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Récit de la naissance du duc d’Anjou à Saint-Germain-en-Laye

« La joye renouvellée par l’heureuse naissance d’un second fils de France
Les dons de Dieu ne sont pas seulement sans repentance, ils se redoublent estans reconnus, et la seule ingratitude leur ferme la porte. La prosperité continuelle des armes du Roy et la benediction de laquelle Dieu a favorizé tous les desseins de Sa Majesté depuis la naissance de monseigneur le Dauphin, donné aux vœux de toute la France, nous estoient bien des signes certains que le Ciel approuvoit le chois de la protection sous laquelle Leurs Majestez se sont mises avec tout ce royaume, et n’y avoit celui, qui le voyant triumpher de ses ennemis nonobstant les vains effors des puissances conjurées à sa ruine, n’elevast les yeux en haut pour rapporter à Dieu le succez d’une si merveilleuse conduite.
Chacun jugeoit assez que la pieté et vie exemplaire du Roy ne pouvoit attendre qu’une suite de toute sorte de bonheur. Et la Reine, parmi l’eclat de ses grandeurs, menant une vie de sainte, nous promettoit bien que la chaine des prosperitez deues à celle de ses hautes vertus et veritablement royales ne seroit jamais interrompue. De fait, cette bonne princesse ne venoit que d’achever de rendre tous ses vœux à Dieu pour l’avoir fait mere et de recevoir toutes les acclamations des peuples pour son Daufin, les princes et estats de nostre hemisphere à peine avoient ils achevé d’adorer son soleil levant, et l’année suivante fermoit à l’ordinaire les conquestes du Roy par les rejouissances de sa Cour, quand Sa Majesté conceut l’esperance d’un nouveau fruit royal.
Toutes les marques d’une santé vigoureuse en la Reine et plusieurs autres signes dont se servent les medecins pour discener le sexe de l’enfant avant qu’il vienne au monde donnoient bien quelques indices que Sa Majesté estoit enceinte d’un prince, à quoi nos souhaits se rendoyent fort credules. Toutesfois, comme il y a peu de demonstrations en tel sujet, toute la Cour demeura entre l’esperance et la crainte jusques au 21 de ce mois de septembre 1640, qui nous en fit certains.
La Reine, estant allée ce jour à la promenade sur les six heures du soir, sentit quelques douleurs qui l’obligerent à se retirer dans son cabinet. Mais cette princesse, selon la force de de corps et d’esprit qui lui est familiere, trouva ces douleurs trop legeres pour se mettre au lit, où elle ne se mit que sur les neuf heures, ausquelles son travail commança, et n’eut que trois tranchées, à la troisiesme desquelles elle accoucha sur les six heures du soir d’un tres beau prince, qui a le teint fort blanc, le poil noir, les membres extremement bien faits, et a une grande vigueur. Cet accouchement fait dans le chasteau vieux de Saint Germain en Laye, en presence du Roy, de la princesse de Condé, de la duchesse de Vendosme et de la connestabl de Montmorancy, outre les dames de sa maison.
Les hommes estoient à la porte de ce cabinet en grand silence, qui fut bientost interrompu par tous les signes de rejouissance des qu’il en sortit cette voix : C’est un prince, c’est un prince. Et comme si on ne l’eust pu autrement croire, tant cete joye estoit grande, ce prince naissant fut visité par plusieurs seigneurs et dames de la Cour dans l’appartement qui lui avoit esté dressé seulement ce jour là, et où il fut transporté une heure apres sa naissance ; arrivée, non sans bon augure, environ le temps auquel le soleil entroit au signe de la balance, l’embleme de la justice de son père, la lune estant en son croissant pour lui servir d’hyerogliphe contre les infideles, desquels il doit un jour verifer les propheties, et en un eclat du Ciel qui, selon la doctrine des astrologues, lui promet toutes sortes de prosperitez.
Aussi n’est il pas malaisé de conjecturer que Dieu destine cette lignée royale à des effets extraordinaires, les ayant fait naistre de la sorte, et ayant tellement accompli en eux les souhaits du Roy et de tous les François, que ces merveilleuses benedictions du Ciel elevent les esprits moins speculatifs en des esperances non communes. Car il eus testé difficile de persuader il y a trois ans à Leurs Majestez ce qu’on void aujourd’hui, à scavoir qu’ils nous donneroient deux princes comme autant de colomnes qui asseurent nos conquestes, voire qui nous promettent mieux que la devise de nos voisins de les estendre plus outre. Non, rien ne semble desormais impossible à la France apres ce double gage du Ciel, et toute la terre va prendre part à cette joye. De laquelle le bruit ne fut pas plustost epandu dans la ville de Saint Germain que, comme elle a l’honneur d’avoir la premiere fait respirer son air et voir le soleil à ces jeunes aiglons, elle alluma aussi les premiers feux de joye qui s’en sont faits et qui durerent pour cettui ci presque toute la nuit.
Un contentement que le Ciel nous a differé si peu de temps apres le premier ne pouvoit permettre qu’on differast à ce royal enfant l’application des seaux celestes et les arres de sa regeneration. Sur les unze heures du mesme soir, il fut ondoyé par le sieur Seguier, evesque de Meaux, premier aumosnier du Roy, en presence des evesques de Lisieux et de Bazas, et obtint par cette premiere action du christianisme toutes les graces spirituelles du baptesme, en attendant l’apparat plus ample que requiert la ceremonie de cet auguste sacrement en des personnes augustes.
C’estoit bien aussi la raison que le premier ministre de l’Estat, pour les grands soings qu’il prend en sa conservation, eust la premiere part d’une si grande matiere de rejouissance : c’est pourquoi le Roy en donna promptement avis à Son Eminence par le sieur de La Bouteillerie, mareschal des logis de Sa Majesté, qui l’est allé trouver à Chausnes.
Le sieur de Saintot en aporta pareillement ici la nouvelle au chancelier de France, à l’archevesque de cette ville et au duc de Monbazon qui en est gouverneur.
Le sieur Moreau, premier valet de garderobbe, fit aussi part de cette joye au parlement, à la chambre des comptes, à la cour des aides et au corps de ville, d’où cette nouvelle epandue par tout Paris fit sonner des le lendemain matin en carillon l’horloge du Palais, qui ne sonne de la sorte que pour les Enfans de France. Celle du pont Neuf en fit autant. La Bastille et l’Arsenal saluerent à l’eni de leur cannonades le prince naissant. Ce jour là 22, sur les dix heures du matin, le Te Deum fut solennellement chanté dans le chasteau de Saint Germain, où l’evesque de Meaux officia, monseigneur le Dauphin y assistant avec plusieurs seigneurs et dames de la Cour. Les mesmes actions de grace en furent ici solemnellement rendues dans nostre eglise cathedrale. L’apres disnée du mesme jour et le soir, par ordre du prevost des marchands, plusieurs boetes rangées devant la maison de ville tesmoignerent, par leurs salves, l’allaigresse publique, qui fut secondée par les feux de joye allumez par tous les bourgeois devant leurs portes, avec lanternes aux fenestres, et parmi les santez du vin que plusieurs versoient aux passans devant leurs portes, force cris redoublez de : Vive le Roy, la Reine et les Enfans de France, ne scachans encor quel nom donner à ce nouveau prince, à qui la conqueste d’Arras pendant la grossesse de la Reine semble vouloir donner celui de comte d’Arthois, comme l’usage celui de duc d’Anjou, mais dont en effet il faut attendre la volonté du Roy, qui se trouvera possible bien empeschée en ce rencontre, mesmes si Elle attend encor quelque temps, et qu’à la mode des autres souverains Elle lui vueille donner le nom de quelqu’une de ses conquestes : la multitude lui en augmentera la difficulté.
Du bureau d’adresse, le 24 septembre 1640. Avec privilege. »

Lettre de Francesco Borsieri au duc de Mantoue relatant les fêtes de carnaval au château de Saint-Germain-en-Laye

« Illustrissimo et eccellentissimo signor, mio signor et patrone osservandissimo,
Questa solo sara primo per far la debita reverentia at V. E. et darle aviso del ben stare dell illustrissimo signor Lodovico, poi per avisarla del carnevale qui fatto nel quale per le pioggie et continovi venti non s’poptuto fare cosa buona se non ch’el giorno di carnevale con uno vento grandissimo et frazza se corse da dodeci cavaglieri armati all’anello con grandissimo freddo di quelli ch’erano a vedere et questo fu nel barco dove monsignor eccellentissimo lo Dolfino v’era in letica qual pero venne se non cessata la frazza. Li cavaglieri corsero tre lancie per uno et fra tutti lo portorno molte volte, con tutto ch’l’anello fosse assai grande. L’illustrissimo signor Lodovico fu capitaneo de otto o dieci putti vestiti alla svizzera, quali per lo freddo parevano tutti amalati ; el signor Lodovico illustrissimo era a cavallo col suo tabbaro di scarlato et inanzi havea li detti putti co’ uno che li portava una mazza et tutti questi furono paggi d’honore, le livree erano incarnato et negro con tabure et fiffari, et cosi sei cavaglieri. Gl’altri sei erano guarniti sopra l’arme di coramo dorato.
La sera poi l’illustrissimo signor Lodovico fece una mascarata de sei peregrini, tra quali furno dui figli di monsignor della Marscia et maestro da stalla di monsignor eccellentissimo el nostro signor governatore et M. Costanzo, tutti sei erano vestitti di negro con sagli listati di tella d’argento a spina pesce, gli tabbaretti di veluto negro foderati di tela d’argento, gli capelli di tela d’oro ranza con le scarpe del medesimo, gli bordoni negro co’gli drappeselli di tela d’argento et con una bocalina d’acqua nanfa et mazzi di garofoli con tavolette scritte di motto latini, et cosi guarniti accompagnati d’un tamburo et fiffaro, andorno a monsignor eccellentissimo et fattele le debite reverenze, l’illustrissimo signor Lodovico gli presentò uno mazzo di garoffoli perfumato d’aqua nanfa et compositione parimenti alla sorella Madame Isabella et alla regina di Scoccia et cosi fecero gl’altri a diverse damiselle et signore Ciasuno poi sparse l’acqua sopra sue maestrii et damiselle et gentilhomini. Comminciato el sono per balare l’illustrissimo signor Lodovico piglio Madama Isabella, il più grande della Marscia la regina di Scoccia, l’altro l’altra figlia di Sua Maestà Christianissima, el signor governatore la damisella di Perone, gli altri quelle che alloro più piaquero et balato che fu tre de suoi balli el signor governatore si parti, et poi vestito de suoi soliti panni ritornò di sopra, et io restai in camera. Il primo poi du quaresima doppo desinare mi bisogno andare a Parigi et per esser bel tempo monsignor eccellentissimo la Delfino volse che’l illustrissimo signor Lodovico con cinque paggi d’honore ch’esso havea vestiti d’una livrea di raso morello tagliato con sotto tella d’oro ranza con pennacci nelle celade de medesime colori, corse all’alnello contro sei altri con quello della Marsia con tonelletti di tela d’argento et dicono ch’l signor Lodvico si porto bene, il che non penso fossi altrimente accomodandosi molto bene sotto l’arme ; hormai comincia a domesticarse con monsignor eccellentissimo et ragiona et passeggia seco di molto pezzi et mostra volerle molto bene. Altro per hora non mi occorre, se non supplicar V. E. tenermi in sua bona gratia nella quale basciandole le mani con debita reverenza humilmente mi raccomando.
Di San Germano lo 23 di febraro del 1550.
Di V. E. humilissimo et fidelissimo servitore.
Francesco Borsieri

Per lo illustrissimo signor Lodovico
Quidem me puerum amore capi miramini quando Deus ipse puer est
Per uno della Marcia
Priusquam amoris semitas ingrediare ipsi statui supplicare
Per l’altro dela Marcia
Ne postia flamarum poenitea ; amorem consultum abeo
Per lo maestro di stalla
Amoris impatiens peragro si pietatem invenire queam
Per lo S. governatore
Quod cathenis exolutus cum amoris hanc ipsivnovi tabellam
Per M. Costanzo
Que matrona Illustris peregrinari intueminii amore me miserum cogitur ingratae »

Récit du baptême du duc d’Orléans à Saint-Germain-en-Laye

« L’ordre et triomphe du baptesme de tres haut et tres puissant prince monseigneur Louys, second fils de France, duc d’Orleans, fait à Saint Germain en Laye le dix neufieme jour du mois de may mil cinq cens quarante neuf
Pour les roys d’armes de France
Le dimanche dix neufieme jour de may, le roy Henry II, estant a Sainct Germain en Laye, accompagné des princes de son sang, pour solenniser le baptesme de tres haut et tres puissant prince monseigneur Louys, second fils, duc d’Orleans, fit un festin royal en la grande salle dudit chasteau de Sainct Germain, laquelle estoit toute tapissee de riche tapisserie, faite de fil d’or, de fil d’argent et de soye, enrichie et garnie par le haut de feuillages de lierre et buys, semez d’ecussons aux armes de France, de la Reyne, de Portugal, d’Escosse et de Ferrare, et des croissans entrelassez ; et au bout d’en haut de ladite salle estoit la table dressee et couverte pour le Roy, a laquelle pour aller y avoit huit marches couvertes de tapis de Turquie, et au dessus de ladite table y avoit un ciel de satin cramoisy fait en broderie, et couvert de perles. A main dextre et au dessous de la table du Roy y avoit une longue table dressee pres des fenestres pour les princes et dames.
Environ l’heure de cinq heures du soir, le Roy partit de sa chambre, accompagné de don Constantin, prince, ambassadeur et parain delegué de par don Jean, roy de Potugal ; et marchoit devant le Roy monsieur de Boisy, Grand Escuyer de France, portant une hache d’armes comme capitaine des cent gentilsommes de la Maison du Roy, madame Marguerite, la reyne d’Escosse, madame la duchesse d’Aumale et ledit delegué de Portugal ; a main senestre et de l’autre costé, messeigneurs les reverendissimes cardinaux de Bourbon, de Vendosme, de Guise, d’Amboise et de Chastillon, et autres grands seigneurs. Monseigneur d’Anguyen servoit de panetier. Louys monsieur de Bourbon d’eschançon, monsieur d’Aumale d’escuyer trenchant, monsieur le connestable de Grand Maistre.
Et pour le premier service arriva monsieur le connestable en l’ordre qui ensuit. Premier marchoient les tambours, fifres et trompettes sonnans, apres les herauts deux a deux revestus de leurs cottes d’armes, apres marchoient deux huissiers de la chambre du Roy portans la masse sur l’epaule, apres marchoient les maistres d’hostel, ayans tous les dessus dits la teste nue, apres marchoit monsieur le connestable portant son baston de Grand Maistre, enrichy et couvert [p. 150] de perles et pierreries ; puis marchoit monsieur d’Anguyen servant, comme devant est dit, de panetier. Le service estoit porté par les gentilshommes de la chambre du Roy, richement vestus, ayans la teste nue, et fut tenu tel ordre a tous les autres services comme au premier. Et durant le festin y avoit chantres chantans en musique, hautsbois et autres joueurs d’instrumens le plus melodieusement que l’on scauroit ouyr. Et a la fin du dernier service fut crié : Largesse, par Monjoye, accompagné des herauts revestus comme dessus, d’un bassin et d’une eguiere d’or de par tres haut et puissant prince monseigneur le duc d’Orleans. Et le festin achevé, le bal commença qui dura environ deux heures, et ledit bal finy le Roy se retira en sa chambre, et s’en alla madame Marguerite, la reyne d’Escosse, madame la duchesse d’Aumale et ledit delegué de Porugal, monsieur de Guise et tous les princes et dames en la chambre où estoit ledit seigneur duc d’Orleans, laquelle estoit tapissée comme il s’ensuit. Dedans ladite chambre y avoit un grand lict de parement, couvert d’un drap d’or frizé traisnant en terre, et tout a l’entour par bas estoit redoublé et fourré d’hermines ; deux oreillers tous faits en broderie, couverts de perles et pierreries, et le ciel et dossier de drap d’or couvert de perles, les franges de fil d’or et au bout desdites franges tous garnis de grosses perles ; ladite chambre tapissee tout a l’entour de tapisserie faite de fil d’or, fil d’argent et soye la plus riche que l’on veit jamais, le fonds par haut de drap d’or et par bas de tapis de Turquie. Et au sortir de ladite chambre, toute la galerie et la vis par où l’on passa pour descendre en la cour allant a la chapelle dudit chasteau estoit toute tapissée de drap d’or et de tapis de veloux cramoisy violet, semez de fleurs de lys d’or, d’hermines et de toile d’argent. Tous lesdits seigneurs assemblez dans ladite chambre, fut levé le petit prince par ledit delegué de Portugal, et fut tenu tel ordre au marcher dudit baptesme, somme il s’ensuit.
Premierement, marchoient les tambours, fifres et trompettes sonnans fanfares, apres les herauts deux a deux, revestus de leurs cottes d’armes, apres marchoient les huissiers de la chambre portans la masse, puis marchoient les chevaliers de l’ordre ayans le grand ordre, portans chacun un cierge blanc en la main, apres marchoit monsieur François de Lorraine, grand prieur de France, portant le cierge du baptesme, apres le marquis du Maine, portant la saliere, apres monsieur d’Aumale, portant le cresmeau enrichy de pierres precieuses et d’une grande croix dessus, ledit cresmeau en manière d’escarboucle, posé sur un carreau de drap d’or couvert de parles, apres monsieur de Longueville, portant l’eguiere, apres Louys monsieur de Bourbon, portant le bassin, apres monseigneur d’Anguyen, portant l’oreiller et serviette, apres marchoit le parain delegué dudit roy de Portugal, portant ledit prince, à costé de luy a main dextre monsieur de Guise, servant de parain et delegué pour le duc de Ferrare, a main senestre madame la duchesse d’Aumale, servant de maraine [p. 151] au lieu de la reyne douairiere d’Escosse. Et estoient a costé, derriere ledit sieur de Guise et la duchesse d’Aumale, René monsieur de Lorraine, et le fils du gouverneur d’Escosse, portans chacun un coin du drap d’or ou estoit ledit petit prince, servans de chevaliers d’honneur. Apres marchoit madame Marguerite, laquelle menoit par la main la petite reyne d’Escosse, apres madame la duchesse de Valentinois, apres toutes les dames en bon ordre, richement vestues et parees tellement que, pour l’abondance des pierreries et broderies, l’on n’eust sceu discerner la couleur de leurs habillemens. Tous lesquels descendus dans la cour du chasteau, estoit ladite cour toute tapisseee de riche tapisserie faite de fil d’or, fil d’argent et de soye, et aux premieres lermieres de ladite cour y avoit a un pied loin de l’autre un cierge allumé, jusques au nombre de deux cens et plus, et depuis la porte de la salle jusques a la porte de la chapelle, estoient arrangez les arches de la garde d’un costé, tenans chacun une torche allumee a la main, et de l’autre costé en pareil ordre les suisses, ayans chacun aussi une torche allumee comme lesdits archers de la garde. A la porte de ladite chapelle estoit monseigneur le reverendissime cardinal de Bourbon, revestu pour faire l’office, accompagné de messeigneurs les reverendissimes cardinaux de Vendosme, de Guise, d’Amboise et de Chatillon, avec plusieurs archevesques, tous revestus de leurs roquets. Dedans et au milieu de ladite chapelle, y avoit un theatre dressé sur quatre piliers dorez de fin or, ou fut porté ledit petit prince, et dans ledit theatre y avoit un fonts dressé d’argent doré, tout enrichy de perles et pierreries, le plus beau qu’il soit possible a un homme de voir, et fut ledit petit prince nommé par ledit delegué de Portugal Louys. Ladite chapelle estoit toute garnie de cierges blancs et grands chandeliers d’argent pendans tous garnis de cierges, qui donnoient une lueur et clarté comme s’il eus testé midy. Et ledit baptesme achevé, fut crié par ledit Monjoye dans ladite chapelle : Vive tres haut et tres puissant prince monseigneur Louys, second fils de France, duc d’Orleans. Et fut ledit petit prince rapporté en pareil ordre et triomphe qu’il avoit esté porté jusque dans ladite chambre de parement. Et au retour en la salle du Roy, furent dressees tables chargees de confitures, dragees et epiceries pour la collation. Et ce fait chacun se retira. »

Récit de l’inauguration du musée de Saint-Germain-en-Laye

« Inauguration du musée de Saint-Germain
Cette intéressante cérémonie, pour employer la formule des lettres d’invitation, a été, hier dimanche, favorisée par une pluie diluvienne ; je dis favorisée car, dans un musée où l’on collectionne les antiquités antédiluviennes, cette averse pouvait donner une idée assez nette de ces grands cataclysmes qui ont détruit les peuples dont nous allons examiner les reliques.
De beaux massifs de rhododendrons et d’azalées avaient été disposés devant le château, dont l’entrée et le pont sur le fossé qui la précède avaient été recouverts d’un velours vert et or. La haie était faite entre la gare et le château par les pompiers de Saint-Germain-en-Laye. Derrière eux, se pressaient, bannière en tête, les corporations, les orphéons, les sociétés de toutes les localités environnantes : Paris, pour sa part, avait député une escouade de sergents de ville. A trois heures, l’arrivée du train impérial fut signalée par la décharge de ces boîtes qui, dans les chefs-lieux de cantons, remplacent l’artillerie avec tant d’avantage pour nos tympans.
L’Empereur fut reçu à l’entrée du pont par M. de Neuwerkerke, M. Bertrand, l’archéologue érudit, tout récemment nommé directeur-conservateur du musée, M. Millet, l’architecte du château, M. Beaune, attaché depuis longtemps au musée et l’auteur d’une excellente brochure sur ces collections, à laquelle on ne peut d’autre reproche que celui d’être trop courte, MM. de Reffie, commandant du Génie, officier d’ordonnance de l’Empereur, et de Mortillet, le savant géologue qui, tous deux, peuvent être rangés parmi les créateurs du musée, et qui ont tant fait pour l’histoire de nos origines, le premier pour l’époque romaine et le second pour les temps anté-historiques.
L’Empereur pénétra sur le champ dans les salles du musée dont il est le fondateur. Au nombre des personnes qui l’accompagnaient, j’ai remarqué, outre celles que je viens de nommer, les membres de la commission d’organisation du musée, M. Viollet-le-Duc, M. Maury, M. Pereire, qui a donné des antiquités d’une grande valeur, M. Lartet, le fondateur, avec M. Boucher de Perthes, auteur de l’Histoire de l’homme avant le déluge. M. Lartet a reçu hier sa nomination d’officier de la Légion d’honneur.
Les collections, admirablement classées, commencent précisément par ces premiers vestiges de la présence de l’homme en Gaule, réunis dans la première salle, à l’entrée de laquelle une pensée délicate a fait placer les bustes de M. Boucher de Perthes et de M. de Christy, qui, de l’un et de l’autre côté de la Manche, ont reculés nos origines primordiales jusqu’à une époque où l’Inde et l’Egypte étaient sauvages et désertes. C’est l’époque des alluvions quaternaires. Les monuments qui nous restent des hommes de ce temps sont des haches et des couteaux de silex non poli, trouvés enfouis à huit mètres de profondeur, auprès d’Abbeville, d’Amiens et même de Paris. Plus tard, à l’époque des cavernes, à l’âge du renne dont les reliques sont déposées dans la seconde moitié de cette salle, l’art s’est développé. Avec les mêmes armes de pierre non polie, on trouve des os sculptés et des poteries, et, chose étrange, l’homme de cet âge perdu dans le passé, ce peuple dont il ne reste point un souvenir, avait un sentiment artistique réel.
M. Bertrand a fait admirer au souverain une sorte de poignard taillé dans un bois de renne, dont le manche représente avec une fidélité remarquable l’animal même qui a fourni la matière de l’arme.
A côté, un autre poignard en ivoire est sculpté en forme de mammouth. Ainsi, à cette époque, les forêts françaises recelaient des hôtes tels que le grand élan, dont une ramure gigantesque domine toute la salle, le mammouth, le grand lion, l’ours et le tigre des cavernes, tous disparus aujourd’hui, l’aurochs à le veille de disparaître et le renne refoulé aujourd’hui dans les régions glaciales ; les chasseurs d’alors devaient déjà se plaindre cependant de la diminution du gibier, car leurs ancêtres de la période des alluvions pouvaient, en outre, exercer leur adresse sur l’hippopotame. Mais enfin il faut se contenter de ce que l’on a, et lorsqu’il reste des ours de trois mètres de hauteur à tuer avec des pierres pointues, cela procure encore quelques émotions.
Cette salle est complétée par une admirable collection d’antiquités à l’âge de la pierre en Danemark, offerte par Frédéric VII.
La seconde et la troisième pièces sont consacrées à ces monuments de granit brut, nommés autrefois druidiques et baptisés aujourd’hui de la qualification peu compromettante de mégalithiques.
La croyance qui les attribuait aux Gaulois était trop ancienne pour pouvoir durer plus longtemps, et maintenant tout le monde s’occupe avec ardeur à la renverser. Seulement, chaque archéologue substitue aux Gaulois un peuple différent, si bien que j’imagine que ces grandes pierres ont simplement été superposées par le diable pour empêcher la bonne harmonie de jamais s’établir entre les historiens.
Mais rien ne pourra mieux faciliter l’étude de cette question pendante que le musée gallo-romain.
Ici on trouve rapprochés les objets trouvés sous les monuments mégalithiques et les modèles de ces monuments, exécutés à l’échelle d’un vingtième, par M. Maître, avec une perfection admirable que l’Empereur a remarquée. Le plus grand de ces modèles est celui du dolmen de Gaur-Iniz, dans le Morbihan. Les sculptures de cette grotte artificielle ont été moulées et tapissent les murs. J’avoue qu’il faut les yeux de la foi pour voir des caractères ou même des hiéroglyphes dans des courbes qui me semblent être tout simplement des ornements et, en pensant à tous les efforts d’imagination dont ces dessins ont été l’objet, je plaignais les archéologues de l’an 6000, qui se casseront la tête pour comprendre le sens symbolique des vermicelles dont les murs du Louvre sont enjolivés.
Non loin de ce dolmen est le gigantesque menhir de Locmariaker, haut de vingt-deux mètres, avant qu’il n’eût été brisé par la foudre en quatre morceaux.
Dans une vitrine sont exposés les plus beaux objets trouvés dans les dolmens qui sont des tombeaux. Là, sont les dépouilles du dolmen découvert tout récemment à Argenteuil, puis les intéressantes antiquités trouvées en Bretagne, haches et anneaux de cuivre poli. Dans une autre vitrine ont été réunis de curieux échantillons d’armes en silex, provenant des ateliers de fabrication de ces armes découverts à Pressigny-le-Grand.
La quatrième salle, dans le donjon, est consacrée au médailler et aux inscriptions gauloises en caractères grecs ou romains, mais en langue inconnue. Vainement, Sa Majesté a fait appel à l’immense érudition de M. Maury ; l’auteur du dictionnaire lui-même dut reconnaître qu’il ne pouvait traduire ces mots étranges.
Au second étage, l’Empereur visita d’abord, dans le donjon, la bibliothèque où ont été provisoirement déposés les bijoux : de lourds cercles d’or, quelques-uns des très rares ornements de métal trouvés dans les dolmens, et enfin l’admirable, que dis-je, l’adorable vase d’argent d’Alise. Pour reprendre l’ordre chronologique, après l’âge de la pierre polie, l’époque mégalithique, nous arrivons à la période lacustre, dont les restes occupent la cinquième salle. Les peuplades de la Suisse et de quelques autres points habitaient alors des cabanes bâties au-dessus des eaux des lacs, et les objets dont ils faisaient usage ont été conservés dans la vase tourbeuse du fond. Ce ne sont plus seulement des pierres, des os, des poteries et des métaux, ce sont des grains de blé, des étoffes, des noisettes et des filets.
Un morceau de tulle d’une finesse extrême date de plusieurs milliers d’années. La sixième salle est consacrée à l’âge du bronze, et la septième à l’âge du fer, à l’époque gauloise proprement dite. La fusion se fait lentement. Après n’avoir trouvé que du bronze on commence à voir du fer se mêler au premier métal dans les tombes, et enfin on arrive aux sépultures gauloises des derniers siècles où les armes en bronze ont entièrement disparu. Cette salle contient, en outre, des imitations d’objets remarquables dont le musée n’a pu se procurer les reproduits [sic] exécutés avec une merveilleuse et pour ainsi dire stupéfiante fidélité par un artiste italien attaché à l’administration du Louvre, M. Pinelli. Au centre de la pièce est un vase restauré par lui, qui a été trouvé brisé en cent soixante et un morceaux.
Deux dernières salles sont consacrées à tous les objets se rapportant à l’histoire de César, elles seront, selon l’heureuse expression de M. Beaune, « le meilleur commentaire des Commentaires ». C’est là que se trouve la seule épée romaine connue, des balles coniques qui se lançaient avec la fronde, des plans-reliefs des sièges et des camps retranchés, et enfin quelques moulages de la colonne Trajane, devant lesquels l’Empereur s’arrêta longuement, étudiant l’incompréhensible figure d’un instrument de guerre inconnu. Cette collection occupe l’immense salle des fêtes et du rez-de-chaussée [sic] et une dernière salle où sont déposés des moulages et des reproductions extrêmement curieuses de machines de guerre romaines : balistes, catapultes, scorpions, etc. Des expériences ont été faites avec ces machines, et l’on a pu envoyer des flèches et des pierres à deux cent cinquante mètres.
Là s’arrêtent pour le moment ces galeries toutes nouvelles, improvisées en quelques années, qui doivent embrasser l’immense espace de temps qui s’est écoulé depuis l’apparition de l’homme en Gaule jusqu’à la dissolution de l’empire de Charlemagne et la formation de la France actuelle.
Vers quatre heures, après avoir félicité l’architecte du château et les organisateurs, Sa Majesté reprit le chemin de Paris.
Charles Boissay »

Lettre de Carlo Vigarani à la duchesse de Modène concernant la réception du grand-duc de Toscane et le petit appartement du roi à Saint-Germain-en-Laye

« Serenissima Altezza,
Dal letto, ove m’ha confinato alucni giorni sono l’excessiva occupatione havuta per le feste fattesi all’arrivo e dimora qui del Serenissimo Gran Principe di Toscana, subito ricevuti i pregiatissimi commandi de L. A. V. Serenissima, ho’ avisato il signore Pouch, acio con la sua destrezza, e in conformita d’essi commandi, dia qualche lume dell’intentione che hanno cuca il partito le persone, che pensano a la compra de le rendite dell’A. V. Serenissima, siche col prossimo ordinario spero potergliene render conto.
Con l’ultima mia avisai l’arrivo a la corte del Serenissimo Gran Principe, e come S. M. lo havesse ricevuto a la prima visita, come per sorpresa, cise ch’essendo S. M. ne la sua camera con il solo duca di Saint Agnan, ora primo gentilhuoma, e con tre o quattr’altri servitori all’entrar di S. A. mostra d’esser sorpreso, e lasciato il capello su la tavola s’avanzo alcuni passi a riceverlo. E di la lo condusse egli stesse da la Regina. Qualche giorno dopo, il Re havendolo contotto a Versaglia ivi lo regalo di musiche, balli, comedie, collationi, giardini illuminati, e fuochi d’artifizio ; tornando il Re a San Germano, e S. A a Parigi ove sta alloggiato in casa del suo residente benche sia sevito da tutti gli ufficiali, carozze e staffieri del Signore duca di Guisa, il che m’haveva da prima fatto credere che fosse anche allogiato in sua casa.
A San Germano dopoi sele e fatta redere una comedia galante framezzata con balletti, e musciha, e con qualche scena : cosa pero di poca importanza, dopo la quale ogni volta sene ritorna a dormir a Parigi, anzi a cena, essendo ben presso a meza notte quando fnisse l’opera, non essendovi stato convito alcuno per anche, ecredo non vene sara. Tutta la casa di Conde e ritirata credo per la discrepannza de titoli e delle precedenze. Li duchi e Pari non l’honna visitato perche non le ha voluto dar la mano. […]
Ha S. M. fatto fare qui due cabinetti nel suo appartamento tutti ricoperti per tutto di specchi incastrati in cornici di legno indorate e sopradipinte, opera richissima del signore Brun, pittore eccelente : sopra gli spechi son dipinti bellissimi comparti d’ornamenti, che fanno un ammirabil vaghezza, ma la pittura e dietro al cristallo tra esso e l’argento vivo ; maniere e studi nuovi a quale vado applicando con la speranza di ripatriare un giorno per godere l’istessa fortuna del Principe nella sua gloriosa servitu alla serenissima casa, e sotto i clementissimi auspizy de L. A. V. Serenissima, a la quale profadamente inchinandom, mi dedico, de L. A. V. Serenissima,
Umilissimo, devotissimo et obligatissimo servitore.
C. Vigarani
Di S. Germano, li 30 Augusto 1669 »

Lettre concernant un Te Deum à célébrer à Saint-Germain-en-Laye en l’honneur de la paix

« Paris, ce 3 décembre 1783
Messieurs,
La paix étant conclue entre le Roy et le roi de la Grande Bretagne, Sa Majesté a écrit à MM. les évêques qui sonts dans l’étendue du gouvernement de l’Isle de France de faire chanter le Te Deum en actions de grâce dans toutes les églises de leurs diocèses. Nous vous mandons d’y assister en cérémonie et de donner en même tems les ordres nécessaires aux bourgeois et habitans de votre ville pour faire tirer le canon, s’il y en a, allumer des feux de foye, faire des illuminations et donner toutes les autres marques de réjouissances publiques et accoutumées. Je ne doute nullement que vous ne vous conformiés avec autant de zèlle que de plaisirs aux ordres de Sa Majesté.
Je suis, Messieurs, votre affectionné serviteur.
Le duc de Gevres »

Récit par le maître des cérémonies Nicolas Sainctot du baptême du Dauphin à Saint-Germain-en-Laye

« [f. 63] La ceremonie de la nomination de monseigneur le Dauphin
1668
Monseigneur le Dauphin ayant atteint l’aage de cinq ans et demy, le Roy voulut luy faire donner un nom. Le Pape souhaita d’estre le parrain, et la reine d’Angleterre la maraine.
Le Pape fit le choix du cardinal de Vandosme pour estre son legat dans cette occasion et la reine d’Angleterre pria la princesse de Conty de vouloir estre la maraine en son nom.
Le 23e de mars, veille de la cérémonie, le cardinal se rendit à Saint Germain.
Le Roy ne luy envoya point ses carrosses ny aucune personne de qualité le complimenter chez luy, parce que le Pape ne l’avoit pas envoyé expres, et qu’il estoit né sujet du Roy. [f. 63v] Monsieur n’alla point au devant de luy comme il avoit esté à la rencontre du cardinal Chigy, legat a latere d’Alexandre VIIe.
Ce mesme jour, sur les cinq heures du soir, le cardinal eut sa premiere audiance du Roy. Il y fut conduit par le comte d’Armagnac, prince de la maison de Lorraine, grand escuyer de France, par le sieur de Bonneuil, introducteur des ambassadeurs, et par le sieur Sainctot, maitre des ceremonies.
Le comte d’Armagnac l’alla prendre dans la salle de descente. Il luy donna dans la marche la main. Le sieur de Bonneuil marchoit immediatement devant le comte d’Armagnac. Le sieur Sainctot, apres avoir receu le cardinal au bas de l’escalier du château vieux, où les Cent Suisses estoient en haye et sous les armes sur les degrés, se plaça à droite vis à vis du sieur de Bonneuil. Le duc de Nouailles, capitaine des gardes du corps, le receut à la porte de la salle des gardes, où toute la compagnie estoit sous les armes et en haye, et se mit à main droite, un peu au dessus du cardinal, pour n’avoir point la droite sur le prince, et aussy pour rendre plus d’honneur au cardinal, la place luy estant plus [f. 64] honorable d’avoir la main sur un prince que s’il se fust trouvé entre deux personnes dont l’une estoit inferieure à l’autre.
Le cortege qui accompagnoit le cardinal estoit composé de son dataire, de son protonotaire, de son porte croix et d’autres officiers de la legation vetus de leurs mantelets.
Le porte croix s’arresta avec sa croix à la porte de l’antichambre du Roy.
Le Roy, voyant arriver le cardinal, sortit de son balustre et vint quatre ou cinq pas au devant de luy, rentra dans le balustre, s’assit sur un fauteuil, et en fit donner un au cardinal legat, qui se couvrit. Apres un quart d’heure de conversation, il se leva et le Roy le reconduisit au mesme endroit où il l’avoit esté recevoir.
On alla de là chez la Reine, qui le receut avec les mesmes honneurs que le Roy luy venoit de faire, avec cette difference neantmoins que la Reine luy donna audience hors du balustre, parce que les reines n’y recoivent jamais personne.
Ensuite, le cardinal legat, accompagné du comte d’Armagnac, de l’introducteur et du maitre des ceremonies, alla voir monseigneur le Dauphin.
Monseigneur vint au devant de luy dans son antichambre avec la marechalle duchesse de la Mothe, sa gouvernante. Il le conduisit dans sa chambre, affectant de le devancer d’un pas et le tenant par la main. L’un et l’autre ne s’assirent point, la visite dura peu. Apres quoy, monseigneur le Dauphin le reconduisit jusques au lieu où il l’avoit receu.
Le cardinal ne fut point visiter Monsieur, parce que Monsieur n’estoit pas venu au devant de luy arrivant à Saint Germain.
Le 24e, la ceremonie se fit dans la cour du château vieux. La cour a 37 toises de longueur sur sept de largeur. On prit ce lieu parce que la chapelle de Saint Germain est trop petite et que le chœur mesme de Nostre Dame n’eust pas esté assez spatieux pour contenir toutes les personnes qui [f. 65] avoient fonction en cette ceremonie.
A l’entrée de la cour, on avoit dressé à main droite, en un espace de 15 toises en longueur sur 18 en largeur, des eschafaux en amphiteatres qui s’elevoient jusques au premier estage.
Dans cette espace, il y avoit deux barrieres eloignées l’une de l’autre de quatre toises pour empescher qu’on approcha du pale ou plateforme où se devoit faire la ceremonie.
Le pale avoit 20 toises de long et seize de large. Il estoit dressé de trois pieds et demy. On y montoit par une espece d’eperon qui avoit dix toises de large, composé de sept marches. Il estoit fermé par deux costez de deux balustres, chacun de trois toises et demy.
A l’entrée du pale, on avoit dressé des deux costez deux magnifiques buffets où les honneurs du parain, de la maraine et de monseigneur le Dauphin devoient estre posez.
Ces buffets estoient couverts de brocard [f. 65v] d’argent. Les tables elevées sur quatre marches à pans coupez formoient trois paliers de chacun une toise de giron. Aux deux costez de ces tables, deux pieds destaux et, sur ces pieds destaux, il y avoit deux grands vases d’argent.
Derriere ces pieds destaux, on avoit mis de grandes consoles pour renfermer les buffets. Les buffetz estoient composez de quatre gradins où estoient un grand nombre d’argenterie de vermeil doré.
Au milieu du pale, environ à sept toises de l’entrée, il y avoit une elevation de quatre marches ottogones dont la premiere avoit trois pieds de giron et les deux autres formoient des paliers, chacun d’une toise et demy de giron.
Sur le dernier palier, on avoit posé une cuvette d’argent qui devoit servir de fonds pour la ceremonie. La cuvette avoit cinq pieds de long sur trois pieds et demy de large et quatre de haut. Elle estoit enrichie de plusieurs figures et estoit couverte d’un grand tapis de brocard d’argent avec une grande frange d’argent. [f. 66] Au dessus de la cuvette, on suspenit un dais ottogone de huit pieds de long sur 14 de large, elevé environ de trente pieds.
Ce dais de brocard d’argent, dont la pente estoit environ de quatre pieds de haut, y comprenant la campane, avoit deux pieds et demy, toute en broderie d’argent ornée de dauphins entrelassez de palmes et de fleurs de lys, et au bas de la campane pendoient plusieurs harpes ou glands d’environ un pied de haut en broderie d’argent.
La campane estoit attachée à une corniche dorée qui portoir quatre grands dauphins d’argent. Ces dauphins soutenoient une couronne d’or fermée de la grandeur de cinq pieds de long sur quatre de large, et de la queue des dauphins sortoient des lis. On avoit mis aux quatre coins du dais de grands bouquets de plumes blanches avec des aigrettes au milieu.
Ce dais sembloit estre soutenu par la figure d’un ange qui estoit en l’air, tenant d’une main les cordons où pendoit le dais, [f. 66v] et de l’autre une epée flamboyante comme pour defendre la couronne et les dauphins qui estoient sur ce dais.
A quatre roises des marches où la cuvette des fonds estoit posée, on avoit elevé un grand autel de 13 toises de face sur 8 toises de haut, enrichy d’or et d’azur.
Aux deux costez de cet autel, on avoit dressé deux tribunes d’environ trois toises de large et elevées d’une toise, pour la musique de la chambre et de la chapelle.
Ces tribunes estoient environnées d’un balustre doré avec des pieds destaux dans les angles.
Ces pieds destaux portoient de grands vases d’argent environ de cinq pieds d’où sortoient plusieurs chandeliers de mesme metail.
Ces tribunes estoient attachées à quatre pieds destaux avec des pilastres corinthiens d’environ 18 pieds de haut et ces pilastres soutenoient une corniche et une balustrade fort enrichie d’ornemens corinthiens.
[f. 67] On montoit à l’autel par sept marches à sept toises de face. Ces marches conduisoient à un palier d’une toise et demye de giron joignant le marchepied de l’autel.
L’autel estoit enfermé de quatre colomnes de la mesme hauteur que les pilastres et du mesme ordre.
Ces colomnes avoient leurs contrepilastres et le tout estoit porté par des pieds destaux elevez au dessus de la table de l’autel.
Entre ces colomnes estoit une ouverture dont l’extremité formoit un portique, sous lequel estoient des gradins où l’on posa l’argenterie.
Il y avoit aussy six autres ouvertures environnées de pilastres aux costez de l’autel, et ces ouvertures estoient fermées de tapisseries en broderie d’or et d’argent sur lesquelles estoient attachées des plaques d’argent d’environ cinq pieds de haut.
Toutes ces ouvertures estoient garnies [f. 67v] de gradins tous couvers de bassins et de vases d’argent, d’un grand nombre de chandeliers, de plaques et de quatre gueridons d’environ six pieds et demy de haut, le tout eclairé d’une infinité de cierges et de bougies.
Tout le lieu où se fit la ceremonie etoit environné de bancs des deux costez, derriere lesquels il y avoit une manière d’amphiteatre qui montoit jusques aux fenestres du premier estage, auxquelles on avoit fait des balcons couverts de tapis de Perse à fonds d’or et de diverses etoffes fort riches.
Les appuis de toutes les croisées jusques au dernier estage du château estoient ornées de riches tapis de Perse, les tremeaux et les murs estoient tapissez et l’espace de la cour estoit couverte par en haut d’une grande toile en manière de baldaquin semée de fleurs de luys à fond bleu et bordée d’une grande campane ornée de fleurs de lys et de dauphins d’or.
Le chancelier, revetu de son habit de drap d’or, ayant sa soutanne de drap d’or, son chapeau de velours noir bordé d’un galon d’or, le cordon d’or, se rendit à une heure au palc [f. 68] accompagné des conseillers d’Estat et des maitres des requestes vetus de robes de velours noir plein et de soutanes de satin noir avec des ceintures dorées, le cordon de leur chapeau d’or. Il prit sa seance du costé de l’epitre, comme aux jours des Te Deum à Nostre Dame, et s’assit dans son fauteuil à bras sans dossier.
Par ordre du Roy, tous les conseillers d’Estat se placerent les premiers proche de luy dans les places les plus honorables. Quelques maitres des requestes receus avant quelques uns des conseillers d’Estat avoient pretendu estre placez selon leur rang de reception mais le dernier reglement du Roy fit qu’ils se mirent apres eux. Ce reglement portoit que tous ceux qui avoient entrée dans le Conseil ne prendroient leur seance que du jour qu’ils y entroient en qualité de conseillers d’Estat.
Le Roy avoit raison d’honorer d’une preeminence les conseillers d’Estat puisqu’en sa presence ils sont assis en son Conseil, dans le temps que les maitres des requestes parlent debout et deouverts devant la chaise du Roy. [f. 68v] Les evesques vinrent en camail et en rochet. Le sieur Dupin les plaça à main droite proche l’autel du costé de l’epistre.
Il plaça aussy les ambassadeurs vis à vis des evesques.
Monsieur de la Vrilliere, secretaire d’Estat, et le comte de Berny, receu en survivance de la charge de secretaire d’Estat du sieur de Lyonne, son père, prirent leurs seances au dessous des ambassadeurs, vis à vis des conseillers d’Estat.
Les sieurs Le Tellier, de Lyonne, du Plessis de Guenegaud, secretaires d’Estat, ne s’y trouverent pas, parce qu’ayant conservé le cordon bleu apres en avoir vendu les charges, ils croyoient ne pouvoir paroitre avec bienseance devant un corps dont ils avoient esté les officiers. Neantmoins, bien que cette raison fut commune avec le sieur de la Vrilliere, il ne laissa pas d’assister à la ceremonie en rang de seance.
Pendant que l’ayde des ceremonies donnoit les seances à chacun, le sieur Sainctot estoit au château neuf, en la chambre de parade, où [f. 69] monseigneur le Dauphin n’estoit venu se coucher que pour donner lieu à faire la ceremonie, ayant passé la nuit au vieux château.
On fut obligé, ne voulant pas deloger Monsieur et Madame, de prendre une partue de la galerie qui va au boulingrin, dont on prit une juste proportion pour la longueur d’une chambre.
Une cloison d’ais separoit cette galerie. On dressa au fond de cette chambre une estrade de deux degrez de hauteur sur laquelle on posa le lit de monseigneur le Dauphin.
Ce lit estoit sans piliers et avoit pour ciel un dais de brocard d’argent à queue venant joindre le chevet du lit.
On coucha monseigneur le Dauphin à droit, du costé des fenestres de la belle veue. Il estoit tout vestu, de crainte qu’il n’eut froid dans un lieu où il n’y avoit point de cheminée. La couverture du lit estoit de toile d’argent bordée d’un pied et demy d’hermine, les draps [f. 69v] estoient de toile d’Hollande avec des grands points de France, et sur le bord du lit, on avoit estendy le manteau qui devoit servir à Monseigneur dans cette chambre. On y dressa deux tables, sur l’une desquelles, à droite, on mit les pieces d’honneur du parain et de la maraine, le bassin, l’aiguiere et la serviete, et sur l’autre on y mit les pieces d’honneur de l’enfant, le cierge, le cremeau, la saliere.
Au dessus de ces tables, on suspendit deux dais de velours cramoisy. Un de ses dais devoit estre de brocard d’argent aux armes de monseigneur le Dauphin, mais le peu de temps qu’on eut depuis la resolution du Roy pour le baptesme fit qu’on se servit de ces deux dais de mesme parure.
Il est bon de remarquer que, lorsque le parain et la maraine sont plus grands en dignité que l’enfant, leurs pieces d’honneur sont posées sur la table la plus parée et sont portées les premieres par de plus grands princes, et qu’au contraire si l’enfant est plus elevé en dignité que le parain et la maraine, ses pieces d’honneur sont portées les premieres.
[f. 70] Tout estant prest, le sieur Sainctot alla avertir les cinq princesses du sang destinées à servir monseigneur le Dauphin de se rendre dans son appartement.
Elles estoient dans une salle de descente en attendant l’heure de la ceremonie.
Elles vinrent en la chambre de Monseigneur, où le Roy et la Reyne s’estoient rendus pour voir la ceremonie du lit. Mademoiselle, fille de Monsieur, s’approcha du lit et se plaça à main droite. Mademoiselle d’Orleans, à main droite aussy, proche le chevet du lit, à cause de la fonction qu’elle devoit faire avant que Mademoiselle pust faire la sienne.
Madame de Guise se plaça à gauche. Madame la princesse de Condé et madame la duchesse d’Enguien se placerent aux pieds du lit.
Ces princesses ayant pris leurs places, mademoiselle d’Orleans et madame de Guise leverent la couverture du lit et [f. 70v] decouvrirent Monseigneur, qui estoit couché tout habillé entre deux draps. Alors Mademoiselle s’avança et leva Monseigneur de son lit.
Pendant que la gouvernante habilloit Monseigneur et luy mettoit son manteau, le sieur Sainctot alla avertir les princes du sang de venir en la chambre de Monseigneur.
Ils estoient dans la salle de descente où les princesses avoient esté se reposer.
Les princes estans arrivez dans la chambre de Monseigneur, madame la Duchesse s’approcha de la table pour recevoir du sieur de Launay, intendant et controlleur general de l’Argenterie, les pieces d’honneur du parain et de la mareine. La serviete luy fut donnée envelopée d’une tavayole de toile d’argent qu’elle remit aussitost entre les mains de monsieur le Prince. Elle donna ensuite à monsieur le Duc le bassin et l’aiguiere avec une tavayole pour les tenir.
Apres cette fonction, madame la Duchesse alla à la table où estoient posées [f. 71] les pieces d’honneur de monseigneur le Dauphin. Elle les receut de la mesme main du sieur de Launay. Elle donna le cremeau et la saliere au prince de Conty avec une tavayole, et le cierge au comte de Clermont, frere du prince de Conty.
Six princes devoient porter ces six pieces d’honneur, mais on fut obligé de les doubler affin d’eviter de se servir des princes etrangers, que les princes du sang auroient fait difficulté d’admettre avec eux, outre qu’il s’estoit mu entre eux une contestation à qui serviroit.
Le comte de Soissons, de la maison de Savoye, se plaignoit de ce qu’estant seul de sa maison, on se servoit toujours des princes de la maison de Lorraine, et qu’à la fin la longue possession de servir aux jours de ceremonie seroit un titre à cette maison pour se persuader d’avoir le pas sur la sienne.
Cette ceremonie finie de la distribution des pieces d’honneur, le sieur Sainctot alla prendre Monsieur dans son appartement et le conduisit dans la chambre de Monseigneur.
[f. 71v] De là, il alla avertir madame la Princesse de Conty, deleguée par la reine mere d’Angleterre, maraine, de se rendre à la ceremonie.
Elle estoit dans un appartement de celuy du cardinal legat. Quoiqu’elle eut pu estre dans la mesme chambre avec luy, il n’y avoit point de contestation entre eux pour le pas et pour la main, ce qui n’avoit pas paru sans difficulté entre la reine mere d’Angleterre et le cardinal legat, car la chose ne fut changée que la surveille de la ceremonie. La reine d’Angleterre allegua qu’elle venoit elle mesme en personne à la ceremonie et que le pape n’estoit là present que par son legat, qu’on devoit faire une grande difference entre la chose mesme ou une chose representée, et que si la representation avoit lieu, il falloit de necessité que les rois donnassent toujours le pas et la main chez eux, et aux legats et aux ambassadeurs de testes couronnées.
Ces raisons firent croire que l’honneur d’imposer le nom à monseigneur le [f. 72] Dauphin luy devoit appartenir, mais la consideration que le Roy eut pour le pape fit que la reine d’Angleterre se dispensa de s’y trouver.
La princesse de Conty arrivant dans l’appartement de Monseigneur, Monseigneur fit quelques pas pour aller au devant d’elle.
Le Roy avoit nommé quelques evesques par lettres de chachet pour aller visiter en mantelet le cardinal legat. Ces evesques estans assemblez chez le comte du Lude avec leurs confreres qui estoient venus simplement pour se trouver à la ceremonie du palc, leurs demanderent advis de ce qu’ils avoient à faire, pretendant que les droits les plus essentiels de l’episcopat estoient violez en cette occasion.
La chose examinée, les evesques resolurent, apres avoir fait lire les lettres de cachet escrites aux evesques nommez, que les archevesques de Sens et de Bourges iroient sur l’heure mesme trouver le Roy pour le supplier tres humblement de trouver bon [f. 72v] qu’aucun evesque ne visitast le cardinal legat en cet habit.
Le Roy leur avoit marqué par sa lettre qu’il ne souhaitoit pas qu’ils en usassent autrement que leurs predecesseurs en avoient usé au baptesme du feu roy. Les registres conservez dans la biblioteque royalle faisoient foy que le cardinal de Joyeuse, nommé du Pape pour parain, n’avoit point esté visité par aucun evesque ny mesme accompagné d’aucun, mais que les evesques l’avoient attendu dans la chapelle avec les cardinaux.
Les archevesques furent priez encore de luy representer que les exemples de ce qui s’estoit fait aux entrées des cardinaux Barberins et Chisy, legats, ne pouvoient tirer à consequence, parce que les evesques qui avoient paru avec le mantelet et le chapeau l’avoient pris comme un habit de cheval qu’ils avoient quitté mettant pied à terre, et s’ils portoient le mantelet dans cette visite, c’estoit approuver la pretention de la [f. 73] cour de Rome sur les evesques que toute jurisdiction doit cesser en presence des legats du Pape, ce qui estoit entierement opposé aux libertez de l’eglise gallicane.
Ces deux archevesques allerent trouver le Roy au chateau neuf, dans la chambre de monseigneur le Dauphin, où l’archevesque de Sens, portant la parole, luy representa les raisons qu’on vient de dire. Le Roy leur dit qu’il ne souffriroit pas qu’ils receussent aucune diminution durant son regne, et qu’il n’avoit point dessein d’obliger les evesques à faire des choses qui marquassent que leur jurisdiction cessast en presence des legats du Pape, mais il leur temoigna que, la ceremonie devant commencer sur l’heure mesme, il estoit difficile de changer ses ordres, que les prelats nommez pourroient rendre une visite particuliere au cardinal legat en mantelet sans paroitre en public en cet habit et que cette visite estant un compliment de particuliers seulement ne pourroit estre prise pour une chose faite au nom et par le clergé de France.
[f. 73v] L’archevesque de Sens supplia le Roy de trouver bon qu’il parust sur le registre du sieur Sainctot que la visite ne s’estoit faite qu’à cause de l’embarras present, sans qu’elle pust tirer à consequence à l’advenir, ce que le Roy luy accorda.
Ces evesques nommez vinrent en mantelet faire leur visite au cardinal, logé au château vieux, d’où il partit incontinent apres l’avoir receu pour se rendre au château neuf où, estant adverty par le sieur Sainctot qu’il estoit temps de venir chez monseigneur le Dauphin, il y vint accompagné de son cortege.
Monseigneur le receut comme il venoit de recevoir la princesse de Conty. Tout estant en estat,
La marche se fit en cet ordre :
Les archers du grand prevost, tous tenans un flambeau de cire blanche à la main, leurs officiers à la teste sans flambeau
La compagnie des Cent Suisses de la garde du Roy ayans tous un flambeau de [f. 74] cire blanche à la main, leurs officiers à la teste
Les tambours et les trompettes de la chambre
Les gentilshommes servans, tous vetus de noir et en manteau, ayant un cierge à la main
Les gentilshommes ordinaires, tous vetus de noir et en mateaux, ayans un cierge à la main
Six heros ayans leurs caducées à la main, vetus de leurs cottes d’armes
Le roy d’armes
L’huissier de l’Ordre, vetu de son habit de l’Ordre
Les heros d’armes de l’Ordre, vetu de mesme
Le tresorier, seul, vetu de son habit de l’Ordre, le prevost, le greffier et le chancelier ne s’estans point trouvez à la ceremonie
Les chevaliers du Saint Esprit, vetus de leurs habits à chausses retroussées à bas d’attache avec leurs manteaux de l’Ordre, où leur collier de l’Ordre estoit attaché, tenans tous un cierge à la main
Aux dernieres ceremonies des baptesmes des dauphins de France, les chevaliers n’avoient [f. 74v] point paru en cet habit de ceremonie, mais dans des occasions comme celle cy, on doit toujours chercher ce qui est plus convenable et ce qui va plus à la grandeur et à la pompe d’une ceremonie.
Le roy voulut bien souffrir, parce qu’on n’avoit point plancheyé le chemin d’une toise et demy ou environ de largeur comme on le devoit faire pour la commodité de la marche depuis le château neuf jusques au château vieux, que le tresorier de l’Ordre et les chevaliers du Saint Esprit eussent des gens de livrées pour porter la queue de leurs manteaux, les princes de sang et Monsieur eussent des gentilshommes, car dans les ceremonies des chevaliers du Saint Esprit, les Enfans de France ne sont pas mesme en cette possession d’avoir des porte queues.
Dans cette marche, les chevaliers ducs et pairs allerent les premiers, selon le rang de la creation de leur duché, c’est-à-dire plus prez de la personne de monseigneur le Dauphin, quoiqu’inferieurs en reception de chevaliers.
[f. 75] Apres les chevaliers, le comte de Clermont marchoit avec sa gouvernante. Il portoit le cierge et estoit vetu d’une robe de couleur, à cause de son bas aage.
Le prince de Conty suivoit, vetu de noir et en manteau, portant le cremeau et la saliere.
Le duc d’Enguien, vetu de son habit de l’Ordre, ayant le collier dessus son grand manteau, portoit le bassin et l’aiguiere. La queue de son manteau estoit portée par le sieur Briole.
Le prince de Condé portoit la serviette. Il estoit vetu de son habit de l’Ordre, ayant le collier dessus son grand manteau dont la queue estoit portée par le sieur de Saint Marc.
Les sieurs de Coaslin, de Noailles, de la Ferté, de Roquelaure, de la Vieville, de Grancey, de Clerambault, de Crequy, de Gesvres, de Belfond, d’Humieres, de Gordes, de Richelieu, de Tonnerre, de Matignon, d’Estrees, de Polignac, les trois enfans d’honneur de Monseigneur, Vitry, l’abbé d’Estrées et Bellemarre marchoient sans rang entre eux immediatement devant Monseigneur.
[f. 75v] Ces jeunes enfans, aagez de huit à dix ans, au nombre de vingt, estoient vetus tous d’une mesme parure. Ils avoient des habits de toile d’argent à chausses retroussées coupéespar des bandes garnies de dentelles d’or et d’argent avec un agreement au milieu des bandes d’or et d’argent et incarnat. Le pourpoint estoit de toile d’argent tout couvert de dentelles, les manches coupés par bandes, le capot, de toile d’argent chamarré d’une dentelle d’or et d’argent et melé d’incarnat, estoit doublé de toile d’argent et incarnat. Ils avoient une toque de velours noir avec des plumes incarnates et blanches.
Ensuite venoit monseigneur le Dauphin, vetu d’un habit de brocard d’argent à chausses retroussées, coupées par bandes garnies de dentelles d’argent.
Son manteau estoit de brocard d’argent couvert de dentelle d’argent doublé d’hermine. La queue du manteau de huit aunes de long estoit portée par le duc de Mercoeur, vetu de noir et en manteau. Monseigneur avoir aussy une toque de brocard d’argent [f. 76] avec des plumes blanches.
Monsieur, vetu de son habit de l’Ordre, ayant un collier dessus son grand manteau, dont la queue estoit portée par le comte du Plessis, son premier gentilhomme de la chambre, conduisoit Monseigneur, luy tenant la main gauche.
A droit et à gauche de Monseigneur marchoient le chevalier de la Hilliere, lieutenant des gardes du corps, et le sieur de la Serre, enseigne des gardes, tous deux commis à sa garde.
Monsieur n’avoir derriere luy que le sieur de Rocheplate, son lieutenant des gardes, parce que le comte de Clerc, capitaine de ses gardes, marchoit en rang de chevalier.
A costé droit de Monseigneur, un pas en arriere, estoit le duc de Crequy, premier gentilhomme de la chambre du Roy, choisy pour porter Monseigneur en cas de besoin pendant la marche. [f. 76v] Il estoit vetu de noir et en manteaux à cause de sa fonction, quoiqu’il fust chevalier de l’Ordre.
La marechalle duchesse de la Motte, gouvernante des Enfans de France, estoit derriere Monseigneur, le plus prez que faire se pouvoit. Elle avoit pour escuyer le sieur de Servac, son neveu. La queue de la robbe de la marechale estoit portée par un valet de livrée par la raison que l’on vient de dire de l’incommodité de la marche.
Le comte d’Agein, fils ainé du duc de Noailles, receu en survivance de capitaine des gardes du corps, faisant la charge de capitaine, marchoit derriere la marechale.
Venoit ensuite le cardinal legat et parain, en bonnet quarré. Il estoit vetu de sa casaque, dont la queue estoit portée par le comte de Saint Aignan, à la priere du cardinal et non par ordre du Roy. L’usage des princes cardinaux est de se faire toujours porter la queue par leur capitaine des gardes et non par un maitre de chambre comme les autres cardinaux font ordinairement. Cependant, [f. 77] le cardinal legat sceut employer une personne de la premiere qualité, qui apparemment voulut bien faire cette fonction pour faire honneur à son parent.
Le legat avoit à main droite son cortege, composé des officiers employez à la legation et de son porte croix.
A main gauche du legat, estoit la princesse de Conty, marreine, ayant pour escuyer le comte d’Arsy.
Elle estoit vetue de noir, comme veuve, ayant une mante dont la queue trainante de quatre aunes estoit portée par la marquise de Gamache, sa dame d’honneur. Si la reine fust venue en personne, le cardinal legat auroit marché immediatement devant Monseigneur et la reine apres Monseigneur : c’estoit un accomodement qu’on avoit trouvé.
La princesse de Conty pouvoit avoir l’bhonneur d’avoir la queue de sa mante portée par sa dame d’honneur, quoique les autres princesses du sang n’eussent que des gentilshommes, parce qu’elle representoit la [f. 77v] reine d’Angleterre, à l’exemple des princesses du sang que la Reine envoye jetter de l’eau benite sur le corps d’une princesse du sang morte : c’est toujours la dame d’honneur de la Reine qui porte la queue de la robe de la princesse.
Derriere le parain et la marreine marchoit Mademoiselle, menée par le chevalier de La Rochefoucault.
Elle estoit, à cause de son bas aage, vetue de couleur, sa robe couverte de dentelle d’or et d’argent dont la queue trainante de quatre aunes etoit portée par le chevalier du Plessis Praslin.
On mit en question quelle place estoit la plus honorable, de porter la queue ou de donner la main. Si on y eust bien songé, il n’y auroit pas eu de differends advis sur cela : la charge de porte queue chez la Reine est une des moindres charges de sa maison. Il est vray que les princesses du sang porterent la queue du manteau royal au mariage de la Reine, mais c’estoit un manteau royal et Monsieur donnoit la main à la Reine. Cet exemple, que le sieur [f. 78] Sainctot allegua, fit naitre aux princesses la pensée de demander des dames pour porter la queue de leurs robes. Elles disoient que, pusqu’elles portoient la queue du manteau de la Reine, elles devoient donc avoir des femmes de qualité plutost que des hommes. Mais il leur dit que la Reine avoit sa dame d’honneur qui luy portoit la queue de sa robe aux ceremonies ordinaires, et qu’il falloit de necessité une distinction entre la Reine et elles.
Derriere Mademoiselle estoit madame de Saint Chaumont, sa gouvernante, qui n’avoit ny escuyer ny porte queue.
Mademoiselle d’Orleans, menée par son premier escuyer. La queue de sa robe, trainante de quatre aunes, estoit portée par le chevalier d’Humieres.
Madame de Guise avoit pour escuyer le comte de Sainte Mesme, chevalier d’honneur et premier escuyer de madame douairiere d’Orleans, sa mere. La queue de sa robe, trainante de quatre aunes, estoit portée par le sieur de Saint Remy, premier escuyer de la mesme princesse [f. 78v] douairiere.
La princesse de Condé, menée par le comte de Lussan, premier escuyer du prince de Condé. La queue de sa robe, trainante de quatre aunes, estoit portée par le sieur Desroches, capitaine des gardes de ce prince.
La duchesse d’Enguien, que le comte de Moreuil Comeny, premier escuyer du duc d’Enguien menoit. La queue de sa robe, trainante de quatre aunes, estoit portée par le baron de Rivieres.
Les evesques commandeurs, vestus de violet, se mirent dans la marche derriere les princesses du sang. Ils avoient voulu suivre immediatement apres les chevaliers du Saint Esprit, mais les chevaliers s’y opposerent, ne voulant point estre separez des princes du sang. Comme les evesques commandeurs virent qu’ils ne pouvoient reussir pour estre apres eux, ils demanderent au moins qu’ils pussent estre immediatement derriere Monseigneur, puisqu’aux processions et aux marches que l’Ordre fait, ils marchent apres la personne du Roy. [f. 79] Les princesses du sang s’opposerent à cette nouvelle pretention, par la raison que le sang n’est jamais separé.
Le Roy, apres avoir separement ouy les uns et les autres, il ordonna que les evesques commandeurs marcheroient apres les princesses du sang.
Enfin, les dames d’honneur des princesses, accompagnées des filles d’honneur, suivirent.
La marche fut fermée par soixante gardes du corps qui tous tenoient des flambeaux de cire blanche à la main.
Les archers du grand prevost, arrivant à la porte du vieux château, s’y arresterent parce qu’ils n’entrent jamais dans l’eglise et la cour du vieux chasteau en servoit.
Les Cent Suisses entrerent dans la cour et se placerent en haye jusques au bas des degrez du palc.
Les tambours et trompettes à gauche [f. 79v] en entrant au palc, dans un espace vuide pour eux.
Les gentilshommes servans et les gentilshommes ordinaires se mirent à main droite sur un banc.
Les heros et roy d’armes demeurerent debout sur le palc, proche des tables, dans un espace vuide preparé à droit pour eux.
L’huissier et ce heros d’armes de l’Ordre, en entrant sur le palc, firent ensemble leurs reverences, une à l’autel, une au Roy, une à la Reine, et s’allerent mettre debout pres de leur forme en attendant que les chevaliers eussent pris leurs places.
Le tresorier de l’Ordre fit sa reverence à l’autel, au Roy et à la Reine, quoiqu’ils n’eussent point pris de seance, estant en un balcon pour voir la ceremonie.
Les chevaliers du Saint Esprits firent, entrant sur le palc, deux à deux, leurs reverences puis, se separant, les uns se mirent à droit à leur seance sur un banc posé au dessous du Conseil, et les autre se mirent à gauche au dessous du banc des secretaires d’Estat. [f. 80] Si la ceremonie se fut passée en une eglise, les chevaliers eussent esté aux hautes chaires du chœur et le Conseil sa seance ordinaire.
Le comte de Clermont, portant le cierge, salua l’autel, le Roy et la Reine.
Le prince de Conty, arrivant au palc, alla poser le cremeau et la saliere sur la table des pieces d’honneur de monseigneur le Dauphin qui estoit placée à gauche, vint ensuite faire ses reverences et sa plaça à gauche.
Monsieur le Duc alla poser le bassin et l’aiguiere sur la table placée à main droite pour servir aux honneurs du parain et de la maraine, vint faire ensuite ses reverences et sa plaça à gauche. Le prince de Condé, apres avoir posé la serviete sur la mesme table, vint faire les reverences et se plaça à gauche, laissant la main droite aux princesses.
Les enfans d’honneur se mirent autour des fonds, sur la premiere marche. Monseigneur le Dauphin accompagné de Monsieur firent conjointement la reverence à l’autel, une au Roy, une à la Reine, sans que Monsieur [f. 80v] quittast la main de Monseigneur.
Ensuite, le cardinal legat et la princesse de Conty firent ensemble les reverences que Monsieur venoit de faire.
Les princesses du sang firent les reverences les unes apres les autres.
Les evesques commandeurs firent leurs reverences deux à deux et s’allerent placer avec les evesques qui avoient leurs seances proche l’autel.
Ce qu’estant fait, on apporta un carreau de brocard d’argent à monseigneur le Dauphin pour s’agenouiller, qu’on posa au pied de la premiere marche où les fonds estoient.
Monsieur se mit à main gauche, un peu à costé de Monseigneur. On luy donna un carreau qui fut placé vis-à-vis le milieu du carreau de Monseigneur.
Ensite, le cardinal legat et la princesse de Conty se mirent immediatement derriere Monseigneur, ayant des carreaux devant eux.
[f. 81] Derriere le legat, vers l’entrée du palc, les princesses selon leur rang, ayant toutes des carreaux à leurs pieds.
Derriere la princesse de Conty, mareine, les princes du sang selon leur rang, ayant des carreaux.
Le duc de Mercoeur fut placé à cosé des princesses et, vis-à-vis de luy, le duc de crequy et la marechalle de la Motte, un peu eloignée de Monseigneur. On leur donna aussy des carreaux à cause du titre de duc et de duchesse.
Les dames d’honneur s’arresterent à l’entrée du palc, à droit avec les filles d’honneur.
Mais affin de faire mieux entendre toutes les seances, on a trouvé plus à propos d’en dresser le plan.
[f. 81v : vide]
[f. 82] Dans le temps que la musique de la Chapelle commença le Veni Creator, monseigneur le Dauphin, Monsieur, tous les princes et toutes les princesses se mirent à genoux. Estant à moitié dit, le sieur Sainctot alla à l’autel avertir le cardinal Antoine, grand aumonier de France, qui s’estoit rendu avant l’arrivée de Monseigneur, d’approcher des fonds. Il estoit assis sur un siege qu’on nomme en Italie talsistorio, à quatre piliers elevés et sans aucun dossier.
L’evesque d’Orleans, premier aumonier, en chape et en mitre, tous les aumoniers du Roy, en camail, et six evesques, en chapes et en mitres, l’accompagnerent.
L’evesque d’Orleans et les aumoniers eurent la main droite sur les evesques en allant au palc, mais estants tous arrivé à l’autel, les aumoniers ne purent conserver leur advantage car, le cardinal s’estant assis le dos tourné à l’autel, les evesques se trouverent à le droite du cardinal et s’y trouverent aussy lorsqu’ils l’accompagnerent allant aux fonds.
[f. 82v] Les evesques, comme assistans, n’eurent point de sieges parce qu’ils ne faisoient aucune fonction.
Le cardinal, estant adverty, vint par delà les fonds comme s’il eust receu un catecumene. Son siege y fut placé, quoiqu’il ne deust faire aucune fonction assis.
Alors Monsieur, les princesses et les princes couronnerent Monseigneur et s’en approcherent.
Le cardinal demanda à monseigneur le Dauphin ce qu’il vouloit, Monseigneur luy dit : le baptesme. Apres quoy ce cardinal demanda au cardinal legat, parain, et à la mareine le nom, et le parain donna celuy de Louis.
Pendant ce temps là, la duchesse d’Enguien alla à la table des honneurs de Monseigneur et donna au prince de Conty, qui la suivoit, le sel et le cremeau pour les porter aux fonds. Elle avoit receu ces pieces d’honneur du sieur Duché, intendant et controlleur général de l’Argenterie.
[f. 83] La musique de la Chambre chanta un cantique mis en musique par le sieur Leully, intendant de la musique de la Chambre, dont voicy les paroles :
Canticum
In baptismo Delphini
Plaude Laetare Gallia
Rore coelesti rigantur Lilia
Plaude Laetare Gallia


Sacro Delphinus
Fonte Lavatur
Et Christianus
Christo dicatur


O Jesu vita credentium
Exaudi vota precantium
Vivat, Regnet Princeps fidelis
Semper justus


[f. 83v] Semper victor Semper Augustus
Vivat regnet triumphet in coelis
Et AEterna
Luceat corona
Version des paroles du cantique pour le baptesme :
France, redoublés vos plaisirs
Le ciel répond à vos desirs
Et de vos jeunes lis la fleur est arrosée
D’une sainte rosée
France, redoublés vos plaisirs


Le Dauphin est lavé dans une onde sacrée
La race tres chrestienne à Christ est consacrée


O grand Dieu, l’espoir des croyans
Que votre pieté nous entende
Et de ces peuples supplians
Exaucez la juste demande
Qu’il vive, qu’il regne à son tour
Toujours vainqueur, toujours auguste
Toujurs fidele et juste


[f. 84] Qu’il vive, qu’il regne à son tour
Qu’il triomphe au ciel quelque jour
Et qu’à jamais sa teste s’environne
D’une immortelle et brillante couronne
La ceremonie du baptesme finie, le cardinal grand aumonier retourna à l’autel assisté de tout le clergé, des evesques et des aumoniers du Roy.
Les heros d’armes crierent à haute voix par trois fois : Vive monseigneur le Dauphin nommé Louis.
Les tambours et les trompettes se mirent à jouer cent fanfares.
Les heros jetterent des medailles où, d’un costé, le portrait de monseigneur le Dauphin estoit, et, de l’autre, une devise au sujet du baptesme.
La duchesse d’Enguien vint à la table des honneurs du parain et de la maraine, suivie du prince de Condé et du duc d’Enguien, [f. 84v] à qui elle donna l’aiguiere et le bassin, et au prince de Condé la serviete.
Le duc d’Enguien donna à laver au parain et à la maraine, qui estoient demeurez aux fonds, et le prince de Condé leur donna la serviete. Apres quoy les princes retournerent poser sur la mesme table ces pieces d’honneur, les remettans entre les mains de la duchesse d’Enguien.
La ceremonie finie, on s’en retourna au château neuf, dans l’appartement de monseigneur le Dauphin, dans le mesme ordre qu’on estoit venu.
Les chevaliers du Saint Esprit ne firent aucune reverence, parce que tout le monde avoit occupé le lieu où d’abord en arrivant ils l’avoient faite, mais depuis les fonds tirant vers l’autel, il y eut un espace vuide qui donna lieu aux princes et princesses de faire leurs salutations.
Le comte de Clermont salua l’autel, le Roy et la Reine, ensuite le prince de Conty, le duc d’Enguien et le prince de Condé firent les memes saluts.
[f. 85] Monseigneur le Dauphin et Monsieur firent ensemble leurs reverences, et les princesses selon leur rang.
Les evesques commandeurs suivirent la marche et reconduisirent Monseigneur.
Ce mesme soir, le Roy donna à souper au cardinal legat et à la princesse de Conty. La table estoit en equaire, le Roy estant assis au milieu de la table, la Reine à sa gauche, sous un dais spatieux.
Le cardinal legat à main droite à deux places de distance du Roy, et la princesse de Conty à main gauche à deux places de distance de la Reine. Le cardinal eut un fauteuil comme legat et la princesse de Conty un siege ployant.
Sur le retour de la mesme table, qui faisoit l’equaire, les princesses qui avoient servy à la ceremonie y mangerent, au nombre de quatre seulement parce que Mademoiselle estoit trop jeune pour souper si tard.
Le Roy et la Reine furent servis par [f. 85v] leurs grands officiers.
Le comte de Cossé servit de grand pannetier.
Le marquis de Crenan de grand eschanson.
Et le marquis de Charost, en l’absence du marquis de Vandeuvre, servit de grand escuyer tranchant, ayans tous la serviette sur l’epaule.
Le cardinal legat eut pour le service à table le comte de Saint Aignan et le comte de Nanteuil, petit fils du duc d’Estrees, parce que le cardinal legat de Joyeuse, en pareille occasion, eut deux fils de ducs.
La princesse de Conty et toutes les princesses eurent des gentilshommes servans pour les servir à table.
La seance estoit en cet ordre :
[vide]
[f. 86] Si la reine d’Angleterre fut venue en personne tenir sur les fonds monseigneur le Dauphin, un des grands officiers cy dessus nommé l’auroit servy. La place de la reine eust esté entre le Roy et la Reyne, parce que le Roy luy a toujours donné la main partout où il s’est trouvé avec elle, que si elle se fut mise à main droite du Roy, elle eut la main sur le cardinal, et pour l’honneur qu’on vouloit rendre au Pape, on trouva plus expedient qu’elle envoyast la princesse de Conty avec laquelle le cardinal n’avoit rien à demeler.
Le duc d’Enguien, comme grand maitre de la maison du Roy, donna au Roy et à la Reine la serviete à l’entrée de table et à la sortie.
Le marquis de Bellefonds, premier maitre d’hostel, la donna au cardinal à l’entrée, parce qu’il l’avoit donnée au cardinal Chisy au souper que le Roy luy fit, neantmoins il y avoit cette difference à faire qu’au cardinal Chisy, c’avoit esté le controlleur general qui l’avoit servy et qu’à celuy cy c’estoient des fils de ducs qui le devoient servir, mais parce que le marquis de Bellefonds avoit fait cette fonction, il [f. 86v] crut ne pas devoir ceder à des personnes qui ne pouvoient, ny par leur rang ny par leur qualité, luy enlever le service. Cependant, sur la fin du repas, il se retira et laissa au comte de Saint Aignan de donner la serviete.
Le comte de Saint Aignan et le comte de Nanteuil servirent le legat sans chapeau, la serviete sur le bras
Monsieur ne fut point du souper, parce qu’il n’a jamais de fauteuil en presence du Roy et que le cardinal en avoit un.
La princesse de Conty ne fut point distinguée des autres princesses.
Les maitres d’hotel de quartier furent à la viande que les valets de pied et les Cent Suisses porterent.
Le lendemain, le cardinal legat eut son audience de congé. Il fut receu par le Roy et la Reine et par monseigneur le Dauphin de la mesme manière qu’il avoit esté la veille de la ceremonie du baptesme.
[f. 87] Le Roy le traita trois jours durant et toute sa maison qu’on logea aussy par fourriers. »

Quittance pour la nourriture des comédiens de la troupe royale durant leur séjour à Saint-Germain-en-Laye

« En la presence des notaires soubzsignez, Josias Soulas, escuier, sieur de Floridot, l’un des comediens de la trouppe royalle entretenue par le Roy, tant pour luy que pour les autres comediens composans lad. trouppe, a confessé avoir receu comptant de Nicolas Melique, escuier, conseiller du Roy en ses conseils et tresorier general des Menus Plaisirs et affaires de la chambre de Sa Majesté, la somme de cent unze livres à eux ordonnées pour leur nourriture durant leur sejour à Saint Germain en Laye pendant l’année derniere MVIc soixante neuf. Dont etc. Quittant etc. Promettant etc. Obligeant etc. Renonçant etc. Fait et passé es estudes l’an MVIc soixante dix, le vingtiesme janvier, et a signé.
Soulas de Floridor
Ogier »

Quittance pour le louage de carrosses pour des comédies représentées à Saint-Germain-en-Laye

« En la presence des notaires soubzsignez, Claude Nicolardot dict La Vigne, loueur de carrosses à Paris, a confessé avoir receu de Nicolas Melicque, escuyer, conseiller du Roy et tresorier general des Menus Plaisirs et affaires de la chambre de Sa Majesté, la somme de quatre cens trente six livres à luy ordonnée pour carrosses par luy fournis pour les comedyes de Tarftufle, l’Avarre et baron d’Albierak en la gallerye du chasteau neuf de Saint Germain en Laye le troisiesme et quatriesme aoust mil six cens soixante neuf. Dont etc. Quittant etc. Fait et passé es estudes l’an mil six cent soixante dix, le treiziesme febvrier, et a declaré ne scavoir escrire ne signer.
Gigault, Lenormand »

Quittance pour une gratification accordée aux comédiens de la troupe royale qui ont joué à Saint-Germain-en-Laye

« En la presence des notaires soubzsignez, André Hubert, l’un des comediens de la troupe du Roy, tant pour luy que pour les autres comediens composans lad. trouppe, a confessé avoir receu comptant de Nicolas Melique, escuier, conseiller du Roy en ses conseils et tresorier general des Menus Plaisirs et affaires de sa chambre, la somme de six mil livres qu’il a pleu à Sa Majesté accorder pour les representations qu’ils ont faictes devant Sad. Majesté en son chasteau de Sainct Germain en Laye pendant le mois de fevrier dernier. Dont etc. Quittant etc. Faict et passé à Paris es estudes l’an MVIc soixante dix, le dixiesme jour de mars.
Hubert
Ferret, Gigault »

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