Rapport concernant les travaux réalisés en 1862 au château de Saint-Germain-en-Laye
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- 20 décembre 1862
Part of Corpus numérique sur l'histoire du château et des jardins de Saint-Germain-en-Laye
« Ministère d’Etat
Division des Bâtiments civils
Restauration du château de Saint-Germain-en-Laye
Travaux effectués en 1862 et propositions 1863
A Son Excellence monsieur le ministre d’Etat
Monsieur le Ministre,
Le crédit de 100000 francs alloué sur l’exercice 1862 pour les travaux du château de Saint-Germain-en-Laye est aujourd’hui entièrement épuisé et j’ai l’honneur, pour satisfaire à vos ordres, de vous rendre compte des opérations. Il résulte d’une lettre que vous avez bien voulu m’adresser le 4 juillet dernier qu’une somme de 21064 francs a été employée à l’installation provisoire du musée gallo-romain. Il ne restait alors qu’une somme de 78936 francs pour démolir et pour faire face aux premiers ouvrages de restauration.
J’ai tout d’abord ordonné la construction d’une rampe à voitures et d’un pont provisoire sur la rue du Château-Neuf pour donner entrée aux matériaux et aux ouvriers dans les fossés et dans la cour du château. Je devais aussitôt aussi procéder à l’arrangement d’une habitation pour le gardien concierge. Aujourd’hui donc l’entrée sur la place du Château est exclusivement réservée au personnel logé et aussi au service du musée gallo-romain.
Le pavillon nord-ouest, de la fin du 17ème siècle, sis près la garde du chemin de fer, a été entièrement démoli à l’exception toutefois d’une de ses piles du rez-de-chaussée, qui nous sera nécessaire pour appuyer des étais destinés à faciliter des reprises en sous-œuvre.
La démolition a dégagé l’ancienne tour rectangulaire d’encoignure du château de Charles V suivant ce qui été prévu au projet. Cette vieille tour était, au 14ème siècle, en saillie sur les courtines et dans les démolitions l’on a retrouvé d’assez nombreux détail de cette intéressante partie de l’édifice. L’on a retrouvé tous les bandeaux indiquant les anciens planchers, les corniches et aussi la disposition et le profil des créneaux supérieurs. En faisant disparaitre la cabane de l’horloge qui surmontait la terrasse de couronnement, l’on a constaté l’existence d’une très curieuse souche de cheminée du 14e siècle qui pourra être restaurée et utilisée. J’ai l’honneur de joindre à ce rapport un croquis indiquant d’une façon à peu près certaine l’ancien aspect du fragment d’architecture militaire dont il s’agit.
Les constructions du 16ème siècle engagent à l’est et au midi la tour rectangulaire et les bâtiments de François Ier atteignent la hauteur indiquée par la ligne AB dans mon croquis. L’on ne peut songer en conséquence, nous croyons, à rendre à la tour formant bastion ses formes primitives.
La tour du 14ème siècle a eu beaucoup à souffrir des diverses constructions et des diverses installations des 17ème, 18ème et 19ème siècles. L’on avait entaillé ses gros murs, ayant 2 m. 50 d’épaisseur, sur presque tous les points et l’on avait de la sorte trouvé dans ses murailles des cabinets et des armoires. Le mur est avait été entaillé de plus d’un mètre dans la hauteur des trois étages inférieurs. Des portes de communication avaient été percées à tort et à travers dans tous les murs et d’inquiétantes lézardes sillonnaient alors toutes les parois de la tour dont il s’agit.
Nous avons prescrit et nous avons exécuté aujourd’hui à peu près toutes les reprises dans trois des murs de cette tour. Toutes les baies modernes ont été bouchées et en effectuant ces ouvrages l’on a eu le soin de rétablir toutes les portes de communication à plomb les unes des autres. Les maçonneries exécutées à l’intérieur de cette tour pour remplir toutes les murailles présentent un cube de plus de 450 mètres et ce chiffre, mieux que toutes les descriptions, pourra faire connaître à Votre Excellence le triste état dans lequel nous avons trouvé cette construction du Moyen Âge.
A la tour d’angle était accolée jadis une tourelle carrée contenant des cabinets d’aisances. Cette tourelle a été détruite par Hardouin-Mansart mais nous avons retrouvé et les fondations et la fosse du 16ème siècle, qui va se trouver alors utilisée à nouveau. La tourelle dont il s’agit a été remontée dans une hauteur de 16 mètres environ pendant le cours de cet exercice.
Nous avons pu entièrement ériger aussi la tour ronde sise sur la façade ouest contenant un escalier de service et qui était indiquée dans le projet qui a été approuvé par Votre Excellence.
Les travaux de 1862 ont été commencés seulement au mois d’août, fort tard alors, et l’on n’a pu, pour arriver en temps utile, limiter le chantier dans l’angle nord-ouest. L’on s’est trouvé dans l’obligation de prescrire la construction de divers éperons le long de la façade nord et près l’encoignure toutefois. Ces éperons en pierre sont au nombre de douze et sont seulement commencés.
J’ai l’honneur de proposer d’effectuer pendant le cours de l’exercice 1863 les ouvrages dont le détail suit :
1° l’achèvement des travaux de la tour d’angle nord-ouest évalués au devis à : 140655,00
Il convient d’ajouter les frais de démolition s’élevant d’après le devis à : 12381,00
[Total :] 153036,00
A déduire le crédit déjà alloué : 78936,00
[Total :] 74100,00
2° le commencement des travaux de restauration du bâtiment nord, sis vers le parterre, évalués dans leur ensemble à 325510 francs. Je sollicite pour ces ouvrages l’ouverture d’un crédit de : 125900,00
Proposition de dépense pour 1863 : 200000,00
A ce chiffre, il convient d’ajouter peut-être les 4500 francs promis par Votre Excellence pour le déplacement du jardin fleuriste.
Monsieur le directeur général des musées impériaux a bien voulu me faire connaître qu’il serait à propos de construire le plus tôt possible des armoires ou vitrines pour la collection de Saint-Germain-en-Laye. Je ne sais au juste quelle sera l’importance des meubles dont il est question, mais l’on ne pourrait compter peut-être sur une somme inférieure à 5 ou 6 mille francs, si toutefois ces objets doivent avoir un caractère définitif.
Les désordres du château de Saint-Germain sont graves et nombreux. Sur la façade nord, près le pavillon nord-est, pour éviter l’écroulement de la balustrade supérieure et des portions de murs au-dessous, j’ai été contraint il y a peu de jours de faire échafauder et d’ordonner quelques reprises et aussi la descente du couronnement.
Il y a quelques jours aussi, je constatai sur la façade est, vers Paris, des déchirements et l’écroulement de quelques briques et de quelques parties des enduits. Cet accident sans gravité en lui-même indique toutefois un travail très inquiétant dans les voûtes et dans les murailles.
Depuis l’année 1855 que Votre Administration a bien voulu me charger des soins à donner à l’important édifice qui nous occupe, nous avons été à même de constater combien les désordres de la construction vont en augmentant. Nous commencions à désespérer de sa conservation lorsque vous nous avez fait l’honneur, Monsieur le Ministre, de nous ordonner de procéder à sa restauration. Aujourd’hui, nous devons alors solliciter l’ouverture de crédits suffisants pour sauver de la ruine l’important monument historique de Saint-Germain-en-Laye. Il serait facile assurément de donner plus d’importance aux ouvrages que nous l’avons indiqué plus haut, car l’édifice a de telles proportions qu’on pourrait attaquer la restauration en plusieurs endroits à la fois.
Je suis avec un profond respect de Votre Excellence le très humble et très obéissant serviteur.
Eug. Millet
Paris, ce 20 décembre 1864 »
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