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Mention de Saint-Germain-en-Laye dans la biographie d’Henriette-Marie de France, reine d’Angleterre, par Charles Cotolendi

« [p. non numérotées] Au roy de la Grande Bretagne
Sire,
L’histoire que j’ay l’honneur de presenter à Vostre Majesté vous interesse dans toutes les choses qu’elle contient : c’est de la reine, mere de Votre Majesté, dont la vie heureuse pendant quelques années, et puis traversée de malheurs, doit vous soutenir dans l’estat present de vostre fortune. En effet, sa vie semble estre le modelle de la voste. Comme elle, Sire, vous avez eu des prosperitez sur le trone ; comme elle, vous sentez la rebellion de vos peuples, et le Ciel, qui fera l’image parfaite, vous donnera comme à elle la consolation de voir nos ennemis abatus, et de rentrer malgré leurs efforts dans les royaumes dont vous estes le roy legitime. Quelque grand que paroisse ce bonheur, il le sera moins pour vous que pour vos sujets, qui se sont rendus indignes de vos bontez. Ils sont convaincus malgré leur rebellion de vos qualitez royales ; ils connoissent vostre valeur, dont vous avez commencé à leur donner des marques des vostre plus tendre jeunesse, voulant estre dans le camp du feu roy vostre père, quand il combatoit les rebelles. Les Hollandois se souviendront toujours des pertes qu’ils ont faites contre vous, mais ce qui dans une occasion marqua bien vostre intrepidité, c’est qu’un boulet de canon ayant tué aupres de vous deux officiers dont le sang vous rejalit sur le visage, vous ne changeastes point de couleur, et sans temoigner aucun soin pour vostre personne, vous ne vous attachastes qu’à faire rendre au corps de ces officiers ce qui leur estoit deu, avec une douleur et une bonté qui toucha le cœur de tous les soldats. Et dans ces dernieres années, toute l’Europe a veu avec quel courage Vostre Majesté a poursuivy et chastié les sujets rebelles qui vouloient troubler son elevation sur le trone. Mais, Sire, quelle estime n’a point pour Vostre Majesté Louis le Grand, ce prince si eclairé, et dont le nom seul jette tout à la fois dans l’esprit les idées de tant de gloire, de victoires, de prosperitez et de puissance, qu’on ne peut le prononcer, ny penser au monarque qui le porte sans terreur et sans etonnement ? quelle veneration toute la France n’a-t-elle pas pour vostre pieté ? Tous les peuples de cette invincible monarchie admirent la fermeté de vostre cœur, toujours inebranlable malgré les revolutions de la fortune. Ils voyent ce que le zele de Dieu vous a fait entreprendre, et les fatigues, que vous soutenez avec tant de courage, sont un eloge continuel de vostre vertu et de vostre attachement à la religion de vos peres, que les Anglois dans le siecle passé ont detruite dans vos royaumes. Quand apres cela je voudrois m’etendre sur la douceur, sur la liberalité et sur toutes les autres qualitez de Vostre Majesté, je vous louerois pas les endroits que vous estimez le moins, parce que ce ne sont que des choses naturelles, qui vous peuvent estre communes avec plusieurs princes. Mais, Sire, la pieté vous distingue, et vous eleve à cet estat admirable de patience chrestienne, qui vous fait resister à ces malheurs. Plaise au Ciel que vos malheurs changent et que Vostre Majesté devienne maistre des rebelles. C’est le cœur que fait pour vous, avec tout le zele, et tout le respect imaginable, Sire, de Votre Majesté, le tres humble et tres obeissant serviteur.
C. C.
[…]
[p. 1] La vie de tres haute et tres puissante princesse Henriette Marie de France, reyne de la Grand Bretagne
[…]
[p. 210] Elle vivoit au Louvre en cet estat malgré tous les soins du Roy et de la Reyne mere, qui avoient une sensible douleur de ne pouvoir luy fournir qu’un secours mediocre. Quelque danger où elle fust de sa vie, elle ne voulut point sortir de Paris, tant qu’elle crut estre utile aux affaires de Leurs Majestez par les avis qu’elle leur donnoit. Elle ne se mit en lieu de seureté qu’à la priere de la Reine mere, et sa sortie ne fut pas sans crainte. Elle apprehendoit non seulement les insultes du peuple, mais la dureté de ses creanciers, qui la menaçoient de faire arrester son carrosse, à quoy elle n’auroit pu resister, à cause de la mauvaise conjoncture du temps. Avant son depart, elle ecrivit à son monastere et manda aux sœurs de se disposer à la suivre ; mais elles la prierent d’agreer qu’elles se retirassent en un convent de leur ordre, où Sa Majesté les fit conduire dans ses carrosses. Apres les [p. 211] avoir retenues au Louvre quelques heures, et leur avoir donné toutes les marques d’une parfaite amitié, elle se retira à Saint Germain aupres du Roy et de la Reine mere, et quelque peril qu’il y eust dans les chemins, qui etoient remplis par l’armée des princes, elle trouva moyen d’ecrire à ses filles plusieurs lettres, qu’elles gardent avec beaucoup de soin, où elle continue de leur temoigner la mesme tendresse qu’elle leur a toujours conservée. […]
[p. 212] Enfin les choses estant adoucies, et les princes estant rentrez dans le devoir, la reine d’Angleterre revint à Paris, où elle demeura peu de jours pour aller plustost à Chaillot, et elle y trouva les religieuses qui y estoient retournées, et qui la receurent avec toute la joye imaginable. »

Cotolendi, Charles