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Lettre concernant la naissance du dauphin à Saint-Germain-en-Laye

« A Saint Germain, le VIe septembre 1638, à trois heures du matin
Le Roy avoit si peur hier matin que Monseigneur aprins la nouvelle de l’acouchement de la Royne et de la naissance de monseigneur le Dauphin avant que le frere de La Chesnaye arrivast aupres de Son Eminence que je n’ay eu que le temps de luy escrire trois mots à la haste dans le cabinet de Sa Majesté.
Le travail de la Royne a esté le plus heureux du monde. Elle n’a esté malade que six heures, apres lesquelles elle est accouchée d’un des plus beaux princes que l’on scauroit veoir. Le Roy y a tousjours esté present et ses deux accez de fiebvre ne luy ont en rien diminué ses forces. Monseigneur verra par la lettre que Sa Majesté luy escrit la joie qu’Elle a d’estre pere. Elle est en effect extraordinaire. Elle fut hier quatre ou cinq fois dans la chambre de monseigneur le Dauphin pour le veoir teter et remuer.
Monsieur est demeuré tout estourdi quand madame Peronne luy a fait veoir par raison phisique que la Royne estoit accouchée d’un filz. Il luy faut pardonner s’il est un peu melancolique. Les six mil escus que le Roy luy a accordez à la priere de Monseigneur le consoleront un peu. Et plus que toutes les choses du monde, l’assurance que je luy ay donnée de la part de Son Eminence que rien ne l’empescheroit de le servir tousjours. Il souhaitte passionnement son amitié et je responds sur mon honneur qu’il [f. 195v] n’oubliera rien de ce qu’il faudra faire pour la conserver.
Le Roy a esté extremement aise de veoir le soin qu’a eu de luy Monseigneur en sa maladie. Je luy ay dit la peyne où il estoit et combien il avoit d’inquietudes de n’estre pas aupres de Sa Majesté. Elle a esté tout je jour d’hier comme si Elle n’avoit jamais eu de fiebvre. M. Bouvard dit pourtant qu’il creint qu’Elle en aye encore deux ou trois accez. Tant y a que l’esprit de Son Eminence doit estre extremement soulagé de ce qu’elle est intermintante. Sa Majesté fait estat, si elle le quitte, d’aller deux jours apres la Nostre Dame à Chantilly pour prendre l’air et estre plus pres de Monseigneur. Elle tesmoigne aussi une grande envie de retourner en Picardie. Mais je ne voudrois pas assurer que sa santé le luy peut permettre.
Le Roy scait un extreme gré à Monseigneur de ce qu’il a voulu demeurer en Picardie et connoist clairement que sa presence estoit absolument necessaire en ces quartiers là pour le bien de ses affaires. Il m’a fait encorre hier mil protestations d’amitié pour Son Eminence et assuré qu’il mourroit plustost que de luy manquer à la moindre chose et qu’il esleveroit monseigneur son fils dans ce sentiment.
On chanta le Te Deum à Saint Germain dans la chapelle du chateau vieux. On fera aujourd’huy la mesme chose à Paris.
[f. 196] Le Roy a trouvé bon l’expedient que monsieur le chancelier a proposé pour le parlement et la chambre des comptes.
Lorsque le siege du Castelet sera achevé, si le Roy ne va point à l’armée, Monseigneur luy fera un extreme plaisir de luy renvoyer des gardes françoises et suisses, parce qu’hier, dans la resjouissance publique, les laquais prirent querelle contre les soldatz de la compagnie de Saint Marc et en ont tué deux ou trois, estans beaucoup plus fortz en nombre. Cela n’a point pleu à Sa Majesté. Elle envoya hier au soir par tous les logis des personnes de condition qui sont à Saint Germain affin qu’ilz eussent à respondre de leurs gens.
J’oubliois à dire à Son Excellence que monseigneur le Dauphin a esté ondoyé par M. l’evesque de Meaux.
Le Roy estime que le vieux M. de Bellefonds doibt estre preferé à tous ceux qui demandent le gouvernement du Castelet.
Messieurs les surintendants venans aujourd’huy icy, je leur parleray des affaires d’Italie affin qu’ils executent ce qui a esté promis au sieur Fabert.
J’escriray à M. de Bellievre ce que Son Eminence m’a commandé.
Le Roy avoit desjà donné la compagnie que demande le lieutenant de Bellerane, sans [f. 196] cela il eust consideré la recommandation de Monseigneur.
Je suplie tres humblement Son Eminence de croire que je contribueray tout ce qui dependra de mon soin et de ma petite industrie pour empescher qu’il ne se passe rien icy contre son service. Et puisque la maladie du Roy n’est pas de consequence, il me semble qu’il n’y a rien icy qui luy doibve donner de l’inquietude.
Outre la lettre que la Royne a escritte à Monseigneur, elle m’a commandé encore de luy faire mil complimentz de sa part. Sa Majesté a eu la fiebvre un peu forte hier l’apres disnée, mais hier au soir elle se portoit assez bien pour le mal qu’elle a enduré.
Encore que le Roy n’aille pas en Picardie, Monsieur est en resolution d’aller trouver Monseigneur. Son Eminance me fera l’honneur, s’il luy plaist, de me mander si elle aprouvera ce voyage. Pour moy, je ne croy pas qu’il fut trop agreable au Roy en l’estat des choses presentes.
Chavigny »