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Paiement pour la fête organisée à Saint-Germain-en-Laye en l’honneur de la naissance du Dauphin

Compte de la ville de Saint-Germain-en-Laye pour les années 1728 et 1729 :
« Item dit le rendant que la Reine étant accouchée heureusement à Versailles le 4 septembre 1729 d’un Dauphin, la joye fut si généralle que touttes les villes et bourgs du royaume firent leurs efforts pour en donner des marques publiques. Monseigneur le duc de Noailles, gouverneur de ce lieu, voulut bien, par une générosité qui luy est naturelle, connoissant l’impuissance de la communauté pour une feste digne du sujet qui y donnoit occasion, faire faire le quinze dud. mois, dans la place publique du marché de cette ville, une illumination des plus belles et des plus extraordinaires qui ayent esté vue jusqu’à lors, à quoy il a dépencé plus de mil pistolles, et ledit rendant, pour quelques parties d’illuminations qui regardoient la communauté, poudre à canon et autres dépences à ce sujet, la somme de cent vingt deux livres, suivant les mémoires, état et quittances qui seront représentées, cy : CXXII l. »

Lettre concernant un Te Deum à célébrer à Saint-Germain-en-Laye en l’honneur des victoires sur les Anglais

« Paris, ce 26 septembre 1779
Les ordres que Sa Majesté a donnés, Messieurs, pour qu’il soit chanté dans votre ville un Te Deum en action de grâces des avantages que ses troupes de marine et de terre ont remportées sur les Anglais vous seront sans doute connus lorsque vous recevrez cette lettre. Je vous préviens que l’intention de Sa Majesté est que les officiers de justice et ceux qui composent le corps municipal assistent à cette cérémonie et qu’elle soit accompagnée de toutes les réjouissances publiques usitées dans pareilles circonstances. Je ne doute ni de votre zèle ni de votre empressement à remplir les vues de Sa Majesté et je mande à mon subdélégué de se concerter avec vous pour donner à cette marque de la satisfaction publique toute la célébrité qu’elle doit avoir.
Je suis très parfaitement, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur.
Bertier
Messieurs les officiers municipaux de Saint Germain »

Mention du Te Deum chanté dans la chapelle de Saint-Germain-en-Laye pour la paix avec l’Empire et de l’imprimerie installée dans l’orangerie

« Le siege mis devant le Ponteaudemer par l’ordre du duc de Longueville, que le gouverneur et les habitans du lieu ont fait lever,
Le Te Deum chanté pour la ratification de la paix avec l’Empire,
Et ce qui s’est nagueres passé à la Cour.
Le doux charme duquel me flate depuis peu de temps l’esperance de la Paix, l’agreable fruict de nostre conferance, m’a fait ressembler à cette pie de Plutarque qui demeura huit jours muette à mediter le son de le trompete d’un triumphe. Mais tandis que je me dispose à faire part de cette joye à tout le monde aussitost qu’elle sera accomplie, si ne faut il pas vous taire entierement ce qui se passe de plus memorable en cette Cour. Où, comme Leurs Majestez receurent il y a quelque temps les tristes nouvelles de la barbarie que la chambre basse du parlement d’Angleterre a exercée [p. 2] sur la personne sacrée de son roy, dont j’ay trouvé le recit si epouventable que j’ay pris sujet de m’informer plus au vray de toutes ses circonstances pour vous donner le plus tard que je pourray dans son estendue une si fascheuse nouvelle, laquelle a esté receue par Leurs Majestez avec l’indignation qu’elle meritoit.
Ainsi furent elles grandement rejouies par la ratification de la paix d’entre l’Empire et la France, signée de l’Empereur, et de l’eschange des instrumens de cette paix fait entre les plenipotentiaires de ces deux grandes couronnes, lesquelles, par ce moyen, demeurent autant affectionnées comme elles ont esté ennemies l’une de l’autre.
En rejouissance de laquelle bonne nouvelle, qui vraysemblablement nous en va bien produire d’autres, Leurs Majestez en firent solemnellement chanter le Te Deum dans la chapelle de ce chasteau de Saint Germain en Laye le 2 de ce mois, sur les 4 heures apres midi, en leur presence et de Son Altesse royale, de Mademoiselle, du prince et de la princesse de Condé, de Son Eminence, des ambassadeurs de Portugal, de Venise et de Savoye, du chancelier de France, de plusieurs archevesques et evesques entre lesquels celui d’Aire, pontificalement vestu, fit les ceremonies de cette action, où assisterent aussi les secretaires d’Estat et plusieurs autres seigneurs du Conseil et de cette [p. 3] Cour. La ceremonie ayant esté fermée par une musique martiale de fifres, de trompettes et de tambours qui disoyent aux Espagnols qu’ils eussent à choisir ou de nous donner matiere d’en faire autant en bref pour leur sujet, ou de les employer bientost apres pour continuer sur eux nos victoires.
Le jour precedent, premier de ce mois, le comte de Saint Aignan parut devant Leurs Majestez à la teste de trois cens gentilshommes par luy assemblez autour de chez soy, de Poitou, Berry, Solongne et Blesois, en quatre escadrons de gens d’armes et deux de fuzeliers, le premier des gens d’armes commandé par ce comte, qui tenoit la droite, le second par le sieur de Mareuil, qui estoit à la gauche, le troisieme par le sieur de Bays, le quatrieme par le sieur de Courbouzon-Houques, comme les fusiliers par des anciens officiers, le sieur de Corbet y faisant la charge de mareschal de bataille, tous des mieux montez et au meilleur equipage qu’on eust pu souhaiter, qui vinrent offrir leur service au Roy en la compagnie de ce comte, deputé pour la noblesse du Blezois à la convocation des Estats generaux de ce royaume.
Le mesme jour, le sieur Zobel, gentilhomme envoyé en cette Cour par la landgrave de Hesse-Cassel, eut de Leurs Majestez son audiance de congé, avec tous les tesmoignages de la grande satisfaction qu’elles ont de cette vertueuse princesse, [p. 4] laquelle, non contante d’avoir par une constance sans exemple, nonobstant les promesses et les menaces des ennemis et les grandes pertes que la guerre a causé en ses pais, persisté jusques à la conclusion d’une paix glorieuse dans l’alliance de cette couronne, leur a encor envoyé offrir toutes ses troupes pour reduire ses sujets à la raison, s’ils ne preferent les bonnes graces de Sa Majesté, à la qualité de rebelles.
Le quatrieme, les deputez du parlement commancerent leur conferance à Ruel avec ceux du conseil du Roy, pour l’accommodement des affaires. Duquel pourparler chacun eut d’abord une si bonne opinion, qui continue encor à present, que le Roy estant allé visiter ce jour là son imprimerie, establie dans l’un des appartemens de son orangerie de ce lieu de Saint Germain en Laye, et Sa Majesté, selon l’inclination qu’elle a à toutes les belles inventions, ayant voulu faire imprimer quelque chose, ne se trouvant rien lors qui eut un sens complet pour luy donner ce divertissement, sans s’ennuyer par trop de prolixité, celui à qui Leurs Majestez ont donné la dirrection de cette imprimerie dicta sur le champ quelque vers faits sur le sujet de cette heureuse et inopinée venue, qui furent aussi promptement imprimez, d’une partie desquels les courtizans ayans eu plusieurs exemplaires, je ne vous les repeteray point, [p. 5] mais vous feray seulement part de l’autre, que leur impatience laissa sous la presse :
J’accepte cet augure en faveur de l’Histoire,
Qu’à l’instant que Paris se met à la raison,
Mon prince visitant sa royale maison,
Va fournir de sujet aux outils de sa gloire.
Embrassez vous, François. Espagnols, à genoux
Pour recevoir la loy, car la paix est chez nous.
Ensuite de quoi ce prince, elevé par son sage gouverneur le mareschal de Villeroy (là present avec le sieur de Villequier, lieutenant general en ses armées et capitaine de ses gardes, le sieur de Bellingham, premier escuyer, le comte de Nogent, capitaine des gardes de la Porte, et plusieurs autres seigneurs et gentilshommes de sa Cour) et instruit en toutes les vertus royales, surtout en la liberalité, qui en est la principale, recompensa plus magnifiquement le travail d’un quart d’heure de ses imprimeurs que celuy de huit jours ne l’eust esté par d’autres.
Quelques jours auparavant, le mareschal de Rantzau fut icy arresté par ordre du Roy, dont l’on n’a pas trouvé à propos de publier encor le sujet.
La levée du siege de Ponteaudemer, investi par huit cens hommes de pied et quatre cens chevaux du duc de Longueville
C’est quelque chose de se bien deffendre, mais quand la valeur se trouve en des bourgeois [p. 6] dont on ne l’attendoit pas quand des gens non aguerris et qui ne s’attendoient à rien moins qu’à quitter leur trafic pour prendre les armes s’en acquittent aussi bien que s’ils estoient de longue main experimentez au fait de la guerre, c’est plus de louange et un tesmoignage qu’on ne peut desormais douter de leur affection envers leur prince. Ce que vous allez apprendre des habitans de Ponteaudemer, ville de Normandie nagueres reduite au service du Roy par le comte d’Harcourt.
Tandis que ce prince se maintenoit dans cette province, par la reputation de son courage et de sa conduite jointe au respect qu’imprime le parti royal dans les cœurs du party contraire, qui ont empesché le duc de Longueville de prendre aucun avantage sur luy, bien que le renfort qu’il attendoit ne l’eust pas encor joint comme il a fait depuis, à scavoir le sixieme de ce mois.
Le sieur de Chamboy, capitaine lieutenant de la compagnie des gens d’armes du duc de Longueville, ayant choisi la nuict du deux au troisiesme de ce mois pour n’estre point aperceu au dessein qu’il avoit d’attaquer cette ville de Ponteaudemer, il s’y rendit des la pointe du jour du troisiesme à la teste de quatre cens chevaux et de huict cens hommes de pied.
Aussitost qu’il fut arrivé, il fit sommer le sieur [p. 7] de Folleville, mareschal de camp, que le comte d’Harcourt y a laissé pour commander, de lui rendre la place et, voyant qu’il ne lui respondoit pas à son gré, le fit sommer une seconde fois. A laquelle sommation ce gouverneur lui ayant respondu à coups de mousquet, ledit sieur de Chamboy logea son infanterie dans le fauxbourg et fit attaquer les premieres barricades. Mais ce gouverneur estant sorti avec soixante et dix soldats du regiment qu’il commançoit à lever, il leur dit : Compagnons, si vous voulez que je vous croye capables de servir le Roy comme vous me l’avez tous asseuré, il me faut montrer icy ce que vous scavez faite, de quoy vous voyez bien que j’ay bonne opinion, veu que je me mets à vostre teste, sans vous avoir veu encor l’epée à la main. Paroles qui animerent tellement ces nouveaux soldats qu’ils se jetterent à corps perdu sur les ennemis, en tuerent quinze ou vingt sur la place, et donnerent la chasse au reste.
Toutefois, cette disgrace n’empescha pas que le sieur de Chamboy, voulant tenir parole au duc de Longueville, ne fist encore quelques attaques en d’autres lieux, mais ils furent si bien repoussez par les bourgeois du lieu, desquels ils pensoyent avoir meilleur marché qu’ils n’avoyent eu des premiers, que le grand feu que firent ces braves habitans, de leurs murailles et de leurs barricades, contraignirent ledit [p. 8] sieur de Chamboy et toute son infanterie te cavalerie qui avoit mis pied à terre à se retirer comme auparavant, et ceux cy à remonter sur leurs chevaux pour se sauver avec plus de diligence, non sans quelque honte d’avoir fait battre des troupes reglées par des bourgeois, et une nouvelle levée, les premiers ayant particulierement donné des marques de leur fidelité et affection au service du Roy, et le comte d’Harcourt n’ayant point esté obligé pour secourir cette ville là de quiter son quartier de La Haye Malerbe, d’où l’on nous a escrit ces nouvelles le cinquiesme de ce mois.
Imprimé à Saint Germain en Laye, le neufieme mars 1649. Avec privilege du Roy »

Lettre concernant un Te Deum à célébrer à Saint-Germain-en-Laye en l’honneur de la paix

« Paris, ce 3 décembre 1783
Messieurs,
La paix étant conclue entre le Roy et le roi de la Grande Bretagne, Sa Majesté a écrit à MM. les évêques qui sonts dans l’étendue du gouvernement de l’Isle de France de faire chanter le Te Deum en actions de grâce dans toutes les églises de leurs diocèses. Nous vous mandons d’y assister en cérémonie et de donner en même tems les ordres nécessaires aux bourgeois et habitans de votre ville pour faire tirer le canon, s’il y en a, allumer des feux de foye, faire des illuminations et donner toutes les autres marques de réjouissances publiques et accoutumées. Je ne doute nullement que vous ne vous conformiés avec autant de zèlle que de plaisirs aux ordres de Sa Majesté.
Je suis, Messieurs, votre affectionné serviteur.
Le duc de Gevres »

Récit de la naissance du duc d’Anjou à Saint-Germain-en-Laye

« La joye renouvellée par l’heureuse naissance d’un second fils de France
Les dons de Dieu ne sont pas seulement sans repentance, ils se redoublent estans reconnus, et la seule ingratitude leur ferme la porte. La prosperité continuelle des armes du Roy et la benediction de laquelle Dieu a favorizé tous les desseins de Sa Majesté depuis la naissance de monseigneur le Dauphin, donné aux vœux de toute la France, nous estoient bien des signes certains que le Ciel approuvoit le chois de la protection sous laquelle Leurs Majestez se sont mises avec tout ce royaume, et n’y avoit celui, qui le voyant triumpher de ses ennemis nonobstant les vains effors des puissances conjurées à sa ruine, n’elevast les yeux en haut pour rapporter à Dieu le succez d’une si merveilleuse conduite.
Chacun jugeoit assez que la pieté et vie exemplaire du Roy ne pouvoit attendre qu’une suite de toute sorte de bonheur. Et la Reine, parmi l’eclat de ses grandeurs, menant une vie de sainte, nous promettoit bien que la chaine des prosperitez deues à celle de ses hautes vertus et veritablement royales ne seroit jamais interrompue. De fait, cette bonne princesse ne venoit que d’achever de rendre tous ses vœux à Dieu pour l’avoir fait mere et de recevoir toutes les acclamations des peuples pour son Daufin, les princes et estats de nostre hemisphere à peine avoient ils achevé d’adorer son soleil levant, et l’année suivante fermoit à l’ordinaire les conquestes du Roy par les rejouissances de sa Cour, quand Sa Majesté conceut l’esperance d’un nouveau fruit royal.
Toutes les marques d’une santé vigoureuse en la Reine et plusieurs autres signes dont se servent les medecins pour discener le sexe de l’enfant avant qu’il vienne au monde donnoient bien quelques indices que Sa Majesté estoit enceinte d’un prince, à quoi nos souhaits se rendoyent fort credules. Toutesfois, comme il y a peu de demonstrations en tel sujet, toute la Cour demeura entre l’esperance et la crainte jusques au 21 de ce mois de septembre 1640, qui nous en fit certains.
La Reine, estant allée ce jour à la promenade sur les six heures du soir, sentit quelques douleurs qui l’obligerent à se retirer dans son cabinet. Mais cette princesse, selon la force de de corps et d’esprit qui lui est familiere, trouva ces douleurs trop legeres pour se mettre au lit, où elle ne se mit que sur les neuf heures, ausquelles son travail commança, et n’eut que trois tranchées, à la troisiesme desquelles elle accoucha sur les six heures du soir d’un tres beau prince, qui a le teint fort blanc, le poil noir, les membres extremement bien faits, et a une grande vigueur. Cet accouchement fait dans le chasteau vieux de Saint Germain en Laye, en presence du Roy, de la princesse de Condé, de la duchesse de Vendosme et de la connestabl de Montmorancy, outre les dames de sa maison.
Les hommes estoient à la porte de ce cabinet en grand silence, qui fut bientost interrompu par tous les signes de rejouissance des qu’il en sortit cette voix : C’est un prince, c’est un prince. Et comme si on ne l’eust pu autrement croire, tant cete joye estoit grande, ce prince naissant fut visité par plusieurs seigneurs et dames de la Cour dans l’appartement qui lui avoit esté dressé seulement ce jour là, et où il fut transporté une heure apres sa naissance ; arrivée, non sans bon augure, environ le temps auquel le soleil entroit au signe de la balance, l’embleme de la justice de son père, la lune estant en son croissant pour lui servir d’hyerogliphe contre les infideles, desquels il doit un jour verifer les propheties, et en un eclat du Ciel qui, selon la doctrine des astrologues, lui promet toutes sortes de prosperitez.
Aussi n’est il pas malaisé de conjecturer que Dieu destine cette lignée royale à des effets extraordinaires, les ayant fait naistre de la sorte, et ayant tellement accompli en eux les souhaits du Roy et de tous les François, que ces merveilleuses benedictions du Ciel elevent les esprits moins speculatifs en des esperances non communes. Car il eus testé difficile de persuader il y a trois ans à Leurs Majestez ce qu’on void aujourd’hui, à scavoir qu’ils nous donneroient deux princes comme autant de colomnes qui asseurent nos conquestes, voire qui nous promettent mieux que la devise de nos voisins de les estendre plus outre. Non, rien ne semble desormais impossible à la France apres ce double gage du Ciel, et toute la terre va prendre part à cette joye. De laquelle le bruit ne fut pas plustost epandu dans la ville de Saint Germain que, comme elle a l’honneur d’avoir la premiere fait respirer son air et voir le soleil à ces jeunes aiglons, elle alluma aussi les premiers feux de joye qui s’en sont faits et qui durerent pour cettui ci presque toute la nuit.
Un contentement que le Ciel nous a differé si peu de temps apres le premier ne pouvoit permettre qu’on differast à ce royal enfant l’application des seaux celestes et les arres de sa regeneration. Sur les unze heures du mesme soir, il fut ondoyé par le sieur Seguier, evesque de Meaux, premier aumosnier du Roy, en presence des evesques de Lisieux et de Bazas, et obtint par cette premiere action du christianisme toutes les graces spirituelles du baptesme, en attendant l’apparat plus ample que requiert la ceremonie de cet auguste sacrement en des personnes augustes.
C’estoit bien aussi la raison que le premier ministre de l’Estat, pour les grands soings qu’il prend en sa conservation, eust la premiere part d’une si grande matiere de rejouissance : c’est pourquoi le Roy en donna promptement avis à Son Eminence par le sieur de La Bouteillerie, mareschal des logis de Sa Majesté, qui l’est allé trouver à Chausnes.
Le sieur de Saintot en aporta pareillement ici la nouvelle au chancelier de France, à l’archevesque de cette ville et au duc de Monbazon qui en est gouverneur.
Le sieur Moreau, premier valet de garderobbe, fit aussi part de cette joye au parlement, à la chambre des comptes, à la cour des aides et au corps de ville, d’où cette nouvelle epandue par tout Paris fit sonner des le lendemain matin en carillon l’horloge du Palais, qui ne sonne de la sorte que pour les Enfans de France. Celle du pont Neuf en fit autant. La Bastille et l’Arsenal saluerent à l’eni de leur cannonades le prince naissant. Ce jour là 22, sur les dix heures du matin, le Te Deum fut solennellement chanté dans le chasteau de Saint Germain, où l’evesque de Meaux officia, monseigneur le Dauphin y assistant avec plusieurs seigneurs et dames de la Cour. Les mesmes actions de grace en furent ici solemnellement rendues dans nostre eglise cathedrale. L’apres disnée du mesme jour et le soir, par ordre du prevost des marchands, plusieurs boetes rangées devant la maison de ville tesmoignerent, par leurs salves, l’allaigresse publique, qui fut secondée par les feux de joye allumez par tous les bourgeois devant leurs portes, avec lanternes aux fenestres, et parmi les santez du vin que plusieurs versoient aux passans devant leurs portes, force cris redoublez de : Vive le Roy, la Reine et les Enfans de France, ne scachans encor quel nom donner à ce nouveau prince, à qui la conqueste d’Arras pendant la grossesse de la Reine semble vouloir donner celui de comte d’Arthois, comme l’usage celui de duc d’Anjou, mais dont en effet il faut attendre la volonté du Roy, qui se trouvera possible bien empeschée en ce rencontre, mesmes si Elle attend encor quelque temps, et qu’à la mode des autres souverains Elle lui vueille donner le nom de quelqu’une de ses conquestes : la multitude lui en augmentera la difficulté.
Du bureau d’adresse, le 24 septembre 1640. Avec privilege. »

Récit des obsèques du duc d’Anjou, mort à Saint-Germain-en-Laye

« Les obseques de monsieur le duc d’Anjou
Voici une digression facheuse, dans les prosperitez de la Cour la plus florrisante et du plus grand monarque du monde. Mais il n’y a point de fortune si parfaite qui n’ait ses inegalitez, et l’on void dans toutes les histoires un melange continuel de ces diversitez heureuses et infortunees. Ainsi, quoy que la nostre soit remplie de merveilles et de choses surprenantes, sous le regne de Sa Majesté, elle se void obligée par cette ancienne vicissitude à y mesler les funerailles de ce jeune Lys que la France regardoit avec d’autant plus d’amour et de tendresse qu’elle croyoit voir par sa naissance ses autres pertes heureusement reparées. Voici donc ce qui s’est passé en cette lugubre ceremonie.
Le prince estant decedé, comme vous l’avez sceu, le 4 de ce mois, il fut exposé 24 heures dans son lit de trepas, environné de grand nombre de chandeliers d’argent, chargez de cierges blancs, aux armes du defunt, avec une petite credance vers les pieds, où estoit un crucifix et un autel au costé du mesme lit.
Les prestres de la parroisse de Saint Germain en Laye et les recollets de ce lieu là y psalmodierent incessamment et l’on y celebra des messes tout le matin du samedy et du dimanche.
Le 5, sur le soir, il fut ouvert en presence des premiers medecins et chirurgiens, et, le cœur ayant esté embaumé, fut mis dans un cœur d’argent, couvert d’un autre de vermeil doré, sur lequel estoit cette inscription : Ici est le cœur de Louis François de France, duc d’Anjou, fils de Louis XIV et de Marie Therese d’Autriche, decedé à Saint Germain en Laye le 4 novembre 1672, agé de 4 mois et 22 jours.
Le corps fut aussi embaumé et mis dans un cercueil de plomb par la marechale de La Mothe, gouvernante des Enfans de France, et par la dame de Venelle, sous gouvernante, et ce cercueil fut enfermé dans un autre de bois couvert de satin blanc croisé d’une moire d’argent, sur lequel estoit pareillement cette inscription : Ici git le corps de tres haut et tres puissant prince Louis François de France, fils de Louis XIV et de Marie Therese d’Autriche, decedé à Saint Germain en Laye le 4 novembre, agé de 4 moiset 22 jours.
Il fut, en cette maniere, posé sur le lit, avec le drap d’or de la Couronne, et la marechale de La Mothe posa le cœur sur le cerceuil, avec un carreau de velous blanc et une couronne de vermeil doré, sous un crespe aussi blanc.
Le 6, sur les 6 heures du soir, l’evesque de Langres, premier aumosnier de la Reyne, qui avoit esté prié par le cardinal de Bouillon, grand aumosnier de France, de faire la ceremonie de ces obseques, se plaça, en rochet et camail violet, à la teste du cercueil et, ayant fait les prieres et aspersions accoutumées, leva le corps en presence du prince de La Roche sur Yon, qui avoit esté nommé par le Roy pour faire les honneurs du convoy, de la marechale de La Mothe et du duc d’Aumont, aussi nommé par Sa Majesté pour accompagner le prince de La Roche sur Yon.
En mesme temps, ladite marechale de La Mothe prit le cœur et le mit entre les mains de l’evesque de Langres, et le corps fut porté par 4 gentilshommes ordinaires au carrosse destiné pour le conduire, quatre autres tenans les coins du poesle.
Il estoit immediatement suivi par ledit evesques de Langres, par le sieur de Brissac, lieutenant des gardes du corps, par le prince de La Roche sur Yon, par la marechale de La Mothe, par le duc d’Aumont et par les femmes de chambres du prince defunt, avec quelques officiers et gardes du corps.
En cet ordre, ayant esté descendu en la cour du vieux chasteau, il fut mis dans le carrosse du corps du Roy, où monterent ledit evesque de Landres, le prince de La Roche sur Yon, la marechale de La Mothe, le duc d’Aumont, la sous gouvernante, le curé de Saint Germain en Laye, et le marche se fit en la manière suivante jusques en l’eglise de l’abbaye de Saint Denys.
Les carrosses de suite du prince de La Roche sur Yon et du prince defunt, où estoyent les femmes de chambre et les officiers, faisoyent la teste du convoy, avec une brigade de chevaux legers.
Un des carrosses du Roy, où estoyent les huit gentilshommes ordinaires, suivoit et precedoit immedatement celuy du corps du Roy où estoit le cercueil, environné des valets de pied de la grande et petite escurie, avec les pages aussi de l’une et de l’autre escurie, à cheval, aux costez du carrosse.
Le sieur de Brissac, lieutenant des gardes du corps, estoit derriere, à la teste desdits gardes, et la marche estoit fermée par une brigade des gens d’armes, tous portans des flambeaux de cire blanche ainsi que les chevaux legers, pages et valets de pied.
On alla ainsi, par Chatou et le pont de Neuilly, à Saint Denys, dont la premiere porte et celle de l’eglise estoyent tendues de blanc, avec des ecussons aux armes du prince defunt.
Le convoy estant arrivé, sur les onze heures, à la porte de ladite eglise, le corps fut tiré du carrosse par les mesmes gentilshommes ordinaires et receu par les religieux, tous un cierge blanc à la main, l’evesque de Langres l’ayant presenté par un beau discours au prieur, lequel y repondit.
Ensuite, les 4 gentilshommes porterent le corps au chœur de l’eglise, les coins du poesle tousjours soustenus par les 4 autres, et suivi du prince de La Roche sur Yon et des autres personnes cy devant nommées. On le posa sur une estrade, sous un lit à pentes de damas blanc, avec les crespines d’argent aux armes du prince defunt, en broderie d’or et d’argent, le tout eclairé, ainsi que le grand autel, d’un nombre infini de cierges sur des chandeliers d’argent, avec de pareils ecussons.
L’evesque de Langres, en ses habits pontificaux, se plaça dans un fauteuil, aux pieds du cercueil, le prince de La Roche sur Yon à la teste, la marechale de La Mothe à costé droit de ce prince, et le duc d’Aumont à sa gauche, sur des carreaux de velous blanc.
Les seances prises, ce prelat fit les prieres, encesnsemens et aspersions ordinaires, apres quoy les gentilshommes porterent le corps au caveau, où il fut inhumé par ledit prelat.
La ceremonie achevée, chacun retourna à son poste pour accompagner le cœur, que l’on porta, dans le mesme ordre, au Val de Grace.
Il fut receu à la porte du convent par toutes les religieuses, un cierge à la main, l’evesque de Langres l’ayant, aussi, presenté à la superieure et, en mesme temps, on le porta au chœur de ces religieuses suivi de toutes les personnes du convoy.
Ce prelat l’y posa sur une credance entourée de quantité de chandeliers d’argent garnis de cierges et fit les prieres, encensemens et aspersions. Apres quoy, ce cœur fut porté au lieu où reposent ceux de la reyne mere et des enfans de France, toutes les choses ayans esté ordonnées et conduites par les soins du sieur de Saintot, maistre des ceremonies.
[…]
A Paris, du bureau d’adresse, aux galleries du Louvre, devant la rue Saint Thomas.
Le 18 novembre 1672.
Avec privilege »

Récit de la réception du dauphin dans l’ordre du Saint-Esprit au Château-Vieux

« Les ceremonies qui ont esté faites au château de Saint Germain en Laye pour recevoir monseigneur le Dauphin chevalier des ordres et milice du Saint Esprit
Les Enfans de France reçoivent dès le jour de leur naissance la croix et le cordon bleu, et ainsi les officiers de l’Ordre les avoient apportez à monseigneur le Dauphin en 1661. Le Roy choisit le premier jour de ce mois pour le faire chevalier avec les ceremonies accoutumées et nomma monsieur le duc d’Enguyen pour accompagner ce prince, selon un des statuts de l’Ordre qui porte que deux commandeurs accompagneront le novice qui doit estre receu.
Le sieur de Mesmes, président à mortier, prevost et grand maistre des ceremonies de l’Ordre, ayant fait tout disposer pour cette solennité, envoya, suivant les ordres du Roy, avertir par le héraut les commandeurs de se rendre à dix heures du matin en l’appartement de Sa Majesté.
Monseigneur le Dauphin, pour se préparer à cette action, communia dans la chapelle du château par les mains du cardinal de Bouillon, grand aumonier de France et, en cette qualité, grand aumonier des Ordres du Roy.
Ce prince, apres ses devotions, retourna en son appartement, où il prit l’habit de novice. Il avoit des chausses troussées de toile d’argent, en bas de saye, des escarpins de toile d’argent, avec la mulle de velous noir, une toque aussi de velous noir dont le cordon estoit de dimanas, le bord retroussé d’un bouquet de gros diamans qui attachoit des plumes blanches, avec une aigrette de heron et un capot de velous noir doublé d’une toile d’argent trait et bordé d’une dentelle d’argent, le colet couvert d’une grande quantité de diamans d’un tres grand prix.
Le president de Mesmes, prevost et grand maistre des ceremonies, ayant son baton et estant precedé du heraut et de l’huissier, alla prendre monseigneur le Dauphin en son appartement et le conduisit à la chambre du Roy.
Aussitost, Sa Majesté fit entrer dans son cabinet les commandeurs et les grands officiers pour tenir chapitre, où il fut arresté que monseigneur le Dauphin seroit receu chevalier.
Ensuite, le Roy commanda au president de Mesmes de faire entrer ce prince, qui se mit à genoux, et Sa Majesté tira son epée et luy en donna un coup sur chaque epaule en disant : par saint Georges et par saint Michel, je te fais chevalier.
Apres cette premiere ceremonie, on commença la marche pour se rendre à la chapelle.
Le sieur Desprez, huissier de l’Ordre, estoit à la teste, suivi du sieur du Pont, heraut.
Le president de Mesmes, prevost et grand maitre des ceremonies de l’Ordre, marchoit apres, ayant à sa droite le marquis de Seignelay, secretaire d’Estat, grand tresorier de l’Ordre, et à sa gauche le marquis de Chateauneuf, aussi secretaire d’Estat et secretaire de l’Ordre. Le marquis de Louvois, ministre et secretaire d’Estat, chancelier de l’Ordre, marchoit derriere eux, et ces quatre grands officiers estoient en manteaux noirs, avec le collier de l’ordre du Saint Esprit, ainsi que les chevaliers qui suivoient deux à deux.
Le marquis de Bethune estoit sur la gauche et le marquis de Gamache sur la droite, le duc de Montausier sur la gauche et le marquis de Beringhen sur la droite, le duc du Lude sur la gauche et le duc de Saint Agnan sur la droite, le marechal de Navailles sur la gauche et le duc de Crequi sur la droite, le duc de Chaunes sur la gauche et le duc de Luynes sur la droite, et le duc de Saint Simon sur la gauche.
Le duc d’Enguyen marchoit seul sur la droite. Monsieur venoit apres, aussi seul, et monseigneur le Dauphin ensuite.
Deux huissiers de la chambre du Roy avec leurs masses d’or marchoient devant Sa Majesté. Le marquis de Tillader, capitaine des Cent Suisses, estoit derriere à gauche, un peu devant le Roy, et le cardinal de Bouillon, en camail et rochet, estoit un peu derriere à sa droite.
Le marechal de Lorges, capitaine des gardes du corps, marchoit apres Sa Majesté, ayant à sa droite le duc d’Aumont, premier gentilhomme de la chambre, et à sa gauche le duc de la Rochefoucault, grand maistre de la garderobe.
Les gardes du corps estoient en haye, sous les armes, dans la sale, et ils formoient une doouble haye dans la cour et sur l’escalier, avec les Cent Suisses dont les tambours et les fifres se mirent à la teste de la marche.
On arriva ainsi dans la chapelle, où le Roy se plaça sur un fauteuil à son prié Dieu ; monseigneur le Dauphin sur un siege pliant couvert de velous violet à fleurs de lis d’or, devant le prié Dieu, du costé droit ; Monsieur un peu derriere le fauteuil de Sa Majesté sur un siege pliant ; et le duc d’Enguyen sur un semblable siege, derriere celuy de Monsieur. Les chevaliers se placerent sur des bancs, à droite et à gauche.
Lorsque le Roy fut assis, le president de Mesmes, grand maistre des ceremonies, salua l’autel et les autres grands officiers de l’Ordre, precedez par l’huissier et par le heraut, firent les reverences à Sa Majesté et à la Reyne, qui estoit dans une tribune, pour voir la ceremonie.
Ils saluerent aussi les chevaliers à droite et à gauche et ils avertirent de cette sorte la compagnie qu’on alloit commencer l’office.
L’archevesque d’Auche, commandeur et prelat de l’Ordre, revestu des habits pontificaux, entonna l’hymne Veni Creator, qui fut continué par la Musique du Roy. Ce prelat salua ensuite l’autel, donna l’eau benite à Sa Majesté et commença la messe.
A l’offerte, les officiers recommencerent les saluts à l’autel, au Roy, à la Reyne et aux chevaliers, et s’estans rangez, le president de Mesmes, grand maistre des ceremonies, precedé par le heraut et par l’huissier, vint, en faisant un autre salut, avertir le Roy d’aller à l’offrande. Il fit aussi une reverence à monseigneur le Dauphin et une à Monsieur, pour les avertir d’accompagner Sa Majesté.
Le Roy salua l’autel et la Reyne, et se tourna aussi à droite et à gauche vers les chevaliers. Puis Sa Majesté, précédée par le grand maistre des ceremonies de l’Ordre et accompagnée par monseigneur le Dauphin et par Monsieur, alla à l’autel. Elle y baisa la patene, presenta à l’archevesque d’Auch officiant le cierge et l’offrande, qu’Elle avoit receue des mains de monseigneur le Dauphin.
La poignée de ce cierge estoit de velous violet tanné à fleurs de lis d’or. L’offrande estoit d’autant d’ecus d’or que le Roy a d’années, et l’un et l’autre avoient esté presentez à monseigneur le Dauphin par le president de Mesmes, grand maistre des ceremonies de l’Ordre.
Ensuite de l’offrande, Sa Majesté fit les mesmes reverences et fut reconduite à son prié Dieu avec les mesmes ceremonies.
Apres l’Agnus Dei, le soudiacra apporta la Paix au cardinal de Bouillon, qui la presenta à baiser à Sa Majesté.
A la fin de la messe, les officiers firent encore des reverences à l’autel, au Roy, à la Reyne et aux chevaliers, et le prevost et grand maistre des ceremonies de l’Ordre en fit une particuliere à Sa Majesté pour l’avertir de monter sur un trône dressé prés de l’autel à la gauche, du costé de l’Evangile. Il estoit elevé de plusieurs marches, sous un dais de l’Ordre de velous violet en broderie, aux armes de France, mi parties avec celles de Pologne, donné par Henry III.
Le Roy fit aussi les saluts, et précédé par les officiers alla au trone où Sa Majesté s’assit dans une fauteuil et se couvrit.
En mesme temps, les officiers saluerent monseigneur le Dauphin pour l’avertir d’aller recevoir l’ordre du Saint Esprit. Ils firent de semblables saluts à Monsieur et au duc d’Enguyen pour les avertir aussi de l’accompagner.
Monseigneur le Dauphin fit les reverences à l’autel, au Roy, à la Reyne et aux chevaliers, et aller au trone où il se mit à genoux sur un careau de velous violet à fleurs de lis d’or, ayant Monsieur à sa droite et le duc d’Enguyen à sa gauche.
Le cardinal de Bouillon, grand aumonier de France et des Ordres du Roy, estoit derriere Sa Majesté, le marquis de Louvois, chancelier de l’Ordre, à la droite, tenant le livre des Evangiles, le marquis de Segnelay, grand tresorier, à costé du chancelier, tenant le colier de l’Ordre et le cordon bleu avec une croix, le president de Mesmes, prevost et grand maistre des ceremonies, à la gauche du Roy, le marquis de Chateauneuf, secretaire de l’Ordre, aupres de luy, tenant l’acte de serment qui devoit estre fait par monseigneur le Dauphin et le heraut et l’huissier au bas des marches du trone.
Il leut à haute voix ce serment, ayant les mains sur le livre des Evangiles, et apres l’avoir leu il se signa.
Alors, le sieur Guitonneau, premier valet de garderobe, osta le capot à monseigneur le Dauphin, et Sa Majesté luy mit le cordon bleu, en luy disant : Recevez de nostre main le colier de nostre Ordre, du benoist Saint Esprit, au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. Ensuite, Elle luy mit le manteau et le colier de l’Ordre.
Monseigneur le Dauphin en se relevant salua le Roy. Monsieur, le duc d’Enguyen et les officiers firent le mesme salut. Ensuite, tous les officiers firent les dernieres reverences à l’autel, au Roy, à la Reyne et aux chevaliers, et recommencèrent la marche, qui fut continuée jusqu’à la chambre du Roy, dans le mesme ordre qu’on en estoit sorti. Apres quoy le president de Mesmes, prevost et grand maistre des ceremonies, precedé du heraut et de l’huissier, reconduisit monseigneur le Dauphin en son appartement. »

Ce récit, imprimé, a été publié « à Paris, du Bureau d’Adresse, aux galeries du Louvre, devant la rue Saint Thomas, le 8 janvier 1682 ».

Récit par le maître des cérémonies Nicolas Sainctot du baptême du Dauphin à Saint-Germain-en-Laye

« [f. 63] La ceremonie de la nomination de monseigneur le Dauphin
1668
Monseigneur le Dauphin ayant atteint l’aage de cinq ans et demy, le Roy voulut luy faire donner un nom. Le Pape souhaita d’estre le parrain, et la reine d’Angleterre la maraine.
Le Pape fit le choix du cardinal de Vandosme pour estre son legat dans cette occasion et la reine d’Angleterre pria la princesse de Conty de vouloir estre la maraine en son nom.
Le 23e de mars, veille de la cérémonie, le cardinal se rendit à Saint Germain.
Le Roy ne luy envoya point ses carrosses ny aucune personne de qualité le complimenter chez luy, parce que le Pape ne l’avoit pas envoyé expres, et qu’il estoit né sujet du Roy. [f. 63v] Monsieur n’alla point au devant de luy comme il avoit esté à la rencontre du cardinal Chigy, legat a latere d’Alexandre VIIe.
Ce mesme jour, sur les cinq heures du soir, le cardinal eut sa premiere audiance du Roy. Il y fut conduit par le comte d’Armagnac, prince de la maison de Lorraine, grand escuyer de France, par le sieur de Bonneuil, introducteur des ambassadeurs, et par le sieur Sainctot, maitre des ceremonies.
Le comte d’Armagnac l’alla prendre dans la salle de descente. Il luy donna dans la marche la main. Le sieur de Bonneuil marchoit immediatement devant le comte d’Armagnac. Le sieur Sainctot, apres avoir receu le cardinal au bas de l’escalier du château vieux, où les Cent Suisses estoient en haye et sous les armes sur les degrés, se plaça à droite vis à vis du sieur de Bonneuil. Le duc de Nouailles, capitaine des gardes du corps, le receut à la porte de la salle des gardes, où toute la compagnie estoit sous les armes et en haye, et se mit à main droite, un peu au dessus du cardinal, pour n’avoir point la droite sur le prince, et aussy pour rendre plus d’honneur au cardinal, la place luy estant plus [f. 64] honorable d’avoir la main sur un prince que s’il se fust trouvé entre deux personnes dont l’une estoit inferieure à l’autre.
Le cortege qui accompagnoit le cardinal estoit composé de son dataire, de son protonotaire, de son porte croix et d’autres officiers de la legation vetus de leurs mantelets.
Le porte croix s’arresta avec sa croix à la porte de l’antichambre du Roy.
Le Roy, voyant arriver le cardinal, sortit de son balustre et vint quatre ou cinq pas au devant de luy, rentra dans le balustre, s’assit sur un fauteuil, et en fit donner un au cardinal legat, qui se couvrit. Apres un quart d’heure de conversation, il se leva et le Roy le reconduisit au mesme endroit où il l’avoit esté recevoir.
On alla de là chez la Reine, qui le receut avec les mesmes honneurs que le Roy luy venoit de faire, avec cette difference neantmoins que la Reine luy donna audience hors du balustre, parce que les reines n’y recoivent jamais personne.
Ensuite, le cardinal legat, accompagné du comte d’Armagnac, de l’introducteur et du maitre des ceremonies, alla voir monseigneur le Dauphin.
Monseigneur vint au devant de luy dans son antichambre avec la marechalle duchesse de la Mothe, sa gouvernante. Il le conduisit dans sa chambre, affectant de le devancer d’un pas et le tenant par la main. L’un et l’autre ne s’assirent point, la visite dura peu. Apres quoy, monseigneur le Dauphin le reconduisit jusques au lieu où il l’avoit receu.
Le cardinal ne fut point visiter Monsieur, parce que Monsieur n’estoit pas venu au devant de luy arrivant à Saint Germain.
Le 24e, la ceremonie se fit dans la cour du château vieux. La cour a 37 toises de longueur sur sept de largeur. On prit ce lieu parce que la chapelle de Saint Germain est trop petite et que le chœur mesme de Nostre Dame n’eust pas esté assez spatieux pour contenir toutes les personnes qui [f. 65] avoient fonction en cette ceremonie.
A l’entrée de la cour, on avoit dressé à main droite, en un espace de 15 toises en longueur sur 18 en largeur, des eschafaux en amphiteatres qui s’elevoient jusques au premier estage.
Dans cette espace, il y avoit deux barrieres eloignées l’une de l’autre de quatre toises pour empescher qu’on approcha du pale ou plateforme où se devoit faire la ceremonie.
Le pale avoit 20 toises de long et seize de large. Il estoit dressé de trois pieds et demy. On y montoit par une espece d’eperon qui avoit dix toises de large, composé de sept marches. Il estoit fermé par deux costez de deux balustres, chacun de trois toises et demy.
A l’entrée du pale, on avoit dressé des deux costez deux magnifiques buffets où les honneurs du parain, de la maraine et de monseigneur le Dauphin devoient estre posez.
Ces buffets estoient couverts de brocard [f. 65v] d’argent. Les tables elevées sur quatre marches à pans coupez formoient trois paliers de chacun une toise de giron. Aux deux costez de ces tables, deux pieds destaux et, sur ces pieds destaux, il y avoit deux grands vases d’argent.
Derriere ces pieds destaux, on avoit mis de grandes consoles pour renfermer les buffets. Les buffetz estoient composez de quatre gradins où estoient un grand nombre d’argenterie de vermeil doré.
Au milieu du pale, environ à sept toises de l’entrée, il y avoit une elevation de quatre marches ottogones dont la premiere avoit trois pieds de giron et les deux autres formoient des paliers, chacun d’une toise et demy de giron.
Sur le dernier palier, on avoit posé une cuvette d’argent qui devoit servir de fonds pour la ceremonie. La cuvette avoit cinq pieds de long sur trois pieds et demy de large et quatre de haut. Elle estoit enrichie de plusieurs figures et estoit couverte d’un grand tapis de brocard d’argent avec une grande frange d’argent. [f. 66] Au dessus de la cuvette, on suspenit un dais ottogone de huit pieds de long sur 14 de large, elevé environ de trente pieds.
Ce dais de brocard d’argent, dont la pente estoit environ de quatre pieds de haut, y comprenant la campane, avoit deux pieds et demy, toute en broderie d’argent ornée de dauphins entrelassez de palmes et de fleurs de lys, et au bas de la campane pendoient plusieurs harpes ou glands d’environ un pied de haut en broderie d’argent.
La campane estoit attachée à une corniche dorée qui portoir quatre grands dauphins d’argent. Ces dauphins soutenoient une couronne d’or fermée de la grandeur de cinq pieds de long sur quatre de large, et de la queue des dauphins sortoient des lis. On avoit mis aux quatre coins du dais de grands bouquets de plumes blanches avec des aigrettes au milieu.
Ce dais sembloit estre soutenu par la figure d’un ange qui estoit en l’air, tenant d’une main les cordons où pendoit le dais, [f. 66v] et de l’autre une epée flamboyante comme pour defendre la couronne et les dauphins qui estoient sur ce dais.
A quatre roises des marches où la cuvette des fonds estoit posée, on avoit elevé un grand autel de 13 toises de face sur 8 toises de haut, enrichy d’or et d’azur.
Aux deux costez de cet autel, on avoit dressé deux tribunes d’environ trois toises de large et elevées d’une toise, pour la musique de la chambre et de la chapelle.
Ces tribunes estoient environnées d’un balustre doré avec des pieds destaux dans les angles.
Ces pieds destaux portoient de grands vases d’argent environ de cinq pieds d’où sortoient plusieurs chandeliers de mesme metail.
Ces tribunes estoient attachées à quatre pieds destaux avec des pilastres corinthiens d’environ 18 pieds de haut et ces pilastres soutenoient une corniche et une balustrade fort enrichie d’ornemens corinthiens.
[f. 67] On montoit à l’autel par sept marches à sept toises de face. Ces marches conduisoient à un palier d’une toise et demye de giron joignant le marchepied de l’autel.
L’autel estoit enfermé de quatre colomnes de la mesme hauteur que les pilastres et du mesme ordre.
Ces colomnes avoient leurs contrepilastres et le tout estoit porté par des pieds destaux elevez au dessus de la table de l’autel.
Entre ces colomnes estoit une ouverture dont l’extremité formoit un portique, sous lequel estoient des gradins où l’on posa l’argenterie.
Il y avoit aussy six autres ouvertures environnées de pilastres aux costez de l’autel, et ces ouvertures estoient fermées de tapisseries en broderie d’or et d’argent sur lesquelles estoient attachées des plaques d’argent d’environ cinq pieds de haut.
Toutes ces ouvertures estoient garnies [f. 67v] de gradins tous couvers de bassins et de vases d’argent, d’un grand nombre de chandeliers, de plaques et de quatre gueridons d’environ six pieds et demy de haut, le tout eclairé d’une infinité de cierges et de bougies.
Tout le lieu où se fit la ceremonie etoit environné de bancs des deux costez, derriere lesquels il y avoit une manière d’amphiteatre qui montoit jusques aux fenestres du premier estage, auxquelles on avoit fait des balcons couverts de tapis de Perse à fonds d’or et de diverses etoffes fort riches.
Les appuis de toutes les croisées jusques au dernier estage du château estoient ornées de riches tapis de Perse, les tremeaux et les murs estoient tapissez et l’espace de la cour estoit couverte par en haut d’une grande toile en manière de baldaquin semée de fleurs de luys à fond bleu et bordée d’une grande campane ornée de fleurs de lys et de dauphins d’or.
Le chancelier, revetu de son habit de drap d’or, ayant sa soutanne de drap d’or, son chapeau de velours noir bordé d’un galon d’or, le cordon d’or, se rendit à une heure au palc [f. 68] accompagné des conseillers d’Estat et des maitres des requestes vetus de robes de velours noir plein et de soutanes de satin noir avec des ceintures dorées, le cordon de leur chapeau d’or. Il prit sa seance du costé de l’epitre, comme aux jours des Te Deum à Nostre Dame, et s’assit dans son fauteuil à bras sans dossier.
Par ordre du Roy, tous les conseillers d’Estat se placerent les premiers proche de luy dans les places les plus honorables. Quelques maitres des requestes receus avant quelques uns des conseillers d’Estat avoient pretendu estre placez selon leur rang de reception mais le dernier reglement du Roy fit qu’ils se mirent apres eux. Ce reglement portoit que tous ceux qui avoient entrée dans le Conseil ne prendroient leur seance que du jour qu’ils y entroient en qualité de conseillers d’Estat.
Le Roy avoit raison d’honorer d’une preeminence les conseillers d’Estat puisqu’en sa presence ils sont assis en son Conseil, dans le temps que les maitres des requestes parlent debout et deouverts devant la chaise du Roy. [f. 68v] Les evesques vinrent en camail et en rochet. Le sieur Dupin les plaça à main droite proche l’autel du costé de l’epistre.
Il plaça aussy les ambassadeurs vis à vis des evesques.
Monsieur de la Vrilliere, secretaire d’Estat, et le comte de Berny, receu en survivance de la charge de secretaire d’Estat du sieur de Lyonne, son père, prirent leurs seances au dessous des ambassadeurs, vis à vis des conseillers d’Estat.
Les sieurs Le Tellier, de Lyonne, du Plessis de Guenegaud, secretaires d’Estat, ne s’y trouverent pas, parce qu’ayant conservé le cordon bleu apres en avoir vendu les charges, ils croyoient ne pouvoir paroitre avec bienseance devant un corps dont ils avoient esté les officiers. Neantmoins, bien que cette raison fut commune avec le sieur de la Vrilliere, il ne laissa pas d’assister à la ceremonie en rang de seance.
Pendant que l’ayde des ceremonies donnoit les seances à chacun, le sieur Sainctot estoit au château neuf, en la chambre de parade, où [f. 69] monseigneur le Dauphin n’estoit venu se coucher que pour donner lieu à faire la ceremonie, ayant passé la nuit au vieux château.
On fut obligé, ne voulant pas deloger Monsieur et Madame, de prendre une partue de la galerie qui va au boulingrin, dont on prit une juste proportion pour la longueur d’une chambre.
Une cloison d’ais separoit cette galerie. On dressa au fond de cette chambre une estrade de deux degrez de hauteur sur laquelle on posa le lit de monseigneur le Dauphin.
Ce lit estoit sans piliers et avoit pour ciel un dais de brocard d’argent à queue venant joindre le chevet du lit.
On coucha monseigneur le Dauphin à droit, du costé des fenestres de la belle veue. Il estoit tout vestu, de crainte qu’il n’eut froid dans un lieu où il n’y avoit point de cheminée. La couverture du lit estoit de toile d’argent bordée d’un pied et demy d’hermine, les draps [f. 69v] estoient de toile d’Hollande avec des grands points de France, et sur le bord du lit, on avoit estendy le manteau qui devoit servir à Monseigneur dans cette chambre. On y dressa deux tables, sur l’une desquelles, à droite, on mit les pieces d’honneur du parain et de la maraine, le bassin, l’aiguiere et la serviete, et sur l’autre on y mit les pieces d’honneur de l’enfant, le cierge, le cremeau, la saliere.
Au dessus de ces tables, on suspendit deux dais de velours cramoisy. Un de ses dais devoit estre de brocard d’argent aux armes de monseigneur le Dauphin, mais le peu de temps qu’on eut depuis la resolution du Roy pour le baptesme fit qu’on se servit de ces deux dais de mesme parure.
Il est bon de remarquer que, lorsque le parain et la maraine sont plus grands en dignité que l’enfant, leurs pieces d’honneur sont posées sur la table la plus parée et sont portées les premieres par de plus grands princes, et qu’au contraire si l’enfant est plus elevé en dignité que le parain et la maraine, ses pieces d’honneur sont portées les premieres.
[f. 70] Tout estant prest, le sieur Sainctot alla avertir les cinq princesses du sang destinées à servir monseigneur le Dauphin de se rendre dans son appartement.
Elles estoient dans une salle de descente en attendant l’heure de la ceremonie.
Elles vinrent en la chambre de Monseigneur, où le Roy et la Reyne s’estoient rendus pour voir la ceremonie du lit. Mademoiselle, fille de Monsieur, s’approcha du lit et se plaça à main droite. Mademoiselle d’Orleans, à main droite aussy, proche le chevet du lit, à cause de la fonction qu’elle devoit faire avant que Mademoiselle pust faire la sienne.
Madame de Guise se plaça à gauche. Madame la princesse de Condé et madame la duchesse d’Enguien se placerent aux pieds du lit.
Ces princesses ayant pris leurs places, mademoiselle d’Orleans et madame de Guise leverent la couverture du lit et [f. 70v] decouvrirent Monseigneur, qui estoit couché tout habillé entre deux draps. Alors Mademoiselle s’avança et leva Monseigneur de son lit.
Pendant que la gouvernante habilloit Monseigneur et luy mettoit son manteau, le sieur Sainctot alla avertir les princes du sang de venir en la chambre de Monseigneur.
Ils estoient dans la salle de descente où les princesses avoient esté se reposer.
Les princes estans arrivez dans la chambre de Monseigneur, madame la Duchesse s’approcha de la table pour recevoir du sieur de Launay, intendant et controlleur general de l’Argenterie, les pieces d’honneur du parain et de la mareine. La serviete luy fut donnée envelopée d’une tavayole de toile d’argent qu’elle remit aussitost entre les mains de monsieur le Prince. Elle donna ensuite à monsieur le Duc le bassin et l’aiguiere avec une tavayole pour les tenir.
Apres cette fonction, madame la Duchesse alla à la table où estoient posées [f. 71] les pieces d’honneur de monseigneur le Dauphin. Elle les receut de la mesme main du sieur de Launay. Elle donna le cremeau et la saliere au prince de Conty avec une tavayole, et le cierge au comte de Clermont, frere du prince de Conty.
Six princes devoient porter ces six pieces d’honneur, mais on fut obligé de les doubler affin d’eviter de se servir des princes etrangers, que les princes du sang auroient fait difficulté d’admettre avec eux, outre qu’il s’estoit mu entre eux une contestation à qui serviroit.
Le comte de Soissons, de la maison de Savoye, se plaignoit de ce qu’estant seul de sa maison, on se servoit toujours des princes de la maison de Lorraine, et qu’à la fin la longue possession de servir aux jours de ceremonie seroit un titre à cette maison pour se persuader d’avoir le pas sur la sienne.
Cette ceremonie finie de la distribution des pieces d’honneur, le sieur Sainctot alla prendre Monsieur dans son appartement et le conduisit dans la chambre de Monseigneur.
[f. 71v] De là, il alla avertir madame la Princesse de Conty, deleguée par la reine mere d’Angleterre, maraine, de se rendre à la ceremonie.
Elle estoit dans un appartement de celuy du cardinal legat. Quoiqu’elle eut pu estre dans la mesme chambre avec luy, il n’y avoit point de contestation entre eux pour le pas et pour la main, ce qui n’avoit pas paru sans difficulté entre la reine mere d’Angleterre et le cardinal legat, car la chose ne fut changée que la surveille de la ceremonie. La reine d’Angleterre allegua qu’elle venoit elle mesme en personne à la ceremonie et que le pape n’estoit là present que par son legat, qu’on devoit faire une grande difference entre la chose mesme ou une chose representée, et que si la representation avoit lieu, il falloit de necessité que les rois donnassent toujours le pas et la main chez eux, et aux legats et aux ambassadeurs de testes couronnées.
Ces raisons firent croire que l’honneur d’imposer le nom à monseigneur le [f. 72] Dauphin luy devoit appartenir, mais la consideration que le Roy eut pour le pape fit que la reine d’Angleterre se dispensa de s’y trouver.
La princesse de Conty arrivant dans l’appartement de Monseigneur, Monseigneur fit quelques pas pour aller au devant d’elle.
Le Roy avoit nommé quelques evesques par lettres de chachet pour aller visiter en mantelet le cardinal legat. Ces evesques estans assemblez chez le comte du Lude avec leurs confreres qui estoient venus simplement pour se trouver à la ceremonie du palc, leurs demanderent advis de ce qu’ils avoient à faire, pretendant que les droits les plus essentiels de l’episcopat estoient violez en cette occasion.
La chose examinée, les evesques resolurent, apres avoir fait lire les lettres de cachet escrites aux evesques nommez, que les archevesques de Sens et de Bourges iroient sur l’heure mesme trouver le Roy pour le supplier tres humblement de trouver bon [f. 72v] qu’aucun evesque ne visitast le cardinal legat en cet habit.
Le Roy leur avoit marqué par sa lettre qu’il ne souhaitoit pas qu’ils en usassent autrement que leurs predecesseurs en avoient usé au baptesme du feu roy. Les registres conservez dans la biblioteque royalle faisoient foy que le cardinal de Joyeuse, nommé du Pape pour parain, n’avoit point esté visité par aucun evesque ny mesme accompagné d’aucun, mais que les evesques l’avoient attendu dans la chapelle avec les cardinaux.
Les archevesques furent priez encore de luy representer que les exemples de ce qui s’estoit fait aux entrées des cardinaux Barberins et Chisy, legats, ne pouvoient tirer à consequence, parce que les evesques qui avoient paru avec le mantelet et le chapeau l’avoient pris comme un habit de cheval qu’ils avoient quitté mettant pied à terre, et s’ils portoient le mantelet dans cette visite, c’estoit approuver la pretention de la [f. 73] cour de Rome sur les evesques que toute jurisdiction doit cesser en presence des legats du Pape, ce qui estoit entierement opposé aux libertez de l’eglise gallicane.
Ces deux archevesques allerent trouver le Roy au chateau neuf, dans la chambre de monseigneur le Dauphin, où l’archevesque de Sens, portant la parole, luy representa les raisons qu’on vient de dire. Le Roy leur dit qu’il ne souffriroit pas qu’ils receussent aucune diminution durant son regne, et qu’il n’avoit point dessein d’obliger les evesques à faire des choses qui marquassent que leur jurisdiction cessast en presence des legats du Pape, mais il leur temoigna que, la ceremonie devant commencer sur l’heure mesme, il estoit difficile de changer ses ordres, que les prelats nommez pourroient rendre une visite particuliere au cardinal legat en mantelet sans paroitre en public en cet habit et que cette visite estant un compliment de particuliers seulement ne pourroit estre prise pour une chose faite au nom et par le clergé de France.
[f. 73v] L’archevesque de Sens supplia le Roy de trouver bon qu’il parust sur le registre du sieur Sainctot que la visite ne s’estoit faite qu’à cause de l’embarras present, sans qu’elle pust tirer à consequence à l’advenir, ce que le Roy luy accorda.
Ces evesques nommez vinrent en mantelet faire leur visite au cardinal, logé au château vieux, d’où il partit incontinent apres l’avoir receu pour se rendre au château neuf où, estant adverty par le sieur Sainctot qu’il estoit temps de venir chez monseigneur le Dauphin, il y vint accompagné de son cortege.
Monseigneur le receut comme il venoit de recevoir la princesse de Conty. Tout estant en estat,
La marche se fit en cet ordre :
Les archers du grand prevost, tous tenans un flambeau de cire blanche à la main, leurs officiers à la teste sans flambeau
La compagnie des Cent Suisses de la garde du Roy ayans tous un flambeau de [f. 74] cire blanche à la main, leurs officiers à la teste
Les tambours et les trompettes de la chambre
Les gentilshommes servans, tous vetus de noir et en manteau, ayant un cierge à la main
Les gentilshommes ordinaires, tous vetus de noir et en mateaux, ayans un cierge à la main
Six heros ayans leurs caducées à la main, vetus de leurs cottes d’armes
Le roy d’armes
L’huissier de l’Ordre, vetu de son habit de l’Ordre
Les heros d’armes de l’Ordre, vetu de mesme
Le tresorier, seul, vetu de son habit de l’Ordre, le prevost, le greffier et le chancelier ne s’estans point trouvez à la ceremonie
Les chevaliers du Saint Esprit, vetus de leurs habits à chausses retroussées à bas d’attache avec leurs manteaux de l’Ordre, où leur collier de l’Ordre estoit attaché, tenans tous un cierge à la main
Aux dernieres ceremonies des baptesmes des dauphins de France, les chevaliers n’avoient [f. 74v] point paru en cet habit de ceremonie, mais dans des occasions comme celle cy, on doit toujours chercher ce qui est plus convenable et ce qui va plus à la grandeur et à la pompe d’une ceremonie.
Le roy voulut bien souffrir, parce qu’on n’avoit point plancheyé le chemin d’une toise et demy ou environ de largeur comme on le devoit faire pour la commodité de la marche depuis le château neuf jusques au château vieux, que le tresorier de l’Ordre et les chevaliers du Saint Esprit eussent des gens de livrées pour porter la queue de leurs manteaux, les princes de sang et Monsieur eussent des gentilshommes, car dans les ceremonies des chevaliers du Saint Esprit, les Enfans de France ne sont pas mesme en cette possession d’avoir des porte queues.
Dans cette marche, les chevaliers ducs et pairs allerent les premiers, selon le rang de la creation de leur duché, c’est-à-dire plus prez de la personne de monseigneur le Dauphin, quoiqu’inferieurs en reception de chevaliers.
[f. 75] Apres les chevaliers, le comte de Clermont marchoit avec sa gouvernante. Il portoit le cierge et estoit vetu d’une robe de couleur, à cause de son bas aage.
Le prince de Conty suivoit, vetu de noir et en manteau, portant le cremeau et la saliere.
Le duc d’Enguien, vetu de son habit de l’Ordre, ayant le collier dessus son grand manteau, portoit le bassin et l’aiguiere. La queue de son manteau estoit portée par le sieur Briole.
Le prince de Condé portoit la serviette. Il estoit vetu de son habit de l’Ordre, ayant le collier dessus son grand manteau dont la queue estoit portée par le sieur de Saint Marc.
Les sieurs de Coaslin, de Noailles, de la Ferté, de Roquelaure, de la Vieville, de Grancey, de Clerambault, de Crequy, de Gesvres, de Belfond, d’Humieres, de Gordes, de Richelieu, de Tonnerre, de Matignon, d’Estrees, de Polignac, les trois enfans d’honneur de Monseigneur, Vitry, l’abbé d’Estrées et Bellemarre marchoient sans rang entre eux immediatement devant Monseigneur.
[f. 75v] Ces jeunes enfans, aagez de huit à dix ans, au nombre de vingt, estoient vetus tous d’une mesme parure. Ils avoient des habits de toile d’argent à chausses retroussées coupéespar des bandes garnies de dentelles d’or et d’argent avec un agreement au milieu des bandes d’or et d’argent et incarnat. Le pourpoint estoit de toile d’argent tout couvert de dentelles, les manches coupés par bandes, le capot, de toile d’argent chamarré d’une dentelle d’or et d’argent et melé d’incarnat, estoit doublé de toile d’argent et incarnat. Ils avoient une toque de velours noir avec des plumes incarnates et blanches.
Ensuite venoit monseigneur le Dauphin, vetu d’un habit de brocard d’argent à chausses retroussées, coupées par bandes garnies de dentelles d’argent.
Son manteau estoit de brocard d’argent couvert de dentelle d’argent doublé d’hermine. La queue du manteau de huit aunes de long estoit portée par le duc de Mercoeur, vetu de noir et en manteau. Monseigneur avoir aussy une toque de brocard d’argent [f. 76] avec des plumes blanches.
Monsieur, vetu de son habit de l’Ordre, ayant un collier dessus son grand manteau, dont la queue estoit portée par le comte du Plessis, son premier gentilhomme de la chambre, conduisoit Monseigneur, luy tenant la main gauche.
A droit et à gauche de Monseigneur marchoient le chevalier de la Hilliere, lieutenant des gardes du corps, et le sieur de la Serre, enseigne des gardes, tous deux commis à sa garde.
Monsieur n’avoir derriere luy que le sieur de Rocheplate, son lieutenant des gardes, parce que le comte de Clerc, capitaine de ses gardes, marchoit en rang de chevalier.
A costé droit de Monseigneur, un pas en arriere, estoit le duc de Crequy, premier gentilhomme de la chambre du Roy, choisy pour porter Monseigneur en cas de besoin pendant la marche. [f. 76v] Il estoit vetu de noir et en manteaux à cause de sa fonction, quoiqu’il fust chevalier de l’Ordre.
La marechalle duchesse de la Motte, gouvernante des Enfans de France, estoit derriere Monseigneur, le plus prez que faire se pouvoit. Elle avoit pour escuyer le sieur de Servac, son neveu. La queue de la robbe de la marechale estoit portée par un valet de livrée par la raison que l’on vient de dire de l’incommodité de la marche.
Le comte d’Agein, fils ainé du duc de Noailles, receu en survivance de capitaine des gardes du corps, faisant la charge de capitaine, marchoit derriere la marechale.
Venoit ensuite le cardinal legat et parain, en bonnet quarré. Il estoit vetu de sa casaque, dont la queue estoit portée par le comte de Saint Aignan, à la priere du cardinal et non par ordre du Roy. L’usage des princes cardinaux est de se faire toujours porter la queue par leur capitaine des gardes et non par un maitre de chambre comme les autres cardinaux font ordinairement. Cependant, [f. 77] le cardinal legat sceut employer une personne de la premiere qualité, qui apparemment voulut bien faire cette fonction pour faire honneur à son parent.
Le legat avoit à main droite son cortege, composé des officiers employez à la legation et de son porte croix.
A main gauche du legat, estoit la princesse de Conty, marreine, ayant pour escuyer le comte d’Arsy.
Elle estoit vetue de noir, comme veuve, ayant une mante dont la queue trainante de quatre aunes estoit portée par la marquise de Gamache, sa dame d’honneur. Si la reine fust venue en personne, le cardinal legat auroit marché immediatement devant Monseigneur et la reine apres Monseigneur : c’estoit un accomodement qu’on avoit trouvé.
La princesse de Conty pouvoit avoir l’bhonneur d’avoir la queue de sa mante portée par sa dame d’honneur, quoique les autres princesses du sang n’eussent que des gentilshommes, parce qu’elle representoit la [f. 77v] reine d’Angleterre, à l’exemple des princesses du sang que la Reine envoye jetter de l’eau benite sur le corps d’une princesse du sang morte : c’est toujours la dame d’honneur de la Reine qui porte la queue de la robe de la princesse.
Derriere le parain et la marreine marchoit Mademoiselle, menée par le chevalier de La Rochefoucault.
Elle estoit, à cause de son bas aage, vetue de couleur, sa robe couverte de dentelle d’or et d’argent dont la queue trainante de quatre aunes etoit portée par le chevalier du Plessis Praslin.
On mit en question quelle place estoit la plus honorable, de porter la queue ou de donner la main. Si on y eust bien songé, il n’y auroit pas eu de differends advis sur cela : la charge de porte queue chez la Reine est une des moindres charges de sa maison. Il est vray que les princesses du sang porterent la queue du manteau royal au mariage de la Reine, mais c’estoit un manteau royal et Monsieur donnoit la main à la Reine. Cet exemple, que le sieur [f. 78] Sainctot allegua, fit naitre aux princesses la pensée de demander des dames pour porter la queue de leurs robes. Elles disoient que, pusqu’elles portoient la queue du manteau de la Reine, elles devoient donc avoir des femmes de qualité plutost que des hommes. Mais il leur dit que la Reine avoit sa dame d’honneur qui luy portoit la queue de sa robe aux ceremonies ordinaires, et qu’il falloit de necessité une distinction entre la Reine et elles.
Derriere Mademoiselle estoit madame de Saint Chaumont, sa gouvernante, qui n’avoit ny escuyer ny porte queue.
Mademoiselle d’Orleans, menée par son premier escuyer. La queue de sa robe, trainante de quatre aunes, estoit portée par le chevalier d’Humieres.
Madame de Guise avoit pour escuyer le comte de Sainte Mesme, chevalier d’honneur et premier escuyer de madame douairiere d’Orleans, sa mere. La queue de sa robe, trainante de quatre aunes, estoit portée par le sieur de Saint Remy, premier escuyer de la mesme princesse [f. 78v] douairiere.
La princesse de Condé, menée par le comte de Lussan, premier escuyer du prince de Condé. La queue de sa robe, trainante de quatre aunes, estoit portée par le sieur Desroches, capitaine des gardes de ce prince.
La duchesse d’Enguien, que le comte de Moreuil Comeny, premier escuyer du duc d’Enguien menoit. La queue de sa robe, trainante de quatre aunes, estoit portée par le baron de Rivieres.
Les evesques commandeurs, vestus de violet, se mirent dans la marche derriere les princesses du sang. Ils avoient voulu suivre immediatement apres les chevaliers du Saint Esprit, mais les chevaliers s’y opposerent, ne voulant point estre separez des princes du sang. Comme les evesques commandeurs virent qu’ils ne pouvoient reussir pour estre apres eux, ils demanderent au moins qu’ils pussent estre immediatement derriere Monseigneur, puisqu’aux processions et aux marches que l’Ordre fait, ils marchent apres la personne du Roy. [f. 79] Les princesses du sang s’opposerent à cette nouvelle pretention, par la raison que le sang n’est jamais separé.
Le Roy, apres avoir separement ouy les uns et les autres, il ordonna que les evesques commandeurs marcheroient apres les princesses du sang.
Enfin, les dames d’honneur des princesses, accompagnées des filles d’honneur, suivirent.
La marche fut fermée par soixante gardes du corps qui tous tenoient des flambeaux de cire blanche à la main.
Les archers du grand prevost, arrivant à la porte du vieux château, s’y arresterent parce qu’ils n’entrent jamais dans l’eglise et la cour du vieux chasteau en servoit.
Les Cent Suisses entrerent dans la cour et se placerent en haye jusques au bas des degrez du palc.
Les tambours et trompettes à gauche [f. 79v] en entrant au palc, dans un espace vuide pour eux.
Les gentilshommes servans et les gentilshommes ordinaires se mirent à main droite sur un banc.
Les heros et roy d’armes demeurerent debout sur le palc, proche des tables, dans un espace vuide preparé à droit pour eux.
L’huissier et ce heros d’armes de l’Ordre, en entrant sur le palc, firent ensemble leurs reverences, une à l’autel, une au Roy, une à la Reine, et s’allerent mettre debout pres de leur forme en attendant que les chevaliers eussent pris leurs places.
Le tresorier de l’Ordre fit sa reverence à l’autel, au Roy et à la Reine, quoiqu’ils n’eussent point pris de seance, estant en un balcon pour voir la ceremonie.
Les chevaliers du Saint Esprits firent, entrant sur le palc, deux à deux, leurs reverences puis, se separant, les uns se mirent à droit à leur seance sur un banc posé au dessous du Conseil, et les autre se mirent à gauche au dessous du banc des secretaires d’Estat. [f. 80] Si la ceremonie se fut passée en une eglise, les chevaliers eussent esté aux hautes chaires du chœur et le Conseil sa seance ordinaire.
Le comte de Clermont, portant le cierge, salua l’autel, le Roy et la Reine.
Le prince de Conty, arrivant au palc, alla poser le cremeau et la saliere sur la table des pieces d’honneur de monseigneur le Dauphin qui estoit placée à gauche, vint ensuite faire ses reverences et sa plaça à gauche.
Monsieur le Duc alla poser le bassin et l’aiguiere sur la table placée à main droite pour servir aux honneurs du parain et de la maraine, vint faire ensuite ses reverences et sa plaça à gauche. Le prince de Condé, apres avoir posé la serviete sur la mesme table, vint faire les reverences et se plaça à gauche, laissant la main droite aux princesses.
Les enfans d’honneur se mirent autour des fonds, sur la premiere marche. Monseigneur le Dauphin accompagné de Monsieur firent conjointement la reverence à l’autel, une au Roy, une à la Reine, sans que Monsieur [f. 80v] quittast la main de Monseigneur.
Ensuite, le cardinal legat et la princesse de Conty firent ensemble les reverences que Monsieur venoit de faire.
Les princesses du sang firent les reverences les unes apres les autres.
Les evesques commandeurs firent leurs reverences deux à deux et s’allerent placer avec les evesques qui avoient leurs seances proche l’autel.
Ce qu’estant fait, on apporta un carreau de brocard d’argent à monseigneur le Dauphin pour s’agenouiller, qu’on posa au pied de la premiere marche où les fonds estoient.
Monsieur se mit à main gauche, un peu à costé de Monseigneur. On luy donna un carreau qui fut placé vis-à-vis le milieu du carreau de Monseigneur.
Ensite, le cardinal legat et la princesse de Conty se mirent immediatement derriere Monseigneur, ayant des carreaux devant eux.
[f. 81] Derriere le legat, vers l’entrée du palc, les princesses selon leur rang, ayant toutes des carreaux à leurs pieds.
Derriere la princesse de Conty, mareine, les princes du sang selon leur rang, ayant des carreaux.
Le duc de Mercoeur fut placé à cosé des princesses et, vis-à-vis de luy, le duc de crequy et la marechalle de la Motte, un peu eloignée de Monseigneur. On leur donna aussy des carreaux à cause du titre de duc et de duchesse.
Les dames d’honneur s’arresterent à l’entrée du palc, à droit avec les filles d’honneur.
Mais affin de faire mieux entendre toutes les seances, on a trouvé plus à propos d’en dresser le plan.
[f. 81v : vide]
[f. 82] Dans le temps que la musique de la Chapelle commença le Veni Creator, monseigneur le Dauphin, Monsieur, tous les princes et toutes les princesses se mirent à genoux. Estant à moitié dit, le sieur Sainctot alla à l’autel avertir le cardinal Antoine, grand aumonier de France, qui s’estoit rendu avant l’arrivée de Monseigneur, d’approcher des fonds. Il estoit assis sur un siege qu’on nomme en Italie talsistorio, à quatre piliers elevés et sans aucun dossier.
L’evesque d’Orleans, premier aumonier, en chape et en mitre, tous les aumoniers du Roy, en camail, et six evesques, en chapes et en mitres, l’accompagnerent.
L’evesque d’Orleans et les aumoniers eurent la main droite sur les evesques en allant au palc, mais estants tous arrivé à l’autel, les aumoniers ne purent conserver leur advantage car, le cardinal s’estant assis le dos tourné à l’autel, les evesques se trouverent à le droite du cardinal et s’y trouverent aussy lorsqu’ils l’accompagnerent allant aux fonds.
[f. 82v] Les evesques, comme assistans, n’eurent point de sieges parce qu’ils ne faisoient aucune fonction.
Le cardinal, estant adverty, vint par delà les fonds comme s’il eust receu un catecumene. Son siege y fut placé, quoiqu’il ne deust faire aucune fonction assis.
Alors Monsieur, les princesses et les princes couronnerent Monseigneur et s’en approcherent.
Le cardinal demanda à monseigneur le Dauphin ce qu’il vouloit, Monseigneur luy dit : le baptesme. Apres quoy ce cardinal demanda au cardinal legat, parain, et à la mareine le nom, et le parain donna celuy de Louis.
Pendant ce temps là, la duchesse d’Enguien alla à la table des honneurs de Monseigneur et donna au prince de Conty, qui la suivoit, le sel et le cremeau pour les porter aux fonds. Elle avoit receu ces pieces d’honneur du sieur Duché, intendant et controlleur général de l’Argenterie.
[f. 83] La musique de la Chambre chanta un cantique mis en musique par le sieur Leully, intendant de la musique de la Chambre, dont voicy les paroles :
Canticum
In baptismo Delphini
Plaude Laetare Gallia
Rore coelesti rigantur Lilia
Plaude Laetare Gallia


Sacro Delphinus
Fonte Lavatur
Et Christianus
Christo dicatur


O Jesu vita credentium
Exaudi vota precantium
Vivat, Regnet Princeps fidelis
Semper justus


[f. 83v] Semper victor Semper Augustus
Vivat regnet triumphet in coelis
Et AEterna
Luceat corona
Version des paroles du cantique pour le baptesme :
France, redoublés vos plaisirs
Le ciel répond à vos desirs
Et de vos jeunes lis la fleur est arrosée
D’une sainte rosée
France, redoublés vos plaisirs


Le Dauphin est lavé dans une onde sacrée
La race tres chrestienne à Christ est consacrée


O grand Dieu, l’espoir des croyans
Que votre pieté nous entende
Et de ces peuples supplians
Exaucez la juste demande
Qu’il vive, qu’il regne à son tour
Toujours vainqueur, toujours auguste
Toujurs fidele et juste


[f. 84] Qu’il vive, qu’il regne à son tour
Qu’il triomphe au ciel quelque jour
Et qu’à jamais sa teste s’environne
D’une immortelle et brillante couronne
La ceremonie du baptesme finie, le cardinal grand aumonier retourna à l’autel assisté de tout le clergé, des evesques et des aumoniers du Roy.
Les heros d’armes crierent à haute voix par trois fois : Vive monseigneur le Dauphin nommé Louis.
Les tambours et les trompettes se mirent à jouer cent fanfares.
Les heros jetterent des medailles où, d’un costé, le portrait de monseigneur le Dauphin estoit, et, de l’autre, une devise au sujet du baptesme.
La duchesse d’Enguien vint à la table des honneurs du parain et de la maraine, suivie du prince de Condé et du duc d’Enguien, [f. 84v] à qui elle donna l’aiguiere et le bassin, et au prince de Condé la serviete.
Le duc d’Enguien donna à laver au parain et à la maraine, qui estoient demeurez aux fonds, et le prince de Condé leur donna la serviete. Apres quoy les princes retournerent poser sur la mesme table ces pieces d’honneur, les remettans entre les mains de la duchesse d’Enguien.
La ceremonie finie, on s’en retourna au château neuf, dans l’appartement de monseigneur le Dauphin, dans le mesme ordre qu’on estoit venu.
Les chevaliers du Saint Esprit ne firent aucune reverence, parce que tout le monde avoit occupé le lieu où d’abord en arrivant ils l’avoient faite, mais depuis les fonds tirant vers l’autel, il y eut un espace vuide qui donna lieu aux princes et princesses de faire leurs salutations.
Le comte de Clermont salua l’autel, le Roy et la Reine, ensuite le prince de Conty, le duc d’Enguien et le prince de Condé firent les memes saluts.
[f. 85] Monseigneur le Dauphin et Monsieur firent ensemble leurs reverences, et les princesses selon leur rang.
Les evesques commandeurs suivirent la marche et reconduisirent Monseigneur.
Ce mesme soir, le Roy donna à souper au cardinal legat et à la princesse de Conty. La table estoit en equaire, le Roy estant assis au milieu de la table, la Reine à sa gauche, sous un dais spatieux.
Le cardinal legat à main droite à deux places de distance du Roy, et la princesse de Conty à main gauche à deux places de distance de la Reine. Le cardinal eut un fauteuil comme legat et la princesse de Conty un siege ployant.
Sur le retour de la mesme table, qui faisoit l’equaire, les princesses qui avoient servy à la ceremonie y mangerent, au nombre de quatre seulement parce que Mademoiselle estoit trop jeune pour souper si tard.
Le Roy et la Reine furent servis par [f. 85v] leurs grands officiers.
Le comte de Cossé servit de grand pannetier.
Le marquis de Crenan de grand eschanson.
Et le marquis de Charost, en l’absence du marquis de Vandeuvre, servit de grand escuyer tranchant, ayans tous la serviette sur l’epaule.
Le cardinal legat eut pour le service à table le comte de Saint Aignan et le comte de Nanteuil, petit fils du duc d’Estrees, parce que le cardinal legat de Joyeuse, en pareille occasion, eut deux fils de ducs.
La princesse de Conty et toutes les princesses eurent des gentilshommes servans pour les servir à table.
La seance estoit en cet ordre :
[vide]
[f. 86] Si la reine d’Angleterre fut venue en personne tenir sur les fonds monseigneur le Dauphin, un des grands officiers cy dessus nommé l’auroit servy. La place de la reine eust esté entre le Roy et la Reyne, parce que le Roy luy a toujours donné la main partout où il s’est trouvé avec elle, que si elle se fut mise à main droite du Roy, elle eut la main sur le cardinal, et pour l’honneur qu’on vouloit rendre au Pape, on trouva plus expedient qu’elle envoyast la princesse de Conty avec laquelle le cardinal n’avoit rien à demeler.
Le duc d’Enguien, comme grand maitre de la maison du Roy, donna au Roy et à la Reine la serviete à l’entrée de table et à la sortie.
Le marquis de Bellefonds, premier maitre d’hostel, la donna au cardinal à l’entrée, parce qu’il l’avoit donnée au cardinal Chisy au souper que le Roy luy fit, neantmoins il y avoit cette difference à faire qu’au cardinal Chisy, c’avoit esté le controlleur general qui l’avoit servy et qu’à celuy cy c’estoient des fils de ducs qui le devoient servir, mais parce que le marquis de Bellefonds avoit fait cette fonction, il [f. 86v] crut ne pas devoir ceder à des personnes qui ne pouvoient, ny par leur rang ny par leur qualité, luy enlever le service. Cependant, sur la fin du repas, il se retira et laissa au comte de Saint Aignan de donner la serviete.
Le comte de Saint Aignan et le comte de Nanteuil servirent le legat sans chapeau, la serviete sur le bras
Monsieur ne fut point du souper, parce qu’il n’a jamais de fauteuil en presence du Roy et que le cardinal en avoit un.
La princesse de Conty ne fut point distinguée des autres princesses.
Les maitres d’hotel de quartier furent à la viande que les valets de pied et les Cent Suisses porterent.
Le lendemain, le cardinal legat eut son audience de congé. Il fut receu par le Roy et la Reine et par monseigneur le Dauphin de la mesme manière qu’il avoit esté la veille de la ceremonie du baptesme.
[f. 87] Le Roy le traita trois jours durant et toute sa maison qu’on logea aussy par fourriers. »

Récit par le maître des cérémonies Nicolas Sainctot de la réception du dauphin dans l’ordre du Saint-Esprit au Château-Vieux

« [f. 209] Ceremonies observées lorsque le Roy fit monseigneur le Dauphin chevalier du Saint Esprit, 1682
Le premier jour de l’an, le Roy voulut conferer l’ordre du Saint Esprit à monseigneur le Dauphin. Il luy avoit envoyé en naissant le cordon et la croix du Saint Esprit, suivant en cela l’usage qui se pratique pour tous les Enfans de France, mais ces marques exterieures ne l’agregeant point à l’ordre, il le fit chevalier dans toutes les formes.
Ce mesme jour, monseigneur le Dauphin fit ses devotions de grand matin et communia par les mains du cardinal de Bouillon, grand aumosnier de France et grand aumosnier des ordres du Roy. Ensuitte, il vint chez luy se vestir de l’habit de novice, scavoir d’un pourpoint de toile d’argent, de chausses troussées de toile d’argent et de bas de soye de gris de perle, se chaussa d’escarpins de toile d’argent, avec des mules de velour noir, prit un capot [f. 209v] de velours noir doublé d’une toile d’argent, et mit une tocque de velour noir avec le bord retroussé d’un bouquet de plusieurs plumes blanches, au milieu desquelles estoit une egrette d’heron. Et à cet habit, qui est l’habit ordinaire des novices, il avoit fait ajouter des diamans en plusieurs endroits.
Sur les dix heures, monseigneur le Dauphin, precedé du sieur de Mesme, prevost et grand maistre des ceremonies de l’ordre, se rendit dans l’appartement du Roy. Le Roy aussytost fit entrer dans son cabinet les commandeurs et les officiers de l’ordre, où, selon les formes ordinaires, on arresta que monseigneur le Dauphin seroit receu chevalier.
Après une deliberation, monsieur le Duc, nommé pour parrain de Monseigneur, le conduisit dans le cabinet du Roy. Le grand maistre des ceremonies, le herault et l’huissier marchand devant luy.
Monseigneur, s’estant approché du Roy, se mit à genous sur un carreau pour recevoir l’ordre de Saint Michel, qu’il faut recevoir avant que d’entrer en celuy du Saint Esprit. Alors le Roy tira son espée et luy en donna un [f. 210] coup sur chaque epaule en disant : par saint Geroges et par saint Michel, je te fais chevalier. On employe le nom de saint Georges avec celuy de saint Michel parce que saint Georges est l’ancien patron des chevaliers.
Cette ceremonie finie, on marcha à la chapelle du viel chasteau en cet ordre :
L’huissier de l’ordre
Le herault de l’ordre
Le grand maistre des ceremonies, ayant à sa droite le marquis de Seignelay, grand tresorier de l’ordre, et à sa gauche le marquis de Chasteauneuf, secretaire de l’ordre.
Ensuitte marchoit seul le marquis de Louvois, chancelier de l’ordre.
Après quoy venoient les commandeurs, deux à deux, en cet ordre :
A droit estoient :
Le marquis de Gamache
Le marquis de Beringhen
Le duc de Saint Agnan
Le duc de Crequy
Le duc de Luynes
Le duc de Saint Simon
A gauche estoient :
Le marquis de Bethune
[f. 210v] Le duc de Montausier
Le duc du Lude
Le mareschal de Nouaille
Le duc de Chaulnes
Le duc d’Anguien seul
Monsieur seul
Monseigneur le Dauphin seul
Deux huissiers de la chambre du Roy portant leurs masses precedent le Roy.
Le Roy
A sa gauche, un peu devant, le marquis de Tilladet, capitaine des Cent Suisses
A sa droite, un peu derriere, le grand aumosnier en camail et en rochet
Le duc de Noailles, capitaine des gardes, derriere le Rot, ayant à sa droite le duc d’Aumony, premier gentilhomme de la chambre, et le duc de de la Rochefoucault, grand maistre de la garde robe, à sa gauche.
Le Roy passa par la salle des gardes, par le grand escallier, et par la cour du château. Les gardes du corps estoient en haye et sous les armes dans tous ces lieux, et les Cent Suisses aussy, dont les tambours battirent jusques à ce que il fut en sa place dans la chapelle.
Le Roy, apres avoir salué l’autel, se plaça dans son fauteuil posé sur le [f. 211] marchepied de son prie Dieu. Monseigneur le Dauphin se mit à droit sur un siege playant, Monsieur à sa gauche sur un siege playant, et monsieur le Duc hors du marchepied, sur un siege playant, les chevaliers à droit et à gauche sur des bancs.
Les officiers qui estoient demeurez debout à droit, proches leurs places, s’advancerent au milieu de la chapelle, saluerent l’autel et le Roy, puis, se tournant, saluerent la Reine qui estoit dans une tribune pour voir la ceremonie. Ensuitte, ils saluerent les chevaliers à droit et à gauche. Ce qu’estant fait, ils vinrent s’assoir sur des escabaus posés à droit, celuy de l’huissier vers l’hautel, celuy du herault un peu plus esoigné de l’autel, ceux du grand maistre des ceremonies, du grand tresorier et du secretaire de l’ordre sur une mesme ligne en s’aprochant du Roy, et celuy du chancelier plus pres de sa personne.
Ces saluts estoient inutils en ce temps là. Il faloit qu’après les avoir faits, il [f. 211v] s’ensuivit quelque action de ceremonie. Mais d’attendre que tout le monde soit entré pour le saluer, voilà ce qui me parroist à contre temps. Les officiers devoient, en entrant dans l’eglise, saluer le saint sacrement, c’est un respect qu’on luy doit, saluer la chaise du Roy, on salue son lict et celuy de la Reyne en entrant dans leurs chambres, et ils devoient ensuitte saluer la Reyne.
L’archevesque d’Auch, vestu pontificalement, vint s’agenouiller au pied de l’autel, d’où il commença le Veni Creator que la musique de la Chapelle continua.
A la fin de l’hymme, ce prelat salua l’autel, donna de l’eau benite au Roy, et commença ensuitte la messe.
A l’offerte, les officiers firent les mesmes saluts qu’ils avoient desja faits et, s’estant rangés, le grand maistre des ceremonies alla advertir le Roy par un salut particulier de venir à l’offrande. Il en fit un aussy à monseigneur le Dauphin, et un à Monsieur, pour les advertir d’accompagner le Roy.
[f. 212] Le Roy, s’estant aproché des marches de l’autel, baisa la patene et offrit le cierge que monseigneur le Dauphin lui presenta, et les ecus d’or que Monsieur luy donna, Monseigneur et Monsieur ayant receu des mains du grand maistre des ceremonies le cierge et les ecus d’or, dont le nombre est tousjours egal à celuy des années du Roy.
Après l’offrande, le Roy, retournant à son prie Dieu, fit un salut à l’autel, un à la Reine, et un de chaque costé pour les chevaliers.
A l’Agnus Dei, le grand aumosnier presenta au Roy la Paix à baiser, que le soudiacre luy apporta.
Sur la fin de la messe, les officiers firent ensemble les reverences, et le grand maistre des ceremonies fit un salut particulier au Roy pour l’advertir de se rendre au trosne qu’on luy avoit preparé à gauche, proche l’autel du costé de l’evangile.
Le Roy sortit de sa place, fit les [f. 212v] saluts, alla au trosne precedé des officiers de l’ordre et suivy du capitaine de ses gardes, du premier gentilhomme de sa chambre et du grand maistre de la garderobe, s’asit dans son fauteuil sous un dais et mit son chapeau.
Le grand aumosnier se mit derriere le Roy, le chancelier à droit avec le livre des Evangiles, le grand tresorier à costé du chancelier tenant le colier de l’ordre et le cordon bleu, le secretaire de l’ordre à gauche du Roy avec l’acte de serment, le herault et l’huissier au bas des marches du trosne.
Pendant que ces officiers prenoient leurs places sur le trosne, le grand maistre des ceremonies salua monseigneur le Dauphin pour luy marquer qu’il estoit temps de s’aprocher du Roy, Monsieur en particulier et monsieur le Duc pour les advertir tous deux d’accompagner Monseigneur.
Monseigneur le Dauphin, Monsieur et monsieur le Duc firent [f. 213] les reverences, s’approcherent du Roy. Monseigneur se mit à ses pieds sur un carreau de velour violet, Monsieur et monsieur le Duc se tenant debout à droit et à gauche, et le grand maistre des ceremonies prenant sa place à gauche, entre le Roy et le secretaire de l’ordre.
Le Roy, ayant pris du chancelier le livre des Evangiles, monseigneur le Dauphin mit la main dessus le livre, receut en mesme temps le serment, qu’il signa, la plume et l’acte de serment luy ayant esté presentés par le secretaire de l’ordre. Ce qu’estant fait, le sieur Gitonneau, premier valet de garderobe, estant de service aupres de monseigneur le Dauphin, luy osta le capot et le Roy luy mit le cordon bleu en luy disant : Recevés de notre main le colier de notre ordre du benoist Saint Esprit, au nom du père, du fils et du saint Esprit, et il luy mit le manteau et le colier de l’ordre.
Cette ceremonie finie, monseigneur [f. 213v] le Dauphin, se relevant, salua le Roy, demeura proche de luy, et les officiers descendirent de leur place, saluerent l’autel, le Roy, la Reine et les chevaliers. Alors, on commança à marcher dans l’ordre qu’on avoit gardé en venant et l’on alla dans l’appartement du Roy où, monseigneur le Dauphin l’ayant laissé, il retourna dans le sien precedé du grand maistre des ceremonies, du herault de l’ordre et de l’huissier de l’ordre. »

Récit par le maître des cérémonies Nicolas Sainctot de l’audience donnée par le roi à Saint-Germain-en-Laye à l’ambassadeur du roi du Maroc

« [f. 213v] Audience donnée à Saint Germain à Hadgi Mehemed Thummin, gouverneur de Thetouen, ambassadeur de Mula Ismaël, roy de Maroc et de Fez, 1682
On douta de la manière dont on recevroit cet ambassadeur. Le premier ordre fut qu’il seroit receu comme les Moscovites [f. 214] l’avoient esté, mais depuis il fut arresté qu’il ne seroit point traité le jour de son arrivée à Paris à l’hostel des Ambassadeurs par un maistre d’hostel ny par les officiers du Roy, qu’il n’auroit point le jour de son audience de marechal de France pour l’accompagner, que le sieur de Bonneuil l’iroit seulement prendre dans les carrosses du Roy et de la Royne, qu’à son arrivée à Saint Germain il trouveroit dans l’avant cour du chasteau les compagnies des gardes françoises et suisses en hayes sans armes, que les gardes de la porte, ceux de la prevosté seroient à leurs postes ordinaires sans armes aussy, les Cens Suisses sur les degrés ayant derriere eux leurs halebardes, les gardes du corps sans armes dans leurs salles et que le capitaine des gardes ne le recevroit point à l’entrée de la salle, ny ne les conduiroit point à l’audience.
Le 4 janvier, le sieur de Bonneuil l’alla prendre à Paris dans les carrosses du Roy et de la Reyne, l’amena à Saint Germain et le conduisit à l’audience. [f. 214v] Le Roy estoit sur l’estrade de sa grand chambre, assis. Voyant l’ambassadeur, il se découvrit et ne se leva point de son fauteuil. L’ambassadeur s’approcha de la balustrade, fit de profonds saluts en la maniare des nations du Levant, et dit :
Empereur de France Louis 14, le plus grand de tous les empereurs et roys chrestiens qui ayent jamais esté et qui seront, l’empereur mon maistre, ayant entendu parler de toutes les grandes actions que Votre Majesté a fait dans l’Europe, comme d’avoir à la teste de ses armées conquis des royaumes, gagné un grand nombre de batailles et comme un lion vaincu tous ses ennemis, portant partout la terreur et l’effroy au travers de toutes sortes de dangers, toutes ses grandes actions ont tant donné d’admiration et d’estime à l’empereur mon maistre pour Votre Majesté qu’il a cru qu’à la conqueste du royaume de Fez, de Marocq, de Ris, des Arbousemes, de Tetouan, de Salé, Descasacq et la [f. 215] gloire d’un grand nombre de batailles, qui l’ont rendu le plus grand et le plus vaillant de l’Afrique, il faloit adjouter, pour le rendre content et glorieux, la paix avec Vostre Majesté. C’est pour cela qu’il m’envoye ambassadeur vous la demander.
La harangue, qu’il fit en arabe, fut interpretée par le sieur Dipy, interprete du Roy. Le Roy y ayant respondu favorablement, l’ambassadeur luy presenta sa lettre de creance, que le Roy remit entre les mains de M. de Croisi. On avoit cru que l’ambassadeur la devoit donner par respect à M. de Croisi qui l’auroit mis ensuitte entre les mains du Roy.
L’audience finie, le sieur de Bonneuil le reconduisit dans la salle de descente, d’où on le vint prendre à l’heure de disner pour le conduire à la table du grand chambellan.
Le cinq, il se rendit chez M. de Croisi, qui avoit esté nommé commissaire avec le marquis de Seignelay. Ny l’un ny l’autre ne luy donnerent la main.
[f. 215v] Ce jour là mesme, sur le soir, il fut conduit à la salle des ballets et vit l’opera d’Atis qu’on representoit devant le Roy. […]
[f. 216] Audience de congé donnée à Saint Germain à l’ambassadeur de Marocq le 10 février 1682
L’ambassadeur fut receu à sa dernière audience comme il l’avoit esté à la premiere. La garde ordinaire du regiment des gardes françoises et suisses estoient sans armes et en haye, comme des gens qui se rangent pour voir passer des [f. 216v] estrangers, et les gardes de la porte, ceux de la prevosté et les Cent Suisses en tocquent de velours occuperent les postes qu’ils prennent ordinairement aux occasions de ceremonies. »

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