Château-Vieux

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  • Histoire des châteaux et des jardins de Saint-Germain-en-Laye

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Récit par Francisco J. Herboso de sa visite à Saint-Germain-en-Laye

« [p. 231] Saint-Germain es una pintoresca pero monótona ciudad de 17.000 almas. No posee más atractivos que el castillo, la floresta, la iglesia y una estatua á Mons. Thiers, el libertador del territorio.
Tiene también su importancia histórica por haber nacido ahí (en el pavillon Henry II) Luis XIV y por ser el lugar del fallecimiento de Thiers.
El castillo, su principal atractivo, fué comenzado por Luis VI, denominado el gordo, quien hizo de él una fortaleza.
Durante las guerras con Inglaterra fué totalmente destruido y Carlos V lo reedificó en 1367.
Puede decirse, sin embargo, que el verdadero fundador es Francisco I, porque á él le tocó
concluirlo.
Pocos palacios han pasado por tantas transformaciones y han sido dedicados á tan diversos usos : fué en su origen, como acabamos de decirlo, [p. 232] fortaleza y en seguida residencia real, asilo de Jacobo II de Inglaterra, escuela de caballería dumnte el primer imperio, penitenciaría militar á principios del segundo y desde 1807 un interesante museo de antigüedades nacionales.
Los tres pisos, pues, están ocupados por el museo.
En el piso bajo encontramos casi todas las copias en yeso y piedra de los grabados del Arco de Constantino en Boma y varias alegorías de Trajano.
En el primero, colecciones y estatuas de piedra, ídolos antiguos, etc.
En el segundo, todos los objetos y armas de las épocas de piedra y fierro, huacas, objetos de vidrio romano, tumbas ó sean cajas cuadradas de piedra, de regular tamaño, en las cuales se depositaban los restos humanos cubiertos con tapas de vidrios.
Finalmente, en el tercero, objetos pertenecientes a los Galos : monumentos, mausoleos con momias y fac-similes de trabajos ejecutados por Julio César durante la campaña de la Galia.
La terraza del castillo domina á París con sus alrededores y goza de una hermosa y pintoresca vista. Ahí principia la gran floresta de Saint-Germain, inferior á la de Fontainebleau, pero mucho más hermosa que la de Montmorency. »

Herboso, Francisco J.

Récit par Francis Hall de sa visite à Saint-Germain-en-Laye

« [p. 211] St. Germain, a tall brick castle, surrounded by a fosse, has a venerable though gloomy aspect : the apartments are small, and for the most part unfurnished, exhibiting only the remnants of magnificence ; but it is not without a feeling of interest we pass through the chambers in which the exiled James spent the last years of his life : the silence and nakedness, both of the castle and town, are in unison with ideas of faded grandeur ; like the character of the fallen monarch, they look monastic, dark and unfortunate. A large town, half inhabited, seldom fails to give birth to melancholy : decay is in all circumstances abhorrent to our feelings, but especially the decay of human society. The principal Restaurateur still exhibits the sign of "The Prince of Wales" ; and feeble as is this record of royalty, it would be difficult to find in any other corner of the world so considerable a mark of respect to the exiled Stuarts. The superb terrace, which bounds the park towards the valley of the Seine, is justly admired [p. 212] for its extent of 7200 fett, and pleasing prospect over Paris and St. Denis. The park contains 8500 acres, and is still stocked with game, for the recreation of the royal family. »

Hall, Francis

Récit par Elie Brackenhoffer de sa visite à Saint-Germain-en-Laye

« [p. 11] Le jeudi 13 octobre, en compagnie de M. Offmülner et de son majordome, ainsi que d’un Suisse, j’ai fait une excursion à Saint-Germain-en-Laye. Nous sommes partis en voiture à 7 heures du matin, et à 10 heures nous sommes arrivés. La journée était belle et claire, mais le vent froid. Le chemin était agréable ; nous y avons vu une grande quantité de villages et de bourgs, qui étaient un charme pour les yeux. Devant Saint-Germain, s’étend une grande île, que le grand chemin traverse, sur plus d’une lieue de long ; des deux côtés il y a des ponts à péage. Cette île, assez vaste (comme on l’a dit) est plein de cerfs, de chevreuils, de lièvres et de lapins ; comme il est interdit, sous les peines les plus sévères, de les tuer ou de leur faire du mal, ils sont si familiers, qu’ils n’ont pas peur des voyageurs ou des passants ; au contraire, ils accourent. Cette île est entourée par la Seine ; elle est pleine d’arbres et de bois, et chaque année, à [blanc, pour la Saint-Hubert], les princes et les plus grands personnages de la cour y font une grande chasse, après laquelle on donne un fin banquet en l’honneur de ce saint, patron des chasseurs. Cette année, Mons. Monbason, grand veneur de France, présenta un cerf, [p. 12] en présence des ducs d’Orléans, d’Anguien et d’autres grands personnages assemblés.
Saint-Germain est un peu sur la hauteur (il faut mettre pied à terre deux fois) ; pour ce motif, il y a une plus belle vue sur la campagne et les localités environnantes que dans toutes les autres résidences royales. Elle est à 4 milles de Paris. On la divise en vieux et nouveau château. Le vieux, bâti par Charles V, et restauré pour la première fois par François Ier, est petit, et tout en brique. Son toit est revêtu de carreaux, presque comme à la Bastille, à Paris ; on peut s’y promener et regarder très loin autour de soi. Sur les cheminées de ce château, on voit partout F.F., ce qui signifie que François Ier l’a restauré. Il est très haut ; il y a 63 appartements, mais pas particulièrement magnifiques. La chambre du roi, où il réside parfois en hiver, paraît un peu sombre ; à ce moment elle n’était pas meublée. On nous a aussi montré la salle où se joue la comédie ; au-dessous de la scène, des deux côtés, on a peint un escalier de six ou huit marches environ avec tant d’art, qu’on s’y trompe, et que nous ne pouvions pas croire qu’il fût peint, avant de nous en être approchés et de l’avoir touché de nos mains.
La cour est presque ovale ; elle est de grandeur moyenne ; à droite de l’entrée, se trouve une chapelle, qui est toute dorée, et décorée à profusion de belles peintures et d’autres ornements. L’autel est orné de colonnes de marbre noir et d’ouvrages dorés. L’orgue, également doré, est superbe et d’un grand prix. Ce château est entouré d’un fossé profond, mais sans eau. Aussi, pour entrer, on passe sur un pont, muni d’un pont-levis.
A gauche du château, il y a un beau parterre, sur lequel [p. 13] donne la chambre du roi, et qui a une belle vue. Au bout de ce parterre, commence un beau parc, un bois, long de deux lieues, dans lequel on peut voir un long jeu de mail, muni de pavillons quarrez en maçonnerie, où l’on peut se reposer ou bien où peuvent se mettre les spectateurs, sans être gênés. Devant le château, il y a une grande et large basse-court, dans laquelle sont les écuries et autres communs. De là, on accède à droite dans une très grande et belle cour, divisée en deux par une cloison, par laquelle nous parvînmes tout droit au château neuf.
Il a été bâti par Henri IV ; il est donc encore assez neuf. On y montre : 1° L’antichambre du roi. 2° Chambre où est mort Louis XIII. 3° Cabinet. 4° Galerie du roi, au haut de laquelle on voit cet emblème : Duo protegit unus, ce qui veut dire qu’il possède à lui seul deux royaumes, la France et la Navarre. Au-dessus de la porte, est représenté le château de Fontainebleau ; des deux côtés, sont très joliment peintes à la détrempe, en assez grande dimension, les villes suivantes : Huy, Venize, Prague, Namur, Mantoua, Aden en Arabie, Compaigne, Heureuse, Sion en Suisses, Moly, Tingu, Stafin en Afrique, Teracina, Ormus en Perse, Bellitry, Werderboch en Westphale, Numegen, avec cette inscription : Ville du fondement de l’empire, car Charlemagne a voulu faire de ces villes des villes impériales. Passau, Mastrich, Thessala Tempe, Florence.
5° L’antichambre de la reine. 6° Sa chambre, dans laquelle est né Louis XIV, le roi actuel. 7° Le cabinet de la reine. 8° Sa galerie, ornée de grands panneaux avec des scènes tirées d’Ovide. Ces appartements sont égaux en dimensions et en beauté ; tous en effet, sont ornés de belles dorures et de sculptures ; égaux aussi en vue, car ils ont la même exposition, étant tous dans le corps de bastiment qui donne sur le jardin. Dans les deux appartements, il y a encore [p. 14] quelques autres pièces pour les officiers et les gardes, dont la Française est d’un côté et la Suisse de l’autre.
Sous la galerie et la chambre du roi, on montre encore quelques chambres basses, ou bien plutôt écuries, dans lesquelles se trouvaient les oiseaux et les quadrupèdes suivants : un castor ; des corneilles des Pyrénées, environ de la grosseur d’un pigeon, tout entières d’un noir intense, comme du charbon ; elles ont des becs rouge sang, et des pattes sans plumes ; des outardes, ou oies sauvages ; des petits chevaliers de la mer, petits oiseaux marins ; un aigle ; un perroquet de toutes les couleurs, extraordinairement grand et beau ; un mouton du pays de More, qui est haut, et qui a un cou et des pattes longs et rudes, un museau pointu ; un mouton turc ; un bouquetin femelle ; le mâle a été détruit après la mort de Louis XIII, parce qu’il avait fait beaucoup de mal et endommagé des gens ; on montre encore ses cornes, elles sont extraordinairement grandes et admirables en cela. La femelle est loin d’avoir d’aussi grandes cornes ; elles sont cependant plus grandes, plus larges et plus incurvées que les ordinaires ; son poil est aussi d’autre couleur que les ordinaires, il est épais, gris et a un aspect bien sauge. Un mouton de la Barbarie, qui a une queue, large en haut presque comme deux mains, et qui par le bas se réduit à rien ; elle n’est pas particulièrement longue, mais elle est épaisse et grasse, et en bas elle est toute blanche et molle de graisse ; il se met à beugler quand on lui tire ou lui prend la queue.
Un chat de l’ile du Canada, autrement dit une civette ; il est beaucoup plus grand qu’un chat domestique, mais il en a presque la forme et le poil. Dans une cour, devant, il y avait beaucoup de canards et d’oies des Indes, une grande quantité de poules d’eau des Indes, quelques cygnes, des faisans et autres gallinacés.
De là, nous sommes descendus dans les jardins, [p. 15] pour voir les grottes. Il y avait à vrai dire cinq grottes naguère, savoir une grotte seiche, dans laquelle on prenait le frais en été et on se garantissait de la grande chaleur ; la grotte de Neptune ; des orgues ; de Persée ; et d’Orphée ; mais il ne reste que les deux dernières, les autres s’étant écroulées en 1643, avec de grands dommages et de grosses pertes, après avoir été bâties à grands frais. Ces grottes passaient, disent quelques-uns, pour supérieures à toutes celles de France, d’Allemagne et d’Italie, mais la plupart affirment qu’elles égalaient celles d’Italie, sans toutefois les surpasser.
Avant que nous visitions les grottes, le fontainier exigea de nous une pistole, pour faire jouer les eaux, sous ce prétexte qu’il était obligé d’y employer 50 torches ; et comme il s’obstinait dans sa prétention, il fallut bien en passer par là, car nous ne voulions pas être privés du meilleur morceau de notre excursion. Dans la grotte de Persée, il y avait, tout à l’entrée, un grand bassin, dans lequel se trouvait un grand dragon ; au-dessus de lui était juché Persée ; sur le côté il y avait une montagne, près de laquelle était sculptée Médée, le tout en cuivre. Persée presque de grandeur naturelle se précipitait de la hauteur vers le dragon, il avait en mains un bouclier et une épée, et quand il fut près du dragon, il donna quelques coups ; [p. 16] le dragon, qui était grand, horrible et épouvantable, se dressa avec un grand fracas, battit des ailes en l’air, ouvrit la gueule et grinça des dents, de si terrible manière, qu’en raison de la soudaineté, on en était presque épouvanté. Le dragon laissa retomber ses ailes, calma sa fureur, et à ce moment l’eau du bassin s’épandit plus abondante, submergeant presque le dragon ; il paraissait mort, et avoir été tué par Persée. Et alors Persée revint à sa place. C’est une belle pièce, qui mérite bien d’être vue.
Dans la même grotte, à gauche, il y a une montagne, où se trouvent quantité de forges, de papeteries et de moulins à blé en bois, qui sont tous mis en mouvement par des appareils hydrauliques. De même, quelques chapelles ou églises, dont l’eau faisait sonner les cloches. Tout cela est très gentil et très beau. Devant cette grotte, l’eau joua aussi comme si de tous les bouts et de tous les coins était tombée une pluie chassée par le vent, de sorte que tous ceux qui ne se retirèrent pas de côté furent complètement trempés.
De là, nous nous rendîmes à l’autre grotte. Dans celle-ci était assis Orphée, presque de grandeur naturelle ; il jouait du violon, remuant les mains et frottant l’archet sur le violon, mais à l’intérieur, par un habile jeu des eaux, une position était introduite qui donnait d’elle-même le ton du violon. Autour, se dressaient beaucoup d’arbres, sculptés en bois, qui remuaient et dansaient ; un rossignol était perché sur un arbre et chantait. Des deux côtés, accoururent toute sorte de bêtes sauvages qui écoutèrent Orphée, puis l’une après l’autre rentrèrent. Un coq d’Inde se tenait non loin d’Orphée, se tournait et se trémoussait, et se posait comme s’il dansait. Un singe était assis, qui portait constamment une pomme à sa gueule. Parmi tout cela, coulaient les rigoles, giclaient les tuyaux venus d’un bassin devant lequel était assis Orphée.
Après cela, dans une grande fenêtre ou trou carré, qui s’étendait loin en arrière en perspective, de toutes parts [p. 17] garnie de lumières, un jeu d’eau produisait l’effet suivant : les sept planètes, faites d’une sorte de bronze et peintes, se mirent en mouvement ; une partie, savoir le soleil, la lune et Mercure en haut, les autres par terre, et il est impossible de voir avec quoi ni comment ils sont tirés. Puis, apparaissent aussi les douze figures du Zodiaque, les quatre éléments. Item, le jeune roi s’avance aussi, avec son frère le duc d’Anjou, escortés par les Suisse. On représente encore la mer, avec ses grandes vagues, et des bateaux qui y naviguent. On représenta également l’enfer, plein de feu, et si artistiquement fait qu’on croit voir tout brûler réellement ; et on y voit des figures représentées par une tête, sur laquelle s’acharne la fureur du feu ; les yeux de cette tête sont rouge feu. Devant l’enfer, se tient Acharon, l’infernal nocher ; un autre tient Cerbère enchaîné.
Il y a aussi une représentation analogue du paradis, et beaucoup d’autres choses, qu’à cause de leur multitude je n’ai pas toutes pu retenir et décrire. Dans cette grotte, à droite, Bacchus est assis sur un tonneau ; il a une coupe en main, si pleine qu’elle déborde, et que l’eau en tombe goutte à goutte.
Il y a aussi les quatre vertus cardinales en marbre blanc ; on dit qu’elles se trouvaient naguère à la pyramide des Jésuites, qui était près du palais.
Ces deux grottes sont carrés, bien voûtés, joliment pavées de petits cailloux vernissés, pour le reste, de toutes parts ornées de coquillages et de toute sorte de colimaçons, ainsi que de cristal, de merveilleuses pétrifications, de minéraux et autres ornements. A remarquer qu’on ne voit pas de murailles ni de mortier, ni sur les côtés, ni en haut. Le pavé (formé, comme on l’a dit, de petites pierres et d’ardoises de dimensions égales) représente des roses et d’autres figures, ainsi que des coquillages et des colimaçons, [p. 18] assemblés non sans un art consommé, et formant toute sorte de dessins.
Quant aux jardins, il semble à vrai dire qu’ils ont dû être superbes et charmants, mais maintenant ils sont à l’abandon ; en effet, dans le voisinage de l’eau, on ne voyait pas trace du moindre canal ; à vrai dire, à en juger par le cuivre, il devait y en avoir cinq ou six, mais ils étaient complètement envahis par la végétation. De même, dans le verger voisin, tout était ravagé et en désordre. Il y a cinq jets d’eau, mais l’eau ne jaillissait pas de tous.
De ces jardins, l’un est plus haut que l’autre : on en a une très jolie vue sur l’île voisine, et par les temps clairs, on distingue fort bien de là Paris et beaucoup de petites villes, de bourgs et de villages. Pour la jolie vue, ces jardins surpassent de beaucoup toutes les autres résidences de plaisance royales. »

Brackenhoffer, Elie

Récit par Eduard Kolloff de sa visite à Saint-Germain-en-Laye

« [p. 128] Die anmuthige Lage der Stadt Saint-Germain-en-Laye auf einem der vielen Hügel, welche die Ufer der Seine beherrschen, bewog zuerst Ludwig den Dicken, hier ein Schloß zu bauen. Dasselbe wurde im vierzehnten Iahrhundert von den Engländern zerstort und erstand erst unter Karl V wieder aus seiner Asche. Franz I erweiterte und verschönerte es, indem er ihm zu Ehren der Diana von Poitiers die Form eines gothischen D geben ließ. Ludwig XIV verließ diesen seinen Geburtsort aus Aberglauben und bewies gleiche Schwache, wie Katharina von Medicis, welche dasselbe Schloß aus einem andern Vorurtheile floh. Nostrodamus hatte namlich der französischen Agrippina prophezeit, daß sie in Saint-Germain sterben würde. Sie wählte darauf Paris zu ihrem Aufenthaltsorte und bewohnte das Louvre ; aber das Louvre grenzte an die Kirche Saint-Germain l'Auxerrois. Sie begab sich daher nach Blois, wo sie krank wurde und zur größten Ehre und Freude der Astrologen in den Händen des gelehrten Bischofs von Noyon starb, welcher Saint-Germain hieß.
Heinrich IV hat in Saint-Germain unermeßliche Summen verschwendet. Er fügte zu dem alten Schlosse noch ein neues hinzu, welches die Residenz der schönen Gabriele von Estrées wurdeWenn [p. 129] man sich damals über die an das Schloß stoßende Terrasse lehnte, erblickte man Kaskaden, Grotten, hängende Gärten u. s. w. Der König hatte den berühmten Mechaniker Francini aus Florenz kommen lassen, um in Saint-Germain die Wunder seiner Kunst zu zeigen. Dieser schuf daselbst die Grotten des Perseus und Orpheus, zwei Meisterwerke der mechanischen Bildnerei ; auf der einen Seite sah man den Perseus in voller Rüstung, wie er der an den Felsen gebundenen Andromeda zur Hülfe eilt, und emen ungeheuren Drachen, welcker wüthend aus einem Gartenteiche hervorschießt, besiegt und wiederum in den Abgrund zurückjagt ; gegenüber war Orpheus in natürlicher Größe abgebildet, auf einem Felsen sitzend und fromme Kirchenarien auf seiner Leier spielend, zur großen Rührung der ihn umgebenden Felsblöcke, welche Strome von Thronen vergießen, und aller Thiere der Schöpfung, welche vom Elephanten bis zur Blattmilbe, aus ihren Schlupfwinkeln herbeieilen, um den Tonen der Musik zu lauschen. Diese ganze künstliche Welt lebte, regte und bewegte sich aufs wunderbarste ; zum großen Verluste für die Kunst ist sie leider im I. 1649 untergegangen.
Unter den Nachkommen Heinrich IV wurde das Schloß von Saint-Germain ein Asyl für Iakob II und die Seinigen ; gegenwärtig ist es in eine militärische Strafanstalt verwandelt.
[p. 130] Die Stadt ist unbedeutend ; viele kleine Rentiers haben sich aus dem Lärm der Hauptstadt nach Saint-Germain zurückgezogen, obschon mehrere daselbst befindliche Reiterkasernen und das Garnisonsleben die angenehmen Spaziergänge und die ländliche Zufriedenheit und die gesunde Luft vielfach verbittern. Die Eisenbahn hat reges Leben in die Stadt gebracht ; bereits sind die Preise der Häuser und Wohnungen bedeutend gestiegen. Von der berühmten Terrasse hat man wirklich eine herrliche Aussicht auf das Thal der Seine, deren Lauf man von hier aus weithin verfolgen kann. Von Paris sieht man außer dem Triumphbogen wenig ; wohl aber die nordwärts gelegenen Anhöhen. Der Wald, welcher die Terrasse auf der Südseite beschattet, bietet äußerst liebliche Spaziergänge. Das alte weitläuftige Schloß mit vielen für den Architekten wichtigen Details ist für gewöhnliche Besucher unzugänglich geworden.
Das sogenannte Logenfest, ein Iahrmarkt, welcher alle Herbst gehalten wird, zieht jedesmal eine unermeßliche Menschenmenge nach Saint-Germain. »

Kolloff, Eduard

Récit par Denis-Joseph-Claude Le Fèvre de sa visite à Saint-Germain-en-Laye

« [p. 37] Marly a subi le sort de Sceaux. La révolution a passé par là. Je n'aime pas à rencontrer les pas de cette mégère. J'en détourne les yeux, et je me dépêche d'arriver à Saint-Germain. Nous montons en humble fiacre cette belle voie terrassée qui fut faite pour des carosses à huit chevaux. Nous descendons à l'auberge de la veuve Fortin.
Nos chevaux essoufflés demandent l'écurie,
Et nous le déjeuner, On le sert, nous mangeons.
Il faut voir mes enfans dont la dent expédie
La côtelette mal rôtie,
Pain, cerises, biscuits, brioche, macarons !
Tandis que ces petits gloutons
Font à table ainsi leur partie,
[p. 38] Dans la chambre voisine une lubrique orgie
Nous régale de ses chansons.
C'étaient des acteurs, des actrices
Des boulevards, venus à Saint-Germain,
Qui s'ébattaient, chez la veuve Fortin,
Comme derrière les coulisses.
Quoique mes enfans ne fussent pas d'âge à deviner ces mystères, nous nous sommes empressés de nous éloigner de la scène où ils se passaient, en prenant le chemin du château.
Ce château, bâti en pierres et en briques, est d'une architecture féodale qui lui donne l'air d'une forteresse. Louis XIV, ami de la magnificence, devait s'y déplaire. On dit aussi que l'importunité de voir le lieu de sa sépulture, du séjour de sa grandeur, l'en dégoûta. Si cela est vrai, nous devons à une faiblesse la création de Versailles. C'est un grand effet de plus né d'une petite cause.
La terrasse, ouvrage de Le Nôtre, est magique. Armide n'eût pu en créer une plus belle pour intéresser la vue de Renaud. L’œil règne de là sur un empire qu'il semble avoir conquis, comme César, en se présentant. Si l’œil parlait, il pourrait dire aussi : veni, vidi, vici ; toute sa conquête se montre à lui comme dans une parade, la Seine, une infinité de villages, les hauteurs de Montmorency, ses vallées, les coteaux de Marly, des prairies, des bois, des champs cultivés, et mille maisons de plaisance qui s'élèvent du sein des hameaux, comme des aigrettes d'officiers au milieu d'un groupe de soldats.
[p. 39] Je prenais ma part de royauté, en dominant sur ce vaste espace, quand je fus accosté par un personnage que l'habitude de voir ce spectacle rendait moins attentif que moi. […]
[p. 44] J’avais entendu vanter la forêt de Saint-Germain, elle a surpassé l'idée que je m'en étais faite. Heureux qui, libre de soucis et d'affaires, peut y promener ses rêveries et son indépendance ! que ces allées sont vastes et belles ! que ces pelouses sont douces! Que ces pavillons de verdure sont richement étoffés! Si le labyrinthe de Crète eût ressemblé à cette forêt, Dédale eût aimé sa prison, et Thésée y serait resté avec Ariane.
Cette superbe population d'arbres, plus tranquille que celle des cités, a inspiré à Desmahis une jolie invocation au silence. Le silence l'a exaucé. Il habite sous ces grands et petits dômes de feuillage, et ne permet qu'aux oiseaux de l'interrompre.
En parcourant la forêt dans tous les sens, je n'ai pu passer devant le Val, château du prince de
Beauveau, sans rendre un petit hommage tacite à un hôte aimable que ce château recevait souvent.
Au plaisir, au bon ton fidèle,
C'est dans sa prose et ses couplets
Le plus léger, le plus piquant modèle
[p. 45] Des grâces de l'esprit français.
Voltaire aimait sa muse familière,
Comme un phosphore, un feu follet,
Qui toujours surprend, toujours plait
Par les jets vifs de sa lumière.
Qui ne sait ces vers délicats
Façonnés dans un style honnête
Sur un objet qui ne l’est pas.
Et dont il fit conquête sur conquête ?
Vous rappeler ici ces diamans de vers
Si finement taillés, c'est vous nommer Boufflers.
La promenade donne de l'appétit. Le dîner nous rappelle à l'auberge. Nous repassons devant le château, que je regarde encore. Je serais resté plus long-temps à considérer ce vieux monument, bâti par Louis IV et rajeuni par Henri IV et Louis XIV, si ma compagnie n'eût pas été plus pressée de se mettre à table que de rester en contemplation devant des pierres. Le dernier roi qu'elles ont logé est celui que son gendre avait supplanté à Londres.
Du néant des grandeurs témoignage éclatant,
Ce fut là que Stuart, déchu du diadème,
Sans pompe, sans armée, et réduit à lui-même,
Ne pouvant vivre en roi, vécut en pénitent.
Une grande infortune attendrit toujours l'âme.
Qui sait s'y résigner doit être exempt de blâme.
Cependant, malgré moi, je reste confondu,
Qu’un prince qui porta le sceptre d'Angleterre,
Lorsque ce sceptre fut perdu,
Ait cru le remplacer en prenant un rosaire.
[p. 46] Ce prince passait pour brave, autant qu'il avait été voluptueux dans la cour de délices de son frère Charles II. Mais il y a de ces adversités qui écrasent tous les ressorts ; et quand, tombé de la sphère des grandeurs factices, la foi vous montre une religion qui vous tend une main pour vous relever, et vous fait voir de l'autre, comme refuge certain, une sphère bien plus éblouissante que celle que vous avez quittée ; quand elle vous promet, en échange de la dignité périssable de roi de la terre, la qualité éternelle de citoyen de la république céleste , il n'est pas extraordinaire que, pénétré de la vérité de cette promesse, on se livre à l'abnégation dont Jacques Stuart a donné l'exemple.
Vous aimez, mon ami, que l'on passe du sérieux à l'enjouement. Je quitte donc le château de Saint-Germain pour l'auberge, et le ton de la complainte pour celui de convive. »

Le Fèvre, Denis-Joseph-Claude

Récit par David Garrick de son passage à Saint-Germain-en-Laye

« [p. 102] The town of St. Germain-en-Laye had boasted a royal castle since the time of Louis le Gros. The first fortress [p. 103] was destroyed during the wars with England, and Charles V began the present structure, which has been enlarged and beautified by succeding princes, especially by Louis XIV who was born here.
The palace has the form of a castle, surrounded by a dry ditch. A magnificent stone gallery runs around the middle of the whole structure, which is of an oval figure. The view towards river and plains is admirable – Paris, St. Denis and Marly are all in sight. »

Garrick, David

Récit par Augustus John Cuthbert Hare de sa visite à Saint-Germain-en-Laye

« [p. 109] S. Germain-en-Laye
(Hotels : du Pavillon Henri IV, in a delightful situation on the terrace, and with a most beautiful view ; du Pavillon Louis XIV, place Pontoise ; de l’Ange-Gardien, rue de Paris ; du Prince de Galles, rue de la Paroisse. Restaurant Grenier, close to the station ; very dear : many other restaurants.)
The first royal château of S. Germain was built by Louis le Gros in the XII c., near a monastery belonging to S. Germain des Prés at Paris. Both palace and monastery were burnt by the Black Prince. Charles V began to rebuild the palace in 1367, and it was continued by François I. Within its walls Henri II and Catherine de Medicis received the six-year-old Mary Stuart from the hands of the comte de Brézé, who had been sent to Scotland to fetch her, as the bride of their son, afterwards François II.
The old palace was like a fortress, and Henri IV, wishing for a more luxurious residence, built a vast palace which occupied the site of the existing terrace. Beneath it a beautiful garden, adorned with grottoes, statues, and fountains [p. 110] in the Italian style, descended in an amphitheatre as far as the bank of the Seine. The palace and garden of Henri IV have entirely disappeared. The former was destroyed by the comte d’Artois, afterwards Charles X. In the older château Louis XIV was born, and in the second château Louis XIII died, after a lingering illness, May 14, 1643.
« Il s’entretenoit de la mort avec une résolution toute chrétienne ; il s’y étoit si bien préparé, qu’à la vue de S. Denis par les fenêtres de la chambre du château neuf de S. Germain, où il s’étoit mis pour être en plus bel air qu’au vieux, il montroit le chemin de S. Denis, par lequel on meneroit son corps ; il faisoit remarquer un endroit où il y avoit un mauvais pas, qu’il recommandoit qu’on évitât de peur que le chariot ne s’embourbât. J’ai même ouï dire que durant sa maladie il avoit mis en musique le De Profundis qui fut chanté dans sa chambre incontinent après sa mort, comme c’est la coutume de faire aussitôt que les rois sont décédés. » – Mémoires de Mlle de Montpensier.
Here, six years later, Anne of Austria, flying from Paris with her two sons, before the rising of the Fronde took refuge with all the royal family except the Duchesse de Longueville, bivouacking upon straw in the unfurnished palace, whilst waiting for troops to come from the army in Flanders.
« Le roi manqua souvent le nécessaire. Les pages de sa chambre furent congédiés, parce qu’on n’avait pas de quoi les nourrir. En ce temps-là même la tante de Louis XIV, fille de Henri-le-Grand, femme du roi d’Angleterre, réfugiée à Paris, y était réduite aux extrémités de la pauvreté ; et sa fille, depuis mariée au frère de Louis XIV, restait au lit, n’ayant pas de quoi se chauffer, sans que le peuple de Paris, enivré de ses fureurs, fit seulement attention aux afflictions de tant de personnes royales. » – Voltaire, Siècle de Louis XIV.
Louis XIV, who added the five pavilions at the angles of the older and still existing palace, at one time thought of rebuilding the whole on a much more magnificent scale ; [p. 111] one fatal obstacle prevented him : from its lofty site he could see S. Denis, his future burial-place !
« Saint-Germain, lieu unique pour rassembler les merveilles de la vue, l’immense plain-pied d’une forêt toute joignante, unique encore par la beauté de ses arbres, de son terrain, de sa situation, les agréments admirables des jardins, des hauteurs et des terrasses, qui les unes sur les autres se pouvaient si aisément conduire dans toute l’étendue qu’on aurait voulu, les charmes et les commodités de la Seine, enfin une ville toute faite et que sa position entretenait par elle-même, il l’abandonna pour Versailles, le plus triste et le plus ingrat de tous les lieux ». – S. Simon.
After the English Revolution of 1688, James II found at S. Germain the generous hospitality of Louis XIV. He lived here for thirteen years as the guest of the King of France, wearing always a penitential chain round his waist (like [p. 112] James IV of Scotland) and daily praying God to pardon the ingratitude of his daughters, Mary and Anne. Here his youngest child Louisa – « la Consolatrice » – was born, and here, as the choir in the Chapel Royal were winging the anthem, « Lord, remember what is come upon us, consider and debold our reproach » (Septembre 2, 1701), he sank into the Queen’s arms in the swoon from which he never recovered.
« 10 janvier 1689. – Le roi fait pour ces Majestés angloises des choses toutes divines ; car n’est-ce point l’image du Tout-puissant que de soutenir un roi chassé, trahi, abandonné ? La belle âme du roi se plait à jouer ce grand rôle. Il fut au-devant de la reine avec toute sa maison et cent carrosses à six chevaux. Quand il aperçut le carrosse du prince de Galles, il descendit et l’embrassa tendrement ; puis il courut au-devant de la reine qui étoit descendue ; il la salua, lui parla quelque tems, la mot à sa droite dans son carrosse, lui présenta Monseigneur et Monsieur qui furent aussi dans le carrosse, et la mena à Saint-Germain, où elle se trouva toute servie comme la reine, de toutes sortes de hardes, parmi lesquelles étoit une cassette très riche avec six mille louis d’or. Le lendemain il fut question de l’arrivée du roi d’Angleterre à S. Germain, où le roi l’attendoit ; il arriva tard ; Sa Majesté alla au bout de la salle des gardes au-devant de lui ; le roi d’Angleterre se baissa fort, comme s’il eût voulu embrasser ses genoux ; le roi l’en empêcha, et l’embrassa à trois ou quatre reprises fort cordialement. Ils se parlèrent bas un quart d’heure ; le roi lui présenta Monseigneur, Monsieur, les princes du sang, et le cardinal de Bonzi ; il le conduisit à l’appartement de la reine, qui eut peine à retenir ses larmes. Après une conversation de quelques instans, Sa Majesté les mena chez le prince de Galles, où ils furent encore quelque tems à causer, et les y laissa, ne voulant point être reconduit, et disant au roi : « Voici votre maison ; quand j’y viendrai, vous m’en ferez les honneurs, et je vous les ferai quand vous viendrez à Versailles. » Le lendemain, qui étoit hier, Mme la Dauphine y alla, et toute la cour. Je ne sais comme on aura réglé les chaises des princesses, car elles en eurent à la reine d’Espagne ; et la reine-mère d’Angleterre étoit traitée comme fille de France. Le roi envoya dix mille louis d’or au roi d’Angleterre ; ce dernier paroit vieilli et fatigué ; la reine maigre, et des yeux qui ont pleuré, mais beaux et noirs ; un beau teint un peu pâle ; la bouche [p. 113] grande, de belles dents, une belle taille, et bien de l’esprit ; tout cela compose une personne qui plait fort. Voilà de quoi subsister longtemps dans les conversations publiques.
17 janvier 1689. Cette cour d’Angleterre est toute établie à Saint-Germain ; ils n’ont voulu que cinquante mille francs par mois, et ont réglé leur cour sur ce pied. La reine plaît fort, le roi cause agréablement avec elle ; elle a l’esprit juste et aisé. La roi avoit désiré que Mme la Dauphine y allât la première ; elle a toujours si bien dit qu’elle étoit malade, que cette reine vint la voir il y a trois jours, habillée en perfection ; une robe de velours noir, une belle jupe, bien coiffée, une taille comme la princesse de Conti, beaucoup de majesté : le roi alla la recevoir à son carrosse ; elle fut d’abord chez lui, où elle eut un fauteuil au-dessus de celui du roi ; elle y fut une demi-heure, puis il la mena chez Mme la Dauphine, qui fut trouvée debout ; cela fit un peu de surprise : « Madame, je vous croyois au lit. » « Madame, » dit Mme la Dauphine, « j’ai voulu me lever pour recevoir l’honneur que Votre Majesté me fait. » Le roi les laissa, parce que Mme la Dauphine n’a point de fauteuil devant lui. Cette reine se mit à la bonne place dans un fauteuil, Madame à sa gauche, trois autres fauteuils, pour les trois petits princes : on cause fort bien plus d’une demi-heure ; il y avait beaucoup de duchesses, la cour fort grosse, enfin, elle s’en alla ; le roi se fit avertir, et la remit dans son carrosse. Le roi remonta, et loua fort la reine ; il dit, « Voilà comme il faut que soit une reine, et de corps et d’esprit, tenant sa cour avec dignité. » Il admira son courage dans les malheurs, et la passion qu’elle avait pour son mari ; car il est vrai qu’elle l’aime.
2 février 1689. La reine d’Angleterre a toute la mine, si Dieu le vouloit, d’aimer mieux régner dans le beau royaume d’Angleterre, où la cour est grande et belle, que d’être à S. Germain, quoiqu’accablée des bontés héroïques du roi. Pour le roi d’Angleterre, il y paroît content, et c’est pour cela qu’il est là.
28 février 1689. C’est tout de bon que le roi d’Angleterre est parti ce matin pour aller en Irlande, où il est attendu avec impatience ; il sera mieux là qu’ici. Le roi lui a donné des armes pour armer dix mille hommes : comme Sa Majesté angloise lui disait adieu, elle finit par lui dire, en riant, que les armes pour sa personne étoient la seule chose qui avoit été oubliée : le roi lui a donné les siennes ; nos héros de roman ne faisoient rien de plus galant. Que ne fera point ce roi brave et malheureux avec ces armes toujours victorieuses ? Le voilà donc avec le casque et la cuirasse de Renaud, d’Amadia, et de tous nos paladins les plus célèbres ; je n’ai pas voulu dire d’Hector, car il étoit [p. 114] malheureux. Il n’y a point d’offres de toutes choses que le roi ne lui ait faites : la générosité et la magnanimité ne vont point plus loin. … La reine est allée s’enfermer à Poissy avec son fils : elle sera près du roi et des nouvelles ; elle est accablée de douleur… cette princesse fait grand’ pitié.
2 mars. Le roi dit au roi d’Angleterre, en lui disant adieu : « Monsieur, je vous voir partir avec douleur ; cependant je souhaite de ne jamais vous revoir ; mais si vous revenez, soyez persuadé que vous me retrouverez tel que vous me laissez. » Peut-on mieux dire ? Le roi l’a comblé de toutes choses, et grandes, et petites ; deux millions, des vaisseaux, des frégates, des troupes, des officiers. … Je viens aux petites choses, des toilettes, des lits de camp, des services de vaisselle de vermeil et d’argent, des armes pour sa personne, qi sont celles du roi, des armes pour des troupes qui sont en Irlande ; celles qui vont avec lui sont considérables ; enfin, la générosité, la magnificence, la magnanimité, n’ont jamais tant paru qu’à cette occasion. Le roi n’a point voulu que la reine soit allée à Poissi ; elle verra peu de monde ; mais le roi en aura soin, et elle aura sans cesse des nouvelles. L’adieu du roi son mari et d’elle faisoit fendre le cœur de tout le monde ; ce furent des pleurs, des cris, des sanglots, des évanouissements ; cela est aisé à comprendre. Le voilà où il doit être : il a une bonne cause, il protège la bonne religion, il faut vaincre ou mourir, puisqu’il a du courage. »
After the king’s death his widow, Mary Beatrice, continued for seventeen years to reside at S. Germain. Here whe witnessed the death of her darling daughter, Louisa, April 18, 1712 ; and here, in the thirtieth year of her exile, the queen herseld passed away in the presence of thirty Jacobite exiles, of whom she was the best friend and protectress.
« La reine d’Angleterre mourut le 7 mai, après dix ou douze jours de maladie. Sa vie, depuis qu’elle fut en France à la fin de 1688, n’a été qu’une suite de malheurs qu’elle a héroïquement portés jusqu’à la fin, dans l’oblation à Dieu, le détachement, la pénitence, la prière et les bonnes œuvres continuelles, et toutes les vertus qui consomment les saints. Parmi la plus grande sensibilité naturelle, beaucoup d’esprit et de hauteur naturelle, qu’elle sut captiver étroitement et humilier constamment, avec le plus grand air du monde, le plus majestueux, [p. 115] le plus imposant, avec cela doux et modeste. Sa mort fut aussi sainte que sa vie. Sur les 600,000 livres que le roi lui donnait par an, elle s’épargnait tout pour faire subsister les pauvres anglais, dont S. Germain était rempli. Son corps fut porté le surlendemain aux filles de S. Marie de Chaillot, où il est demeuré en dépôt, et où elle se retirait souvent. » – S. Simon.
« 8 mai 1718. – Hier matin à sept heures, la bonne, pieuse et vertueuse reine d’Angleterre est morte à S. Germain. Celle-là pour sûr est au ciel, elle n’a pas gardé un liard pour elle, elle donnait aux pauvres et entretenait des familles entières. De sa vie elle n’a dit du mal de personne, et quand on voulait lui raconter quelque chose sur le compte de tel ou tel, elle avait coutume de dire : « Si c’est mal de quelqu’un, je vous prie, ne me le dites pas. Je n’aime pas les histoires qui attaquent la réputation. » Elle a supporté ses malheurs avec la plus grande patience du monde, non par simplicité d’esprit : elle était très intelligente, polie et avenante… toujours elle a fait le plus grand éloge de la princesse de Galles. » – Correspondance de Madame
In accordance with the last whish of the queen, the Régent d’Orléans allowed her ladies and many other British emigrants to continue in the palace, where they and their descendants remained till the Revolution drove them from their shelter. Till then, the room in which Mary Beatrice died was kept as it was in her lifetime – her toilette table, with ist plate, the gift of Louis XIV, set out, with four was candles ready to light, as if the queen’s return was constantly expected.
Under the reign of Terror the name of S. Germain was changed to La Montagne du Bel-Air, and it was intended to turn the château into a prison, and to establidh a guillotine en permanence in its courtyard, when the fall of Robespierre intervened.
In the interior of the château the decorations and chimney-pieces are of brick. The rooms are now occupied by a Musée des Antiquités Nationales, chiefly of very early date, of great interest to archaeologists, and intended as a prelude [p. 116] to the collections of the Hôtel de Cluny. The museum is only open (free) on Sundays, Tuesdays and Thursdays, from 11.30 to 5 in summer, and 11 to 4 in winter.
In one of the rooms on the ground floor the primitive boats (pirogues) hewn out of the trunk of a tree, and found in the Seine and Saone, are especially remarkable. Other halls are devoted to casts from the Roman buildings in France (at Orange, S. Remy, &c) ; relics of the Roman legions in Gaul ; funeral urns and tombs in brick and lead ; bronzes and pottery. On the upper floor are flint weapons, fossils found in the caverns of France, and models of cromlechs, menhirs, &c.
Opposite the palace is the parish church, containing (1st chapel, right) the monument erected by Queen Victoria to James II of England, « magnus prosperis, adversis major », and inscribed « Regio cineri pietas regia. »
« Quelques jésuites itlandaises prétendirent qu’il se faisait des miracles à son tombeau. On parla lmême de faire canoniser à Rome, après sa mort, ce roi que Rome avait abandonné pendant sa vie.
Peu de princes furent plus malheureux que lui ; et il n’y a aucun exemple dans l’histoire d’une maison si longtemps infortunée. Le premier des rois d’Ecosse, ses aïeux, qui eut le nom de Jacques, après avoir été dix-huit ans prisonnier en Angleterre, mourut assassiné avec sa femme par la main de ses sujets ; Jacques II, son fils, fut tué à vingt-neuf ans, en combattant contre les Anglais ; Jacques III, mis en prison par son peuple, fut tué ensuite par les révoltés dans une bataille ; Jacques IV périt dans le combat qu’il perdit ; Marie Stuart, sa petite-fille, chassée de son trône, fugitive en Angleterre, ayant langui dix-huit ans en prison, se vit condamnée à mort par des juges anglais, et eut la tête tranchée ; Charles I, petit-fils de Marie, roi d’Ecosse et d’Angleterre, vendu par les Ecossais, et jugé à mort par les Anglais, mourut sur un échafaud dans la place publique ; Jacques son fils, septième du nom, et deuxième en Angleterre, dont il est question, fut chassé de ses trois royaumes ; et, pour comble de malheur, on contesta à son fils jusqu’à sa naissance. Ce fils ne tenta de remonter sur le [p. 117] trône de ses pères que pour faire périr ses amis par des bourreaux ; et nous avons vu le prince Charles-Edouard, réunissant en vain les vertus de ses pères et le courage du roi Jean Sobleski, son aïeul maternel, exécuter les exploits et essuyer les malheurs les plus incroyables. Si quelque chose justifie ceux qui croient une fatalité à laquelle rien ne peut se soustraire, c’est cette suite continuelle de malheurs qui a persécuté la maison de Stuart pendant plus de trois cents années. » – Voltaire, Siècle de Louis XIV.
Soon after the death of James II, Mme de Maintenon wrote to Mme de Perou :
« Je n’ai pu encore avoir des reliques du roi d’Angleterre ; la reine étoit dans son lit, hors d’état de les aller chercher. Quand on ouvrit le corps de ce saint roi, les gardes trempoient leurs mouchoirs dans son sang, et faisoient toucher leurs chapelets à son corps. J’admire la conduite de Dieu ; il a permis que ce prince ait été méprisé pendant sa vie pour lui faire sentir l’humiliation, et il le glorifie quand il ne peut plus abuser de la gloire. »
Passing in front of the palace, by the gardens planned by Lenôtre, we reach the Terrace, constructed by Lenôtre in 1676, and one of the finest promenades in Europe. The view is most beautiful over the windings of the Seine and the rich green plain ; on the right are the heights of Marly and Louveciennes ; on the left the hills of Montmorency, and Mont Valérien and Montmartre in the distance ; above Vésinet, the cathedral of S. Denis is visible – « ce doigt silencieux levé vers le ciel ». James II declared that the view from the terrace of S. Germain reminded him of that of Richmond, and he used to walk here daily, leaning upon the arm of Mary Beatrice. The terrace extends from the Pavillon Henri IV – which was the chapel of Henri IV’s palace, and in which Louis XIV was baptised – to the Grille Royale, leading to the forest.
A number of drives and straight alleys pierce the forest of St. Germain which is sandy and for the most part, [p. 118] beautiless. The château du Val, to the right of the Grille royale, built at enormous cost by Mansart for Louis XIV, on the site of a pavilion of Henri IV, is now the property of M. Fould. The pavillon de la Muette was built by Louis XIV and Louis XVI on the ruins of a château of François I. Les Loges are a succursale to the college for the daughters of members of the Legion of Honoeur at S. Denis. Near this was a hermitage to which one of Henri IV’s courtiers retired under Louis XIII, with a chapel dedicated to S. Fiacre. The pilgrimage to this chapel has given rise to the annual Fête des Loges, celebrated on the first Sunday after the day of S. Fiacre (August 30) – the most popular and crowded of all fêtes in the neighbourhood of Paris. Le chêne des Loges is one of the finest oaks in France. »

Hare, Augustus John Cuthbert

Récit par August Hermann Niemeyer de sa visite à Saint-Germain-en-Laye

« [p. 275] Wir eilten nach dem sehr nahe gelegenen St. Germain en Laye. Die kleine stille Stadt vereinigte so manches Sehenswerthe ; die herrlichste Lage, das alte Schloß, und das gerade damals so berúhmte Erziehungsinstitut der Mad. Campan.
Keinen Ort liebten die vormaligen Könige so sehr in keinem ihrer Schlósser lebten und wohnten sie so oft als hier. Große Staatsverhandlungen sind gerade in diesen Mauern zu Stande gebracht. Es war selbst die Geburtsstátte mehrerer Regenten, Heinrich des II, Carl des IX, selbst Ludwig des XIV. Als es die Kónige verließen, ward es háufig der Aufenthalt ihrer Gáste. Hier endete auch der aus England vertriebene Jakob II seine Lage.
Welche Lage hátte es aber auch mehr verdient, in den schónsten Monaten dés Jahres mit Paris vertauscht zu werden ? Sie vereinigt alles was das Auge nah und fern entzúcken kann, man mag nun auf den oberen Gallerien des Schlosses oder auf der berúhmten Terrasse – vielleicht einer der gróßten die es giebt – umherblicken. Auf der einen Seite hat man die dunklen Schattirungen des großen Parks mit seinen ehrwúrdigen Báumen, auf der andern die heitern unúbersehbaren Ebenen, wo man, den lauf der Seine in die weiteste Ferne verfolgend, auf dem fruchtbarsten Boden zahllose Schlósser, Landháuser, Dórfer und Stádte zu seinen Fúßen sieht. Selbst die reine [p. 276] luft, die man hier vorzugsweise einathmen soll, erhóht den Reiz der lage. Man begreift es nicht, wie Ludwig XIV der wohl Sinn fúr das Große und Schóne auch in der Natur hatte, dennoch den Entschluß fassen konnte, an Verfailles unendliche Summen zu verschwenden, statt hier an die Stelle des uralten durch stetes Anflicken und Bessern zur unregelmáßigen Form entstellten Schlosses (wie sie die Titelvignette darstellt) ein von Grund aus neues aufzufúhren, wo die Architektur, unterstútzt von der einzig schónen, durch alle Kunstanlagen Lenotres nicht zu ersetzende Natur, ihren hóchsten Triumph hátte feyern kónnen. Aber wie leicht werden die Herrscher des Alten múde ! Sie wollen lieber Schaffen als des Vorhandenen ruhig genießen ; sie wollen, der einfachen Natur múde, sie lieber nach ihren Einfállen durch lácherliche Spielereyen verkúnsteln. Was sie dann wáhrend des Entstehens oft Lag und Nacht bescháftigt hat, ist, wenn es vollendet dasteht, nur zu bald wieder vergessen.
Fast klingt es úbrigens wie Spott, was man jedoch einstimmig erzáhlt, daß es die Thúrme von St. Denys waren, die dem Kónige den Aufenthalt, wo sich vordem so viele seiner Vorgánger, namentlich Heinrich der IV, so glúcklich gefúhlt hatten, verleideten, und so der Plan in ihm reifte, einem platten sumpfigen Boden, alles was ihm die Natur versagt hatte, mit unermeßlichen Kosten abzugewinnen. Allerdings hat [p. 277] man auf den schónsten Standpunet von St. Germain das große Mausoleum der in Staub zerfallenen Dynastieen stets im Auge ; und da die Kónige weit sichrer als die Privatpersonen wissen kónnen, wo ihre letzte Státte seyn werde – sollte ihr Leben auch in noch so großer Entfernung enden – so konnte auch der, dem feine Schmeichler unablássig vorsagten und vorsangen, daß er der gróßte Mensch seines Jahrhunderts sey, nicht zweifeln, daß die Zeit kommen músse, wo von allen diesen vergótternden Gesángen nur das dumpfe Requiem in jenem St. Denys als Nachklang úbrig bleiben werde. Sollte aber Ludwig den Tod so sehr gefúrchtet haben ? Er starb doch mit großer Fassung ; und da in seiner Familie Todesfall auf Todesfall folgte, so konnte er ohnehin der Erinnerung daran nirgend entgehen. »

Niemeyer, August Hermann

Récit par Anna Francesca Cradock de sa visite à Saint-Germain-en-Laye

« [p. 22] À neuf heures, nous partions dans notre chaise de poste. Le beau temps n'a pas peu contribué à tout embellir sur notre chemin. Nous avons revu le pont de Neuilly. De là à Marly, c'est une suite de vignes, de vergers, de champs de blé, de luzerne, de jardins potagers cultivés avec un soin extrême. À Marly, nous vîmes la machine qui fait monter l'eau de la Seine jusqu'à l'aqueduc et alimente ainsi le parc de Marly et celui de Versailles éloigné de trois milles. Nous nous sommes promenés sur la plate-forme et avons admiré de magnifiques ormeaux.
De Marly au château de Saint-Germain, la vue est ravissante ; arrivés au château, nous y sommes montés aussitôt, et avons joui du paysage éclairé par un beau soleil. Après avoir vu, dans la chapelle, un tableau remarquable du Poussin, malheureusement très abîmé, nous descendîmes sur la terrasse. Le château, maintenant divisé en appartements, est tout en pierre ; les fenêtres seules sont encadrées de briques qui ajoutent à la gaieté et à l'élégance de la construction. Saint-Germain est une jolie ville, célèbre par sa salubrité. [p. 23] Nous dînames « Au Prince-de-Galles », et revînmes à Paris par une autre route. »

Cradock, Anna Francesca

Récit par Alexis Martin de sa visite à Saint-Germain-en-Laye

« [p. 353] Une belle et large avenue, plantée de beaux arbres, que [p. 354] nous suivons ensuite, non sans avoir volontairement fait quelques détours par de jolies allées pour la gagner, nous permet d’apercevoir, avant de l’atteindre, derrière la grande grille qui clôt sa cour d’honneur, la belle façade du château du Val. Le corps principal a deux étages d’une belle élévation ; il est d’une architecture simple, avec un mélange de gravité et de coquetterie très habilement harmonisé. Si nous pénétrons dans la propriété, qui n’a pas moins de 15 hectares de superficie, nous rencontrons successivement un chalet suisse renfermant la vacherie et la laiterie, un ancien puits avec manège, toute une série de serres magnifiques : serre aux orchidées, aux palmiers, serre de potager, de sevrage, etc. Un jardin d’hiver, un parc admirable, des terrasses d’où l’on jouit d’une vue superbe, complètent les attraits de ce séjour princier.
Le Val, sous Henri IV, n’était qu’un rendez-vous de chasse ; Louis XIV le fit reconstruire sur un plan nouveau, et Mansart, chargé d’exécuter les travaux, donna au petit castel [p. 354] ce caractère majestueux qu’il sait imprimer à toutes ses créations. Louis XV, en 1747, eut la pensée d’offrir la propriété à Mme de Pompadour, mais il changea d’idée ; les travaux d’agrandissement qu’il avait fait commencer furent abandonnés, et le château fut vendu au comte de la Marck ; il passa ensuite au maréchal de Beauvau, qui agrandit le jardin et embellit les terrasses. Champfort raconte que la du Barry eut un jour la fantaisie de visiter cette demeure, alors en grande réputation, et que la « hautaine » maréchale lui fit les honneurs de sa maison, non toutefois sans lui laisser deviner le peu d’estime qu’elle avait pour sa personne. En ces derniers temps, le Val appartenait à Mme Benoît Fould. La propriété est située, pour une partie, sur la commune de Saint-Germain ; pour l’autre, sur celle de Mesnil-le-Roi.
[…]
[p. 356] Carrières-sous-Bois, écart de la comme de Mesnil, n’est qu’une rue tortueuse habitée par des cultivateurs et des carriers. Des carrières, dont vous verrez les nombreuses ouvertures et les couloirs sombres fuyant au loin sous la forêt, on extrait de la pierre à bâtir. Auprès de Carrières, sur le bord de la Seine, est une pompe à feu qui fournit l’eau au parc et aux jardins du château du Val.
Laissant derrière nous le petit hameau, nous entrons à Saint-Germain par la grille Royale, et nous sommes sur la terrasse.
[p. 357] La terrasse de Saint-Germain est une des plus belles promenades de l’Europe ; elle a peu de rivales en étendue, elle n’en a pas pour la vue dont on jouit en la parcourant. Large de 30 mètres, longue de 2400 mètres, elle aligne magistralement ses allées sablées, le vert tapis de ses pelouses et ses rangées de beaux tilleuls, depuis la grille Royale jusqu’au pavillon Henri IV, à l’ombre des dernières futaies de la forêt et sur la crête d’un coteau d’où le regard embrasse le plus beau paysage que l’on puisse rêver. A nos pieds s’étend une plaine immense, verte, jaune, brune, fertile ; la Seine aux îles feuillues l’arrose de ses flots argentés ; des fermes, des maisons, des villages, l’égayent de leur pittoresque éparpillement. A gauche se profile la masse imposante du château de Maisons ; à droite se découpent dans l’air, sur les hauteurs de Louveciennes, les arcades de l’aqueduc de Marly. Au sommet d’une éminence, un grand rectangle gris attire nos regards : c’est le fort du mont Valérien ; une brune aiguille jaillit au loin dans la nue : c’est la tour Eiffel. Sur les premiers plans frémissent les bois du Vésinet ; deux lignes rigides, l’une blanche, l’autre noirs, traversent le fleuve ; l’une est le pont du chemin de fer, un train y passe en sifflant avant de s’engouffre dans le tunnel dont la voûte est sous nos pieds ; l’autre est le joli pont du Pecq. Au loin s’estompent sur l’azur les lignes serpentines des coteaux de Montmorency et le clocher de Saint-Denis ; le Parisien reconnait à tout instant les sites et les monuments de la capitale qui lui sont chers et familiers : ici le dôme doré des Invalides ou l’arc de triomphe de l’Etoile, là la butte Montmartre.
A l’extrémité de la terrasse, nous nous trouvons devant le [p. 358] pavillon Henri IV, construit jadis pour la belle Gabrielle, et que l’on appela le château Neuf ; c’est aujourd’hui un restaurant et un hôtel, mais ce fut autrefois une dépendance de la demeure royale que nous visiterons tout à l’heure. Une inscription rappelle que Louis XIV y naquit le 5 septembre 1638 ; une autre, quelque jour, rappellera sans doute qu’Adolphe Thiers y mourut le 3 septembre 1877. Rejetons-nous vers la droite, et nous trouverons le parterre. C’est en 1676 que Le Nôtre, obéissant aux inspirations d’Henriette d’Orléans, le dessina et fit planter les boulingrins ; modifié plusieurs fois, notamment en 1750 et en 1857, agrandi sous le second Empire, orné sur ses pelouses d’une statue d’Agrippine, de Maillet, et d’une réduction du Vercingétorix de Millet, le parterre, dont l’allée principale se rallie à la route des Loges, forme une sorte d’avant-scène à la forêt et semble être une espère de trait d’union entre les splendeurs de la nature et les imaginations humaines.
En quittant le parterre, nous entrons dans la ville et nous nous trouvons sur une place irrégulière où sont groupés les principaux monuments dont elle s’enorgueillit. Le château, l’église, la gare, le théâtre, les casernes et la statue de Thiers. Si la ville est fière, à juste titre, de son château, aussi curieux, par son architecture et le musée qu’il renferme aujourd’hui, qu’intéressant au point de vue des souvenirs historiques qu’il rappelle, il faut convenir qu’elle pourrait se montrer modeste en ce qui concerne sa gare, son théâtre et même son église, tous monuments peu dignes d’une cité de 14000 âmes qui non sans raison, l’été surtout, n’est pas sans prétentions à la vie large et luxueuse.
Le monument de Thiers, inauguré le 19 septembre 1880, est l’œuvre de M. Fauvel, pour la partie architecturale, de M. Mercier, pour la sculpture ; il donnera à nos arrière-neveux une piètre idée de celui que l’on a appelé le libérateur du territoire. Rien de moins imposant, rien de mois décoratif, que ce petit bourgeois assis dans un fauteuil de bureau, le cou serré dans un haut faux col, le corps enveloppé d’une longue et disgracieuse redingote, les pieds grossièrement [p. 359] chaussés, le regard sans vie sous ses lunettes, une carte de géographie dépliée sur ses genoux. Nous en convenons volontiers, notre costume moderne est un écueil pour tout artiste qui veut sculpter nos grands hommes ; mais Thiers, de petite taille, historien, tribun, homme d’action, devait être représenté débout, près de quelque console supportant ses livres, au pied de cette tribune législative dont, vieux encore, il gravissait si alertement les degrés, et du haut de laquelle il savait dominer une assemblée, malgré le son grêle de sa voix. Mais c’est trop s’appesantir sur une œuvre manquée, passons. Le théâtre, une grange, échappe à toute description ; la gare, embarcadère d’une désespérante vulgarité, représente bien le peu de confiance qu’inspiraient les chemins de fer quand on inaugura celui-ci, le 25 août 1837. Les conducteurs semblent avoir pensé que cela durerait toujours autant que le joujou pour aller à la campagne !
L’église, dédiée à saint Germain, a été construite en 1821 et porte bien le cacher de son temps ; son portique est soutenu par six colonnes d’ordre dorique et décor au fronton d’une composition un peu mystique de Ramey fils, la Religion protectrice entourée des Vertus. Certes, cela ne vaut pas le fronton de la Madeleine, mais il sera injuste de ne point reconnaître la bonne ordonnance de la composition et l’heureuse exécution de plusieurs figures. L’intérieur est composé d’une nef centrale séparée des bas-côtés par des colonnes d’ordre toscan et terminée par un chœur en hémicycle. Ici, lambris et décors sont luxueux ; le plafond, divisé en caissons découpés et peints richement, est copié sur celui de Sainte-Marie-Majeure de Rome ; les hautes côtés de la nef sont couverts de fresques d’Amaury Duval ; la Miséricorde, la Rédemption, le Verbe et la Charité ; ces fresques sont d’une tonalité très pâle et s’effacent encore au milieu de l’éclat des ornementations voisines. La chaire, d’abord destinée à la chapelle de Versailles, est un don fait à la paroisse par Louis XIV en 1681. C’est au-dessus du lion héraldique, entièrement doré, qui semble faire sentinelle au pied de la [p. 360] tribune, un amas de ciselure et de guillochages qui attirent l’œil sans réussir à le retenir et à le charmer. La première chapelle de droite renferme un mausolée en marbre blanc, d’une grande simplicité, élevé aux frais de la reine Victoria, à la mémoire du roi Jacques II. Quelques ossements du roi sont restés sous ce monument ; la plus grande partie a été transportée à Westminster. Maintenant, retournons-nous vers le château.
Des larges et profonds fossés qui l’entourent, le château surgit, assis sur un soubassement dont les deux étages, séparés par un rang de mâchicoulis, sont percés de petites fenêtres carrées ; au-dessus s’élèvent deux autres étages construits en pierre et briques mêlées dans le goût charmant de la renaissance. Les frontons des fenêtres, triangulaires au premier étage, sont cintrés au second ; de loin en loin apparaissent des gargouilles aux têtes grimaçantes ; du sommet, se dressent vers le ciel les grandes cheminées en briques rouges. Les balcons s’ornent de vases et de médaillons aux lettres FF et aux salamandres se tordant dans les flammes ; les angles sont ornés de tourelles à encorbellements ; une voûte en dalles de pierre forme terrasse et termine l’édifice ; des ponts, remplaçant les anciens ponts-levis, traversent les fossés. Les oppositions que forment entre elles les couleurs de la pierre et celles de la brique, le mélange des lignes courbes et des lignes droites, parfont un ensemble d’un effet très séduisant.
La chapelle, avec sa rose, son balcon aux délicates arcades bordant les combles, ses trèfles, ses ravissantes sculptures, est un véritable bijou architectural. Sa restauration est malheureusement incomplète ; les vitraux qui s’encadreront si bien dans les belles fenêtres ogivales manquent encore, ainsi que la décoration intérieure ; telle qu’elle est, pourtant, on ne peut qu’être séduit par la grâce, l’élégance, la légèreté de ce charmant édifice.
On entre au château par la porte de l’ouest, qui s’ouvre près d’une jolie tourelle adossée au donjon ; on pénètre dans une cour de forme bizarre, mais d’où l’on peut embrasser [p. 361] du regard tout l’ensemble harmonieux des bâtiments. Dans les tourelles sont pratiqués des escaliers en hélice, conduisant aux appartements aujourd’hui occupés par les salles du musée ; celles-ci seront au nombre d’une quarantaine quand le classement des collections sera achevé.
Avant de continuer notre visite, nous allons esquisser l’histoire du château, qui sera aussi celle de la ville.
[p. 362] Nous avons vu le couvent de Saint-Germain s’établir dans la forêt au temps de Robert le Pieux ; nous avons vu Louis le Gros protéger les moines qui l’habitaient. Ce même roi, vers 1125, fit construire auprès du monastère un château fort où ses successeurs, et particulièrement Louis IX, firent de fréquents séjours. Un hameau s’était formé auprès du monastère ; un village ne tarda pas à se créer près de la résidence royale. C’est sous le règne de ce prince que fut construite la chapelle, si proche parente de la Sainte-Chapelle de Paris. Incendié par les Anglais en 1346, le château fut rebâti vers 1365, par les soins de Charles V, qui affectionnait fort Saint-Germain. Des constructions de ce temps-là, il reste encore les fondations, quelques bases de tourelles, des fragments d’escalier et le puissant donjon rectangulaire qui fait l’angle des façades nord et ouest. Dans une des pièces de ce donjon Charles V avait installé sa librairie. La tour a conservé son aspect original dans l’ensemble ; mais plusieurs détails qui ne la déparent point ont été ajoutés ; tels la double terrasse, les balcons, les gargouilles, les contreforts supportent des vases qui sont du temps de François Ier, et le gracieux campanile, ornement inattendu mais d’un effet charmant, que Mansart bâtit sous Louis XIV.
François Ier, Henri II, Henri IV et Louis XIV se sont occupés de Saint-Germain. Sous le règne du premier de ces rois, une reconstruction à peu près totale du château fut entreprise par l’architecte Chambiges. Henri II commença l’édification du château Neuf ; mais les travaux, lentement menés, ne furent achevés que sous Henri IV. Marchand, à qui revient la gloire de la construction, avait élevé, à 400 mètres de l’ancien château, une demeure d’un style agréable, ainsi qu’en témoigne le pavillon Henri IV, ancienne chapelle, seul debout encore. Ajoutons que la résidence était de grande étendue : ses jardins, en terrasses superposées, descendaient vers la Seine et occupaient une importante partie du territoire du Pecq ; des pièces d’eau et des grottes, où le génie inventif de Claude de Maconis et [p. 363] la science de l’hydraulicien Francine avaient créé des merveilleuses choses pour le temps, ajoutaient aux attraits du château Neuf et aux charmes de son séjour.
Louis XIII, on le sait, affectionnait Saint-Germain et l’habita presque constamment. Anne d’Autriche et son fils se réfugièrent au château pendant les troubles de la Fronde. Vers 1661, le Grand Roi songea à reprendre possession de la demeure délaissée. Il faut croire que la construction de Marchand laissait fort à désirer sous le rapport de la solidité, car alors la cour trouva le château Neuf inhabitable, et dut se réfugier dans la demeure de François Ier. Au cours des années suivantes, les visites royales devinrent de plus en plus fréquentes, et les goûts somptueux de Louis XIV s’accommodèrent aussi peu du voisinage des bâtiments délabrés que de la modestie relative de ceux qu’il habitait. Près de 6 millions et demi furent alors dépensé pour les embellissements des entours et les décorations intérieurs. C’est alors, nous l’avons dit déjà, que Le Nôtre dessina le parterre et que Mansart construisit la terrasse ; malheureusement, il ne s’arrêta pas là et flanque les angles du monument de cinq lourds pavillons d’un style solennel, qui en dénaturèrent le beau caractère. Un de ces pavillons subsiste, à l’angle de la façade de l’ouest et du midi ; il nous permet de ne pas regretter les autres.
Louis XV et Louis XVI s’occupèrent peu de Saint-Germain ; sous leurs règnes, la ville végéta tristement à l’ombre du vieux château, toujours solide, auprès du neuf dont les pignons se crevassaient sous les toits éboulés. Vers la fin de 1787, le comte d’Artois songea un moment à faire réédifier la construction ; mais les préoccupations du moment et les évènements qui survinrent ne lui permirent pas de donner suite à son projet.
Saint-Germain, dès le début de la tourmente révolutionnaire, s’associa au mouvement parisien. Le 17 juillet 1789, un certain sauvage, meunier à Poissy, que l’on accusait d’accaparement, fut pendu à un réverbère. Sous la Terreur, le village, abjurant son vieux nom, prit celui de Montagne-du-Bel-Air ; [p. 364] ses sections s’intitulèrent Unité, Liberté, etc. ; son église devint un temple de la Raison, et le château allait être transformé en maison de détention, quand survint le 9 Thermidor. Longtemps encore l’herbe continua à pousser dans les cours solitaires du vieil édifice, et le vent à souffler dans les grandes salles démeublées et veuves de vitres. Puis le château, après avoir failli, en 1803, devenir une succursale de l’hôpital Saint-Louis, fut, par un décret du 8 mars 1809, affecté au logement d’une école de cavalerie. Transformé en prison sous Louis-Philippe, une affectation digne de lui, celle de musée des Antiquités nationales, lui fut donnée sous le second Empire. En même temps, sa restauration fut confiée aux soins de M. Millet.
On l’a compris de ce qui précède, de nombreux événements historiques se sont accomplis à Saint-Germain. Sans remonter jusqu’à Louis IX, qui y reçut, en 1247, la visite de Baudouin, empereur de Constantinople, nous nous bornerons à rappeler quelques faits comparativement modernes. En 1518, le château vit naître Henri II ; en 1530, François Ier y célébra, au milieu de sa cour brillante, ses noces avec Eléonore d’Autriche, sœur de Charles-Quint. Moins de quatre mois après son avènement au trône, Henri II faisait dresser devant la façade méridionale du château un champ clos dans le goût de ceux du moyen âge, et de la Chataigneraie et de Jarnac rompaient des lances devant une nombreuse assemblée. La Chataigneraie, très aimé du roi, passait pour le plus robuste et le plus adroit gentilhomme de son temps ; le baron de Jarnac, généralement peu sympathique, était d’une taille exiguë, et nul ne prévoyait qu’il pût sortir vainqueur de ce combat singulier. Pourtant l’avorton eut raison du colosse ; il porta un coup terrible à son adversaire, et ce dernier succomba moins à cause de la gravité de sa blessure qu’à cause du refus obstiné qu’il fit de suivre aucun traitement pout la guérir. Quant à ce fameux coup de Jarnac, devenu expression proverbiale signifiant traitrise, il semble prouvé que, s’il fut inattendu, il ne fut nullement déloyal. C’est encore à Saint-Germain [p. 365] que naquit Charles IX, le 27 juin 1550 ; à cette occasion de grandes réjouissances furent offerts à la population. Une partie de la vie de ce prince se passa au château ; nous y voyons, en 1570, les chefs catholiques et huguenots s’y rencontrer et se promettre une paix à laquelle aucun d’eux n’avait l’intention de demeurer fidèle. Dans les derniers jours de sa vie, presque à l’agonie, emporté en litière, nous voyons le même Charles IX quitter Saint-Germain pour aller mourir à Vincennes. Nous avons vu Louis XIV naître ici ; nous pouvons rappeler que Louis XIII y rendit le dernier soupir le 14 mai 1643. Sous Louis XIV, le château, qui avait servi d’asile à la veuve de Charles Ier, abrita encore Jacques II et sa femme après la révolution de 1688. Tous deux y moururent, le premier en 1701, la seconde en 1718.
Les temps qui suivirent virent la résidence délaissée et sont moins féconds en souvenirs. Rappelons pourtant qu’en 1815, après la bataille livrée sur le pont du Pecq, dix mille Anglais vinrent loger au château. En 1870, la ville fut occupée par les Allemands. L’invasion fut semblable à ce qu’elle était partout ; nous ne répéterons pas des détails déjà tant de fois donnés.
Nous allons maintenant visiter le musée ; c’est une assez longue mais fort intéressante promenade à travers les appartements, transformés en salles d’exposition, où se sont passés les faits que nous venons de rappeler ; c’est aussi et surtout grâce à la nature des collections réunies, grâce à l’intelligent classement des objets qui les composant, un curieux voyage à travers les monuments, les outils, les armes des temps anciens, une révélation des mœurs et des coutumes des races disparues, une évocation des grandes choses accomplies par l’humanité au temps de sa première enfance.
Dès notre entrée, dans le fossé que le pont traverse, nous voyons une allée couverte, jadis trouvée à Conflans-Sainte-Honorine et rétablie dans son intégrité autant qu’a pu le permettre l’absence de quelques pierres.
Les salles du rez-de-chaussée sont consacrées aux grands [p. 366] moulages, à la reconstitution des machines de guerre romaines, à l’exposition d’une foule d’objets des temps gallo-romain, mérovingien et carlovingien. Parmi les moulages, il faut citer ceux fort beaux des bas-reliefs de l’arc de triomphe de Constantin, et de la colonne Trajane, celui de la statue d’Auguste, trouvée en 1863, dans la ville de Livie, ceux du tombeau des Jules à saint-Remi, et les grands trophées de l’arc d’Orange. Les parures, les objets d’utilité courante sont représentés ici par une grande quantité d’anneaux, de boucles d’oreilles, de colliers, de styles, de boucles de ceinturons. Voulez-vous voir des armes ? Voici les angons des Gaulois, espèce de lance munie de deux crocs à sa partie inférieure ; voici la francisque des Francs, la scramaxe, sorte de sabre à rainues empoisonnées ; puis les catapultes et les balistes, qui servaient à lancer les traits et les projectiles. Là encore sont des autels élevés aux divinités gauloises, des bornes militaires, une grande quantité d’inscriptions gauloises et quelques autels où furent adorées des divinités maintenant inconnues.
Par l’élégant escalier qui fut l’escalier d’honneur au temps de François Ier, nous gagnons les salles de l’entresol. On y peut continuer la série d’études commencée en bas, se transporter par la pensée à l’époque romaine, revivre un moment au milieu de la mythologie gauloise, reconstruire les nécropoles de nos ancêtres, concevoir une idée des métiers qu’ils exerçaient en contemplant les outils, marteaux, pioches, faux, faucilles, etc., dont ils se sont servis. Cet autel, surmonté de divinités représentant les jours de la semaine, est un ex-voto offert au dieu Edelatus ; cette statue mutilée est celle de la déesse Sequana ; voici encore les dieux Bélus, Sex Arbor, les déesses Labé et Epona ; plus loin, vous verrez des pierres tombales de légionnaires romains, celles d’un centurion, d’un porte-aigle, un tombeau romain en briques, la statue d’un soldat gaulois, des stèles, dont les sculptures représentent des ouvriers et des artisans occupés à leur travail.
Montons au premier étage ; les salles que nous visiterons [p. 367] d’abord sont consacrées à l’exposition des objets venant de l’âge de la pierre. Les scies, les épieux, les javelots, les pointes de lance, se montrent ici dans leurs formes et leurs dimensions variées, tels que les taillaient dans le silex les hommes de l’époque tertiaire. Plus loin apparaît l’âge de la pierre polie ; les haches ont des gaines, les défenses de sanglier sont employées à fabriquer des poinçons et de menus objets de parure ; les plus beaux de nos menhirs, de nos dolmens, de nos allées couvertes, sont reproduits très exactement au vingtième de leur grandeur ; le tumulus de Gavr’inis occupe le centre d’une salle, et ses sculptures, moulées sur l’original, en tapissent les côtés.
La salle de Mars, la plus belle du château, ancienne salle des Fêtes sous François Ier, a conservé sa magnifique cheminée, et, comme salle d’exposition, est l’une des plus curieuses à parcourir. Environ deux cents verreries et poteries nous initient aux secrets de la céramique gallo-romaine. Admirez la belle collection d’antiquités du premier âge de fer, recueillie au Caucase par M. Chantre, les bronzes antiques d’Italie et les belles armures de gladiateurs, les instruments en pierre du Sahara, provenant de la première mission Flatters, des stèles étrusques, la réduction du tombeau de Secondinus ; enfin une foule d’objets préhistoriques rapportées des quatre parties du monde.
Dans la salle de la Conquête, que décore une belle figure de soldat romain, de M. Bartholdi, vous verrez avec intérêt une carte générale des peuples de la Gaule au temps de César, et un très curieux plan en relief d’Alise-Sainte-Reine, exécuté par M. Abel Maitre, et donnant une idée exacte des travaux d’envahissement et des lignes de circonvallation dont l’antique Alésia fut entourée 52 ans avant notre ère.
Au deuxième étage, une salle est consacrée à l’exposition des objets de la première époque du fer trouvés dans les tumuli ; elle renferme un grand nombre de casques, de vases et de bracelets. La salle du bronze est garnie d’œuvres caractérisant bien les tendances et les aspirations de cet âge nouveau ; il y a là des mors, des pendeloques, des couteaux, [p. 368] des pointes de lance, des épées, toutes choses un peu primitives certes, mais souvent d’un travail excessivement curieux. Viennent ensuite les lacustres, fac-similés des maisonnettes construites sur pilotis, au temps de la pierre polie, accompagnés d’une série de vêtements en lin ou en écorce d’arbre et de spécimens des aliments dont se nourrissaient les habitants de ces singuliers et malsains logis. Très remarquable ici est la série des stations lacustres du lac du Bourget.
La salle du Trésor, salle des Archives, probablement librairie sous Charles V, intéresse particulièrement les numismates. Très riche est la collection de monnaies romaines, gauloises et mérovingiennes renfermées dans ses médailliers. Quelques-uns des types exposés ici sont des pièces absolument uniques ; d’autres sont de toute rareté. La série romaine ne comprend que des pièces frappées en Gaule.
Vous voyez par ce rapide aperçu à quel point la visite du musée est à la fois curieuse et instructive. Il eut pour premier organisateur M. Beaune. Ajoutons que son classement est fait avec un soin, une clarté, un esprit de suite qui font le plus grand honneur à MM. Alexandre Bertrand et de Mortillet, qui sont actuellement chargés de sa conservation. »

Martin, Alexis

Récit du décès de Jacques II à Saint-Germain-en-Laye

« [p. 369] Vous attendez, sans doute, un détail de la maladie, de la mort et du convoy de Jacques II, roy d’Angleterre ; il faut vous satisfaire sur tout cela.
Depuis un anthrax que ce prince eut il y a deux ans, qui suppura fort peu, et quelques légers mouvemens de goutte, sa santé parut fort ébranlée ; mais [p. 370] cela devint beaucoup plus sensible après une attaque d’apoplexie imparfaite, qui fut suivie de la foiblesse de tout un côté, et de la paralysie de quelques doigts, arrivée au Carême dernier. Ses forces estoient fort diminuées, il maigrissoit de jour en jour, et contre son ordinaire il paroissoit plus pesant et plus assoupi. A tous ces accidens, il estoit survenu, il y a quatre mois, un crachement de sang, fort léger dans son commencement et qui devient par la suite plus sensible.
S. M. B. estoit dans cet estat le vendredy 2 de septembre qu’il luy prit une grande foiblesse, dont Elle revint par le secours des cordiaux. Dans ce moment, la fièvre s’éveilla avec l’assoupissement [p. 371] qui a conduit ce prince jusqu’au tombeau.
Le dimanche, troisième jour de son mal, une seconde foiblesse le mit dans un estat si pressant que l’on eust d’abord recours aux derniers sacremens. Le pouls luy revint un peu après un vomissement d’un sang retenu depuis quelque temps dans l’estomac, comme il paroissoit à la couleur et à l’odorat. Le pouls néanmoins, qui estoit resté embarassé, se trouva dégagé par une pareille évacuation procurée par le moyen d’un remède que M. Fagon luy fit donner. Ce remède, posé à propos, le fit un peu reposer et donna quelque espérance.
Le lundy, quatrième jour de [p. 372] son mal, et cinquième du mois, un léger purgatif luy fit rendre beaucoup de sang retenu.
Le même jour après midy, le Roy alla le voir. Sa Majesté britannique le supplia de trouver bon qu’Elle fust enterrée dans l’église paroissiale de Saint Germain en Laye. Le Roy en parla à la reine d’Angleterre, et l’on ne jugea pas à propos de répondre à ce qu’une profonde humilité luy faisoit dire. Ce prince recommanda ce jour là au Roy les regimens irlandois qui sont à son service.
Il demeura assez tranquille le mardy.
Le mercredy, apres l’usage de quelques remedes propores à arrester l’hemorragie, cet accident [p. 373] cessa absolument, et la fievre diminua de beaucoup.
Le jeudy se passa dans redoublement. Il survint un flux d’urine, ce qui fit concevoir quelque esperance.
Le vendredy, huitieme jour du mal de ce prince, la fievre augmenta, sa langue devint seche, l’assoupissement ne diminua point, et l’on apperçut que le flux d’urine devenoit involontaire et que la paralysie gagnoit la vessie. Un purgatif qui luy fut donné alors fit connoistre que cet engourdissement se communiquoit aux entrailles. On perdit des ce moment toute esperance, les accidens allerent toujours en augmentant, et les remedes furent sans effet.
[p. 374] Ce prince se trouva si mal la nuit du 12 au 13 qu’on craignit qu’il ne mourust avant qu’elle fust passée. Sa Majesté demanda le viatique pour la seconde fois, et le reçut sur les cinq heures du matin avec une piété exemplaire. On luy avoit donné l’extrême onction trois heures après midy en même temps que le viatique. Le prieur curé de Saint Germain s’acquitta de toutes ces fonctions d’une manière très édifiante.
Le même jour 13, après midy, le Roy alla voir pour la dernière fois ce prince mourant, et déclara proche de son lit, et en présence de la reine et de plusieurs seigneurs des deux Cours, que si Dieu disposoit de Sa Majesté [p. 375] britannique, il reconnoistroit et traiteroit monsieur le prince de Galles comme roy d’Angleterre, d’Ecosse et d’Irlande. Sa Majesté britannique, qui estoit dans un grand assoupissement, n’en fut point tirée par les mouvemens que ces paroles causerent dans la chambre, ou peut estre qu’estant toujours en meditation, en attendant le moment de la mort, Elle ne voulut pas interompre, pour les choses de ce monde, le sacrifice qu’Elle faisoit alors de son âme à Dieu. Tous les milords, en fondant en larmes, se jetterent aux genoux du Roy pour le remercier. Ils reconduisirent Sa Majesté en cet état, avec des acclamations qui témoignoient [p. 376] leur reconnoissance et leur affliction, et le mélange de joye et de tristesse qui paroissoit sur leur visage, ayant quelque chose d’aussi vif pour la joye que pour la douleur, on ne scavoit si l’on devoit se réjouir ou s’affliger avec cette Cour, qui pour trop sentir, ne pouvoit bien démeller elle-même ce qu’elle sentoit. La nuit du 13 au 14, on crut que ce prince alloit expirer, les redoublemens estans devenus plus frequens et plus dangereux. On reïtera plusieurs fois la recommendation de l’âme, ce qui fut fait alternativement par les aumôniers de Sa Majesté britannique et par le curé de Saint Germain. Cependant, Sa Majesté conservoit une connoissance parfaite [p. 377] qui continua jusques aux derniers momens ;
Madame la duchesse de Bourgogne alla le voir le 14 à trois heures après midy. Ce prince la remercia avec beaucoup de présence d’esprit et la pria de passer chez la Reine, à cause de la mauvaise odeur qui estoit dans sa chambre.
Monseigneur le duc de Bourgogne l’alla voir le 15, sur les dix heures et demie du matin. Lorsque ce prince y arriva, on disoit pour la cinquième fois les prières des agonisans. Sa Majesté britannique, après l’avoir remercié de sa visite, le pria de trouver bon que l’on continuast les prières. Madame l’alla voir l’après dinée du même jour, à l’issue [p. 378] de son dîner. Il entroit souvent dans une espèce de létargie, et lorsqu’on le reveilloit de son assoupissement, il répondoit juste et reconnoissoit tout le monde. Il avoit commencé le jeudy au soir à prononcer avec peine.
Le même vendredy 16 que ce prince reçut tant de visites et qu’il avoit ouy la messe dans sa chambre, ainsi que les jours précédens, il tomba dans une douce agonie sur les deux heures et demie après midy, et à trois heures et un quart, il expira sans aucun effort, ayant la bouche riante, ce qui continua d’une manière sensible quelques momens après sa mort. On observa, comme une chose digne de remarque, et dont [p. 379] il y a peu d’exemples, qu’en quinze jours que ce prince avoit passez dans le lit de la mort, aussi tourmenté des remèdes qu’on luy donnoit que de sa maladie, il ne luy estoit pas échapé le moindre mouvement d’impatience, de répugnance ny même d’inquiétude, estant dans une méditation presque continuelle et ne parlant qu’autant qu’il estoit absolument nécessaire et que la charité le demandoit. Sa piété n’avoit rien ny d’austère ny de rude. Je n’entre point dans les choses touchantes et plus édifiantes encore qu’il a dites à la reine pendant les quinze jours qu’a duré sa maladie ; elles sont au dessus de toutes sortes d’expression. La manière dont il a parlé à monsieur le [p. 380] prince de Galles n’est pas moins digne d’admiration, et moins difficile à exprimer. Il luy a fait voir par des discours aussi touchans que chrétiens qu’il ne devoit point mettre la couronne en parallèle avec la religion et l’a conjuré de ne le faire jamais. Il a protesté tout haut qu’il pardonnoit sincérement et de tout son cœur à tous ceux qui luy avoient causé tant de mal, et qu’il prioit Dieu qu’il leur pardonnast, en ajoutant qu’il leur avoit de grandes obligations, puisqu’ils estoient peut estre la cause de son salut qu’il esperoit. Il a tenu ces discours plus d’une fois et les a renouvellez en recevant le viatique. Ce n’est point l’état où il se trouvoit, et [p. 381] l’assurance d’une mort certaine qui l’ont fait parler ainsi, puisque depuis le commencement de ses malheurs jusqu’au moment de sa mort les chagrins qu’il ressentoit, peut estre plus pour sa famille que pour luy, n’ont jamais esté cause qu’il luy soit rien échapé contre les auteurs de tous ses maux. Il s’estoit mis pendant tout le cours de sa vie par une fermeté héroïque au dessus de toutes les disgraces qui luy estoient arrivées, et toutes les fois qu’il s’estoit agy de la religion, il avoit fait voir une constance digne des anciens chrétiens. Il estoit d’une valeur intrépide et il en a donné des preuves en plusieurs batailles, tant sur terre que sur mer, mais ce [p. 382] n’est pas icy le lieu de s’étendre sur des choses qui regardent ceux qui travailleront à son histoire.
Lorsque ce prince fut expiré, M. Desgranges, maistre des cérémonies de France, fit exposer son corps à la vue du peuple. Le clergé de la paroisse de Saint Germain, les recolets qui sont dans le même lieu et les augustins des Loges, au nombre de douze qui se relevoient de temps en temps, formerent deux chœurs, qui psalmodierent toute la nuit, et le matin on commença à célébrer des messes sur deux autels dressez dans la même chambre où estoit le corps.
Le samedy 17, sur les quatre heures après midy, on l’ouvrit et on l’embauma. On luy trouva [p. 383] très peu de sang, et presque réduit en eau, tous les visceres, les entrailles et même le cœur fletris et extenuez. A l’ouverture du crane il sortit une tres grande quantité de serositez et les ventricules du cerveau étoient absolument plein d’eau.
Son corps fut porté le soir, avec peu de cérémonie, aux bénédictins anglois du fauxbourg Saint Jacques, où il doit rester en dépost jusqu’à ce qu’on résolve où il sera inhumé. Son cœur a esté porté au couvent de Sainte Marie de Chaliot, où est celuy de la feue reine sa mère. Son convoy n’étoit composé que de trois carosses. Dans le premier, précédé de quatre gardes du corps qui portoient des flambeaux, étoient [p. 384] un aumônier, qui portoit le cœur du Roy, le père Sandun, confesseur de Sa Majesté, son compagnon, un autre aumônier, deux chapelains et le prieur de Saint Germain. Dans le second estoit le corps de ce prince, et M. du Vinet, exempt des gardes du corps de Sa Majesté Très Chrétienne. Vingt six gards du corps marchoient devant et derrière, avec des flambeaux. Le convoy estoit terminé par un troisième carosse, dans lequel estoient M. le duc de Barwik, Mr Porter, vice chambellan de Sa Majesté britannique, milord Hamilton, Mr Desgranges, Mr Hamilton, maistre de la garde robe, et Mr Ploiden, controlleur de la Maison de [p. 284] Sa Majesté. Mr d’Ingleton, aumônier de la semaine, fit un discours en latin en remettant le corps du roy entre les mains du prieur des bénécitins, qui répondit en la même langue, et ces discours furent trouvez fort touchans. Le corps couvert d’un poele fut mis sous un dais dans une chapelle tenue de noir. Le même cortège qui avoit esté aux bénédictins accompagne le cœur jusqu’à Sainte Marie de Challiot. Le même Mr Ingleton fit aussi un très beau discours en remettant le cœur entre les mains de la supérieure, qui y répondit avec beaucoup d’esprit.
Je dois ajouter icy qu’aussitost que le Roy fut expiré, M. [p. 386] le prince de Conty, qui depuis quelques jours n’avoit point quitté Saint Germain, estant parent de la reine, eut l’honneur de saluer le jeune roy. M. le nonce dit à ce nouveau monarque qu’il avoit ordre de Sa Sainteté de le reconnoistre après la mort du roy son père, et M. l’abbé Rizzini, envoyé de Modène, luy fit le même compliment de la part du duc son maistre.
Le 20, le Roy alla à Saint Germain, et il monta d’abord chez le roy d’Angleterre, qui l’attendit au haut du grand escalier en long manteau et conduisit Sa Majesté dans son appartement en prenant la main gauche. Il se trouva deux fauteuils, et le Roy s’assit dans celuy qui estoit [p. 387] à la droite. La visite fut courte. Sa Majesté britannique conduisit le Roy, qui l’empescha d’aller aussi loin qu’il auroit souhaité. Le Roy alla ensuite chez la reine, qui estoit au lit, et demeura près d’une heure avec cette princesse. Madame la duchesse de Bourgogne arriva pendant ce temps là, accompagnée de madame la Princesse, de madame la Duchesse, de mademoiselle d'Angu’en et des dames du palais de madame la duchesse de Bourgogne. Elles estoient toutes sans mantes, parce que la visite n’estoit pas de cérémonie. Madame la duchesse de Bourgogne alla d’abord chez Sa Majesté britannique, qui la reçut à la porte de sa chambre. Elle y resta peu de temps, et ne [p. 388] s’assit point. Cette princesse alla ensuite chez la reine, où elle trouva le Roy, qu’elle y laissa. Après cette courte visite, cette princesse alla chez madame la princesse d’Angleterre, où elle resta debout. Monseigneur le Dauphin et madame la princesse de Conty douairière y arrivèrent de Meudon une demi heure après. Le Roy, avant que de partir, alla chez madame la princesse d’Angleterre, messeigneurs les ducs de Bourgogne et de Berry, monsieur le duc et madame la duchesse d’Orléans, monsieur le Prince, monsieur le Duc et madame la Duchesse, madame la princesse de Conty et généralement tout ce qu’il y a de personnes de distinction [p. 289] à la Cour ont esté faire des complimens au roy, à la reine et à madame la princesse d’Angleterre.
Le 21, Sa Majesté britannique rendit visite au Roy à Versailles et à madame la duchesse de Bourgogne. Cette princesse étant alors à la messe, Sa Majesté l’attendit dans son appartement. Monseigneur le Dauphin et messeigneurs les ducs de Bourgogne et de Berry estoient partis pour Fontainebleau.
Je ne dois pas finir cet article sans vous dire que tous ceux qui ont vu ce jeune roy en sont charmez. Son air, ses manières et son esprit frapent d’abord également tous ceux qui ont l’honneur de l’approcher. Tout est en [p. 390] ce jeune monarque infiniment au dessus de son âge, et quoy qu’il doive beaucoup au sang dont il est sorti, il ne doit pas moins à son éducation. »

Récit du baptême du duc d’Orléans à Saint-Germain-en-Laye

« L’ordre et triomphe du baptesme de tres haut et tres puissant prince monseigneur Louys, second fils de France, duc d’Orleans, fait à Saint Germain en Laye le dix neufieme jour du mois de may mil cinq cens quarante neuf
Pour les roys d’armes de France
Le dimanche dix neufieme jour de may, le roy Henry II, estant a Sainct Germain en Laye, accompagné des princes de son sang, pour solenniser le baptesme de tres haut et tres puissant prince monseigneur Louys, second fils, duc d’Orleans, fit un festin royal en la grande salle dudit chasteau de Sainct Germain, laquelle estoit toute tapissee de riche tapisserie, faite de fil d’or, de fil d’argent et de soye, enrichie et garnie par le haut de feuillages de lierre et buys, semez d’ecussons aux armes de France, de la Reyne, de Portugal, d’Escosse et de Ferrare, et des croissans entrelassez ; et au bout d’en haut de ladite salle estoit la table dressee et couverte pour le Roy, a laquelle pour aller y avoit huit marches couvertes de tapis de Turquie, et au dessus de ladite table y avoit un ciel de satin cramoisy fait en broderie, et couvert de perles. A main dextre et au dessous de la table du Roy y avoit une longue table dressee pres des fenestres pour les princes et dames.
Environ l’heure de cinq heures du soir, le Roy partit de sa chambre, accompagné de don Constantin, prince, ambassadeur et parain delegué de par don Jean, roy de Potugal ; et marchoit devant le Roy monsieur de Boisy, Grand Escuyer de France, portant une hache d’armes comme capitaine des cent gentilsommes de la Maison du Roy, madame Marguerite, la reyne d’Escosse, madame la duchesse d’Aumale et ledit delegué de Portugal ; a main senestre et de l’autre costé, messeigneurs les reverendissimes cardinaux de Bourbon, de Vendosme, de Guise, d’Amboise et de Chastillon, et autres grands seigneurs. Monseigneur d’Anguyen servoit de panetier. Louys monsieur de Bourbon d’eschançon, monsieur d’Aumale d’escuyer trenchant, monsieur le connestable de Grand Maistre.
Et pour le premier service arriva monsieur le connestable en l’ordre qui ensuit. Premier marchoient les tambours, fifres et trompettes sonnans, apres les herauts deux a deux revestus de leurs cottes d’armes, apres marchoient deux huissiers de la chambre du Roy portans la masse sur l’epaule, apres marchoient les maistres d’hostel, ayans tous les dessus dits la teste nue, apres marchoit monsieur le connestable portant son baston de Grand Maistre, enrichy et couvert [p. 150] de perles et pierreries ; puis marchoit monsieur d’Anguyen servant, comme devant est dit, de panetier. Le service estoit porté par les gentilshommes de la chambre du Roy, richement vestus, ayans la teste nue, et fut tenu tel ordre a tous les autres services comme au premier. Et durant le festin y avoit chantres chantans en musique, hautsbois et autres joueurs d’instrumens le plus melodieusement que l’on scauroit ouyr. Et a la fin du dernier service fut crié : Largesse, par Monjoye, accompagné des herauts revestus comme dessus, d’un bassin et d’une eguiere d’or de par tres haut et puissant prince monseigneur le duc d’Orleans. Et le festin achevé, le bal commença qui dura environ deux heures, et ledit bal finy le Roy se retira en sa chambre, et s’en alla madame Marguerite, la reyne d’Escosse, madame la duchesse d’Aumale et ledit delegué de Porugal, monsieur de Guise et tous les princes et dames en la chambre où estoit ledit seigneur duc d’Orleans, laquelle estoit tapissée comme il s’ensuit. Dedans ladite chambre y avoit un grand lict de parement, couvert d’un drap d’or frizé traisnant en terre, et tout a l’entour par bas estoit redoublé et fourré d’hermines ; deux oreillers tous faits en broderie, couverts de perles et pierreries, et le ciel et dossier de drap d’or couvert de perles, les franges de fil d’or et au bout desdites franges tous garnis de grosses perles ; ladite chambre tapissee tout a l’entour de tapisserie faite de fil d’or, fil d’argent et soye la plus riche que l’on veit jamais, le fonds par haut de drap d’or et par bas de tapis de Turquie. Et au sortir de ladite chambre, toute la galerie et la vis par où l’on passa pour descendre en la cour allant a la chapelle dudit chasteau estoit toute tapissée de drap d’or et de tapis de veloux cramoisy violet, semez de fleurs de lys d’or, d’hermines et de toile d’argent. Tous lesdits seigneurs assemblez dans ladite chambre, fut levé le petit prince par ledit delegué de Portugal, et fut tenu tel ordre au marcher dudit baptesme, somme il s’ensuit.
Premierement, marchoient les tambours, fifres et trompettes sonnans fanfares, apres les herauts deux a deux, revestus de leurs cottes d’armes, apres marchoient les huissiers de la chambre portans la masse, puis marchoient les chevaliers de l’ordre ayans le grand ordre, portans chacun un cierge blanc en la main, apres marchoit monsieur François de Lorraine, grand prieur de France, portant le cierge du baptesme, apres le marquis du Maine, portant la saliere, apres monsieur d’Aumale, portant le cresmeau enrichy de pierres precieuses et d’une grande croix dessus, ledit cresmeau en manière d’escarboucle, posé sur un carreau de drap d’or couvert de parles, apres monsieur de Longueville, portant l’eguiere, apres Louys monsieur de Bourbon, portant le bassin, apres monseigneur d’Anguyen, portant l’oreiller et serviette, apres marchoit le parain delegué dudit roy de Portugal, portant ledit prince, à costé de luy a main dextre monsieur de Guise, servant de parain et delegué pour le duc de Ferrare, a main senestre madame la duchesse d’Aumale, servant de maraine [p. 151] au lieu de la reyne douairiere d’Escosse. Et estoient a costé, derriere ledit sieur de Guise et la duchesse d’Aumale, René monsieur de Lorraine, et le fils du gouverneur d’Escosse, portans chacun un coin du drap d’or ou estoit ledit petit prince, servans de chevaliers d’honneur. Apres marchoit madame Marguerite, laquelle menoit par la main la petite reyne d’Escosse, apres madame la duchesse de Valentinois, apres toutes les dames en bon ordre, richement vestues et parees tellement que, pour l’abondance des pierreries et broderies, l’on n’eust sceu discerner la couleur de leurs habillemens. Tous lesquels descendus dans la cour du chasteau, estoit ladite cour toute tapisseee de riche tapisserie faite de fil d’or, fil d’argent et de soye, et aux premieres lermieres de ladite cour y avoit a un pied loin de l’autre un cierge allumé, jusques au nombre de deux cens et plus, et depuis la porte de la salle jusques a la porte de la chapelle, estoient arrangez les arches de la garde d’un costé, tenans chacun une torche allumee a la main, et de l’autre costé en pareil ordre les suisses, ayans chacun aussi une torche allumee comme lesdits archers de la garde. A la porte de ladite chapelle estoit monseigneur le reverendissime cardinal de Bourbon, revestu pour faire l’office, accompagné de messeigneurs les reverendissimes cardinaux de Vendosme, de Guise, d’Amboise et de Chatillon, avec plusieurs archevesques, tous revestus de leurs roquets. Dedans et au milieu de ladite chapelle, y avoit un theatre dressé sur quatre piliers dorez de fin or, ou fut porté ledit petit prince, et dans ledit theatre y avoit un fonts dressé d’argent doré, tout enrichy de perles et pierreries, le plus beau qu’il soit possible a un homme de voir, et fut ledit petit prince nommé par ledit delegué de Portugal Louys. Ladite chapelle estoit toute garnie de cierges blancs et grands chandeliers d’argent pendans tous garnis de cierges, qui donnoient une lueur et clarté comme s’il eus testé midy. Et ledit baptesme achevé, fut crié par ledit Monjoye dans ladite chapelle : Vive tres haut et tres puissant prince monseigneur Louys, second fils de France, duc d’Orleans. Et fut ledit petit prince rapporté en pareil ordre et triomphe qu’il avoit esté porté jusque dans ladite chambre de parement. Et au retour en la salle du Roy, furent dressees tables chargees de confitures, dragees et epiceries pour la collation. Et ce fait chacun se retira. »

Récit du baptême de Louis XIV dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye

« [p. 324] Les ceremonies du baptesme de monseigneur le Daufin
J’aurois grand sujet de craindre que tant de hauts mysteres qui se presentent si souvent à ma plume, ne pouvans estre traitez dignement pour la briesveté du temps que me prescrit la coustume et l’humeur de nostre nation, ne me donnassent rang entre les moindres escrivains si je n’affectois moins la qualité d’orateur que celle d’historien. Auquel devant suffire le recit de ce qui s’est passé, et la narration la plus simple estant la meilleure, j’espere de l’equité de mon lecteur qu’il ne condamnera pas mes petits ouvrages pour le defaut des ornemens que je ne cherche point, bien qu’ils fussent ailleurs necessaires en des matieres de telle importance que celles que je traite.
Le Roy ayant desiré que l’on baptizast monseigneur le Daufin, Sa Majesté, en tesmoignage de l’estime qu’elle fait du prince de Condé et du cardinal Mazarin, et de l’affection qu’elle a pour leurs personnes, a voulu que la princesse de Condé et Son Eminence eussent l’honneur de tenir mondit seigneur le Daufin sur les fonts et d’estre ses parein et mareine.
Pour cet effet, le vingt unieme de ce mois d’avril 1643, [p. 324] sur les quatre à cinq heures apres midi, la Reine, accompagnée de la princesse de Condé, de la comtesse de Soissons, de la duchesse de Longueville et d’autres princesses et dames de la Cour, passa par la porte qui respond de son appartement dans l’eglise du vieil chasteau de Saint Germain, dont le chœur et la nef, le jubé et tribunes ou galeries estoyent desja remplis de plusieurs seigneurs et dames et autres personnes accourues en grand nombre pour assister à cette ceremonie. Monseigneur le Daufin marchoit devant Sa Majesté et la dame de Lansac, sa gouvernante, derriere lui. Il estoit vestu par dessus son habit ordinaire d’une robe de tafetas d’argent.
A leur arrivée, la Musique du Roy, qui estoit au jubé, son lieu ordinaire, chanta un motet fort harmonieusement, pendant lequel la Reine, s’estant mise de genoux sur son prié Dieu garni de son drap de pied et quarreaux de velours rouge cramoisi à franges d’or, et monseigneur le Dauphin aussi à genoux auprès de Sa Majesté, et à sa droite la princesse de Condé se tenant aussi à genoux, à sa gauche l’evesque de Meaux, premier aumosnier du Roy, vestu de ses habits et ornemens pontificaux, accompagné de quatre des aumosniers de Sadite Majesté, en presence [p. 326] des evesques de Beauvais, de Viviers, de Riez, de Saint Pol, de Coutances et du Puy, tous en rochet et camail, de plusieurs abbez et de tout le clergé de la chapelle du Roy, sortit de sa sacristie, et après avoir adoré le saint sacrement, qui estoit exposé sur le maistre autel extraordinairement paré et brillant de plusieurs gros luminaires de cire blanche, il s’approcha du prié Dieu de la Reine, laquelle luy presenta monseigneur le Daufin, qui fut ensuite elevé par sa gouvernante sur l’appui ou accoudoir dudit prié Dieu.
Puis le cardinal Mazarin, qui avoit aussi accompagné la Reine, passa à la main droite de monseigneur le Daufin, et la princesse de Condé de l’autre costé, selon l’ordre observé en l’Eglise entre les pareins et mareines, de laquelle dignité il a pleu au Roy les honorer, Sa Majesté leur ayant tesmoigné de sa propre bouche que c’estoit pour obliger encor plus estroitement le prince de Condé et Son Eminence à son service et à celui de monseigneur le Daufin, son fils, qu’Elle leur faisoit cet honneur, qui est le plus grand qu’eux ni autres pouvoyent jamais recevoir.
Alors la Reine, tenant par derriere mondit seigneur le Daufin, qui parut beau comme un [p. 327] ange et fit voir en toute cette action une modestie et retenue extraordinaire à ceux de son aage, l’evesque de Meaux, qui l’avoit ondoyé comme vous avez sceu le jour de sa naissance, ayant salué Sa Majesté, la mitre en teste, demanda ausdits parein et mareine le nom qu’on vouloit imposer à ce prince. La princesse de Condé ayant fait grand compliment à Son Eminence, puis une reverence à la Reine, le nomma Louis suivant l’intention de Sa Majesté. Ensuite de quoi l’evesque continua l’office selon le rituel romain, suivant lequel il exorciza, benit le sel et en mut dans la bouche de ce prince, qui le receut fort pieusement et avec une humilité qui ravit toute l’assistance en admiration. Puis la Reine lui ayant, ainsi qu’il se pratique en telles ceremonies, descouvert la poitrine et les espaules, l’evesque officiant lui appliqua les saintes huiles des cathecumenes, et à toutes les trois fois que l’evesque lui dist « Ludovice abrenuncias Sathanae, pompis et operibus ejus », il respondit lui mesme autant de fois « abrenuncio », comme aussi aux trois interrogations qu’il lui fit sur sa creance, selon les termes du mesme rituel, il respondit hardiment autant de fois « credo ». Alors l’evesque lui declara qu’il estoit introduit dans l’Eglise, et tant les parein et mareine que ledit evesque et tous les assistans [p. 328] reciterent avec le prince à haute vois le symbole des apostres et l’oraison dominicale. Puis l’evesque, obmettant l’infusion de l’eau (qui avoit, comme j’ay dit, esté faite à ce prince à sa naissance et qui ne se reitere jamais), la Reine lui descouvrant la teste, l’evesque lui en oignit le sommet avec le saint chresme. Ce fait, il lui mit sur la teste le chresmeau, recitant aussi les mots du rituel sur ce sujet, et lui presenta le cierge ardent qu’il prit lui mesme à deux mains, et le tint seul durant le reste de la ceremonie. A la fin de laquelle, l’evesque officiant monta à l’autel et donna la benediction solenelle que toute l’assistance receut à genoux, et la Musique du Roy chanta encore ensuite, puis chacun s’en retourna merveilleusement satisfait d’avoir assisté à cette auguste ceremonie, laquelle fut fermée par un remerciment que ce prince vint faire jusques dans la sacristie à l’evesque qui l’avoit baptisé, donnant par ces premices un prejugé et une esperance certaine de ce qu’il faut attendre de lui quand la vigueur de l’aage aura poussé au dehors les bonnes semences de la vertu que sa naissance lui a fournies et que les bons preceptes et exemples domestiques lui cultivent sans cesse. »

Récit du baptême de Louis XIV dans la chapelle du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye

« Les ceremonies du baptesme de monseigneur le Dauphin, à present Louys XIV, à Sainct Germain en Laye le 21 avril 1643
Le feu roy Louis XIII ayant fait ondoyer monseigneur le Dauphin son fils des le jour de sa naissance par monsieur Dominique Seguier, evesque de Meaux et son premier aumosnier, comme a esté remarqué cy dessus à la page 214 de ce livre, Sa Majesté avoit toujours differé la ceremonie du baptesme de ce sien fils aisné jusques au vingt unieme du mois d’avril mil six cens quarante trois, auquel estant indisposée, Elle voulut que l’on baptisast ce prince, et pour ce sujet choisit monsieur le cardinal Jules Mazarin pour parain et madame Charlote Marguerite de Montmorency, femme de feu monseigneur le prince de Condé, pour maraine de Son Altesse royale. Ainsi plusieurs de nos roys ont choisi des ecclesiastiques pour estre les parains de leurs fils aisnez, entre autres saint Louys fit le choix d’Odon ou Eude III, abbé de Saint Denys, pour estre le parain de son fils aisné Louys de France.
Ce fut sur les quatre ou cinq heures du soir du mesme jour que se fit [p. 246] cette royale et saincte ceremonie dans la belle chapelle du vieil chasteau de Sainct Germain en Laye, en cet ordre :
Monseigneur le Dauphin vestu, par dessus son habit ordinaire, d’une robbe de taffetas d’argent, marchoit devant la Reyne et la marquise douairiere de Lansac, sa gouvernante, derriere Son Altesse royale. Apres la Reyne suivoient la susnommée Charlote Marguerite de Montmorency, princesse de Condé, madame Anne de Montafié, comtesse de Soissons, madame Anne de Bourbon, duchesse de Longueville, et les autres princesses et dames de la cour.
La Reyne et monseigneur le Dauphin estans arrivez en cette royale chapelle, dont le chœur et la nef, le jubé et les galeries et tribunes estans remplis de plusieurs seigneurs et dames qui estoient venues pour voir cette auguste ceremonie, la musique du Roy chanta un motet ravissant, pendant lequel, la Reyne s’estant mise de genoux sur son prié Dieu garny de son drap de pied et carreaux de veloux rouge cramoisy à franges d’or, et monseigneur le Dauphin aussi à genoux aupres de Sa Majesté et à sa droite, la princesse de Condé se tenant aussi à genoux à sa gauche, le susnommé evesque de Meaux, vestu de ses habits et ornemens pontificaux, accompagné de quatre aumosniers de Sadite Majesté, en presence de ces six prelats, tous en rochet et camail, monsieur l’evesque et comte de Beauvais, pair de France et premier aumosnier de la Reyne, de la maison de Potier, monsieur l’evesque de Viviers, de l’illustre maison des comtes de Suze ou de la Baume en Dauphiné, monsieur l’evesque de Riés de la maison de Doni assez conneue à Florence et à Avignon, monsieur l’evesque de Sainct Paul de l’illustre maison d’Ademar de Monteil et comtes de Grignan en Provence, monsieur l’evesque de Coutances de la maison de Matignon, et de monsieur l’evesque du Puy de la maison de Maupas ou des barons du Tour en Champagne, et de plusieurs abbez et de tout le clergé de la chapelle du Roy, sortit de la sacristie et, apres avoir adoré le tres sainct sacrement qui estoit exposé sur l’autel orné de tres riches paremens, il s’approcha du prié Dieu de la Reyne, laquelle luy presenta monseigneur le Dauphin, qui fut ensuite eslevé par la marquise de Lansac sur l’appuy ou acoudoir dudit prié Dieu. Puis le cardinal Mazarin, qui avoit accompagné la Reyne depuis son departement jusques à cette chapelle, passa à la main droite de monseigneur le Dauphin et la princesse de Condé de l’autre costé, selon l’ordre observé en l’Eglise entre les parains et maraines, de laquelle dignité il a plu au Roy de les honorer, Sa Majesté leur ayant temoigné de sa propre bouche que c’estoit pour obligé encore plus estroitement le prince de Condé et Son Eminence à son service et à celuy de monseigneur le Dauphin son fils qu’Elle leur faisoit cet honneur, qui est le plus grand qu’eux ny autres pouvoient jamais recevoir.
Alors la Reyne, tenant par derriere mondit seigneur le Dauphin, qui parut beau comme un ange et fit voit en toute cette saincte action une modestie et retenue extraordinaire à ceux de son age, l’evesque [p. 247] de Meaux, qui l’avoit ondoyé comme a esté rapporté cy dessus, ayant salué Sa Majesté la mitre en teste, demanda ausdits parain et maraine le nom que l’on vouloit donner à ce prince. La princesse de Condé, ayant fait grand compliment à Son Eminence, puis une reverence à la Reyne, le nomma Louys, suivant l’intention de Sa Majesté. En suite de quoy l’evesque continua l’office selon le rituel romain, suivant lequel il exorciza, benit le sel et en mit dans la bouche de ce prince, dix neufieme dauphin de Viennois, Louys de France, quatrieme du nom, qui le receut fort pieusement, et avec une humilité qui ravit toute l’assistance en admiration. Puis, la Reyne luy ayant, ainsi qu’il se pratique en telles ceremonies, decouvert la poitrine et les epaules, l’evesque officiant luy appliqua les sainctes huiles des catechumenes, et à toutes les fois que ce prelat luy dit : Ludovice abrenuncias Sathanae, pompis et operibus ejus ?, il repondit luy mesme autant de fois : Abrenuncio, comme aussi aux trois interrogations qu’il luy fit sur sa creance, selon les termes du mesme rituel, il repondit hardiment autant de fois : Credo. Alors l’evesque luy declara qu’il estoit introduit dans l’Eglise, et tant les parain et maraine que ce prelat et tous les assistans reciterent avec Son Altesse royale à haute voix le symbole des apostres et l’oraison dominicale. Puis l’evesque, obmettant l’infusion de l’eau (qui avoit esté faite à ce prince des le jour de sa naissance le dimanche cinquieme de septembre mil six cens trente huit et qui ne se reitere jamais), la Reyne luy decouvrant la teste, l’evesque luy en oignit le sommet avec le sainct cresme. Ce fait, il luy mit sur la teste le cresmeau, recitant aussi les mots du rituel sur ce sujet, et luy presenta le cierge allumé, que Son Altesse prit elle mesme à deux mains et le tint seule durant le reste de la ceremonie. A la fin de laquelle l’evesque officiant monta à l’autel et donna la benediction solennelle, que toute l’assistance receut à genoux, et la musique du Roy chnta encore ensuite le Regina caeli etc. Puis chacun s’en retourna, merveilleusement satisfait d’avoir assisté à cette saincte et auguste ceremonie, laquelle fut fermée par un remerciement que ce prince vint faire jusque dans la sacristie à l’evesque qui l’avoit baptisé.
Ce dix neufieme dauphin Louys de France, quatrieme du nom, par cette action donna des indices de sa future bonté et pieté, et des asseurances que quand Son Altesse royale seroit plus avancée en age, elle suivroit les vertus de tant de roys et de princes ses ancestres, desquels le nom et la mémoire est en benediction pour leur affection, leur respect et leur sainct zele vers l’Eglise, unique espouse du fils unique de Dieu. La premiere action royale que Son Altesse royale fit des le jeudy Sainct le onzieme de ce mesme mois d’avril en la ceremonie de la Cene, lavant les pieds aux pauvres, ne put estre que de bon augure, estant pareillement de pieté, et un presage qu’il imiteroit le Roy son père, qui avoit fait autrefois une pareille action. »

Récit du baptême d’Henri de Bourbon, futur duc de Verneuil, et de sa sœur Gabrielle à Saint-Germain-en-Laye

« Le roy Henry le grand se resolut promptement de commander au sieur de Roquemont, maistre des ceremonies, de donner ordre sans grand appareil au baptesme de monsieur et madamoiselle de Verneuil, ses enfans naturels.
Premierement, fut preparée la grande salle de Sainct Germain, sans chambre et sans lict de parade pour ce qu’il n’y avoit pas de dames pour ensuivre la ceremonie requise. Mais ladite salle fut garnie d’un dais sur la cheminée, et aussi sur la table où se poserent les honneurs. Dans ladite salle s’assemblerent les princes et seigneurs destinez pour porter les honneurs et pour accompagner la ceremonie. Et là dedans, venue l’heure du baptesme, se rendirent monsieur et madamoiselle du Verneuil, pour estre là tenus prests afin d’estre menez baptiser par monseigneur le Dauphin et par Madame, compere et commere. Et le tout ordonné dans ladite salle, fut deputé monsieur de Vendosme pour aller advertir monseigneur le Dauphin, qui estoit attendant en sa chambre que tout fust prest, et ledit sieur le conduisit jusques à ladite salle. D’autre part, fut aussi deputée madamoiselle de Vendosme pour rendre pareil devoir à Madame. Et sitost qu’ilz furent arrivez, ledit sieur maistre des ceremonies fit suivre l’ordre de l’assemblée qui se trouva, et de peur de la presse le capitaine de la garde à Sainct Germain fit haye avec sa compagnie en armes, et quelques personnes entremeslées avec des torches à la main, depuis l’escalier de ladite salle jusques à l’entrée de la chapelle du vieux chasteau. Et y ordonna aux portes de ladite chapelle, à la premiere les gardes du grand prevost, et à celle du chœur un exempt des gardes de la garde du Roy.
Premierement marchoient les trompettes, fiffres, hautsbois et tambours. Apres suivirent les gentilshommes qui se trouverent avec un flambeau à la main. Puis marcherent les honneurs, qui avoient esté presentez par madame de Vitry, fille de madame de Montglas, scavoir premierement le cierge porté par le sieur de Courtenvaux, puis le cresmeau de satin blanc, avec son carreau de mesme, porté par le sieur de Lansac, puis la saliere portee par le sieur de Frontenac, premier maistre d’hostel du Roy, l’aiguiere portée par le sieur de Montbazon, le bassin porté par monsieur le chevalier de Vendosme, puis la serviette [p. 204] portée par monsieur de Vendosme, et l’on fit servir ces mesmes honneurs pour tous les deux, et ce pour accourcir la ceremonie. Quant aux enfans, ils ne furent portez, mais monsieur de Verneuil marcha à pied, tous deux vestus de satin blanc, et fut adextré par monseigneur le Dauphin son parain, lequel estoit suivy de monsieur de Souvré, son gouverneur. Et madamoiselle de Verneuil marcha de mesme à dextre de Madame, sa maraine. Donc tous ensemble estans guidez et environnez de leurs gouverneurs et gouvernantes, et ayans quelques gentilshommes à l’entour et derriere ; suivit l’exempt du Roy pour la garde de monseigneur le Dauphin, avec quelques archers pour empescher le desordre et la presse. Et arrivez à la chapelle, où estoient les fonts parez de satin blanc, furent baptisez par monsieur l’evesque de Paris l’un apres l’autre.
Mondit seigneur le Dauphin et Madame, compere et commere, nommerent monsieur de Verneuil Henry, du nom du Roy et de la mere de l’enfant, nommée Henriette, et madamoiselle de Verneuil Gabrielle, lesquels noms furent ainsi donnez par le commandement du Roy, et immediatement apres monsieur de Verneuil fut confirmé et tonsuré par ledit evesque de Paris.
Le soir y eut festin aux depens du Roy, auquel monsieur le Premier donna ordre et servit de controlleur general. A la table de monseigneur le Dauphin furent assis mondit seigneur le Dauphin et Mesdames et furent servis de leurs viandes par leurs ordinaires officiers. Et fut attachée à leur table, en potence, une autre table de trente assiettes pour ceux qui avoient servy en cette ceremonie, à laquelle furent assis monsieur de Vendosme, le chevalier son frere, monsieur de Montbazon et le reste des gentilshommes, et là fut beu à la santé du Roy et de monseigneur le Dauphin. Et ce fut là la premiere fois que mondit seigneur le Dauphin mangea publiquement au festin. De sa place, il voyoit une partie de la grande table, et admiroit toutes les viandes qui se servoient, et paroissoit grandement resjouy de voir festiner un chacun et boire à sa santé. Le soir fut dansé entre les enfans princes et princesses, et puis chacun se retira. Et le lendemain matin le maistre des ceremonies partit pour aller rendre compte au Roy de ce qui s’estoit passé en cette action solennelle, au recit de laquelle Sa Majesté prit grand plaisir. »

Récit des retrouvailles de Louis XIII et de son frère à Saint-Germain-en-Laye

« Le XXI du mesme mois, Monsieur arriva à Sainct Germain en Laye, entre une et deux heures apres midy, le Roy ayant desjà disné, ne croyant pas (encore que mondit seigneur en eut donné advis à Sa Majesté) qu’il deut arriver de ce jour là, à cause qu’il faisoit un vent tres fascheux. Le sieur de Sainct Simon, premier escuyer de Sa Majesté, l’alla recevoir à la premiere cour, et le Roy sortit de son cabinet pour l’accueillir en sa chambre, accompagné du comte de Soissons, des ducs de Longueville, de Monbazon et de Chaune, des mareschaux de Chastillon, d’Estrées et de Brezé, du garde des sceaux, du sieur de La Meilleraye, grand maistre de l’artillerie, des surintendans des Finances, secretaires d’Estat, capitaines des gardes du corps et autres seigneurs, gentilhommes et personnes de condition, que la curiosité de cette entreveue tant desirée avoit attirés de Paris en si grand nombre que l’escalier et la sale en estant pleins, Monsieur en penetra la presse avec beaucoup de peine en un quart d’heure.
Rencontrant le Roy, qui l’attendoit prez de la porte de sa chambre, il s’inclina fort bas en luy disant ce peu de mots : Monsieur, je ne scay si c’est la crainte ou la joye qui m’a interdit la parole, il m’en reste pourtant encore pour vous demander le pardon du passé. Sa Majesté, le relevant et l’embrassant, luy repartit : Mon frere, ne parlons pas du passé, mais seulement de nous resjouir de ce que Dieu nous a fait la grace de nous reunir ici, dont je sens une grande joye. Et cela dit, ils s’embrasserent encore [p. 698] deux fois avec de grandes tendresses et tesmoignages d’une affection fraternelle. Le sieur de Puylaurens, se jettant aux piés du Roy, pour luy demander aussi pardon du passé, Sa Majesté le releva et luy dit : Que les bons services qu’il luy avoit rendu nagueres en la personne de son frere luy faisoit oublier toutes les autres choses passées.
Apres ces complimens, le Roy mena Monsieur en son cabinet, où les susdits princes, seigneurs et officiers les suyvirent. Ainsi qu’ils s’entretenoient, le cardinal duc arrivant de Ruel y entra, et salua Monsieur, qui l’embrassa et luy tesmoigna beaucoup d’affection, dont Sa Majesté, recevant un singulier contentement, dit à Monsieur : Mon frere, je vous prie d’aymer monsieur le cardinal, et Monsieur respondit : Monsieur, je l’aimeray comme moy mesme et suis resolu d’en suyvre ses conseils. Les autres gentilshommes qui avoient accompagné mondit seigneur furent appellés au cabinet, et par luy presentés pour faire aussi leurs submissions à Sa Majesté, qui les receut tous favorablement.
Ces actions de reconciliation et de joye estoient si agreables à tous les assistans que desjà deux heures s’estoient passés sans ennuy lorsqu’aucuns, considerans que Monsieur n’avoit pas encore disné, luy dirent qu’il estoit bien temps de disner. A quoy il repartit : Il y a quatre ans que je disne tous les jours sans voir le Roy, je ne puis moins faire que de preferer aujourd’huy ce contentement à mon disner. Mais le Roy mesme luy ayant dit qu’il falloit disner, il s’alla mettre à table en la seconde chambre, où il fut servir par les officiers de Sa Majesté.
La Royne estant arrivée de Paris ce mesme jour à Sainct Germain, Monsieur la salua, et tous deux se rendirent de grands tesmoignages d’affection, de contentement et de joye.
Monsieur, estant rentré au cabinet du Roy pour s’entretenir avec Sa Majesté et la trouvant occupée à ouir des ambassadeurs extraordinaires des Suedois et d’Alemagne, passa le retse de l’apres disnée avec les seigneurs de la Cour, qui luy tesmoignerent tous une extreme resjouissance de son retour. Le soir, il soupa à la table de Sa Majesté et s’entretint apres souper avec Elle.
Le lendemain, mondit seigneur fut regalé à Ruel par le cardinal duc, avec autant d’alegresse que de magnificence, qui se termina par un parfait contentement et satisfaction reciproque, ce qui fit esperer aux assistans que cette reconciliation s’affermiroit tousjours de plus en plus, l’un estant lassé de suyvre des mauvais conseils, et l’autre ne pouvant se lasser d’en bonner de bons, pour le bien de l’Estat et pour la gloire de la France.
Mondit seigneur retourna dez le soir mesme à Sainct Germain, pour prendre congé du Roy et s’en aller à son duché d’Orleans. »

Dupleix, Scipion

Récit de la visite du roi d’Espagne au roi et à la reine d’Angleterre à Saint-Germain-en-Laye

« [p. 265] Sur les quatre heures du soir, le roy d’Espagne alla à Saint Germain en Laye rendre visite au roy et à la reine de la Grande Bretagne et à monsieur le prince de Galles. Sa Majesté britannique reçut Sa Majesté Catholique à la porte de la salle des gardes sur le grand escalier et la conduisit à son appartement, où il y avoit deux fauteuils ; le roy d’Espagne occupa celuy de la droite, et le roy de la Grande Bretagne reconduisit Sa Majesté Catholique à l’endroit où [p. 266] Elle l’avoit reçue. Ensuite le roy d’Espagne alla chez la reine de la Grande Bretagne ; elle le reçut à la porte de la salle de ses gardes, et estant entrez dans l’appartement, ils s’assirent sur deux fauteuils. Le roy d’Espagne ayant pris congé de la reine, rendit visite à monsieur le prince de Galles, qui le reçut à la salle des gardes et le conduisit dans sa chambre, où il y avoit un fauteuil. La visite se passa debout et Son Altesse royale reconduisit Sa Majesté Catholique jusqu’à son carosse et la vit partir. »

Récit de la visite du duc de Mantoue à la famille royale anglaise à Saint-Germain-en-Laye

« Il [le duc de Mantoue] m’avait prié de savoir du Roi si S. M. ne jugeait pas à propos qu’il allât à Saint Germain en Laye voir le roi et la reine d’Angleterre. S. M. m’avait ordonné de lui dire qu’il en était le maître, pourvu qu’il y allât comme partout ailleurs sous le nom de marquis de San Salvador et sans qu’il fût question d’aucune cérémonie. Il envoya, le 17, le marquis d’Elfian complimenter Leurs Majestés britanniques et demander le jour et l’heure auxquels il pourrait les voir et convenir avec mylord Pertz, gouverneur du roi, à qui j’indiquai au marquis qu’il devait s’adresser, de la manière dont il serait reçu. Le lendemain, le roi d’Angleterre l’envoya complimenter à Luxembourg par un de ses premiers gentilshommes de sa chambre et la reine par le comte de Molsa, son premier écuyer.
[…]
[p. 171] Le lundi 19, nous fûmes à la cour d’Angleterre avec le même nombre de carrosses et de la même manière que nous avions été à Versailles. En arrivant au château de Saint Germain, nous montâmes d’abord, et sans nous reposer dans aucun appartement, à l’audience, par le grand degré, ayant été reçus à la descente du carrosse par le comte Molsa seul, à cause [p. 172] de l’incognito, et Leurs Majestés britanniques l’avaient choisi préférablement à un autre parce qu’il est italien. Comme je n’avais aucune fonction dans cette audience, je marchai derrière avec les courtisans du prince sans affecter aucune distraction. Nous nous trouvâmes dans le cabinet du roi. Le jeune roi, debout, avait son chapeau sous son bras, et ayant la droite sur la reine sa mère, qui avait à sa gauche, en retour, la princesse d’Angleterre. Le roi et la reine attendirent en leurs places le marquis de San Salvador, sans s’avancer pour le recevoir ; après les révérences réciproques et un compliment du roi fort court, la reine prit la parole en italien et, après une conversation d’environ un quart d’heure, elle convient avec ce prince d’une plus longue entrevue, et plus libre, quand elle viendrait au couvent des Filles de Sainte Marie de Chaillot, où elle va souvent. Ensuite, le prince prit congé de Leurs Majestés britanniques ainsi que Molsa nous avait dit, en montant le degré, que c’était l’usage de leur Cour, et le roi et la reine avancèrent jusqu’à la moitié du cabinet, qui à la vérité n’est pas fort long, pour le reconduire. Dans le moment qu’il eut fait la révérence pour s’en retourner, il présenta les gens de qualité de sa suite et, ayant aperçu en sortant du cabinet que la reine me faisait l’honneur de me parler, il revint et lui dit, me prenant par la main, que le Roi n’avait pu lui faire un plus grand plaisir que de me mettre auprès de lui pour l’accompagner, parce que j’étais son ancien ami – il voulut bien m’honorer de cette expression – et que tout ce qui était commis à mes soins se retrouvait toujours arrangé et exécuté à la perfection. En revenant de Saint Germain, il s’arrêta à la machine de Marly qui se trouve sur le chemin et qui n’est pas une des moindres choses à faire voir aux étrangers pour leur donner une idée de la magnificence avec laquelle le Roi a fait tout ce qui a pu embellir ses jardins. »

Le Tonnelier, Louis Nicolas, baron de Breteuil

Récit de la réception du dauphin dans l’ordre du Saint-Esprit au Château-Vieux

« Les ceremonies qui ont esté faites au château de Saint Germain en Laye pour recevoir monseigneur le Dauphin chevalier des ordres et milice du Saint Esprit
Les Enfans de France reçoivent dès le jour de leur naissance la croix et le cordon bleu, et ainsi les officiers de l’Ordre les avoient apportez à monseigneur le Dauphin en 1661. Le Roy choisit le premier jour de ce mois pour le faire chevalier avec les ceremonies accoutumées et nomma monsieur le duc d’Enguyen pour accompagner ce prince, selon un des statuts de l’Ordre qui porte que deux commandeurs accompagneront le novice qui doit estre receu.
Le sieur de Mesmes, président à mortier, prevost et grand maistre des ceremonies de l’Ordre, ayant fait tout disposer pour cette solennité, envoya, suivant les ordres du Roy, avertir par le héraut les commandeurs de se rendre à dix heures du matin en l’appartement de Sa Majesté.
Monseigneur le Dauphin, pour se préparer à cette action, communia dans la chapelle du château par les mains du cardinal de Bouillon, grand aumonier de France et, en cette qualité, grand aumonier des Ordres du Roy.
Ce prince, apres ses devotions, retourna en son appartement, où il prit l’habit de novice. Il avoit des chausses troussées de toile d’argent, en bas de saye, des escarpins de toile d’argent, avec la mulle de velous noir, une toque aussi de velous noir dont le cordon estoit de dimanas, le bord retroussé d’un bouquet de gros diamans qui attachoit des plumes blanches, avec une aigrette de heron et un capot de velous noir doublé d’une toile d’argent trait et bordé d’une dentelle d’argent, le colet couvert d’une grande quantité de diamans d’un tres grand prix.
Le president de Mesmes, prevost et grand maistre des ceremonies, ayant son baton et estant precedé du heraut et de l’huissier, alla prendre monseigneur le Dauphin en son appartement et le conduisit à la chambre du Roy.
Aussitost, Sa Majesté fit entrer dans son cabinet les commandeurs et les grands officiers pour tenir chapitre, où il fut arresté que monseigneur le Dauphin seroit receu chevalier.
Ensuite, le Roy commanda au president de Mesmes de faire entrer ce prince, qui se mit à genoux, et Sa Majesté tira son epée et luy en donna un coup sur chaque epaule en disant : par saint Georges et par saint Michel, je te fais chevalier.
Apres cette premiere ceremonie, on commença la marche pour se rendre à la chapelle.
Le sieur Desprez, huissier de l’Ordre, estoit à la teste, suivi du sieur du Pont, heraut.
Le president de Mesmes, prevost et grand maitre des ceremonies de l’Ordre, marchoit apres, ayant à sa droite le marquis de Seignelay, secretaire d’Estat, grand tresorier de l’Ordre, et à sa gauche le marquis de Chateauneuf, aussi secretaire d’Estat et secretaire de l’Ordre. Le marquis de Louvois, ministre et secretaire d’Estat, chancelier de l’Ordre, marchoit derriere eux, et ces quatre grands officiers estoient en manteaux noirs, avec le collier de l’ordre du Saint Esprit, ainsi que les chevaliers qui suivoient deux à deux.
Le marquis de Bethune estoit sur la gauche et le marquis de Gamache sur la droite, le duc de Montausier sur la gauche et le marquis de Beringhen sur la droite, le duc du Lude sur la gauche et le duc de Saint Agnan sur la droite, le marechal de Navailles sur la gauche et le duc de Crequi sur la droite, le duc de Chaunes sur la gauche et le duc de Luynes sur la droite, et le duc de Saint Simon sur la gauche.
Le duc d’Enguyen marchoit seul sur la droite. Monsieur venoit apres, aussi seul, et monseigneur le Dauphin ensuite.
Deux huissiers de la chambre du Roy avec leurs masses d’or marchoient devant Sa Majesté. Le marquis de Tillader, capitaine des Cent Suisses, estoit derriere à gauche, un peu devant le Roy, et le cardinal de Bouillon, en camail et rochet, estoit un peu derriere à sa droite.
Le marechal de Lorges, capitaine des gardes du corps, marchoit apres Sa Majesté, ayant à sa droite le duc d’Aumont, premier gentilhomme de la chambre, et à sa gauche le duc de la Rochefoucault, grand maistre de la garderobe.
Les gardes du corps estoient en haye, sous les armes, dans la sale, et ils formoient une doouble haye dans la cour et sur l’escalier, avec les Cent Suisses dont les tambours et les fifres se mirent à la teste de la marche.
On arriva ainsi dans la chapelle, où le Roy se plaça sur un fauteuil à son prié Dieu ; monseigneur le Dauphin sur un siege pliant couvert de velous violet à fleurs de lis d’or, devant le prié Dieu, du costé droit ; Monsieur un peu derriere le fauteuil de Sa Majesté sur un siege pliant ; et le duc d’Enguyen sur un semblable siege, derriere celuy de Monsieur. Les chevaliers se placerent sur des bancs, à droite et à gauche.
Lorsque le Roy fut assis, le president de Mesmes, grand maistre des ceremonies, salua l’autel et les autres grands officiers de l’Ordre, precedez par l’huissier et par le heraut, firent les reverences à Sa Majesté et à la Reyne, qui estoit dans une tribune, pour voir la ceremonie.
Ils saluerent aussi les chevaliers à droite et à gauche et ils avertirent de cette sorte la compagnie qu’on alloit commencer l’office.
L’archevesque d’Auche, commandeur et prelat de l’Ordre, revestu des habits pontificaux, entonna l’hymne Veni Creator, qui fut continué par la Musique du Roy. Ce prelat salua ensuite l’autel, donna l’eau benite à Sa Majesté et commença la messe.
A l’offerte, les officiers recommencerent les saluts à l’autel, au Roy, à la Reyne et aux chevaliers, et s’estans rangez, le president de Mesmes, grand maistre des ceremonies, precedé par le heraut et par l’huissier, vint, en faisant un autre salut, avertir le Roy d’aller à l’offrande. Il fit aussi une reverence à monseigneur le Dauphin et une à Monsieur, pour les avertir d’accompagner Sa Majesté.
Le Roy salua l’autel et la Reyne, et se tourna aussi à droite et à gauche vers les chevaliers. Puis Sa Majesté, précédée par le grand maistre des ceremonies de l’Ordre et accompagnée par monseigneur le Dauphin et par Monsieur, alla à l’autel. Elle y baisa la patene, presenta à l’archevesque d’Auch officiant le cierge et l’offrande, qu’Elle avoit receue des mains de monseigneur le Dauphin.
La poignée de ce cierge estoit de velous violet tanné à fleurs de lis d’or. L’offrande estoit d’autant d’ecus d’or que le Roy a d’années, et l’un et l’autre avoient esté presentez à monseigneur le Dauphin par le president de Mesmes, grand maistre des ceremonies de l’Ordre.
Ensuite de l’offrande, Sa Majesté fit les mesmes reverences et fut reconduite à son prié Dieu avec les mesmes ceremonies.
Apres l’Agnus Dei, le soudiacra apporta la Paix au cardinal de Bouillon, qui la presenta à baiser à Sa Majesté.
A la fin de la messe, les officiers firent encore des reverences à l’autel, au Roy, à la Reyne et aux chevaliers, et le prevost et grand maistre des ceremonies de l’Ordre en fit une particuliere à Sa Majesté pour l’avertir de monter sur un trône dressé prés de l’autel à la gauche, du costé de l’Evangile. Il estoit elevé de plusieurs marches, sous un dais de l’Ordre de velous violet en broderie, aux armes de France, mi parties avec celles de Pologne, donné par Henry III.
Le Roy fit aussi les saluts, et précédé par les officiers alla au trone où Sa Majesté s’assit dans une fauteuil et se couvrit.
En mesme temps, les officiers saluerent monseigneur le Dauphin pour l’avertir d’aller recevoir l’ordre du Saint Esprit. Ils firent de semblables saluts à Monsieur et au duc d’Enguyen pour les avertir aussi de l’accompagner.
Monseigneur le Dauphin fit les reverences à l’autel, au Roy, à la Reyne et aux chevaliers, et aller au trone où il se mit à genoux sur un careau de velous violet à fleurs de lis d’or, ayant Monsieur à sa droite et le duc d’Enguyen à sa gauche.
Le cardinal de Bouillon, grand aumonier de France et des Ordres du Roy, estoit derriere Sa Majesté, le marquis de Louvois, chancelier de l’Ordre, à la droite, tenant le livre des Evangiles, le marquis de Segnelay, grand tresorier, à costé du chancelier, tenant le colier de l’Ordre et le cordon bleu avec une croix, le president de Mesmes, prevost et grand maistre des ceremonies, à la gauche du Roy, le marquis de Chateauneuf, secretaire de l’Ordre, aupres de luy, tenant l’acte de serment qui devoit estre fait par monseigneur le Dauphin et le heraut et l’huissier au bas des marches du trone.
Il leut à haute voix ce serment, ayant les mains sur le livre des Evangiles, et apres l’avoir leu il se signa.
Alors, le sieur Guitonneau, premier valet de garderobe, osta le capot à monseigneur le Dauphin, et Sa Majesté luy mit le cordon bleu, en luy disant : Recevez de nostre main le colier de nostre Ordre, du benoist Saint Esprit, au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. Ensuite, Elle luy mit le manteau et le colier de l’Ordre.
Monseigneur le Dauphin en se relevant salua le Roy. Monsieur, le duc d’Enguyen et les officiers firent le mesme salut. Ensuite, tous les officiers firent les dernieres reverences à l’autel, au Roy, à la Reyne et aux chevaliers, et recommencèrent la marche, qui fut continuée jusqu’à la chambre du Roy, dans le mesme ordre qu’on en estoit sorti. Apres quoy le president de Mesmes, prevost et grand maistre des ceremonies, precedé du heraut et de l’huissier, reconduisit monseigneur le Dauphin en son appartement. »

Ce récit, imprimé, a été publié « à Paris, du Bureau d’Adresse, aux galeries du Louvre, devant la rue Saint Thomas, le 8 janvier 1682 ».

Récit de la réception de l’électeur palatin à Saint-Germain-en-Laye

« Après la sortie du prince electeur palatin du Bois de Vincennes, arrivée le 21 mars entre sept et huit heures du soir, que le sieur de Chavigny, accompagné entre autres du sieur Windebanck, gentilhomme envoyé expres d’Angleterre au Roy Tres Chrestien sur le sujet de la detention de ce prince, et du sieur Augier, agent en France pour le roy de la Grande Bretagne, fut querir Son Altesse electorale. En attendant que le prince Cazimir de Polongne et l’ambassadeur du Roy son frere fussent sortis de l’hostel des ambassadeurs extraordinaires pour luy faire place, il se vint loger chez l’ambassadeur extraordinaire [p. 808] d’Angleterre le comte de Leycestre, où le samedy trente uniesme de mars le duc de Chevreuse et le comte de Brulon vindrent sur les quatre heures du soir, par ordre de Sa Majesté, prendre ce prince electeur pour le conduire dans le carrosse de Sadite Majesté, suivy de celuy de la Reyne et de quelques autres, audit hostel des ambassadeurs extraordinaires. Des que ledit duc de Chevreuse y eut pris congé de S.A.E. et qu’Elle fut en sa chambre de lict, ledit comte de Brulon luy presenta les sieurs Cressy, maistre d’hostel ordinaire du Roy, Parfait, controlleur, et les gentilshommes servans designez par Sa Majesté pour servir S.A.E. Sur ce compliment, Sadite A.E. pria ledit comte de luy procureur audience de Leurs Majestez. Son A.E. coupa ensuite seule, ainsi qu’elle mangea toujours du depuis, servie avec le baston couronné, la viande portée à sa table par douze suisses de la garde du corps. Entre lesdits officiers du Roy estoient quatre pages, deux de la grande et deux de la petite escurie, et six valets de pied qui servirent S.A.E., et les carrosses du Roy et de la Reyne. Le dimanche premier d’avril, le comte de Brulon alla à Saint Germain pour scavoir le jour auquel Leurs Majestez vouloient luy donner audience, et en revint luy annoncer le mesme soir que lesdites audiences estoient appointées pour le mardy d’apres troisieme avril. Le lundy deuxieme, le sieur de Liancour vint complimenter Sadite A.E. de la part du Roy, et le comte d’Orval de la part de la Reyne. Le lendemain mardy, le duc de Chevreuse et le comte de Brulon se rendirent audit hostel des ambassadeurs extraordinaires sur les neuf heures du matin avec lesdits carrosses de Leurs Majestez pour recevoir ce prince dans celuy du Roy, auquel se mirent aussi quelques seigneurs anglois. Les carrosses de Leurs Majestez furent suivis de dix carrosses à six chevaux, remplis la pluspart de noblesse angloise, et en partie des gentilshommes de S.A.E. et de quelques gentilshommes alemans. Sadite A.E. arriva sur les onze heures au vieux chasteau de Sainct Germain, où toutes les gardes estoient en haye le tambour battant, comme elles estoient aussi à son depart. A sa descente de carrosse, elle fut conduite en la chambre de Monsieur, frere du Roy, d’où peu apres Elle fut menée par lesdits duc de Chevreuse et comte de Brulon vers la chambre du Roy. Le comte de Charraut, gouverneur de Calais et capitaine des gardes du corps, le receut à la première salle, où les gardes estoient semblablement en haye. Sa Majesté l’attendoit en la ruelle de son lict, mettant le chapeau à la main, puis l’ayant tiré dans ladite ruelle se couvrit, ce que fit aussi S.A.E. Leurs complimens furent courts, car le Roy le conduisit dans son cabinet, où n’entrerent que les principaux de la suite de S.A.E. Sa Majesté l’entretint tres amiablement. Cependant, on mit la nappe en la chambre du Roy, ce qu’estant fait le maistre d’hostel ordinaire entra audit cabinet pour advertir Sa Majesté que le disner estoit prest, qui prit Son A.E. par la main et la mena dans sadite chambre de lict, où la table estoit couverte. Sadite A.E. y presenta la serviette à Sa Majesté, laquelle [p. 809] luy fit ensuite signe de laver et de s’asseoir sur le tabouret qui luy estoit preparé. Elle lava les mains et s’assit à costé gauche au dessous du Roy, avec distance d’environ deux ou trois couverts entre deux. Son A.E. fut servie en mesme temps et de mesmes viandes que Sa Majesté, qui à l’issue du disner mena derechef Sadite A.E. dans son cabinet où, apres s’estre entretenus quelque temps, Son A.E. prit congé du Roy, et retourna en la chambre de Monsieur, attendant qu’il put voir la Reyne, qui peu apres l’envoya querir. Lors lesdits duc et comte le conduisirent vers elle, les gardes estoient pareillement en haye. Il fit une profonde reverence à Sa Majesté, et apres luy avoir fait ses complimens, on luy presenta le tabouret sur lequel il s’assit. Son A.E. se tint toujours decouvert devant elle, par respect envers Sa Majesté, et les dames qui estoient aupres d’elle, entre lesquelles estoient Madamoiselle, madame la comtesse de Soissons et madamoiselle de Longueville, qui s’assirent aussi apres que la Reyne et Sadite A.E. furent assis. L’entretien y dura environ une demie heure. Apres lequel Sadite A.E. alla saluer monseigneur le Dauphin, d’où au sortir de sa chambre elle rentra en carrosse avec les susdits duc et comte, et s’en vint à Ruel pour voir le cardinal de Richelieu. »

Récit de la réception de l’ambassadeur de Tripoli par le roi et la reine d’Angleterre à Saint-Germain-en-Laye

« Le 9 juillet, il alla à l’audiance du roy d’Angleterre, conduit et presenté par mylord Pert, premier gentilhomme. Le roy le receut debout et, ayant fait 2 révérences profondes, il luy parla en ces termes, qui furent expliqués par le sieur Petit de la Croix :
Sire, la réputation des grandes qualités de Vostre Majesté m’a fait désirer d’avoir l’honneur de luy rendre mes profonds respects comme au véritable et légitime roy de la Grande Bretagne. Je souhaitte, Sire, de tout mon cœur, que les généreux soldats qui sont fidèles à Votre Majesté la puissent bientost accompagner en ce beau royaume. C’est avec le feu roy Jacques 2d, d’heureuse mémoire, que nous avons fait la paix qui dure encore à présent. J’ay veu dans l’ambassade que j’ay fait en Angleterre un nombre infini de braves gens qui m’ont marqué un grand désir de voir Vostre Majesté sur son trosne. Je joins mes vœux aux leurs et prie très humblement Vostre Majesté de m’honorer de ses ordres.
Le roy répondit qu’il luy estoit obligé de son honesteté et des vœux qu’il faisait pour luy, que si le ciel permettait qu’il fut un jour en estat de luy en témoigner sa gratitude, il le ferait avec un fort grand plaisir.
Le fils de l’envoyé eut aussy l’honneur de saluer Sa Majesté britanique.
Ensuicte, il passa chez la reine, qu’il salua profondément et luy fit à peu près le mesme compliment qu’il avait fait au roy. La reine répondit qu’elle souhaiterait d’estre un jour en Angleterre pour estre plus en estat de faire du bien à son maistre et à luy. Il répliqua : Tout voyageur arrive à bon port qui a Noé pour pilote et qu’elle estoit en bonnes mains.
Il eut en ce moment l’honneur de saluer la princesse. Il luy dit qu’il luy souhaittait bientôt un roy qui en fit une grande reine. »

Récit de la naissance de Louis XIV à Saint-Germain-en-Laye

« L’heureuse naissance de monseigneur le Dauphin, à present le roy Louis XIV, fils du feu roy Louis XIII et d’Anne d’Austriche, regente en France, dans le chasteau neuf de Sainct Germain en Laye, le dimanche 5 septembre mil six cens trente huict, sur les unze heures du matin
[…]
[p. 211] Si le dernier siecle a attribué à la sage conduite de fernel, premier medecin de Henry II, ce que Catherine de Medicis eut des enfans apres avoir esté dix ans sterile, on ne peut en ce rencontre obmettre la benediction que Dieu a voulu estendre sur les soins des medecins de Leurs Majestez, qui ont porté leur santé jusqu’au poinct de rendre la France si heureuse par cette tant illustre et desirée naissance, et d’autant plus merveilleuse qu’aucune des autres n’est arrivée apres une patience de tant d’années, comme si Dieu eust reservé à ce siecle un concours de tous ces precedés miracles.
Cette heureuse grossesse a esté miraculeusement predite à la Reyne peu auparavant qu’elle avint, et elle avoit esté tellement exempte des fascheux symptomes qui accompagnent les autres en cet estat que l’on avoit par là matiere d’en douter jusques au mouvement, et depuis iceluy Sa Majesté et son fruict se porterent si bien que, decouvrans l’imposture de ceux qui se pensoient signaler par la prediction du jour de cette delivrance, et verifians au contraire ce que dit Hippocrate des plus vigoureux enfans, cettuy cy entra bien avant en son dixiesme mois. Ainsi l’antiquité figuroit les heros, ou demy dieux, toujours plus longtemps que les autres dans le ventre de leur mere. Donc de Dauphin, à present Roy, en est finalement sorty, et la Reyne, apres un travail de quelques heures, accoucha le cinquiesme septembre, peu avant midy, dans le chasteau neuf de Sainct Germain en Laye, d’un prince que sa beauté et proportion accomplie de toutes les parties de son corps rendit des lors par moins aymable que cette masle vigueur [p. 212] qui luisoit desjà au travers de ses membres enfantins, promettoit de trophées. Ce celebre accouchement se fit en presence des princesses et dames de la cour, accourues en foule pour avoir part à cette extreme joye, que quatre dauphins argentez d’un grand obelisque planté devant le vieil chasteau de Sainct Germain ayderent à epandre dans le peuple avec le vin qu’ils verserent tout le soir, et continuerent le reste de la nuict en grande abondance.
A l’instant toute la ville de Paris s’appresta à en temoigner sa joye par des actions de graces solennelles à Doeu dans ses eglises, par un concours des peuples qui y fourmillent et s’entr’annonçoient cette bonne nouvelle, par des feux de joye allumez dans les rues, accompagnez des cris de Vive le Roy, la Reyne et monseigneur le Dauphin, et par une agreable bigarure de lumieres des fenestres innombrables de ce petit monde, le bruit redoublé de quarante canons et de trois cents boettes de l’arsenal ayant devancé cette magnificence et annoncé à l’univers cette naissance.
Particularitez de la susdite naissance de monseigneur le Dauphin et de ce qui se passa ensuite à Sainct Germain et à Paris
Ce n’est pas assez d’avoit dit en gros et avec peu de circonstances que la Reyne est accouchée d’un Dauphin, une des meilleures et plus agreables nouvelles qui se puissent gueres donner au public, mais encore qu’une familiere narration des circonstances de ce qui s’y est passé de plus remarquable doive sembler à quelques uns indigne de la majesté de ce benefice inenarrable du ciel, il faut mieux le rendre intelligible par un discours accommodé au vulgaire que par une reverence injurieuse au public, le laisser ensevely dans l’oubly du temps qui n’enveloppe souvent pas moins la verité qu’il la decouvre. Doncque pour y satisfaire, une année auparavant un religieux avoit adverty la Reyne qu’elle devoit accoucher d’un fils, asseurant en avoir eu la revelation ; et pour ce que les souhaits de toute la France ne tendoient que là, les premiers signes qui ont coustume d’accompagner la grossesse des femmes ne parurent pas plustost en la Reyne qu’un chacun le crut aisement : ce ne furent plus des lors que neufvaines, voyages et vœux, particulierement à la Vierge et à Saincte Anne, par l’intercession desquelles on a cru cette grossesse avoir esté impetrée du Ciel. On vit ensuite toute la France humiliée devant Dieu pour luy demander par ses pieres de quarante heures et autres devotions sans nombre la conservation de ce fruict royal : cependant qu’il estoit au ventre maternel, tous, ou par le desir qu’ils en avoient, ou par les signes naturels, ou autrement, ont tousjours predit que ce seroit un fils ; mais peu de personnes se sont rencontrées de mesme advis touchant le terme de l’accouchement, aucuns ayant asseuré que ce seroit au vingt deuxieme, autres au vingt cinqieme aoust, jour de sainct Louys. On tient que celuy qui en approcha le plus estoit un certain vacher nommé [p. 213] Pierre Roger, du village de Saincte Geneviesve des Bois proche Paris, lequel, tesmoignant d’ailleurs une simplicité et une ignorance fort grossiere, avoit dit que la Reyne accoucheroit le samedy quatriesme de septembre, et ce fut le dimanche cinquiesme. Ce qui donna lieu aux uns d’approuver son progonostic, soustenans que les predictions qui viennent de Dieu ne sont pas si precises que celles des mathematiciens qui designent les oppositions et autres aspects des corps celestres mille ans avant le mesme poinct auquel elles arrivent, et les autres que la difference des choses miraculeuses d’avec les naturelles se reconnoist principalement en ce que les premieres sont parfaites et exactes, les autres non, le seul poinct et moment prefix auquel arrive la chose predite estans celuy qui peut faire distinguer la prophetie de l’imposture, auquel point mesme le hazard peut faire arriver, comme un mauvais archer peut donne une fois dans le blanc. De quoy on laisse la decision à d’autres, pour dire que ce dimanche cinquiesme dudit mois de septembre, sur les deux à trois heures du matin, la Reyne commença de sentir les vrais signes du travail d’enfant, ce qu’elle en avoit eu sur les unze heures du soir precedent s’estant aussitost passé. Elle voulut que l’evesque de Lisieux dit la messe dans sa chambre sur les quatre heures du matin, et comme par son commandement le sieur Seguier, evesque de Meaux, premier aumosnier du Roy, se disposoit à en dire une autre, les douleurs s’augmentans, on alla avertir le Roy, lequel la vint voir. Mais, prenant le soin de la santé du Roy, qu’elle scavoit avoir lors besoin d’aller prendre son repas, l’en pressa tant que Sa Majesté s’y en alla. Enfin, c’estoit sur les unze heures du matin, le Roy ne venoit que de se mettre à table, n’y ayant pas un quart d’heure qu’il avoit quitté la Reyne, lorsqu’on luy vint dire qu’elle accouchoit. Il y court. Des l’entrée, la marquise de Senecey, dame d’honneur de la Reine, dit à Sa Majesté que la Reyne estoit accouchée d’un Dauphin, et la dame Peronne, sage femme qui l’avoit assistée à son travail, par le conseil des medecins et chirurgiens de Leurs Majestez, et plus experimentez en telles affaires, le fit voir au Roy, et luy fit remarquer sa beauté et grandeur extraordinaire. A l’instant chacun cria : C’est un Daufin, c’est un Daufin, et cette parole se porta aussi viste qu’un esclair par toute la cour et par tout Sainct Germain, d’où mille messagers, avec charge et sans charge, l’espandirent si promptement au loing que, bien que cette heureuse naissance ne fut arrivée, comme a esté dit, que sur les unze heures et un quart avant midy du cinquiesme de ce mois de septembre 1638, un courrier arrivé à Paris le septiesme ensuivant asseura en avoir appris la nouvelle à soixante lieues au loing.
Le Roy, voulant aussitost rapporter toutes ces faveurs et benedictions au ciel, mit les genoux en terre et remercia Dieu de cette cy. Les eglises de Saint Germain et des peres recollets estoient encor remplies de seigneurs et dames qui estoient allées, la pluspart avant le jour, communier et faire leurs autres devotions pour les mesme sujet, lorsqu’ils y apprirent l’agreable nouvelle de cet heureux accouchement, [p. 214] qui se fit en presence de Monsieur, frere unique du Roy, duc d’Orleans, lequel temoigna à l’instant à Sa Majesté le contentement qu’il en recevoit, comme Sa Majesté luy confirma aussi de sa part toutes les asseurances d’une affection cordiale. Mesdames les princesses de Condé, comtesse de Soissons, duchesse de Vendosme, connestable de Montmorency, duchesse de Bouillon La Mark et autres de grande condition y estoient aussi presentes, outre les dames de Senecey, de La Flotte et autres de la Maison de la Reyne, dans la chambre et à la veue de laquelle ce tant souhaité Dauphin fut ondoyé par ledit sieur Seguier, son premier aumosnier, et fut fait participant de toutes les ceremonies et magnificences qui s’observent à l’imposition du nom. Où assisterent le Roy, Monsieur son frere, le chancelier de France arrivé peu apres l’accouchement, plusieurs autres seigneurs et dames qui y accouroient en foule, comme à la veue d’un miracle, le Roy ayant fait entrer dans la chambre de la Reyne tous ceux qui estoient dans l’antichambre pour les rendre participans de cette joye, laquelle fit allumer des feux en plusieurs endroits de Sainct Germain. Les daufins de la fontaine de vin y continuoient cependant à le jetter depuis le matin, avec tel abord de peuple que quelque desordre y estant survenu obligea d’y mettre des gardes ; laquelle magnificence plusieurs partiucliers imiterent depuis à Paris, tel en ayant fait pleuvoir de son toict.
A une heure apres midy, le Roy alla faire chanter le Te Deum dans la chapelle du vieil chasteau, accompagné des Cent Suisses de sa garde, et suivy de Monsieur, du chancelier de France, des ducs de Montbazon et d’Uzez, des sieurs de Liencour, de Mortemar, de Souvré et du comte de Tresmes, et en un mot de toute la cour, qui estoit si grosse toute cette semaine qu’il estoit mal aisé de trouver giste à Saint Germain, encor qu’il y eust des gardes aux principales avenues qui n’en permettoient l’abord qu’aux personnes qui ne venoient point de lieu suspect de maladie. Le mesme evesque de Meaux y officia, vestu pontificalement, en presence de l’archevesque de Bourges l’ancien, des evesques de Lisieux, de Beauvais, de Dardanie et de Chaalons, ayant chacun le rochet et le camail, et de toute la chapelle du Roy, laquelle y fit merveille. Puis monseigneur le Daufnin, ayant esté alaité par la damoiselle de La Giraudiere, sa nourrice, les gardes en haye, fut porté en son appartement meublé de damas blanc, et mis entre les mains de la marquise douairiere de Lansac, sa gouvernante. Sa Majesté en ayant aussi envoyé donner avis à la ville de Paris par le sieur de Perrey Bailleul, maistre d’hostel ordinaire de sa Maison, le corps de ville en fit faire des le jour mesme un feu de joye à la Greve, et le lendemain un autre, des plus beaux qui s’y soit gueres veu. Le sieur de Laffemas, lors lieutenant civil, donna les ordres que les bourgeois en temoignassent aussi leur ressentiment par les feux de joye allumez dans les rues et par des lumieres aux fenestres, à quoy les Parisiens se porterent avec tant d’ardeur qu’au lieu d’un jour ils en continuerent trois ou quatre tout de suite. Le sieur [p. 215] du Tremblay, gouverneur de la Bastille, et le sieur de Sainctoust, commandant dans l’Arsenal en l’absence du grand maistre de l’Artillerie de France, y tinrent hautement leur partie, par un concert de boetes et canons qui firent part à tout le pais d’autour cette agreable nouvelle.
Il n’y eut maison religieuse qui n’ornast ses murailles de chandelles. Les jesuites, outre pres de mille flambeaux dont ils tapisserent leurs murs les 5 et 6, firent le septiesme dudit mois de septembre un ingenieux feu d’artifice dans leur cour, qu’un dauphin alluma entre plus de deux mille autres lumieres qui eclairoient un balet, et comedie sur le mesme sujet, representez par leurs escoliers. Les feuillans de la reue Neuve Saint Honoré firent le septiesme une aumosne generale de pain et de vin, emplissant les vaisseaux de tous les pauvres qui se presentrent, et apres une procession par eux faite chacun le cierge à la main, furent brusler un chasteau d’artifices, chantans le Te Deum au son des trompettes entremeslées du carillon de leurs cloches. Les bourgeois de la place Dauphine, ayant à leur teste des hautsboits et musettes conduits par Destouches, l’un d’eux, firent des resjouissances dignes du nom de leur place. Le Te Deum en fut aussi solemnellement chanté le sixiesme dans l’eglise Nostre Dame, et tous les religieux avec les parroisses firent lors des processions, où l’archevesque de Paris assista avec tout son clergé, accompagné des prevost des marchands et eschevins. Le parlement, chambre des comptes et autres cours allerent ensuite rendre leurs complimens au Roy et à monseigneur le Dauphin. Le huictiesme du mesme mois, l’evesque de Metz fit faire la procession generale dans le fauxbourg Saint Germain, dont il est abbé, et dont toutes les rues estoient tapissées. Bref, tout conspira unanimement à rendre graces à Dieu pour un si grand bien. Aussi, la maxime estant veritable que les choses se conservent par les moyens qui les ont produites : puisque ce Dauphin avoit esté obtenu par les vœux et prieres de tous les bons françois, c’estoit pas les mesmes prieres qu’il leur devoit estre conservé. »

Récit de la mort de Louis XIII au Château-Neuf de Saint-Germain-en-Laye

« [p. 341] Relation de ce qui s’est passé jusques à present de plus memorable en la maladie du Roy
Ce poete qui appeloit nostre monarque « la merveille des rois et le roy des merveilles » n’en disoit pas assez : sa vie est une suite de miracles, desquels attendant la continuation, l’honneur que Sa Majesté m’a fait de me commettre la plume publique pour declarer à ses peuples, voire à tout le monde, ses belles actions fait autant reconnoistre mes forces inegales à une charge si importance et qui regarde la chose la plus delicate qui se puisse rencontrer dans le commerce des hommes, qui est leur reputation, comme il m’oblige à faire mes petits efforts pour eviter au moins le reproche d’avoir laissé ensevelir dans l’oubli les beaux exemples que fournissent à tout le monde ces royales et chrestiennes actions, qui seront autant de precieuses reliques aux siecles à venir. Dans lesquels, entre les autres vertus qui font admirer ce grand prince, sa foy, par un effet contraire à sa nature, fera des mecreans, aucun ne pouvant croire ce qui s’en dira, ce que feroyent encor beaucoup moins ceux qui ne le verroyent point consigné dans nos memoires, d’autant plus croyables qu’ils sont mis au jour en mesme temps que les choses dont ils traitent. Tout ainsi donc que les peintres s’efforcent à l’envi les uns des autres de representer naifvement les traits de l’auguste visage de ce monarque sans pareil, voyez ici [p. 342] depeints ceux de son esprit, qui vous apprendront que ce grand prince est encor plus grand par ses propres vertus que par la dignité qu’il possede du premier roy du monde et par la haute reputation de tant de conquestes.
Le Roy tomba malade le 21 fevrier dernier et bien que quelques bons intervalles, joints aux grand desir que nous avons de sa guerison, nous l’eussent fait croire, si est ce que son mal s’augmenta le dix neufieme de ce mois, de telle sorte que sa pieté le convia de penser à la fragilité de la vie humaine, pour laquelle ayant fait plusieurs excellentes meditations sur le sujet de sa mort, il fit ouvrir les fenestres de sa chambre du chasteau neuf de Saint Germain en Laye, où il est à present, et voyant par là l’eglise de Saint Denys : « voilà (dit il en la montrant) ma derniere maison, où je me prepare pour aller gayement ». Le soir du mesme jour, au lieu de la vie des saints qu’il se faisoit lire les jours precedents par l’un des secretaires de son cabinet, il lui commanda de lire le 17 chapitre de l’evangile selon saint Jean, où est ce passage : « ego te clarificavi in terra : nunc igitur clarifica me Pater ». Puis, il lui fit prendre l’Introduction à la vie devote et lire le chapitre « Du mespris de ce monde », et ensuite lui commanda de prendre le livre de Kempis, lequel ce secretaire voulant lire par ordre des chapitres, Sa Majesté lui mit la main sur celui « De la meditation de la mort ».
Le 20, le Roy fit sa declaration pour la regence de la Reine et le gouvernement de ses estats, dont vous avez ouy une partie, sur laquelle declaration il donna à entendre sa volonté [p. 343] avec un visage qui tesmoignoit grande satisfaction. Sa Majesté, entre les autres seigneurs et dames qui le vinrent visiter, receut ce jour là le duc de Vandosme.
Le 21, la princesse de Condé et le cardinal Mazarin eurent l’honneur de tenir sur les fonts monseigneur le Daufin, qui fut nommé Louis, selon la volonté du Roy, et le mareschal de Bassompierre fut receu à baiser les mains de Sa Majesté.
Le 22, le Roy se trouvant affoibli par la grandeur et continuation de sa maladie, à la premiere mention qui lui en fut faite, dist au père Dinet, jesuite : « Je suis ravi d’aller à Fieu, allons, mon pere, confessez moy », et recita le pseaume « Laetatus sum in his quae sunt mihi ». ce fait, il delibera de communier pour le viatic, en laquelle action il ne montra pas moins de prudence qu’en toutes les autres de sa vie, car Sa Majesté, prevoyant les differens qui pourroyent arriver entre plusieurs seigneurs presens, à qui tiendroit la nape de communion, dont les deux coins plus pres du Roy ont accoustumé d’estre tenus par les deux seigneurs plus qualifiez et les deux autres par deux aumosniers de Sa Majesté, Elle avoit dit à l’evesque de Meaux, son premier aumosnier, qu’il ne mist point de nape et n’estendit qu’un voile sur le lit de Sa Majesté, qu’elle seule tiendroit. Ce qu’on alloit faire, lorsque Monsieur, frere unique du Roy, et le prince de Condé arriverent en la chambre de Sa Majesté, laquelle, selon la presence de son esprit, dist à l’evesque de Meaux, lorsqu’il lui alla donner de l’eau benite à son ordinaire avant que de la communier, que ces deux princes ayans par leur arrivée terminé [p. 344] le different que l’on aprehendoit, il pouvoit faire mettre la nape sur son lit, ce qui fut fait, et le coin de la main droite du Roy tenu par Monsieur et l’autre par le prince de Condé, les deux autres coins furent tenus par les sieurs de Lesseville et Hyacinte, aumosniers du Roy estans de present en quartier. Ledit evesque de Meaux ayant auparavant dit la messe « pro infirmo » dans la chambre du Roy sur un autel à ce preparé, et ayant communiqué, le Roy et toute l’assistance reciterent tout haut le Confiteor. Puis l’evesque officiant donna l’absolution deprecatoire et presenta ensuite la sainte hostie au Roy, qui la receut dans son lit, tous les rideaux ouverts, avec des tesmoignages de pieté qui ne seroyent pas imaginables en un autre. Et la messe estant achevée, chacun se retira en grande tristesse, tous pleurans excepté le Roy, lequel affrontant la mort d’une contenance hardie, confirma par effet la creance qu’on a tousjours eue de la grandeur de son courage, et donna des preuves certaines de sa magnanimité et veritable force d’esprit, ce qui ne consiste pas à mespriser les perils, comme plusieurs font, quand ils en sont loin, mais bien à les braver en leur presence et surtout, disent les philosophes, ceux qui sont les plus grands, comme est la mort, qu’ils appellent à ce sujet le terrible des terribles, de l’apprehension de laquelle tous estoyent effrayez, mais non pas lui, leur trouble estant grandement accreu par les larmes de la Reine. Cette incomparable princesse, qui ne perdoit point le Roy de veue, [p. 345] avoit assité à la messe et à la communion de Sa Majesté ; pres de laquelle se tenant lors à genoux, tousjours fondante en pleurs, apres que le Roy lui eut tesmoigné par sa bouche les ressentimens qu’il avoit de sa vertueuse conduite, elle receut la benediction de Sa Majesté, comme aussi messeigneurs leurs enfans. Ensuite de quoy, le Roy demanda l’extreme onction. Mais la grande affection de tous les assistans faisoit qu’on ne vouloit desesperer que le plus tard qu’on pourroit de sa guerison, et par ce moyen se laissans doucement entrainer à l’usage qui a fait degenerer ce remede de la primitive Eglise, institué pour la convalescence des malades, en un dernier azole de ceux dont la santé est deseperée. Cette sainte onction fut differée jusques sur les quatre heures apres midi du mesme jour, et de cette heure là encores jusqu’au jeudi suivent. La piété de ce prince estoit telle qu’il en voulut etendre les effets jusqu’aux seigneurs qui le venoyent visiter. Entre lesquels il usa de ces mots au mareschal de La Firce : Je vous connois, lui dist il, pour un des plus honnestes, sages et vaillans gentilshommes de mes Estats ; mais me jugeant prest d’aller rendre compte à Dieu, je suis obligé de vous dire que je croi qu’il vous a laissé vivre un si grand aage pour vous donner temps de penser à votre conversion, et vous faire enfin reconnoistre qu’il n’y a qu’une religion en laquelle on puisse estre sauvé, qui est la catholique, apostolique et romaine, que je professe. Il incita aussi le mareschal [p 346] de Chastillon à en faire autant. L’après dinée, le duc de Vendôme s’estant mis à genoux près du Roy, comme la pluspart des autres seigneurs et dames luy venoient baiser la main en cette posture, il receut la bénédiction de Sa Majesté.
Le Roy receut le mesme jour la duchesse d’Elboeuf et ses enfans, et voulut voir le sieur de Gandelu, nagueres retourné de Flandres, où il estoit prisonnier de guerre. Puis, Sa Majesté s’estant enquise si, selon l’apparence, Elle pourroit passer la nuit, sur ce qu’on lui repartit que ses prieres et celles de ses sujets presentoyent à Dieu pour sa santé la sortiroyent de ce danger, Elle repartit ne demander pas absolument à Dieu d’en eschaper, estant entierement resignée à sa volonté, mais pour ce que les vendredis lui avoyent tousjours esté heureux, qu’Elle esperoit vivre au moins jusqu’au Vendredi suivant, pour recevoir lors le plus grand heur qui lui soit jamais arrivé. Pour cet effet, Elle ne voulut pas qu’on attendist jusqu’à ce jour là à lui donner l’Extreme Onction, qu’elle receut le jeudi 23 dudit mois à 9 heures et demie du matin, avec la plus grande résolution qui ne scauroit jamais croire, respondant à l’evesque de Meaux, qui lui donna ce dernier sacrement, à tous les pseaumes et litanies, et tesmoignant un courage plus qu’humain en une rencontre où l’humanité ne trouve que matière de desespoir. Mais il faloit que cet acte de la vie d’un si grand prince respondit à tous les precedens et qu’il servist comme de seau pour confirmer un chacun dans la haute estime en laquelle tout le monde le doit avoir, [p. 347] telle que tout ce que nous lisons de la fin des grands rois, empereurs et personnes plus illustres n’a rien qu’on puisse egaler à cette ci, que j’appelle fin non à nostre regard, puisque la France est encor’ si heureuse que de jouir de sa presence tant desirée et d’avoir ce grand Roy vivant, que Dieu lui conservera, s’il lui plaist, encor longues années ; mais fin à son égard puisque, l’ayant creue telle, il est d’autant plus à admirer qu’il la hardiment envisagée d’un esprit sain et vigoureux, et avec des forces qui manquent aux hommes mourans, lesquels cessent ordinairement plustost par foiblesse que par resolution de luiter contre les loix de la nature et de son autheur. Ce jour là, le mareschal de Vitri fut aussi receu du Roy, comme l’avoit esté auparavant le mareschal d’Estrée, et chacun lui baisant la main en pleurant, Sa Majesté, à l’objet de tant de visages baignez de larmes, en eut de la compassion qu’Elle tesmoigna proceder de la pitié qu’Elle avoit de leur tristesse, disant toutefois n’estre pas faschée qu’on la pleurast, puisque c’estoit une preuve certaine de l’affection que luy portoyent tous ses bons sujets, lesquels il n’aimoit pas moins qu’il estoit aimé d’eux. Sa Majesté donna charge ensuite au prince de Condé de faire entendre au duc de Chevreuse, aussi présent, qu’Elle ne lui vouloit point de mal. La Reine avoit fait apporter son lit du vieil chasteau dans le nouveau, près de la chambre du Roy, et s’estant mise à genoux au chevet de Sa Majesté, mais fondant toute en larmes, le Roy après un long entretien la pria de se consoler et se retirer [p. 348] un peu à l’écart de peur de l’affliger par sa tristesse. Il passa le reste de la journée en prieres et meditations pleines de transports qu’il faisoit eclorre par des paroles toutes divines et ravissantes. Il eut meilleure la nuit du 23 au 24, que l’on craignoit le plus.
Le 24, il fut exempt de l’accez ou redoublement qui lui estoit arrivé les jours precedens sur les dix à unze heures du matin, et se trouva si bien l’apres dinée qu’il commanda au sieur de Nielle, premier valet de sa garderobe, d’en remercier Dieu, comme il fit, chantant sur l’air que Sa Majesté lui avoit autrefois Elle mesme donné, cette paraphrase du sieur Godeau, qui commance Seigneur, à qui seul je veux plaire, et lui aida, et aux sieurs Campefort et Saint Martin, à faire un concert en sa ruelle sur de pareils cantiques.
Le 25, l’amandement de la maladie du Roy continuant, Sa Majesté fit faire collation de ses confitures de Versailles à la Reine, à la princesse de Condé, aux duchesses de Lorraine, de Longueville, de Vandosme et autres dames ; et la Reine, Monsieur, le prince de Condé, le cardinal Mazarin, les ministres d’Estat et autres officiers de Sa Majesté, qui luy ont rendu pendant toute sa maladie des preuves indubitables qu’ils continuent de leur affection, toute la Cour en un mot, commança de mieux espérer, comme elle fait encor à présent ; et cette convalescence, nonobstant les apprehensions, continue de bien en mieux, Dieux exauçant visiblement les prieres de plus de quarante millions d’ames.
A Paris, du bureau d’adresse, le 30 avril 1643.
[…]
[p. 359] De Saint Germain en Laye, le 1 may 1643
Ne vous pouvant donner de nouvelles plus importantes à cet estat et au bien de la chrestienté que celles de la santé du Roy, puisque vous avez eu la relation de sa maladie jusques au 25 du passé, je vous la continueray. Le vingt sixiesme ensuivant, Sa Majesté se porta encor un peu mieux. Mais le 27, nostre joye fut troublée par une nouvelle apprehension de fievre accompagnée des mesmes accidens que par le passé. Toutesfois, ils furent de peu de durée car, par la grace de Dieu, qui protege ouvertement la personne de Sa Majesté, tous ces accidens se diminuerent d’eux mesmes le lendemain 28, et tout alla de bien en miaux, avec un tel progrez que le 29, Sa Majesté se trouva en beaucoup meilleur estat qu’Elle n’avoit fait depuis longtemps. Cet amandement s’accreut encor le jour d’hier, de quoi chacun pouvoit assez juger par la gayeté peinte sur les visages de toute la cour, lequel amandement tous attribuoient aux ardentes prieres et saintes devotions de la Reine et à celles des sujets du Roy, à son exemple. Cette pieuse Reine ne s’estant pas contentée de l’assiduité qu’elle rend jour et nuit au chevet de Sa Majesté depuis le commancement de sa maladie, mais continuant depuis ce temps là ses prieres [p. 360] en particulier à toutes heures, comme elle les fait ici en public tous les jours à six heures du soir, dans la chapelle du vieil chasteau, où se trouvent souvent les princes, princesses, ministres d’Estat et autres seigneurs et dames. Dans laquelle les evesques, qui sont ici en grand nombre, et les aumosnier de Leurs Majestez, et autres ecclésiastiques, se relevent d’heure à autre pour continuer leurs devotions devant le saint sacrement qui y est exposé, la Musique du Roy y chantant plusieurs motets apres les litaniers et excitant le zele d’un chacun pour flechir d’autant plustost le Ciel à nos prieres. Mais ce que je ne puis taire, et qui ne paroistra pas le moins admirable en cette maladie, est qu’elle n’a pu empescher le Roy de donner tous les jours les ordres necessaires aux affaires de son Estat. Jusques là que le jour que Sa Majesté receut l’extreme onction, Elle disposa des seances que chacun devoit avoir dans le Conseil qu’Elle voulut estre tenu ce jour là par la Reine, suivant sa declaration testamentaire. Ce qui n’empescha pas toutefois que Sad. Majesté ne voulust que la Reine lui en fist le rapport à l’issue dudit Conseil. Aussi rien n’a t il empesché le Roy qu’il ne vacast tous les jours à la reception des seigneurs et dames qui venoyent visiter Sa Majesté, entre lesquels la duchesse de Guise, sa fille et ses deux fils, nagueres arrivez avec elle d’Italie, furent receuz de Sa Majesté le 29 du passé, qui vid aussi le mesme jour les sieurs de Manicamp et de Beringhen. Ce jourd’hui est encor arrivé pres de la personne du Roy le duc de Bellegarde.
[…]
[p. 401] La France en deuil
Le Roy est mort. Ne m’appellez plus l’agreable, appellez moi la desolée et pleine d’amertume, dit aujourd’hui la France apres la belle mere de Ruth dans l’histoire sacrée.
Dieu a t il donc repoussé les vœux de tant de personnes de toutes conditions, sexes et aages ? Ou nostre zele relasché et nos mains appesanties ne nous ont elles point arresté et suspendu les faveurs d’en haut ? Ou plustost l’extreme pieté de nostre bon Roy, qui demandoit pour lui le Ciel avec tant d’instance, n’a t elle point surmonté la nostre qui le vouloit retenir en terre ? Quoy qu’il en soit, nostre tristesse est arrivée à son dernier point par la perte du meillur, du plus juste et du plus victorieux monarque qui ait régi la France depuis plusieurs siècles. Et pour ce que nous trouvons quelque soulagement dans la connoissance des moyens qui ont contribué à notre perte, comme il elle en estoit moindre, voici la continuation du recit de la maladie du Roy, depuis le 30 du passé.
Les cinq jours suivans diminuerent beaucoup de la joye que l’amandement des precedens nous avoit fait concevoir. Car encor que le Roy eut quelques notables relasches, si est ce que le redoublement de sa fievre lui arrivant tous les jours et les autres accidens de sa maladie [p. 402] perseverans la rendoyent grandement perilleuse. Mais sa violence n’interrompit jamais les elancemens de son ame vers le Ciel, entre lesquels il tesmoignoit porter envie aux saints martyrs, dont il se faisoit lire la vie toutes les nuits qu’il passoit sans dormir. Et bien que ses veilles et le peu d’aliment qu’il prenoit lui deussent naturellement causer quelque resverie, il en a esté exempt comme par une grace speciale, la force de son esprit ne s’estant jamais relaschée, mesmes aux moindres choses : sa resignation a tousjours esté telle qu’ayant eu en suite quelque petite relasche qui relevoit l’espérance abbatue de quelques uns des assistans, il leur dist qu’il vouloit tenir tousjours son esprit dans l’indifference de mourir ou de vivre, selon qu’il plairoit à Dieu d’en ordonner, desirant neantmoins plustost le premier que le dernier, comme il montroit repetant souvent ces mots : Taedet animam meam vitae meae, ou s’il desiroit de vivre, il y ajoutoit incontinent que ce n’estoit que pour faire penitence au monde, y faire regner de plus en plus la pieté et la justice, et y procurer surtout une paix glorieuse à son estat, laquelle si Dieu ne lui permettoit pas de pouvoir faire tandis qu’il seroit sur la terre, son ame se prosterneroit incessamment devant Dieu pour l’impetrer de sa misericorde.
Mais ce qui ne doit pas estre de peu de consideration, comme il n’est pas un petit exemple à ceux qui gouvernent, Sa Majesté n’a jamais cessé durant toute sa maladie de donner ordre aux affaires de son Estat, dont elle entretenoit tous les jours la Reine, monseigneur le duc [p. 403] d’Orléans son frere, le prince de Condé, le cardinal Mazarin, son chancelier, le surintendant de ses finances et le sieur de Chavigni, avec une singuliere confiance.
Elle avoit le 5 de ce mois donné la coadjutorerie de l’archevesché d’Arles à l’evesque de aint. Pol, premier suffragant dudit archevesché, et l’evesché de Saint Pol à l’abbé de Grignan, frere dudit evesque de Saint Pol, et avant ce temps là et depuis receut humainement tous les princes, princesses, seigneurs et dames qui le venoyent visiter et compatir à son mal, tous lesquels comme il me seroit malaisé de vous nommer, ainsi ne vous puis je taire, sans oublier les principaux traits de l’esprit de Sa Majesté, les entretiens qu’Elle eut avec quelques uns de ceux qui sont venus à ma connoissance. Elle tesmoigna au duc de Vendosme un grand contentement de le voir de retour, comme Elle avoit receu un sensible deplaisir à son absence, ce qu’Elle lui feroit connoistre par tous les effets possibles et le regret qu’Elle avoit du passé. Elle en dist autant à la duchesse de Guise. Le duc d’Engoulesme s’estant approché de son lit, le Roy lui montra son estomac amaigri par la longueur de sa maladie, lui faisant remarquer comme la qualité de roy n’exemptoit aucun des infirmitez attachées à la condition humaire. Et montrant au sieur de Liencour ses bras decharnez, lui dist cette belle sentence : Memento homo quia cinis et et in cinerem reverteris. Aussi possédoit il tellement tous les passages sacrez qu’on ne lui avoit pas plustost [p. 404] commancé le verset d’un pseaume qu’il l’achevoit. Il estoit si bien instruit en tous les points de l’escriture qu’au lieu que les autres entendent les choses par les mots, il entendoit les mots par les choses mesmes, dont l’usage lui avoit rendu la langue latine aussi familiere que la nostre. Le sieur de Ventadour l’aisné, ecclesiastique, estant venu coucher en son antichambre le huitieme de ce mois pour l’entretenir de discours de devotion quand il ne faisoit plus lire dans les livres sacrez, il se plaignit souvent à lui de son mal, non pour autre raison, disoit-il, sinon qu’il l’empeschoit de prier Dieu aussi librement comme il le desiroit. Il ne pouvoit ouir parler d’aucune matiere de devotion qu’il n’y respondist de parole ou de geste. Et quand la force de son mal eut abatu celle de son corps, voire estant mesme proche de sa fin et un peu devant sa mort, à chaque mention qu’il entendoit faire de Dieu et des choses saintes, il levoit incontinent les yeux au Ciel, tendoit les bras et remuoit les levres, tesmoignant par là les saints mouvemens de son ame.
Mais pourquoi viens je si tost à cette mort et à cette fin ? Pleust à Dieu que quelqu’autre de cœur plus dur et qui seroit moins touché du sentiment de la perte d’un si bon prince vous pust achever le reste. C’est ici où les plus scavans trouveront à apprendre, les gens de bien à se consoler, et les meschans à craindre. Hommes, voici cette catastrophe de la comedie que nous jouons tous, et ce masque levé où il n’y a plus moyen de se deguiser, mais où il faut paroistre tels que nous sommes.
C’est là où nostre second saint Louis, apres le flux [p. 405] et reflux des agitations diverses que le monde lui a données trouve le port de son salut tant desiré.
Chacun avoit encore la mémoire toute recente de sa confession, de sa communion et des autres actes d’un roy veritablement tres chretien : il n’y a que lui qui en trouve la repetition necessaire. Ayant donc demandé instamment la communion le douziesme dudit mois et lui ayant esté accordée, Sa Majesté, qui s’estoit confessée tous les jours de la derniere semaine de sa maladie, se reconcilia encor le matin de ce jour là, et le pere Dinet, jesuite, son confesseur, lui ayant donné l’absolution, il communia par les mains de l’evesque de Meaux, son premier aumosnier, avec son zele ordinaire. La Reine s’approchant du chevet du Roy, Sa Majesté prit sa main et celle de monseigneur le duc d’Orleans, son frere unique, et les joignit ensemble, leur faisant derechef promettre entre ses mains une bonne union et concorde, et qu’ils auroyent soin des enfans de Leurs Majestez. En mesme temps, le Roy appella l’evesque de Lizieux d’entre les autres prelats, lui communiqua durant quatre ou cinq heures tout ce qui regardoit sa conscience, et lui marqua l’endroit où sont les prieres pour les agonizans, afin qu’on les lui dist lorsqu’il seroit en cet estat.
Le 13, à la premiere mention que lui fit son confesseur de se preparer à bien mourir, il l’embrassa, recitant le Te Deum, pour la joye que lui donnoit l’esperance d’estre bientost joint à son createur, et fit appeler l’evesque de Meaux pour reciter les prieres de la recommandation de l’ame, ce qui donna sujet au bruit de sa mort qui courut ensuite, [p. 406] mais lui estant arrivé quelque petit soulagement, ces prieres furent differées jusqu’au lendemain 14.
Auquel jour, ledit evesque de Meaux disant la messe dans la chapelle du chasteau neuf sur les 7 à 8 heures du matin, le Roy le manda derechef pour faire lesdites prieres. A cette fin, il entra dans la chambre du Roy revestu de son rochet, camail et estole violette, où il trouva l’evesque de Lisieux que Sa Majesté avoit envoyé querir, et où estoit aussi l’evesque de Beauvais et son confesseur avec le pere Vincent, superieur de la Mission, ledit sieur de Ventadour et les aumosniers de Sa Majesté, qui firent ladite recommandation de l’ame, le Roy leur respondant avec son zele accoustumé, comme faisoyent aussi la Reine, les princes, princesses, ducs et pairs, mareschaux de France et autres seigneurs et dames là presens. Et apres que ledit evesque de Lizieux, auquel Sa Majesté avoit donné charge de ne l’abandonner point, lui eut fait former des actes de foy, d’esperance, de charité et de contrition qui lui estoyent fort familiers, Elle l’embrassa et le baisa, l’apelant son père. La parole lui manqua à une heure et demie apres midi, depuis lequel temps les evesques de Lizieux et de Meaux lui continuans des admonitions chrestiennes, que le Roy tesmoignoit par signes bien entendre un quart d’heure durant. Il demeura encor demie heure avant que d’expirer, comme il fit fort doucement entre les bas desdits evesques de Lizieux et de Meaux, de son pere confesseur et du pere Vincent, tres saintement et comme il appartenoit au fils aisné de l’Eglise, ayant contenté ces deux prelats et ces ecclesiastiques sur tous les sujets qui regardoyent sa conscience, et ayant rendu la Reine, tant en [p. 407] sa presence qu’en son absence, tous les tesmoignages d’une sainte amitié conjugale, apres avoir accompagné leur dernier adieu de larmes reciproques. Ainsi expira ce bon prince sur les deux heures et un quart apres midi du 14 jour de may, l’an 43 de ce siecle et 42 de son age non encor revolu, apres avoir regne justement 33 ans, et, ce qui ne se peut concevoir sans merveille, le mesme jour du mesme mois, la mesme apres disnee et environ la mesme heure que mourut Henry le Grand, son pere, tous deux d’eternelle memoire. Jour que cette double perte nous feroit appeler malheureux si nostre Sauveur ne l’avoit choisi cette année pour son ascension, et pour celle de cette ame bien heureuse qui loge maintenant dans le Ciel. L’evesque de Meaux ayant dit ensuite les prieres de l’absoute des morts, l’evesque de Lizieux et lui fermerent les yeux du Roy et l’evesque de Meaux, lui ayant baisé la main et fait une grande reverence, donna les ordres necessaires pour accompagner le corps d’ecclesiastiques.
Nostre grande Reine ne s’est jamais montrée plus grande qu’en ce rencontre, où Sa Majesté a fait douter laquelle de toutes ses perfections s’est trouvée en un plus haut degré, ou son assiduité autour de la personne du Roy defunt, qu’elle n’a jamais abandonné durant les longueurs de cette fascheuse maladie, ou sa pieté, qui a servi d’exemple à tout le monde pour extorquer du Ciel la santé de ce cher espoux s’il eust esté possible, ou sa présence d’esprit qui a desjà paru dans les conseils et qui se fait admirer dans la conduite des affaires, ou sa constance qui lui fait si dignement conjoindre les interests de vefve à ceux de mere [p. 408] d’un grand Roy et regente d’un grand royaume, ou cette bonté sans pareille qui lui gaigne les cœurs de tout le monde et l’eust faite reine d’election quand elle ne l’eust point esté de naissance.
Si tost que le Roy fut decedé, la Reine regente, accompagnée de monseigneur le duc d’Orleans, du prince de Condé et des autres princes, princesses, ministres, ducs et pairs, mareschaux de France et autres officiers de la Couronne en grand nombre, fut conduite du chasteau neuf de Saint Germain dans le vieil, en passant par la chapelle où elle et toute la cour, fondans en larmes, firent leurs prieres pour le repos de l’ame du defunt, et se rendit en son ancien appartement où se trouva le Roy à present regnant, entre les mains duquel, la Reine regente sa mere presente, le prince de Condé presta le serment de grand maistre de France, qui fut leu par le sieur de Guenegaud, secretaire d’Estat ayant le departement de la Maison du Roy, avec ordre audit grand maistre d’ordonner de tout ce qui concernera la pompe funebre du Roy defunt, dont vous aurez le recit au premier jour. Et enfin, nos larmes essuyées par le contentement que nous promettent cette heureuse regence et l’estroite union de tous les seigneurs de son conseil, que la mémoire de nostre prince mourant va rendre eternelle, persuaderont aisement à nos ennemis de faire la paix avec une Couronne qui abreuve ses chevaux en mesme temps dans le Po, dans le Rhin et dans l’Ebre, chez qui les accidens communs à tous les hommes ne rebatent rien de la valeur propre à sa nation, qui leur fera tousjours voir que le Roy n’est pas mort.
A Paris, du bureau d’adresse, le 16 may 1643. »

Récit de la célébration de Noël par la famille royale et de la première communion du Dauphin à Saint-Germain-en-Laye

« De S. Germain en Laye, le 28 decembre 1674
[…]
Le 24, Leurs Majestez et monseigneur le Dauphin entendirent dans la chapelle du chasteau les vespres chantées par la Musique du Roy.
Le soir, Leursdites Majestez assisterent aux Matines et ensuite Elles entendirent apres minuit trois messes : le lendemain, jour de Noel, la grand’messe celebrée pontificalement par l’archeveque de Bourges, et l’apres disnée le sermon de l’abbé de Clermont, nommé à l’evesché de Frejus.
Le meme jour, monseigneur le Dauphin fit sa premiere communion dans la mesme chapelle, par les mains de l’ancien evesque de Condom, son precepteur, qui luy avoit donné depuis longtemps, avec une extreme application, toutes les instructions necessaires pour le disposer à bien reconnoistre l’importance de cette action. Le prince de la Roche sur Yon et le duc de Montausier, son gouverneur, tenoyent les deux bouts de la nape, et monseigneur le Dauphin s’approcha de cet auguste sacrement avec une modestie exemplaire et avec tous les temoignages possibles de religion et de pieté.
La Reyne a donné, tous ces saints jours, par une pratique continuelle d’actions chretiennes et de bonnes œuvres des temoignages ordinaires de sa devotion exemplaire.
Le Roy alla le 27 à son chasteau de Versailles, prendre le divertissement de la promenade, et mena monseigneur le Dauphin seul avec luy, dans son carrosse. »

Récit de la célébration de la Toussaint par la famille royale à Saint-Germain-en-Laye

« De S. Germain en Laye, le 2 novembre 1674
Hier, feste de tous les saints, Leurs Majestez, avec lesquelles estoit monseigneur le Dauphin, entendirent en la chapelle de ce chasteau la grande messe, celebrée par l’evesque de Cisteron, et chantée par la Musique. L’apres dinée, Elles entendirent au mesme lieu une docte et eloquente predication de l’abbé de Clermont, puis les vespres aussi chantées par la Musique. Ensuite, la Reyne alla continuer l’exercice de sa devotion, en l’eglise de la parroisse. »

Récit de l’installation du roi et de la reine d’Angleterre à Saint-Germain-en-Laye

« [p. 280] Le 21 au matin, jour de S. Thomas, le bastiment qui portoit la reine d’Angleterre arriva à Calais, après [p. 281] avoir couru risque de faire naufrage au port, puisqu’il s’en fallut peu qu'il ne touchait un banc qui en estoit à dix pas ; mais le maistre du paquetbot qui se trouva là fort à propos luy servit de guide, et empefcha par là ce malheur. Après que la reine fut debarquée, le capitaine du yacht dit qu'il sçavoit bien qu'il menoit cette princesse et le pince de Galles, et qu'il l'avoit toujours reconnu. Elle ne voulut point que M. le duc de Charost luy fist rendre aucuns [p. 282] honneurs à Calais. […] [p. 283] Comme la reine [p. 284] devoit faire quelque sejour à Bouligne jusqu’à ce qu’on eust receu des nouvelles de la Cour, elle demanda d’estre logée au convent des Ursulines mais, M. le duc d‘Aumont ayant fait preparer l’appartement de madame la duchesse sa femme, elle ne put le refuser. […] [p. 284] Cependant, le Roi ayant sceu que cette princesse estoit arrivé en [p. 288] France, ce monarque qui a toujours esté l’appuy des malheureux et l’azil des opprimez en ressentit une joye proportionnée au triste etat ou il scavoit qu’elle se trouvoit. […] [p. 321] La nouvelle de l’arrivée du roy d’Angleterre à Ambleteuse ayant esté receue à Versailles, M. le marquis de Beringhen l’apprit à Beaumont par un courrier que le [p. 322] Roy lui depescha. […] [p. 328] M. le Premier, après s’etre acquité de sa commission auprès de la reyne d’Angleterre, qu’il auroit conduite jusqu’à Saint Germain sans les nouveaux ordres qu’il receut, ne songea plus qu’à partir la nuit mesme pour aller au devant de Sa Majesté britannique. […]
[p. 329] Le 6, cette princesse partit de Beaumont pour se rendre à Saint Germain en Laye, dont le Roy avoit fait meubler le chasteau pour la loger. Il avoit d’abord fait preparer celuy de Vincennes, [p. 330] mais Sa Majesté croyant l’air de Saint Germain meilleur pour la santé du jeune prince, et ce chasteau plus commode pour voir la reyne plus souvent, avoit changé de dessein.
Le Roy partit le mesme jour de Versailles pour aller au devant de cette princesse. Il estoit accompagné de monseigneur le Dauphin, de Monsieur et des princes et principaux seigneurs de la Cour. Il s’avança jusques auprès de Chatou, et les gardes du corps, les gendarmes, [p. 331] les chevaux legers et les deux compagnies de mousquetaires s’etendoient dans la plaine depuis le pont du Pec jusqu’à ce village. Quoyque leurs habits ordinaires soient assez riches et que le tout ensemble produise un effet fort éclatant, chacun s’estoit efforcé ce jour là de se mettre proprement et l’on peut dire que tous les officiers estoient magnifiquement vestus. Le carosse de Sa Majesté et celuy où estoit la reyne d’Angleterre ayant paru, chacun descendit du [p. 332] sien, dans le mesme temps, et le Roy et cette reyne se saluerent. Le Roy luy presenta monseigneur le Dauphin et Monsieur, et la remit ensuite dans le mesme carosse, où estant aussitost monté il se plaça à sa gauche, et monseigneur le Dauphin et Monsieur se mirent sur le devant. Lorsqu’on fut arrivé à Saint Germain, le Roy conduisit la reyne dans l’apartement qui luy avoit esté preparé. Il demeura quelque temps en public avec elle, et luy presenta monsieur le [p. 333] Prince, monsieur le Duc et monsieur le prince de Conty. Le Roy, en prenant congé de cette princesse, luy dit « qu’il alloit voir le prince de Galles pour apprendre s’il n’estoit point fatigué du voyage ». La reyne voulut l’y accompagner et lui dit « qu’elle avoit esté ravie qu’il ne fust pas en age de connoistre ses malheurs, mais qu’à present elle estoit bien fachée qu’il ne fust pas en etat de reconnoistre l’obligation qu’il luy avoit ». Le Roy revint ensuite à Versailles et laissa cette princesse dans [p. 334] l’admiration de ses manieres toutes engageantes et qui, avec le brillant de la majesté, laissent paroistre un air tout affable qu’il seroit difficile d’exprimer. Ce monarque de son costé trouva beaucoup d’esprit et de grandeur d’ame dans cette princesse. Elle a l’air noble ; toute penetrée qu’elle est de sa douleur, elle n’en paroist point embarassée. Elle sent bien ce qu’elle est et quoy qu’elle soit fort honneste, elle scait placer ses honnestez selon les gens et est tout à fait maitresse d’elle mesme.
[…]
[p. 359] Le roy d’Angleterre […] monta à Clermont dans le carosse du Roy que M. le Premier avoit [p. 360] au voyage en allant au devant de la reine et qu’on y avoit fait venir de Beauvais toute la nuit. M. le Premier et M. le duc de Bervick entrerent dans ce carosse avec Sa Majesté, qui alla ainsi jusqu’à Saint Germain en Laye, avec des attelages du Roy qu’on avoit mis en relais. Tout Saint Denis estoit remply du peuple de Paris, qui marqua sa joye par ses acclamations lorsqu’il vit arriver Sa Majesté britannique, ce qui acheva de faire connoiste qu’il n’y a point de peuple au monde si fidelle [p. 361] et si zelé que celuy de France, ny qui se plaise davantage à entrer dans tous les sentimens de son Roy. Tout se trouva remply de peuple, de carosses pleins de personnes de qualité et de cavaliers depuis Paris jusqu’à Saint Denis, et ce prince n’entendit que des acclamations, et ne vit que de la joye sur tous les visages.
Sa Majesté receut ce monarque au milieu de la salle des gardes de Saint Germain. La joye qu’ils eurent de se voir parut dans leurs embrassades, qui furent reiterées [p. 362] plusieurs fois. Leurs complimens estant finis, le Roy mena Sa Majesté britannique dans la chambre de la reine son epouse, qui estoit au lit, et apres y avoir demeuré quelque temps et l’avoir aussi mené chez le prince de Galles, il s’en retourna à Versailles.
Le 8, le roy d’Angleterre vint l’apres dinée à Versailles rendre visite à Sa Majesté, ayant dans son carosse M. le duc de Bervick, M. le Premier et M. de Lausun. Le Roy le receut à la porte de [p. 363] la salle des gardes et le conduisit dans son petit salon, puis dans son cabinet, où ils demeurerent seuls pendant plus d’une heure et demie. Sa Majesté le conduisit ensuite par la grande galerie à l’appartement de madame la Dauphine, qui l’attendoit dans sa chambre avec un fort grand nombre de dames. Cette princesse estant avertie qu’il venoit par la galerie, s’approcha environ à trois pas de la porte. Le roy d’Angleterre entra, accompagné du [p. 364] Roy, de monseigneur le Dauphin et d’une très grande quantité de seigneurs de la Cour. Il baisa madame la Dauphine des deux costez et ensuite Madame qui s’y trouva. Il baisa après monseigneur le duc de Bourgogne, monseigneur le duc d’Anjou et monseigneur le duc de Berry qui accompagnoient tous trois madame la Dauphine. On ne fut point assis. Madame la Dauphine estoit du costé de la balustrade et, le Roy donnant toujours la droite au roy d’Angleterre, [p. 365] estoit avec Monseigneur du costé des fenestres. La conversation dura un quart d’heure. Ce monarque prit congé pour aller chez Monseigneur, qui un moment auparavant estoit sorty de chez madame la Dauphine, pour l’aller attendre dans son appartement. Le Roy accompagna ce monarque en sortant jusqu’au haut du grand degré. Monseigneur le receut à la porte de la salle de ses gardes, et le roy fit tomber la conversation sur la campagne de ce jeune prince, [p. 366] à qui il donna les louanges qui luy sont dues, mais il luy dit ensuite « qu’il s’estoit trop exposé et qu’à l’avenir il devoit se menager davantage ». Monseigneur lui repondit, avec beaucoup de presence d’esprit, « qu’estant duc d’York il ne s’estoit pas moins exposé lorsqu’il combattoit dans les troupes de France ». Le roy repliqua « qu’il n’estoit alors qu’un malheureux aventurier mais que comme il seroit presentement le plus ancien lieutenant general s’il avoit continué, il croyoit que le Roy le [p. 367] feroit marechal de France ». Monseigneur le reconduisit jusqu’au mesme lieu où il avoit esté le recevoir. Il alla ensuite chez Monsieur, qui estant veritablement indisposé, gardoit le lit ce jour là. Comme il estoit assez naturel de parler du prince d’Orange, ce qu’on en dit fit tourner la conversation sur la bataille de Cassel et Monsieur fut loué d’avoir battu un pince si fier et qui ne manquoit ny de hardisse ny de courage. Ce prince repondit là dessus [p. 368] « qu’il voudroit qu’une semblable occasion se presentast encore et qu’il exposeroit volontiers sa vie pour le service du roy d’Angleterre ». Ce monarque alla après cela rendre visite à Madame et s’en retourna à Saint Germain. M. le Premier l’y accompagne et luy dit le soir en prenant congé de luy que la Maison du Roy qu’il avoit menée au devant de la reine avoit ordre de demeurer auprès de Leurs Majestez pour les servir.
Le 9, monseigneur le Dauphin se rendit à Saint [p. 369] Germain et visita Leurs Majestez britanniques.
Le 10, Madame et mademoiselle y allerent aussi, et le 12 les princesses du sang.
Le 13, Monsieur les visita pareillement et sur les deux heures les princes du sang firent les mesmes visites. Le mesme jour, sur les quatre heures du soir, la reine d’Angleterre vint à Versailles. Le Roy, monseigneur le Dauphin et Monsieur la receurent au plus haut du grand escalier. Elle parut se defendre la droite [p. 370] de Sa Majesté. On luy avoit preparé un fauteuil qui estoit à droite de celuy du Roy et elle s’y mit. La conservation dura un quart d’heure et l’esprit de cette princesse se montra aussi brillant qu’il avoit dejà fait. Le Roy luy dit « qu’il estoit surpris de l’entendre si bien parler françois et de de qu’on ne luy remarquoit aucun accent etranger ». Elle repondit « qu’elle s’estoit toujours senti de l’inclination pour la France et que c’estoit de là que venoit la facilité qu’elle avoit eue à apprendre le françois ». [p. 371] Leur conservation étant finie, le Roy la conduisit chez madame la Dauphine, qui l’attendoit dans sa chambre avec un tres grand nombre de dames, qui estoient fort parées. Quand cette princesse fut avertie que la reine venoit par la galerie, elle s’avança jusque dans la porte. La reine la baisa d’un costé et madame la Dauphine, luy donnant la droite, la mena dans son grand cabinet. On y avoit preparé six fauteuils, scavoir pour la reine, madame [p. 372] la Dauphine, les trois jeunes princes et Madame. Celuy de la reine estoit au milieud e la chambre et les autres estoient tournez un peu du costé du fauteuil de cette princesse. Toutes les duchesses furent assises. Madame la duchesse de Powis, gouvernante du prince de Galles, et madame la comtesse de Montecuculi, une des dames d’honneur de la reine, comme estoient icy les dames du Palais, puisqu’elles sont plusieurs et qu’elles servent par semaine, eurent [p. 373] les tabourets. On s’etonnera que je donne icy le nom de duchesse à madame de Powis apres l’avoir apellée plusieurs fois marquise ; la raison de ce changement est que le roy d’Angleterre, depuis son arrivée à Saint Germain, a recompensé le zele de M. de Powis, son marquis, en le faisant duc. La conversation dura une demy heure. On se leva et madame la Dauphine conduisit la reine jusqu’à la porte de son cabinet. Cette princesse alla ensuite chez Monseigneur, qui la receut [p. 375] à la porte de la salle de ses gardes et la reconduisit jusqu’au mesme endroit. Elle alla après chez Monsieur et chez Madame, qui luy firent tous les honneurs dus à une reine. »

Récit de l’inauguration du Salon au château de Saint-Germain-en-Laye

« Ouverture de l’exposition des Beaux-Arts au château de Saint-Germain
Le Salon de Saint-Germain a été ouvert samedi à midi et demie. M. le maire de Saint-Germain, accompagné de MM. Choret et Lepintre, adjoints, de M. le juge de paix, de MM. Johnson, Daumont, de la Brière, Villain, Juteau, etc., conseillers municipaux, a été reçu par M. Joseph Reinach, président de l’Exposition, entouré des membres du comité de la Société des Fêtes.
M. Reinach a prononcé le discours suivant :
« Messieurs,
C’est en l’absence de notre illustre maitre et ami Messonier que me revient l’honneur d’ouvrier au château de Saint-Germain la première exposition des Beaux-Arts.
Peu de temps après la nomination de la première municipalité républicaine de notre ville, la Société des fêtes, vous le savez, se réorganisait à son tour ; elle décida l’organisation de ce Salon de peinture et de sculpture, elle a changé son titre de Société des fêtes pour celui de Société des fêtes et des arts, et nous cherchions une devise appropriée à notre programme lorsque, avant-hier, dans un éloquent discours, M. le ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts a dit, en s’adressant aux artistes du Salon de Paris : « que plus notre démocratie s’élève et s’éclaire, que plus nos institutions républicaines s’élargissent, plus dans nos aspirations le culte du beau, sous toutes ses formes, doit prendre le premier rang ».
La voilà, Messieurs, notre future devise ! Elle est belle, elle est simple, elle n’a pas besoin d’aucun commentaire.
Déjà plus d’un sceptique nous a dit : « A distance si petite de Paris, pourquoi une seconde exposition des Beaux-Arts ? » C’est à peu près comme si l’on nous demandait « à quoi bon une bibliothèque dans la bibliothèque nationale est si proche ? » Jamais, Messieurs, il n’y aura assez de bons livres, assez de beaux tableaux, assez de belles statues ; et, n’en doutez pas, la belle peinture et la belle sculpture n’exercent pas une moindre influence que la bonne littérature : comme celle-ci, elles forment, elles élèvent l’esprit. Notre République doit être américaine par l’intelligence pratique, romaine par le courage, athénienne par le culte du beau !
Le niveau de l’exposition que nous ouvrons aujourd’hui est très élevé. Vous pourrez, Messieurs, l’apprécier tout à l’heure, mais dès maintenant laissez-moi exprimer le vœu que notre initiative de cette année ne reste pas un fait isolé et que désormais la ville de Saint-Germain ait tous les ans son exposition des Beaux-Arts. Le succès du Salon présent, je ne crains pas de l’affirmer, est assuré. Ce Salon vient à propos, au cours de cette belle et glorieuse année, où la République française donne au monde entier sa grande fête du Travail et du Progrès.
Avant de déclarer ouverte notre exposition des Beaux-Arts, je tiens, Messieurs, à adresser tous mes remerciements, d’abord à M. le ministre des Travaux publics, qui a bien voulu mettre à notre disposition toute une partie du château de Saint-Germain, ensuite à M. Bertrand, le savant conservateur du musée Gallo-Romain, et à M. Millet, l’architecte du château, dont le concours nous a été si précieux.
Je tiens aussi à vous remercier, vous, M. le Maire, et vous, Messieurs les membres du conseil municipal, qui nous avez encouragés dans notre entreprise. De mes collègues du bureau de la Société, il ne m’appartient pas de prononcer l’éloge. Quant aux exposants, le jour ne tardera pas à venir.
Monsieur le Maire, Messieurs, permettez-moi de vous conduire dans les salles de notre exposition. »
M. le Maire a répondu en félicitant la Société des fêtes et arts de l’initiative prise par elle et a complimenté son président, les principaux organisateurs de l’exposition, M. Fauvel, M. Johnson, M. Daumont.
Puis la visite du Salon a commencé. On a particulièrement remarqué les belles expositions de MM. Detaille, Henner, Bergeret, Landelle, Roll, Gilbert, Hannoteau, Defaux, Daumont, Lepec, Ray, Boulangé, Chaudin, Johnson, etc., etc., le médaillon de Félicien David, entouré d’une couronne de roses, la statue de M. Thiers et toute l’exposition rétrospective.
Nous en parlerons prochainement d’une manière circonstanciée.
A trois heures et demie, M. le préfet de Seine-et-Oise et M. Albert Joly se sont rendus au Salon et en ont vivement félicité les organisateurs.
En résumé, succès très grand et très mérité. Dans le discours prononcé par lui au chantier du nouvel hôpital, M. Joly a complimenté M. Reinach pour avoir transporté le Salon de Paris à Saint-Germain. Nous avons la conviction que le Salon de cette année ne sera pas isolé et que, devant ce succès, les ministères et l’administration municipale feront en sorte que la Société des fêtes et des arts puisse organiser une série régulière d’expositions annuelles.
(Communiqué) »

Récit de l’hommage rendu au roi pour le duché de Bar à Saint-Germain-en-Laye

« Narré de ce qui s’est passé à l’entrée et reception du duc Charles de Lorraine faite par moy comte de Brulon, introducteur des princes estrangers et ambassadeurs, l’an 1641
Aussitost que l’on sceut à la cour que le duc de Lorraine quittoit le party d’Espagne pour se ranger à son devoir et venir trouver le Roy, je fus commandé par Sa Majesté d’aller au devant de luy jusques à La Ferté sous Yerre, avec un maistre d’hostel, deux gentilshommes [p. 810] servans, controlleur general et autres officiers pour le traiter, et luy presenter les carrosses du Roy et de la Reyne pour le conduire. Luy ayant presenté lesdits officiers, et dit comme la France se resjouyssoit de le voir aux bonnes graces du Roy, dont il recevroit des temoignages si grands qu’à la confusion de ses ennemis l’on verroit que le seul moyen de vaincre le Roy estoit de se soumettre à sa bonté. Il me repartit qu’il n’avoit jamais eu repos en son esprit que apres avoir pris la resolution de reparer ses fautes par son sang en servant un prince si bon et si grand, que ses actions serviroient d’exemple à la posterité pour justement et genereusement regner. Ces paroles finies, l’on monta en carrosses pour venir coucher à Meaux, où le presidial et la Maison de ville le vint saluer. Le lendemain, l’on vint disner à Chelles. Puis en arrivant au Bois de Vincennes, le comte de Harcourt le vint trouver avec plusieurs carrosses à six chevaux ; fut conduit à l’hostel d’Espernon, meublé aux depens du Roy. Le lendemain, contre la coustume, qui est que la premiere visite se fait au Roy, fut au logis du cardinal de Richelieu, où la forme de la reception avec le Roy fut conclue. Le lendemain, le duc de Chevreuse et moy le menames trouver le Roy, les gardes suisses en leurs ordres, les suisses du corps du long du degré. Nous le conduisimes en la chambre du Roy, lequel estant dedans sa chaire dans la ruelle de son lict, voyant le duc Charles approcher du balustre, se leva pour l’aller embrasser. Son Altesse au contraire se jetta à genoux devant luy, luy demandant pardon de ses fautes passées. Le Roy, en le relevant, l’embrassa et le voulant approcher de son lict, il se jetta derechef à genoux, luy redemandant encore pardon. Le Roy l’embrassant pour la seconde fois, le retirant vers son lict, et le voulant faire couvrir, iol se jetta pour la troisieme fois à genoux, disant que c’estoit la posture qui luy estoit la mieux seante. Neantmoins, le Roy luy mit son chapeau sur la teste, le prenant par la main, le menant dans son cabinet, où, apres une heure ou deux d’entretien, il me commanda de le mener à la chambre de la Reyne, et de là le mener voir sa famille, c’est-à-dire messeigneurs ses enfans.
Revenant à Paris, il fut en ceremonie visiter ledit cardinal, où il luy ceda la main et la porte. Quelques jours se passerent ensuite à faire le traité, par l’evenement duquel on verra qu’au Roy seul appartient, Parcere subjectis et debellare superbos. Le mardy des feries de Pasques, le Roy prit jout de luy donner à disner, et prester le serment d’entretenir le traité du vingt neufieme mars fait entre le susdit cardinal et Son Altesse, et ratifié par le Roy. Le matin du mesme jour, le Roy s’assist en son lieu et chaire ordinaire, Son Altesse trois places plus bas sur un escabeau pliant, du mesme costé, servy par le controlleur general Parfait. Apres les tables levées, et la visite de la Reyne, je le menay dans la chapelle. Vespres estant dites, l’evesque de Meaux, estant revestu de ses habits pontificaux, apporta le livre des Evangiles au Roy, qui se mettant à genoux dessus son banc, il jura l’observation du traité. Le duc de Lorraine, à genoux à costé sur le tapis du Roy, fit le mesme serment en presence dudit cardinal, [p. 811] du chancelier et de plusieurs princes et seigneurs de la cour. Huit jours apres, les difficultez pour l’hommage de la duché de Bar estans levées, le Roy me commanda de mener ledit sieur de Lorraine dans son cabinet, où il l’attendit sans se mouvoir ny oster son chapeau, ayant le chancelier à costé de luy. Ledit duc de Lorraine, estant en bas dessous, se mit à genoux sur un carreau qui luy estoit preparé, ses mains nues entre celles du Roy, fit hommage lige pour la duché de Bar, avec ses dependances, selon les formes ordinaires pratiquées en semblable occasion. Peu de jours apres, il fit ses adieux au Roy et à la Reyne, et tout le monde, et se retira en son pays, comblé d’honneurs et de biensfaits de Sa Majesté. »

Récit de l’hommage rendu au roi pour le duché de Bar à Saint-Germain-en-Laye

« Relation de ce qui s’est passé en l’hommage rendu au roy Louys XIII par le duc Charles de Lorraine pour le duché de Bar à Saint Germain en Laye au mois d’avril 1641
Le mardi deuxieme avril 1641, le Roy donna ordre au sieur de Chavigny, secretaire d’estat, de proposer au duc Charles de Lorraine de rendre la foy et hommage qu’il estoit tenu de faire à Sa Majesté à cause de son duché de Bar mouvant de sa couronne, suivant le troisieme article qu’il venoit de faire avec Sadite Majesté le 29 mars precedant. Sur quoy ledit duc Cahrles dit audit de Chavigny qu’il estoit prest de rendre la foy et hommage pourveu que l’on adjoustast en la forme de l’acte que l’on luy avoit fait voir qu’il rendoit cette foy et hommage comme avoient fait les ducs de Lorraine ses predecesseurs, ce que Sa Majesté trouva bon. Neantmoins, estans en son cabinet et attendant que ledit duc fust venu pour rendre cette foy et hommage, ainsi qu’il estoit demeuré d’accord, il pria ledit de Chavigny de faire scavoir à monsieur le chancelier qu’il desiroit luy proposer quelques difficultez sur la prestation de ladite foy et hommage, ce qui donna sujet audit chancelier de venir trouver ce duc, qui estoit proche la porte du cabinet du Roy, où estant il luy dit qu’il ne scavoit ce que l’on desiroit de luy, qu’il n’avoit aucune connoissance de la forme de la foy et hommage que ses predecesseurs avoient rendue pour le duché de Bar et qu’il doutoit mesme s’il estoit obligé de la rendre en la forme que l’on proposoit, qu’il avoit ouy dire autresfois à ses officiers que les trois derniers ducs ses predecesseurs n’avoient fait aucune foy et hommage, qu’il avoit en son duché de Bar tous les droicts regaliens et que mesme il pouvoit faire des loix, suivant lesquelles le parlement de Paris estoit obligé de juger en cas d’appel de ses juges, qu’il n’avoit aucune personne de conseil aupres de luy pour prendre resolution de ce qu’il devoit faire sur ces difficultez, neantmoins qu’il estoit prest de rendre obeyssance aux commandemens du Roy et de faire tout ce qu’il luy ordonneroit. Sur quoy le chancelier luy representa que lrosqu’il avoit fait le traité, il avoit proposé les mesmes difficultez et que l’on luy avoit fait voir que les ducs de Lorraine estoient hommes liges du Roy à cause du duché de Bar, mouvant de la couronne de France, que jamais la mouvance n’avoit esté revoquée en doute par les ducs ses predecesseurs, qui en avoient rendu la foy et hommage lige aux roys de France, que si les roys Charles IX et le roy Henry III avoient donné aux ducs ses predecesseurs les droits regaliens, cela ne les exemptoit pas de la foy et hommage, d’autant que [p. 674] par les lettres patentes verifiées à la requeste mesmes des ducs ses predecesseurs, les roys de France se reservent le ressort et la souveraineté et l’hommage lige, et est porté par lesdites lettres que le duc de Lorraine qui estoit lors en avoit fait la foy et hommage ; qu’il estoit vray que les appellations de ses juges ressortissoient aux cas du presidial au bailliage de Sens et autres cas en la cour de parlement, qui juge suivant les coustumes du Barrois qui ont esté verifiées en ladite cour de parlement, que les ducs de Lorraine, comme ducs de Bar, ne pouvoient changer les coustumes ny donner de nouvelles loix à leurs sujets sans verification du parlement, qui estoient des marques asseurées de souveraineté et que, partant, il ne devoit faire aucune difficulté de rendre la foy et hommage lige, ainsi qu’il estoit porté par l’acte qui luy avoit esté presenté ; que les roys d’Angleterre, les ducs de Bretagne, les ducs de Bourgongne, l’archiduc d’Austriche l’avoient rendue autresfois aux roys de France pour les terres qu’ils possedoient mouvantes de la couronne en la mesme forme que l’on desiroit de luy, neantmoins que s’il faisoit quelque difficulté, il representeroit au Roy ce qu’il luy avoit dit pour recevoir sa volonté. Ensuite de quoy ledit chancelier estant venu trouver le Roy et luy ayant fait entendre les difficultez proposées cy dessus par ce duc, Sa Majesté luy commanda de luy faire scavoir qu’Elle ne vouloit point le presser, qu’Elle desiroit qu’il prist du temps pour s’instruire de ses droicts et que l’on luy feroit voir par bons titres l’obligation qu’il avoit de rendre cette foy et hommage lige. Ce qu’ayant esté rapporté par le chancelier audit duc, il dit que la difficulté qu’il avoit proposée n’estoit pas qu’il eut dessein de differer de rendre la foy et hommage, au contraire qu’il estoit prest ainsi qu’il avoit dit de rendre l’obeyssance aux commandemens du Roy et de se jetter à ses pieds, qu’il prioit Sa Majesté de luy accorder cette grace qu’il le fist. Et, de fait, s’estant approché de Sa Majesté, il luy auroit dit que la difficulté qu’il avoit faite n’estoit pas pour differer de rendre la foy et hommage et l’auroit prié par trois et quatre fois, avec grande instance, de luy permettre de la rendre et qu’il vouloit obeyr à ses commandemens. Sur quoy Sa Majesté luy auroit fait reponse qu’Elle avoit resolu de luy donner du temps pour connoistre ses droicts et que dans huit jours il pourroit, estant bien informé, faire la foy et hommage, et que l’on luy feroit voir les actes qui justifient les droicts de sa couronne. Huit jours apres, les difficultez pour l’hommage de ladite duché de Bar estans levées, le Roy commanda au comte de Brullon, un des introducteurs des princes estrangers et ambassadeurs, de mener ledit sieur de Lorraine, lequel l’attendit dans son cabinet, sans se mouvoir ny oster son chapeau, ayant le chancelier à costé de luy. Ce duc estant en bas dessous, se mit à genoux sur un carreau qui luy estoit preparé, et ses mains nues entre celles du Roy, fit hommage lige pour la duché de Bar, avec ses dependances, selon les formes ordinaires pratiquées en semblables occasions. Peu de jours apres, il fit ses adieux, et se retira comblé d’honneurs et de bienfaits de Sa Majesté. »

Récit de l’audience donnée par le roi aux députés de Bordeaux à Saint-Germain-en-Laye

« Responce du Roy à messieurs les depputez de Bourdeaux, messieurs le second president Chessac et conseiller Jessac et autres, faicte à Sainct Germain en Laye le 3e de novembre 1599 sur la verification de l’edict de Nantes
Le Roy se jouant et s’esgayant avec ses petits enfans en la grande salle du chastel de Sainct Germain en Laye, et voyant de l’aultre costé de la dicte salle messieurs les depputez, laissant ses enfans, les va accoster disant :
Ne trouvés poinct estrange de me veoir icy folastrer avec ces petits enfans. Je scay faire les enfans et defaire les hommes. Je viens de faire le fil avec mes enfans, je m’en vay maintenant faire le sage avec vous et vous donner audience.
Et estant entré en une chambre avec messieurs le chancelier et le mareschal d’Ornano, lieutenant pour le Roy en Guyenne, et messieurs les depputez seulement, et ayant ouy le dict sieur president Chessac qui portoit la parole et qui harangua cinq quarts d’heure, le Roy respondant, dit :
Monsieur de Chessac, non seulement vous ne m’avés poinct ennuyé par trop grande longueur, ains plustost je vous ay trouvé court, tant j’ay pris plaisir à vostre bien dire. Car il faut que je confesse en vostre presence que je n’ay jamais ouy mieux dire. Mais je voudrois que le corps respondit au vestement. Car je vois bien que vos maximes et propositions sont les mesmes et semblables qu’estoient celles que faisoient jadis le feu cardinal de Lorraine au feu Roy en la ville de Lyon, retournant de Poulogne, tendant à ce remuement d’Estat. Nous avons obtenu la paix tant desirée, Dieu mercy, laquelle nous couste trop pour la commettre en troubles. Je la veux continuer, et chastier exemplairement ceux qui voudroient apporter l’alteration. Je suis vostre Roy legitime, vostre chef ; mon royaume en est le corps, vous avés cest honneur d’en estre membres, d’obeir, et d’y apporter la chair, le sang, les os et tout ce qui en despend. Vous dictes que vostre parlement seul en ce royaume est demeuré en l’obeissance de son Roy et partant que ne devés avoir pire condition que le parlement de Paris et Rouen, qui, devant les desbordemens et orages de la Ligue, se sont devoyez. Certes, ce vous a esté beaucoup d’heur, mais, après Dieu, il faut rendre louange non seulement à vous autres, qui n’avés eu faute de mauvaise volonté pour remuer comme les autres, mais à feu monsieur le mareschal de Matignon, qui vous tenoit la bride courte, qui vous en a empesché. Il y a longtemps qu’estant seulement roy de Navarre, je cognoissois des lors bien avant vostre maladie, mais je n’avois les remedes en main. Maintenant que je suis roy de France, je les connois encore mieux, et ay les matieres en main pour y remedier et en faire repentir ceux qui voudront s’opposer à mes commandemens. J’ay fait un edict, je veux qu’il soit gardé, et quoy que ce soit, je veux estre obey. Bien vous en prendra si le faites. Mon chancelier vous dira plus en plein ce que est ma volonté. »

Rapport sur les travaux de restauration de la chapelle du château de Saint-Germain-en-Laye

« Ministère de l’Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes
Commission des Monuments historiques
Rapport à la commission par M. Selmersheim, inspecteur général, sur l’achèvement de la restauration du château de Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise)
Séance du 10 mai 1907
Monsieur l’architecte Daumet soumet à l’approbation un devis estimatif s’élevant à 57140 f. 47 destiné à terminer la restauration du château de Saint-Germain-en-Laye commencée en 1862.
Cette estimation comprend les travaux suivants :
Pour la maçonnerie, quelques reprises aux soubassements et aux fenêtres du rez-de-chaussée de la façade ouest ; l’établissement d’une clôture en pierre à l’entrée de la galerie à droite du passage à voitures ; le démontage et la repose en nouvel emplacement du cadran extérieur de l’horloge ;
Pour la charpente, la démolition de la flèche de la chapelle ;
Pour la couverture, les raccords du comble après l’enlèvement de la flèche ;
Pour l’horlogerie, le changement de l’emplacement de l’horloge ;
Enfin divers travaux de menuiserie et de serrurerie.
La commission, dans sa séance du 25 janvier dernier, ayant décidé la plupart de ces travaux, nous proposons l’approbation du devis en question, par lequel on terminera la restauration du château de Saint-Germain et dont les fonds pourront être à la charge du service des Monuments.
Paris, 8 mai 1907
Selmersheim »

Rapport sur les travaux dans l’ancienne vénerie de Saint-Germain-en-Laye

« Ministère des Travaux publics
Conseil général des Bâtiments civils
Séance du 8 février 1881
Rapport fait au conseil par M. Questel
Messieurs,
Dans sa séance du 8 février dernier, le conseil général des Bâtiments civils, invité à examiner un projet dressé par M. Lafollye, architecte, pour aménager dans les bâtiments de l’ancienne vénerie à Saint-Germain le logement du conservateur du musée gallo-romain ainsi que les ateliers et magasins dépendant de son service, installés aujourd’hui dans le château, a émis l’avis que certaines dispositions de ce projet devraient être modifiées en ce qui concerne :
1° la surélévation du bâtiment situé au fond de la cour, qui contribuerait à donner aux ateliers une importance exagérée.
2° la position donnée aux lieux d’aisance des ouvriers qui, placés dans un angle rentrant et complètement privés d’air, répandraient certainement de mauvaises odeurs, non seulement dans une portion des ateliers mais aussi jusque dans l’appartement du conservateur.
3° l’escalier de l’appartement de ce fonctionnaire, qui a paru compliqué.
Ces observations ayant été communiquées à M. Lafollye, cet architecte a dressé de nouvelles études qui donnent satisfaction aux demandes du conseil. Le comble du bâtiment du fond est conservé. Il serait éclairé par trois grandes lucarnes qui semblent devoir y répandre la lumière en quantité suffisante.
Les lieux d’aisance ont disparu de l’angle rentrant, où ils étaient primitivement placés, et sont reportés dans le bâtiment en façade sur la rue, afin qu’ils puissent servir aux ouvriers et au concierge. La fosse qui sera construite sur ce point desservira également les cabinets des logements du surveillant militaire et du jardinier en chef situés à l’entresol et au premier étage.
M. Lafollye fait remarquer, dans un rapport, que le local primitivement proposé par lui pour y placer le bureau des Bâtiments, ayant été reconnu trop humide, pourrait devenir le magasin des vieux matériaux. Quant au bureau de l’agence, après s’en être entend avec M. le conservateur, il le place dans la dernière travée du bâtiment situé au fond de la cour, près l’atelier de la galvanoplastie.
En ce qui concerne l’escalier conduisant à l’appartement du conservateur, le pan du rez-de-chaussée indique clairement sa disposition. Il résulte de cet arrangement que le dégagement qui relie les deux portions des ateliers serait bien étroit et par conséquent peu commode. Il nous a paru qu’on pourrait facilement obvier à ce grave inconvénient en établissant dans le vestibule le départ dudit escalier ainsi que nous l’avons tracé au crayon. Par ce moyen, la dix-neuvième marché étant la première qui pénétrerait dans le dégagement, il y aurait là une hauteur plus que suffisante pour que la circulation ne soit point embarrassée. Nous pensions qu’il suffit d’appeler à ce sujet l’attention de l’architecte.
Toutes les dispositions que nous venons de décrire sont exprimées sur quatre feuilles de dessins et dans un rapport explicatif. Mais nous croyons devoir appeler l’attention du conseil sur les rectifications apportées au devis. Votre rapporteur, en proposant d’abandonner la substitution d’un étage carré au comble existant sur le bâtiment situé au fond de la cour, avait la pensée qu’on pourrait réaliser une économie notable sur les dépenses. Aussi a-t-il été surpris de voir que le devis rectifié n’est au-dessous du devis primitif que d’une somme de 2226 f. 22. En conséquence, j’ai l’honneur de vous proposer, messieurs, de soumettre à M. le contrôleur l’appréciation de cette question. M. le contrôleur voudrait bien faire connaître la somme à laquelle était évaluée dans le premier devis la surélévation du bâtiment et donner son opinion sur le chiffre indiqué ci-dessus comme représentant la valeur de la dite surélévation.
Ch. Questel »

Ministère des Travaux publics

Rapport sur les travaux dans l’ancienne vénerie de Saint-Germain-en-Laye

« Ministère des Travaux publics
Conseil général des Bâtiments civils
Séance du 8 février 1881
Rapport fait au conseil par M. Questel
Messieurs,
M. le ministre des Travaux publics soumet à l’examen du conseil général des Bâtiments civils un projet dressé par M. Lafollye, architecte du château de Saint-Germain, pour l’aménagement dans les bâtiments de l’ancienne vénerie du logement du conservateur du musée gallo-romain ainsi que des ateliers et magasins dépendant du musée.
Ce projet se compose de sept feuilles de dessins contenant les plans de l’état actuel des bâtiments à utiliser, plus des plans, des coupes et des élévations de ces mêmes bâtiments transformés, le tout à l’échelle de 0 m. 01 pour mètre ;
Les dessins sont accompagnés d’un rapport de l’architecte et d’un devis comprenant non seulement le logement du conservateur, les ateliers et les magasins, mais encore certains arrangements à faire pour installer dans le vieux bâtiment le jardinier en chef et un surveillant militaire. Ce devis s’élève à la somme de 106040 f. 90 sur laquelle le logement du conservateur entrerait pour environ 54600 f.
On voit sur la feuille n° 1 du projet que l’entrée des ateliers est placée à droite, sous le passage de porte cochère, et que les dits ateliers disposés pour des travaux de diverses natures occupent le rez-de-chaussée des bâtiments situés à droite et au fond de la cour. Ce dernier bâtiment serait surélevé et l’étage ajouté contiendrait des magasins d’outils et de modèles.
Le bâtiment en aile à droite, terminé aujourd’hui par un comble mi-partie brisé, mi partie à longs-pans droits, doit également être surélevé, sur toute sa longueur, d’un étage carré dans lequel on installerait le logement du conservateur. Un escalier placé à peu près au milieu de ce bâtiment rendrait la distribution de l’appartement aussi commode que le permet l’emplacement dont on dispose.
Dans le bâtiment de face, où l’on ne doit faire que des appropriations et des nettoyages, le projet porte qu’un surveillant militaire serait logé à l’entresol à côté du bureau de l’agence et le jardinier en chef au premier étage.
Telles sont les dispositions générales de ce projet qui, dans leur ensemble, paraissent donner satisfaction aux besoins des services mais qui, dans leurs détails, nous semblent donner prise à certaines critiques. Ainsi, en examinant la feuille n° 1, on est frappé de l’importance donnée aux ateliers, dans lesquels il n’est employé que quelques ouvriers, et il faut remarquer que cette importance est encore accrue par la surélévation projetée du bâtiment situé au fond de la cour. Selon le projet, les ateliers occuperaient, y compris la dite surélévation, une surface d’environ 500 mètres, tandis que les ateliers qui fonctionnent aujourd’hui au château ont à peine 200 mètres superficiels. Nous pensons en conséquence qu’il y aurait lieu de modifier cette partie du projet et de ramener les ateliers à des dimensions plus raisonnables. On devrait d’abord renoncer à la surélévation du bâtiment du fond, en considérant surtout que l’immense comble qui le recouvre est bien suffisant comme magasin d’outils et de modèles. Au moyen de quelques lucarnes, ce comble pourrait être suffisamment éclairé et aéré.
Nous croyons devoir signaler aussi la position donnée aux lieux d’aisance des ouvriers. Ces lieux, placés dans un angle rentrant, au fond d’un bâtiment et sans possibilité de prendre de l’air sur la propriété voisine, infecteraient une portion des ateliers et répandraient certainement de mauvaises odeurs jusque dans l’appartement du conservateur. Nous pensons que ces cabinets devraient être reportés à l’autre extrémité du bâtiment, en les disposant de manière qu’ils fussent éclairés et ventilés directement sur la cour. La fosse qu’on devait construire dans l’angle rentrait serait établie sous les latrines des ouvriers et pour les cabinets projetés dans l’appartement du conservateur, on établirait des tinettes mobiles qui ne répandraient pas de mauvaises odeurs.
Nous avons fait part de ces diverses observations à M. l’architecte, qui les accepte et, pour le cas où elles seraient approuvées par le conseil, il se propose de retoucher à son projet. Relativement à la grande importance donnée aux ateliers, il affirme s’être conformé au programme que lui a remis, à ce sujet, monsieur le conservateur du musée, mais partageant la pensée que les ateliers pourraient être réduits sans inconvénients, il demande qu’après des nouveaux cabinets d’aisance, on prenne encore une travée pour y établir le magasin du service des bâtiments afin de pouvoir conserver les fers, plombs, boiseries etc. provenant des démolitions jusqu’à nouvel emploi. Il propose également de reporter dans une petite construction faisant suite aux ateliers le bureau de l’agence dans lequel, à certains jours, lui ou l’inspecteur reçoivent les entrepreneurs. Il suffirait de percer une porte dans le mur de clôture pour que l’entrée de ce bureau pût avoir lieu par la cour des ateliers. Aujourd’hui, le bureau de l’agence occupe deux petites pièces à l’entresol. Son déplacement permettrait d’agrandir le logement du surveillant, qui est un peu exigu, et qui n’a que 1 m. 80 de hauteur sans plafond.
Nous avons l’honneur de proposer au conseil d’émettre l’avis que M. Lafollye doit être invité à retoucher à son projet dans le sens des observations qui viennent d’être présentées et qui, en raison de la suppression de la surélévation du bâtiment situé au fond de la cour, doivent atténuer la dépense. Il est bien entendu que le devis devra aussi être remanié.
L’appartement du conservateur ne nous a pas paru donner lieu à des observations.
M. Lafollye a produit, ainsi qu’il y avait été invité, un devis de la dépense qu’eût occasionné l’installation du conservateur dans le château même. Ce devis, compris imprévus et frais de direction, s’élève à 60742,91. L’architecte explique dans le mémoire joint à son projet que l’élévation de la dépense s’explique pour la nécessité où il se trouve de traiter, pour cet appartement, la menuiserie, la serrurerie et la décoration des principales pièces dans des conditions d’harmonie avec les autres salles du château, les pièces de ce logement pouvant à un moment donné être réunies au musée. Il paraît difficile d’admettre que le logement tel qu’il avait été prévu primitivement et conçu dans les proportions d’une habitation bourgeoise ait pu un jour changer de destination, aussi nous pensons que, lorsque le projet reparaîtra sous les yeux du conseil, M. le contrôleur devra aussi donner son avis sur le devis en question. Le conseil n’a pas oublié que c’est par suite de circonstances indépendantes de sa volonté qe les projets officiellement approuvés ont été mis récemment à néant.
Ch. Questel »

Ministère des Travaux publics

Rapport sur les travaux à mener au château de Saint-Germain-en-Laye

« Ministère des Travaux publics
Conseil général des Bâtiments civils
Séance du 13 janvier 1880
Rapport fait au conseil par M. Questel
Messieurs,
M. Lafollye, architecte, a adressé le 27 décembre dernier à M. le ministre des Travaux publics deux projets relatifs à la restauration du château de Saint-Germain ayant pour objet : le premier, de modifier et de compléter les dispositions prises par M. Millet pour l’installation de la bibliothèque et celle du logement du conservateur du musée ; le second, la restitution de l’entrée primitive de la chapelle et de la verrière placée au-dessus de la porte, côté de la cour.
Ces projets exprimés sur huit feuilles de dessins sont accompagnés d’un rapport et d’un devis comparatif des dépenses.
Le premier projet se compose d’abord de deux dessins dressés par M. Millet présentant les plans des distributions projetées par cet architecte au rez-de-chaussée, à l’entresol, au premier et au deuxième étage du bâtiment nord-est, ensuite de trois autres dessins dressés par M. Lafollye comprenant les mêmes plans, excepté cependant que celui du deuxième étage est remplacé par celui d’un entresol qui existerait au-dessus du premier étage. Ces dessins font connaître les modifications proposées.
Le second projet comprend également trois dessins, dont l’un, signé de M. Millet, est un plan général du rez-de-chaussée du château, le deuxième, signé de M. Lafollye, est un plan de la portion du château dans laquelle la chapelle est située ; il indique que l’entrée de la chapelle n’aurait plus lieu dans la seconde travée par la porte de style renaissance qui était restée en place jusque dans ces derniers temps, mais par la porte du XIIIe siècle qui, sur la face nord, dans la première travée, formait à l’origine l’entrée de la chapelle. Cette porte, qui a été découverte récemment et dont M. Millet a sans doute ignore l’existence était renfermée dans les massifs de maçonnerie de la tourelle située dans l’angle rentrant formé par la rencontre de la chapelle et du bâtiment ouest. C’est pour démasquer cette porte et la verrière qui la surmonte que M. Lafollye demande l’autorisation de démolir la dite tourelle, en faisant remarquer qu’après la suppression de l’escalier qu’elle renferme, le bâtiment de face du château restera desservi par trois autres escaliers.
L’architecte propose en outre de supprimer la petite sacristie projetée par M. Millet, et cela en vue de mettre à découvert une autre porte du XIIIe siècle qui existe aussi sur la face sud de la chapelle. Les motifs sur lesquels M. Lafollye s’appuie pour justifier les modifications qu’il voudrait apporter aux projets de son prédécesseur étant développés dans un rapport daté du 26 décembre 1879, je demande au conseil la permission de lui donner lecture de cette pièce.
(Lecture du rapport de M. Lafollye)
En ce qui concerne le premier projet, celui qui a rapport à la bibliothèque et à l’appartement du conservateur, je n’hésite pas à donner la préférence aux dispositions proposées par M. Lafollye. Elles sont évidemment meilleures. La bibliothèque, qui était étroite et d’une forme peu gracieuse, devient une salle de dimensions et de proportions convenables. L’escalier qui descend au dépôt des livres est disposé de manière à donner un meilleur aspect à l’antichambre de la bibliothèque. Je pense seulement qu’il conviendrait d’établir la porte de la dite bibliothèque vis-à-vis celle qui, de l’escalier d’honneur, donne accès dans l’antichambre. Les indications mises sur la feuille de l’état actuel font penser que la porte dont il est question n’a pas encore été percée.
Quant aux autres portions du même étage destinées à l’appartement du conservateur du musée, nous reconnaissons aussi que la distribution nouvelle est infiniment préférable à l’ancienne qui, vraisemblablement, aurait été modifiée par son auteur au cours des travaux. Tel qu’il se présente maintenant, l’appartement serait aussi commode qu’il peut l’être dans l’emplacement dont on dispose. Le cabinet du conservateur, la salle à manger et le salon sont convenablement installés au premier étage. Les chambres à coucher et la cuisine sont placés à l’étage au-dessus. Un concierge et deux employés-gardiens sont placés dans de bonnes conditions soit au rez-de-chaussée soit à l’entresol. J’ai en conséquence l’honneur de proposer au conseil d’émettre l’avis qu’il y a lieu d’approuver cette première partie des modifications proposées par M. Lafollye.
Relativement au deuxième projet, celui qui a rapport à la chapelle, il me semble qu’il serait intéressant, pour ce monument remarquable de l’époque de saint Louis, de débarrasser complètement sa façade latérale des constructions du XVIe siècle qui en masquent la première travée dans laquelle la porte de l’édifice est pratiquée, mais je dois faire connaître au conseil que, par exception, le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts concourant à la restauration de la chapelle, on ne pourrait peut-être modifier le projet approuvé par les parties intéressées sans en prévenir M. le ministre de l’Instruction publique, qui voudra sans doute, à ce sujet, prendre l’avis de la commission des Monuments historiques ressortissant à son administration. Alors, en vue de la reprise des travaux dès les premiers beaux jours, il y aurait lieu de provoquer d’urgence une visite contradictoire de cette commission et du conseil, ou au moins d’une sous-commission de chacune de ces compagnies, afin que cette question, qui a son importance au point de vue archéologique, ne puisse être tranchée qu’après mûr examen.
Si au contraire, par site des conventions faites entre les deux administrations, l’intervention de la direction des Beaux-Arts n’était pas nécessaire, je demanderais toujours que le conseil ne se prononçât qu’après avoir vu les lieux. Je crois ne pouvoir assumer seul la responsabilité d’un avis sur cette grave question.
Telle est la proposition que j’ai l’honneur de soumettre à la sage appréciation du conseil. »

Ministère des Travaux publics

Rapport sur les travaux à mener au château de Saint-Germain-en-Laye

« Messieurs,
M. le ministre des Travaux publics consulte à nouveau le conseil général des Bâtiments civils sur les dispositions à prendre pour installer dans le château de Saint-Germain l’appartement du conservateur du musée gallo-romain. Il convient de rappeler à ce sujet que le 27 décembre dernier, M. Lafollye soumettait à l’approbation de M. le ministre des Travaux publics un projet modifiant quelques-unes des dispositions adoptées par M. Millet tant pour l’appartement en question que pour la restauration de la chapelle.
Les nouveaux plans ayant été transmis au conseil, nous avons été chargés de présenter un rapport sur cette affaire et, dans la séance du 13 janvier 1850, nous avons eu l’honneur de vous proposer, en ce qui concerne l’appartement du conservateur et l’installation de la bibliothèque, d’approuver les modifications projetées par M. Lafollye.
Relativement à la chapelle, nous avons émis l’avis que la proposition de supprimer la tourelle du XVIe siècle qui masque la porte et l’une des verrières du XIIIe siècle soulevant une question qui intéresse également l’administration des Beaux-Arts, en raison de sa participation dans la dépense, ne devrait être tranchée qu’après une visite contradictoire faite sur place par des délégations du conseil général des Bâtiments civils et de la commission des Monuments historiques. Cette commission, saisie de l’affaire, a donné seule deux avis, l’un sur l’appartement du conservateur, l’autre sur la chapelle.
Concernant l’appartement, la commission a cru devoir bouleverser non seulement le projet Lafollye, mais aussi celui de M. Millet. Ce dernier installait le conservateur au premier étage du bâtiment sud, ainsi que la bibliothèque, et il établissait un entresol dans la hauteur de cet étage qui est très élevé. Les modifications proposées par M. Lafollye n’altéraient pas ces dispositions puisqu’il ne s’agissait, touchant l’appartement, que de cloisons à déplacer et, pour la bibliothèque, que de la suppression d’un léger mur de refend afin de lui donner une largeur convenable.
La commission des Monuments historiques a repoussé ces diverses propositions et a pensé que l’appartement du conservateur devrait être reporté au deuxième étage. Par suite, M. le ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts adressait le 1er mai dernier à son collègue des Travaux publics une lettre pour lui faire connaître qu’il adoptait les propositions de la commission et qu’il invitait M. Lafollye à produire un projet dans le sens de ses conclusions. Je crois nécessaire que le conseil veuille bien entendre la lecture de cette lettre.
(Lecture de la lettre)
Le 15 mai, M. le ministre des Travaux publics demandait aussi à M. Lafollye un projet plaçant l’appartement du conservateur au deuxième étage et, le 20 du même mois, l’architecte informait l’administration qu’il transmettait au ministère de l’Instruction publique les plans qu’on venait de lui demander.
Tout en exécutant les ordres qu’il avait reçus, cet architecte croyait devoir réclamer contre les résolutions de la commission. Ainsi, dès le 9 juillet, il adressait à M. Boeswilwald, inspecteur général des Monuments historiques, une lettre écrite probablement en vue de répondre au passage de celle de M. le ministre des Beaux-Arts dans lequel il est dit « que la division en deux de la hauteur de l’étage ancien au moyen d’un plancher qui couperait les baies altérerait l’aspect de cette partie du monument ». M. Lafollye démontre au contraire dans sa lettre que tout le premier étage du bâtiment sud était entresolé du temps de François 1er. L’aspect du monument ne peut avoir à souffrir du maintien d’une disposition primitive, que sous Louis XIV Hardouin-Mansart respecta cette disposition et que M. Millet la conservait également.
A la date du 28 juillet, M. Lafollye adressait aussi à M. le ministre des Travaux publics un rapport dans lequel il fait ressortir les inconvénients que présenteraient, au point de vue archéologique et monumentale, comme à celui du bon emploi des localités en question, les dispositions préconisées par la commission, lesquelles auraient pour résultat d’interrompre la belle ordonnance des voûtes qui couronnent tout le deuxième étage du château et d’enlever au monument un des principaux caractères de son originalité. Je prie le conseil de vouloir bien entendre la lecture de cette pièce.
(Lecture du rapport de l’architecte)
Bien qu’il soit dit dans la lettre de M. le ministre des Beaux-Arts en date du 1er mai que M. le conservateur du musée, qui a accompagné la sous-commission dans sa visite au château, donne son assentiment aux propositions qui ont été faites relativement au placement de son logement, votre rapporteur a le devoir de vous faire connaître que cette phrase est le résultat d’une erreur, attendu que, lors d’une visite que nous fîmes au château de Saint-Germain vers les premiers jours du mois de juin, M. Bertrand, qui était présent, nous a exprimé une opinion toute contraire à celle de la commission en produisant des arguments qui nous ont paru avoir une grande valeur, et le 23 juillet dernier, dans une lettre qu’il nous a adressée, M. Bertrand expose avec des détails très circonstanciés les motifs pour lesquels il repousse énergiquement, au point de vue de la bonne installation des collections confiées à sa garde, les modifications qu’on veut apporter au projet primitif régulièrement approuvé. Il importe également que le conseil veuille bien entendre la lecture de cette pièce, qui doit jouer un rôle important dans l’instruction de cette affaire.
(Lecture de la lettre de M. le conservateur)
Nous avons dit au commencement de ce rapport que, concernant la chapelle, la commission des Monuments historiques avait aussi donné un avis sur la proposition faite par M. Lafollye de démolir la tourelle appartenant à l’époque de François 1er afin de démasquer complètement la façade nord de la dite chapelle. Cette proposition ayant été repoussée par la commission, les travaux de restauration de l’édifice du XIIIe siècle ont été repris selon les données du projet Millet. Pour revenir aujourd’hui à la combinaison proposée, qui présentait cependant un certain intérêt, il y aurait lieu de retoucher à ce qui a été fait à la chapelle depuis le commencement de cette année, aussi nous nous abstenons de toute proposition à ce sujet. La suppression de la sacristie ayant seule été admise, la porte contemporaine de la chapelle qui, dans l’origine, donnait du dehors entrée à l’édifice sera par ce moyen mise à découvert et pourra être vue de l’extérieur. La porte correspondante restera renfermée dans la tourelle du XVIe siècle.
Votre rapporteur, avant de formuler son opinion sur les questions soumises à l’appréciation du conseil, devait vous faire connaître toutes les péripéties qui ont amené sinon la suspension totale des travaux, au moins un ralentissement très regrettable. De tout les documents qui viennent d’être produits, il est résulté pour nous qu’il n’y avait aucune raison sérieuse pour modifier aussi sensiblement qu’on nous le demande les dispositions principales du projet Millet, dispositions approuvées autrefois par la commission des Monuments historiques et acceptées par la direction des Bâtiments civils lorsque la restauration du château de Saint-Germain a été placée dans les attributions de cette administration. Les pertes de temps que nous venons de signaler auraient pu être évitées si la proposition faite à la commission en janvier dernier par le conseil d’examiner l’affaire conjointement lui avait été accueillie comme elle aurait dû l’être. Nul doute qu’une discussion sérieuse et contradictoire n’eût amené à ce moment un accord complet.
Le projet dressé sur les indications de l’administration des Beaux-Arts, et que nous avons l’honneur de mettre sous les yeux du conseil, présente plusieurs inconvénients sérieux : au point de vue archéologique, il fait disparaître dans une notable partie de l’aile sud les voûtes monumentales qui régnaient sans exception sur toute l’étendue du château. Au point de vue du service du musée, il fait perdre aux collections quatre salles du 2ème étage qui devaient être occupées par des monuments ou objets appartenant à l’époque mérovingienne, placées logiquement à la suite des salles consacrées à l’époque gauloise. Ces dernières sont installées au même étage du bâtiment est.
La suppression de l’entresol du premier étage, qui paraît avoir été la cause du renversement du projet Millet, ne se justifie sous aucun rapport, puisqu’il résulte des renseignements fournis par l’architecte que cet entresol, exprimé sur les façades par des fenêtres plus élevées que les autres, date bien de la construction du château. Il faut remarquer aussi qu’en supprimant l’entresol, non seulement on perd des surfaces importantes, mais aussi que ce qui resterait du premier étage ne serait pas utilement occupé. La présence sur ce point d’un petit salon historique et d’une salle de commission ne se justifie guère. Les commissions pourraient se réunir dans la bibliothèque, surtout si le mur de refend qui la rétrécit sans nécessité venait à disparaître. Les commissions pourraient également se réunir dans la salle des conférences qui, selon la lettre de M. le ministre des Beaux-Arts, serait convenablement placée au rez-de-chaussée, à droite de l’entrée.
La valeur de l’un des arguments de M. Lafollye contre le projet de la commission des Monuments historiques n’a pas dû échapper au conseil, c’est que si un jour, en vue d’augmenter les localités réservées aux collections, on décidait que le conservateur doit être logé hors du château, il n’y aurait qu’à enlever le plancher de l’entresol pour obtenir au premier étage, presque sans trouble pour le musée, de grandes salles d’exposition. Il n’en serait pas de même si le logement était installé au second étage, puisqu’il y aurait lieu à ce moment de rétablir les voûtes qu’on veut remplacer aujourd’hui par un plancher, opération qui nécessiterait alors l’enlèvement de la toiture.
Par ces divers motifs, votre rapporteur a l’honneur de vous proposer, concernant l’appartement du conservateur, d’émettre l’avis qu’il n’y a pas lieu d’accepter les modifications proposées et qu’il serait convenable de revenir simplement au projet présenté le 27 décembre 1879 par M. Lafollye.
Signé Ch. Questel »

Ministère des Travaux publics

Rapport sur les travaux à mener au château de Saint-Germain-en-Laye

« Ministère des Travaux publics
Direction des Bâtiments civils et des palais nationaux
Château de Saint-Germain-en-Laye
Bureau de l’architecte
Paris, le 16 janvier 1880
Rapport sur des modifications à apporter aux projets dressés par M. Millet pour la restauration du château de Saint-Germain proposées par l’architecte
A. Lafollye, architecte
Ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts
Monuments historique
Monsieur le Ministre,
J’ai l’honneur de vous adresser ci-joint deux projets relatifs à la restauration du château de Saint-Germain ayant pour objet : le premier, de modifier et de compléter les dispositions prises par monsieur Millet pour l’installation de la bibliothèque du musée et pour le logement du conservateur ; le deuxième, le rétablissement des entrées primitives de la chapelle et la démolition de la tour qui masque la première travée de la cour.
Voici les considérations qui m’ont conduit à dresser ces deux projets pour les soumettre à votre approbation.
Premier projet
En étudiant les plans de la restauration du château de Saint-Germain dont vous m’avez appelé à poursuivre l’exécution, j’ai vu que le plan du premier étage du bâtiment sud, que l’on va restaurer, contenait la bibliothèque et seulement le salon et le cabinet du conservateur.
J’ai appris que monsieur Millet avait l’intention d’entresoller une partie du premier étage pour y mettre le complément du logement de ce fonctionnaire, mais qu’il n’avait pas produit ce plan.
En m’occupant de combler cette lacune, il m’a semblé que la distribution du 1er étage présentait des inconvénients assez graves pour qu’il fût nécessaire de vous les signaler et de vous proposer une nouvelle distribution. Dans le projet dressé par monsieur Millet, la bibliothèque, à laquelle on arrive par l’escalier d’honneur, mesure 11 m. 50 sur 4 m. 00 ; elle n’est éclairée que d’un seul côté ; l’antichambre qui la précède est en partie occupée par l’escalier qui conduit au dépôt des livres.
La galerie qui passe devant la bibliothèque paraît n’avoir d’autre objet que de desservir le cabinet du conservateur. L’antichambre à la suite donne accès à un escalier et à un petit salon A que l’on traverse pour se rendre aux cabinets d’aisance, puis au salon qui est en communication directe avec l’escalier qui dessert particulièrement le logement du conservateur.
Il résulte de cette disposition qu’il faut absolument traverser le salon pour aller ouvrir à un visiteur.
J’ai pensé qu’il était d’autant plus regrettable que la place occupée par la galerie fût perdue pour la bibliothèque qu’en la supprimant on pouvait éclairer des deux côtés cette pièce importante et lui donner en même temps une largeur plus en harmonie avec sa destination.
J’ai pensé également qu’il serait préférable que le cabinet du conservateur fût reporté et placé près de l’escalier destiné à son logement et de mettre dans cette pièce quasi-officielle les boiseries qui proviennent des appartements de Marie-Thérèse que monsieur Millet se proposait de placer dans le petit salon A.
Dans le projet que j’ai dressé dans cet ordre d’idées, j’ai mis en communication l’antichambre du cabinet avec l’antichambre du logement, sur lequel ouvrent le salon, la salle à manger et l’escalier qui conduit aux pièces situées à l’entresol.
L’entresol s’étend de l’escalier à la bibliothèque. Il comporte trois chambres à coucher, dont une grande, la cuisine et deux cabinets d’aisances.
Un monte-plats placé dans l’office facilitera le service de la cuisine avec la salle à manger.
J’ai dû modifier également le plan de l’entresol du rez-de-chaussée pour trouver deux chambres pour les domestiques du conservateur. J’ai pu néanmoins conserver à cet étage les deux logements de gardiens prévus par monsieur Millet.
Le plan du logement au rez-de-chaussée n’est modifié que dans des détails sans importance.
Je crois devoir exposer à Monsieur le Ministre que ce logement est destiné au portier qui aura la garde du pont-levis qui existait déjà à cet endroit sous François 1er et que mon prédécesseur avait l’intention de restituer.
La restauration du château n’ayant pas un caractère absolument archéologique, l’affectation des bâtiments à un musé ayant restreint le personnel logé à quelques employés, il semble que cette entrée, très rapprochée de la porte principale, pourrait être supprimée sans inconvénient.
Je prie Monsieur le Ministre de vouloir bien examiner cette question en même temps que le projet ci-joint.
Deuxième partie
Projet de rétablissement des entrées primitives de la chapelle et démolition de la vis qui masque la première travée dans la cour
A l’époque de saint Louis, la chapelle était de plain-pied sur la cour du château et sur la ville. On y entrait de chaque côté par une porte placée dans la première travée. Elle était alors dégagée, sauf le pignon. De plus, les bâtiments contre lesquels il était appuyé étaient assez bas pour ne pas masquer la magnifique rose qui le décore.
François 1er fit reconstruire presque complètement le château et la chapelle servit, pour ainsi dire, de trait d’union aux nouvelles constructions. A ce moment, la façade du côté de la ville était encore libre, mais déjà la vie S placée dans l’angle bouchait presque complètement la première travée sur la cour.
Sous Louis XIV, lors de la construction des cinq pavillons, cette façade fût très endommagée et masquée par un corps de bâtiment. Il n’y eût plus de visible de la chapelle que trois travées sur la cour.
Dans le projet de restauration par monsieur Millet en 1872, les constructions élevées sous Louis XIV sont supprimées, et la chapelle apparaîtrait dans l’état dans lequel elle était sous François 1er, sans la sacristie projetée entre les deux derniers contreforts du côté de la ville.
Ce projet comprend la restauration de la tour N, sous laquelle on a retrouvé en 1877 l’ancienne porte de la chapelle (on savait depuis 1862 qu’elle devait se trouver à cet endroit).
La vis que renferme cette tour dessert l’entresol et au 1er étage la salle de Mars, ou grande salle du palais. En examinant le plan de cette salle qui occupe tout le premier étage du bâtiment, on voit qu’elle est desservie par trois escaliers, l’un en M à l’angle gauche de la cour, l’autre en S à l’extrémité droite de la salle, et le troisième en P débouche dans le parloir du concierge. De plus, l’escalier R conduit du rez-de-chaussée aux fossés et à l’entresol.
Il nous a paru qu’en raison de la transformation de ce corps de bâtiment en salles de musée, les escaliers M, S, P, R suffiraient largement pour assurer les communications de divers étages, que la vis N était devenue inutile et que sa suppression permettrait 1° de restaurer l’ancienne porte de la chapelle retrouvée presque intacte sous la tour ; 2° de restituer la verrière au-dessus dans toute la largeur de la travée ; 3° de donner une fenêtre de plus à la façade en retour (époque François 1er).
La chapelle devant servir de musée pour des monuments d’un caractère religieux, la construction de la sacristie prévue par monsieur Millet, dont on peut faire la place en sacrifiant la première travée de la salle O, pourrait être ajournée jusqu’à ce qu’elle soit reconnue nécessaire.
La porte de la sacristie qui doit reproduire l’ancienne porte ouvrirait sur un balcon extérieur A placé entre les contreforts. Ce balcon, soutenu par un arc semblable à ceux des autres travées B, permettrait de voir la porte de l’autre côté du fossé.
Le rétablissement des deux portes du temps, le dégagement complet de la première travée nous ont paru présenter un intérêt de premier ordre. C’est la restitution complète d’un des plus remarquables monuments du XIIIe siècle. Elle intéresse au même point les artistes et les archéologues. Le sacrifice de la tour N qu’elle impose ne fait perdre aucun élément intéressant du château de François 1er, attendu que la tour M est complètement semblable à la tour N. Sa disparition, en dégageant les constructions, permettra d’embrasser d’un coup d’œil la chapelle saint Louis, ce ravissant et précieux monument, un des plus parfaits de son époque.
J’ai fait le devis ci-joint de chaque projet, en me basant sur les mémoires des travaux analogues déjà exécutés et, tout en considérant que la question de dépense ne présente qu’un intérêt relatif dans une restauration aussi importante au point de vue de l’art, je suis heureux de pouvoir établir que le projet que j’ai l’honneur de présenter à Monsieur le Ministre peut donner lieu à une économie que l’on peut évaluer à plus de 20000.
Je prie Monsieur le Ministre de vouloir bien soumettre d’urgence ces deux projets au conseil des Bâtiments civils et le comité des Monuments historiques pour ce qui intéresse la chapelle, afin que je puisse, aussitôt que le conseil aura donné son avis, prendre immédiatement des mesures pour arrêter les dispositions prises pour l’exécution du projet de monsieur Millet et préparer les détails pour l’exécution des nouveaux projets, si vous croyez devoir les approuver.
J’ai l’honneur d’être avec respect, Monsieur le Ministre.
A. Lafollye »

Ministère des Travaux publics

Rapport sur les travaux à faire au château de Saint-Germain-en-Laye

« Bureau du Matériel du Génie
Direction de Paris
Rapport fait au ministre le 6 fructidor an 10
Saint Germain en Laye
Dépense à faire pour la réparation du vieux château
On propose au ministre d’approuver cette dépense et d’accorder, pour y subvenir, une somme de sept mille francs.
Cette proposition est motivée 1° sur ce que les ouvrages détailles dans l’état ci-joint, consistant en réparations aux couvertures et fermetures du château, ont été reconnues indispensables pour sa conservation, vu que son entretien a été négligé depuis très longtemps et sur ce que, d’ailleurs, Saint Germain est un des cantonnemens ordinaires des troupes autour de Paris, 2° sur l’avis, ci-joint, du comité central du Génie, qui, vu l’extrême urgence des réparations projettées, a voté, pour leur exécution, la somme de 7000 f. ci-dessus énoncée.
Le directeur chargé du matériel du Génie
Senermont
Vu, pour le 1er inspecteur général du Génie,
L’inspecteur général
Dembarrere
Approuvé »

Rapport sur les travaux à entreprendre à la terrasse du Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye

« Le régisseur du domaine de Saint Germain aux membres composans le conseil général du directoire du district de Saint Germain en Laye
La terrasse du château, située au nord est, faisant face au parterre, est dans un état de dégradation inquiétant.
Le temps, la pouriture, la gelée ont délité et entamé les dalles qui couvrent la galerie, de manière que l’eau pénètre dans les appartements, dégrade les poutres, les solives, les murs, endommage les voûtes et répand une humidité qui écarte les locataires de cette partie du château.
Il y a 8 ou 10 ans que cette même galerie est portée sur les états de réparations. C’est pourquoi l’entretien en a été absolument négligé.
La détérioration est telle, maintenant, qu’il est de la plus grande importance de s’en occuper sans délay.
Si l’on vouloit faire un revêtissement en plomb, il en couteroit 13 à 14000 l.
Si l’on vouloit enlever les vielles dalles, l’ébranlement seroit dangereux. Il faudroit déplacer les balusrades, rongées par la rouille, jusqu’à solution de continuité.
La dépense, alors, deviendroit inappréciable
1° par les ouvrages de serrureries ;
2° par le travail énorme qui naitroit de proche en proche.
Tout le monde scait qu’un vieux bâtiment perd sa solidité dès qu’on dérange ce que le temps a affermi.
Sous plusieurs fenêtres, les claveaux, formant fermeture, menacent une chute prochaine. Ils ne tiennent point. Le moindre ébranlement peut les faire tomber et teraser les têtes de plusieurs personnes.
Le danger est tel que moi, régisseur, ai l’ordre de les enlever.
Il est très urgent de commencer les réparations, mais il faut les faire solidement et de la manière la plus économique.
Pour parvenir à ces fins, voici les moyens que le régisseur du domaine de Saint Germain propose et soumet aux lumières des administrations.
Il ne faut point se servir de la pique ni du marteau, mais poser des dalles d’un pouce d’épaisseur et les consolider avec le mastic du citoyen Leterrier, de sorte que le vieux et le nouveau, identifiés sans ébranlement, deviennent une seule et même masse, inaccessible à la moindre filtration.
La surface à réparer est d’environ 25 toises. Les dalles coûteront 50 l. par toise : 1250 l.
Observations sur les dalles
Ce prix n’est point exhorbitant vu celui des ouvriers. Elles seront de pierre dure délité et auront 8 ½ pieds de longueur. Les scier, les préparer sans les casser sont des travaux difficiles.
Le transport desdites dalles coutera 5 l. par toise : 125 l.
Observation sur le transport des dalles
On ne devoit pas s’attendre à un prix aussi modique. Les dangers du chargement, du déchargement et des fausses positions dans la voyture étant pour le compte du vendeur.
La pose est évaluée : 190 l.
Le mastic est estimé 25 sols la livre. Il en faudra pour environ : 1400 l.
Observation sur le mastic
Il entre dans la composition de ce mastic de l’huile, de la lilarge, du blanc de céruse, etc. L’augmentation du prix des denrées le rend fort cher. On verra qu’un enduit seul de mastic couteroit plus que le revêtissement en dalles. Il s’ensuit que la solidité et l’économie se trouvent réunis dans le moyen proposé.
[Total :] 2965 l.
Tous les joints de mastic seront payés à raison de onze sols le pied courant de 6 lignes de largeur, et cette réparation sera nécessaire dans tous les lieux qui reçoivent les eaux pluviales.
On peut donc, avec une somme de 3500 l., faire les réparations urgentes du château et rétablir complétement les parties que le défaut d’entretien depuis plusieurs années a détérioré d’une manière menaçante.
Les tuyaux servant à écouler les eaux qui tombent sur la galerie, quoi que très multipliés, sont insuffisants. La petitesse des diamètres rend leur engorgement facile. Alors, l’eau reste stagnante et opère des filtrations.
Il faudra faire des godets plus larges et tailler de toise en toise des pierres en cannivaux.
Les plombs inutiles payeront la dépense extraordinaire des godets et cannivaux.
Cette réparation, faite sous des yeux clairvoyans, durera autant que le château.
Le régisseur du domaine de Saint Germain prie les membres composans le conseil général du directoire du district de Saint Germain de l’autoriser à faire cette dépense avec les produits de location payable, moitié à 6 mois et l’autre moitié 6 mois après.
Le moment est convenable. Il est temps. Si l’on diffère, il faut s’attendre à une réparation énorme et illimitée.
Le régisseur du domaine de Saint Germain
Saint Germain, le 10 juillet 1793, l’an 2e de la République
Crommelin
Nous soussignés, commissaire nommé par le district, estimons que les demandes contenues au mémoire présenté à l’administration du district par le citoyen Crommelin et les moyens de réparations qu’il y propose sont les plus solides et les moins dispendieuses qui puissent employé pour la réparation à faire sur la terrasse du vieux château.
Leveau, Lemoyne »

Rapport sur les restaurations à entreprendre à Saint Germain-en-Laye

« Extrait des registres du comité central des fortifications
Séance du 12 avril 1809
Monsieur le directeur des fortifications et du casernement de Paris adresse les projets
1° des ravalemens extérieurs de la partie du château de Saint Germain qui doit être occupée par les élèves de l’école spéciale de cavalerie, montant à la somme de 45 000 francs.
2° d’une grande latrine à l’usage des élèves de cette école, montant à la somme de 7 200 francs.
Le comité des fortifications pense que ces projets méritent l’approbation du ministre.
Seulement, il invite Son Excellence à transmettre à monsieur le directeur les observations suivantes :
1° au lieu de l’acrotère plein du balcon, le comité pense qu’il vaudrait mieux conserver un grillage en fer coupé par des dez ou pillastres construits d’une manière analogue à la décoration.
[dans la marge : Il n’est pas question de cet acrotère dans le projet, il est seulement indiqué au plan. Il a été convenu avec monsieur le directeur qu’on ne devait pas encore s’en occuper, attendu qu’il transmettra sur cet objet une proposition particulière.]
L’acrotère qui couronne l’édifice a moins d’inconvéniens. Il coûtera d’ailleurs 18 127 f. 20 centimes de moins que l’acrotère à balustres.
2° peut-être serait-il convenable que le tableau A, dont la hauteur est très grande relative à la largeur, fut coupé par les corniches du milieu, prolongées et réunies comme celles du sommet. »

Rapport sur les restaurations à entreprendre à Saint Germain-en-Laye

« Extrait des registres du comité central des fortifications
Séance du 1er avril 1809
Le comité des fortifications examine le projet des travaux à faire pour établie, dans le château de Saint Germain en Laye, la caserne et les salles d’instruction des élèves de l’école impériale de cavalerie.
Il est d’avis que la distribution mérite en général l’approbation de Son Excellence le ministre de la Guerre.
Seulement, il lui parait plus convenable, dans un édifice tel que le château de Saint Germain, de conserver le balcon avec grille en fer au dessus de la galerie, en rétablissant le pavé en dalles, que d’y substituer un toit caché par un acrotère en maçonnerie pleine. Cet acrotère couperait la façade du 1er étage vu du bas, et le toit vu du haut serait d’un effet désagréable. On perdrait dans le balcon une communication extérieure qui peut utile au service, et qui règne d’ailleurs sur tout le reste de l’édifice. »

Rapport sur les logements pour l’école militaire à Saint-Germain-en-Laye

« Ministère de la Guerre
Bureau des écoles militaires
Ecole de Saint-Germain
Rapport fait au ministre le 19 juillet 1809
L’officier du Génie m’a paru désirer que la répartition des logements entre les différens fonctionnaires composant l’état-major fût arrêtée avant de faire travailler dans la portion du château réservée pour cet objet. Le meilleur moyen de prévenir toute discussion est de faire approuver cette répartition par Son Excellence. L’ordre ci-joint que je la prie de signer me mettra à portée de lui rendre un compte détaillé et exact pour baser décision.
Blin de Sainmore »

Rapport sur les constructions à entreprendre pour l’installation de l’école militaire de cavalerie à Saint-Germain-en-Laye

« Extrait des registres du comité central des fortifications
Séance du 25 juillet 1809
Le comité des fortifications examine trois projets relatifs à la réunion des terrains et à la construction des bâtimens nécessaires pour compléter à Saint Germain l’école impériale de cavalerie.
Ces projets sont exprimés sur les feuilles de dessins n° 1, 2 et 3.
La dépense à faire au château même est constante et s’élève, quelque projet qu’on adopte, à 450 000 f.
La dépense relative aux terrains ou bâtimens à réunir ou construire hors du château s’élève
1er projet : 620 000 f.
2e projet : 504 000 f.
3e projet : 586 000 f.
Projet n° 1
Tous les avis se réunissent pour écarter le 1er projet qui est le plus cher, et d’après lequel la totalité des bâtimens additionnels seraient à construire.
Les avis sont partagés sur le 2e et 3e projet.
Chacun de ces deux projets offre des avantages et des inconvéniens que le comité des fortifications va récapituler.
Projet n° 2
On suppose que l’on puisse adopter dans ce projet les modifications suivantes :
1° réserver pour le service de S. M. les grandes écuries H qui sont au-delà de la rue de Paris et ne peuvent être comprises dans l’enceinte de l’école.
2° prolonger la longue terrasse le long de la propriété du sieur Bardel, élargir la rue qui va de l’extrémité de cette propriété au carrefour de la route et de la rue de Paris et les faire servir à S. M. lorsqu’elle veut se rendre directement dans la forêt (voyez les plans n° 2 et 3 où cette route est ponctuée).
3° réunir et applanir le reste de la propriété du sieur Bardel, l’avenue et les autres propriétés particulières pour en former un champ d’exercice vontinu.
Le terrain se prête aux modifications. Voici les avantages et les inconvéniens qu’offrirait le projet n° 2 ainsi modifié :
Les avantages sont :
1° une dépense moindre de 82 000 f.
2° la conservation pour le public et les étrangers qui visitent Saint Germain du grand parterre, qui sert de promenade et de passage pour se rendre à la forêt et à la longue terrasse.
3° dans le grand corps d’écurie EEFF, les maisons 1, 3 ; presque tous les bâtimens additionnels dont le château a besoin, ce qui dispense presqu’entièrement de constructions neuves et permet d’établir définitivement le service des écuries et l’école de cavalier et de l’escadron dans les bâtiments où, suivant les autres projets, il faudrait l’établir et le conserver provisoirement et jusqu’à la fin des constructions neuves.
Les inconvénients sont :
1° d’avoir les écuries plus longues et moins bien distribuées que dans les constructions neuves du projet n° 3.
2° d’enlever au casernement de l’intérieur les écuries EEFF, ce qui ne permet plus de conserver à Saint Germain de garnison ou de dépôt de cavalerie.
3° d’exiger, pour former le champ d’exercice, la démolition de plusieurs maisons et murs de clôture, l’applanissement du terrain, le prolongement de la longue terrasse et l’élargissement de la rue qui doit former la nouvelle route de S. M. dans la forêt (voyez les plans n° 2 et 3).
4° d’exiger une dépense immédiate beaucoup plus forte pour les acquisitions de maisons et de terrains, à moins qu’on ajourne le champ d’exercice dans ce projet, de même qu’on propose plus bas d’ajourner les constructions neuves du projet n° 2 afin d’en diminuer la dépense immédiate.
Si le terrain ne se prêtait pas, du moins sans beaucoup de dépense, aux modifications indiquées dans le projet n° 2, il faudrait ajouter à ces inconvénients la dépense additionnelle, ou le morcellement du champ d’exercice par la route qu’il faut conserver à S. M.
Projet n° 3
Les avantages de ce projet sont :
1° de donner de suite et sans dépense, dans le parterre, un champ d’exercice facile à clorre et tout applani.
2° d’offrir des écuries et un manège plus voisins du château et plus faciles à surveiller.
3° de mieux isoler la partie du château qui sert de caserne.
4° d’exiger une dépense immédiate beaucoup moindre, si l’on ajourne les constructions neuves en se servant provisoirement des écuries EEFF.
5° de conserver et de pouvoir rendre ces écuries au casernement de l’intérieur, quand les constructions neuves seront terminées.
Les inconvénients de ce projet sont :
1° d’exiger une dépense totale beaucoup plus forte à cause des constructions neuves.
2° d’entraîner, si on les exécute de suite, une dépense immédiate plus considérable, et si on les ajourne, de faire dépendre de ces constructions éventuelles l’établissement définitif de l’école.
3° d’enlever au public et aux étrangers qui visitent Saint Germain le parterre qui domine la longue terrasse, lie d’une manière convenable le château considéré comme monument avec la terrasse et la forêt et forme en hyver ou après les pluies la seule promenade saine et praticable de Saint Germain.
Conclusion
Tels sont les avantages et les inconvéniens des deux projets entre lesquels il s’agit de choisir.
L’exacte balance de leurs propriétés et de leurs défauts exigerait des profils et quelques autres renseignemens sur la nature du terrain et des édifices.
Le comité des fortifications se borne donc à cet exposé, qui suffit à Son Excellence le ministre de la Guerre pour juger l’état de la question et le décider d’après les renseignemens ultérieurs que doit transmettre monsieur le directeur du casernement. »

Rapport sur la situation du château de Saint-Germain-en-Laye

« Rapport demandé par les lettres ministérielles du 27 septembre 1830 et 29 mars 1831 sur les bâtimens de l’ex-maison militaire qui existent dans les places de Versailles, Saint-Germain et Saint-Cloud et qu’il peut être convenable d’affecter au service du casernement
[…]
Saint-Germain
Vieux château
L’origine du château de Saint-Germain remonte à Louis le gros, qui en jetta les premiers fondemens en 1122. Après avoir été détruit en 1346 dans les guerres qui eurent lieu sous Philippe de Valois, cet édifice fut rétabli par Charles V en 1366. François 1er en augmenta les constructions, qui furent amenés au point où on les voit aujourd’hui par Louis XIV.
Il a fait partie des biens de la Couronne jusqu’à la révolution de 89. Il devint alors propriété de l’Etat. On ne sait si à cette époque il entra d’abord dans le domaine militaire. Il est probable que lorsque le domaine impérial fut constitué, le château de Saint-Germain eut le sort de tout ce qui avait appartenu à l’ancienne dotation de la Couronne. Le département de la Guerre en a eu à plusieurs époques l’administration et la jouissance. Le château a été occupé par l’école militaire de cavalerie depuis 1809 jusqu’à la Restauration, où il est entré dans le domaine royal. En 1814 et par décision ministérielle du 30 août, il a été affecté à la maison militaire pour l’établissement de la 2ème compagnie des gardes (Grammont).
Il n’existe pas de procès-verbal de remise de ce bâtiment à la maison militaire.
Hôtel des gardes aux écuries du manège et à l’hôtel du Maine, rue de la Verrerie, connu aussi sous le nom de l’hôtel de la compagnie de Grammont
On n’a point de données positives sur l’origine des écuries du manège et de l’hôtel du Maine formant aujourd’hui un seul établissement. Avant 89, ils appartenaient à la Couronne. A la Révolution, ils devinrent propriété de l’Etat puis entrèrent dans le domaine militaire et durent ensuite être compris dans le domaine impérial au même tirer que les anciens biens de la Couronne, sans cesser d’être administrés par le département de la Guerre. Une partie de l’hôtel du Maine a pendant longtemps été affectée au service des subsistances militaires. Le reste de cet établissement a été approprié en 1809, ainsi que les écuries du manège, à l’usage de l’école militaire de cavalerie. A la Restauration, les deux bâtimens, par décision ministérielle du 9 juillet 1814, ont été remis à la maison militaire pour complétter l’établissement de la compagnie de Grammont.
De 1823 à 1825, la maison militaire a fait élever au frais de la Liste civile un bâtiment neuf composé d’une écurie avec étage au-dessus sur l’emplacement d’une partie de l’hôtel du Maine démolie en 1821. C’est dans cette partie détruite que se trouvait l’ancienne manutention.
Il n’existe pas de procès-verbal de remise de ces bâtimens à la maison militaire.
Hôtel des gardes aux grandes écuries, rue de Paris, aussi appelé hôtel de la compagnie de Luxembourg
L’hôtel bâti pour les grandes écuries du Roi était évidemment dans l’origine un bien de la Couronne. Il a éprouvé, quant à la propriété et à la jouissance, toutes les vicissitudes décrites ci-dessus pour les biens de même nature.
Il a été mis à la disposition de la maison militaire par procès-verbal du 29 janvier 1816 pour le logement de la compagnie de Luxembourg.
De 1823 à 1828, cet établissement a reçu des accroissemens considérables tant en constructions neuves qu’en constructions acquises, le tout sur les fonds de la Liste civile.
Manège neuf, place Royale
Ce manège a été construit en 1816 aux frais de la Liste civile et sur un terrain acheté des deniers royaux.
Vieux manège et bâtiment attenant rue de la Verrerie
Les bâtimens qu’on appelle aujourd’hui le vieux manège étaient dans le principe le jeu de paume de la cour. On ne peut douter qu’ils n’aient appartenu à la Couronne.
Le département de la Guerre en jouissait en 1809. Il en transforma une partie en manège pour l’usage de l’école militaire de cavalerie.
Ils ont été affectés à la maison militaire par décision du 9 juillet 1814. Il n’existe pas de procès-verbal de remise.
[…]
A ne considérer que les exigences de la circonstance actuelles, il est indispensable que le département de la Guerre ait la jouissance des bâtimens qui figurent dans l’état précédent, à l’exception peut-être du château et du vieux manège de Saint-Germain. La question du maintien de cette jouissance pour l’avenir pourrait encore être résolue affirmativement en s’arrêtant à ce qui a eu lieu antérieurement à 1814. Car, horsmis l’hôtel des gardes à Saint-Cloud, tous les établissemens ci-dessus étaient avant cette époque dans les attributions du ministère de la Guerre, et avaient tous un emploi militaire. Mais en définitive cette question doit rester entièrement subordonnée à ce qui sera ultérieurement décidé sur la force des garnisons qu’il conviendra d’établir dans les trois villes ci-dessus indiquées
Versailles, le 27 avril 1831
Le chef de bataillon, ingénieur en chef
Bourgoin »

Rapport sur la restauration du château de Saint-Germain-en-Laye

« Rapport adressé à Son Excellence monsieur le ministre d’Etat et concernant le château de Saint-Germain-en-Laye
Monsieur le Ministre,
Le château dont il s’agit, et tel qu’il avait été conçu primitivement, a été entièrement construit sous le règne de François 1er. L’architecte chargé d’élever cette importante construction a su concernant et faire entrer dans l’ensemble de cette demeure une curieuse chapelle remontant à la première moitié du 13e siècle. François 1er, assure-t-on, donnait tous ses soins à la façon de ce château et Ducerceau s’exprime à l’égard de cette construction de la manière suivante :
« Ce bâtiment est assis sur un lieu assez hault élevé, prochain de la rivière de la Seine, à cinq lieus de Paris. Cette place a été tenue par les Anglais durant leur séjour en France. Depuis eux étant déchassez, elle demeura quelque temps sans entretien. Or il est advenu que le roy François premier trouvât le lieu plaisant, feit abbattre le viel bastiment sans toucher néantmoins au fondement, sur lequel il feit redresser le tout comme on le voit pour le jourd’hui, et sans rien changer dudit fondement, ainsi que l’on peut cognoistre par la court d’une assez sauvage quadrature. Les parements tant dedans que dehors et encoignures sont de briques assez bien accoustrée, et y était ledit Roy en les bâtisssant si ententif que l’on peult presque dire qu’autre que lieu en fust l’architecte. En aucun corps de ce logis y a quatre étages. En celui de l’entrée y en a deux, dont le deuzième est une grande salle. Les derniers étages sont voultez, chose grandement à considérer à cause de la largeur des membres. Vrai est qu’à chacun montant y a une grosse barre de fer traversant de l’un à l’autre, avec gros crampons par dehors tenans les dites voultes et murailles liées ensemble et formes. Sur ces voultes et par tout le dessus du circuit du bastiment est une terrasse de pierre de liais qui fait la couverture, lesquelles portant les unes sur les autres et descendans de degré en degré, commençant du milieu du hault de la voulte un peu en pente jusques à couvrir les murailles. Et est cette terrasse, à ce que je crois, la première de l’Europe pour sa façon et chose digne d’estre veue et considérée. Le lieu est accompagné d’un bois, qu’on appelle la forest de Haye, en laquelle le mesme roy François feist bastir un logis nommé la Muette, duquel nous parlerons en son endroit. Outre plus, il y a un jardin de bonne grandeur. Davantage, la vue d’iceluy du côté du midi est autant belle qu’on sçaurait désirer : comme ainsi soit, que de de chasteau on voit l’assiette de Paris, Montmartre, le mont Talvériens, Saint Denys et plusieurs autres lieux assez lointains. Ledit bastiment est accompli de ses fossez regnans autour de huit toises de large dans lesquels est un jeu de paulme. A l’entrée est la basse court, fermée partie de closture et corps de logis bien simples, et en icelle une fontaine. Après la mort dudit roy François vint à régner Henry deuzième, son fils, lequel pareillement aima le lieu. Ainsi ce Roy pour l’amplifier de beauté et commoditez fist commener un édifice joignant la rivière de Seine avec une terrasse qui a son regard sur ladite rivière : ensemble les fondements d’un bastiment en manière de théâtre entre la rivière et le chasteau comme verrez par le plan que je vous ai dessigné. En la route principale du bois et assez prochain du lieu est une chapelle neufve couverte en dome. Pour venir de Paris en cette maison royale, il fault passer trois ou quatre bois, si ce n’est que sortant du droict chemin vous éviterez la subjection de ces passages d’eaux. Au reste, par les plans et élévations vous verrez et entendrez le contenu du lieu. »
Le peu de tranquillité du règne de François 1er ne permit pas d’élever à Saint-Germain un splendide château et l’on dut se contenter de l’emploi de médiocres matériaux. Les ouvrages furent commencés assez largement mais pendant l’exécution l’on dût adopter des mesures économiques et achever en maçonnerie ordinaire bien des parties qu’on avait le projet d’élever d’une façon bien plus convenable.
Le château de Saint-Germain présentait de belle et larges disposition et devait produire un très grand effet avec son beffroi, sa grande salle des fêtes, son dernier étage voûté et recevant les admirables terrasses qui occupent toute la surface des bâtiments. Jusqu’à cette époque, toutes ces constructions nationales avaient été terminées par des combles élevés et l’on dut être assez surpris alors de voir le château de Saint-Germain se couronner par d’élégantes balustrades ornées de bases, de salamandres et de couronnes royales. Cette demeure eut un véritable succès auprès des artistes. S’il nous reste aujourd’hui en conséquence de charmants dessins de Jacques Androuet Ducerceau, d’Israël Silvestre, de Pérelle, qui nous permettent de rétablir par la pensée tous les arrangements primitifs du château vieux de Saint-Germain-en-Laye.
Pendant plusieurs règnes, la construction qui nous occupe n’eut à souffrir aucune modification et les successeurs de François 1er s’occupèrent d’édifier, de continuer et d’achever le château neuf. Cette nouvelle construction fut élevée lentement, fut mal entretenue et semble s’être en partie écroulée avant d’avoir pu être sérieusement habitée.
Le roi Louis XIII, qui habitait ordinairement Saint-Germain et surtout le vieux château, voulut restaurer et décorer la chapelle de saint Louis. A cette époque remontent diverses opérations regrettables et c’est alors qu’on détruisit l’arcature inférieure et que l’on reconstruisit à neuf tout le côté méridional de l’édifice religieux. Ce monarque, il est vrai, voulut aussi qu’une belle décoration fut appliquée sur toutes les parois de la chapelle et il chargea Vouet et ses habiles élèves, Le Brun et Le Sueur, de l’exécution de toutes ces peintures.
Le château neuf semble être, si nous nous en rapportons à la plupart des historiens, le berceau de Louis XIV, mais le grand roi fut baptisé dans la chapelle du vieux château. Ce monarque passa sa jeunesse dans la demeure élevée par François 1er et appréciait très fort, dit-on, les belles terrasses qui forment une agréable promenade au sommet du monument.
Le roi Louis XIV trouva le château insuffisant pour la cour et songea à abandonner Saint-Germain. Quelques discussions se sont élevées sur l’époque de l’installation à Versailles et divers historiens assurent que ce fut en 1671, tandis que M. Abel Goujeon, dans sa description de Saint-Germain affirme que ce ne fut que pendant le cours de l’année 1680.
Vers 1680, le roi donna l’ordre d’édifier les 5 pavillons qui flanquent le vieux château (nous avons indiqué en gris ces constructions dans la planche première de nos dessins) et l’architecte Hardoin-Mansard fut chargé de la direction de ces travaux. Louis XIV avait déjà à cette époque commandé la belle et grande demeure de Versailles et il ne pouvait assurément accepter les dispositions resserrées et mesquines projetées à Saint-Germain. Les pavillons qu’on allait construire ne pouvaient sensiblement agrandir le château et par l’examen du plan (fig. 1) l’on voit que si l’on a su trouver quelques salles nouvelles, l’on a été aussi obligé de perdre diverses parties assez importantes pour accéder aux nouvelles constructions. La cour du 17e siècle ne pouvait assurément se loger dans le château de Saint-Germain et cette vieille demeure de nos rois fut définitivement abandonnée.
Les pavillons bizarres de l’architecte Mansard s’élevèrent néanmoins mais ils ne furent pas achevés. Ces adjonctions ne présentent pas le caractère architectural et monumental des constructions du 17e siècle et l’architecte dut se contenter de donner l’ordre de copier tant bien que mal les dispositions de François 1er. De nombreuses parties de ces pavillons sont inachevées, comme nous l’avons dit ; des étages entiers n’ont pas d’escaliers ou ne sont desservis que par des espèces d’échelles éclairées par des châssis du comble. Les parties en surélévation qui flanquent les pavillons ont été laissées par le constructeur dans un état vraiment déplorable et ici l’architecture de Louis XIV n’est presque toujours qu’un placage mensonger qui recouvre les vieux murs de la construction primitive. Diverses salles ne sont qu’ébauchées et ne pourraient être carrelées et utilisées qu’en bouchant les ouvertures ou croisées. L’on semble, en érigeant ces constructions, avoir voulu donner satisfaction à la ville de Saint-Germain, mais l’on n’a rien achevé et des travaux assez importants seront nécessaires aujourd’hui pour compléter l’œuvre du célèbre architecte Hardoin-Mansart.
Le monument dont il s’agit a été utilisé de diverses façons depuis qu’il n’est plus affecté à la demeure des rois de France. Pendant la Révolution, il servit de prison et diverses salles furent affectées aussi aux réunions et aux délibérations des citoyens de la ville de Saint-Germain. En mars 1809, Sa Majesté Napoléon 1er y installa une école de cavalerie. Plus tard, il servit de caserne et il fut en dernier lieu approprié pour l’usage d’un pénitencier militaire.
Les diverses destinations données à l’édifice ont nécessité de nombreux travaux et presque autant de détériorations. La façade principal vers la place de l’église paroissiale a été mutilée et a vu disparaître tous ses briquetages, qui ont été remplacés par une décoration en plâtre. Bien des baies ont été agrandies, d’autres ont été réduites ou bouchées et aujourd’hui enfin le château de François 1er, qui possède une admirable cour intérieure, ne présente plus au dehors que l’aspect d’une bâtisse grandiose mais sans unité et sans caractère.
Pour satisfaire aux ordres que Votre Excellence a bien voulu me donner, j’ai dû visiter et dessiner l’édifice dont il s’agit. L’examen de la construction m’ayant convaincu qu’il serait peut-être fâcheux de modifier la belle salle des fêtes sise à l’ouest du château, je devais solliciter de vous, Monsieur le Ministre, quelques nouveaux renseignements et il était de mon devoir alors de rédiger quelques croquis que j’ai l’honneur de vous adresser.
Dans la plancher 1ère, nous avons supposé le château restauré et dans ces conditions il pourrait, je crois, être utilisé pour un musée de fragments, lesquels pourraient être classés et rangés dans les diverses salles. Le château de Saint-Germain étant largement ouvert dans ses parois verticales, il serait assez difficile d’en faire un musée destiné à des tableaux. Cela ne pourrait se faire qu’en changeant bon nombre des dispositions primitives et je devais alors solliciter de votre bienveillance, Monsieur le Ministre, quelques nouveaux détails sur la nature de la collection que vous entendez établir dans le monument.
Dans la planche 2e, j’ai supposé qu’on pourrait utiliser trois des bâtiments de la construction pour l’asile des veuves des officiers tout en affectant le corps de logis sis à l’entrée du château au musée qu’on a l’intention d’établir à Saint-Germain. Les services pourraient être séparés avec la plus grande facilité et si cette disposition semblait acceptable à Votre Excellence, elle préserverait de toute détérioration la belle salle de Mars. Chaque logement, d’après les dispositions de l’avant-projet que j’ai l’honneur de soumettre à votre appréciation, serait composé d’une entrée, d’une cuisine, d’une salle à manger et enfin d’une chambre avec alcôve pouvant former en même temps salon ou pièce de réception. Chaque logement occuperait une surface de environ 70 mètres superficiels. Nous avons pensé devoir établir tous ces logements vers l’extérieur du château et vers les jardins. Le service de ces habitations serait fait par une galerie ou couloir pourtournant la cour et qui permettrait d’aérer et de ventiler tous les logements avec la plus grande facilité. L’entresol et le 1er étage du bâtiment occidental seraient affectés au musée et cette collection pourrait disposer en conséquence d’une surface horizontale (ou de plancher) d’environ 900 mètres superficiels. De la sorte, l’on pourrait trouver, en outre du musée, 60 logements et environ 10 chambres de domestiques qui seraient réparties dans les divers étages de l’établissement. Le nombre des logements pourrait être augmenté si l’on voulait diviser l’étage principal en 2 parties dans sa hauteur, mis cette combinaison aurait peut-être l’inconvénient de donner des habitations médiocrement éclairées et aussi de dénaturer les belles dispositions du château de Saint-Germain. Le programme qui nous a été donné ne s’expliquant pas sur l’importance des habitations à établir, nous sollicitons de Votre Excellence quelques nouveaux détails dans le cas où nous n’aurions pas été assez heureux pour proposer dans cette esquisse des dispositions convenables et suffisantes.
Dans les planches 3 et 4, nous avons essayé de rendre compte de l’aspect extérieur et deux des faces du château modifié par Hardoin-Mansart sous le règne du roi Louis XIV.
Les conservateurs du château montrent aux visiteurs diverses parties du monument qui, à les entendre, présenteraient un véritable intérêt historique. La forme bizarre de la cour aurait été tracée par l’architecte en forme de D gothique et pour rappeler Diane de Poitiers. La construction de l’édifice remontant à François 1er, l’on ne pourrait admettre, ce nous semble, une pareille explication. Les pièces qu’on prétend avoir été habitée par mademoiselle de La Vallière n’ont été construites qu’en 1680 et à pareille époque la duchesse était déjà retirée dans un couvent de carmélites. Le château de Saint-Germain aurait eu ses oubliettes et quelques lames de parquet disjointes donnent matière aux gardiens d’entrer à cet égard dans de nombreux détails. Nous avons pu examiner et le parquet et la cave au-dessous et nous n’avons pu trouver trace de tout le sombre appareil qu’on prête habituellement à ces dépendances de nos vieilles habitations. Dans le pavillon nord-ouest, l’on retrouve encore 2 salles de petites dimensions et ayant conservé des traces d’une décoration qui remonte à Louis XIV. L’on rencontre dans les panneaux des dauphins et le chiffre [monogramme MA] sculptés. Ces attributs semblent indiquer de la façon la plus évidente que les deux salles dont il s’agit auraient été disposés pour l’habitation du Grand Dauphin et de son épouse Marie Anne Christine Victoire de Bavière. Ces salles se relient à d’autres pièces plus importantes qui, comme les bâtiments, n’ont pas été achevées. Ce logement ayant conservé quelques traces de décoration, l’on en a fait tout naturellement l’habitation du roi Jacques II et rien ne pourrait justifier, je crois, une pareille allégation. Nous trouverons au contraire à la page 364 de l’ouvrage si consciencieux de M. Abel Gougeon et qui a été publié en 1829 le renseignement suivant :
« On prétend que Jacques II, pendant son séjour en France, occupe le logement de la Dauphine. Cette allégation n’est pas juste car tous les auteurs du temps disent que les appartements de Louis XIV étaient devenus ceux du roi d’Angleterre et que ce dernier donnait des audiences dans les salles du trône et des ambassadeurs. »
Tous les appartements ont été détruits et il ne reste aucun vestige ni de la salle du trône ni des différentes pièces sises dans les vieilles et respectables parties de la construction. Cette importante demeure aurait été certainement abandonnée par la Cour lors du commencement des travaux exécutés à la fin du 17e siècle. Le véritable château royal de Saint-Germain, aussi bien celui habité pendant les 16e et 17e siècles que celui habité par le roi Louis XIV lui-même, est assurément celui élevé par François 1er et nous ne pouvions, ce nous semble, ayant eu l’honneur d’être chargé par Votre Excellence d’étudier cette résidence, négliger de faire quelques recherches à l’égard de la vieille construction et à titre seulement de renseignement historique. Dans ce but, nous avons retracé d’après l’édifice et d’après d’anciens dessins le château érigé à l’époque de la Renaissance. Les planches 5, 6, 7, 8 et 9 se rapportent à cette étude. Dans la planche 6e, nous avons indiqué une distribution semblable à celle de la planche 2e et, pour prouver que l’agrandissement de Louis XIV n’est pas en rapport avec la dépense effectuée pour la construction des pavillons, nous trouvons dans le château primitif à peu près le même nombre de logements que dans le château modifié et nous ne pouvons alors que déplorer cet agrandissement illusoire qui viendra augmenter d’une façon vraiment notable les ouvrages de restauration et aussi les travaux d’entretien annuels nécessaires à la conservation du monument.
La dépense nécessaire pour remettre le château de Saint-Germain en état de durer encore de nombreuses années pourra varier et en raison des ordres qui me seront donnés par Votre Excellence. Si cette demeure devait être affectée à un musée, il serait certainement utile de consolider les murailles et de reconstruire à neuf la presque totalité des voûtes supportant les terrasses en pierre. Dans le cas où le monument devrait être utilisé pour l’asile des veuves d’officiers, il serait peut-être plus convenable de vous proposer, Monsieur le Ministre, de remplacer les maçonneries des voûtes par des planchers supportant des terrasses en plomb. Si l’on voulait admettre le musée et l’asile dans le monument, l’on devrait peut-être proposer à Votre Excellence un moyen mixte de restauration à l’égard des terrasses.
La reconstruction des voûtes entraînerait des dépenses assez importantes et il serait possible de réaliser de véritables économies si l’on admettait les terrasses en plomb et les planchers supérieurs. D’un autre côté, la distribution en logement entraînera la façon de nombreux murs et cloisons, de nombreuses cheminées et encore de plus nombreux ouvrages de menuiserie, et l’on pourrait affirmer alors, je crois, que bien des compensations viendraient rendre la dépense à peu près semblables et pour tous les cas. Il me paraît résulter de l’examen attentif de la construction et de divers calculs que j’ai pu établir que la dépense atteindra environ quatorze à quinze cents mille francs. Ce chiffre n’a été établi, toutefois, que pour le cas où les travaux de restauration seraient effectués de la façon artistique qui est peut-être réclamée par l’importance du château de Saint-Germain-en-Laye.
J’ai fait entrer dans les dépenses de l’évaluation approximative tous les travaux de restauration et de décoration de la belle chapelle de saint Louis. Je n’ai dû compter pour toutes les autres parties de l’édifice que les ouvrages de décoration mis en œuvre habituellement dans nos demeures ordinaires.
Les pavillons de l’architecte Mansard et notamment celui qu’on prétend avoir été habité par Jacques II réclameraient peut-être quelques travaux assez dispendieux de décoration. Je ne crois pas que l’on puisse admettre l’explication des conservateurs du château à cet égard, mais si cela était, il me semblerait bien difficile de laisser dans l’état de délabrement l’appartement que le roi d’Angleterre devait à la libéralité du grand roi Louis XIV. Des boiseries sculptées, des tapisseries, des peintures et des dorures seraient nécessaires pour garnir les murailles et terminer les pavillons de Mansard qui, malheureusement, privent d’air et de lumière l’édifice primitif et je ne pouvais peut-être, Monsieur le Ministre, faire entrer en ligne de compte ces ouvrages de décoration qu’après en avoir reçu l’ordre de Votre Excellence.
Je suis avec un profond respect, Monsieur le Ministre, votre très humble et très obéissant serviteur.
Eug. Millet
Paris, le 25 septembre 1855 »

Ministère d'Etat

Rapport sur la restauration du château de Saint-Germain-en-Laye

« A Son Excellence monsieur le ministre d’Etat
Monsieur le Ministre,
Si l’on en croit tous les historiens de la ville de Saint-Germain, la première demeure érigée par les rois de France dans cette ville remonterait au douzième siècle.
L’abbé Lebeuf, dans sa savante histoire du diocèse de Paris, publiée en 1757, assure que cent ans environ après la fondation du prieuré de Saint-Germain par le roi Robert, l’on trouve la preuve d’une demeure royale sur l’emplacement du château qui nous occupe. Suivant cet historien, Philippe Auguste habitait ce château en 1189 et il en partit secrètement pour se rendre à Bray faire justice de juifs qui avaient fait mourir un chrétien. Ce roi habitait Saint-Germain-en-Laye en 1207, au mois de juin 1212, en 1219 et enfin en 1220 et 1222.
Saint Louis dès la première année de son règne donnait à Saint-Germain une charte en faveur de Saint-Antoine-des-Champs. L’abbé Lebeuf assure qu’en juin 1247 saint Louis recevait dans cette ville l’empereur de Constantinople, Baudouin, et que ce fut dans le château que fut rédigé l’acte qui accordait les reliques qui furent déposées dans la Sainte-Chapelle du Palais de Paris.
Philippe le Hardi se retira souvent à Saint-Germain-en-Laye. Philippe le Bel vint souvent aussi dans le château dont il s’agit au retour des fréquents voyages qu’il fit dans le royaume.
En 1346, Edouard, roi d’Angleterre, vint à Saint-Germain et détruisit et brûla une partie de la ville et aussi, suivant l’abbé Lebeuf, une grande partie du château.
L’on mit aussitôt à l’œuvre pour réparer le désastre et l’on constate que le roi Jean put encore habiter cette demeure et y rendre des arrêts. Les désordres du royaume ne permirent pas toutefois à ce monarque la réédification du château et ce n’est que son fils, Charles V, qui d’après Christine de Pisan « moult fit réédifier notablement le chastel de Saint Germain en Laye ».
Nous avons dit dans notre rapport du 25 septembre 1855 la part active que prit François 1er dans la construction du château dont il s’agit et qui, d’après Du Cerceau, « en le bâtissant le Roi était si ententif que l’on ne peut dire qu’autre que lui ne fût l’architecte ».
Nous devons ajouter ce que dit à cet égard Gilles Corrozet, parisien, dans les Antiquités, chroniques et singularités de Paris, remontant à l’année 1586 :
« Ledit seigneur fit aussi édifier de neuf le château de Madrid près Paris, fit réparer de sumptueux édifices le chasteau de Saint Germain en Laye et orna de bâtiments excellens et ouvrages antiques sa maison de Fontaine Belleau. »
« Saint Germain en Laye est aujourd’hui un lieu de plaisance pour nos rois, le plus rare en beauté, le plus gracieux en séjour et le plus abondant en toutes sortes de délices qui soient guères en France » dit André du Chesne, conseiller du Roi en ses conseils, historiographe de France. Et Henry IV, qui amait comme ses prédécesseurs cette résidence, fit ériger à son tour le château neuf qui s’élevait sur le sommet de la montagne et qui développait ses rampes et ses jardins étagés jusque sur les bords de la Seine.
Le roi Louis XIII habita, avec sa cour, les deux châteaux. La chapelle du vieux château fut réparée par ses spins sur sa face méridionale et à cette époque remonte alors la plus grave mutilation qu’ait eu à subir cette belle et curieuse construction du roi saint Louis.
Le vieux château de François 1er fut encore habité pendant de longues années par le roi Louis XIV et ce ne sera qu’en 1688 que cette vieille demeure aurait été modifiée et abandonnée suivant ce qui est rapporté par messieurs Rollot et de Sivry dans leur précis historique de Saint-Germain. L’abandon de ce château est raconté par ces historiens de la manière suivante :
« Le 1er janvier de cette année (1682), le Roi était venu à Saint-Germain pour recevoir le Dauphin chevalier de l’ordre du Saint-Esprit. La cérémonie avait été faite dans la chapelle du vieux château parce qu’on reconstruisait alors celle de Versailles. Mais le 30 mars, la construction des 5 gros pavillons qu’on ajoutait au vieux château ayant mis le Roi dans la nécessité de quitter Saint-Germain une seconde fois, il se détermina à l’abandonner tout à fait au grand regret de ses habitants pour aller se fixer à Versailles. »
En 1683, la foudre renversa le campanile qui surmontait le donjon, où il fut aussitôt reconstruit en bois recouvert de plomb.
En 1689, Jacques II, roi d’Angleterre, et la reine son épouse se réfugièrent en France et furent reçus au château de Saint-Germain-en-Laye. Dulaure, dans son ouvrage sur les environs de Paris, imprimé en 1786, s’exprime sur le château de cette manière :
« Le roi Jacques II, forcé de quitter son royaume, tint longtemps sa cour dans le château de Saint-Germain. Le roi détrôné vivait des bienfaits de Louis XIV et d’une pension de 70000 livres que lui faisait sa fille Marie, reine d’Angleterre, qui lui avait enlevé la couronne. Le roi mourut à Saint-Germain le 16 septembre 1701. Le nouveau château est aujourd’hui presque entièrement démoli. M. le comte d’Artois, à qui il appartient, en fait construire un autre à la même place, dont on voit déjà deux belles et grandes terrasses achevées. La voûte de la chapelle du vieux château est ornée de peinture à fresque, à la vérité un peu dégradées mais qui ne doivent pas moins fixer les regards des curieux à cause des hommes célèbres qui en sont les auteurs. Le Brun a fourni les dessins de la grande partie de cette voûte, Vouet en a fait plusieurs autres et les a peints presque tous, excepté quelques cartouches qui sont de la main du célèbre Le Sueur. Le tableau du maître autel représente la Cène. Il est peint par le Poussin. Nommer ce grand maître, c’est faire l’éloge de l’ouvrage. Ce beau tableau doit être transporté dans le muséum du Louvre. »
Le Brun était l’élève de Simon Vouet et nous croyons alors que les peintures de la chapelle ont été exécutées par Aubin Bouet, son frère et aussi son élève, et le fait est d’ailleurs conforme à ce Qui est rapporté par Félibien dans ses entretiens sur la vie et les ouvrages des plus excellents peintres.
Le château de Saint-Germain-en-Laye possédait jadis une vue magnifique des appartements sis au midi, et des croisées du château l’on apercevait Marly et son aqueduc, le mont Valérien, Bougival et enfin le cours sinueux de la Seine. Le 13 juin 1794, l’on essayait de mettre en culture les terrains occupés par le parterre. En 1797, l’on vendait les terrains formant les 4 carrés de la place dite « entre les deux châteaux » et si nous nous en rapportons à l’acte de vente de M. Feray, l’un des propriétaires de la cité Médicis, ces terrains étaient vendus à raison de 15 centimes le mètre superficiel. Tous les jardins de de côté de la demeure royale furent successivement aliénés et se couvrirent de bâtiments qui privent en partie aujourd’hui le château de la splendide vue qu’il possédait lorsqu’il était habité par nos rois.
En 1803, l’on devait établir dans le château un hôpital pour les maladies contagieuses, mails il ne fut pas donné suite au projet par suite des réclamations unanimes des habitants de la ville. En l’année 1809, l’empereur Napoléon 1er fut installer dans cette demeure une école de cavalerie. En 1836, le château recevait le pénitencier militaire qui fut conservé jusqu’en 1855, époque où le vieux et respectable château rentrait dans les attributions de Son Excellence le ministre d’Etat.
Le château de Saint-Germain-en-Laye a eu beaucoup à souffrir des divers services successivement installés dans ses murs et l’on ne peut, nous croyons, se montrer surpris du fâcheux état dans lequel nous retrouvons l’édifice dont il s’agit.
Nous avons passé en revue, d’après les divers historiens de la ville et du château, les diverses époques de la construction. Bien des bâtiments ont été détruits ou modifiés et nous devons peut-être rappeler ici l’âge des diverses parties du château actuel.
La chapelle sise au midi bordant le fossé de la rue du Château-Neuf remonte assurément au 13ème siècle, a appartenu certainement au château de saint Louis et nous paraît avoir été érigée de 1230 à 1240.
Le donjon, qui formait jadis l’angle nord-ouest, engagé actuellement dans le bâtiment de Louis XIV, nous paraît remonter à l’époque de Charles V, appartenir à l’art de la fin du 14ème siècle, et avoir fait partie alors du château construit par ce roi à Saint-Germain.
Les 4 grands corps de logis bordant la cour appartiennent assurément au château reconstruit par François 1er et remontent alors au 16ème siècle.
Enfin, les cinq gros pavillons flanquant le château ont été commencés, comme il a été dit plus haut, en l’année 1682, à l’époque où le roi Louis XIV quittait définitivement Saint-Germain pour se fixer à Versailles.
Toutes les constructions érigées par François 1er auraient été confiées à la direction de l’architecte Sébastien Serlio si nous en croyons Félibien. Nous ne savons si cette assertion est fondée car, dans notre pays, bien souvent, l’on fait honneur à des Italiens de magnifiques ouvrages qui sont bien l’œuvre d’artistes française. Au 16ème siècle, nous abritions nos bâtiments par de grands combles et à Saint-Germain on couronnait tout l’édifice par des balustrades et par des terrasses en pierre. A cette époque, nous savions à merveille construire de grandes voûtes, à une grande hauteur, sans le secours de ferrailles, et à Saint-Germain l’on se crut obligé, pour maintenir les murailles, de placer des entraits en fer à la naissance des voûtes supportant les terrasses. La construction dans son ensemble nous paraît accuser une certaine ignorance de notre art national, de notre climat destructeur et aussi de l’emploi de nos matériaux de petite dimension. Les arrangements et motifs de décoration du château de Saint-Germain-en-Laye sont originaux, exceptionnels peut-être, et il serait alors difficile de nier peut-être aussi l’influence des artistes étrangers, soit Primatice, soit de Serlio, en ce qui concerne l’importance des constructions qui nous occupe.
Les artistes du 16ème siècle, en érigeant le château de Saint-Germain, avaient en vue certainement de disposer la cour de façon à laisser jouir de toutes les croisées du splendide panorama qui se développe tout autour de la demeure et les pavillons des angles A, B, C établis par eux ne formaient aucune saillie alors sur les corps de logis principaux. Tous les bâtiments avaient été couverts par une énorme terrasse formant une très agréable promenade au sommet de l’édifice. Ils avaient su fort adroitement, nous croyons, relier l’élégante chapelle à leurs constructions, et sans fermer la croisée centrale sise derrière l’autel. Ces artistes avaient su enfin, ce nous semble, créer à Saint-Germain une demeure vraiment royale tout en conservant la chapelle de saint Louis et le donjon de Charles V et aussi tout en satisfaisant de la façon la plus complète au programme tracé par François 1er.
Les 5 gros pavillons ajoutés par Louis XIV sont venus déranger toute l’harmonie de cette vieille demeure. Ces bâtiments ne présentent par le caractère monumental et grandiose des constructions de cette époque. L’architecte Mansard, chargé de la direction des ouvrages, s’est borné à donner l’ordre de reproduire tant bien que mal l’architecture du 16ème siècle. Les immenses saillies des pavillons privent des vues latérales qu’on avait jadis des croisées du monument et projettent de grandes ombres qui attristent les diverses faces du château. Les constructions de Mansart ont été à peine achevées et il est des étages entiers qui manquent d’escaliers et dans lesquels on ne parvient que par des degrés droits ou espèces d’échelles en bois. Les anciens pavillons (marqués A, B, C dans le croquis ci-dessus), qui ont été en partie conservés, ont été mutilé de la plus triste façon. L’architecture du 17ème siècle n’est souvent à Saint-Germain qu’un mensonger placage présentant de fausses baies simulées devant l’ancienne architecture de François 1er. Il est des croisées du 17ème siècle qui se trouvent dans la hauteur des reins des voûtes et qui ne permettraient pas l’établissement des carrelages des pièces éclairées par ces croisées. Le pavillon sis au milieu de la façade méridionale a l’un de ses murs (ayant 30 mètres de hauteur) construits sur la légère muraille à claire-voie de la chapelle de saint Louis, qu’il écrase assurément. La charmante chapelle de Louis IX a été aussi, pendant le 17ème siècle, enveloppée dans des bâtiments vers la rue du Château-Neuf et cette élégante construction, visible jadis de l’extérieur du château, est masquée alors aujourd’hui par des bâtisses qui ne nous paraissent présenter aucun intérêt.
La restauration du château pourrait être entreprise de deux façons distinctes. L’on pourrait réparer tous les bâtiments existants, mais dans ce cas bien des parties très intéressantes du vieux château seraient sacrifiées.
Il serait très facile de rétablir le château dans les conditions anciennes et tel qu’il était à l’époque où Louis XIV quittait Saint-Germain pour se fixer à Versailles. L’on serait aidé dans ce travail par les nombreux et anciens fragments conservés et aussi par les nombreuses gravures de Du Cerceau, d’Israël Silvestre, de Pérelle etc. etc. La chapelle pourrait être restaurée et l’on pourrait alors remettre en honneur ce magnifique fragment de notre art national du 13ème siècle. Les pavillons du 16ème siècle pourraient reprendre leurs anciennes formes et le donjon de Charles V serait dans ce cas dégagé de toutes les bâtisses qui l’emprisonnent actuellement. Envisagée de la sorte, la restauration serait certainement plus économique, plus agréable peut-être, et pour l’avenir l’on aurait simplifie la question de l’entretien.
Il ne nous appartient en aucune façon de décider ce qu’il serait convenable d’effectuer à Saint-Germain. En 1855, nous avions l’honneur de vous adresser des dessins indiquant l’état actuel du château. En avril 1856, nous rédigions diverses études sur la chapelle de saint Louis et, le 5 février dernier, pour satisfaire aux ordres que vous aviez bien voulu nous donner, nous adressions à Votre Excellence des plans et un dessin retraçant toutes les faces de cette demeure de nos rois et habitée par Louis XIV lui-même pendant les 39 premières années de son règne.
Nous croyons qu’on obtiendrait un résultat bien plus satisfaisant et moins dispendieux en rétablissant les vieilles dispositions du château qu’en voulant restaurer tous les bâtiments, assez mal coordonnés, que nous trouvons actuellement à Saint-Germain. Nous serions heureux toutefois de voir cette grave question soumise à l’examen des savants et aussi des éminents architectes qui composent les commissions instituées par votre administration et nous ne saurions en conséquence que solliciter des ordres auprès de Votre Excellence.
Nous avons l’honneur de joindre à ce rapport un devis estimatif des ouvrages.
Nous croyons, pour ne pas déranger le personnel logé, aussi bien que pour ne pas gêner le musée provisoire, qu’il serait convenable de commencer la restauration par l’angle nord-ouest. La restauration pourrait se poursuivre vers l’est, de façon à faire le tour du château et de façon aussi à terminer le travail par le bâtiment contenant la grande salle des fêtes.
Je suis avec un profond respect de Votre Excellence le très humble et très obéissant serviteur.
Eug. Millet
Paris, ce 22 février 1862 »

Ministère d'Etat

Rapport sur la restauration du château de Saint-Germain-en-Laye

« Ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts
Commission des Monuments historiques
Rapport de la commission par M. Selmersheim, inspecteur général, sur la restauration du bâtiment ouest du château de Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise)
Le devis estimatif soumis à l’approbation par monsieur l’architecte Daumet est extrait du devis général s’élevant à 960397 f. 06 rédigé pour l’achèvement de la restauration du château de Saint-Germain-en-Laye, c’est-à-dire la réparation du bâtiment ouest, la construction du pavillon sud-ouest, l’aménagement intérieur et le mobilier. Cet extrait vise spécialement les travaux de restauration auxquels le service des Monuments historiques peut concourir ; il s’élève à 516018 f. 20.
Quoique depuis 1862, début de l’entreprise du château de Saint-Germain, le service des Monuments historiques n’ait participé financièrement qu’à la restauration de la chapelle du XIIIe siècle, les parties de la Renaissance ayant toujours été à la charge de l’administration des Bâtiments civils, nous pensons qu’en vue de terminer le plus rapidement possible cette restauration, le crédit des Monuments historiques peut intervenir et nous proposons, avec l’approbation du devis de 516018 f. 20, une allocation ferme de 1/3 de la dépense, soit 172006 f. 06, de 25000 f. 00 à partir de 1902 et la 7e de 22006,06.
Paris, le 2 août 1902
Selmersheim »

Rapport sur la restauration de la chapelle et sur le déplacement de l’horloge du château de Saint-Germain-en-Laye

« Ministère de l’Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes
Commission des Monuments historiques
Rapport à la commission par M. Selmersheim, inspecteur général, sur le château de Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise)
Séance du comité du 7 janvier 1907
Monsieur l’architecte Daumet soumet à l’approbation 2 propositions relatives au château de Saint-Germain-en-Laye, savoir :
1° la suppression de la flèche de la chapelle,
2° la translation du cadran situé au sommet du donjon de Charles V dans l’encadrement préparé au XVIIe siècle au 1er étage au-dessus de la porte d’entrée.
Relativement à la flèche, M. l’architecte du château expose que la chapelle est affectée, par le service de conservation du musée, en division spéciale d’archéologie funéraire gallo-romaine, et en dépôt de fragments sculptés retrouvés lors de la restauration. Cette décision excluant tout retour de la chapelle à l’usage du culte, il lui paraît inutile de terminer cette œuvre décorative dont l’exécution serait coûteuse : il propose en conséquence la dépose de cette charpente et le rétablissement du comble dans sa forme générale.
Pour le cadran de la façade ouest, M. Daumet fait valoir qu’au XVIIe siècle, lors des grands changements et agrandissements exécutés au château de Saint-Germain, un encadrement composé de volutes et de draperies fut préparé pour recevoir un cadran, lequel encadrement existe encore au-dessus de la porte principale du château. Il propose de reporter le cadran édifié par Millet au sommet de la tour du XIVe siècle dans cet emplacement, estimant que le rétablissement du parement de la tour rendrait à cette partie, la plus sévère du château, sa simplicité d’origine.
Relativement à la première proposition, il y a lieu de convenir avec l’architecte que l’achèvement de la flèche de la chapelle ne présente guère d’intérêt, étant donné l’affectation actuelle de ce monument. Les motifs qui avaient guidé Millet dans cette conception étaient d’ordre traditionnel, et inspirés par les exemples similaires existant sur quelques monuments du Moyen Âge. Nous nous rangeons volontiers à l’avis de la suppression de cette charpente et à la continuation du comble, dont le chevet pourra recevoir la croix en fer édifiée au sommet de la pyramide.
Pour le cadran, notre avis est qu’il serait fâcheux de supprimer la conception de Millet, d’abord parce que cette applique ne nuit pas à « la simplicité d’origine » que prône M. Daumet, et que la proximité de l’horloge, placée en arrière, assure son bon fonctionnement, ensuite parce que le cadran en lave émaillée est de dimension beaucoup plus restreinte que l’espace fourni par l’entourage XVIIe siècle, ce qui rend son adaptation difficile. On peut faire valoir d’autre part que l’éloignement du mécanisme, placé dans une petite construction en arrière du donjon, est une autre difficulté.
Enfin, n’est-il pas permis de regretter l’obstruction d’une fenêtre primitive de la façade ouest pour une décoration d’un médiocre intérêt, rompant l’harmonie de cette façade ?
Notre avis est qu’il convient de laisser subsister le cadran à la place prévue par le précédent architecte, et qu’il ne paraît y avoir aucun inconvénient à supprimer la décoration du XVIIe siècle dont le type similaire existe dans la cour, sur la tourelle sud-ouest.
Paris, le 19 décembre 1906
Selmersheim »

Rapport sur la restauration de la chapelle du château de Saint-Germain-en-Laye

« A Son Excellence monsieur le ministre d’Etat
Monsieur le Ministre,
A la fin du mois de septembre dernier, j’avais l’honneur de faire parvenir à Votre Excellence 10 feuilles de dessins concernant le château de Saint-Germain-en-Laye. Dans ces croquis, j’avais essayé de retracer les constructions successives de la demeure impériale dont il s’agit. Pour rentrer dans les délais présentes, je devais seulement alors m’occuper de l’enveloppe de la construction et j’ai l’honneur aujourd’hui de vous adresser 10 nouvelles feuilles de dessins s’appliquant à la chapelle du château et complétant mes études préparatoires.
La curieuse et très belle chapelle dont il s’agit remonte au 13ème siècle et a été élevée par saint Louis, qui, né à Poissy, aura voulu aussitôt sa majorité ériger cette dépendance de l’ancien château. Tous les historiens de la ville de Saint-Germain assurent que la chapelle était arrivée jusqu’au règne de Louis XIII sans avoir subi de modifications. Ce monarque voulut entreprendre sa décoration et il chargea de ce soin (si l’on en croit Félibien) le sieur Aubin Vouet. De grosses réparations furent effectuées avant de procéder aux ouvrages de peinture et à partir de cette époque remontent alors les premières mutilations de la chapelle de Saint-Germain.
Louis XIV voulut aussi à son tour modifier cette demeure et il fit construire les 5 gros pavillons qui flanquent le château de la Renaissance et aussi toutes les bâtisses qui surmontent et emprisonnent la chapelle du saint roi Louis XI [sic].
Le constructeur qui élevait le château du 16e siècle avait réussi à engager le moins possible la chapelle et deux des petites faces de l’abside étaient seulement comprises dans ses constructions.
La disposition adoptée par cet artiste, dans son plan, paraît prouver qu’il appréciait à sa juste valeur le curieux édifice que l’on doit assurément à l’un des plus habiles architectes du règne de saint Louis et il est bien regrettable de n’avoir pas trouvé le même respect chez les constructeurs du 17e siècle, qui n’ont pas craint d’engager et de mutiler le monument formant la chapelle du château de Saint-Germain-en-Laye. La construction que nous avons essayée de retracer dans nos dessins est d’une excessive délicatesse. L’architecte qui l’érigeait ne s’est pas contenté de ménager de larges croisées dans ses travées et il a voulu ouvrir entièrement tous les espaces compris entre les contreforts par de grandes et belles vitrines de forme carrée et à meneaux. Cette disposition est toute exceptionnelle, est unique, nous croyons, et nous paraît mériter toute l’attention des personnes qui s’occupent de l’étude de notre art national. Sur ces claires-voies ou croisées à meneaux, les architectes du 17e siècle ont élevé un grand étage d’habitation et de gros murs viennent alors surcharger d’une façon vraiment inquiétante les délicates et savantes constructions du Moyen Âge.
Divers ouvrages de restauration et d’ameublement ont encore été exécutés en 1827 dans la chapelle de Saint-Germain-en-Laye. A cette époque, l’on plaçait à l’intérieur de l’édifice quelques galeries à balustres, l’on érigeait une tribune vers le mur occidental et l’on construisait un autel flanqué de grandes et grosses colonnes en bois, et de l’ordre corinthien.
L’on a surélevé le sol de la chapelle de environ un mètre quinze centimètres, l’on a arraché toute l’arcature inférieure et, malgré toutes les mutilations dont il vient d’être parlé, rien n’est si facile aujourd’hui que de restituer à cette curieuse construction ses dispositions anciennes. Pendant que nous étions occupés à Saint-Germain à dessiner et à mesurer le château pour obéir aux ordres que Votre Excellence avait bien voulu nous donner, nous avons fait faire une fouille au pied de l’un des piliers de la chapelle afin de trouver le sol primitif. Nous avons trouvé dans ce déblai quelques parties de l’ancien dallage aussi bien que les bases des piles et le banc pourtournant toute la construction au-dessous de l’arcature. Le sol a été surélevé au moyen de maçonneries et dans les moellons qu’on arrachait, nous avons été assez heureux pour reconnaître et recueillir d’anciens et précieux fragments de la balustrade du couronnement extérieur. Si l’on continuait les recherches et si l’on rétablissait enfin le sol de cette chapelle à sa hauteur primitive, l’on trouverait très probablement de nombreux débris qui permettraient de rétablir avec la plus grande précision tous les détails du monument. Des piles ont été enduites en plâtre, l’on a appliqué des boiseries sur les soubassements des murailles et il serait utile, nous croyons, de dépouiller l’édifice des revêtements afin d’apprécier la situation. Les recherches dont il s’agit seraient indispensables si l’on voulait rédiger un devis sérieux des ouvrages à entreprendre et il était peut-être de notre devoir de solliciter de votre bienveillance, Monsieur le Ministre, et l’autorisation et le faible crédit de environ 1000 francs nous permettant d’entreprendre les quelques recherches dont il s’agit.
Les premiers dessins du dossier joint à cette lettre retracent l’état actuel de la chapelle, tandis que les dernières feuilles forment un essai de restauration et après la construction du château de François 1er. La chapelle étant un monument historique, nous ne pouvions omettre de rédiger une étude à son égard. Le travail que nous avons l’honneur de soumettre à l’appréciation de Votre Excellence résulte de l’examen des documents laissés soit par l’architecte Ducerceau, soit par le dessinateur graveur Israël Silvestre.
En ce qui concerne l’ensemble de cette chapelle, il serait difficile je crois de commettre des erreurs, car en réalité cette chapelle, quoique mutilée, existe entièrement. Il n’en est pas de même en ce qui s’applique aux détails et nous devions alors, suivant ce qui a été dit plus haut, solliciter la faveur de faire les recherches fort intéressantes pouvant nous aider à reproduire avec précision la belle chapelle du château de Saint-Germain-en-Laye.
Je suis avec respect de Votre Excellence le très humble et très obéissant serviteur.
E. Millet
Paris, le 24 avril 1856 »

Ministère d'Etat

Rapport sur la restauration de la chapelle du château de Saint-Germain-en-Laye

« A Son Excellence monsieur le ministre d’Etat
Monsieur le Ministre,
J’ai eu l’honneur de remettre à Votre Excellence il y a peu de jours la feuille d’études concernant la Sainte Chapelle du château de Saint-Germain-en-Laye. Avant d’opérer la remise des dessins, j’avais donné communication du travail dont il s’agit à monsieur l’inspecteur général des bâtiments, qui semblait désirer quelques développements sur la section transversale de l’édifice. J’ai l’honneur aujourd’hui, Monsieur le Ministre, de vous faire parvenir 2 nouveaux croquis complétant le travail sur la chapelle du roi saint Louis.
Le premier dessin, qui trace l’état actuel, indique l’exhaussement regrettable du sol inférieur qui enlève à cette chapelle ses élégantes proportions primitives. Cette coupe indique aussi l’étage ajouté au-dessus des voûtes et qui, avec ses gros murs, écrase les légères croisées à meneaux de l’ancienne construction. Les murs de l’étage ajouté sont placés en porte à faux (suivant ce qui est marqué dans notre coupe) et doivent certainement, dans un court délai, amener l’écrasement de la chapelle du château de Saint-Germain-en-Laye.
Pour suivre l’ordre adopté dans nos précédentes études, nous devions rédiger encore un croquis de la chapelle avant les mutilations qu’on lui a fait subir pendant les 17e et 18e siècles et la planche n° 2 forme l’essai dont il s’agit.
Le roi saint Louis étant à Saint-Germain-en-Laye en 1239 entra en négociation avec Baudouin, empereur de Constantinople, pour le rachat de la couronne d’épines et autres reliques qui donnèrent lieu à la construction de la Sainte Chapelle du Palais de Paris. En 1248, avant de partir pour la première croisade, saint Louis fit à Saint-Germain son testament et cette chapelle dut recevoir les prières qui précédèrent son départ. Bien d’autres faits se passèrent à Saint-Germain-en-Laye et en 1643 eut encore lieu dans la chapelle du vieux château le baptême du grand roi Louis XIV.
La construction qui nous occupe nous semble intéressante à bien des titres et tout se liant à l’histoire de notre pays, elle est encore certainement un des spécimens les plus précieux des constructions du Moyen Âge de notre art national. Ayant eu l’honneur d’être chargé par Votre Excellence de l’étude du château de Saint-Germain, il était assurément de notre devoir de faire toutes les recherches utiles pour retracer les dispositions successives de cette demeure impériale et, dans ce but, nous devions encore rédiger les nouveaux croquis réclamés par monsieur l’inspecteur général des Bâtiments.
Je suis avec un profond respect de Votre Excellence, Monsieur le Ministre, le très humble et très obéissant serviteur.
Eug. Millet
Paris, le 18 mai 1856 »

Ministère d'Etat

Rapport sur la manutention des vivres installée dans le château de Saint-Germain-en-Laye

« Ministère de la Guerre
Direction du personnel et des opérations militaires
Bureau de la justice militaire
Rapport fait au ministre le 18 août 1836
Analyse : sur la nécessité de faire cesser le prêt que le pénitencier de Saint-Germain a fait d’un four à la manutention des vivres
Dans un rapport en date du 3 de ce mois, M. le lieutenant général commandant la première division militaire a fait connaître au ministre qu’un incendie ayant détruit le four de louage qui servait à cuire le pain de la garnison de Saint-Germain-en-Laye, d’après la demande de M. le sous-intendant militaire et vu l’urgence, il a autorisé M. l’inspecteur du pénitencier militaire établi dans le château de cette ville à prêter provisoirement le four de cet établissement. Dans un rapport du 5, cet officier général ajoute que, sur les instances de M. l’intendant de la division, il a donné des ordres pour que cette concession durât aussi longtemps qu’il serait nécessaire pour assurer la subsistance de la garnison de Saint-Germain.
En faisant droit aux réclamations qui lui ont été adressées afin de ne point interrompre un service importance, M. le général Pajol voit les plus graves inconvéniens à laisser prolonger le prêt du four du pénitencier militaire. Il regarde comme contraire à l’ordre de cet établissement, comme dangereux pour sa sûreté et celle de sa population que des personnes étrangères y soient admises à toute heure de jour et de nuit.
Il insiste donc fortement pour que les mesures les plus promptes mettent un terme à l’état de choses dont il signale les inconvéniens. Il indique comme moyens simples d’ariver à ce but de louer un autre four en ville, ou mieux encore d’envoyer de Versailles à Saint-Germain le pain nécessaire, comme cela a lieu pour la garnison de Rueil.
L’importance du pénitencier militaire, l’avenir qu’annonce la prospérité naissante de cet établissement, auquel monsieur le maréchal porte un intérêt tout particulier, doivent faire prendre en considération les inquiétudes dont témoigne M. le général Pajol. On ne peut donc qu’appuyer la demande qu’il a formée à l’effet d’obtenir qu’il soit pourvu dans le plus bref délai au service interrompu par suite de l’incendie du four que le service des vivres avait loué en ville.
Le bureau de la justice militaire ne peut être juge compétent des deux moyens que le général Pajol regarde comme les plus prompts et les plus convenables dans la circonstance actuelle. Seulement, il croit pouvoir, en rappelant divers antécédents qui sont à sa connaissance, fournir quelques données pour la solution de la question.
En 1831, on avait installé dans le château de Saint-Germain la manutention des vivres de la garnison. Cette opération et deux fours qui y furent alors construits occasionnèrent une dépense de 12000 f. Depuis, le château ayant été assigné à la destination du pénitencier militaire, lorsqu’on y transféra celui de Montaigu, la manutention fut obligée de vider les locaux qui lui avaient été affectés et, par suite, de louer provisoirement un four en ville. Déjà, avant l’incendie de ce four, M. l’intendant militaire de la 1ère division, trouvant des inconvénients à laisser le service des vivres réduit à une position provisoire et précaire, demandait qu’on établit la manutention dans les bâtimens du quartier Luxembourg. Cette mesure, d’après les devis qui ont été établis, devait occasionner une dépense qui n’irait pas à moins de 15000 f.
Le Génie, qui observe que la manutention à Saint-Germain a déjà coûté en 1831 la somme de 12000 f. s’est arrêté devant l’adoption d’un projet qui doit donner lieu à une nouvelle dépense encore plus grande, et, en vue de l’éviter, il proposerait d’arrêter que les fours construits au château de Saint-Germain servissent concurremment au pénitencier et à la manutention. Les craintes que l’administration conçoit du prêt momentané des fours du château s’attacheraient avec plus de raison et de force encore à l’existence permanente d’un établissement de cette nature dans l’intérieur d’un pénitencier destiné à renfermer près de 600 hommes, à raison de la nécessité d’y admettre des agens étrangers, à toute heure du jour et de la nuit, ainsi que des chances d’incendie qui menacent incessamment les usines de boulangerie. Aussi, lorsque les vivres-pain ne seront plus alloués au pénitencier militaire au compte de la Guerre, que les ressources financières de cette maison lui permettront de pourvoir à leur achat, y aura-t-il à examiner la question de savoir si le pain sera fabriqué dans l’intérieur du château ; or de ce qui précède on peut déduire que cette question se décidera par la négative, à plus forte raison parait-il y avoir lieu de repousser le projet de faire servir les fours du château à la manutention des vivres de la garnison, tout en reconnaissance cependant qu’il est d’une économie bien entendue d’éviter le renouvellement d’une dépense considérable.
Deux services importans sont intérressés à ce que les difficultés qui se présentent soient tranchées. Il semble que le général Pajol en a indiqué le moyen.
Puisque c’est la manutention de Versailles qui pourvoit aux besoins de la garnison de Rueil, que Saint-Germain est aussi à proximité de ladite ville et par des routes superbes, il paraitrait, sous ce double rapport, également praticable de tirer de ce point les vivres-pain nécessaires à la garnison de Saint-Germain. Cette proposition se recommande par l’avantage qu’elle présente dans l’économie qui résulterait de la suppression de la manutention de Saint-Germain et des dépenses qu’elle entraine, chaque année, en matériel et personnel, en même temps qu’on échapperait à la nécessité que redoute aujourd’huy le génie de faire une dépense de 15000 f. pour établir les fours de la manutention dans le quartier Luxembourg.
Quel que soit le mérite des observations qui précèdent, on les croit de nature à entrer comme éléments dans l’appréciation d’une question qui, devant de reste être envisagée encore sous d’autres points de vue, ne peut être traitée à fond que par la direction de l’administration et le bureau du Génie. Si monsieur le maréchal l’approuve, on a l’honneur de lui proposer de décider qu’ampliation du présent rapport sera envoyée aux deux services, avec invitation de se concerter pour présenter au ministre les moyens de résoudre les difficultés du moment.
Dromont »

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