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Description archivistique
Corpus numérique sur l'histoire du château et des jardins de Saint-Germain-en-Laye Pénitencier militaire
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Récit d’une visite de l’empereur au pénitencier de Saint-Germain-en-Laye

« Hier vendredi, Sa Majesté est venue incognito à Saint-Germain vers trois heures et demie. L’Empereur était accompagné seulement de M. le général de Kote, de M. le colonel Fleury et du commandant Excelmans, ses aides-de-camp. Après avoir visité avec beaucoup de soin tout le casernement, il s’est rendu chez madame d’Hauteville, dont il a aussi examiné la propriété, située place Impériale, au coin du Boulingrin. En sortant de là, Sa Majesté est montée en voiture et, sans y être attendue, Elle est allée au pénitencier militaire, où Elle a parcouru dans tous les détails les cellules, les réfectoires, la chapelle et les appartements de Jacques II.
Après cette visite, l’Empereur a fait descendre dans la cour les détenus, qui se sont présentés avec leurs effets de travail ; puis il a passé devant eux. L’enthousiasme chez les hommes était à son comble. Il a accordé la croix de la Légion d’honneur à M. Collas, sergent major déjà médaillé, la médaille militaire à M. Ginier, vieux sous-officier de 21 ans de service qui vient d’être frappé d’une paralysie, un bureau de tabac à madame veuve Allemand, sœur du lieutenant directeur des ateliers, M. Jannier, restée veuve sans fortune avec trois enfants, son mari étant mort en activité au bout de 29 ans et 11 mois de service ; enfin, Sa Majesté a accordé quantité de grâces et de réductions de peines aux détenus en plus de celles proposées pour le 15 août.
Les autorités, prévenues seulement de cette visite inattendue, se sont rendues immédiatement à la rencontre de l’Empereur, et l’ont accompagné jusqu’à son départ de la ville pour Saint-Cloud, aux cris de Vive l’Empereur ! partout répétés sur son passage par la foule compacte grossissant à chaque instant. Il était cinq heures quand Sa Majesté a quitté Saint-Germain. »

Description du fonctionnement du pénitencier militaire de Saint-Germain-en-Laye

« Pénitencier militaire de Saint-Germain
En entrant sous cette vaste porte sombre, en franchissant cette grille dont la clef est tenue par un sous-officier, oublions les brillantes fêtes, les magnifiques splendeurs, le luxe royal dont ce château fut un temps le théâtre ; préparons-nous plutôt à la visite que nous allons faire par le souvenir des grandeurs déchues qui ont remplacé dans ces lieux la majesté de Louis XIV émigré à Versailles ; dans ces tours, le long de ces vastes balcons, erra madame La Vallière, consolée par de rares visites jusqu’au jour où son âme aimante ne trouva plus que Dieu qui pût remplir le vide laissé par le grand roi ; dans ce corps de logis qui fait face à la pelouse, Jacques II qui, pour être un prince imbécile, n’en dut pas être moins malheureux, passa plus d’une triste soirée, entre sa femme et sa fille, reportant sa pensée à la belle réception que lui avait faite son hôte de France et que suivit l’abandon nécessairement réservé au malheur qui s’abrite trop près des grandes prospérités. Le triste monarque, dont le doyen de Killerine nous montre la modeste cour, mourut là, faisant ces rêves de restauration que plusieurs générations devaient continuer ; sa femme, sa fille, y moururent après lui. Depuis lors, les princes de France semblèrent éviter la contagion de déchéance dont les murs de Saint-Germain étaient imprégnés : le château devint une caserne, puis une école militaire de cavalerie, et enfin il est devenu ce que vous annoncent ces grilles, ces verrous, ces murs qui s’ajoutent à la profondeur des fossés, un pénitencier militaire.
Si, en entrant dans ces cours, en entendant fermer derrière soi toutes ces ferrures, on n’éprouve pas ce sentiment de cœur, ce pressentiment douloureux qui vous accueille à la porte de toute prison, c’est qu’on sait que là on ne va pas voir le crime hideux, endurci par le temps, rendu incorrigible par les mauvaises passions, par les habitudes de corruption et de débauche ; on se dit que toute cette population, qu’une faute a privée pour un temps de sa liberté, est dans la force de l’âge, que tous ces prisonniers ont un avenir, qu’ils vivaient sous une loi exceptionnelle, sous la loi militaire, dont la rigueur nécessaire fait un crime, un crime sévèrement puni, de ce qui, pour un jeune homme de cet âge, dégagé des liens de fer de la discipline, ne serait souvent qu’un tort excusable, ignoré du monde et couvert par l’indulgence de la famille. Pénétrons donc sans hésitation dans cette maison de rachat ; nous ne verrons que des corps jeunes et robustes, apprenant à faire un emploi intelligent de leurs forces, des cœurs qui s’émeuvent à tous les nobles sentiments, et qui travaillent à se réhabiliter assez pour être encore dignes de porter l’uniforme.
Cette institution, qui, jusqu’à présent, a donné les plus heureux résultats, a été appliquée, pour la première fois, à l’armée par ordonnance royale du 3 décembre 1832. Les essais en furent faits dans les bâtiments de l’ancien collège Montaigu, situés entre le collège Sainte-Barbe et la place du Panthéon ; mais ce local, dont les sombres constructions vont disparaître dans les plans d’amélioration et d’embellissement qui vont s’exécuter dans ce quartier, devint bientôt trop étroit pour le nombre de détenus ; il fallut faire un nouveau choix et, au mois d’avril 1836, le pénitencier militaire fut transféré à Saint Germain. Les vastes appartements, les galeries, avaient été distribués en rangées de cellules ordinaires, où chaque prisonnier se retire le soir ; les celliers avaient fait place à des cellules ténébreuses, où sont renfermés ceux qui ne se soumettent pas à l’ordre de la maison. L’immense hauteur des salles d’armes, des salles de gala, avait été coupée en plusieurs étages d’ateliers, et le château royal pouvait recevoir cinq cents prisonniers. La haute surveillance du pénitencier est remise à M. le lieutenant général comte Sébastiani, commandant de la première division, et qui, plus d’une fois, a manifesté le chaleureux intérêt qu’il porte à l’établissement : chaque année, un inspecteur général est désigné par le ministère de la Guerre pour lui faire un rapport sur les résultats de l’année et les améliorations à obtenir.
Cette création, dont tout l’honneur revient à M. le maréchal Soult, est surtout remarquable par ce point que le condamné militaire est seulement suspendu de son service, mais ne cesse pas de faire partie de l’armée et reste soumis au code particulier qui la régit. Lorsqu’il entre dans le pénitencier, où l’envoie le jugement d’un conseil de guerre, il est dépouillé pour un temps de l’uniforme de son régiment et en revêt un de couleur grise, dont la forme rappelle beaucoup celui de la petite tenue du cavalier, et dont la simplicité n’admet aucune de ces couleurs voyantes et bariolées dont on affuble ordinairement les détenus. La tenue militaire est de rigueur pour tous les chefs employés à l’établissement ; ces chefs sont encore soumis à tout ce qu’ils devaient observer à l’égard de leurs soldats : il leur est défendu d’injurier, de maltraiter de gestes ou de paroles les détenus, qui, de leur côté, doivent le respect à leurs chefs de tout grade. Afin que personne n’en ignore, les dispositions qui règlent ces devoirs réciproques sont lues tous les dimanches à l’inspection. Tous les mouvements [p. 344] sont réglés par le commandement militaire ; le compte de masse que le condamné avait à son régiment est transmis à l’administration, qui continue à le régler de la même manière ; les fautes contre la discipline sont punies disciplinairement ; les délits et les crimes sont soumis aux conseils de guerre ; enfin, à l’expiration de leur peine, ceux qui n’avaient plus qu’un an de service à faire sont renvoyés dans leurs foyers, les autres sont dirigés sur un des trois bataillons d’infanterie légère d’Afrique ; quelques-uns, par une exception que leur mérite une conduite exemplaire, obtiennent la faveur de rentrer, aussitôt après leur libération, dans des régiments de l’armée intérieure.
Le système d’Auburn est celui dont se rapproche le plus le système de Saint-Germain, c’est-à-dire que les prisonniers couchent isolément dans des cellules et mangent et travaillent en commun et en silence. Pendant les récréations, ils peuvent parler. Nous allons examiner l’emploi d’une journée de travail pendant l’hiver.
A six heures et demie du matin, un tambour choisi parmi les prisonniers bat la diane, signal du réveil ; les sous-officiers surveillants prennent les clefs de leurs divisions respectives et vont ouvrir les cellules. Chaque détenu nettoie sa demeure nocturne, plie dans des dimensions données ses couvertures et le sac de campement dans lequel il couche ; les ablutions corporelles ont lieu dans les corridors, du 1er octobre au 1er avril ; le reste de l’année, elles ont lieu dans la cour ; tous les détails d’une propreté parfaite sont scrupuleusement surveillés et s’exécutent en silence.
Environ un quart d’heure après, les détenus descendent en ordre dans la cour ; l’appel a lieu de la même manière et avec les mêmes batteries que dans la ligne ; les hommes sont formés en bataille sur trois rangs et inspectés. La distribution de pain se fait immédiatement ; chaque homme reçoit pour sa journée une ration de pain de même poids et de même qualité que celui délivré à la garnison. Aussitôt après, au commandement de l’adjudant de semaine, tous les détenus sont conduits en ordre et au son de la caisse à leurs ateliers ; chacun d’eux se rend à la place qui lui est assignée et se met à l’œuvre ; à l’exception d’explications données à voix basse par les contre-maîtres, un silence complet règne partout ; rompre ce silence est un cas de punition.
A huit heures et demie a lieu la visite du chirurgien-major ; il visite les malades mis à l’infirmerie pour indisposition légère ; à la tisanerie il reçoit ceux qui viennent se présenter, prescrit les remèdes nécessaires et envoie à l’hôpital du lieu ceux dont l’état exige cette translation ; là, dans une salle consignée, ils reçoivent, comme tous les autres malades, ces soins touchants que l’on rencontre partout où se trouvent les dignes sœurs de la charité.
A onze heures du matin, un roulement donne le signal du repas ; les hommes sortent des ateliers en ordre et se forment en bataille ; au commandement de l’adjudant, ils entrent au réfectoire, tous s’arrêtent devant leur place accoutumée et se tiennent debout ; à un coup d baguette, tout le monde s’assied et le repas commence.
A son arrivée au pénitencier, chaque détenu est pourvu d’un litre, d’une gamelle de même contenance et d’un gobelet d’un quart de litre, le tout en étain ; il reçoit, de plus, une cuiller de bois et un couteau à pointe arrondie ; tous ces objets sont disposés sur la table à la place du détenu auquel ils appartiennent.
Les rations sont individuelles ; elles consistent, pour le repas du matin, les mardi, jeudi et dimanche, en une soupe grasse et une portion de viande désossée pesant quatre-vingt-douze grammes ; et pour le repas du soir, les mêmes jours, en une soupe aux légumes ; les autres jours de la semaine, les détenus reçoivent, pour leur repas du matin, une soupe aux légumes, et pour le repas du soir une portion de légumes assaisonnés.
Les détenus qui se conduisent bien peuvent améliorer leur nourriture en prenant à leurs frais, au repas du matin, un quart de litre de vin, dix centimes de fromage, un demi-kilog. de bain bis-blanc. On retire cette permission pendant un temps donné à ceux qui se font infliger des punitions.
A onze heures et demie, un nouveau coup de baguette annonce la fin du repas ; les hommes, qui, pendant toute sa durée, ont gardé le silence, se lèvent, sortent en ordre et vont au préau de la récréation ; là encore ils sont suivis par ces conseillers muets qu’une bienveillante prévoyance à multipliés autour d’eux ; des inscriptions ingénieusement choisies mettent sans cesse sous leurs yeux des avis résumés en phrases courtes et qui frappent l’esprit en se fixant dans la mémoire. Dans leurs ateliers, si un moment de découragement a ralenti leur ardeur, en levant la tête, ils ont lu :
LE TRAVAIL DU CORPS DELIVRE DES PEINES DE L’ESPRIT
Dans ces inscriptions, ils trouvent même une protection : si un maître d’atelier ou un surveillant oubliait les recommandations du règlement, l’ouvrier peut lui montre sur la muraille :
REPRENDS TON PROCHAIN AVANT DE LE MENACER
Dans les préaux, il n’a pas suffi de défendre les mauvais propos et les jeux de hasard : il a fallu mettre ces hommes en garde contre l’entraînement de la colère ou de leurs courts loisirs ; ils lisent ici :
POINT DE PRIORITE POSSIBLE AVEC LA PASSION DU JEU : ON COMMENCE PAR ETRE DUPE, ON FINIT PAR ETRE FRIPON
Et là :
DANS UN CŒUR PERVERS, LA PASSION DU JEU MENE A L’ECHAFAUD ;
DANS UNE AME HONNÊTE, ELLE CONDUIT AU SUICIDE
Toutes ces pensées sont salutaires, utiles ; mais nous ne pouvons nous refuser à en citer encore qui nous ont surtout frappé. En entrant au pénitencier, le condamné trouve sa sentence justifiée par la morale quand il aperçoit devant lui, dans la première cour, ces mots :
QUICONQUE ENFREINT LA LOI N’EST PAS DIGNE D’ÊTRE LIBRE
Enfin, en sortant, voici la dernière pensée qu’il trouvera [p. 345] sur ces murs qu’il abandonne :
ON NE PEUT PLUS ROUGIR DE SES FAUTES QUAND ON A TOUT FAIT POUR LES REPARER
Reprenons l’emploi de la journée. Pendant que leurs camarades causent ou lisent des livres d’instruction appartenant à l’établissement, ceux qui sont illettrés vont assister à un cours d’enseignement mutuel qui a lieu à la même heure.
A midi et demi, après l’appel, les travaux recommencent, et se prolongent jusqu’à sept heures ; le souper ne dure qu’un quart d’heure ; la retraite se bat, et à huit heures un roulement annonce le coucher. Chaque homme emporte dans sa cellule son bidon rempli d’eau ; les portes sont fermées, et les clefs rapportées à un poste intérieur, où elles restent sous la responsabilité de deux surveillants de garde. Pendant la nuit, un officier de service fait, dans l’intérieur, trois rondes, pour s’assurer qu’il n’y a pas d’hommes malades ou de tentatives d’évasion, et le commandant d’une garde de vingt-six hommes placée au pénitencier est chargé des rondes extérieurs.
L’état n’apporte à ce régiment d’autre changement que d’avancer l’heure de la diane, et de prolonger d’une heure la journée d’atelier, qui se trouve ainsi portée à onze heures de travail.
Le dimanche est un jour consacré plus spécifiquement aux soins de propreté ; ce jour-là, chaque homme descend dans les préaux son sommier, son sac de campement, sa couverture et son oreiller pour les battre ; les cellules sont frottées, les portes et les serrures nettoyées à fond. Après une première inspection des sous-officiers, les prisonniers, dans leur tenue la meilleure, vont assister à la messe dans la chapelle gothique ornée par Louis XIII, et où Louis XIV fut baptisé. Du haut de cette chaire qu’ont occupée les plus grands orateurs chrétiens, un aumônier leur fait une instruction religieuse. C’est un spectacle imposant que de voir de la tribune tous ces hommes en colonne serrée, officiers et sous-officiers en tête, assister avec respect au service divin. On ne peut se défendre d’une vive émotion, lorsque, au moment où le prêtre élève l’hostie, cette masse compacte, par un seul mouvement, met le genou à terre, et écoute, dans un pieux recueillement, les chants que font entendre quelques-uns de leurs camarades placés derrière l’autel. On est bien plus impressionné encore si l’on vient à apprendre là que ces voix énergiques chantent des vers composés par un de ceux qui les a précédés dans ce séjour d’expiation, un jeune soldat que son talent, ses malheurs et son repentir ont rendu célèbre, il y a quelques années. J’ai vu plus d’un œil devenir humide quand une voix jeune et fraîche fait entendre ces paroles :
Sur nous qui t’implorons, à genoux sur la pierre,
Sur nous tous, qu’un moment d’imprudence et d’erreur,
Conduisit en ce lieu, domaine du malheur,
O Dieu ! laisse tomber un regard tutélaire.
Et plus loin :
Du trône saint d’où ta main guide
Les astres roulant dans le vide,
Seigneur, Dieu clément, oh ! vois notre douleur !
Vois nos regrets et nos alarmes,
Rends-nous la liberté, nos armes,
Et finis nos jours de malheurs.
Le digne aumônier qui dirige la conscience de ces soldats leur a dit, du haut de la chaire de vérité, que tout motif humain devait être écarté dans l’accomplissement des choses saintes : « Vos actes religieux, leur a-t-il dit, sont entre le ciel et vous, et jamais ils ne serviront à vous procureur des biens temporels ». Cette règle, sagement observée, éloigné tout soupçon d’hypocrisie. Le 30 avril dernier, une soixantaine de détenus ont reçu la communion des mains de monseigneur l’évêque de Versailles, qui vient tous les ans visiter et consoler les habitants du pénitencier.
Les touchantes allocutions de ce pasteur, les sages instructions de l’aumônier, ne sont pas les seuls moyens que l’on emploie pour fortifier dans le cœur des prévenus le désir de [p. 346] leur régénération morale ; le lieutenant-colonel Boudonville, commandant du pénitencier, seconde puissamment tous les sentiments qui peuvent ramener au bien ces jeunes citoyens, qu’un seul instant d’erreur a souvent amenés là ; un registre de moralité est établi avec un soin scrupuleux, et présente un compte ouvert à chaque homme : on y inscrit exactement les profès successifs dans la conduite et le travail, ainsi que les punitions et les motifs de ces punitions. A deux époques de l’année, au 1er mai et dans le mois de novembre, le commandant va examiner les titres que peut avoir chaque détenu à la clémence royale ; mais cette faveur ne peut s’étendre qu’à ceux qui ont au moins subi la moitié de leur captivité : les lettres de grâce qui réduisent ou remettent la peine sont lues à la grande revue du dimanche, à midi, en présence de tous les détenus formant le carré. C’est là un beau jour pour tous, et pour ceux qui sont rendus à la France, à l’armée, à leur famille, et pour ceux à qui la délivrance de leurs amis semble dire : Méritez, espérez.
Le lendemain de ce jour de délivrance est souvent triste et plein de regrets. On sait, en effet, que les abords des prisons, les jours où les portes doivent s’ouvrir, sont assiégés par des hommes perdus, par d’ignobles femmes, qui, spéculant à chaque fois sur le pécule amassé pendant la captivité, sur les privations subies, sur l’enivrement du grand air de la liberté, guettent les libérés comme une proie, s’emparent d’eux, les entrainent à tous les désordres, à toutes les débauches, et ces heureux du matin doivent se féliciter si, le lendemain, au réveil, ils n’ont perdu que le fruit de leurs économies forcées.
L’administration du pénitencier de Saint-Germain vient de donner un bon et grand exemple. Il y a quelques jours, seize hommes avaient atteint le terme de leur expiation ou obtenu remise de leur peine : au lieu de quitter le château pour tomber dans les hideuses séductions qui déjà les attendaient, on les a vus, revêtus de l’uniforme des corps divers auxquels ils appartenaient, sortir en rangs sous le commandement d’un sous-officier, traverser au pas et en bon ordre cette ville que leurs devanciers avaient plus d’une fois troublée des excès de leur joie, et se diriger sur Versailles, où ils sont trouvé dans la discipline militaire l’appui dont ils avaient besoin contre eux-mêmes. Loin de se plaindre de cette précaution, ils ont chargé le sous-officier qui les accompagnait de leurs remerciements pour le commandant.
Rendons un juste hommage à M. le maréchal Sault, dont la prévoyant sollicitude a créé, organisé cet établissement, où, tandis que la punition se subit, l’homme s’améliore, et d’où il sort le cœur plus affermi dans le bien, l’intelligence plus cultivée, et possédant une des industries qui s’exploitent dans les huit ou neuf ateliers entre lesquels les prisonniers sont répartis. Mais pour que la généreuse pensée du ministre produisit tous ses résultats, il fallait que l’exécution en fût remise à un officier dont le cœur fut noble, la pensée droite, la raison ferme : le pénitencier de Saint-Germain a dépassé toutes les espérances, et le maréchal et les officiers recommandables de cet établissement ont reçu leur plus douce récompense quand les rapports ont constaté que parmi tous les militaires rendus à la liberté depuis 1839, on ne compte qu’une récidive sur deux cents libérés, que plusieurs ont obtenu de l’avancement, occupent des emplois de confiance et même ont mérité des distinctions. »

Compte rendu du procès d’une escroquerie organisée depuis le pénitencier militaire de Saint-Germain-en-Laye

« IIe conseil de guerre de Paris
(Présidence de M. Michel, colonel du 29e régiment de ligne)
Audience du 27 décembre 1837
Une intrigue amoureuse en prison
En entrant dans la salle d'audience, on est frappé d’une odeur de musc et d'ambre répandue dans le prétoire, et bientôt on voit sur le bureau des sachets d'odeurs, des papiers à vignettes parfumés, des écritoires de petite maîtresse, des papeteries parfumées, des albums, des pupitres de lecture et mille autres objets de luxe et d’élégance, étalés devant le conseil comme pièces de conviction. Le bureau de M. le président Michel ressemble beaucoup à l’une de ces jolies boutiques du Palais-Royal offrant au public mille objets d’étrennes. Au milieu de tous ces objets de luxe se trouve un fort joli petit poignard à manche d'ivoire et gracieusement orné d’une statuette.
Une foule inaccoutumée se presse dans l'enceinte. Au banc des avocats prennent place Mes Philippe Dupin et Joffrès, défenseurs des deux prévenus qui vont être amenés devant le Conseil.
A l'ouverture de l'audience, M. le président ordonne au greffier de faire lecture de toutes les pièces de la procédure.
Il résulte de ces pièces et de l’information que les nommés Louis Moreau-Duplanty et Grandry , le premier détenu du pénitencier militaire de Saint-Germain, et le second gardien, employé dans cette maison, étaient prévenus de complicité d'une escroquerie commise au préjudice du sieur Marion, papetier à Paris, de faux en écriture privée et de corruption d’agent de l’autorité.
Charles-Louis Moreau-Duplanty, âgé de dix-neuf ans, quitta l’étude d'un notaire pour entrer, il y a deux ans, dans le 5e léger. Doué d’une grande intelligence et d’une certaine finesse d’esprit, il ne tarda pas à captiver la bienveillance de ses chefs, qui, aussitôt que les réglemens le permirent, lui donnèrent le grade de sous-officier ; mais à peine quelques mois furent-ils écoulés, qu’il se rendit coupable d'une soustraction de 200 rations de pain en altérant des chiffres portés sur les bons de la compagnie. Moreau-Duplanty fut pour ce fait condamné à trois ans de prison, que, depuis le mois de février dernier, il subissait au pénitencier de Saint-
Germain.
Arrivé au pénitencier, Moreau-Duplanty obtint d'être employé aux écritures dans le bureau do l’adjudant-chef de la prison ; à ce titre, Moreau jouissait d'un peu de liberté dans l’intérieur de la maison, et avait une cellule mieux située que celle de ses co-détenus. De cette cellule, on avait vue sur la place d’Armes de Saint-Germain et sur les maisons voisines. Dans l’une de ces maisons habite une jeune personne servant à titre de dame de compagnie chez une parente de l’un de nos maréchaux de France. Moreau la remarqua et parvint à fixer ses regards ; bientôt s’échangèrent de part et d'autre des signes d’intelligence qui témoignaient d'une affection naissante et réciproque. Au langage des yeux et des mains succéda une correspondance sentimentale que la surveillance des gardiens de la prison saisit plus d'une fois au passage ; mais les sollicitations pressantes du prisonnier, fortifiées par les pleurs de la jeune personne, attendrirent les cerbères, qui, dès ce moment facilitèrent leurs relations amoureuses. De plus en plus pressans, les deux amans obtinrent des entrevues plus rapprochées, ils purent échanger quelques paroles ; et cependant ils n’étaient heureux qu'à demi.
La porte principale du château de Saint-Germain était confiée à Grandry, ancien militaire ; Moreau flatta son amour-propre, et par son intermédiaire, il parvint à faire franchir à Mlle Clémentine le fossé de 30 pieds de large et de 60 pieds de haut qui sépare le château de la place d'Armes.
Depuis quelques semaines cette intrigue amoureuse se continuait, lorsque M. Marion, marchand de papier à Paris, reçut une lettre signée Gustave Moreau, vicomte de Plancy, qui le priait de lui envoyer quelques cahiers de papiers à lettre glacés et parfumés, avec vignettes, et estampés à la couronne de vicomte. Ce premier envoi fut exactement payé par un mandat de 10 fr. sur la poste. Puis eut lieu une seconde commande de la valeur de 15 fr. qui fut payée de la même manière. Ces objets, comme on le pense bien, étaient destinés à être offerts en cadeau à Mlle Clémentine et devaient principalement servir à alimenter la correspondance des deux amans. Mais ce n'était pas assez ; Moreau avait reçu quelques cadeaux de sa sensible amie, et en échange il voulut lui offrir quelques objets qui fussent dignes d'elle et de son amour ; en conséquence il songea aux moyens de s’en procurer. Voici ce qu’il écrivit à M. Marion :
« Château de Saint-Germain, le 13 août 1837
Monsieur,
J'ai reçu hier matin votre petit paquet renfermant une foule de petits objets charmans quoiqu'un peu chers. Il a été ouvert devant plusieurs jolies dames qui toutes ont voulu des sachets et du joli papier, de sorte que tout ce j’avais demandé pour moi m’a été enlevé. Je viens donc vous prier de m'adresser pour demain ou après-demain sans faute :
6 cahiers de papier comme celui-ci avec le chiffre G. P., et la couronne comme celui que j'ai reçu hier ;
6 cahiers de main et avec 3 G. P. couronnés et 3 S. D. (timbre-cachet).
Je désirerais avoir un album bien relié et composé de dessins des meilleurs artistes, tels que jolis sujets de femme, sujets gais et voluptueux sans être triviaux. Si vous en avez de plusieurs genres envoyez m’en un de chaque genre, je choisirai et je vous renverrai ceux que je ne voudrai pas. Mais si je les reçois comme votre paquet au milieu d’une foule de dames plus charmantes les unes que les autres, je cours grand risque de ne rien vous renvoyer du tout.
Vous m’annoncez 3 cahiers de papier, ornement en or ; tâchez de m’adresser en même temps que le papier, des albums de premier choix, de plus 12 enveloppes décorées en or.
J'ai l'honneur, etc.,
Gustave Moreau, vicomte de Plancy »
M. Marion, au reçu de cette lettre, croyant avoir affaire à un grand seigneur, s’empressa d’expédier les marchandises. Bientôt M. Marion reçut une nouvelle lettre par laquelle M. le vicomte de Plancy demandait quelques autres objets. Elle était ainsi conçue :
« Monsieur,
J’ai reçu seulement aujourd’hui votre lettre d'hier, mais elle ne répond pas à toutes les demandes que je vous ai faites ; vous ne me dites pas si vous pourrez m’estamper du papier au chiffre que je vous ai envoyé, et que je joins encore ici. Remarquez la forme de la couronne. Veuillez me répondre à ce sujet, en m’envoyant les objets ci-après :
1° Deux sachets de la même odeur que le papier sur lequel je vous écris aujourd'hui : ce parfum est délicieux ;
2° Un petit flacon, si vous en avez, d’extrait de rose.
Deux bâtons de cire rouge, et deux de cire noire, première qualité.
Deux cahiers de papier à filet d’or, et vignettes représentant de jolis dessins.
Une petite boîte de pains transparens de toutes couleurs, mais pas de jaunes, car, dans ma campagne, les dames n’en veulent pas user.
Une petite boîte de plusieurs genres de pains à devise ; plusieurs de chaque devise, toutes ayant trait à des sentimens amoureux.
Je vais samedi à une campagne à deux lieues de la mienne, je désire avoir ces objets pour vendredi soir, afin de pouvoir les emporter. Joignez-y quelques modèles de papier si vous en avez que je ne connaisse pas ; c'est pour montrer à une jeune dame, afin qu’elle choisisse ; et à mon retour, qui aura lieu avant la fin de la semaine prochaine, je vous ferai une forte demande, tant pour moi que pour cette dame, qui est fort délicate dans ses goûts.
Vous estamperez tous ces papiers à mon chiffre G. P.
Et vous les parfumerez, mais je désirerais que la couronne soit au-dessus des chiffres et non au-dessus de l’encadrement; c'est plus original et d’un genre plus distingué ; qu'en pensez-vous ? Du reste, je vous déclare que s’il n'y avait pas d’encadrement, cela me serait bien égal.
Lisez bien ma lettre, et surtout n’oubliez rien pour vendredi soir, car les jolies femmes que je dois recevoir ne me pardonneraient jamais.
J’ai l'honneur, etc.
Gustave M..., vicomte de Plancy »
Le lendemain avant que l’envoi fût expédié pour Saint-Germain, M. Marion reçut par la poste un petit billet ainsi conçu :
« Monsieur, je vous écris à la hâte pour vous dire de joindre à votre envoi de demain une de ces jolies boîtes à mettre la cire à cacheter, le papier, etc., que j'ai vues chez vous, ce que vous aurez de plus joli. Faites-moi une petite caisse de plusieurs albums et plusieurs boîtes, et envoyez-moi cela pour demain. Tâchez le mettre cela à la voiture de midi ou une heure, afin que cela arrive à ma campagne pour cinq heures et demie, heure à laquelle tout le monde sera réuni pour le dîner.
Joignez-y aussi quelques jolies plumes peintes et quelques autres objets de fantaisie, selon votre bon goût, et je suis sûr que le tout sera joli. Je voudrais avoir quelques tablettes de bal, ornées d'or. »
Lorsque le moment du paiement arriva, le prétendu vicomte de Plancy écrivit une lettre annonçant qu'il partait pour Cherbourg et priait M. Marion de lui envoyer sa facture, poste restante, avec quelques cahiers de papiers dont il aurait besoin dans son voyage, et
Qu’il serait de retour à une certaine époque.
Le jour de l'ouverture du chemin de fer, M. Marion fut du nombre des Parisiens qui se précipitèrent dans les wagons ; arrivé au Pec, il contempla le château et se voyant si près de son client, il eut idée d’aller le visiter. Quelle fut la surprise de l’honnête marchand, lorsqu’en débouchant sur la magnifique pelouse de la terrasse et après avoir rajusté sa toilette et redressé sa cravate, il se présenta timidement au concierge du château, demandant à parler à M. le vicomte. Mais la tenue militaire du concierge et l’inscription en majuscules : Pénitencier placée sur le fronton du château, lui inspirèrent tout-à-coup une certaine appréhension. Il questionna le gardien Grandry, qui, ainsi que nous l’avons vu, favorisait si complaisamment les amours de son prisonnier. Poussant jusqu'au bout son rôle de complaisance, il fit croire à M. Marion que le vicomte Duplanty avait sa campagne à quelques lieues de Saint-Germain. Enfin, de informations plus claires ayant été prises, Moreau-Duplanty fut mis dans une des cellules destinées aux hommes punis, en attendant qu’il fût donné suite à la plainte.
[p. 217] Les papiers de ce jeune homme furent saisis par l’adjudant-chef du pénitencier. Avant de les inventorier, il voulut lire la correspondance avec Mlle Clémentine ; mais, ô malheureuse idée ! les lettres tremblent dans ses mains à la lecture de certains passages dans lesquels s’exhalent les soupçons jaloux de Mlle Clémentine… Et quel est l’objet de ces soupçons ? ... Quel nom frappe les yeux de l’adjudant ? Quel nom a frappé ses yeux ? Hélas ! c'est celui… de sa femme !
Malgré ses transports de fièvre et de colère, l’adjudant-chef eut ]e courage de dévorer la lecture de cent dix lettres qu’il avait entre les mains. Dans cette position assez difficile, le malheureux fonctionnaire n’eut pas le courage d’obéir à ses instructions et de mettre sous le scellé cette malencontreuse correspondance. Il déchira ces lettres maudites et en livra les débris aux flammes... Depuis il avoua à ses supérieurs ce premier mouvement de rage : et ses torts, bien pardonnables d'ailleurs, furent d’autant mieux oubliés qu’il avait eu la précaution de garder les lettes les plus nécessaires à la constatation du délit imputé à Moreau-Duplanty, et à Grandry, son complice.
A l'audience d’aujourd'hui ces faits ont été renouvelés par les dépositions aussi bien que par l’interrogatoire des prévenus.
Après avoir entendu M. Brès, gouverneur supérieur du pénitencier, et l'adjudant-chef de cette prison, on appelle la jeune personne dont nous avons parlé. Tous les yeux se fixent sur le témoin, qui s'avance vers le Conseil. Un voile noir dérobe ses traits aux regards curieux du public.
M. le président : Quel est votre âge, votre profession ?
Mlle Clémentine, d’une voix douce : Bientôt trente ans ; je suis dame de compagnie de Mme la comtesse de…
M. le président : Je ne veux point entrer dans des questions qui puissent vous blesser : cependant je suis obligé de vous demander comment vous avez fait connaissance avec Moreau-Duplanty.
Mlle Clémentine : Il était prisonnier ; il avait l’air si malheureux, le visage collé contre les gros barreaux de la prison, et puis il me regardait d’un air si tendre que je me surpris moi-même à le regarder avec tendresse. Un jour je reçus une lettre de ce jeune homme qui me peignait sa douleur ; je lui répondis pour lui donner du courage afin de supporter sa captivité avec résignation. Il me vint une autre lettre, puis une troisième, auxquelles je répondis ainsi de suite, et voilà comment nous nous sommes connus.
M. le président : Vous avez obtenu l'entrée du Pénitencier ?
Mlle Clémentine : Oui, M. le président ; il désirait me parler de vive voix ; il disait qu'il voulait me parler de mariage ; un gardien a été assez bon et assez sensible à notre peine pour nous mettre en présence quand les supérieurs du Pénitencier étaient absens.
M. le président : N’avez-vous pas reçu beaucoup de cadeaux de Moreau du Planty, et ne sont-ce pas les objets de luxe que vous voyez étalés sur le bureau ?
Mlle Clémentine : Oui, Monsieur, mais je lui ai fait des cadeaux et des prêts d'argent qui valent plus que tous ces objets et que je lui ai donnés de bien bon coeur. Je savais qu’il appartenait à une bonne famille, et que la faute qu’il avait commise n’était qu’une étourderie.
M. le président : Ne vous a-t-il pas parlé d'un projet d'évasion, et pour y parvenir ne s’était-il pas procuré un poignard ?
Mlle Clémentine : Il m'avait parlé en effet d'un projet semblable ; mais le poignard n’avait rien à faire avec ce projet. Il s'était procuré cet instrument pour tuer, me disait-il, ceux qui lui parleraient mal de moi, et qui lui diraient que je faisais mauvais usage de mon état de liberté. Un jour il me le montra par la croisée en me faisant signe qu’il voulait s’en servir ; alors je lui écrivis que je voulais avoir ce poignard chez moi, et qu’il eût à me le faire remettre sur-le-champ. Une demi-heure après ma lettre reçue j’eus le poignard chez moi. Je lui en fis mon compliment.
M. le président : Moreau n'a-t-il pas cherché à vous emprunter une somme de 500 fr. pour payer ces objets ?
Mlle Clémentine : Oui, Monsieur, cela est très vrai. Je les aurais prêtés si je les avais eus en mon pouvoir dans ce moment-là.
M. le président : N’a-t-il pas voulu vous faire donation d’une somme importante ?
Mlle Clémentine : Il m'a envoyé cette donation, pour la signer à titre d'acceptation ; mais lorsque j’ai su ce dont il s'agissait j'ai renvoyé cette pièce sans la signer, et je lui ai déclaré que je ne voulais riens de ses biens qu’après la conclusion du mariage.
Les dépositions des autres témoins confirment les faits que nous avons exposés.
M. Mévil, commandant-rapporteur, soutient la triple prévention de faux, d’escroquerie et de corruption envers un fonctionnaire, contre Moreau-Duplanty et abandonne la prévention, en ce qui touche Grandry, à la sagesse du Conseil.
Me Dupin présente la défense du jeune Moreau-Duplanty, et démontre que les faits qui lui sont imputés ne constituent pas les délits prévus par la législation. Il termine en donnant à son jeune client une vive admonition, et l’engageant à avoir une meilleur conduite à l'avenir.
Me Joffrès présente la défense de Grandry, qui, après avoir servi honorablement dans les rangs de l’armée, avait trouvé une retraite au château de Saint-Germain.
Le Conseil, après quelques instans de délibération, prononce l’acquittement des deux prévenus. »

Procès-verbal d’une séance du comité des Fortifications concernant les travaux à faire au château de Saint-Germain-en-Laye pour le pénitencier militaire

« Secrétariat du comité des Fortifications
Minute d’avis de fonds
Séance du 24 février 1841
[…]
3 (du projet). Pénitencier militaire
Mettre en communication les réfectoires
(dessin n° 2)
[Fonds demandés :] 150 f. [Fonds votés :] 150 f.
A accorder. »

Bilan des recettes et des dépenses du pénitencier militaire de Saint-Germain-en-Laye

« Ministère de la Guerre
L’ordonnance royale du 3 décembre 1832 portant institution des pénitenciers militaires a été mise en vigueur dans la prison de Montaigu à Paris à partir du 1er janvier 1833
1833.
Recette : 47135 f. 01
Dépense : 33182 f. 98
Différence : 13952 f. 03
1834.
Recette : 46155 f. 03
Dépense : 30265 f. 53
Différence : 15889 f. 50
1835.
Recette : 37423 f. 38
Dépense : 15678 f. 73
Différence : 21744 f. 65
1836.
Recette : 40359 f. 73
Dépense : 13128 f. 61
Différence : 27231 f. 12
1837.
Recette : 58606 f. 04
Dépense : 19812 f. 02
Différence : 38794 f. 02
1838.
Recette : 103711 f. 33
Dépense : 46098 f. 88
Différence : 57612 f. 45
1839.
Recette : 153545 f. 89
Dépense : 92881 f. 45
Différence : 60664 f. 04
1840.
Recette : 167133 f. 72
Dépense : 107712 f. 98
Différence : 59420 f. 74
Totaux :
Recette : 654070 f. 13
Dépense : 358761 f. 58
Différence : 295308 f. 55
Depuis sa fondation, le pénitencier militaire de Saint-Germain a pourvu à toutes ses dépenses d’entretien au moyen
1° de la retenue des ¾ faite sur le produit du travail journalier des détenus, retenue versée à la masse d’administration,
2° des prestations dont le ministre a cru devoir continuer l’allocation.
Aidée de ces diverses ressources, la masse d’administration se trouve au 31 décembre 1840, après avoir acquitté toutes les dépenses à sa charge, faire économie d’une somme de 59420 f. 74.
Mais, à partir du 1er janvier 1841, la comptabilité du pénitencier étant soumise aux lois et réglemens qui régissent toutes les dépenses publiques, le budget de la Guerre de l’année 1841 porte (chapitre 7 article 2) un crédit de 90076 f. pour le service du pénitencier.
Dès lors, il faut faire versement au Trésor
1° de la somme de 59420 f. 74 dont l’origine vient d’être indiquée plus haut
2° du montant de la retenue sur le produit brut du travail des détenus.
Le chef du bureau de la justice militaire
De Chénier »

Pétition d’habitants de Saint-Germain-en-Laye en faveur de l’installation d’un musée au château

« A Sa Majesté Louis-Philippe premier, roi des Français
Sire,
Au nom des habitants de Saint-Germain-en-Laye, je biens vous demander la translation dans un autre lieu des prisonniers détenus dans le vieux château.
Depuis que cette antique résidence à reçu une destination si peu digne de son origine, la ville souffre considérablement de ce changement.
D’une part, les étrangers que des souvenirs historiques conduisaient à Saint-Germain, voyant le vieux château converti en prison, fuyent à l’aspect des malheureux qu’il renferme.
D’autre part, les Parisiens, qui pendant la belle saison venaient se fixer dans son voisinage se portent naturellement vers des lieux où le spectacle d’une infortune, même méritée, ne puisse affliger leurs regards.
Enfin, les ouvriers de Saint-Germain se trouvent, par la présence de ces prisonniers, exposés à une concurrence d’autant plus fâcheuse que les prisonniers du château, étant nouris et logés par l’Etat, peuvent travailler à meilleur compte qu’eux, en sorte que leur condition matérielle est moins favorable que celles de ces prisonniers.
Sire, je ne crainds pas de le dire, si cet état de chose se prolonge, la ville de Saint-Germain est ruinée, sans ressource, car le vieux château est le seul monument qu’elle puisse opposer à Versailles, et si ce monument lui échappe, il ne lui restera plus rien qui la recommande à la curiosité des étrangers et des nationaux. Et cependant, rien ne serait plus facile à Votre Majesté que de lui rendre son ancienne propriété en établissant dans le vieux château un musée maritime, ou bien encore d’artillerie et d’armes antiques, qui formerait le digne complément de celui que vous avez si noblement établi à Versailles.
Par là Votre Majesté tiendra une balance égale entre les deux villes, et l’une n’aurait plus rien à envier à l’autre.
Permettez-moi, Sire, d’ajouter que la gloire même de Votre Majesté est intéressée dans cette question, car Votre Majesté, qui a restauré en si peu d’années tant de monuments que leur antiquité recommandait au respect des contemporains et de la postérité, ne peut pas sans se démentir Elle-même laisser avilir par un indigne usage l’un des monuments les plus vénérables du temps passé.
Dans cette conviction, je prie Votre Majesté d’agréer l’hommage du profond respect avec lequel j’ai l’honneur d’être, Sire, de Votre Majesté le très humble et très dévoué sujet.
Gallois
Propriétaire du pavillon Henry IV à Saint-Germain-en-Laye
Du registre des délibérations du conseil municipal de la ville de Saint-Germain-en-Laye a été extrait ce qui suit :
Monsieur le Président donne lecture au conseil d’une demande qui lui a été adressée en communication le 24 janvier par monsieur Gallois, restaurateur au pavillon Henry IV. Cette demande contient l’expression des regrets qu’éprouve M. Gallois de voir l’antique château de Saint-Germain transformé en pénitencier et l’extrême désir qu’il aurait de le voir rendu à une destination plus convenable et plus digne de son origine et des beaux souvenirs qui s’y rattachent. Le conseil déclare qu’il partage à cet égard les sentiments de M. Gallois ainsi que ses vœux, et qu’il appuie à l’avance toutes les démarches qu’il pourrait faire dans ce sens auprès du Roi ou de ses ministres, persuadé qu’il ne pourrait en résulter pour la ville de Saint-Germain que de très grands avantages.
Fait en séance le 8 février 1840
(suivent des signatures)
Pour extrait conforme
Le maire de Saint-Germain-en-Laye
Petit-Hardel
[signatures]
Le maire de la ville de Saint-Germain-en-Laye certifie les signatures apposées ci-dessus et d’autres parts, au nombre de trois cent quatre-vingt-cinq.
A l’hôtel de ville, ce 18 juin 1840.
Petit-Hardel »

Rapport sur l’achat d’une glace pour le château de Saint-Germain-en-Laye

« Ministère de la Guerre
Personnel et des opérations militaires
1ère division
Bureau de la justice militaire, 2e section
Rapport fait au ministre le 17 mai 1840
Analyse
On propose d’autoriser l’acquisition d’une glace destinée à orner le salon de réception du pénitencier de Saint-Germain
M. Boudonville, chef d’escadron commandant le pénitencier militaire de Saint-Germain, a formé une demande tendant à ce que le conseil d’administration de cet établissement soit autorisé à faire l’acquisition d’une glace destinée à décorer la cheminée du salon où sont remis MM. les inspecteurs généraux d’armes ou les fonctionnaires de l’intendance, ainsi que les personnes qui ont mission de visiter le pénitencier.
M. le lieutenant général commandant la 1ère division militaire a transmis cette demande qui lui parait fondée et il a prié le ministre de vouloir bien l’accueillir.
Le bureau ne voit aucune raison de refuser l’autorisation d’acheter un effet mobilier qui, en définitive, restera à l’établissement. En conséquence, il propose d’approuver l’achat de la glace dont il s’agit et de décider que le montant de la dépense qu’il occasionnera sera prélevé sur la masse d’administration.
Si le ministre approuve cette proposition, il sera écrit à M. l’intendant de la 1ère division pour qu’il prescrive les dispositions nécessaires à ce sujet, et avis en sera donné à M. le général Pajol.
Le chef du bureau de la justice militaire
De Chénier
[dans la marge :] 17 mai 1840
Approuvé »

Procès-verbal d’une séance du comité des Fortifications concernant les travaux à faire au château de Saint-Germain-en-Laye pour le pénitencier militaire

« Secrétariat du comité des Fortifications
Minute d’avis de fonds
Séance du 14 janvier 1840
[…]
3 (article 3 du projet). Château (pénitencier militaire)
Améliorations diverses
(dessin n° 2 et 3)
[Fonds demandés :] 8550 f. [Fonds votés :] 2130 f.
A accorder et à répartir comme il suit :
Section A. Fermer en partie les baies de six fenêtres à l’entresol de la courtine (2-3) et remplacer les croisées : 850 f.
(dessin n° 2)
A accorder : 850 f.
Section B. Etablir des ventilateurs aux fosses d’aisance : 700 f.
A accorder : 700 f.
Section C. Remplacer le carrelage des réfectoires par un dallage : 7000 f.
A rejeter. Lorsque le carrelage des réfectoires sera hors de service, le chef du Génie proposera de le remplacer par des aires en bitume qui seront beaucoup plus économiques qu’un dallage.
Section D. Inscriptions de sentences morales sur les murs intérieurs : 580 f.
Cette somme, ayant été accordée par autorisation ministérielle du 4 de ce mois, ne figure ici que pour ordre : 580 f. »

Rapport sur l’envoi de prisonniers au château de Saint-Germain-en-Laye

« Ministère de la Guerre
Direction des personnel et des opérations militaires
1ère division
Bureau de la justice militaire, 2e section
Rapport fait au ministre le 1er août 1839
Analyse
On propose, d’après la demande de M. le général Pajol, de porter et d’entretenir au nombre de 500 les détenus au pénitencier de Saint-Germain
M. le général Pajol, commandant la 1ère division militaire, expose, par sa lettre du 9 de ce mois, que le nombre des condamnés détenus au pénitencier militaire de Saint-Germain, est, en ce moment, de 474, qu’il diminuera pendant les mois de juillet, août et septembre, de 55 hommes dont la peine aura successivement expiré et que 18 devront être évacués sur d’autres prisons, parce qu’ils sont incapables de se livrer à aucun genre de travail, qu’ainsi réduit, en trois mois, à un chiffre au dessous de 400, le pénitencier n’aura guère à recevoir, dans le même laps de tems, que 15 à 20 détenus provenant des condamnations prononcées par les conseils de guerre de la 1ère division, ce qui sera loin d’atteindre le chiffre des hommes à remplacer.
Le général fait remarquer qu’il est important d’aviser, dès à présent, au moyen de tenir les détenus au complet de 500 (maximum du nombre de condamnés que peut contenir le pénitencier de Saint-Germain), si l’on ne veut pas compromettre par une diminution de travailleurs dans les ateliers, la prospérité industrielle et financiers de l’établissement et, à cet effet, il propose au ministre d’ordonner que tous les militaires qui seront condamnés à un emprisonnement de 3 ans au moins dans les 4e, 14e, 15e, 16e et 18e divisions militaire seront, à l’avenir, dirigés sur le pénitencier de Saint-Germain.
Cette prison peut renfermer 500 détenus. Elle les a déjà contenus et elle possède ce qui est nécessaire pour les recevoir et leur donner du travail.
La réforme morale des hommes détenus au pénitencier étant le but de la fondation de cet établissement et les frais qu’il occasionne ne pouvant être soldés que par les produits des ateliers qui y sont montés, il y a intérêt à faire travailler les détenus et à entretenir un nombre aussi que possible, afin que le travail concourre tout à la fois à la moralisation et au solde des dépenses de l’établissement.
La proposition faite par M. le lieutenant général Pajol tend à ce résultat. Pareille mesure a déjà été employée quand on a voulu augmenter l’effectif du pénitencier militaire. On fera remarquer toutefois que l’on doit se borner à faire diriger sur le pénitencier les condamnés des seules divisions limitrophes de la 1ère parce que, d’une part, il faut éviter que les condamnés fassent une trop longue route pour arriver au lieu de leur détention, et, de l’autre parce que, dans ces divisions, il a été jusqu’à présent matériellement impossible de procurer aux militaires condamnés les moyens de travailler.
M. le général Pajol pense, en outre, et l’on se range à son avis, que les condamnés qui auront à subir un emprisonnement de plusieurs années, devront seuls être dirigés sur le pénitencier, parce qu’il lui parait démontré par l’expérience que ceux qui n’ont pas à y faire un long séjour sont plus à charge qu’à profit, attendu que l’apprentissage, qui se prolonge souvent pour eux, rend leur travail peu productif et insuffisant pour couvrir les dépenses d’entretien.
En ne recevant donc au pénitencier de Saint-Germain-en-Laye que les hommes dont la détention sera de longue durée, on parviendra à assurer les produits financiers de l’établissement. On y trouvera encore cet avantage plus important de faire participer au bienfait du système pénitentiaire les condamnés qui, coupables de fautes plus graves, doivent avoir plus besoin d’être soumis à un régime de moralisation efficace.
Sous quelque rapport qu’on l’envisage, la proposition de M. le lieutenant général Pajol parait n’offrir que des avantages et nul inconvénient.
En conséquence, on a l’honneur de proposer au ministre d’ordonner que tous les militaires qui seront condamnés à un emprisonnement de 3 ans au moins par les conseils de guerre des 4e, 14e, 15e, 16e et 18e divisions territoriales seront jusqu’à nouvel ordre dirigés sur la pénitencier de Saint-Germain.
Dromont
Le chef du bureau de la justice militaire
De Chénier »

Procès-verbal d’une séance du comité des Fortifications concernant les travaux à faire au château de Saint-Germain-en-Laye pour le pénitencier militaire

« Secrétariat du comité
Minute d’avis de fonds
Séance du 5 mars 1839
Bâtimens militaires
[…]
Article 4 du projet et état estimatif du 19 décembre 1838. Pénitencier militaire au château
Réparations et améliorations diverses
[Fonds demandés :] 48470 f. [Fonds votés :] 21170 f.
A accorder et à répartir comme il suit :
Section A. Etablir 15 cellules pour le nouveau régime de correction : 8400 f.
A accorder par ordre, cette somme ayant été votée par anticipation dans l’avis de fonds du 5 juin 1838 : 8400 f.
Section B. Remplacer les anciennes fermetures qui ont été conservées jusqu’à présent : 550 f.
A accorder par ordre, comme la section A : 550 f.
Section C. Compléter la mise en état des murs de face : 2500 f.
A accorder : 2500 f.
Section D. Fermer à hauteur d’appui les baies de 8 fenêtres à l’entresol de la courtine (2-3) et remplacer les croisées : 1250 f.
A ajourner, faute de fonds et de dessin
Section F (état estimatif du 19 octobre 1838). Amélioration et dispositions diverses réalisées par le conseil d’administration et dont le détail est spécifié dans le dit état estimatif : 35270 f.
A accorder par ordre : 9220 f.
Cette somme ayant été allouée par décision ministérielle du 25 janvier 1839 comme imputable sur les fonds de l’exercice 1839, le comité la fait figurer avec les projets ordinaires afin qu’on puisse voir d’un seul coup d’œil tous les fonds faits dans le même exercice pour le même établissement, mais il prie le ministre de la prendre sur sa réserve parce qu’elle est entièrement en dehors des prévisions auxquelles il faut pourvoir avec les fonds dont la distribution est confiée au comité.
Section E. Etablir des garde-fous devant les croisées dans la partie supérieure du 1er étage, courtines (3-4) et (4-5) : 500 f.
A accorder : 500 f.
[Total :] 21170 f.
Article 4(a). Manutention des vivres, construire une manutention dans la cour du quartier de Grammont : 54000 f.
(Dessin unique du 22 novembre 1838, croquis du d. du 22 décembre 1838 et dessin n° 2 du projet extraordinaire de 1836)
Voir l’apostille à la fin de l’avis
Article 4(b). Magasin aux vivres, établir un magasin aux farines dans le comble du bâtiment A du quartier de Grammont : 4850 f.
Voir l’apostille à la fin de l’avis
[…]
Apostille de l’article 4(a)
Ce projet est rédigé en exécution de la lettre ministérielle du 14 avril 1838. Le comité, sans entrer dans l’examen détaillé des dispositions proposées, remarque :
1° que dans le procès-verbal de la conférence tenue le 12 janvier 1838 par le sous-intendant militaire et le chef du Génie, il est dit textuellement que le pénitencier, en toute réalité « et quoiqu’on prétende au contraire, ne souffre aucunement du contact du service des vivres établi à l’intérieur du château, dans une partie des bâtiments tout à fait séparée de la détention (voir le dessin n° 2 des projets extraordinaires de 1836)
2° qu’il résulte des déclarations du commandant du pénitencier consignées au procès-verbal du 24 novembre 1838 que le service des ateliers et les autres besoins de l’établissement amènent chaque jour dans l’intérieur des bâtiments de la détention un grand nombre de personnes étrangères et qu’ainsi il ne peut y avoir aucun inconvénient sérieux à ce qu’un nombre extrêmement limité d’agents du service des vivres pénètrent dans une partie du château avec laquelle les détenus n’ont aucune communication
3° que, d’un autre côté, la seule sujétion à laquelle soit soumis le service des vivres, dans l’état actuel des choses, consiste dans l’obligation où se trouve chaque employé de ne pouvoir entrer ni sortir dans sonner à une griller qui est immédiatement ouverte par un geôlier spécialement chargé de cette fonction
4° enfin que l’établissement du pénitencier a déjà coûté 330000 f., ce qui pour une population de 470 détenues fait une dépense de 700 f. par homme, et qu’il y aurait abandon de tous les intérêts de l’Etat à sacrifier pour de prétendus froisements un établissement manutentionnaire créé depuis quelques années à peine et qu’on ne pourrait transporter ailleurs dans une dépense de 54000 f. au moins et pour laisser sans emploi des locaux absolument inutiles au pénitencier.
D’après ces considérations, le comité est d’avis que le projet présenté doit être rejeté aussi bien que tout autre ayant pour objet de transférer hors du château la manutention qui doit y être maintenue définitivement dans les locaux où elle est maintenant établie.
Apostille de l’article 4(b)
A ajourner jusqu’à ce qu’une décision définitive soit intervenue sur ce qui concerne le service des vivres à Saint-Germain. »

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