […] [p. 320] Le Roi a dîné à son petit couvert, et après dîner est allé tirer, et de là à Marly, puis à Saint Germain pour voir le roi et la reine d’Angleterre. Monseigneur, après le chapitre, est allé à la forêt de Marly, où il avoit donné rendez vous au roi d’Angleterre. Ils ont couru le cerf et en ont pris deux. […] Il devoit y avoir appartement ce soir, mais le Roi l’a remis à demain, à cause qu’il a bien cru qu’il reviendroit trop tard de Saint Germain.
[…]
[p. 325] Mardi 8 [février], à Marly. […] Monseigneur alla à Saint Germain. Le roi d’Angleterre et lui coururent le cerf avec les chiens de M. du Maine. […]
[p. 326] Mercredi 9, à Marly. […] Monseigneur courut le loup dans la forêt de Saint Germain. M. le prince d’Orange renvoie au roi d’Angleterre ses carrosses, ses chevaux, ses équipages et sa vaisselle. […] Le roi d’Angleterre a fait arrêter à Saint Germain le major du régiment de Péterborough. C’est un homme qui a changé souvent de religion et de parti, et qu’on soupçonne d’avoir été envoyé ici par le prince d’Orange. On croit qu’on découvrira quelque chose par cet homme là.
[…]
[p. 328] Vendredi 11, à Marly. […] [p. 329] Monseigneur a couru le cerf dans la forêt de Saint Germain avec les chiens de M. du Maine ; il a été prendre le roi d’Angleterre. Madame la princesse de Conty étoit à la chasse, et mesdames de Mongon et de Dangeau l’y accompagnoient. La princesse de Conty a monté chez la reine d’Angleterre, qui souhaitoit la voir en habit de chasse.
Samedi 12, à Versailles. […] Hier au soir, deux députés d’Irlande arrivèrent à Saint Germain auprès du roi d’Angleterre. L’un est milord de Montjoye, protestant, et l’autre est catholique et milord chef de justice ; il s’appelle Reys. L’Irlande est toujours fort fidèle au roi. Ils n’ont été que deux jours sur mer et six jours à venir de Brest à Saint Germain.
[…]
[p. 331] Mercredi 16, à Versailles. […] Monseigneur est allé à Saint Germain pour y courre le loup avec le roi d’Angleterre ; mais ils n’en ont pas trouvé et sont revenus sans chasser. Il avoit convié le roi d’Angleterre, de la part du Roi, de venir ici demain voir les jardins, mais le roi d’Angleterre n’y viendra [p. 332] que vendredi parce qu’il s’est engagé d’aller demain dîner à Maubuisson.
[…]
[p. 335] Lundi 21, à Versailles. […] Monseigneur courut le loup à Lauthie et, au retour, à Saint Germain, il vit le roi et la reine d’Angleterre. […] [p. 336] Le roi d’Angleterre a fait arrêter à Saint Germain milord Montjoye, qui étoit député d’Irlande. Milord Tyrconnel a mandé au roi son maître qu’il feroit bien de s’en assurer. M. de Ponty, qui vient d’Irlande, assure que tout va à merveille en ce pays là. Il est arrivé aujourd’hui et dit qu’il y a dans ce royaume là quarante mille hommes sous les armes. Le roi d’Angleterre y fait passer trois cents officiers et quinze cents soldats, dragons ou cavaliers, et à mesure qu’il en arrive à Saint Germain on les envoie.
[…]
[p. 337] Mercredi 23, jour des Cendres, à Versailles. […] Je viens d’apprendre, ce soir au coucher, qu’il y a des chevaux de poste avec des chaises placées sur toute la route d’ici à Brest pour le roi d’Angleterre et les principales personnes qui l’accompagneront. Les milords Powits, Dumbarton, Melfort et Georges Howard suivront S. M. B. La reine et le prince de Galles demeureront à Saint Germain. Le roi donne beaucoup d’argent au roi d’Angleterre pour ce voyage là, et M. d’Avaux y va et demeurera en Irlande ambassadeur du Roi auprès de lui.
[…]
[p. 338] Vendredi 25, à Versailles. […] Le roi d’Angleterre, le matin, à Saint Germain, fit M. de Lauzun chevalier de la Jarretière, en la place du duc d’Albemarle, mort depuis peu de temps. Ensuite S. M. B. alla à Paris, descendit à Notre Dame, où il fit ses dévotions, alla dîner chez M. de Lauzun, puis chez les religieuses angloises, et au Luxembourg voir la grande Mademoiselle, repassa par Chaillot, où est le cœur de la reine sa mère, alla ensuite à Saint Cloud voir Monsieur et Madame, qui y étoient venus le matin [p. 339] s’y promener, et arriva sue les sept heures ici, où le Roi l’attendoit de meilleure heure. Les deux rois furent longtemps enfermés, et puis vinrent chez madame la Dauphine, où le roi d’Angleterre prit congé d’elle. Le Roi lui dit : « Je souhaite, Monsieur, ne vous revoir jamais. Cependant, si la fortune veut que nous nous revoyions, vous me trouverez toujours tel que vous m’avez trouvé. » Le Roi ira encore lui dire adieu à Saint Germain avant qu’il parte. […]
[p. 339] Samedi 26, à Versailles. Monsieur et Madame ont été à Saint Germain dire adieu au roi d’Angleterre ; Madame et toutes les dames étoient en mante. Le roi d’Angleterre les reçut chez la reine sa femme qui, après avoir été quelque temps debout, s’assit, disant qu’elle se trouvoit un peu mal. Le roi d’Angleterre baisa Madame et toutes les princesses du sang. […]
[p. 340] Dimanche 27, à Versailles. Le Roi et Monseigneur sont allés dire adieu au roi d’Angleterre, qui part demain matin sans faute.
[…]
[p. 344] Jeudi 3 [mars], à Marly. […] La reine d’Angleterre, pour être plus en repos, a réglé que tous les lundis elle recevroit tous ceux qui voudroient venir lui faire leur cour. Les autres jours, elle ne verra que la maison royale. On avoit parlé de la faire venir à Clagny, et même à Versailles, à l’aile neuve ; mais on croit qu’elle aime mieux demeurer à Saint Germain, où elle est plus retirée. […]
Vendredi 4, à Marly. […] Monsieur alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre, qui est toujours fort triste et assez incommodée. […]
[p. 346] Samedi 5, à Versailles. […] Le roi partit de Marly sur les cinq heures. […] En partant de Marly, il alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre et revint tard à Versailles.
[…]
[p. 349] Jeudi 10, à Versailles. […] Monseigneur alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre, et y mena madame la princesse de Conty. […]
[p. 350] Vendredi 11, à Versailles. […] Le Roi, après le sermon, alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 359] Jeudi 24, à Versailles. Le Roi dîna à son petit couvert et alla à Saint Germain l’après dînée voir la reine d’Angleterre. Il devoit aller à la volerie, mais le vilain temps l’en empêcha. […]
Vendredi 25, à Versailles. […] Monseigneur, après le sermon, alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre, qui a été malade tous ces jours passés.
[…]
[p. 363] Mercredi 30, à Marly. […] Le Roi joua hier en arrivant, et après son souper, aux portiques. Aujourd’hui, il a joué encore après son dîner et puis, à six heures, il est allé voir la reine d’Angleterre à Saint Germain.
[…]
[p. 367] Mardi 5 [avril], à Versailles. […] Monseigneur courut le cerf à Saint Germain avec les chiens de M. le duc du Maine. […]
[p. 368] Mercredi 6, à Versailles. […] La reine d’Angleterre alla hier aux religieuses de Chaillot, où elle passera toute la semaine. Le Roi lui a fait meubler un appartement.
[…]
[p. 370] Dimanche 10, jour de Pâques, à Versailles. […] [p. 371] La reine d’Angleterre est sortie ce soir du couvent de Chaillot et est retournée à Saint Germain. Le Roi lui a envoyé proposer de venir demain souper à Marly.
[…]
[p. 373] Jeudi 14, à Versailles. Le Roi, après son dîner, alla à Saint-Germain voir la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 378] Jeudi 21, à Versailles. […] La reine d’Angleterre est allée coucher aux filles Sainte Marie, à Chaillot. […]
Vendredi 22, à Versailles. […] La reine d’Angleterre alla à Paris, et communia [p. 379] à Notre Dame. L’archevêque la reçut à la porte à la tête du chapitre.
[…]
[p. 381] Mardi 26, à Versailles. Le Roi alla dîner à Marly […]. Après son dîner, il alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre, qui est revenue de Chaillot, où elle a passé quelques jours, pendant lesquels elle a été deux fois à Paris.
[…]
[p. 383] Vendredi 29, à Versailles. […] Messeigneurs les ducs de Bourgogne, d’Anjou et de Berry allèrent pour la première fois à Saint Germain voir la reine d’Angleterre et le duc d’York. La reine les vint recevoir à la porte de sa chambre, et leur donna des fauteuils. Chez M. le prince de Galles, on mit quatre fauteuils, et les trois princes étoient au dessus de lui.
[…]
[p. 384] Dimanche 1er mai, à Versailles. […] Monseigneur alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 388] Vendredi 6, à Marly. […] Monsieur alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 390] Lundi 9, à Versailles. […] Monseigneur alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre et y mena Mademoiselle et madame de Guise ; les petites filles de France n’y vont point si le Roi, Monseigneur, Monsieur ou Madame n’y vont, parce qu’elles n’ont qu’un siège ployant. Il y a quatre dames de la reine d’Angleterre qu’elle fait asseoir quand il y a quelque princesse ou duchesse françoise : madame Powits, comme duchesse angloise, madame de Montecuculli, qu’on a fait comtesse d’Almont, comme sa dame d’honneur, et mesdames de Sussex et de Waldegrave, comme fille de roi. C’est le Roi notre maître qui leur a donné ce [p. 391] rang là, car elles n’en ont aucun en Angleterre. […]
Mardi 10, à Versailles. Le Roi travailla l’après dînée jusqu’à cinq heures avec M. de Seignelay et puis alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 394] Dimanche 15, à Versailles. […] Monseigneur alla l’après dînée à Saint Germain voir la reine d’Angleterre. […]
Lundi 16, à Versailles. Le Roi dîna à Marly et [p. 395] l’après dînée il alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre. Le prince de Galles vint ici voir madame la Dauphine et messeigneurs ses enfants.
[…]
[p. 399] Lundi 23, à Versailles. Le Roi travailla l’après dînée jusqu’à quatre heures avec M. de Seignelay, et puis alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 407] Lundi 6 [juin], à Versailles. […] Monseigneur a été à Saint Germain voir la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 408] Mercredi 8, à Versailles. […] Le Roi alla dîner à Marly […]. L’après dînée, il alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 412] Mercredi 15, à Versailles. […] Monseigneur suivit le Roi à cheval à la portière de son carrosse, à son [p. 413] retour de Saint Germain où il avoit été voir la reine d’Angleterre.
[…]
Vendredi 17, à Marly. […] [p. 414] La reine d’Angleterre est allée à Chaillot, où elle demeurera jusqu’à dimanche au soir. Demain elle ira dans deux ou trois couvents à Paris, comme elle a accoutumé à tous les petits voyages qu’elle y fait.
[…]
[p. 415] Lundi 20, à Versailles. […] La reine d’Angleterre a fait une petite fête à Saint Germain pour le jour de la naissance de M. le duc d’York, qui a aujourd’hui un an.
[…]
[p. 416] Mercredi 22, à Marly. Le Roi alla sur les quatre heures à Saint Germain voir la reine d’Angleterre, et puis revint ici.
[…]
[p. 417] Vendredi 24, à Marly. […] Monseigneur s’alla promener, le soir, avec madame la princesse de Conty, dans les prairies qui sont au dessous de Saint Germain. […]
[p. 418] Samedi 25, à Versailles. […] Monseigneur, après les portiques, alla à Saint Germain avec madame la princesse de Conty. Ils demeurèrent une heure avec la reine d’Angleterre et puis revinrent ici.
[…]
[p. 424] Mercredi 6 [juillet], à Marly. Le Roi après son dîner alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre, et puis revint ici. […]
Jeudi 7, à Marly. Le Roi, après son dîner, monta [p. 425] en carrosse pour aller courre le cerf dans la forêt de Marly. Il y avoit donné rendez vous à la reine d’Angleterre. Il la trouva dans la grande route. Elle se mit en calèche avec lui. Ils virent souvent la chasse, qui fut fort belle, et puis le Roi revint ici et la reine retourna à Saint Germain. Monseigneur, Madame et les princesses coururent à cheval.
[…]
[p. 427] Lundi 11, à Versailles. […] La reine d’Angleterre alla à Saint Cyr, où madame de Maintenon la reçut. Il n’y eut de femmes de la cour que madame la comtesse de Grammont.
[…]
[p. 428] Mercredi 13, à Versailles. Le Roi alla à quatre heures à Saint Germain voir la reine d’Angleterre, et puis revint à Marly changer d’habit et revint par son grand parc en tirant. Monseigneur alla aussi à Saint Germain et en repartit avant que le Roi y arrivât.
[…]
[p. 430] Samedi 16, à Versailles. Le Roi alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre, qui lui avoit mandé qu’elle souhaitoit venir à Versailles pour lui parler. Le Roi fut assez longtemps avec elle, puis il vint à Trianon, où il passa toute la soirée.
[…]
[p. 437] Vendredi 29, à Versailles. Le Roi alla sur les quatre heures à Saint Germain voir la reine d’Angleterre. Monseigneur y étoit allé en sortant de table et en repartit quand le Roi y arriva.
[…]
[p. 443] Lundi 8 [août], à Versailles. Le Roi, après son dîner, alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre, et puis revint à Marly.
[p. 446] Samedi 13, à Versailles. […] Milord Douvre est arrivé, et est allé trouver la reine d’Angleterre à Chaillot.
[…]
[p. 449] Mercredi 17, à Versailles. Le Roi, après son dîner, alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre, et puis revint à Marly où il se promena longtemps.
[…]
[p. 457] Dimanche 28, à Versailles. […] Monseigneur alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre, puis revint à Trianon faire collation avec madame la princesse de Conty.
[p. 460] Mardi 30, à Versailles. Le Roi, après dîner, alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 465] Mardi 6 [septembre], à Versailles. Le Roi alla après son dîner à Saint Germain, voir la reine d’Angleterre, et puis revint à Trianon.
[…]
[p. 467] Samedi 10, à Versailles. Le Roi alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre, et puis revint à Marly.
[…]
[p. 468] Lundi 12, à Versailles. […] Monseigneur alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre. […]
[p. 469] Mardi 13, à Versailles. Le Roi, après dîner, alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 477] Mardi 27, à Versailles. Le Roi, après dîner, alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre.
[…]
[tome 3, p. 2] Mardi 4 [octobre], à Versailles. Le Roi alla à Saint Germain [p. 3] dire adieu à la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 13] Lundi 24, à Versailles. Le Roi, Monseigneur et Monsieur allèrent tous trois séparément voir la reine d’Angleterre à Saint Germain.
[…]
[p. 15] Dimanche 30, à Versailles. Le Roi, après son dîner, alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre, qui est fort aise de voir qu’on envoie un secours considérable en Irlande. On ne dit point encore quels sont les bataillons qu’on envoie en ce pays là, mais les ordres sont partis pour les faire marcher.
[…]
[p. 17] Jeudi 3 [novembre], à Marly. […] Monseigneur alla courre le loup à Saint Germain.
[…]
[p. 19] Lundi 7, à Versailles. […] Monseigneur courut le cerf à Saint Germain avec les chiens de M. du Maine.
[…]
[p. 20] Mercredi 9, à Versailles. […] Le Roi alla, après son dîner, à Marly. Il y demeura quelque temps à voir planter, puis il alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 24] Samedi 12, à Versailles. […] Le Roi, après don dîner, alla à Marly, où il s’amusa à faire planter. Monseigneur l’y vint trouver après avoir couru le cerf avec les chiens de M. du Maine à Saint Germain.
[…]
[p. 26] Samedi 19, à Versailles. Le Roi revint ici après avoir été à Saint Germain vers la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 29] Samedi 26, à Versailles. […] Monseigneur alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre. Monsieur y alla aussi, et y mena Mademoiselle, madame de Guise et madame la grande duchesse. Les princesses n’y vont jamais sans Monsieur ou Madame, parce que la reine d’Angleterre ne leur donne qu’un tabouret.
[…]
[p. 33] Samedi 3 [décembre], à Versailles. […] Monseigneur courut le loup dans la forêt de Saint Germain.
[…]
[p. 34] Lundi 5, à Versailles. […] M. Porter est arrivé à Saint Germain. Le roi d’Angleterre l’avoit fait partir d’Irlande pour aller de sa part à Rome. Mais le Roi, ayant jugé [p. 35] à propos qu’il y eût à Rome un ministre du roi d’Angleterre, y avoit déjà envoyé milord Melford. Ainsi M. Porter demeurera en France et se tiendra auprès de la reine d’Angleterre. […]
Mardi 6, à Versailles. […] Monseigneur alla l’après dînée à Saint Germain voir la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 38] Mercredi 14, à Marly. Le Roi, après son dîner, alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre et arriva à Marly de bonne heure.
[…]
[p. 43] Mercredi 28, à Versailles. […] Monseigneur alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre, qui a passé les fêtes à Chaillot.
[…]
[p. 54] Mardi 17 [janvier 1690], à Versailles. […] Monseigneur alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 55] Jeudi 19, à Versailles. Le Roi, après son dîner, alla à Saint Cyr voir représenter Esther. La reine d’Angleterre y vint de Saint Germain. Elle versa en carrosse. Son cocher qui le menoit avoit été cocher de Cromwell.
[…]
[p. 58] Mardi 24, à Versailles. […] Milord Waldegrave est mort à Saint Germain. Il avoit épousé une fille du roi d’Angleterre et de mademoiselle Churchill, et c’est lui que le roi d’Angleterre avoit laissé auprès de la reine sa femme, avec toute sa confiance en ses affaires. […]
Mercredi 25, à Marly. Le Roi, après don dîner, partit de Versailles et alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre. Il revint sur les six heures à Marly.
[…]
[p. 62] Samedi 4 [février], à Versailles. […] Monseigneur courut le cerf dans la forêt de Saint Germain avec les chiens de M. du Maine. […] La reine d’Angleterre, qui étoit à Chaillot, est revenue à Saint Germain ; mais les eaux sont tellement débordées qu’elle a été contrainte d’aller de Chaillot à Montmartre, de Montmartre à Paris, de Paris passer par Versailles pour aller à Saint Germain.
[…]
[p. 66] Lundi 13, à Versailles. […] Monseigneur alla l’après dînée avec madame la princesse de Conty à Saint Germain voir la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 69] Lundi 20, à Versailles. […] Monseigneur courut le cerf à Saint Germain avec les chiens de M. du Maine.
[…]
[p. 70] Samedi 25, à Versailles. Le Roi fut à Saint Germain voir la reine d’Angleterre. Monseigneur y alla aussi avec Monsieur, la grande Mademoiselle et madame de Guise.
[…]
[p. 74] Jeudi 9 [mars], à Versailles. […] Monseigneur alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 76] Samedi 11, à Versailles. Le Roi alla tirer, et puis passa à Marly pour se rhabiller, et de là il fut à Saint Germain voir la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 77] Lundi 13, à Versailles. […] Monseigneur alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 85] Mercredi 29, à Versailles. Le Roi dîna à son petit couvert, alla tirer, puis passa à Marly pour changer d’habit. Et de là, il alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 86] Vendredi 31, à Versailles. […] Monseigneur dîna chez lui avec madame la princesse de Conty, et puis alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre. […]
Samedi 1er avril, à Versailles. Le Roi a dîné à son petit couvert et est allé tirer. Monseigneur a courut le loup dans la forêt de Saint Germain avec les chiens de M. du Maine.
[…]
[p. 97] Mercredi 12 [avril], à Marly. Le Roi, après son dîner, alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre, et puis vint ici où il se promena longtemps.
[…]
[p. 99] Dimanche 16, à Versailles. […] Monseigneur alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 118] Dimanche 7 [mai], à Versailles. […] Le Roi a été voir la reine d’Angleterre. Monseigneur y a été ensuite et y a mené dans son carrosse M. le duc de Bourgogne ; il y fit monter M. de Beauvilliers. La reine d’Angleterre demanda à Monseigneur s’il ne falloit point donner un fauteuil à M. le duc de Bourgogne et lui en fit donner un. Ensuite Monsieur et Madame vinrent et eurent des fauteuils. M. de Chartres n’eut qu’un pliant. Madame la maréchalle de La Mothe y mena aussi M. le duc d’Anjou et M. le duc de Berry après que Monseigneur en fut sorti.
[…]
[p. 123] Lundi 15, à Versailles. […] Monseigneur alla à Chaillot dire adieu à la reine d’Angleterre, qui y passera la semaine pour y faire son jubilé.
[…]
[p. 237] Vendredi 20 [octobre], à Fontainebleau. M. de Lauzun et M. de La Hoguette ont eu chacun séparément une grande audience du Roi, et puis M. de Lauzun est allé à Saint Germain trouver le roi d’Angleterre.
[…]
[p. 239] Vendredi 27, à Versailles. […] Le duc de Tyrconnel est arrivé à Saint Germain ; le roi d’Angleterre le vouloit amener au Roi, mais le Roi l’a prié d’attendre jusqu’à dimanche, parce qu’il le vouloit entretenir à loisir, et que demain il a beaucoup d’affaires. On a déjà envoyé deux barques en Irlande pour assurer les Irlandois qui demeurent fidèles au roi leur maître que le Roi leur enverra les secours qui leur sont nécessaires.
[…]
[p. 242] Jeudi 2 [novembre], à Marly. […] Monseigneur a couru le cerf à Saint Germain avec les chiens de M. du Maine, et arriva ici un peu après le Roi. Monsieur et Madame vinrent ici de Saint Cloud et passèrent par Saint Germain pour voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 247] Samedi 11, à Versailles. […] Monseigneur donna à dîner à [p. 248] madame la princesse de Conty, et puis alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 249] Mardi 14, à Versailles. […] Le Roi, après son dîner, alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre. Le duc de Tyrconnel repart incessamment pour l’Irlande, mais on n’a pas déclaré les officiers qui partent avec lui.
[…]
[p. 250] Jeudi 16, à Versailles. […] Le Roi a longtemps entretenu M. de Tyrconnel ; il avoit couché ici. Le Roi lui fait donner une chambre dans le château quand il couche ici. Le roi d’Angleterre lui donne l’ordre de la Jarretière. Il a la place du duc de Grafton, mort en Irlande dans les troupes du prince d’Orange.
[…]
[p. 253] Mercredi 22, à Marly. […] Monseigneur et Madame coururent le cerf dans la forêt de Saint Germain avec les chiens de M. du Maine et arrivèrent ici avant le Roi.
[…]
[p. 263] Mercredi 20 [décembre], à Versailles. […] Monseigneur alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 266] Mercredi 27, à Marly. Le Roi alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre, et arriva ici sur les six heures.
[…]
[p. 272] Jeudi 11 [janvier 1691], à Versailles. Le Roi alla voir le roi et la reine d’Angleterre à Saint Germain.
[…]
[p. 274] Vendredi 19, à Versailles. […] Monseigneur alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 280] Jeudi 1er février, à Versailles. […] Le roi d’Angleterre s’est trouvé un peu incommodé et s’est fait saigner à Saint Germain.
[…]
[p. 283] Jeudi 8, à Versailles. Le Roi dîna à son petit couvert et puis alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 284] Samedi 10, à Versailles. […] Monseigneur alla avec les princesses à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 292] Mercredi 28, à Marly. […] Ces jours passés, à Saint Germain, des Anglois, frères du comte de Salisbury, se querellèrent, se battirent et se blessèrent très dangereusement. Après leur combat, ils se raccommodèrent, se demandèrent pardon l’un à l’autre, firent venir un prêtre et abjurèrent la religion protestante, dont ils étaient. Depuis ce temps là, l’aîné, qui avoit dix neuf ans, est mort de sa blessure, et le cadet est encore fort malade, et l’on dit qu’il n’attend que sa guérison pour se mettre à la Trappe.
[…]
[p. 293] Samedi 3, à Versailles. Le Roi alla le matin à la chasse, et revint dîner à Marly. L’après dînée, il alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 296] Mercredi 7, à Versailles. Le Roi, après son dîner à Versailles, alla au sermon et puis vint ici en chassant. Monseigneur y étoit déjà arrivé, après avoir couru le cerf à Saint Germain.
[…]
[p. 299] Mercredi 14, à Versailles. Le Roi, à son lever, déclara qu’il marcheroit samedi pour aller à Mons, qui est investi par M. de Boufflers. […] Le Roi a été cette après dînée dire adieu au roi et à la reine d’Angleterre, qui demeureront à Saint Germain.
[…]
[p. 302] Vendredi 16, à Versailles. Le Roi ne sortit point de tout le jour, ni Monseigneur non plus. Le roi et la reine d’Angleterre vinrent prendre congé d’eux. Le roi d’Angleterre souhaitoit fort d’accompagner le Roi au siège de Mons, et l’a fort pressé là dessus, mais le Roi, à cause des embarras que cela auroit pu faire, l’a prié de vouloir bien demeurer à Saint Germain. La Maison du Roi et tous ses équipages sont partis aujourd’hui ; on ne laissa ici pour la garde des princes qu’un lieutenant aux gardes et quatre vingt soldats des moins en état de marcher. Il reste quatre vingt gardes du corps pour demeurer auprès d’eux et auprès du roi d’Angleterre à Saint Germain.
[…]
[p. 326] Jeudi 19 [avril], à Versailles. Le Roi, après son dîner, alla voir le roi et la reine d’Angleterre. […]
Vendredi 20, à Versailles. […] Monseigneur voulut aller à Saint Germain voir le roi d’Angleterre, mais il étoit allé à Paris pour voir Monsieur.
[…]
[p. 327] Lundi 23, à Versailles. […] Monseigneur courut le cerf le matin, revint dîner ici, et puis alla à Saint Germain voir LL. MM. BB.
[…]
[p. 333] Samedi 5 [mai], à Versailles. Le Roi, après son dîner, alla à Marly et à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 334] Mardi 8, à Versailles. […] Monseigneur alla avec madame la princesse de Conty à Saint Germain pour voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 335] Samedi 12, à Versailles. […] La reine d’Angleterre a choisi pour gouvernante du prince de Galles la comtesse d’Errol, arrivée depuis peu d’Ecosse. Elle est veuve, son mari étoit connétable héréditaire du royaume d’Ecosse.
[…]
[p. 353] Jeudi 28 [juin], à Versailles. Le Roi, après son dîner, alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 359] Samedi 14 [juillet], à Versailles. […] Monseigneur alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 371] Vendredi 27, à Versailles. Le Roi, après son dîner, alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre, puis s’alla promener à Marly.
[…]
[p. 390] Mardi 28 [août], à Marly. Le Roi, après avoir dîné à Versailles, alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre. Il régla avec eux qu’ils viendraient de Saint Germain passer dix jours à Fontainebleau.
[…]
[p. 393] Mercredi 5 [septembre], à Versailles. […] Monseigneur alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 428] Vendredi 9 [novembre,] à Versailles. […] [p. 429] L’après dînée, le Roi s’amusa à Marly à faire planter jusqu’à la nuit, et puis revint ici avec les dames, qui étoient allées à Saint Germain voir la reine d’Angleterre pendant que le Roi faisoit planter.
[…]
[p. 440] Dimanche 9 [décembre], à Versailles. Le roi d’Angleterre s’en va en Bretagne vers Brest pour se faire voir aux Irlandois qui sont arrivés. Il en formera des régiments selon qu’il jugera à propos. Il partira samedi qui vient, et a prié le Roi que partout où il passeroit, on ne lui rendit aucuns honneurs, afin d’éviter les embarras.
[…]
[p. 441] Jeudi 13, à Versailles. Monseigneur alla à Saint Germain dire adieu au roi d’Angleterre, qui part samedi.
[…]
[p. 442] Samedi 15, à Versailles. Le roi d’Angleterre partit de Saint Germain pour son voyage de Brest. Le Roi lui donne deux relais de carrosse jusqu’à Orléans, où il s’embarquera pour descendre la Loire. Il ne mène avec lui que le duc de Berwick, son fils, et a prié le Roi qu’on ne lui fît aucuns honneurs sur la route.
[…]
[p. 444] Samedi 22, à Versailles. Le Roi alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre.
[…]
[tome 4, p. 3] Samedi 5 [janvier 1692], à Versailles. […] Le roi d’Angleterre mande au Roi que, des Irlandois qui ont passé en France, il en a déjà composé sept régiments d’infanterie de quatorze cents hommes, qui feront chacun deux bataillons, et un régiment de cavalerie de six cents chevaux. Il n’a point encore nommé les colonels ; il placera la plupart de ceux qui sont venus, qui sont en très grand nombre, dans son régiment des gardes, qui est un des sept qu’il a composés. Outre cela, il attend encore quatre ou cinq mille hommes qui doivent passer avec Sarsfield.
[…]
[p. 6] Lundi 7, à Versailles. […] La grossesse de la reine d’Angleterre continue ; elle ne sort plus de sa chambre ; elle a senti son enfant remuer. Le roi, son mari, lui a mandé qu’il arriveroit vendredi.
[…]
[p. 8] Vendredi 11, à Versailles. Le roi d’Angleterre revint [p. 9] de son voyage de Bretagne. […]
Samedi 12, à Versailles. Le Roi alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre. Il souhaitoit que le Roi fit habiller de rouge tous les régiments irlandois et qu’ils eussent une paye plus forte que les françois, mais cela ne se fera point. Il souhaite aussi que le Roi fasse deux régiments de cavalerie des six cents cavaliers qui ont passé, et le Roi y consent. Il y aura outre cela deux compagnies de ses gardes à cheval et un régiment de dragons à pied. Le roi d’Angleterre compte qu’avec les Irlandois que commande milord Montcassel, et ceux qui viennent de passer avec Sarsfiels, il y aura vingt mille Irlandois dans le service de France.
[…]
[p. 21] Dimanche 10 [février], à Versailles. […] Le Roi a été cette après dînée à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 34] Vendredi 22, à Versailles. Le Roi envoie à Metz les Irlandois des deux compagnies des gardes du roi d’Angleterre et de ses deux régiments de cavalerie ; on y a déjà acheté leurs chevaux. Le roi d’Angleterre a choisi le duc de Berwick, son fils, et Sarsfield, qu’il a fait milord Lucan, pour commander ses deux compagnies des gardes ; et il a donné ses deux régiments de cavalerie, qui seront de trois cents chevaux chacun, à milord Galmoy, Irlandois, et l’autre à Shelton. […]
Samedi 23, à Versailles. Le Roi alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre. Monsieur y mena madame la duchesse de Chartres.
[…]
[p. 38] Jeudi 28, à Versailles. […] Monseigneur alla avec madame la princesse de Conty dire adieu au roi et à la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 44] Vendredi 14 [mars], à Versailles. Le Roi alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 45] Dimanche 16, à Versailles. […] M. le Dauphin alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre. M. le Dauphin a dit au roi d’Angleterre que le Roi comptoit avoir cette année en campagne, en Flandre, cent cinquante six mille hommes.
[…]
[p. 47] Mercredi 19, à Versailles. M. le duc du Maine épousa mademoiselle de Charolois à la messe du Roi. Sur les [p. 48] six heures, on entra dans l’appartement dès que le roi d’Angleterre fut arrivé. […] [p. 49] La reine d’Angleterre n’est point venue à toutes ces cérémonies de mariage parce que sa grossesse l’en a empêché. Elle ne sort pas même de sa chambre. […]
Jeudi 20, à Versailles. […] [p. 50] Milord Dumbarton est mort à Saint Germain. Il étoit premier gentilhomme de la chambre du roi d’Angleterre. Il avoit été général de ses troupes. Il avoit été lieutenant général en France, où il avoit servi longtemps sous le nom de milord Douglas. Il étoit frère du duc d’Hamilton et étoit chevalier de Saint André, qui est l’ordre d’Ecosse, et qui porte le cordon bleu comme les chevaliers de la Jarretière.
[…]
[p. 53] Vendredi 28, à Marly. […] Monseigneur courut le loup dans la forêt de Saint Germain. […]
[p. 54] Samedi 29, à Versailles. Le Roi alla tirer l’après dînée, et puis alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre, et revint ici sur les sept heures. Monseigneur courut encore le loup à Saint Germain et revint ici de bonne heure.
[…]
[p. 55] Lundi 31, à Versailles. […] Monseigneur alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre, et madame la Princesse se servit de cette occasion là pour présenter madame la duchesse du Maine à la reine d’Angleterre. Les Petites Filles de France ni les princesses du sang n’y vont jamais que Monseigneur, Monsieur, ou Madame n’y soient, parce que la reine ne leur fait donner que des tabourets, et qu’ils prétendroient des chaises si Monseigneur, Monsieur ou Madame n’y étoient pas.
[…]
[p. 57] Lundi 7 [avril], à Versailles. Le Roi alla tirer, passa à Marly, où il se promena assez longtemps, et alla ensuite à Saint Germain voir la reine d’Angleterre, qui est assez incommodée. On craint qu’elle ne se soit blessée pour avoir trop longtemps été à genoux.
[…]
[p. 60] Lundi 14, à Versailles. […] Monseigneur alla à saint Germain dire adieu au roi d’Angleterre, qui part au plus tard dans huit jours.
[…]
[p. 61] Mercredi 16, à Versailles. […] On ne doute plus présentement que le roi d’Angleterre ne s’embarque et que le dessein ne soit de faire une descente en Angleterre ; cependant le prince d’Orange demeure tranquillement à Loo à chasser. Le roi d’Angleterre aura deux lieutenants généraux et trois maréchaux de camp dans ses troupes ; les lieutenants généraux sont Richard Hamilton, qui doit incessamment revenir d’Angleterre, où il étoit prisonnier, et milord Lucan, celui qui a amené les quatre mille Irlandois en ce pays ici. Les trois maréchaux de camps sont milord Galmoy, Shelton et Wacop.
[…]
[p. 62] Samedi 19, à Versailles. Le Roi a commandé à M. de Montchevreuil de demeurer, durant le voyage qu’on va faire, auprès de la reine d’Angleterre, qui sera bien seule quand le roi son mari sera parti ; la plupart des Anglois le suivent. Madame de Montchevreuil demeurera avec son mari. Le Roi est bien aise, durant son absence, d’avoir des gens de confiance auprès de la reine d’Angleterre. Sa grossesse va toujours bien ; elle n’a point été blessée, comme on l’avoit craint. […]
Dimanche 20, à Versailles. Le roi alla à Saint Germain dire adieu au roi d’Angleterre. […] Le roi d’Angleterre a fait trois chevaliers de la Jarretière : le prince de Galles, le duc de Powis, et milord Melford, qui étoit déjà chevalier de l’ordre de Saint André d’Ecosse. Le prince d’Orange, de son côté, fait des chevaliers, et a donné l’ordre à l’électeur de Bavière. […]
Lundi 21, à Versailles. Le roi d’Angleterre est parti de Saint Germain pour s’en aller en Normandie voir les Irlandois qui sont dans l’armée du maréchal de Bellefonds.
[…]
[p. 63] Jeudi 24, à Marly. […] [p. 64] Les Anglois qui étoient demeurés à Saint Germain après le roi d’Angleterre sont venus ici prendre congé du Roi et se préparent tous à aller s’embarquer avec le roi leur maître.
[…]
[p. 66] Mercredi 30, à Marly. Le Roi alla à Saint Germain avec la reine d’Angleterre, et arriva ici sur les six heures.
[…]
[p. 67] Vendredi 2 [mai], à Marly. […] Monseigneur alla à Saint Germain voir la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 72] Mercredi 7, à Versailles. […] Monseigneur alla à Saint Germain avec madame la princesse de Conty dire adieu à la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 84] Mardi 27, au camp devant Namur. […] La reine douairière d’Angleterre, en allant de Pontoise à Saint Denis, passa par dessus certaines formalités et alla à Saint Germain voir la reine sa belle sœur, avec qui elle fut deux heures. On avoit envoyé le prince de Galles sur son chemin au devant d’elle.
[…]
[p. 116] Mercredi 25 juin, devant le château de Namurs. […] [p. 117] L’armée qui étoit en Normandie est séparée. Le roi d’Angleterre est retourné à Saint Germain.
[…]
[p. 122] Mardi 1er juillet, devant le château de Namurs. […] On a eu nouvelles de Saint Germain que la reine d’Angleterre étoit accouchée d’une fille.
[…]
[p. 130] Vendredi 18, à Versailles. Le Roi alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre. […]
Samedi 19, à Versailles. […] Monseigneur alla avec beaucoup de princesses à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 137] Mardi 5 [août], à Versailles. Le Roi alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 143] Dimanche 10, à Marly. […] [p. 146] Monseigneur le Dauphin [p. 147] alla l’après dînée à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre, qui lui dirent que milord Montjoy a été tué [p. 148] au combat d’Enghien. C’est lui qui étoit à la Bastille et qui fut échangé il y a quelques mois contre Hamilton.
[…]
[p. 157] Samedi 23, à Versailles. Le Roi, Monseigneur, Monsieur, Madame, les princesses et toutes les dames allèrent à Saint Germain, où se fit la cérémonie du baptême de la petite princesse d’Angleterre, que le Roi et Madame tinrent sur les fonts. Elle fut nommée Louise-Marie.
[…]
[p. 168] Samedi 13 [septembre], à Versailles. […] Monseigneur courut le cerf le matin à Marly et l’après dînée alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 178] Lundi 6 [octobre], à Fontainebleau. […] [p. 179] Les armateurs en Bretagne ont tant fait de prises depuis la déclaration de la guerre qu’on croit que M. de Chaulnes a eu pour sa part huit ou neuf cents mille francs. Il a le dixième, ayant les droits d’amirauté qui sont attachés au gouvernement de sa province. Quelques armateurs de Saint Malo ont pris des commissions du roi d’Angleterre et portent sa bannière. Par là, ce sera le roi d’Angleterre qui profitera de ce qui seroit revenu à M. de Chaulnes des prises qu’ils feront, et le Roi a permis aux armateurs d’en user ainsi.
Mardi 7, à Fontainebleau. Le roi et la reine d’Angleterre partirent de Saint Germain et arrivèrent ici ; ils ont amené plus de dames et une plus grosse Cour que l’année passée. Ils logent dans le grand appartement et on leur fait tous les mêmes traitements que les autres voyages. Le Roi mange toujours en public avec eux et toutes les princesses y mangent aussi. La reine est placée au milieu des deux rois. Le roi d’Angleterre a la droite partout. On jouera au lansquenet le jour d’appartement parce que la reine aime ce jeu là.
[…]
[p. 195] Jeudi 6 [novembre], à Marly. […] Monseigneur est allé courre le loup dans la forêt de Saint Germain, mais il n’en trouva point et il revint dîner ici.
[…]
[p. 197] Mardi 11, à Versailles. Monseigneur alla sur les dix heures du matin voir une course de chevaux qui se faisoit au Pecq ; le roi et la reine d’Angleterre y étoient. La course fut fort belle et le cheval du grand prieur gagna de deux longueurs de cheval. Le Roi alla, l’après dînée, à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 205] Mercredi 3 [décembre], à Marly. […] Monseigneur alla à Saint Germain avec la princesse de Conty voir le roi et la reine d’Angleterre, et puis vint ici.
[…]
[p. 221] Lundi 12 [janvier 1693], à Versailles. Le Roi alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 228] Vendredi 30, à Versailles. […] Monseigneur courut le cerf dans la forêt de Saint Germain avec les [p. 229] chiens du duc du Maine. Daunai, premier écuyer de M. le duc du Maine, fit une chute dont il est en grand danger.
[…]
[p. 235] Vendredi 13 [février], à Marly. Le Roi alla l’après dînée voler dans la plaine de Vésinet. Les princesses étoient à cheval, le roi et la reine d’Angleterre étoient à la volerie, et le prince de Danemark étoit allé à Saint Germain prendre congé de LL. MM. BB. et s’y trouva aussi, et le Roi lui fit donner des chevaux pour avoir le plaisir de la chasse.
[…]
[p. 250] Mercredi 25 [mars], à Versailles. […] La reine d’Angleterre, qui étoit assez malade ces jours ci, se porte considérablement mieux. […]
[p. 251] Jeudi 26, à Versailles. […] Monseigneur alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre. […]
Vendredi 27 mars, à Versailles. […] [p. 252] Le Roi alla l’après dînée à Marly et à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre. La reine se porte beaucoup mieux.
[…]
[p. 256] Jeudi 16 [avril], à Versailles. Le Roi donna, le matin, une longue audience dans son cabinet à milord Middleton, qui s’est sauvé d’Angleterre. Il a passé en Hollande déguisé et de là est venu ici sans être reconnu. Il étoit secrétaire d’Etat sous le feu roi d’Angleterre et, sous celui-ci, il étoit relégué chez lui dans la contrée depuis que le prince d’Orange est maître du pays.
[…]
[p. 271] Jeudi 23, à Marly. Le Roi se promena le matin dans ses jardins et alla l’après dînée voir à Saint Germain le roi et la reine d’Angleterre. […] Le roi d’Angleterre a fait milord Middleton son premier ministre et chef de son conseil. Il sera devant milord Melford, qu’il n’a point fait de difficulté de lui céder. Les Anglois ont beaucoup de confiance en milord Middleton ; il a toujours passé pour homme de beaucoup d’esprit et de beaucoup de probité. Il assure que le prince d’Orange a laissé vingt cinq mille hommes de ses meilleures troupes en Angleterre.
[…]
[p. 286] Jeudi 14, à Versailles. Le Roi et Monseigneur se promenèrent dans les jardins ; Monseigneur avoit été à Saint Germain, l’après dînée, dire adieu au roi et à la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 288] Samedi 16, à Versailles. Le Roi alla à Saint Germain dire adieu au roi et à la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 315] Mardi 30 [juin], à Versailles. […] Le Roi alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 344] Jeudi 20 [août], à Versailles. […] Le roi d’Angleterre a donné la charge de capitaine de ses gardes à milord Lancarty, qui fut pris en Irlande et qui est encore prisonnier en Angleterre ; c’est la charge qu’avoit milord Lucan.
[…]
[p. 358] Dimanche 13 [septembre], à Versailles. […] Monseigneur alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 359] Mardi 15, à Versailles. Le Roi alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 383] Samedi 24 [octobre], à Versailles. […] Le roi d’Angleterre a donné au chevalier Scott le régiment d’infanterie de la reine sa femme, que commandoit Wacop, tué à la Marsaglia. Le chevalier Scott est un vieil officier qui a longtemps servi en France et c’est lui qui, en Irlande, défendit Kinsale contre le prince d’Orange.
[…]
[p. 385] Mercredi 28, à Versailles. Le Roi alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 386] Vendredi 30, à Versailles. […] Monseigneur alla avec madame la princesse de Conty à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 397] Mardi 17 [novembre], à Versailles. […] Le roi d’Angleterre a donné les deux régiments de dragons qui vaquoient dans ses troupes, le sien et celui de la reine, l’un à milord Kilmaluc et l’autre à milord O’Brien. Kilmaluc étoit lieutenant colonel du régiment de ses gardes, et O’Brien étoit lieutenant d’une compagnie des gardes du corps. O’Brien est devenu milord par la mort de son frère aîné, mort de maladie depuis quinze jours, qui étoit colonel d’un des trois régiments irlandois dont le Roi dispose sans que le roi d’Angleterre s’en mêle, et Sa Majesté a donné ce régiment à un ancien lieutenant colonel irlandois nommé Lee.
[…]
[p. 402] Jeudi 26, à Versailles. Le Roi alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 409] Jeudi 10 [décembre], à Versailles. […] Monseigneur alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 412] Vendredi 18, à Marly. […] Monseigneur courut le loup dans la forêt de Saint Germain.
[…]
[p. 439] Samedi 16 [janvier 1694], à Versailles. […] Monseigneur alla de Marly à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 459] Vendredi 5 [mars], à Versailles. […] Monseigneur alla courre le cerf à Saint Germain avec les chiens de M. le duc du Maine, qui lui donna à dîner au retour de la chasse, dans sa maison de Saint Germain.
[…]
[p. 484] Jeudi 29 [avril], à Trianon. On a vu le Roi ce matin à son lever et à sa messe, comme à Versailles. Il a tenu conseil ce matin à son ordinaire, et après dîner il a été à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[tome 5, p. 17] Jeudi 27 [mai], à Versailles. Le roi d’Angleterre a ôté à milord Milford la place de premier ministre qu’il avoit auprès de lui avec son entière confiance. Il y avoit à Saint Germain une cabale fort opposée à lui et, outre cela, tous les serviteurs que le roi d’Angleterre conserve en ce pays là accusoient ce milord de ne pas être assez fidèle à son maître. On croit que le milord Greffin, nouvellement arrivé de Londres, a achevé de déterminer S. M. B. à ce changement dans son conseil.
[…]
[p. 20] Mercredi 2 [juin], à Marly. […] L’après dînée, Sa Majesté alla à Saint Germain voir le roi et la reine d’Angleterre. On croit que LL. MM. BB. récompenseront milord Milford de quelque nouveau titre. Quoiqu’ils lui ôtent la place de leur premier ministre, ils ne laissent pas de paraître content de lui. On ne doute pas que sa place ne soit donnée à milord Middleton.
[…]
[p. 33] Jeudi 24, à Trianon. […] Hier, le Roi alla à Saint Germain avec les dames voir le roi et la reine d’Angleterre.
[…]
[p. 44] Mercredi 14 [juillet], voyage de Marly. Le Roi partit l’après dînée de Trianon, alla voir le roi et la reine d’Angleterre à Saint Germain, et arriva ici de bonne heure.
[…]
[p. 45] Vendredi 16, à Marly. Le Roi se promena tout le matin dans ses jardins ; après dîner, il alla tirer à Saint Germain d’où il ne revint qu’à neuf heures.
[…]
[p. 47] Mercredi 21, à Marly. […] [p. 48] Le Roi alla à Saint Germain avec les dames. Il les laissa aller faire leur cour à la reine d’Angleterre et il monta dans sa calèche pour aller tirer au bout de la forêt. En revenant de la chasse, il reprit les dames au château neuf chez madame de Montchevreuil.
[…]
[p. 72] Vendredi 3 [septembre], à Marly. […] Le Roi a ordonné beaucoup de routes nouvelles dans la forêt de Saint Germain, où il veut pouvoir courre le cerf en calèche comme dans la forêt de Marly.
[…]
[p. 102] Vendredi 5 [novembre], à Marly. Le Roi alla courre le cerf dans la forêt de Saint Germain, où il a fait force routes nouvelles. Madame vint de Paris à la chasse.
[…]
[p. 116] Mardi 7 [décembre], à Versailles. […] Il y a eu une batterie à Saint Germain entre des Anglois, gens de condition, et des enfants de quelques [p. 117] officiers du Roi ; deux Anglois ont été blessés à mort ; un de ceux là étoit gouverneur du château de Basse, à l’embouchure du Leith en Ecosse, qui est la dernière place qui ait tenu pour le roi d’Angleterre, et l’autre

Courcillon, Philippe (de)

Lettre de Philippe d’Orléans concernant l’arrestation du chevalier de Lorraine dans son appartement au Château-Neuf

« Monsieur, à M. Colbert
Villers Coterets, le 2 fevrier 1670
Monsieur Colbert,
Comme depuis quelque temps je vous crois de mes amis, et que vous etes le seul de ceux qui ont l’honneur d’approcher le Roi qui m’en ayez donné des marques dans l’epouvantable malheur qui me vient d’arriver, je crois que vous ne serez pas faché que je vous prie ici de dire au Roi que je suis venu ici avec la derniere douleur de me voir obligé de m’eloigner de lui, ou de demeurer avec honte à sa Cour. Que je le prie de considerer ce qu’on diroit dans le monde si l’on me voyoit gai et tranquille dans les plaisirs de Saint Germain et du carnaval, pendant qu’un prince innocent, le meilleur ami que j’aie sur la terre, et attaché à moi, languit pour l’amour de moi dans une miserable prison ; de plus, la manière dont on l’a pris a eté pour moi le plus sensible affront que je pusse recevoir, ayant eté longtemps incertain si c’etoit à ma personne que l’on en vouloit, ma chambre ayant eté assez longtemps environnée de toutes parts de gardes, tant [p. 462] aux portes qu’aux fenetres, et tous mes domestiques, epouvantés, me vinrent dire qu’ils ne savoient si c’etoit à moi qu’on en vouloit. De plus, le Roi fit demander à ma femme quel parti elle vouloit prendre ; cela marquoit dont qu’il avoit envie d’autoriser qu’elle ne fit pas son devoir à mon egard en me fuyant. Malgré toutes ces raisons, si je m’etois cru utile au service du Roi, je ne l’aurois pas quitté ; mais la manière dont il m’a traité toute sa vie me fait bien croire le contraire. Je sais que dans l’humeur où je suis, je ne pourrois lui etre que desagreable, et qu’il auroit de la peine meme à avoir à tous momens devant ses yeux un frere qu’il a mis dans le derniere desespoir, que cela seroit tres ennuyeux pour lui, et fort honteux pour moi, que je n’ai aucun dessein que de lui cacher ma sensible douleur, jusques à tant qu’il veuille me redonner de la joie. Que si j’osois je prierois le Roi de se mettre à ma place et de songer à ce qu’il feroit dans une pareille occasion, de me donner conseil lui meme, un conseil tel qu’il le croiroit honnete pour moi, et que tout le monde vit qu’il l’a donné à un frere, qui n’a songé toute sa vie qu’à lui etre agreable et à lui plaire. Cependant j’aime mieux vous ouvrir mon cœur qu’à tout autre, parce que je sais que vous etes sincere et de bonne foi, que vous n’avez d’autres interets que ceux du Roi, et que vous savez mieux que personne que mon malheur m’est arrivé dans un temps où je meritois un autre traitement assurement par toutes les choses que je sacrifiois tous les [p. 463] jours au Roi ; que si M. le chevalier de Lorraine etoit coupable, j’aurois eté le premier à l’eloigner d’aupres de moi, mais qu’il n’a jamais songé qu’à pouvoir meriter ses bonnes graces et son estime ; que j’en pouvois repondre, connoissant mieux que personne le fond de son cœur ; qu’enfin je ferois voir, à la honte de mes ennemis, que j’aimois le Roi plus que moi meme, mais qu’il me donnat les moyens d’accorder ma tendresse avec mon honneur, et qu’en cela je le conjurois de songer que j’etois son frere.
Apres cela, je n’ai rien à vous dire, que de vous assurer que je serai toute ma vie, M. Colbert, votre bien bon ami.
Philippe »

Philippe, duc d'Orléans

Lettre de Guy Patin concernant la mort du roi à Saint-Germain-en-Laye

« Entre autres choses, je vous dirai que le roi Louis XIII mourut hier à Saint Germain, entre deux et trois. La Reine mere et le nouveau petit Roi, Louis XIV, doivent arriver ce soir au Louvre. La Reine mere est regente sans aucune contradiction. […]
[p. 99] La Reine est ici arrivée à quatre heures du soir, accompagnée de plus de dix mille hommes en bonne coche, sans compter tous les cavaliers et les volontaires de Paris qui etoient allés au devant du petit Roi. Le corps du feu Roi a eté ouvert à dix heures du matin : on y a trouvé quantité de vers morts, [p. 100] un grand ulcere dans le mesentere, un gros abces sous le foie, un autre dans la poitrine, au dessous du poumon, beaucoup de desordre dans l’estomac, etc. »

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