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Bibliothèque nationale de France
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État du coût des travaux réalisés aux châteaux de Saint-Germain-en-Laye de 1664 à 1690

« [f. 17v] Châteaux de Saint Germain en Laye et le Val
Cette maison, illustrée par la naissance du Roy, est très ancienne. Elle consiste en deux châteaux, l’un vieil et l’autre neuf. Le vieil château est beaucoup plus beau et mieux bâty que le neuf. Ils ne sont séparez l’un de l’autre que d’une grande basse cour qui pouroit servir [f. 18] de manège.
Le vieil château est entièrement isolé, d’une forme assez irrégulière. Cinq gros pavillons en font le principal ornement. Un balcon de fer règne dans toute la circonférence du château à la hauteur des principaux, apartemens, qui sont très vastes. Ce château a pour principal aspect les jardins et la forest, et le château neuf sa principale veue sur la rivière de Seine. Le Roy, qui y a séjourné très longtemps, y a fait faire des augmentations considérables. C’est une demeure toute royale et, quoyque la cour n’y habite pas actuellement, ce ne laisse pas d’estre un des plus beaux lieux des environs de Paris pour sa situation naturelle.
Le Val est un jardin dépendant [f. 18v] de Saint Germain que Sa Majesté fait entretenir avec soin et qui produit une infinité de beaux fruits dans toutes les saisons, surtout des précoces.
Je ne dis rien des autres dépendances de Saint Germain, crainte d’ennuyer.
Dépenses des châteaux de Saint Germain en Laye et dépendances par années
Années :
1664 : 193767 l. 13 s. 6 d.
1665 : 179478 l. 14 s. 9 d.
1666 : 59124 l. 11 s. 6 d.
1667 : 56235 l. 8 s. 4 d.
1668 : 120271 l. 18 s. 3 d.
1669 : 515214 l. 19 s.
1670 : 597429 l. 1 s. 4 d.
[f. 19] 1671 : 361020 l. 11 s. 11 d.
1672 : 208516 l. 13 s.
1673 : 97379 l. 4 s. 3 d.
1674 : 112168 l. 19 s. 11 d.
1675 : 130306 l. 18 s. 2 d.
1676 : 176118 l. 14 s. 10 d.
1677 : 194303 l. 14 s. 2 d.
1678 : 196770 l. 5 s. 9 d.
1679 : 447401 l. 14 s. 4 d.
1680 : 607619 l. 9 s. 2 d.
1681 : 279509 l. 9 s. 2 d.
1682 : 662826 l. 13 s. 4 d.
1683 : 460695 l. 9 s. 8 d.
1684 : 300218 l. 19 s.
1685 : 189598 l. 0 s. 7 d.
1686 : 47618 l. 4 s. 5 d.
1687 : 50450 l. 2 s. 1 d.
[f. 19v] 1688 : 152950 l. 18 s. 10 d.
1689 : 33176 l. 13 s. 6 d.
1690 : 25388 l. 15 s. 3 d.
Somme totale : 6455561 l. 18 s.
Six milions quatre cent cinquante cinq mil cinq cent soixante une livres dix huit solz »

État des logements au château de Saint-Germain-en-Laye

« Du 25e febvrier 1685
Du 14e mars 1685
Logement du chasteau de Saint Germain, ce qui est fait de neuf y estant compris.

Caves
Un degré
13 caves dont 4 grandes et le reste fort petit.

Offices au rez de chaussée des caves
Premier pavillon à gauche en entrant par la cour des cuisines
Un degré
A. Gobelet de Monseigneur le Dauphin, 2 pieces à cheminée
Une petite porte qui entre dans le fossé.

2e pavillon
Un degré
B. Gobelet du Roy, 3 pieces dont 2 à cheminée et la 3e tres petite sans cheminée
Petit degré

3e pavillon
Un degré
C. Gobelet de la Reine, 3 pieces dont 2 à cheminée

4e pavillon
Un degré
D. Gobelet de Madame la Dauphine, 3 pieces dont 1e à cheminée

5e pavillon
Un degré
E. Bouche de la Reine, 5 pieces dont 3 à cheminée

Au rez de chaussée de la cour commençant à gauche en entrant par la cour des cuisines
Grande porte
Un degré rond qui va jusqu’au haut du chasteau

  1. Le chapelain, 5 pieces scavoir 3 par bas dont 1e à cheminée et 2 entresols dont 1 à cheminée
  2. M. de Chamarande, 5 pieces dont 3 à cheminée compris 1 entresol sans cheminée
    Petite porte avec pont-levis
    Un degré qui descend aux offices
  3. Le concierge, 9 pieces dont 3 à cheminée, compris 4 entresols sans cheminée
  4. M. de Vivonne, 5 pieces dont 3 à cheminée
  5. Madame de Thyange, 5 pièces dont 2 à cheminée
  6. M. de la Feuillade, 5 pièces dont 2 à cheminée compris 1 entresol sans cheminée
    Grand degré
  7. Premier maistre d’hostel du Roy et le chambelan, 6 pièces dont 2 à cheminée, compris 1 entresol sans cheminée
  8. Le grand maistre, 3 pièces dont 1e à cheminée, compris 1 entresl sans cheminée
    Un degré rond qui va jusque au haut du chasteau
  9. Premier gentilhomme de la chambre, 5 pièces dont 2 à cheminée
  10. M. le Premier, 7 pièces, scavoir 5 par bas dont 3 à cheminée et 2 entresols dont 1 à cheminée
    Un petit degré qui va jusque en haut derriere l’appartement du Roy
    Petite porte avec pont levis
    Un petit degré qui descend aux offices
  11. Capitaine des gardes du corps en quartier, 6 pieces dont 4 à cheminée, compris 2 entresols sans cheminée
  12. Capitaine des gardes de la porte, 8 pièces dont 2 à cheminée, compris 3 entresols sans cheminée
  13. M. le Grand, 6 pièces dont 4 à cheminée, compris 1 entresol sans cheminée
  14. Le conseil, 4 pièces dont 1e à cheminée
    Un grand degré
  15. Madame de Crequy, 7 pieces dont 2 à cheminée, compris 2 entresols sans cheminée
    Vestibule
    Grande porte du costé du jeu de paulme
  16. Premier aumosnier, 4 pieces dont 2 à cheminée, compris 2 entresols sans cheminée
  17. Les ambassadeurs, 6 pièces dont 2 à cheminée, compris 2 entresols sans cheminée
    Un petit degré qui va jusque au haut du chasteau, 1e très petite piece sans cheminée
  18. M. le duc du Lude, 6 pieces dont 2 à cheminée, compris 1 entresol sans cheminée
    Chapelle a costé de laquelle il y a un degré qui va au premier estage
    A costé de la sacristie de la chapelle, 2 chambres sans cheminée pour le predicateur et qui serviront aux deux prestres qui sont avec le chapelain.
    Lieux communs
    Un degré long qui va de fond en comble
    Petite cour
    F. Bouche du Roy, 4 pieces dont 3 à cheminée
    Un degré rond qui va jusque au haut du chasteau
  19. Apotiquaire du Roy, 4 pieces sans cheminée compris 2 entresols sans cheminée
  20. Apotiquaire du Roy, 2 pieces dont 1e à cheminée compris 1 entresol sans cheminée
    Corps de garde des gardes de la porte, 2 pieces dont 1e à cheminée, compris 1 entresol sans cheminée

Premier estage, commançant à gauche
Un degré rond

  1. Mademoiselle, 6 pieces dont 4 à cheminée, compris 1 petit entresol sans cheminée
  2. Mademoiselle, 6 pieces dont 3 à cheminée, compris 2 entresol sans cheminée
    Un petit degré qui va du rez de chaussée au premier estage
  3. M. de Louvois, 11 pieces, dont 3 à cheminée, compris 5 entresols sans cheminée
  4. M. de Louvois, 10 pieces dont 3 à cheminée, compris 2 entresols sans cheminée
    Grand degré
  5. M. le maréchal de Villeroy, 12 pieces dont 3 à cheminée, compris 2 entresols sans cheminée
    Grand degré
  6. M. le Prince, 10 pieces dont 3 à cheminée, compris 1 entresol sans cheminée
  7. M. le Duc, 4 pieces à cheminée
    Un petit degré
  8. Madame de Montespan, 20 pieces dont 8 à cheminée, compris 2 entresols sans cheminée
    Un degré long
  9. M. le duc du Mayne, 5 pieces dont 2 à cheminée, compris 1 entresol sans cheminée
    Un degré
  10. Dame d’honneur de madame la Dauphine, 7 pieces, dont 4 à cheminée, compris 2 entresols sans cheminée
    Un degré long
    Chapelle. 2 petites pieces sans cheminée dont 1 entresol
  11. M. l’archevesque de Rheims, 5 pieces dont 2 à cheminée, compris 1 entresol sans cheminée
    Un degré long
    Chapelle
  12. Officiers des gardes du corps, 2 pieces sans cheminée
  13. Officiers des gardes du corps, 1 piece sans cheminée
    Soufflets des horgues. 1e tres petite piece sans cheminée.
    Un degré long
  14. Madame la princesse de Conti, 5 pieces dont 3 à cheminée
  15. M. le prince de Conti, 5 pieces dont 2 à cheminée
    Petite cour
    Un degré rond
  16. M. le cardinal de Bouillon, 9 pieces dont 4 à cheminée, compris 2 entresols sans cheminée
  17. Filles d’honneur de madame la Dauphine, 6 pieces dont 1e à cheminée, compris 2 entresols sans cheminée
  18. Filles d’honneur de madame la Dauphine, 4 pieces dont 1e à cheminée, compris 1 entresols sans cheminée

Deuxiesme estage, commençant à gauche
Un degré rond

  1. Madame la Dauphine, 5 pieces à cheminée
  2. Monseigneur le Dauphin, 5 pieces dont 4 à cheminée, compris 1 entresol sans cheminée
    Grand degré
  3. Le Roy, 11 pieces dont 6 à cheminée, compris 3 entresols dont 2 à cheminée
    Un petit degré qui va de bas en haut
    Un degré moyen rond
  4. La Reine, 11 pieces dont 6 à cheminée, compris 1 entresol sans cheminée
    Un grand degré
    Un petit degré long
  5. Enfants de France et leur gouvernante, 7 pieces dont 6 à cheminée, compris 1 entresol à cheminée
  6. Enfants de France et leur gouvernante, 3 pieces à cheminée
    Un degré long
  7. Madame de Guise, 7 pieces dont 6 à cheminée

Entresols sur les n° 43, 44 et 45
Un degré long

  1. Madame la nourice, 10 pieces dont 2 à cheminée
  2. Enfants de France et leur gouvernante, 6 pieces dont 4 à cheminée
    Un degré long
  3. Madame de Soubise, 6 pieces dont 5 à cheminée
  4. 2 pieces dont 1e à cheminée

Continuation du deuxiesme estage
Chapelle
Un degré long

  1. Pour habiller les danceurs, 3 pieces dont 2 à cheminée
    Petite cour
    Un petit degré
    Salle des comedies
    Un moyen degré long
    Entresols au dessus du n° 50
  2. M. de Montauzier, 7 pieces dont 1e à cheminée
  3. Madame d’Uzès, 3 pieces à cheminée
    Cour
    Un petit degré

Troisiesme estage, commençant à gauche
Un degré rond

  1. Madame la marquise de Rochefort, 7 pieces dont 5 à cheminée, compris 2 entresols sans cheminée
  2. Prère, femme de chambre de madame la Dauphine, 4 pieces dont 3 à cheminée, compris 1 entresols sans cheminée
  3. M. de Seignelay, 13 pieces dont 10 a cheminée, compris 7 entresols dont 5 à cheminée
  4. M. le controlleur general, 16 pieces dont 5 à cheminée, compris 8 entresols dont 2 à cheminée
    Grand degré. 1 petit entresol sans cheminée sur le degré
  5. M. de Bouillon, 10 pieces dont 2 à cheminée, compris 5 entresols sans cheminée
  6. Madame de Maintenon, 11 pieces dont 7 à cheminée, compris 6 entresols dont 3 à cheminée, desquels il y en a 3 à l’estage du plain pied de la terrace
    Un petit degré
  7. Le Roy, 5 pieces dont 3 à cheminée, compris 1 entresol sans cheminée à l’estage du plain pied de la terrace
    Un degré rond
  8. Bontemps, 12 pieces dont 7 à cheminée, compris 7 entresols dont 4 à cheminée
  9. M. de la Rochefoucault, 11 pieces dont 6 à cheminée, compris 7 entresols dont 3 à cheminée, desquels il y en a 3 a l’estage du plain piedde la terrace
  10. Garderobbe du Roy, 9 pieces dont 5 à cheminée, compris 1 entresol sans cheminée
    Un grand degré
    Un degré long
  11. Me de la Garderobbe, 7 pieces dont 4 à cheminée, compris 4 entresols dont 2 à cheminée
  12. Madame de la Valiere, 7 pieces dont 2 à cheminée, compris 4 entresols dont 1 à cheminée
  13. Premier medecin de la Reine, 9 pieces dont 4 à chbeminée, compris 5 entresols dont 2 à cheminée
  14. M. le grand prevost, 7 pieces dont 2 à cheminée, compris 4 entresols dont 1 à cheminée
  15. Madame de la Vieuville, 8 pieces dont 5 à cheminée, compris 4 entresols dont 2 à cheminée
    Un degré long
  16. Grand maréchal des logis, 5 pieces dont 3 à cheminée, compris 1 entresol sans cheminée
  17. Capitaine des Cent Suisses, 5 pieces dont 2 à cheminée
  18. Garde meuble au dessus de la chapelle
    Un degré long
  19. M. Mansart, 7 pieces dont 2 à cheminée, compris 3 entresols sans cheminée
  20. M. Roze, 6 pieces dont 1e a cheminée, compris 2 entresols sans cheminée
  21. M. de Joyeux, 4 pieces dont 3 à cheminée, compris 1 entresols sans cheminée
    Petite cour
    Un degré petit
    Salle des comedies

Plain pied des voultes en terrace, commançant à gauche
Premier pavillon
Un moyen degré rond
Un petit degré

  1. M. le Major, 5 pieces dont 3 à cheminées, compris 2 entresols dont 1 à cheminée
  2. 5 pieces dont 2 à cheminée
  3. Gardrobbe de monseigneur le Dauphin, 3 pieces dont 2 à cheminée

2e pavillon
Il y a deux pieces marquées au 59 qui sont de l’appartement du Roy du 3e estage
Sur les voutes
Il y a trois pieces marquées au n° 58 qui sont marquez cy devant à l’appartement de madame de Maintenon au 3e estage
Il y a trois pieces marquées 65 qui sont marquez cy devant à l’appartement de M. de la Rochefoucauld au 3e estage

3e pavillon

  1. Premier medecin du Roy, 7 pieces dont 4 à cheminée

4e pavillon
Un degré

  1. M. de la Vienne, 4 pieces dont 3 à cheminée
  2. Mademoiselle Bessola, 5 pieces dont 2 à cheminée
    Sur les voutes
  3. M. de Nyert, 3 pieces dont 1 à cheminée

5e pavillon
Un degré long

  1. Garde meuble, 2 pieces sans cheminée
  2. Le père de la Chaize, 3 pieces dont 2 à cheminée
    Petite cour
    Petit degré »

Maison du Roi (Ancien Régime)

Satire fondée sur le logement de la famille royale et de la cour à Saint-Germain-en-Laye

« 1649. Satyre (logemens)
Coppie d’une lettre escripte par un mareschal des logis de la maison du Roy à un sien amy touchant les logemens de la Cour à Saint Germain en Laye
Monsieur et tres cher amy,
Les desordres survenus depuis peu ont obligé la pluspart du monde de pourvoir plustost à leurs affaires plus presentes que de penser à sa satisfaction particulliere et à celle que l’on doibt à ses amis. L’interest qu’un chacun doibt prendre de se conserver, et particullierement ceux qui sont obligez de se tenir pres de Leurs Majestez, m’a fait garder le silence pour ne point tomber dans quelque faulte qui peust blesser la reputation et la fidelité. Mais croyant en cecy non pas vous descouvrir un secret mais vous demander advis sur le faict de ma charge et scavoir sy, selon l’occurence, je m’en suis acquitté, je vous diray que la resolution estant prise par le Conseil du Roy d’esloigner Leurs Majestez de la ville de Paris pour evitter les perilz dont la brutalité d’un peuple esmeu sembloit les menasser, je fus commandé avec mes compagnons d’aller à Saint Germain en Laye faire les logemens, quoy qu’il fust presque nuict, ce qui nous embarassa beaucoup. Toutesfois, nous nous y transportasmes avec toutte dilligence possible et allasmes droit au chasteau, mais nous trouvasmes le vieil occuppé la la Reyne d’Angleterre et le neuf qui tomboit en ruyne, tellement que la necessité nous contraignot de visiter les hostelleries et y faire les logemens. Nous choisismes donc pour le Roy le Mouton, Monsieur, son frere, fut logé au Papillon, la Reyne au Chappeau Rouge. Mais parce que le logis et particullierement les chambres estoient malcommodes, nous y logeasmes son train seullement et sa personne eust pour logement le Saulcisson d’Itallie, lieu qui fut fort agréable pour sa gentillesse, ses filles furent logées à la Petitte Vertu, monsieur le cardinal à la Harpe, le logis de la Couronne luy ayant esté donné, et ses gens furent mis au Louis d’Or et d’Argent. Il y eust grande contestation pour ce dernier logement parce que les depputez tant du parlement que les commis qui vont et viennent souvent de Paris à Saint Germain voulloient tous qu’il leur fust conservé pour y loger ordinairement, disant leur appartenir de droict, mais à cause de la faveur, le falut cedder aux gens dudict sieur cardinal, et lesdictz depputez furent logez à la Raquette. Son Altesse royalle eust pour logis le Mullet Bardé, Madame, sa femme, celluy du Silence, Madmoiselle fut mise à l’Empereur, mais ce logis estant tout descouvert, elle fut contraincte de se tenir à l’Esperence, madame la Princesse douairiere fut logée à la Vertu, monsieur le Prince aux Quatre Ventz, madame la Princesse à l’Asseurance, monsieur le prince de Conty au Cigne de la Croix, monsieur de Longueville à la Prudence et madame sa femme à l’Escu, messieurs du parlement à la Justice, monsieur le mareschal de la Melleraye au Crocheteur, mais il fallut oster l’enseigne craincte de desordre, monsieur de Montbazon prit la Corne, son logis ordinaire, monsieur le chancellier au Grand Turc, messieurs du Conseil à la Chauve Soury, l’abbé de la Riviere à la Fortune. Les capitaines des gardes du corps estoient logez à la Cage mais, pour leurs absences, le logis demeura vaccant jusques à ce que monsieur de Chavigny fut contrainct de l’occuper pour la necessité du temps. Le reste de la Cour se logea où il peust. Il y a encores quelques particulliers. Croyant ceux cy estre les principaux, je n’alongeray ce discours que pour vous dire adieu.
Tout est dans la confusion,
La decadence est generalle,
Nous voyons la division,
Jusques dans la maison royalle.
Quel estrange boulleversement
Dans les villes et les campagnes,
L’argent tary dans les espargnes,
Le Roy, chocqué du parlement,
Et les rivieres et les montagnes
Ce chocqueront asseurement.
Mais sy ce mauvais temps là dure,
Où l’on s’arrache le chappeau
Pour se parer de la froidure,
Chacun tienne bien son manteau. »

Rôle d’une montre tenue à Saint-Germain-en-Laye

« La monstre de messire Guillaume Le Bignot, chevalier bachelier, et de neuf escuiers de sa chambre, receue a Saint Germain en Laye le IXe jour de m[…] l’an mil CCC IIIIxx et deux
Le dit messire Guillaume
Esclanet de Boscherville
Loys de Tournebu
Commet de Couronne
Olivier du Mesnil
Guillaume du Val
Compaignon du Fay
Guillin du Val
Jehan de Launoy
Jaquet de Breteville »

Récit par le maître des cérémonies Nicolas Sainctot du baptême du Dauphin à Saint-Germain-en-Laye

« [f. 63] La ceremonie de la nomination de monseigneur le Dauphin
1668
Monseigneur le Dauphin ayant atteint l’aage de cinq ans et demy, le Roy voulut luy faire donner un nom. Le Pape souhaita d’estre le parrain, et la reine d’Angleterre la maraine.
Le Pape fit le choix du cardinal de Vandosme pour estre son legat dans cette occasion et la reine d’Angleterre pria la princesse de Conty de vouloir estre la maraine en son nom.
Le 23e de mars, veille de la cérémonie, le cardinal se rendit à Saint Germain.
Le Roy ne luy envoya point ses carrosses ny aucune personne de qualité le complimenter chez luy, parce que le Pape ne l’avoit pas envoyé expres, et qu’il estoit né sujet du Roy. [f. 63v] Monsieur n’alla point au devant de luy comme il avoit esté à la rencontre du cardinal Chigy, legat a latere d’Alexandre VIIe.
Ce mesme jour, sur les cinq heures du soir, le cardinal eut sa premiere audiance du Roy. Il y fut conduit par le comte d’Armagnac, prince de la maison de Lorraine, grand escuyer de France, par le sieur de Bonneuil, introducteur des ambassadeurs, et par le sieur Sainctot, maitre des ceremonies.
Le comte d’Armagnac l’alla prendre dans la salle de descente. Il luy donna dans la marche la main. Le sieur de Bonneuil marchoit immediatement devant le comte d’Armagnac. Le sieur Sainctot, apres avoir receu le cardinal au bas de l’escalier du château vieux, où les Cent Suisses estoient en haye et sous les armes sur les degrés, se plaça à droite vis à vis du sieur de Bonneuil. Le duc de Nouailles, capitaine des gardes du corps, le receut à la porte de la salle des gardes, où toute la compagnie estoit sous les armes et en haye, et se mit à main droite, un peu au dessus du cardinal, pour n’avoir point la droite sur le prince, et aussy pour rendre plus d’honneur au cardinal, la place luy estant plus [f. 64] honorable d’avoir la main sur un prince que s’il se fust trouvé entre deux personnes dont l’une estoit inferieure à l’autre.
Le cortege qui accompagnoit le cardinal estoit composé de son dataire, de son protonotaire, de son porte croix et d’autres officiers de la legation vetus de leurs mantelets.
Le porte croix s’arresta avec sa croix à la porte de l’antichambre du Roy.
Le Roy, voyant arriver le cardinal, sortit de son balustre et vint quatre ou cinq pas au devant de luy, rentra dans le balustre, s’assit sur un fauteuil, et en fit donner un au cardinal legat, qui se couvrit. Apres un quart d’heure de conversation, il se leva et le Roy le reconduisit au mesme endroit où il l’avoit esté recevoir.
On alla de là chez la Reine, qui le receut avec les mesmes honneurs que le Roy luy venoit de faire, avec cette difference neantmoins que la Reine luy donna audience hors du balustre, parce que les reines n’y recoivent jamais personne.
Ensuite, le cardinal legat, accompagné du comte d’Armagnac, de l’introducteur et du maitre des ceremonies, alla voir monseigneur le Dauphin.
Monseigneur vint au devant de luy dans son antichambre avec la marechalle duchesse de la Mothe, sa gouvernante. Il le conduisit dans sa chambre, affectant de le devancer d’un pas et le tenant par la main. L’un et l’autre ne s’assirent point, la visite dura peu. Apres quoy, monseigneur le Dauphin le reconduisit jusques au lieu où il l’avoit receu.
Le cardinal ne fut point visiter Monsieur, parce que Monsieur n’estoit pas venu au devant de luy arrivant à Saint Germain.
Le 24e, la ceremonie se fit dans la cour du château vieux. La cour a 37 toises de longueur sur sept de largeur. On prit ce lieu parce que la chapelle de Saint Germain est trop petite et que le chœur mesme de Nostre Dame n’eust pas esté assez spatieux pour contenir toutes les personnes qui [f. 65] avoient fonction en cette ceremonie.
A l’entrée de la cour, on avoit dressé à main droite, en un espace de 15 toises en longueur sur 18 en largeur, des eschafaux en amphiteatres qui s’elevoient jusques au premier estage.
Dans cette espace, il y avoit deux barrieres eloignées l’une de l’autre de quatre toises pour empescher qu’on approcha du pale ou plateforme où se devoit faire la ceremonie.
Le pale avoit 20 toises de long et seize de large. Il estoit dressé de trois pieds et demy. On y montoit par une espece d’eperon qui avoit dix toises de large, composé de sept marches. Il estoit fermé par deux costez de deux balustres, chacun de trois toises et demy.
A l’entrée du pale, on avoit dressé des deux costez deux magnifiques buffets où les honneurs du parain, de la maraine et de monseigneur le Dauphin devoient estre posez.
Ces buffets estoient couverts de brocard [f. 65v] d’argent. Les tables elevées sur quatre marches à pans coupez formoient trois paliers de chacun une toise de giron. Aux deux costez de ces tables, deux pieds destaux et, sur ces pieds destaux, il y avoit deux grands vases d’argent.
Derriere ces pieds destaux, on avoit mis de grandes consoles pour renfermer les buffets. Les buffetz estoient composez de quatre gradins où estoient un grand nombre d’argenterie de vermeil doré.
Au milieu du pale, environ à sept toises de l’entrée, il y avoit une elevation de quatre marches ottogones dont la premiere avoit trois pieds de giron et les deux autres formoient des paliers, chacun d’une toise et demy de giron.
Sur le dernier palier, on avoit posé une cuvette d’argent qui devoit servir de fonds pour la ceremonie. La cuvette avoit cinq pieds de long sur trois pieds et demy de large et quatre de haut. Elle estoit enrichie de plusieurs figures et estoit couverte d’un grand tapis de brocard d’argent avec une grande frange d’argent. [f. 66] Au dessus de la cuvette, on suspenit un dais ottogone de huit pieds de long sur 14 de large, elevé environ de trente pieds.
Ce dais de brocard d’argent, dont la pente estoit environ de quatre pieds de haut, y comprenant la campane, avoit deux pieds et demy, toute en broderie d’argent ornée de dauphins entrelassez de palmes et de fleurs de lys, et au bas de la campane pendoient plusieurs harpes ou glands d’environ un pied de haut en broderie d’argent.
La campane estoit attachée à une corniche dorée qui portoir quatre grands dauphins d’argent. Ces dauphins soutenoient une couronne d’or fermée de la grandeur de cinq pieds de long sur quatre de large, et de la queue des dauphins sortoient des lis. On avoit mis aux quatre coins du dais de grands bouquets de plumes blanches avec des aigrettes au milieu.
Ce dais sembloit estre soutenu par la figure d’un ange qui estoit en l’air, tenant d’une main les cordons où pendoit le dais, [f. 66v] et de l’autre une epée flamboyante comme pour defendre la couronne et les dauphins qui estoient sur ce dais.
A quatre roises des marches où la cuvette des fonds estoit posée, on avoit elevé un grand autel de 13 toises de face sur 8 toises de haut, enrichy d’or et d’azur.
Aux deux costez de cet autel, on avoit dressé deux tribunes d’environ trois toises de large et elevées d’une toise, pour la musique de la chambre et de la chapelle.
Ces tribunes estoient environnées d’un balustre doré avec des pieds destaux dans les angles.
Ces pieds destaux portoient de grands vases d’argent environ de cinq pieds d’où sortoient plusieurs chandeliers de mesme metail.
Ces tribunes estoient attachées à quatre pieds destaux avec des pilastres corinthiens d’environ 18 pieds de haut et ces pilastres soutenoient une corniche et une balustrade fort enrichie d’ornemens corinthiens.
[f. 67] On montoit à l’autel par sept marches à sept toises de face. Ces marches conduisoient à un palier d’une toise et demye de giron joignant le marchepied de l’autel.
L’autel estoit enfermé de quatre colomnes de la mesme hauteur que les pilastres et du mesme ordre.
Ces colomnes avoient leurs contrepilastres et le tout estoit porté par des pieds destaux elevez au dessus de la table de l’autel.
Entre ces colomnes estoit une ouverture dont l’extremité formoit un portique, sous lequel estoient des gradins où l’on posa l’argenterie.
Il y avoit aussy six autres ouvertures environnées de pilastres aux costez de l’autel, et ces ouvertures estoient fermées de tapisseries en broderie d’or et d’argent sur lesquelles estoient attachées des plaques d’argent d’environ cinq pieds de haut.
Toutes ces ouvertures estoient garnies [f. 67v] de gradins tous couvers de bassins et de vases d’argent, d’un grand nombre de chandeliers, de plaques et de quatre gueridons d’environ six pieds et demy de haut, le tout eclairé d’une infinité de cierges et de bougies.
Tout le lieu où se fit la ceremonie etoit environné de bancs des deux costez, derriere lesquels il y avoit une manière d’amphiteatre qui montoit jusques aux fenestres du premier estage, auxquelles on avoit fait des balcons couverts de tapis de Perse à fonds d’or et de diverses etoffes fort riches.
Les appuis de toutes les croisées jusques au dernier estage du château estoient ornées de riches tapis de Perse, les tremeaux et les murs estoient tapissez et l’espace de la cour estoit couverte par en haut d’une grande toile en manière de baldaquin semée de fleurs de luys à fond bleu et bordée d’une grande campane ornée de fleurs de lys et de dauphins d’or.
Le chancelier, revetu de son habit de drap d’or, ayant sa soutanne de drap d’or, son chapeau de velours noir bordé d’un galon d’or, le cordon d’or, se rendit à une heure au palc [f. 68] accompagné des conseillers d’Estat et des maitres des requestes vetus de robes de velours noir plein et de soutanes de satin noir avec des ceintures dorées, le cordon de leur chapeau d’or. Il prit sa seance du costé de l’epitre, comme aux jours des Te Deum à Nostre Dame, et s’assit dans son fauteuil à bras sans dossier.
Par ordre du Roy, tous les conseillers d’Estat se placerent les premiers proche de luy dans les places les plus honorables. Quelques maitres des requestes receus avant quelques uns des conseillers d’Estat avoient pretendu estre placez selon leur rang de reception mais le dernier reglement du Roy fit qu’ils se mirent apres eux. Ce reglement portoit que tous ceux qui avoient entrée dans le Conseil ne prendroient leur seance que du jour qu’ils y entroient en qualité de conseillers d’Estat.
Le Roy avoit raison d’honorer d’une preeminence les conseillers d’Estat puisqu’en sa presence ils sont assis en son Conseil, dans le temps que les maitres des requestes parlent debout et deouverts devant la chaise du Roy. [f. 68v] Les evesques vinrent en camail et en rochet. Le sieur Dupin les plaça à main droite proche l’autel du costé de l’epistre.
Il plaça aussy les ambassadeurs vis à vis des evesques.
Monsieur de la Vrilliere, secretaire d’Estat, et le comte de Berny, receu en survivance de la charge de secretaire d’Estat du sieur de Lyonne, son père, prirent leurs seances au dessous des ambassadeurs, vis à vis des conseillers d’Estat.
Les sieurs Le Tellier, de Lyonne, du Plessis de Guenegaud, secretaires d’Estat, ne s’y trouverent pas, parce qu’ayant conservé le cordon bleu apres en avoir vendu les charges, ils croyoient ne pouvoir paroitre avec bienseance devant un corps dont ils avoient esté les officiers. Neantmoins, bien que cette raison fut commune avec le sieur de la Vrilliere, il ne laissa pas d’assister à la ceremonie en rang de seance.
Pendant que l’ayde des ceremonies donnoit les seances à chacun, le sieur Sainctot estoit au château neuf, en la chambre de parade, où [f. 69] monseigneur le Dauphin n’estoit venu se coucher que pour donner lieu à faire la ceremonie, ayant passé la nuit au vieux château.
On fut obligé, ne voulant pas deloger Monsieur et Madame, de prendre une partue de la galerie qui va au boulingrin, dont on prit une juste proportion pour la longueur d’une chambre.
Une cloison d’ais separoit cette galerie. On dressa au fond de cette chambre une estrade de deux degrez de hauteur sur laquelle on posa le lit de monseigneur le Dauphin.
Ce lit estoit sans piliers et avoit pour ciel un dais de brocard d’argent à queue venant joindre le chevet du lit.
On coucha monseigneur le Dauphin à droit, du costé des fenestres de la belle veue. Il estoit tout vestu, de crainte qu’il n’eut froid dans un lieu où il n’y avoit point de cheminée. La couverture du lit estoit de toile d’argent bordée d’un pied et demy d’hermine, les draps [f. 69v] estoient de toile d’Hollande avec des grands points de France, et sur le bord du lit, on avoit estendy le manteau qui devoit servir à Monseigneur dans cette chambre. On y dressa deux tables, sur l’une desquelles, à droite, on mit les pieces d’honneur du parain et de la maraine, le bassin, l’aiguiere et la serviete, et sur l’autre on y mit les pieces d’honneur de l’enfant, le cierge, le cremeau, la saliere.
Au dessus de ces tables, on suspendit deux dais de velours cramoisy. Un de ses dais devoit estre de brocard d’argent aux armes de monseigneur le Dauphin, mais le peu de temps qu’on eut depuis la resolution du Roy pour le baptesme fit qu’on se servit de ces deux dais de mesme parure.
Il est bon de remarquer que, lorsque le parain et la maraine sont plus grands en dignité que l’enfant, leurs pieces d’honneur sont posées sur la table la plus parée et sont portées les premieres par de plus grands princes, et qu’au contraire si l’enfant est plus elevé en dignité que le parain et la maraine, ses pieces d’honneur sont portées les premieres.
[f. 70] Tout estant prest, le sieur Sainctot alla avertir les cinq princesses du sang destinées à servir monseigneur le Dauphin de se rendre dans son appartement.
Elles estoient dans une salle de descente en attendant l’heure de la ceremonie.
Elles vinrent en la chambre de Monseigneur, où le Roy et la Reyne s’estoient rendus pour voir la ceremonie du lit. Mademoiselle, fille de Monsieur, s’approcha du lit et se plaça à main droite. Mademoiselle d’Orleans, à main droite aussy, proche le chevet du lit, à cause de la fonction qu’elle devoit faire avant que Mademoiselle pust faire la sienne.
Madame de Guise se plaça à gauche. Madame la princesse de Condé et madame la duchesse d’Enguien se placerent aux pieds du lit.
Ces princesses ayant pris leurs places, mademoiselle d’Orleans et madame de Guise leverent la couverture du lit et [f. 70v] decouvrirent Monseigneur, qui estoit couché tout habillé entre deux draps. Alors Mademoiselle s’avança et leva Monseigneur de son lit.
Pendant que la gouvernante habilloit Monseigneur et luy mettoit son manteau, le sieur Sainctot alla avertir les princes du sang de venir en la chambre de Monseigneur.
Ils estoient dans la salle de descente où les princesses avoient esté se reposer.
Les princes estans arrivez dans la chambre de Monseigneur, madame la Duchesse s’approcha de la table pour recevoir du sieur de Launay, intendant et controlleur general de l’Argenterie, les pieces d’honneur du parain et de la mareine. La serviete luy fut donnée envelopée d’une tavayole de toile d’argent qu’elle remit aussitost entre les mains de monsieur le Prince. Elle donna ensuite à monsieur le Duc le bassin et l’aiguiere avec une tavayole pour les tenir.
Apres cette fonction, madame la Duchesse alla à la table où estoient posées [f. 71] les pieces d’honneur de monseigneur le Dauphin. Elle les receut de la mesme main du sieur de Launay. Elle donna le cremeau et la saliere au prince de Conty avec une tavayole, et le cierge au comte de Clermont, frere du prince de Conty.
Six princes devoient porter ces six pieces d’honneur, mais on fut obligé de les doubler affin d’eviter de se servir des princes etrangers, que les princes du sang auroient fait difficulté d’admettre avec eux, outre qu’il s’estoit mu entre eux une contestation à qui serviroit.
Le comte de Soissons, de la maison de Savoye, se plaignoit de ce qu’estant seul de sa maison, on se servoit toujours des princes de la maison de Lorraine, et qu’à la fin la longue possession de servir aux jours de ceremonie seroit un titre à cette maison pour se persuader d’avoir le pas sur la sienne.
Cette ceremonie finie de la distribution des pieces d’honneur, le sieur Sainctot alla prendre Monsieur dans son appartement et le conduisit dans la chambre de Monseigneur.
[f. 71v] De là, il alla avertir madame la Princesse de Conty, deleguée par la reine mere d’Angleterre, maraine, de se rendre à la ceremonie.
Elle estoit dans un appartement de celuy du cardinal legat. Quoiqu’elle eut pu estre dans la mesme chambre avec luy, il n’y avoit point de contestation entre eux pour le pas et pour la main, ce qui n’avoit pas paru sans difficulté entre la reine mere d’Angleterre et le cardinal legat, car la chose ne fut changée que la surveille de la ceremonie. La reine d’Angleterre allegua qu’elle venoit elle mesme en personne à la ceremonie et que le pape n’estoit là present que par son legat, qu’on devoit faire une grande difference entre la chose mesme ou une chose representée, et que si la representation avoit lieu, il falloit de necessité que les rois donnassent toujours le pas et la main chez eux, et aux legats et aux ambassadeurs de testes couronnées.
Ces raisons firent croire que l’honneur d’imposer le nom à monseigneur le [f. 72] Dauphin luy devoit appartenir, mais la consideration que le Roy eut pour le pape fit que la reine d’Angleterre se dispensa de s’y trouver.
La princesse de Conty arrivant dans l’appartement de Monseigneur, Monseigneur fit quelques pas pour aller au devant d’elle.
Le Roy avoit nommé quelques evesques par lettres de chachet pour aller visiter en mantelet le cardinal legat. Ces evesques estans assemblez chez le comte du Lude avec leurs confreres qui estoient venus simplement pour se trouver à la ceremonie du palc, leurs demanderent advis de ce qu’ils avoient à faire, pretendant que les droits les plus essentiels de l’episcopat estoient violez en cette occasion.
La chose examinée, les evesques resolurent, apres avoir fait lire les lettres de cachet escrites aux evesques nommez, que les archevesques de Sens et de Bourges iroient sur l’heure mesme trouver le Roy pour le supplier tres humblement de trouver bon [f. 72v] qu’aucun evesque ne visitast le cardinal legat en cet habit.
Le Roy leur avoit marqué par sa lettre qu’il ne souhaitoit pas qu’ils en usassent autrement que leurs predecesseurs en avoient usé au baptesme du feu roy. Les registres conservez dans la biblioteque royalle faisoient foy que le cardinal de Joyeuse, nommé du Pape pour parain, n’avoit point esté visité par aucun evesque ny mesme accompagné d’aucun, mais que les evesques l’avoient attendu dans la chapelle avec les cardinaux.
Les archevesques furent priez encore de luy representer que les exemples de ce qui s’estoit fait aux entrées des cardinaux Barberins et Chisy, legats, ne pouvoient tirer à consequence, parce que les evesques qui avoient paru avec le mantelet et le chapeau l’avoient pris comme un habit de cheval qu’ils avoient quitté mettant pied à terre, et s’ils portoient le mantelet dans cette visite, c’estoit approuver la pretention de la [f. 73] cour de Rome sur les evesques que toute jurisdiction doit cesser en presence des legats du Pape, ce qui estoit entierement opposé aux libertez de l’eglise gallicane.
Ces deux archevesques allerent trouver le Roy au chateau neuf, dans la chambre de monseigneur le Dauphin, où l’archevesque de Sens, portant la parole, luy representa les raisons qu’on vient de dire. Le Roy leur dit qu’il ne souffriroit pas qu’ils receussent aucune diminution durant son regne, et qu’il n’avoit point dessein d’obliger les evesques à faire des choses qui marquassent que leur jurisdiction cessast en presence des legats du Pape, mais il leur temoigna que, la ceremonie devant commencer sur l’heure mesme, il estoit difficile de changer ses ordres, que les prelats nommez pourroient rendre une visite particuliere au cardinal legat en mantelet sans paroitre en public en cet habit et que cette visite estant un compliment de particuliers seulement ne pourroit estre prise pour une chose faite au nom et par le clergé de France.
[f. 73v] L’archevesque de Sens supplia le Roy de trouver bon qu’il parust sur le registre du sieur Sainctot que la visite ne s’estoit faite qu’à cause de l’embarras present, sans qu’elle pust tirer à consequence à l’advenir, ce que le Roy luy accorda.
Ces evesques nommez vinrent en mantelet faire leur visite au cardinal, logé au château vieux, d’où il partit incontinent apres l’avoir receu pour se rendre au château neuf où, estant adverty par le sieur Sainctot qu’il estoit temps de venir chez monseigneur le Dauphin, il y vint accompagné de son cortege.
Monseigneur le receut comme il venoit de recevoir la princesse de Conty. Tout estant en estat,
La marche se fit en cet ordre :
Les archers du grand prevost, tous tenans un flambeau de cire blanche à la main, leurs officiers à la teste sans flambeau
La compagnie des Cent Suisses de la garde du Roy ayans tous un flambeau de [f. 74] cire blanche à la main, leurs officiers à la teste
Les tambours et les trompettes de la chambre
Les gentilshommes servans, tous vetus de noir et en manteau, ayant un cierge à la main
Les gentilshommes ordinaires, tous vetus de noir et en mateaux, ayans un cierge à la main
Six heros ayans leurs caducées à la main, vetus de leurs cottes d’armes
Le roy d’armes
L’huissier de l’Ordre, vetu de son habit de l’Ordre
Les heros d’armes de l’Ordre, vetu de mesme
Le tresorier, seul, vetu de son habit de l’Ordre, le prevost, le greffier et le chancelier ne s’estans point trouvez à la ceremonie
Les chevaliers du Saint Esprit, vetus de leurs habits à chausses retroussées à bas d’attache avec leurs manteaux de l’Ordre, où leur collier de l’Ordre estoit attaché, tenans tous un cierge à la main
Aux dernieres ceremonies des baptesmes des dauphins de France, les chevaliers n’avoient [f. 74v] point paru en cet habit de ceremonie, mais dans des occasions comme celle cy, on doit toujours chercher ce qui est plus convenable et ce qui va plus à la grandeur et à la pompe d’une ceremonie.
Le roy voulut bien souffrir, parce qu’on n’avoit point plancheyé le chemin d’une toise et demy ou environ de largeur comme on le devoit faire pour la commodité de la marche depuis le château neuf jusques au château vieux, que le tresorier de l’Ordre et les chevaliers du Saint Esprit eussent des gens de livrées pour porter la queue de leurs manteaux, les princes de sang et Monsieur eussent des gentilshommes, car dans les ceremonies des chevaliers du Saint Esprit, les Enfans de France ne sont pas mesme en cette possession d’avoir des porte queues.
Dans cette marche, les chevaliers ducs et pairs allerent les premiers, selon le rang de la creation de leur duché, c’est-à-dire plus prez de la personne de monseigneur le Dauphin, quoiqu’inferieurs en reception de chevaliers.
[f. 75] Apres les chevaliers, le comte de Clermont marchoit avec sa gouvernante. Il portoit le cierge et estoit vetu d’une robe de couleur, à cause de son bas aage.
Le prince de Conty suivoit, vetu de noir et en manteau, portant le cremeau et la saliere.
Le duc d’Enguien, vetu de son habit de l’Ordre, ayant le collier dessus son grand manteau, portoit le bassin et l’aiguiere. La queue de son manteau estoit portée par le sieur Briole.
Le prince de Condé portoit la serviette. Il estoit vetu de son habit de l’Ordre, ayant le collier dessus son grand manteau dont la queue estoit portée par le sieur de Saint Marc.
Les sieurs de Coaslin, de Noailles, de la Ferté, de Roquelaure, de la Vieville, de Grancey, de Clerambault, de Crequy, de Gesvres, de Belfond, d’Humieres, de Gordes, de Richelieu, de Tonnerre, de Matignon, d’Estrees, de Polignac, les trois enfans d’honneur de Monseigneur, Vitry, l’abbé d’Estrées et Bellemarre marchoient sans rang entre eux immediatement devant Monseigneur.
[f. 75v] Ces jeunes enfans, aagez de huit à dix ans, au nombre de vingt, estoient vetus tous d’une mesme parure. Ils avoient des habits de toile d’argent à chausses retroussées coupéespar des bandes garnies de dentelles d’or et d’argent avec un agreement au milieu des bandes d’or et d’argent et incarnat. Le pourpoint estoit de toile d’argent tout couvert de dentelles, les manches coupés par bandes, le capot, de toile d’argent chamarré d’une dentelle d’or et d’argent et melé d’incarnat, estoit doublé de toile d’argent et incarnat. Ils avoient une toque de velours noir avec des plumes incarnates et blanches.
Ensuite venoit monseigneur le Dauphin, vetu d’un habit de brocard d’argent à chausses retroussées, coupées par bandes garnies de dentelles d’argent.
Son manteau estoit de brocard d’argent couvert de dentelle d’argent doublé d’hermine. La queue du manteau de huit aunes de long estoit portée par le duc de Mercoeur, vetu de noir et en manteau. Monseigneur avoir aussy une toque de brocard d’argent [f. 76] avec des plumes blanches.
Monsieur, vetu de son habit de l’Ordre, ayant un collier dessus son grand manteau, dont la queue estoit portée par le comte du Plessis, son premier gentilhomme de la chambre, conduisoit Monseigneur, luy tenant la main gauche.
A droit et à gauche de Monseigneur marchoient le chevalier de la Hilliere, lieutenant des gardes du corps, et le sieur de la Serre, enseigne des gardes, tous deux commis à sa garde.
Monsieur n’avoir derriere luy que le sieur de Rocheplate, son lieutenant des gardes, parce que le comte de Clerc, capitaine de ses gardes, marchoit en rang de chevalier.
A costé droit de Monseigneur, un pas en arriere, estoit le duc de Crequy, premier gentilhomme de la chambre du Roy, choisy pour porter Monseigneur en cas de besoin pendant la marche. [f. 76v] Il estoit vetu de noir et en manteaux à cause de sa fonction, quoiqu’il fust chevalier de l’Ordre.
La marechalle duchesse de la Motte, gouvernante des Enfans de France, estoit derriere Monseigneur, le plus prez que faire se pouvoit. Elle avoit pour escuyer le sieur de Servac, son neveu. La queue de la robbe de la marechale estoit portée par un valet de livrée par la raison que l’on vient de dire de l’incommodité de la marche.
Le comte d’Agein, fils ainé du duc de Noailles, receu en survivance de capitaine des gardes du corps, faisant la charge de capitaine, marchoit derriere la marechale.
Venoit ensuite le cardinal legat et parain, en bonnet quarré. Il estoit vetu de sa casaque, dont la queue estoit portée par le comte de Saint Aignan, à la priere du cardinal et non par ordre du Roy. L’usage des princes cardinaux est de se faire toujours porter la queue par leur capitaine des gardes et non par un maitre de chambre comme les autres cardinaux font ordinairement. Cependant, [f. 77] le cardinal legat sceut employer une personne de la premiere qualité, qui apparemment voulut bien faire cette fonction pour faire honneur à son parent.
Le legat avoit à main droite son cortege, composé des officiers employez à la legation et de son porte croix.
A main gauche du legat, estoit la princesse de Conty, marreine, ayant pour escuyer le comte d’Arsy.
Elle estoit vetue de noir, comme veuve, ayant une mante dont la queue trainante de quatre aunes estoit portée par la marquise de Gamache, sa dame d’honneur. Si la reine fust venue en personne, le cardinal legat auroit marché immediatement devant Monseigneur et la reine apres Monseigneur : c’estoit un accomodement qu’on avoit trouvé.
La princesse de Conty pouvoit avoir l’bhonneur d’avoir la queue de sa mante portée par sa dame d’honneur, quoique les autres princesses du sang n’eussent que des gentilshommes, parce qu’elle representoit la [f. 77v] reine d’Angleterre, à l’exemple des princesses du sang que la Reine envoye jetter de l’eau benite sur le corps d’une princesse du sang morte : c’est toujours la dame d’honneur de la Reine qui porte la queue de la robe de la princesse.
Derriere le parain et la marreine marchoit Mademoiselle, menée par le chevalier de La Rochefoucault.
Elle estoit, à cause de son bas aage, vetue de couleur, sa robe couverte de dentelle d’or et d’argent dont la queue trainante de quatre aunes etoit portée par le chevalier du Plessis Praslin.
On mit en question quelle place estoit la plus honorable, de porter la queue ou de donner la main. Si on y eust bien songé, il n’y auroit pas eu de differends advis sur cela : la charge de porte queue chez la Reine est une des moindres charges de sa maison. Il est vray que les princesses du sang porterent la queue du manteau royal au mariage de la Reine, mais c’estoit un manteau royal et Monsieur donnoit la main à la Reine. Cet exemple, que le sieur [f. 78] Sainctot allegua, fit naitre aux princesses la pensée de demander des dames pour porter la queue de leurs robes. Elles disoient que, pusqu’elles portoient la queue du manteau de la Reine, elles devoient donc avoir des femmes de qualité plutost que des hommes. Mais il leur dit que la Reine avoit sa dame d’honneur qui luy portoit la queue de sa robe aux ceremonies ordinaires, et qu’il falloit de necessité une distinction entre la Reine et elles.
Derriere Mademoiselle estoit madame de Saint Chaumont, sa gouvernante, qui n’avoit ny escuyer ny porte queue.
Mademoiselle d’Orleans, menée par son premier escuyer. La queue de sa robe, trainante de quatre aunes, estoit portée par le chevalier d’Humieres.
Madame de Guise avoit pour escuyer le comte de Sainte Mesme, chevalier d’honneur et premier escuyer de madame douairiere d’Orleans, sa mere. La queue de sa robe, trainante de quatre aunes, estoit portée par le sieur de Saint Remy, premier escuyer de la mesme princesse [f. 78v] douairiere.
La princesse de Condé, menée par le comte de Lussan, premier escuyer du prince de Condé. La queue de sa robe, trainante de quatre aunes, estoit portée par le sieur Desroches, capitaine des gardes de ce prince.
La duchesse d’Enguien, que le comte de Moreuil Comeny, premier escuyer du duc d’Enguien menoit. La queue de sa robe, trainante de quatre aunes, estoit portée par le baron de Rivieres.
Les evesques commandeurs, vestus de violet, se mirent dans la marche derriere les princesses du sang. Ils avoient voulu suivre immediatement apres les chevaliers du Saint Esprit, mais les chevaliers s’y opposerent, ne voulant point estre separez des princes du sang. Comme les evesques commandeurs virent qu’ils ne pouvoient reussir pour estre apres eux, ils demanderent au moins qu’ils pussent estre immediatement derriere Monseigneur, puisqu’aux processions et aux marches que l’Ordre fait, ils marchent apres la personne du Roy. [f. 79] Les princesses du sang s’opposerent à cette nouvelle pretention, par la raison que le sang n’est jamais separé.
Le Roy, apres avoir separement ouy les uns et les autres, il ordonna que les evesques commandeurs marcheroient apres les princesses du sang.
Enfin, les dames d’honneur des princesses, accompagnées des filles d’honneur, suivirent.
La marche fut fermée par soixante gardes du corps qui tous tenoient des flambeaux de cire blanche à la main.
Les archers du grand prevost, arrivant à la porte du vieux château, s’y arresterent parce qu’ils n’entrent jamais dans l’eglise et la cour du vieux chasteau en servoit.
Les Cent Suisses entrerent dans la cour et se placerent en haye jusques au bas des degrez du palc.
Les tambours et trompettes à gauche [f. 79v] en entrant au palc, dans un espace vuide pour eux.
Les gentilshommes servans et les gentilshommes ordinaires se mirent à main droite sur un banc.
Les heros et roy d’armes demeurerent debout sur le palc, proche des tables, dans un espace vuide preparé à droit pour eux.
L’huissier et ce heros d’armes de l’Ordre, en entrant sur le palc, firent ensemble leurs reverences, une à l’autel, une au Roy, une à la Reine, et s’allerent mettre debout pres de leur forme en attendant que les chevaliers eussent pris leurs places.
Le tresorier de l’Ordre fit sa reverence à l’autel, au Roy et à la Reine, quoiqu’ils n’eussent point pris de seance, estant en un balcon pour voir la ceremonie.
Les chevaliers du Saint Esprits firent, entrant sur le palc, deux à deux, leurs reverences puis, se separant, les uns se mirent à droit à leur seance sur un banc posé au dessous du Conseil, et les autre se mirent à gauche au dessous du banc des secretaires d’Estat. [f. 80] Si la ceremonie se fut passée en une eglise, les chevaliers eussent esté aux hautes chaires du chœur et le Conseil sa seance ordinaire.
Le comte de Clermont, portant le cierge, salua l’autel, le Roy et la Reine.
Le prince de Conty, arrivant au palc, alla poser le cremeau et la saliere sur la table des pieces d’honneur de monseigneur le Dauphin qui estoit placée à gauche, vint ensuite faire ses reverences et sa plaça à gauche.
Monsieur le Duc alla poser le bassin et l’aiguiere sur la table placée à main droite pour servir aux honneurs du parain et de la maraine, vint faire ensuite ses reverences et sa plaça à gauche. Le prince de Condé, apres avoir posé la serviete sur la mesme table, vint faire les reverences et se plaça à gauche, laissant la main droite aux princesses.
Les enfans d’honneur se mirent autour des fonds, sur la premiere marche. Monseigneur le Dauphin accompagné de Monsieur firent conjointement la reverence à l’autel, une au Roy, une à la Reine, sans que Monsieur [f. 80v] quittast la main de Monseigneur.
Ensuite, le cardinal legat et la princesse de Conty firent ensemble les reverences que Monsieur venoit de faire.
Les princesses du sang firent les reverences les unes apres les autres.
Les evesques commandeurs firent leurs reverences deux à deux et s’allerent placer avec les evesques qui avoient leurs seances proche l’autel.
Ce qu’estant fait, on apporta un carreau de brocard d’argent à monseigneur le Dauphin pour s’agenouiller, qu’on posa au pied de la premiere marche où les fonds estoient.
Monsieur se mit à main gauche, un peu à costé de Monseigneur. On luy donna un carreau qui fut placé vis-à-vis le milieu du carreau de Monseigneur.
Ensite, le cardinal legat et la princesse de Conty se mirent immediatement derriere Monseigneur, ayant des carreaux devant eux.
[f. 81] Derriere le legat, vers l’entrée du palc, les princesses selon leur rang, ayant toutes des carreaux à leurs pieds.
Derriere la princesse de Conty, mareine, les princes du sang selon leur rang, ayant des carreaux.
Le duc de Mercoeur fut placé à cosé des princesses et, vis-à-vis de luy, le duc de crequy et la marechalle de la Motte, un peu eloignée de Monseigneur. On leur donna aussy des carreaux à cause du titre de duc et de duchesse.
Les dames d’honneur s’arresterent à l’entrée du palc, à droit avec les filles d’honneur.
Mais affin de faire mieux entendre toutes les seances, on a trouvé plus à propos d’en dresser le plan.
[f. 81v : vide]
[f. 82] Dans le temps que la musique de la Chapelle commença le Veni Creator, monseigneur le Dauphin, Monsieur, tous les princes et toutes les princesses se mirent à genoux. Estant à moitié dit, le sieur Sainctot alla à l’autel avertir le cardinal Antoine, grand aumonier de France, qui s’estoit rendu avant l’arrivée de Monseigneur, d’approcher des fonds. Il estoit assis sur un siege qu’on nomme en Italie talsistorio, à quatre piliers elevés et sans aucun dossier.
L’evesque d’Orleans, premier aumonier, en chape et en mitre, tous les aumoniers du Roy, en camail, et six evesques, en chapes et en mitres, l’accompagnerent.
L’evesque d’Orleans et les aumoniers eurent la main droite sur les evesques en allant au palc, mais estants tous arrivé à l’autel, les aumoniers ne purent conserver leur advantage car, le cardinal s’estant assis le dos tourné à l’autel, les evesques se trouverent à le droite du cardinal et s’y trouverent aussy lorsqu’ils l’accompagnerent allant aux fonds.
[f. 82v] Les evesques, comme assistans, n’eurent point de sieges parce qu’ils ne faisoient aucune fonction.
Le cardinal, estant adverty, vint par delà les fonds comme s’il eust receu un catecumene. Son siege y fut placé, quoiqu’il ne deust faire aucune fonction assis.
Alors Monsieur, les princesses et les princes couronnerent Monseigneur et s’en approcherent.
Le cardinal demanda à monseigneur le Dauphin ce qu’il vouloit, Monseigneur luy dit : le baptesme. Apres quoy ce cardinal demanda au cardinal legat, parain, et à la mareine le nom, et le parain donna celuy de Louis.
Pendant ce temps là, la duchesse d’Enguien alla à la table des honneurs de Monseigneur et donna au prince de Conty, qui la suivoit, le sel et le cremeau pour les porter aux fonds. Elle avoit receu ces pieces d’honneur du sieur Duché, intendant et controlleur général de l’Argenterie.
[f. 83] La musique de la Chambre chanta un cantique mis en musique par le sieur Leully, intendant de la musique de la Chambre, dont voicy les paroles :
Canticum
In baptismo Delphini
Plaude Laetare Gallia
Rore coelesti rigantur Lilia
Plaude Laetare Gallia


Sacro Delphinus
Fonte Lavatur
Et Christianus
Christo dicatur


O Jesu vita credentium
Exaudi vota precantium
Vivat, Regnet Princeps fidelis
Semper justus


[f. 83v] Semper victor Semper Augustus
Vivat regnet triumphet in coelis
Et AEterna
Luceat corona
Version des paroles du cantique pour le baptesme :
France, redoublés vos plaisirs
Le ciel répond à vos desirs
Et de vos jeunes lis la fleur est arrosée
D’une sainte rosée
France, redoublés vos plaisirs


Le Dauphin est lavé dans une onde sacrée
La race tres chrestienne à Christ est consacrée


O grand Dieu, l’espoir des croyans
Que votre pieté nous entende
Et de ces peuples supplians
Exaucez la juste demande
Qu’il vive, qu’il regne à son tour
Toujours vainqueur, toujours auguste
Toujurs fidele et juste


[f. 84] Qu’il vive, qu’il regne à son tour
Qu’il triomphe au ciel quelque jour
Et qu’à jamais sa teste s’environne
D’une immortelle et brillante couronne
La ceremonie du baptesme finie, le cardinal grand aumonier retourna à l’autel assisté de tout le clergé, des evesques et des aumoniers du Roy.
Les heros d’armes crierent à haute voix par trois fois : Vive monseigneur le Dauphin nommé Louis.
Les tambours et les trompettes se mirent à jouer cent fanfares.
Les heros jetterent des medailles où, d’un costé, le portrait de monseigneur le Dauphin estoit, et, de l’autre, une devise au sujet du baptesme.
La duchesse d’Enguien vint à la table des honneurs du parain et de la maraine, suivie du prince de Condé et du duc d’Enguien, [f. 84v] à qui elle donna l’aiguiere et le bassin, et au prince de Condé la serviete.
Le duc d’Enguien donna à laver au parain et à la maraine, qui estoient demeurez aux fonds, et le prince de Condé leur donna la serviete. Apres quoy les princes retournerent poser sur la mesme table ces pieces d’honneur, les remettans entre les mains de la duchesse d’Enguien.
La ceremonie finie, on s’en retourna au château neuf, dans l’appartement de monseigneur le Dauphin, dans le mesme ordre qu’on estoit venu.
Les chevaliers du Saint Esprit ne firent aucune reverence, parce que tout le monde avoit occupé le lieu où d’abord en arrivant ils l’avoient faite, mais depuis les fonds tirant vers l’autel, il y eut un espace vuide qui donna lieu aux princes et princesses de faire leurs salutations.
Le comte de Clermont salua l’autel, le Roy et la Reine, ensuite le prince de Conty, le duc d’Enguien et le prince de Condé firent les memes saluts.
[f. 85] Monseigneur le Dauphin et Monsieur firent ensemble leurs reverences, et les princesses selon leur rang.
Les evesques commandeurs suivirent la marche et reconduisirent Monseigneur.
Ce mesme soir, le Roy donna à souper au cardinal legat et à la princesse de Conty. La table estoit en equaire, le Roy estant assis au milieu de la table, la Reine à sa gauche, sous un dais spatieux.
Le cardinal legat à main droite à deux places de distance du Roy, et la princesse de Conty à main gauche à deux places de distance de la Reine. Le cardinal eut un fauteuil comme legat et la princesse de Conty un siege ployant.
Sur le retour de la mesme table, qui faisoit l’equaire, les princesses qui avoient servy à la ceremonie y mangerent, au nombre de quatre seulement parce que Mademoiselle estoit trop jeune pour souper si tard.
Le Roy et la Reine furent servis par [f. 85v] leurs grands officiers.
Le comte de Cossé servit de grand pannetier.
Le marquis de Crenan de grand eschanson.
Et le marquis de Charost, en l’absence du marquis de Vandeuvre, servit de grand escuyer tranchant, ayans tous la serviette sur l’epaule.
Le cardinal legat eut pour le service à table le comte de Saint Aignan et le comte de Nanteuil, petit fils du duc d’Estrees, parce que le cardinal legat de Joyeuse, en pareille occasion, eut deux fils de ducs.
La princesse de Conty et toutes les princesses eurent des gentilshommes servans pour les servir à table.
La seance estoit en cet ordre :
[vide]
[f. 86] Si la reine d’Angleterre fut venue en personne tenir sur les fonds monseigneur le Dauphin, un des grands officiers cy dessus nommé l’auroit servy. La place de la reine eust esté entre le Roy et la Reyne, parce que le Roy luy a toujours donné la main partout où il s’est trouvé avec elle, que si elle se fut mise à main droite du Roy, elle eut la main sur le cardinal, et pour l’honneur qu’on vouloit rendre au Pape, on trouva plus expedient qu’elle envoyast la princesse de Conty avec laquelle le cardinal n’avoit rien à demeler.
Le duc d’Enguien, comme grand maitre de la maison du Roy, donna au Roy et à la Reine la serviete à l’entrée de table et à la sortie.
Le marquis de Bellefonds, premier maitre d’hostel, la donna au cardinal à l’entrée, parce qu’il l’avoit donnée au cardinal Chisy au souper que le Roy luy fit, neantmoins il y avoit cette difference à faire qu’au cardinal Chisy, c’avoit esté le controlleur general qui l’avoit servy et qu’à celuy cy c’estoient des fils de ducs qui le devoient servir, mais parce que le marquis de Bellefonds avoit fait cette fonction, il [f. 86v] crut ne pas devoir ceder à des personnes qui ne pouvoient, ny par leur rang ny par leur qualité, luy enlever le service. Cependant, sur la fin du repas, il se retira et laissa au comte de Saint Aignan de donner la serviete.
Le comte de Saint Aignan et le comte de Nanteuil servirent le legat sans chapeau, la serviete sur le bras
Monsieur ne fut point du souper, parce qu’il n’a jamais de fauteuil en presence du Roy et que le cardinal en avoit un.
La princesse de Conty ne fut point distinguée des autres princesses.
Les maitres d’hotel de quartier furent à la viande que les valets de pied et les Cent Suisses porterent.
Le lendemain, le cardinal legat eut son audience de congé. Il fut receu par le Roy et la Reine et par monseigneur le Dauphin de la mesme manière qu’il avoit esté la veille de la ceremonie du baptesme.
[f. 87] Le Roy le traita trois jours durant et toute sa maison qu’on logea aussy par fourriers. »

Récit par le maître des cérémonies Nicolas Sainctot de l’installation du roi et de la reine d’Angleterre à Saint-Germain-en-Laye

« [f. 481] Arrivée de la reyne d’Angleterre en France avec le prince de Galles le 21 decembre 1688 et celle du roy d’Angleterre le 2 janvier 1689
Aussytost que la reyne d’Angleterre fut arrivée avec le prince de Galles à Callais, M. le duc de Charost, qui en est gouverneur, en donna avis au Roy.
Le Roy fit partir dans l’instant le marquis de Belinghem, son premier escuyer, avec un de ses carrosses du corps pour la reyne et deux autres carrosses de suitte, huit pages et quelques valets de pied.
Le Roy ordonna à monsieur le Prince, grand maistre de sa Maison, d’envoyer les officiers necessaires pour le traittement de la reyne.
Monsieur le Prince fit choix du sieur d’Esrouville, maistre d’hostel, et luy dit de mener avec luy deux gentilshommes servans, un controlleur clerc, un commis du controlleur general, des officiers de la Bouche et du Goblet avec un officier de panneterie et de fouriere.
Sa Majesté ordonna aussy à l’evesque d’Orleans, premier aumosnier, de nommer un chapelain et un clerc de chapelle,
Au duc de la Trimouille, premier gentilhomme de la chambre, deux huissiers de la chambre,
Au marechal de Lorge, capitaine des gardes du corps, de detacher 40 gardes avec le sieur de Saint Viance, lieutenant des gardes, les sieurs Demyanne et Hauteforts, exempts,
Au marquis de Thiladet, capitaine des Cent Suisses de sa garde, de faire partir 20 suisses, un exempt et un fourier,
[f. 481v] Au marquis de Sourches, grand prevosté de l’hostel, quatre gardes de la prevosté,
Au comte de la Chaise, capitaine de la porte, quatre gardes de la porte.
Le sieur de Cavois, grand mareschal des logis, eut ordre aussy d’envoyer deux mareschaux des logis et quelques fourriers.
Il n’y eut point d’officiers de ceremonie : la reyne ne vouloit point qu’on luy fit aucune reception dans les villes. Sa Majesté britanique demeura peu à Calais. Elle en partir le 23 decembre pour se rendre à Boulogne où la maison du Roy la joignit. Elle y sejourna quelques jours, ne pouvant se resoudre à s’esloigner de la mer pour avoir plus promptement des nouvelles du roy d’Angleterre, mais tous les bruits qui couroient que le roy avoit esté pris en se sauvant d’Angleterre firent qu’on pressa son depart pour la tirer d’un lieu où elle se trouvoit livrée toute entiere à sa douleur et sans aucune consolation.
Pendant qu’elle estoit en chemin, le roy receut des nouvelles que [le] roy d’Angletere s’estoit enfin sauvé et qu’il estoit arrivé le 2e de janvier, à quatre heures du matin, à Ambleteuse, à deux lieues de Boulogne.
La reyne d’Angleterre devant arriver à Beaumont le 5 janvier, le Roy y envoya le comte d’Armagnac, son grand escuyer, luy faire des complimens de sa part et de celle de monseigneur le Dauphin. Il eut ordre aussy d’aller ensuite complimenter [f. 482] le roy d’Angleterre. Sa Majesté ordonna en mesme temps au marquis de Belinghen de mener au roy d’Angleterre un carrosse du corps et d’en faire tenir trois sur la route, un à Beaumont, un à Luzarche et le 3e à Saint Denis.
Madame la Dauphine envoya le marquis d’Anjeau, son chevalier d’honneur, complimenter la reyne. Monsieur envoya le comte de Chastillon, son premier gentilhomme, Madame, le marquis de la Rongere, son chevalier d’honneur.
Le baron de Riviere, capitaine des gardes de M. le Prince, y fut de la part de son maistre, et de celle de madame la Princesse, de monsieur et de madame la Duchesse.
Toutes les personnes qui avoient esté complimenter la reyne allerent au devant du roy de la part de leurs maistres et de leurs maistresses luy faire les mesmes complimens.
Le 6, le Roy voulut aller au devant de la reyne d’Angleterre. Il se rendit au deça du vilage de Chatou dans la plaine de Saint Germain. Sa Majesté estoit accompagnée des deux compagnies de ses mousquetaires, des chevaux legers des gardes du corps et de ses gensdarmes, qui tous se placerent hors les gardes du corps, au deça du pont du Pec.
Le Roy, qui avoit eu avis que la reyne approchoit, voyant venir le carrosse où le prince de Galles estoit, descendit du sien, fit [f. 483] arrester le carrosse du prince de Galles, baisa ce prince et l’embrassa sans permettre qu’on le descendit. Le reyne, qui suivoit de pres, mit pied à terre. Le Roy quitta le prince de Galles et vint à la Reyne, la salua, la baisa et, apres beaucoup de civilités, il luy presenta monseigneur le Dauphin et Monsieur qui la saluerent et la baiserent. Le Roy ensuite la prit par la main et la fit monter dans le fond du carrosse d’où elle venoit de descendre, la plaça à droit et se mit à gauche. Monseigneur le Dauphin et Monsieur se mirent dans l’autre fond et la donna Victoria et [vide] qui estoient venues avec la royne d’Angleterre se placerent sur le strapontin.
L’on marcha vers Saint Germain en cet ordre :
Les deux compagnies des mousquetaires
Les chevaux legers
Le carrosse du premier escuyer
Le carrosse du corps du Roy
Quatre chevaux legers à la teste du carrosse, quatre gardes du corps avec l’aide major marchant à la reste des chevaux du carrosse du Roy
Le carrosse où Leurs Majestés estoient
Les gardes du corps derriere le carrosse
Les gensdarmes
La marche fermée par les carrosses des princes
A la descente du carrosse, dans la cour du château de Saint Germain, le Roy donna la main [f. 483] à la reyne pour la mener dans son appartement, qui est celuy que la feue reyne occupoit. Où ayant esté peu de temps, il voulut mener le prince de Galles dans celuy qu’on luy avoit preparé, proche de l’appartement de la reyne, mais la reyne voulut l’en empescher et, ne l’ayant pu faire, le suivit. Ensuitte, ils revinrent ensemble dans la chambre de la reyne et de la passerent dans un cabinet où ils demeurerent seuls un quart d’heure, monseigneur le Dauphin et Monsieur estant restés dans la chambre.
Lorsque Leurs Majestés sortirent du cabinet, le Roy ne voulut jamais souffrir que la reyne le reconduisit, l’obligeant à demeurer dans sa chambre.
Le 7 janvier, sur les six heures du roi, le roy d’Angleterre arriva à Saint Germain dans les carrosses du Roy. Son premier dessein estoit de passer par Versailles pour y voir le Roy, mais le Roy luy manda qu’il l’alloit attendre à Saint Germain, ce qu’il fit. Pendant qu’il l’attendoit, il visita la reyne, qui estoit au lict. Comme on vint à parler dans la conversation du prince de Galles, la reyne dit au Roy : J’advoue, Monsieur, que j’estimois mon fils bien heureux de ne pas sentir ses malheurs, mais presentement je l’estime bien malheureux de n’estre pas en estat de connoistre les bontés que vous avez pour luy.
Le Roy estant averty que le roy d’Angleterre arrivoit dans la cour du château voulut aller au devant de luy jusques au haut de l’escalier. Mais la foule du courtisan l’empescha d’y arriver. Les deux roys se rencontrerent dans la salle des gardes [f. 483v] du corps, où ils s’embrasserent à diverses fois, se traiterent de Monsieur et de Majesté se parlant l’un à l’autre, et après s’estre donné des marques d’estime, le Roy crut qu’il ne faloit pas retarder le plaisir à la reyne de voie le roy d’Angleterre. Sa Majesté le pressa de passer le premier, luy donna le pas et la main, luy disant que pour aujourd’huy il vouloit faire les honneurs de sa maison, mais qu’apres l’avoir mis en possession, il seroit à luy à les faire à son tour.
Les roys et la reyne furent quelque temps en public. Le Roy mena ensuitte Sa Majesté britanique pour voir le prince de Galles. Ce fut là que, dans la conversation, le roy d’Angleterre conta la manière qu’il s’estoit sauvé de Rochester, estant assés persuadé que le prince d’Orange avoit favorisé sa retraite par la negligence des gardes qu’on luy avoit donné. De là, ils passerent chez la reyne où ils demeurerent une demye heure tous ensemble proche du lict. Le Roy sortant, le roy d’Angleterre voulut le reconduire. Le Roy luy dit : Monsieur, nous avons plus d’un jour à vivre ensemble, ne faisons point de ceremonie ; vous ne me reconduirez point. Le roy d’Angleterre ne sortit point de sa chambre et laissa aller le Roy comme il voulut.
Le 8, le roy d’Angleterre vint à Versailles voir le Roy. Lorsque Sa Majesté britannique arriva, la garde françoise et suisse estoit sous les armes, tambours battant, le Roy ayant donné un ordre pour tousjours au mareschal duc de [f. 484] La Feuillade, maistre de camp du regiment des gardes, au duc de Noailles, capitaine des gardes du corps, et au marquis de Thiliadet, capitaine des Cent Suisses, de faire rendre au roy d’Angleterre de pareils honneurs qu’à luy mesme.
Dans le temps que le roy d’Angleterre arrivoit, le Roy, accompagné de monseigneur le Dauphin, de Monsieur, de messieurs les princes du sang, vint au haut du degré de son petit appartement par où le roy d’Angleterre devoit passer. Le Roy le receut avec un acceuil favorable, l’embrassa, luy donna la main aux passages, le conduisit dans son salon, proche de la table, vis à vis de la cheminée, où les roys pendant une demye heure s’entretinrent en public. Ensuitte, ils entrerent dans le cabinet où ils demeurerent ensemble.
Au sortir du cabinet, le Roy mena par la galerie le roy d’Angleterre chez madame la Dauphine qui les receut à la porte de sa chambre, où le roy d’Angleterre la salua et la baise. Les roys demeurerent debout pendant la conversation, ce qui donna lieu à monseigneur le Dauphin de se rendre chez luy pour recevoir le roy d’Angleterre. La visite rendue, madame la Dauphine reconduisit le roy d’Angleterre jusques à la porte de la salle des gardes, et le Roy le reconduisit jusques au haut de l’escalier, ordonnant à ses courtisans d’accompagner Sa Majesté britanique chez monseigneur le Dauphin.
Monseigneur receut le roy d’Angleterre [f. 484v] hors la porte de la salle de ses gardes, le conduisit dans sa chambre où, après avoir esté quelques temps, Monseigneur le mena dans son cabinet où ils demeurerent debout et couverts, et lorsque le roy se retira, Monseigneur le reconduisit jusques au lieu où il l’avoit receu.
Le roy d’Angleterre alla aussy visiter les ducs de Bourgogne, d’Anjou et de Bery, Monsieur et Madame, et de là revint à Saint Germain, aiant trouvé à son passage tous les gardes tambours battant.
Le 9, Monseigneur le Dauphin ala [à] Saint Germain rendre visite au roy et à la reyne d’Angleterre. Il commença par le roy, qui le receut à la porte de sa petite chambre. Ils ne s’assirent et ne se couvrirent point. Monseigneur se retirant, le roy le reconduisit jusques au lieu où il l’avoit pris. De là, Monseigneur passa par un cabinet pour aller à l’appartement de la reyne. La reyne fit quelques pas pour aller au devant de luy, luy fit donner un fauteuil qu’on plaça au dessus du sien. Après la conservation qui dura peu, Monseigneur prenant congé de la reyne, fit les mesmes pas qu’elle avoit fait à sa reception.
Le 10, Madame, Mademoiselle, madame la grande duchesse, madame de Guise se rendirent à Saint Germain sur les trois heures. Elles allerent d’abord voir le roy d’Angleterre qui les baisa. Elles visiterent ensuitte la reyne d’Angleterre, qui les baisa aussy. Sa Majesté britanique, apres avoir pris un fauteuil, en fit donner un à Madame [f. 485] et des sieges playans aux trois princesses.
Le 11, mesdames les princesses du sang rendirent les mesmes devoirs au roy et à la reyne. Elles eurent les mesmes honneurs que Mademoiselle.
Ce mesme jour, madame la princesse de Lisbonne avec mesdemoiselles de Lisbonne et Commercy, ses filles, la princesse d’Arcourt et la princesse de Soubise, mesdames les duchesses de Chevreuse, de Saint Simon, de Beauviliers, vinrent voir la reyne. On donna à ces dames des sieges playans. Elles avoient pretendu d’estre baisées de la reyne, mais la reyne leur fit dire avant leur visite qu’elles pouvoient choisir ou estre traittées selon le ceremonial anglois, qui alloit à les baiser seulement, ou selon le ceremonial françois, qui est d’estre assise sur des sieges playans et d’avoir l’entrée au château pour leurs carrosses. Pendant que ces dames estoient au cercle de la reyne, le roy survint, qui les salua toutes et les baisa, commençant par les princesses que le sieur de Saint Viance luy noma.
Le 13, sur les unze heures, monsieur Boucherat, chancelier, accompagné des sieurs Courtin, du Harlay, du comte d’Avaux, conseillers d’Estat, et de quelques maistres des requestes, alla comme particulier à Saint Germain voir le roy d’Angleterre, à qui il fit un compliment et luy presenta ensuitte les personnes qui l’avoient accompagné.
A midy, Monsieur vint rendre visite au roy d’Angleterre. Le roy, qui estoit dans sa petite chambre, ne fit qu’un pas ou deux pour le [f. 458v] recevoir et conserva la main sur luy. Monsieur s’excusa sur son indisposition d’avoir tant tardé à le venir voir. Pendant tout le temps de la visite, ils demeurerent l’un et l’autre debout et decouverts, et lorsque Monsieur prit congé de luy, le roy ne le reconduisit point. Monsieur alla aussy chez la reyne, Sa Majesté britanique, après avoir pris un fauteuil qu’on plaça vers le milieu du lict, en fit donner un à Monsieur, qu’on mit au dessous du sien. Monsieur s’assit sans se couvrir. La conversation dura peu. Le roy et la reyne n’avoient pas encore esté à la messe, il estoit tard. Monsieur se leva, le roy entra dans l’instant, la reyne et Monsieur se separerent, Monsieur pour aller voir le prince de Galles. Alors le roy donna la main à la reyne pour la conduire à la chapelle dans une tribune où, l’ayant laissée, descendit en bas entendre la messe, estant accompagné des gardes du corps du Roy. Après la messe, il remonta à la tribune reprendre la reyne.
Le roy et la reyne disnerent en public avec les mesmes ceremonies qu’on observe pour le Roy, le maistre d’hostel ayant son baston, l’essay se faisant des viandes, la nef au bout de la table, et à chaque couvert un cadenas. Pendant le disner, la duchesse de Nevers et quelques autres duchesses vinrent, à qui on donna des sieges playans.
Apres le disner, monsieur le Prince, monsieur [f. 486] le Duc, monsieur le prince de Conti, monsieur le duc du Maine, et monsieur le comte de Thoulouze, visiterent le roy. Sa Majesté britanique les receut debout sans faire aucun pas. Monsieur le Prince les presenta tous. Le roy se couvrit et les princes se couvrirent et demeurerent couverts pendant tout le temps qu’ils furent ensemble. La visite finie, les princes se retirerent et le roy demeura en sa place.
Ces princes visiterent la reyne, qui estoit assise dans un fauteuil. Elle se leva, les baisa tous, et leur fit donner des sieges playans. Mais comme la reyne avoit à aller à Versailles, ils demeurernt peu à leur visite. Lorsqu’ils se leverent, la reyne se leva mais ne fit aucun pas pour les conduire. Tous ces princes passerent dans l’appartement du prince de Galles.
La reyne partit sur les trois heures de Saint Germain. Elle monta dans un carrosse du corps du Roy, un exempt et vingt gardes du corps la suivoient. Elle trouva en arrivant à Versailles la garde françoise et suisse sous les armes, tambours battant, à la porte les gardes de la porte, les gardes du grand prevost et les Cent Suisses sous les armes dans la cour. Sa Majesté britanique descendit au bas de l’escalier du petit apartement. Le Roy la receut au haut de l’escalier et la conduisit au salon, luy fit donner un fauteuil et en prit un qu’on mit au dessous du sien. Sa visite faite, le Roy la conduisit par la galerie chez madame la Dauphine, qui la receut à l’entrée de son [f. 486v] appartement. Le Roy, les ayant mis ensemble, les quitta. Madame la Dauphine presenta à la reyne monsieur le duc de Bourgogne, le duc d’Anjou et le duc de Bery. Sa Majesté les baisa tous. L’on prit des fauteuils. La reyne se mit au milieu, à la place d’honneur, ayant à sa droite madame la Dauphine et à sa gauche monsieur le duc de Bourgogne, monsieur le duc d’Anjou au dessous de madame la Dauphine et le duc de Bery au dessous de monsieur le duc de Bourgogne, Madame au dessous de monsieur le duc d’Anjou. Le cercle fut grand et remply de princesses et de duchesses à qui on donna des sieges playans. La visite dura plus d’une demie heure, apres laquelle la reyne alla voir monseigneur le Dauphin, estant reconduite par madame la Dauphine jusqu’à la salle des gardes, où elle n’entra pas. Monseigneur receut la reyne au mesme lieu qu’il avoit receu le roy et la reconduisit apres sa visite au mesme endroit. De chez Monseigneur, elle alla voir messeigneurs les ducs de Bourgogne, d’Anjou et de Bery dans leur appartement, et ensuitte Monsieur et Madame qui l’attendoient chez eux.
Depuis, les roys se sont veus familierement sans aucune ceremonie.
Monsieur de Chartres n’a pas veu en visite le roy. Mademoiselle d’Orleans, qui faisoit difficulté [f. 487] au commencement de visiter le roy et la reyne, les a veu depuis avec madame la grande duchesse et madame de Guise.
Le sieur de Bonneuil, introducteur des ambassadeurs, demanda au roy d’Angleterre audience pour messieurs les ambassadeurs de Venise, de Savoye et de Malte, qui, s’estant rendus à Saint Germain au jour qu’on leur avoit marqué, on leur dit que le roy les recevroit en particulier, dans son cabinet, sans les faire couvrir, à quoy les ambassadeurs ne pouvant consentir, ils ne le virent point.
Le roy ne creut pas devoir leur donner une audience publique. Il n’avoit pas voulu recevoir de complimens d’aucun corps du royaume.
Le roy d’Angleterre partit de Saint Germain le dernier de fevrier 1689 pour aller en Irlande. »

Récit par le maître des cérémonies Nicolas Sainctot de l’audience donnée par le roi à Soliman Aga, ambassadeur du sultan, au Château-Neuf

« [f. 124] Le 5e [décembre], le sieur de Berlise, introducteur des ambassadeurs, estant venu prendre Soliman dans les carosses du Roy et de la Reine, ils entrerent dans celuy du Roy avec les sieurs de la Giberti, l’interprete et l’aumonier. Ils dinerent à Chatou, où l’on amena les chevaux de la grande ecuirie qu’ils enharnacherent à leur mode [f. 124v] et qu’ils renvoyerent au Pec. Ils decendirent de carrosse et monterent sur les chevaux qui les attendoient, se mettant en marche deux à deux, ayant le sieur Giraud à leur teste.
Soliman marchoit entre le sieur de Breslise et le sieur de la Giberti, ayant son interprete devant luy. Une des circonstances qui est plus à remarquer est que les Turcs estoient sans armes et que Soliman n’avoit pas meme de sabre. Ils entrerent en cet ordre dans la cour du chateau neuf, où ils trouverent des bataillons formez par les compagnies des regimens des gardes françoises et suisses et des escadrons formez par les mousquetaires. Les chevaux legers, les gendarmes, les gardes du corps, les gardes de la porte, les archers du grand prevost, les Cent Suisses estoient en haye depuis la porte de la petite cour jusqu’au haut du perron. Soliman mit pied à terre dez l’entrée de la petite cour, n’estant pas suffisante pour contenir le nombre de chevaux qui l’accompagnoient, et marcha à pied dans le mesme ordre qu’il estoit venu, passant au travers de la garde ordinaire des gardes du corps qui se trouverent sur le perron dans la salle des gardes. De là, il passa dans plusieurs chambres superbement tendues et se rendit ainsy dans la grande galerie [f. 125] où le Roy l’attendoit.
Cette galerie estoit parée de plusieurs belles tapisseries de la Couronne. Tout le parterre etoit couvert de tapis de pied et les deux costez de la galerie estoient remplis de grands vases d’argent elevez sur des pies destaux aussy d’argent. Au bout de la galerie estoit un trone elevé sur huit marches orné de pareils vases et de caisses d’argent dont le prix estoit de plus de vingt millions. Monsieur, M. le Prince et M. le duc d’Enguien estoient à ses costez, vestus de tres superbes habits, et tous les seigneurs de la cour, qui estoient en si grand nombre qu’ils formoient un triple rang le long de la galerie, estoient aussy tres magnifiquement habillez.
Lorsque Soliman entra dans la galerie, le bruit qui s’y faisoit auparavant cessa d’une manière si surprenante, au seul signal que Sa Majesté fit, qu’il a declaré depuis avoir esté surpris du profond respect que les courtisans rendent au Roy.
Quelque temps quant Soliman entrast dans cette galerie, il tira la lettre du Grand Seigneur d’une toilette qui estoit renfermée dans un sac de brocard de la longueur d’un pied et la tint dans ses mains, elevée de la hauteur de sa barbe, marchant toujours entre les sieurs de Berlise et de la Giberti jusques au pied du trosne, faisant avec tous ses gens le mesme nombre de reverences que le sieur Giraud qui estoit à leur teste.
Soliman, estant arrivé au pied des degrez du trone, fit une profonde reverence et commença son compliment, qui fut expliqué par son interprete en ces termes : Sire, Soliman Aga dit à Vostre tres haute et tres puissante Majesté imperiale que le tres haut et tres puissant empereur ottoman sultan Mahomet Han, quatrieme du nom, son maitre, l’envoye à Vostre tres haute et tres puissante Majesté imperiale luy porter cette lettre et luy dire que les deux empires ont toujours esté en tres bonne intelligence, qu’il en souhaite la continuation et que, pour cet effet, il a retenu M. de la Haye Ventelet, ambassadeur de Vostre Majesté imperiale à la Porte et souhaite à vostre tres haute et tres puissante Majesté imperiale toute sorte de bonheur, de felicité et de prolongation de vos jours. A quoy le Roy repondit qu’il avoit toujours eu bien de la joye [f. 126] de voir l’intelligence qui estoit entre les deux empires, que de son coté il contribueroit toujours à l’entretenir et qu’il pouvoit remettre sa lettre entre les mains de M. de Lionne. L’interprete ayant fait attendre à Soliman la reponse du Roy, Soliman dit à Sa Majesté que le Grand Seigneur, son maitre, luy ayant commandé de remettre sa lettre entre les mains propres de Sa Majesté, il la supplioit de luy faire cet honneur. Sa Majesté luy ayant accordé volontiers cette grace, il monta les degrez du trone, tenant toujours sa lettre elevée. Estant au dernier degré, et voyant Sa Majesté ne se lever pas pour recevoir la lettre, il dit que, lorsque le Grand Seigneur, son maitre, la luy avoit donné, il s’estoit levé en signe d’estime et d’amitié pour Sa Majesté, qu’il la supplioit de vouloir la recevoir de la mesme manière qu’il la luy avoit donnée. Le sieur de Lyonne, ayant appris par l’interprete le dessein de Soliman, lui demanda qui pouvoit estre garand de ce qu’il advançoit, ce qui neantmoins ne lui fut point interpreté, le Roy dans le moment s’estant tourné vers le sieur de Guitry, grand maitre de la garde robe, qui s’estoit autrefois trouvé à la Porte à l’audiance de M. de la Haye, luy [f. 126v] demanda si le Grand Seigneur s’estoit levé lorsque son ambassadeur luy avoir rendu sa lettre. Le sieur de Guitry luy ayant repondu que non, dit tout haut que, puisque le Grand Seigneur en recevant ses lettres par les mains de ses ambassadeurs ne se levoit pas, il ne se leveroit pas, aussy qu’il n’avoit qu’à donner sa lettre. La volonté du Roy estant connue à Soliman, il baisa le sac où estoit la lettre et, après l’avoir fait toucher à son front en faisant une profonde reverence, il la presenta au Roy qui la prit et la donna à M. de Lionne, qui appella les interpretes, le sieur Delacroix et le chevalier Dervius.
Dans le temps que les interpretes lisoient la subscription qui estoit sur un parchement et qui fermoit l’entrée du sac et qu’ils expliquoient au Roy les qualitez que le Grand Seigneur lui donnoit, Soliman descendit au bas du trone apres avoir fait une reverence, où estant, et branlant la teste, il dit tout haut que le Grand Seigneur ne seroit pas satisfait de la manière que le Roy recevoit sa lettre. Sa Majesté s’estant apperceu de ce mouvement de colere, demanda ce qu’il avoit dit, et luy ayant esté expliqué, aussitost dist tout haut et d’un ton serieux qu’il verroit la lettre et qu’il feroit reponse. Soliman, ayant sceu par son interprete ce que le Roy [f. 127] venoit de dire, il se retira en faisant trois reverences, apres lesquelles, ayant voulu tourner le dos à Sa Majesté, le sieur de la Giberti, qui estoit à sa droite, luy fit aussitost tourner le visage jusques à ce que le vuide qui estoit entre le Roy et Soliman fut remply et qu’il ne fut point en estat d’estre apperceu de Sa Majesté. Soliman se retira dans le mesme ordre qu’il estoit venu et remonta à cheval avec toute sa suite hors les portes du chateau neuf. »

Récit par le maître des cérémonies Nicolas Sainctot de l’audience donnée par le roi à Saint-Germain-en-Laye à l’ambassadeur du roi du Maroc

« [f. 213v] Audience donnée à Saint Germain à Hadgi Mehemed Thummin, gouverneur de Thetouen, ambassadeur de Mula Ismaël, roy de Maroc et de Fez, 1682
On douta de la manière dont on recevroit cet ambassadeur. Le premier ordre fut qu’il seroit receu comme les Moscovites [f. 214] l’avoient esté, mais depuis il fut arresté qu’il ne seroit point traité le jour de son arrivée à Paris à l’hostel des Ambassadeurs par un maistre d’hostel ny par les officiers du Roy, qu’il n’auroit point le jour de son audience de marechal de France pour l’accompagner, que le sieur de Bonneuil l’iroit seulement prendre dans les carrosses du Roy et de la Royne, qu’à son arrivée à Saint Germain il trouveroit dans l’avant cour du chasteau les compagnies des gardes françoises et suisses en hayes sans armes, que les gardes de la porte, ceux de la prevosté seroient à leurs postes ordinaires sans armes aussy, les Cens Suisses sur les degrés ayant derriere eux leurs halebardes, les gardes du corps sans armes dans leurs salles et que le capitaine des gardes ne le recevroit point à l’entrée de la salle, ny ne les conduiroit point à l’audience.
Le 4 janvier, le sieur de Bonneuil l’alla prendre à Paris dans les carrosses du Roy et de la Reyne, l’amena à Saint Germain et le conduisit à l’audience. [f. 214v] Le Roy estoit sur l’estrade de sa grand chambre, assis. Voyant l’ambassadeur, il se découvrit et ne se leva point de son fauteuil. L’ambassadeur s’approcha de la balustrade, fit de profonds saluts en la maniare des nations du Levant, et dit :
Empereur de France Louis 14, le plus grand de tous les empereurs et roys chrestiens qui ayent jamais esté et qui seront, l’empereur mon maistre, ayant entendu parler de toutes les grandes actions que Votre Majesté a fait dans l’Europe, comme d’avoir à la teste de ses armées conquis des royaumes, gagné un grand nombre de batailles et comme un lion vaincu tous ses ennemis, portant partout la terreur et l’effroy au travers de toutes sortes de dangers, toutes ses grandes actions ont tant donné d’admiration et d’estime à l’empereur mon maistre pour Votre Majesté qu’il a cru qu’à la conqueste du royaume de Fez, de Marocq, de Ris, des Arbousemes, de Tetouan, de Salé, Descasacq et la [f. 215] gloire d’un grand nombre de batailles, qui l’ont rendu le plus grand et le plus vaillant de l’Afrique, il faloit adjouter, pour le rendre content et glorieux, la paix avec Vostre Majesté. C’est pour cela qu’il m’envoye ambassadeur vous la demander.
La harangue, qu’il fit en arabe, fut interpretée par le sieur Dipy, interprete du Roy. Le Roy y ayant respondu favorablement, l’ambassadeur luy presenta sa lettre de creance, que le Roy remit entre les mains de M. de Croisi. On avoit cru que l’ambassadeur la devoit donner par respect à M. de Croisi qui l’auroit mis ensuitte entre les mains du Roy.
L’audience finie, le sieur de Bonneuil le reconduisit dans la salle de descente, d’où on le vint prendre à l’heure de disner pour le conduire à la table du grand chambellan.
Le cinq, il se rendit chez M. de Croisi, qui avoit esté nommé commissaire avec le marquis de Seignelay. Ny l’un ny l’autre ne luy donnerent la main.
[f. 215v] Ce jour là mesme, sur le soir, il fut conduit à la salle des ballets et vit l’opera d’Atis qu’on representoit devant le Roy. […]
[f. 216] Audience de congé donnée à Saint Germain à l’ambassadeur de Marocq le 10 février 1682
L’ambassadeur fut receu à sa dernière audience comme il l’avoit esté à la premiere. La garde ordinaire du regiment des gardes françoises et suisses estoient sans armes et en haye, comme des gens qui se rangent pour voir passer des [f. 216v] estrangers, et les gardes de la porte, ceux de la prevosté et les Cent Suisses en tocquent de velours occuperent les postes qu’ils prennent ordinairement aux occasions de ceremonies. »

Récit par le maître des cérémonies Nicolas Sainctot de l’audience donnée par le roi à Saint-Germain-en-Laye au recteur de l’université de Paris

« [f. 217] Audience donnée à Saint Germain en Laye à l’université de Paris, 1682
Le 27 février, l’université se rendit à Saint Germain chez le duc de Montausier, en attendant l’heure de l’audience.
Je conduisis le recteur chez le Roy. Il estoit precedé de ses huissiers et suivi de cinquante supots. Les huissiers entrerent dans la chambre, la masse baissée, et se rangerent dans un coin vers une des fenestres. Le recteur fut receu à 4 ou 5 pas de la porte en dedans par le marquis de Seignelay qui, après s’estre mis à sa droite, le presenta au Roy.
Le Roy estoit assis et couvert. Voyant entrer le recteur, il se decouvrit. Le recteur s’en estant aproché, il fit un discours pour luy representer que l’acquisition que les jesuittes faisoient du college du Mans alloit affoiblir le corps de l’université par la privation d’un de ses membres. Il luy donna ensuitte une coppie du contract dont il venoit de parler, et en mesme temps un [f. 217v] mémoire des raisons que l’université avoit de s’opposer à cette achapt. Son discours finy, le Roy l’assura qu’il examineroit son mémoire, apres quoy je le conduisis jusques au bas du degré du chasteau. »

Récit par le maître des cérémonies Nicolas Sainctot de la réception du dauphin dans l’ordre du Saint-Esprit au Château-Vieux

« [f. 209] Ceremonies observées lorsque le Roy fit monseigneur le Dauphin chevalier du Saint Esprit, 1682
Le premier jour de l’an, le Roy voulut conferer l’ordre du Saint Esprit à monseigneur le Dauphin. Il luy avoit envoyé en naissant le cordon et la croix du Saint Esprit, suivant en cela l’usage qui se pratique pour tous les Enfans de France, mais ces marques exterieures ne l’agregeant point à l’ordre, il le fit chevalier dans toutes les formes.
Ce mesme jour, monseigneur le Dauphin fit ses devotions de grand matin et communia par les mains du cardinal de Bouillon, grand aumosnier de France et grand aumosnier des ordres du Roy. Ensuitte, il vint chez luy se vestir de l’habit de novice, scavoir d’un pourpoint de toile d’argent, de chausses troussées de toile d’argent et de bas de soye de gris de perle, se chaussa d’escarpins de toile d’argent, avec des mules de velour noir, prit un capot [f. 209v] de velours noir doublé d’une toile d’argent, et mit une tocque de velour noir avec le bord retroussé d’un bouquet de plusieurs plumes blanches, au milieu desquelles estoit une egrette d’heron. Et à cet habit, qui est l’habit ordinaire des novices, il avoit fait ajouter des diamans en plusieurs endroits.
Sur les dix heures, monseigneur le Dauphin, precedé du sieur de Mesme, prevost et grand maistre des ceremonies de l’ordre, se rendit dans l’appartement du Roy. Le Roy aussytost fit entrer dans son cabinet les commandeurs et les officiers de l’ordre, où, selon les formes ordinaires, on arresta que monseigneur le Dauphin seroit receu chevalier.
Après une deliberation, monsieur le Duc, nommé pour parrain de Monseigneur, le conduisit dans le cabinet du Roy. Le grand maistre des ceremonies, le herault et l’huissier marchand devant luy.
Monseigneur, s’estant approché du Roy, se mit à genous sur un carreau pour recevoir l’ordre de Saint Michel, qu’il faut recevoir avant que d’entrer en celuy du Saint Esprit. Alors le Roy tira son espée et luy en donna un [f. 210] coup sur chaque epaule en disant : par saint Geroges et par saint Michel, je te fais chevalier. On employe le nom de saint Georges avec celuy de saint Michel parce que saint Georges est l’ancien patron des chevaliers.
Cette ceremonie finie, on marcha à la chapelle du viel chasteau en cet ordre :
L’huissier de l’ordre
Le herault de l’ordre
Le grand maistre des ceremonies, ayant à sa droite le marquis de Seignelay, grand tresorier de l’ordre, et à sa gauche le marquis de Chasteauneuf, secretaire de l’ordre.
Ensuitte marchoit seul le marquis de Louvois, chancelier de l’ordre.
Après quoy venoient les commandeurs, deux à deux, en cet ordre :
A droit estoient :
Le marquis de Gamache
Le marquis de Beringhen
Le duc de Saint Agnan
Le duc de Crequy
Le duc de Luynes
Le duc de Saint Simon
A gauche estoient :
Le marquis de Bethune
[f. 210v] Le duc de Montausier
Le duc du Lude
Le mareschal de Nouaille
Le duc de Chaulnes
Le duc d’Anguien seul
Monsieur seul
Monseigneur le Dauphin seul
Deux huissiers de la chambre du Roy portant leurs masses precedent le Roy.
Le Roy
A sa gauche, un peu devant, le marquis de Tilladet, capitaine des Cent Suisses
A sa droite, un peu derriere, le grand aumosnier en camail et en rochet
Le duc de Noailles, capitaine des gardes, derriere le Rot, ayant à sa droite le duc d’Aumony, premier gentilhomme de la chambre, et le duc de de la Rochefoucault, grand maistre de la garde robe, à sa gauche.
Le Roy passa par la salle des gardes, par le grand escallier, et par la cour du château. Les gardes du corps estoient en haye et sous les armes dans tous ces lieux, et les Cent Suisses aussy, dont les tambours battirent jusques à ce que il fut en sa place dans la chapelle.
Le Roy, apres avoir salué l’autel, se plaça dans son fauteuil posé sur le [f. 211] marchepied de son prie Dieu. Monseigneur le Dauphin se mit à droit sur un siege playant, Monsieur à sa gauche sur un siege playant, et monsieur le Duc hors du marchepied, sur un siege playant, les chevaliers à droit et à gauche sur des bancs.
Les officiers qui estoient demeurez debout à droit, proches leurs places, s’advancerent au milieu de la chapelle, saluerent l’autel et le Roy, puis, se tournant, saluerent la Reine qui estoit dans une tribune pour voir la ceremonie. Ensuitte, ils saluerent les chevaliers à droit et à gauche. Ce qu’estant fait, ils vinrent s’assoir sur des escabaus posés à droit, celuy de l’huissier vers l’hautel, celuy du herault un peu plus esoigné de l’autel, ceux du grand maistre des ceremonies, du grand tresorier et du secretaire de l’ordre sur une mesme ligne en s’aprochant du Roy, et celuy du chancelier plus pres de sa personne.
Ces saluts estoient inutils en ce temps là. Il faloit qu’après les avoir faits, il [f. 211v] s’ensuivit quelque action de ceremonie. Mais d’attendre que tout le monde soit entré pour le saluer, voilà ce qui me parroist à contre temps. Les officiers devoient, en entrant dans l’eglise, saluer le saint sacrement, c’est un respect qu’on luy doit, saluer la chaise du Roy, on salue son lict et celuy de la Reyne en entrant dans leurs chambres, et ils devoient ensuitte saluer la Reyne.
L’archevesque d’Auch, vestu pontificalement, vint s’agenouiller au pied de l’autel, d’où il commença le Veni Creator que la musique de la Chapelle continua.
A la fin de l’hymme, ce prelat salua l’autel, donna de l’eau benite au Roy, et commença ensuitte la messe.
A l’offerte, les officiers firent les mesmes saluts qu’ils avoient desja faits et, s’estant rangés, le grand maistre des ceremonies alla advertir le Roy par un salut particulier de venir à l’offrande. Il en fit un aussy à monseigneur le Dauphin, et un à Monsieur, pour les advertir d’accompagner le Roy.
[f. 212] Le Roy, s’estant aproché des marches de l’autel, baisa la patene et offrit le cierge que monseigneur le Dauphin lui presenta, et les ecus d’or que Monsieur luy donna, Monseigneur et Monsieur ayant receu des mains du grand maistre des ceremonies le cierge et les ecus d’or, dont le nombre est tousjours egal à celuy des années du Roy.
Après l’offrande, le Roy, retournant à son prie Dieu, fit un salut à l’autel, un à la Reine, et un de chaque costé pour les chevaliers.
A l’Agnus Dei, le grand aumosnier presenta au Roy la Paix à baiser, que le soudiacre luy apporta.
Sur la fin de la messe, les officiers firent ensemble les reverences, et le grand maistre des ceremonies fit un salut particulier au Roy pour l’advertir de se rendre au trosne qu’on luy avoit preparé à gauche, proche l’autel du costé de l’evangile.
Le Roy sortit de sa place, fit les [f. 212v] saluts, alla au trosne precedé des officiers de l’ordre et suivy du capitaine de ses gardes, du premier gentilhomme de sa chambre et du grand maistre de la garderobe, s’asit dans son fauteuil sous un dais et mit son chapeau.
Le grand aumosnier se mit derriere le Roy, le chancelier à droit avec le livre des Evangiles, le grand tresorier à costé du chancelier tenant le colier de l’ordre et le cordon bleu, le secretaire de l’ordre à gauche du Roy avec l’acte de serment, le herault et l’huissier au bas des marches du trosne.
Pendant que ces officiers prenoient leurs places sur le trosne, le grand maistre des ceremonies salua monseigneur le Dauphin pour luy marquer qu’il estoit temps de s’aprocher du Roy, Monsieur en particulier et monsieur le Duc pour les advertir tous deux d’accompagner Monseigneur.
Monseigneur le Dauphin, Monsieur et monsieur le Duc firent [f. 213] les reverences, s’approcherent du Roy. Monseigneur se mit à ses pieds sur un carreau de velour violet, Monsieur et monsieur le Duc se tenant debout à droit et à gauche, et le grand maistre des ceremonies prenant sa place à gauche, entre le Roy et le secretaire de l’ordre.
Le Roy, ayant pris du chancelier le livre des Evangiles, monseigneur le Dauphin mit la main dessus le livre, receut en mesme temps le serment, qu’il signa, la plume et l’acte de serment luy ayant esté presentés par le secretaire de l’ordre. Ce qu’estant fait, le sieur Gitonneau, premier valet de garderobe, estant de service aupres de monseigneur le Dauphin, luy osta le capot et le Roy luy mit le cordon bleu en luy disant : Recevés de notre main le colier de notre ordre du benoist Saint Esprit, au nom du père, du fils et du saint Esprit, et il luy mit le manteau et le colier de l’ordre.
Cette ceremonie finie, monseigneur [f. 213v] le Dauphin, se relevant, salua le Roy, demeura proche de luy, et les officiers descendirent de leur place, saluerent l’autel, le Roy, la Reine et les chevaliers. Alors, on commança à marcher dans l’ordre qu’on avoit gardé en venant et l’on alla dans l’appartement du Roy où, monseigneur le Dauphin l’ayant laissé, il retourna dans le sien precedé du grand maistre des ceremonies, du herault de l’ordre et de l’huissier de l’ordre. »

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