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Description archivistique
Bibliothèque nationale de France Parc
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Description du petit parc de Saint-Germain-en-Laye, par Antoine, porte-arquebuse du roi

« [f. 32] Estat present du petit parc de Saint Germain en Laye au commencement de l’année 1686
Led. parc contient la quantité de quatre cent seize arpens quatorze perches tant en bois de futaye, routes, places vuides, la grande terrasse que la maison et jardin du chasteau du Val, lesquels sont figurez sur la carte avec l’explication de la nature, qualité et quantité de bois et terrain qui se trouvent dans chaque endroit, le tout cotté par ciffres conformément au present estat.
Premierement, à l’entrée dud. parc tenant au jardin,

  1. Futaye en retour contenant vingt deux arpens quatre vingt seize perches un quart
    Cette futaye est toute morte en cime et quelques arbres en racine, laquelle deperit tous les jours, estant sur son retour. Il seroit necessaire, pour l’ornement dud. parc, de l’abattre pendant qu’elle a encore un peu de vie pour repeupler ce canton d’un nouveau [f. 32v] bois qu’on laisseroit revenir à la suitte des temps en haut recru, qui seroit plus agréable à voir que ces bois secs.
  2. Futaye sur le retour contenant dix arpens cinquante perches
    Cette futaye est aussy en retour, mais il y a plus d’arbres vifs que dans la partie cy devant. Il se trouve vers le bout du mail, du costé du Val, quelques jeunes chesnes et charmes qui renouvellent ce canton, lesquels font un assez beau couvert.
  3. Jeune futaye de bonne essence contenant cent soixante sept arpens cinquante cinq perches
    Cette futaye est garnie de plus des trois quarts de charmes et d’érables, et le surplus de chesne, laquelle est fort eslevée mais plus dans le fond du costé du mur du parc que vers la terrasse. Elle est de fort bonne essence, faisant un agréable couvert, s’y trouvant très peu d’arbres morts en cime et en racine.
  4. La grande terrasse contenant, [f. 33] y compris deux vuides entre icelle et la futaye de [vide]
  5. Futaye moderne contenant vingt trois arpens soixante dix perches
    Cette futaye est meslée de chesne et de charme par endroits et dans d’autres tous chesnes, dont une partie sont morts en cime, et particulièrement du costé de l’octogone où il y a quantité d’arbres morts en racine.
  6. Ancienne futaye contenant seize arpens cinquante cinq perches
    Cette futaye est plantée de chesne d’une assez belle hauteur, et particulierement vers le fonds, meslée de quelques charmes par endroits, le tout de bonne essence à la reserve de quelques arbres morts en cime.
  7. Grand vuide contenant [vide]
    Ce vuide est une place deserte de bois tenant au chasteau du Val.
  8. Le chasteau et jardin du Val contenant [vide]
    [f. 33v] 9. Haute futaye contenant soixante onze arpens soixante cinq perches
    Cette futaye est passablement peuplée et meslée d’arbres vifs, de morts en cime, et d’autres en racine, tout chesnes, ayant très peu d’autres bois. Les arbres sont d’une belle hauteur, et de moyenne grosseur.
  9. Vieille futaye sur le retour contenant vingt sept arpens
    Cette futaye est une des plus anciennes de la forest, dont la plus grande partie des arbres sont morts en cime, en cœur et en racine, lesquels n’ont pas beaucoup de hauteur, mais ils sont passablement gros et peu garnis, faisant de grandes clairières où il n’y a rien. »

Description des châteaux de Saint-Germain-en-Laye

« [p. 78] Description des bâtimens du vieux chateau de Saint Germain en Laye
Apres avoir amplement prouvé l’antiquité du [p. 79] vieux château de Saint Germain en Laye par tout ce qui a esté dit cy devant depuis la fondation et commencement d’iceluy, faite par le roy Louis 6e vers l’an 1122, ce qui confirme qu’il est l’un des plus anciens chateaux de France qui subsiste à present, apres celuy de Compiegne que l’on pretend avoir esté baty par le roy Charles le Chauve vers l’an 876, le chateau de Fontainebleau n’ayant eté baty que par le roy Louis 7 vers l’an [vide], le vieux Louvre de Paris par le roy Philippes Auguste, Vincennes par le roy Charles 5, Chambord, Madrid, Folambray, La Muette dans la forest de Saint Germain par le roy François premier et beaucoup d’augmentation dans les autres chateaux. Le roy Henry 4 a baty aussy Monceaux, Annet et le château neuf de Saint Germain en Laye. Versailles par le roy Louis 13. Touttes lesdites maisons ont esté la pluspart aussy augmentez et ornez du reigne du Roy ainsy qu’ils se voyent dans leurs magnificences extraordinaires, comme celuy de Versailles et ses dependances, Marly, le Val et le vieux chateau de Saint Germain en Laye dont on fera une mention particuliere des augmentations qui y ont eté [p. 80] faites de temps en temps depuis sa derniere destruction qui fut faite par l’incendie du reigne du roy Philippes de Vallois l’an 1346. Ce château n’etoit baty dans ce temps qu’en maniere d’une forteresse, n’y ayant aucune cimetrie, avec quelques tours aux angles d’iceluy, entouré d’un large et profond fossé revetu de pierre de taille. Son rempart estoit tres fort, où il y avoit des crenaux, meurtrieres et abaventes, ce qui luy servoit de deffence dans ce temps que la poudre n’etoit point encore inventée, ne l’ayant esté qu’en l’an 1380 par un nommé Bertol de Skuartz, en uzage en France vers l’an 1425 au siege de la ville du Mans. Tout le circuit etoit bien fermé, n’y ayant que 3 ponts levis pour y entrer, dont l’un etoit baty d’une structure tres particuliere en maniere d’une grande arcade surbaissée sur toutte la largeur du fossé, où l’on passoit meme à couvert dans le parc sans etre veu. Ce pont a eté demoly quand on a construit le pavillon où est l’appartement du Roy. Ce château ou forteresse estant demeuré ruiné jusqu’au regne du roy Charles 5 dit le Sage, vers l’an 1367, ayant veu que la scituation de ce château etoit [p. 81] tres belle et fort avantageuse tant pour une forteresse que pour une maison de plaisance, prit la resolution de la rebatir sur ses anciens fondemens et d’y ajouter meme quelques logemens, pour y pouvoir loger dans des saisons de l’année. C’est ce qui a fait croire à plusieurs historiens que c’etoit Charles 5 qui avoit fait jetter les premiers fondemens de ce chateau, n’ayant pas penetré jusqu’à la source de son antiquité de plus de deux cens ans devant le roy Charles 5.
La cour de ce château est d’une figure fort extraordinaire et dont l’on ne peut pas dire au vray la forme, n’etant ny carrée, ny ronde, ny ovalle, l’on dit qu’elle ressemble assez à un B gotique. Elle est remarquable par sa scituation où il peut y avoir de l’ombre et du soleil dans touttes les saisons de l’année par l’elevation de son batiment, qui a eté relevé de la hauteur des deux tours du reigne du roy François Ier vers l’an 1535, qui aymoit fort ce lieu etant accompagné d’une si belle forest, sy propre aux plaisirs de la chasse et de la promenade. C’est ce qui obligea ce grand roy de faire bien des augmentations aux batimens de ce château pour en faire sa demeure la plus ordinaire, et pour cet effet en donna la commission [p. 82] au seigneur de Villeroy pour veiller et faire batir cet ediffice lors que la charge de surintendant des Bâtimens n’etoit pas encore erigée et ne se faisoit que par la commission qu’en donnoit le Roy au premier de ses favoris. Ce batiment fut elevé en peu de temps dans toute son etendue de pierre et brique de la hauteur qu’il est à present, d’une tour ancienne restée où est presentement posée une guerite couverte de plomb fort elevée dans laquelle il y a une grosse horloge et 3 cloches qui y furent mises en l’année 1683, le tonnerre et le foudre ayant tombé dessus ladite guerite au mois de juillet de ladite année et l’ayant entierement consumée en telle façon qu’il n’y en demeura aucune chose et, sans le prompt secours qui y fut apporté, le chateau en auroit bien eté endommagé.
Tout le batiment est vouté par le haut, couvert en platte forme de grandes pierres dures entourées d’un ballustre de pierre tournées, avec des pillastres de distances egalles où sont gravez en relief les armes de France avec des salamandres et des E F couronnez qui sont les devises et chiffres de ce grand roy François ainsy qu’il y en a en plusieurs autres endroits de ces batiments, particulierement aux cheminées, qui sont de briques, qui exceddent beaucoup par dessus cette grande terrasse qui [p. 83] peut passer pour l’une des plus belles du royaume par son elevation, qui sert meme d’une grande promenade et d’où l’on peut decouvrir de bien loing ainsy qu’il fut eprouvé par le roy Henry 4, etant lors dans ce lieu, ayant fait faire du feu la nuit sur un des costez du haut de ce château qui fut veu de celui de Monceaux, qui en est eloigné d’environ 15 à 16 lieues, où etoit pour lors madame Gabrielle d’Estrée.
Le roy François n’epargna rien pour rendre les logemens de cette maison royalle commodes et en assez grand nombre pour y pouvoir loger toutte sa cour, qui commençoit à etre dans ce temps assez nombreuse. Les appartemens etoient composez sans beaucoup de magnificence, n’estans ornez en dedans que de quelques lambris de bois peint avec quelques filets d’or dessus la menuiserie posée au pourtour des chambres et cabinets, ainsy qu’il y avoit aussi sur les cheminées faites de grosse sculpture de pierre où etoient gravez les armes de France. Tous ces appartemens etoient les uns sur les autres, sansun grand plain pied que de 3 pieces de suitte separées par plusieurs petits corridors et escaliers qui faisoient leur degagement. Du costé du soleil couchant, il y a la grande salle servant aux bals, ballets, comedies et operats qui ce faisoient dans des jours de rejouissance et aussi aux autres ceremonies qui se font dans des jours divers. Cette salle passe [p. 84] pour une des plus spacieuses du royaume. Elle est voutée d’une grande hauteur en arcades de pierre et brique, entourée d’un amphiteatre de menuiserie où il y peut tenir une tres grande quantité de personnes assizes tres commodement.
Du costé du midy, ce voit une tres belle chapelle qui compose toutte la face du chateau. Elle est aussy ancienne que le chateau, batie tres delicatement, voutée en arcades et ceintrées de pierre d’une tres grande hauteur. Elle contient [vide] de long sur [vide] de largeur, et dedidée en l’honneur de saint Jean Baptiste, auquel jour le clergé de la paroisse de ce lieu alloient cy devant en procession touttes les années par devotion. Cette chapelle etant demeurée sans avoir eté bien decorée jusqu’au reigne du roy Louis 13 dit le Juste, qui, par une pieté toutte particuliere, la fit decorer en l’année 1625 ainsy qu’elle se voit de present, tres bien dorée et peinte fort delicatement, accompagnée d’une belle sculpture et architecture, principallement le retable du grand autel qui est d’ordre corinthien soutenu de 4 grosses colonnes de marbre noir accompagnés de leur bases et chapitaux de marbre blanc bien façonnez. Dans le milieu d’iceluy, il se voit, dans une tres riche bordure dorée, un tableau d’une Cenne de Notre Seigneur d’une beauté achevée, fait par l’excellent peintre le Poussin, qui est d’un prix inestimable. Au dessus [p. 85] duquel un autre tableau dans le frontispice representant une sainte Trinité fait par Voit, peintre de l’Academie, accompagné de deux anges au naturel de stuc tenant les armes de France. Le cœur de cette chapelle est separé de la nefs par une belle balustrade de fer ornée et dorée en divers endroits, laquelle renferme aussi deux petittes chapelles aux deux costez, y ayant des retables d’autel de menuiserie dorez. Dans celuy à droit, il y a un tableau de saint Louis donnant l’aumone et dans l’autre, à gauche, il y a un tableau de la sainte Vierge et de sainte Anne faitz par ledit Voit. Touttes les murailles ainsy que la voute sont peintes et dorées avec plusieurs tableaux de l’histoire sainte et une tres belle menuiserie qui en fait tout le cirant. Cette chapelle est aussi des plus commodes pour entendre le divin service, tant de plain pied que par une tribune qui est par le haut des galleries, qui a communication à tous les appartemens du château, à y venir à couvert, ainsy qu’au jubé qui est tres spacieux, où il y a de belles orgues. La sacristie est tres commode, où est gardé tous les ornemens qui servent au divin service, qui sont tres magnifiques. Tous les vases sacrez sont d’or et d’argent vermeil doré et d’une orphevrerie toutte [p. 86] particuliere, principallement la grande croix. Les chandeliers, vases et la lampe sont d’une grande beauté, lesquels ont esé volez deux fois de notre temps, la premiere la veille de la feste des roys en l’année 1648 par 3 volleurs dont l’un etoit du village de Neuilly, lequel y fut pris, y ayant porté une partie desdits vases sacrez, et fut pendu devant la porte du chateau, et encore en l’année 1674 par le sieur de Courcelles, qui avoit emporté la grande croix et les chandelliers sur le chemin de Cambray, qui lors n’etoit pas à la France, ayant esté pris à Liancourt, eut la teste tranchée à la croix du Traoir à Paris.
Il est à remarquer que cette chapelle royalle avoit eté autresfois deservie par les religieux de Sainte Genevieve du prieuré d’Hannemont, lorsque le roy Charles V fit demolir la vieille chapelle du chateau de Poissy vers l’année 1367 et fait restaurer celle du château de Saint Germain en Laye, ces religieux l’ayant aussi desservie jusqu’à la fin du reigne du roy Henry 4e que, la communauté de ce prieuré d’Hannemont etant diminuée jusqu’à n’y avoir qu’un seul religieux par les mauvais temps des guerres civiles, lequel ne pouvant continuer [f. 87] de faire son devoir de religieux et de desservir icelle chapelle, ce qui etoit cause qu’elle estoit ordinairement fermée en l’absence du sejour du Roy, n’y ayant aucun service divin. Ce qui auroit duré jusqu’en l’année 1640 que le roy Louis 13, d’heureuse mémoire, ayant fait decorer et embellir ce saint temple, voulut que les louanges du seigneur y fussent chantés comme par le passé, et pour cet effet la fonda d’un chaplain nommé de Beaumont et deux petits clercs, lequel chaplain seroit obligé dorenavant de celebrer tous les jours à l’intention de Sa Majesté une messe basse avec un petit Salut le soir, ce qui c’est observé tres ponctuellement jusqu’en l’année 16[vide] que le roy Louis 14 à present regnant, voulant aussi concourir à la pieté du Roy son père et pour etre meme participant aux prieres qui se diroient doresnavant dans cette chapelle royalle, a augmenté la fondation d’une messe tous les jours qui se dira à son intention par l’un des deux pretres qui tiendront la place des deux petits clercs cy devant fondez, lesquels seront sous la direction de l’ancien titulaire pour ayder à desservir et faire le divin service avec plus de commodité et de veneration, meme assister dans les ceremonies qui s’y font quelques fois comme baptesmes, mariages des roys, [p. 88] princes et autres personnes de la premiere qualité dont il y en a plusieurs qui s’y sont faits pendant quelques reignes. […]
[p. 90] Il est à remarquer que, comme le roy Louis 14 faisoit son sejour ordinaire dans ce château de Saint Germain depuis plusieurs années ainsy qu’il a esté justiffié cy devant, ayant veu que les appartements et logements ordinaires n’etoient pas assez spacieux ny en assez grand nombre pour y pouvoir loger avec toutte sa cour, aussi grande et magnifique qu’elle est, qui surpasse touttes celles qui ont esté par le passé, Sa Majesté, pour cet effet, prit resolution en l’année 1680 de batir pour agrandir les batimens de ce vieux château cinq gros pavillons aux angles d’iceluy, d’une pareille hauteur, cimetrie et construction que l’ancien, ce qui a esté executé en tres peu de temps sous les ordres du sieur Colbert, lors ministre, secretaire d’Estat et surintendant des Bâtimens de France, sur les desseins du sieur Mansart, premier des architectes de Sa Majesté, dont le genie et la capacité sont tres connue dans tout le royaume, où la despence a monté a plus de seize cens mil livres, y compris une reparation entiere des anciens batimens qui fut aussy faite dans tout ce [p. 91] chateau, n’y en ayant point eu depuis le reigne du roy François premier. Par cet ouvrage, les appartements et logemens ont eté agrandis et augmentez en tres grand nombre, qui sont à present tres commodes et bien degagez les uns des autres par plusieurs corridors, entresolles et escaliers, en telle façon que le Roy et toutte sa cour y peut être tres bien logée et commodement dans touttes les saisons de l’année.
Au devant du chateau, du costé de l’eglise de la paroisse du lieu, il y avoit une avant cour tres ancienne qui servoit pour les offices et corps de gardes, où etoient aussi les logemens de messieurs les secretaires d’Etat et celuy de M. le capitaine de Saint Germain. Les batimens de cette cour estant tombez en ruine par leur caducité, n’etans couverts que de tuille, ayans eté cy devant batis sur les anciens fondemens des cloitres des religieux du prieuré qui pour lors etoient en ce lieu, cette cour fut demolie en l’année 1682 pour la rebatir de neuf sur un autre dessein, convenable aux batimens du château.
[p. 92] Chateau neuf de Saint Germain en Laye
Le chateau neuf de Saint Germain en Laye n’est distance du vieux que d’environ deux cens toises, separé par une espece d’avant cour verte avec une chaussée de pavé qui y conduit. L’on tient que le roy François premier y avoit fait jetter quelques fondements, qui etoient demeurez imparfaits jusqu’au reigne du roy Henry 4 et de la reyne Marie de Medicis, sa femme, lesquels ont fait construire entierement ce chateau vers l’année 1600, ayant trouvé cette scituation tres agreable pour y faire leur sejour dans les beaux jours de l’année. Je diray en faisant la description de ce chateau qu’il etoit l’un des plus jolis qu’il y eut dans le royaume, etant baty sur un dessein tres particulier. La principalle cour est [p. 93] d’une figure exagone. Tous les batiments sont faits de pierre de taille, façonnez avec des briques par compartiments, tres peu elevez, en plusieurs pavillons reguliers couverts d’ardoise et plomb tres proprement, n’y ayant qu’un etage lambrissé. Les premiers appartemens sont au rez de chaussée, fort grands et magnifiques, et tres bien exposez, ayant la veue par devant au soleil levant, où se voit la plus belle qui soit dans l’univers, et de l’autre costé sur des cours où il y a plusieurs beaux logemens pour les personnes de qualité et officiers de la suitte.
La principalle porte est du costé du vieux chateau, qui est ornée d’un tres beau portail soutenu par douze grosses colonnes de pierre rondes, cizelées et taillées en compartimens de broderie, sous lesquelles il y a un vestibul avec une terrasse dessus entourée d’un ballustre de pierre tournées avec pillastres de distance en distance, où sont gravez en relief les armes de France et la devise de ce roy, qui est une epée couronnée avec l’inscription Duo protegit unus. De cette porte, l’on entre dans la princiaplle cour, qui est d’une tres belle figure, au bout de laquelle est l’entrée [p. 94] de la grande salle qui separe deux grands appartements et sert aussi de passage à aller dehors sur les terrasses.
Le premier appartement est à droit en entrant, qui etoit celuy de la reyne Marie de Medicis, qui est composé de plusieurs pieces de plain pied richement dorez, peints et plafonnez tres proprement d’ornemens et de sculpture, au bout desquelles il y a une belle gallerie qui sert de cabinet à cet appartement, de la longueur et largeur de toutte la face du batiment, qui est aussi dorée, peinte et plafonnée d’ornemens tres fins, avec de grands tableaux entre les croisées qui representant plusieurs villes et paysages au naturel. Cet appartement a toujours servy au logement des reynes, en dernier lieu à la reyne Anne d’Autriche où elle fit son dernier testament, etant à l’extremité de maladie, y ayant receu le saint sacrement le 3e aoust de l’année 1665 […]. [p. 97] Et le unzieme dudit mois, elle se fit porter au Louvre à Paris, où elle deceda sur les six heures du matin, le vendredy 20e janvier ensuivant 1666, aagée de 64 ans et 4 mois.
L’autre grand appartement de ce chateau est à gauche de la grande salle. Il sert pour le Roy, composé de meme quantité de pieces que celuy de la Reyne, avec une pareille gallerie ornée et peinte de meme, à l’exception des tableaux qui sont l’histoire de Dianne chasseresse dans de beaux paysages. C’est dans cet appartement qu’est arivé l’heureuse naissance du roy Louis 14 à present regnant, le 5e septembre 1638, laquelle avoit eté tant desirée [p. 98] par plusieurs années, qui donna une tres grande joie dans tout le royaume. C’est aussi dans ce meme lieu où arriva la facheuse mort du roy Louis 13, son père, le 14e may 1643, feste de l’Ascension, qui causa aussi une grande tristesse par tout ce royaume, dont le recit en sera fait cy apres plus amplement. Tous les autres appartemens de ce château sont par haut assez commodes, la pluspart lambrissez, les autres sont par bas dans les 2 basses cours où sont les offices, cuisines et autres logemens du commun, où il y a deux grandes vollieres pour toutes sortes d’oiseaux rares comme poulles huppées, cannes musquées, paons, faisands, autruches, perroquets et autres especes farouches les plus rares qui c’etoient pu trouver, comme aussy des animaux qui etoient en tres grand nombre enfermez dans des lieux particuliers que l’on faisoit veoir comme une chose tres rare par curiosité.
En sortant de la grande salle sur le devant de la [p. 99] belle veue, l’on se trouve sur une grande terrasse qui contient toutte la face du batiment, fort elevée, revetue de pierre cizelée avec des compartimens de briques, aux deux bouts de laquelle il y avoit deux galleries voutées en arcades et ceintrées en portique, soutenues par des pilliers à jour qui soutenoient des terrasses au dessus garnie de ballustres de pierre tournées avec des pillastres ornez de sculpture, qui servoient à se promener à couvert et à passer dans deux gros pavillons pavillons carrez, dont l’un servoit d’une chapelle et l’autre de logement. Ces deux pavillons sont dettachez du corps du château, batis de pierre et briques, tres bien ornez d’architecture, couverts d’ardoise en ecailles et plomb par rayons tres bien façonnez et entourez d’un mesme ballustre et pillastres que sur les autres terrasses, avec les chiffres du roy et de la reyne Marie de Medicis, dont ce chateau est partout orné, ce qui en fait une des beautez, etans tres delicatement travaillez.
En descendant cette premiere terrasse par deux grandes rampes egalles qui tournoient en fer à cheval qui [p. 100] aboutissoient sur deux petits jardins de distance egalle, plantez de bouis en broderie où il y avoit dans le milieu deux bassins entourez d’un cordon de pierre. Dans le milieu d’iceux, il y avoit sur un pied destail, entouré de figures de satires de bronse qui jettoient de l’eau par la bouche, qui soutenoient une belle figure d’un ange d’une grandeur naturelle tenant une couronne royalle sur la teste, d’où il sortoit une tres grande quantité de jets d’eau, lesquels en tombant faisoient 4 nappes d’eau sur une grande pierre taillées en 4 coquilles egalles enrichies d’ornemens de sculpture tres propres. Il y avoit sur le devant un grand bassin au milieu des escaliers ou rampes de fer à cheval, sur un beau pied destail enrichy aussi de plusieurs belles figures de bronse qui jettoient de l’eau differemment des uns des autres, qui soutenoient une figure d’un Mercure de bronse verte de grandeur naturelle, laquelle [p. 101] passoit dans ce temps pour tres belle, qui fut donnée par rareté à la reyne Marie de Medicis, qui avoit eté faite à Florence et qui a esté portée depuis à Versailles avec plusieurs autres figures lorsque cet endroit fut detruit par la cheute de la grande terrasse, sous laquelle il y avoit deux belles grottes, l’une de Neptune et l’autre de la Damoiselle, d’une grandeur naturelle, qui jouoit d’un clavessin. Tous ces lieux etoient enrichis de belles rocailles, nappes et jets d’eau qui par la cheute de la terrasse, touttes ces grottes ont esté ruynées et rebaties depuis, ainsy qu’ils se voyent, d’un autre dessein en l’année 1662. Sous laquelle il n’y a plus qu’une maniere de grande gallerie avec deux sallons aux deux bouts, qui n’ont point eté achevez en dedans, estans ceintrez en portiques sur le devant avec un frontispice soutenu de 4 colonnes de pierre dans le milieu de la porte d’entrée, faisant un assez joly portail.
[p. 102] Au dessous de cette seconde terrasse, d’où l’on decend par deux continuitez de rampes de pavé qui sont tres douces, où l’on pouvoit aller à cheval, l’on se trouvoit encore sur une autre pareille, sous laquelle il y avoit trois des plus belles grottes qui soient dans l’univers, separés par une meme gallerie voutée et ornée de tables, bassins et figures de marbre et jaspe de touttes les couleurs. Dans le milieu, en face de l’entrée, il y avoit un pariel rocher qu’à celle d’au dessus, sur lequel etoit la figure de Bachus.
A main droite, l’on entroit dans un avant sallon, tres proprement enrocaillé, pour passer à la grotte nommée de Persée, qui etoit tres spacieuse. Dans la face d’icelle se voyoit la figure de Persée, d’une grandeur surnaturelle, descendre du haut de la voute, armée de touttes pieces, tenant une epee à la main, qui venoit frapper sur la [p. 103] teste d’un grand dragon qui sortoit d’un grand bassin plein d’eau. Ayant receu ces coups, il disparoissoit au fonds des eaux. A costé du bassin se voyoit une tres agreable figure au naturel d’une Andromede qui etoit attachée et enchainée par le bras à un gros rocher, dont les chesnes de fer se deffaisoient d’elles mesme. A l’opposite, dans cette grotte, se voyoit encore une figure d’un Bachus de bronse assis sur un tonneau au haut d’un gros rocher, tenant une coupe en main d’où sortoit un tres gros bouillon d’eau ainsy que du tonneau qui, en tombant du haut de ce rocher, faisoit remuer plusieurs petittes figures qui etoient placées en plusieurs endroits de ce rocher comme forgerons, tixerands, menuisiers, remouleurs et autres sortes d’ouvriers qui remuoient et travailloient chacun de leur metier, tres au naturel, avec des moulins à vent et à eau qui tournoient et mouvoient par le seul decoulement de l’eau qui tomboit de ce rocher dans une grande [p. 104] cuve de marbre noir, y faisant encore une nappe d’eau, le tout par de petittes conduittes qui etoient imperceptibles. Toutte cette grotte estoit, ainsy que le sallon, fort delicatement enrocaillé de beaux et fins coquillages employez d’un travail qui imittoit bien touttes sortes de figures au naturel comme satires, monstres marins, animaux, oiseaux, plantes et fleurs de plusieurs façons ainsy que l’architecture et sculpture, qui y etoit bien observée, que des grotesques d’où decouloient une tres grande quantité de nappes, bouillons et jets d’eau qui moulloient bien quelques fois les spectateurs s’ils n’en etoient prevenus auparavant.
De l’autre côté de la grande gallerie precedente, il y avoit un pareil sallon enrocaillé et garny de tables de marbre de meme que celuy cy dessus, où il y avoit aux 4 coins d’iceluy quatre grandes figures au naturel qui representoient les 4 vertus tenant à leur main chacun leur simbolle. [p. 105] De ce sallon, l’on entroit dans la grotte d’Orphée, au milieu de laquelle etoit cette figure, de grandeur naturelle, assize sur un rocher, jouant de la lire ou violon plusieurs airs differends les uns apres les autres, que l’on entendoit tres bien et fort distinctement, en remuant la tete et les mains d’une manière tres surprenante, jouant si melodieusement qu’il excitoit plusieurs animaux feroces, reptils, oiseaux et autres qui venoient paroitre et passer devant luy, les uns apres les autres, sortans de leurs cavernes, comme lions, leopards, tigres, ours, loups, renards, cerfs, sangliers et autres sortes de bestes feroces et privées ainsy que des serpens et lezards jusqu’au crocodille, y venoit paroistre charmés et aprivoisez par les chants melodieux d’Orphée. Tout ce desert etoit un agreable boccage orné de plantes et fleurs avec de grands arbres verdoyans qui, par leurs remuements et branles, sembloient vouloir aprocher, ayant sur leurs branches plusieurs sortes d’oiseaux de differends plumages, [p. 106] chacun chantant leur ramage, entr’autres le rossignol et le coucou s’y faisoient entendre fort distinctement par dessus les autres, sy bien qu’ils pouvoient tromper la veue et l’ouie des spectateurs s’ils n’en estoient prevenus. Tout ce beau lieu etoit orné aussy de tres belles et fines rocailles pareilles à la grotte de Persée, où l’on etoit aussy quelques fois bien mouillé par de petits jets d’eau qui sortoient du pavé et par des conduittes qui etoient imperceptibles à veoir.
Apres avoir fait une petitte description de ces grottes humides, il faut faire mention d’une nommée des flambeaux, à cause qu’elle ne se pouvoit veoir qu’à la lueur des lumieres. Elle etoit au bout de la grotte d’Orphée, où il y avoit un grand theatre sur lequel il ce faisoit plusieurs changemens de decorations les uns apres les autres. L’on y voioit paroistre la mer en deux differentes manieres, en temps calme avec [p. 107] des isles verdoyantes eclairées par les rayons d’un soleil levant, des monstres et poissons marins sur le rivage. Apres, la mer y paroissoit en tempeste agitée, des vents, tonnerres et eclairs effroyables, avec des debris de vaisseaux brisez contre des rochers. Apres cette premiere decoration, la terre paroissoit avec toutte la beauté de la plus belle saison, accompagnée de fleurs et les arbres chargez de fruits, et des maisons champetres et beaux chateaux de plaisance, aussy accompagnez de jardins tres delicieux, et par un beau trait de perspective fort eloigné, l’on voyoit celuy de Saint Germain comme au naturel, avec ses jardins dans lesquels l’on y appercevoit le roy et les princes s’y promenant avec monseigneur le dauphin, qui a eté depuis le roy Louis 13, que l’on voyoit descendre du ciel dans un chart de triomphe soutenu par deux anges qui luy toient une couronne royalle sur la teste, toutte brillante de lumiere, accompagné d’un concert d’instrumens [p. 108] de musique qui jouoient plusieurs differends airs tres distinctement et sy melodieusement que l’ouye des plus fameux musiciens en etoient souvent trompez. Apres cette decoration, tout ce changeoit en un instant en un affreux desert où il y avoit plusieurs animaux, tant feroces, reptils qu’autres incestes qui habitent ordinairement dans les deserts et autres lieux champetres, que l’on voyoit sortir dans des cavernes et vieilles ruynes de chateaux au naturel. Dans le milieu de ce desert, l’on y voyoit une belle figure d’Orphée, de grandeur humaine, qui jouoit d’un instrument qui ressembloit assez à un luth ou guitare, sy bien qu’il etoit presque impossible de s’apercevoir que ce ne fut pas un maitre de musique ou autre personne qui touchoit cet instrument.
Touttes les grottes que j’ay decrites cy devant etoient tres bien enrocaillées de [p. 109] rocailles les plus fines qui c’etoient pu trouver dans les pays les plus eloignez. Ils etoient, ainsy que les sallons, ornez de touttes sortes de figures humaines, avec des masques crotesques et autres sortes, faits d’architecture et touttes sortes de pierres precieuses, ornées de tables girandolles et lustres de marbre, jaspe et porphire de touttes couleurs bien travaillés d’une manière propre et magnifique. Touttes les machines et ressorts qui faisoient mouvoir tout ce qui etoit dans ces belles grottes n’etoit que par le seul mouvement de l’eau, qui etoit retenue dans des reservoirs qui decouloit imperceptiblement par de petittes conduittes qui etoient inconnues, lesquels mouilloient bien souvent les spectateurs s’ils n’en estoient prevenus auparavant, qui venoient de tous pays veoir ces belles raretez, où le roy Henry 4 et la reyne sa femme n’avoient rien epargné pour les rendre dans leur perfection, ainsy [p. 110] que ce chateau avec tout ce qui l’accompagne, qui etoit digné de leur grandeur, ayant meme pour cet effet fait venir de Florence le sieur de Franciny, homme le plus experimenté et habille de son temps, qui a inventé et fait construire touttes ces belles grottes, qui etoient sans contredit les plus belles et admirables qu’il y eut dans l’univers, lesquelles ont subcisté dans le bel etsta jusques vers l’année 1649, que la minorité du Roy etoit traversée par de grandes guerres qui ne permettoient pas que l’on put continuer les entretiens et reparations qui etoient necessaires et dans les autres maisons royalles, particullierement à celle de Saint Germain, et ce qui a causé la ruine totalle et destruction de touttes ces belles choses, n’ayant point eté entretenues, et par la cheutte d’une partye des grandes terrasses, sous lesquelles ils [p. 111] etoient, qui ont meme abimé et detruit touttes ces belles machines, ce qui fait bien veoir que touttes les belles choses de ce monde n’ont qu’une durée et seront dans l’oubly dans les temps à venir, dont il n’en sera plus fait mention que dans l’histoire du pays.
En descendant au dessous d’icelle grotte par d’autres rampes voutées sur plusieurs grandes terrasses qui sont les unes sur les autres, revetues de belles pierre cizelées par compartiments, avec de la briqe bien proprement travaillez, voutez par-dessous dans le dessein que l’on avoit d’y faire encore d’autres grottes qui sont demeurez imparfaites, etant comme de grandes galleries voutées.
De plain pied du jardin, il se voit deux autres terrasses voutées et couvertes par dessus de grandes pierres et qui ferment ce jardin par les [p. 112] 2 cotez, au bout duquel il y a deyux pavillons carez en cimetrie du chateau, couverts d’ardoise et plomb, servans de logemens au jardinier et peintre du chateau.
Au bas de la face du chateau, il y a deux jardins. L’un est planté de buis en broderie, avec 4 grands compartimens egaux tres singuliers par leurs dessein où sont representez dans leur milieu les chiffres du roy Louis treize et de la reyne Anne, sa femme, avec 4 dauphins à coté tres bien figurez. Ce jardin est orné autour d’arbrisseaux avec des fleurs de touttes saisons accompagné de deux bosquets aux cotez pour se pouvoir promener à l’ombre dans les chaleurs de l’esté. Au bas de ce premier jardin, il y en a un autre, qui est tres grand et spacieux, qui s’etend jusqu’à la riviere de Seyne qui le borne, qui est un grand verger d’arbres fruitiers entouré de [p. 113] murs où il y a des espaliers d’arbres de touttes les especes de bons fruits. Ce jardin est separé par une tres haute terrasse dans le milieu, sous laquelle il y a une voute qui sert de passage pour aller à couvert dans la prairie et au village de Carriere quand les eaues sont debordées. C’etoit dans le milieu de cette terrasse que devoit estre posé le cheval de bronse qui est à present à la place Royalle de Paris, où la figure du roy Henry 4 devoit etre mise, lequel cheval avoit été fait à Venise, ayant eté sur ce lieu jusqu’en l’année 1630 que le roy Louis treize le fit porter à ladite place Royalle de Paris où il est presentement avec l’effigie du roy Louis treize. C’est encore ce qui faisoit connoitre que le roy Henry 4 et la reyne sa femme n’avoient rien epargné pour embellir et decorer ce beau château où ils faisoient leur demeure dans les beaux jours de l’année.
[p. 114] De plain pied du chateau neuf, il y avoit aux deux cotez d’iceluy deux jardins, qui y avoient communication par les deux bouts des galleries. Celuy à droit est le boullingrin, nom anglois d’un jardin particulier. Il fut ainsy nommé par feue madame Henriette d’Angleterre, premiere femme de M. le duc d’Orleans, estant de ce royaume, qui en donna le dessein au commencement qu’elle fut dans ce lieu. Ce jardin etoit planté sur le devant d’un fort jolly parterre par pieces coupées avec des plattes bandes autour garnies d’arbrisseaux et fleurs de touttes les saisons, et sur le derriere en maniere d’amphiteatre, où il y avoit autour plusieurs portiques de chevrefeuils avec des contr’allées de cipres autour et des berceaux aux 4 coings, qui etoient tres propres pour ce mettre à couvert. Ce jardin est tres beau et particulier meme pour la belle veue scituée sur une haute terrasse qui contient toute [p. 115] la face de ce jardin, où la promenade est fort agreable. C’etoit l’une des plus frequentes que faisoit la feue reyne quand elle etoit à Saint Germain. Depuis quelque temps, ce jardin a été echangé d’un autre dessein, ainsy qu’il se voit à present, planté d’un parterre avec un espece de pré ou gason entouré d’arbrisseaux verds, accompagné d’un bosquet planté de pallissades de charmes et d’ormes où il y a plusieurs belles allées pour se promener à couvert.
L’autre jardin, du coté du parc, etoit planté anciennement comme un fruitier avec des allées de meuriers blancs dont les feuilles servent à norir des verds à soye que le roy Henry 4 avoit fait planter expres, aimant à nourir luy meme ces petits animaux par divertissement. Ce jardin a eté aussy changé et planté en l’année 1679 ainsy qu’il se voit à present, etant planté en compartimens de pieces de gason entouré de quantité [p. 116] d’ifs taillez et figurés en differentes et belles manieres, avec des contr’allées de pixias soutenus sur le devant d’une terrasse revetue de pierre ainsy que celle du boullingrin qui en fait la meme cimetrie. Ce jardin se nomme de madame la Dauphine, à cause qu’il a eté planté lorsqu’elle ariva en France, et elle s’y promenoit fort souvent.
Apres avoir fait une ample description du chateau neuf de Saint Germain et de ses jardins, nous reviendrons au grand jardin qui est en face du vieux château, planté en deux grandes pieces de bouis en broderie egallées, separées par une belle allée dans le milieu, de 10 toises de large, entourées de plattes bandes garnies de fleurs de touttes les saisons, avec des contr’allées de pixias et de maronniers d’Indes autour, y ayant 3 grands bassins d’eau en divers endroits. Ce parterre fut planté ainsy que tout le jardin en l’année 1674. Il se separe de celuy de madame la Dauphine par un bosquet et une allée [p. 117] de 4 ranges d’ormes, et de l’autre coté il y a une orangerie où il y a de tres beaux orangers et autres sortes d’arbrisseaux curieux.
Au milieu de ce grand parterre qui est en face du chateau, il se voit deux grandes routes ou allées. L’une contient 40 toises de large, qui a été percée dans la fores et plantée de deux rangées d’ormes en l’année 1675, laquelle conduit au couvent des Loges, et l’autre sur la demi lune de la grande terrasse, qui est l’un des plus beaux ouvrages que le Roy aye fait de son reigne à Saint Germain. Elle contient 1200 toises de long sur 15 toises de largeur. Elle est revetue sur le devant d’un mur tres haut avec une tablette et cordon de pierre dure sur toutte la longueur, et sur le coté de la futaye du petit parc est planté d’un rang de tres beaux ormes avec de la charmille. Cette terrasse est l’une des plus belles du royaume pour sa belle veue et pour la [p. 118] promenade. Elle fut batie et plantée vers l’année 1676.
Petit parc
Le petit parc de Saint Germain est contigu aux jardins et grande terrasse. Il contient 416 arpens tant plain que vuide. L’on voit qu’il fut clos de murs du reigne du roy François premier, vers l’an 1536. Il est separé de la forest jusqu’à la porte de la Muette. C’etoit cy devant l’une des plus belles futayes du royaume, qui venoit jusques au pied du chateau. Il est composé de plusieurs sortes de bois comme chesnes, erables, fresnes et charmes qui sont presque tous peris par caducité et les grands hyvers qui sont survenus de temps en temps, ce qui a obligé d’en faire abattre une [p. 119] grande partie, qui a eté replantée d’ormes ainsy qu’il se voit, avec plusieurs allées pour donner du couvert. Dans le parc ancien, il y avoit aussi plusieurs routes, sans aucune cimetrie, ainsy que la nature les avoit faites dans la principalle qui aboutissoit au petit pont du chateau, laquelle traversoit toutte la futaye du parc, mesme de la forest où il y avoit dans le milieu une ancienne chapelle qui etoit en ruyne depuis un long temps, dediée en l’honneur de l’archange Saint Michel, ange titulaire de ce royaume, laquelle fut reparée et rebatie du reigne du roy Henry 4 à cause que messieurs les princes ses enffans y venoient entendre la messe dans les beaux jours à pied du chateau neuf, où ils etoient elevez, en se promenant par une belle allée de charmille qui aboutissoit à cette chapelle. Et apres la messe, on leur servoit [p. 120] à dejeuner devant ladite chapelle, sur une grande table de pierre, sous un grand chesne. Ensuitte, ils jouoient au mail pendant quelques heures pour leur servir de recreation et de promenade. Cette chapelle etant demeurée jusqu’en l’année 1649 sans y avoir fait aucune reparation, etant tombée encore en ruine, ce qui obligea le roy Louis 14, à present reignant, et de l’avis de la reyne sa mere, lors regente de ce royaume, par une pieté toutte singuliere, de la faire rebatir de neuf en ladite année 1649 et de la fonder de 400 l. de rente à recevoir par chacune année sur la recepte des bois de la generalité de Paris par cun chaplain qui fut nommé par Sa Majesté, à la charge de celebrer dans icelle chapelle trois messes basses touttes les semaines de l’année, scavoir le dimanche, le mercredy et le samedy, à l’intention de Sa Majesté et de ses successeurs roys, ce qui c’est executé pendant quelques années, jusqu’au deceds du sieur Levavasseur, dernier titulaire de ce benefice, qui arriva en l’année [vide], lequel etoit [p. 121] obligé de celebrer lesdites messes ailleurs à cause du mauvais etat du batiment de cette chapelle qui, etant encore tombée depuis en ruine faute d’entretiens, ce qui auroit obligé Sa Majesté, par sa pieté, de transferer le tiltre de cette fondation à la chapelle des pauves malades de l’hopital ou charité etablie dans le lieu de Saint Germain en faveur du sieur Chauveau, chaplain qui leur administre les sacrements sous la direction du sieur curé de la paroisse dudit lieu, pour y acquitter les charges portées par icelle fondation royalle, affin que les pauves malades, convalescens et autres personnes qui y assisteront prient le Seigneur pour la conservation de Sa Majesté, fondateur et bienfaiteur de ladite chapelle et de cet hopital royal. […]
[p. 130] Chateau du Val
Le petit chateau du Val est à l’un dex extremitez du petit parc, au bout de la grande terrasse, à côté d’une plaine nommée le Val où etoit une belle futaye qui fut abattue du reigne du roy Henry 4, et le bois fut donné au sieur de Frontenac, lors capitaine de Saint Germain en Laye, vers l’année 1609. Ce fut pour decouvrir [p. 131] la maison du Val, qui n’etoit batie dans ce temps qu’en manière d’un gros pavillon caré couvert de tuille accompagné de plusieurs batimens, dans lesquels il y avoit une grande salle haute, peinte en verdure avec des chasses de différentes manieres, et sous icelle des offices, avec une basse court et quelques batimens pour servir de menagerie, et un jardin potager et fruitier. Ce lieu n’etoit sans autre agrement, qui ne servoit seulement que pour y faire collation aux retours des chasses que les roys faisoient dans la forest. Cette maison ayant demeuré ainsy jusqu’en l’année 1676 que le Roy la voulut rebatir d’un autre dessein, meme en deux differentes fois, ainsy qu’elle se voit à present. Sa Majesté y allant fort souvent se promener apres les retours de chasses, ainsy que la feue reyne Marie Therese, qui y faisoit collation dans les beaux jours. C’est aussy ce qui donna occasion à sa majesté de rebatir ce petit chateau ainsy qu’il se voit à present, qui est d’un dessein fort joly, y ayant dans le milieu du batiment un grand sallon caré vouté en dosme tres exaucé qui est en face du [p. 132] jardin et de la cour. Il separe deux petitz appartements bas composez de plusieurs pieces de plain pied tres commodes pour touttes les saisons, y ayant meme un poesle inconnu qui chauffe en hyver.
En la face de devant est une belle cour principalle entourée d’une grande grille de fer peinte en verd. L’autre cour est pour les offices et logement du concierge, dans l’enclos du batiment, qui est couvert de plomb et ardoise avec des ornemens d’architecture et bustes autour de marbre blanc de distance en distance sur ldes consolles tres proprement travaillés. Les jardins sont fort beaux et spacieux, partye en terrasses avec des parterres de buis en broderie et pieces coupées entourées de plattes bandes où il y a quantité d’ifs tres bien figurez et autres arbrisseaux verts avec des fleurs de touttes les saisons, accompagnés d’un grand verger où il y a quantité de beaux espalliers d’arbres où il croist les meilleurs fruits du royaume, qui sont portez au Roy dans les saisons. »