Affichage de 98 résultats

Description archivistique
Chasse
Aperçu avant impression Affichage :

2 résultats avec objets numériques Afficher les résultats avec des objets numériques

Récit d’une chasse de Charles X à Saint-Germain-en-Laye

« [p. 351] Souvent encore je me prends à rêver ces matinées passées gaiement naguère à suivre le cerf au bruit éclatant de la trompe ; je dis bien rêver, car ma tête s’incline et tombe entre mes mains, et je m’abandonne à mes illusions. Alors je crois entendre le fracas de la chasse, les cris et les taïauts retentissant à mon oreille ; le son de la trompe vient s’éteindre et mourir dans mon âme comme un lointain soupir de bonheur. Oui, la chasse, la chasse avec ses piqueurs et ses fanfares, avec ses meutes, leurs voix confuses et glapissantes, avec ses chevaux, leurs galops et leurs hennissements, tout cela vient me pénétrer de souvenirs qui s’attachent aux débris de ma mémoire, comme l’essence de roses de Tunis s’identifie avec le vase qui la renferme.
Pendant les mois de janvier, février et mars, je me le rappelle, la vénerie du roi était établie à Saint-Germain-en-Laye.
En avril, c’était à Versailles, pour chasser dans les bois de Meudon.
En mai et juin, à Compiègne.
En juillet et août, à Rambouillet.
En septembre, le Roi faisait quelques chasses aux environs de Versailles, souvent à Satory.
A Fontainebleau, c’était en novembre et décembre, d’où l’on se rendait à Sénart pour la chasse de Saint-Hubert, qui avait lieu le 5 novembre, comme chacun sait.
Cet ordre de choses existait avant la révolution de 89.
Le roi Louis XVIII, qui tenait religieusement aux anciennes habitudes, décida, dès les premiers jours de la restauration, que les mêmes usages seraient suivis, et que les chasses à courre auraient lieu tous les cinq jours. Ainsi le roi Charles X avait trouvé à son avènement un règlement tout organisé en matière de chasse, auquel il n’avait eu qu’à se conformer.
[p. 352] Quand la vénerie était à Saint-Germain, une partie du personnel et des chevaux était logée à Versailles, où résidaient le commandant de la vénerie, les gentilshommes et les pages. L’ordre du roi était adressé à l’hôtel du grand veneur par des palefreniers des écuries ou des gendarmes d’élite, au commandant de la vénerie à Versailles, et au conservateur des forêts et chasses à Saint-Germain. Le commandant expédiait ses instructions au premier piqueur, et le conservateur transmettait aussi les siennes à ses subordonnés, de manière à ce que toutes les dispositions locales fussent faites.
Par un des premiers jours de janvier, dès cinq heures du matin, l’on voyait, par les principales et longues routes de la forêt de Saint-Germain-en-Laye, passer avec leurs chiens, la botte au cou, les valets de limiers qui allaient faire le bois. Le travail de ces gens consiste à détourner le cerf, pour connaître, au moyen des chiens, dans quel lieu l’animal s’est rembuche, et indiquer l’enceinte où il est sur le ventre.
Vers neuf heures, sur les routes qui conduisent à Saint-Germain, convergeaient tous les inévitables auxiliaires de la chasse, partis de plusieurs points d’un vaste cercle.
Des détachements de la gendarmerie d’élite s’échelonnoient pour l’escorte.
Des palefreniers, avec leurs costumes traditionnels du règne de Louis XV, conduisaient en main les chevaux que devaient monter le Roi et sa suite.
Des bouquets de grooms à la livrée capricieuse menaient aussi au rendez-vous d’élégants chevaux de pur sang, au poil ras et tondu, aux jarrets musculeux, aux sabots noirs et brillants, admirables et ravissants, produits des comtés de Kent et de Devonshire. Ils étaient destinés aux fashionables qui allaient s’élancer sur les traces du roi.
De loin en loin passaient rapidement des messagers. Ils venaient de Versailles, et ils avaient descendu la montagne du Cœur-Volant, de toute la vitesse de leurs montures, [p. 353] pour apporter des ordres du premier veneur. Le baron d’Harmencourt dans sa calèche, les officiers de vénerie dans leurs chaises à deux chevaux parcouraient la même route.
Venaient ensuite les pages à cheval, le porte-arquebuse dans sa voiture, où l’on voyait à ses côtés la longue carabine destinée à servir la bête ; puis, le caisson qui devait transporter le cerf. Parmi tous ces équipages, il était facile de distinguer ceux qui appartenaient au Dauphin; ils se faisaient remarquer par une rare élégance, dont le nom du duc de Guiche donnait aisément l’explication.
Deux cents chiens environ, réunis en un groupe docile, obéissant aux piqueurs qui les conduisaient, allaient se distribuer en différents relais. On voyait s’animer ces longues et tristes avenues, bordées d’arbres dépouillés par l’hiver, et dont les branches se détachaient en gris, comme les côtes d’un squelette gigantesque. Cet aspect de tristesse et de mort, que le ciel sale des matinées de janvier imprime à la nature, s’effaçait graduellement à mesure que le bois se peuplait. Dans les perspectives retirées des allées, et à travers les futaies, s’avançaient et passaient, tantôt un élégant équipage avec une corbeille de jeunes femmes ; on voyait bien aussi de temps en temps un maigre locatis porter péniblement son fardeau, quelques bourgeois de Saint-Germain avec leurs vieilles selles à la hongroise : c’étaient les épisodes grotesques de la fête.
Equipages, fourgons, chevaux, chiens, bourgeois, paysans, gentilshommes, merveilleux, palefreniers, postillons, tout ce monde, spectacle ou spectateurs, se dirigeait vers le rendez-vous de la chasse, et se croisait avec des valets de limiers qui n’avaient rien détourné, et s’en revenaient au chenil tout confus, avec leurs chiens, dans une contenance triste et honteuse.
Dans la partie la plus reculée, la plus solennelle, la plus égarée de la forêt, se trouve un petit pavillon d’une architecture moderne. Il fut édifié sur une partie de l’emplacement [p. 354] qu’occupait jadis le château de la Muette, ruineuse construction flanquée de tourelles que Louis XV fit démolir, et où François Ier, après une chasse à courre, éprouva un redoublement décisif de la maladie dont il est mort.
C’est là le point de ralliement, le lieu de réunion générale, le centre d’où partira et s’élancera la chasse avec son cortège et les abois.
A quelques pas du pavillon, et un peu avant dans le bois, l’ensemble des personnes qui se trouvaient réunies formait un coup d’œil propre à éveiller le génie d’un peintre de genre. C’était gai comme une scène de Swebach ; il ne manquait à l’harmonie du tableau que le mouvement des feuilles vertes bruissant au souffle du vent, et se jouant avec les rayons d’un soleil d’été.
Les valets de chiens et la vieille meute étaient groupés sur le sol dans des attitudes variées. Des curieux s’approchaient et tournaient autour d’eux, pour admirer la beauté des bêtes et l’attirail somptueux des hommes. Près d’une petite table, les pages, tout en s’ajustant, faisaient à la hâte un déjeuner champêtre, que leur offraient de sémillantes cantinières. Des dames à pied essayaient furtivement, malgré la consigne, d’approcher du pavillon ; d’autres, debout sur des chars-à-bancs, prenaient d’avance une position favorable pour ne rien perdre des détails de l’arrivée du roi.
A voir tout ce monde brillant de toilette et d’uniformes blancs et rouges ; à voir ces chevaux qui battaient et écrasaient le sol de leurs pieds, ce mélange de voitures bigarrées, ces valets qui buvaient et mangeaient en riant; à voir cette agitation et cette joie qui resplendissait sur les visages, on eût dit une halte capricieusement composée, telle qu’un artiste pouvait la concevoir en son imagination et l’exprimer sur la toile.
Le pavillon de la Muette est ouvert, deux gendarmes d’élite sont en faction à la porte, et le gros du détachement est négligemment assemblé en face. On entend dire : [p. 355] Monseigneur ! et l’on voit arriver à l’étoile irrégulière monseigneur le Dauphin.
Les gendarmes éloignaient les curieux, et se formaient en peloton.
Le prince aborde au perron, où étaient réunis les officiers de la vénerie et les gens de cour qui devaient assister à la chasse.
Le groupe s’ouvrit, et Monseigneur rentra au salon pour recevoir le rapport; puis s’introduisirent près de lui tous ceux que les règles de l’étiquette y appelaient, et à qui, par une faveur spéciale, avait été conféré le droit de revêtir l’habit de chasse.
Le Roi ne tardera pas à arriver ; car il est d’étiquette que le Dauphin précède son père d’un quart d’heure seulement, afin de le recevoir au pavillon.
En effet, ce laps de temps était à peine écoulé, qu’un gendarme, à bride abattue, paraissait à l’extrémité de la voûte du pavillon. Tout s’animait et s’ébranlait au sein du camp ; voici le terme de la halte. La voiture du roi passe avec sa parure de huit chevaux, son lourd cocher, son postillon dans ses bottes à chaudron. Puis vient à la suite la voiture qui renferme les seigneurs invités. Au même instant on annonçait le Roi.
Monseigneur le Dauphin, avec son cortège, attendait Sa Majesté au perron.
Elle reçut et lut le rapport du commandant; puis elle décida d’attaquer un cerf dix cors jeunement, détourné à la Salle Verte.
Le cheval du roi fut amené devant le perron. Le comte O’Egherti présenta au roi son couteau de chasse, et le premier écuyer porta la main à l’étrier pour le présenter à Sa Majesté, tandis qu’un piqueur maintenait la selle de l’autre côté.
Le Roi dit gaiement : « Messieurs, vous allez voir deux vieillards l’un sur l’autre ». Ce mot a fait fortune, car tout [p. 356] le monde sait que Stranger, la monture favorite du roi, était depuis longtemps à son service.
On se met en marche.
Sa Majesté est précédée de ses officiers de vénerie ; le Dauphin est à côté d’elle, le premier veneur à portée de recevoir ses ordres.
Le capitaine des gardes et le lieutenant de service sont auprès du Dauphin, et font partie du premier groupe.
La foule des spectateurs conviés s’est confondue et mêlée.
Ceux-ci cheminaient tous au pas, et s’en allaient lentement par la route de la Muette, vers l’étoile de la Salle Verte.
Ils ne tardèrent pas à arriver à l’enceinte où le cerf, tranquille, prenait son repos.
Trente chiens d’attaque, tenus par trois valets de chiens à pied, sont au carrefour.
Quatre des plus sages et des plus matois ont été découplés, et trois piqueurs foulent en les appuyant de la voix et de la trompe. Pendant ce temps, le commandant, les officiers et les pages sont en observation dans les routes.
Les hardes, qui restent pleines d’ardeur, ne gardent le silence que par l’effet du tout coi qu’on leur répète incessamment ; leurs regards tournés vers l’enceinte décèlent l’impatience qui les possède. C’est à grand’peine qu’on les retient.
Les voix se répètent de plus en plus ; les trompes accompagnent. Qu’elle est douce cette harmonie pour l’oreille des chasseurs! elle prépare aux taïauts joyeux qui se feront bientôt entendre. Sans doute, lorsque ce premier soupir de la trompe sera venu retentir à l’oreille du cerf pensif et ruminant sous les futaies solitaires, surpris d’abord et attentif, il aura dressé sa tête pour écouter cette sonore mélodie de mort. Au son répété de l’instrument qui le fait tressaillir, il s’est relevé et il s’est mis à écouter de nouveau. Un troisième son se fait entendre, ses oreilles [p. 357] se roidissent, son œil roule dans son orbite, il a bondi sur lui-même, comme pour essayer ses membres et sa vigueur élastiques. La trompe approche toujours et sonne aigu et fort. Alors un moment il hésite, car il veut se rendre compte de quel côté le péril vient plus menaçant pour lui.
Enfin il part.
On l’a vu!
Taïaut! taïaut ! a-t-on dit.
Ce cri est répété au loin.
Le Roi l’a entendu.
On sonne la royale.
Les chiens mordent leurs liens, on les découple avec peine. Ils ne comprennent plus la voix de l’homme, ils ne craignent plus le fouet : l’instinct est revenu tout entier.
Le Roi, guidé par le comte de Girardin, s’est élancé, suivi de ses officiers de service.
Le Dauphin, auprès de qui l’on voyait un piqueur portant la trompe, paraît à son tour, et semblait voler sur le léger cheval qu’il montait.
Tous les cavaliers se répandent en différentes directions dans la forêt.
Les équipages tiennent les larges avenues.
Des valets suivaient les chiens et les appuyaient ; d’autres se portaient en avant ; d’autres restaient sur les derrières pour observer.
Allons, sonnez, sonnez, piqueurs, sonnez ; trompes éclatantes, retentissez au loin, que la forêt répète ces bruyants éclats du cuivre en spirale qui déchirent l’air.
Meutes, aboyez, glapissez, poussez vos voix. Allons, allons, chevaux, hennissez, que votre galop rapide et régulier emporte ces cavaliers sur la trace du cerf, vous qui avez valu des prix à vos maîtres. Sly, la mignonne, Dash Coronats, laissez, laissez jaillir le feu de vos prunelles; que la mousse écume sur vos bossettes. Comme les arbres passent et courent! la forêt se meut, s’anime et danse aux accords des fanfares. Et toi, bondis à ton tour, pauvre cerf ; saute [p. 358] des fossés et des chemins; courbe ta tête gracieuse sur les épaules ; que tes jambes effilées et agiles effleurent à peine le sable ; va, va, tâche d’échapper à la poursuite de tes ennemis.
Ceux à qui le labyrinthe de la forêt est familier s’engagent dans des sentiers et des lignes diagonales qui abrègent ; les autres s’égarent et vont, bride abattue, dans de fausses directions.
Le cerf les a déjà entraînés près de Saint-Germain ; il a battu les environs de Poissy ; il est revenu à travers les sables de la croix de Noailles. Là, il a fait un détour, et ceux qui se trouvaient derrière sont maintenant les premiers. Le bien-alter qu’ils sonnent appelle les chasseurs qui s’emportaient dans une fausse route. Une grande confusion règne parmi les équipages et les cavaliers. On tourne bride ; on cherche à s’orienter, on va à droite, on va à gauche.
A chaque carrefour, où plusieurs issues se présentent, l’embarras redouble.
Allons, sonnez, piqueurs, sonnez; trompes éclatantes, retentissez au loin.
C’est affaire à toi, mon beau cerf; ta vigueur met tes poursuivants en défaut. Le nombre des chiens qui te harcèlent est bien réduit ; ils ne forment plus une masse compacte comme à l’attaque ; ils se suivent sur une longue file ; leur allure est lente, traîneuse et molle ; leurs langues sont pantelantes ; leurs queues basses frôlent et balaient la terre.
A eux donc les relais, ou le beau cerf va leur échapper.
Enfin, celui de la croix de Bercy a été donné de nouveau ; l’ensemble règne dans la meute, et la bête, essoufflée, n’a plus une avance aussi marquée.
Le roi n’a pas perdu la trace un seul instant ; il a suivi les anfractuosités, les lignes courbes, droites, brisées, du chemin qu’a parcouru le cerf ; il a été témoin de tous les incidents de la chasse, qui s’approche graduellement du château de la Muette.
[p. 359] Le cerf s’y fit voir plusieurs fois en traversant l’étoile de Saint-Sébastien, puis l’étoile de la Garenne ; bien approché par deux chiens de la première vitesse, il se forlonge ; poussé à vue, il a fait tête un moment de son front baissé, il a maîtrisé la rage de ses ennemis. Alors, rusant avec eux, il les a franchis d’un bond léger; mais dans cette voie qu’il veut prendre, il rencontre de nouveaux assaillants, et il se replie vers le château dont il fait au moins dix fois le tour.
Les curieux et les cavaliers se pressent sur ce point.
Pendant un quart d’heure, on jouit d’un hallali sur pied.
Le son des trompes réunies en bloc appela au loin tous ceux qui n’avaient pu suivre, ou qui avaient donné dans un défaut.
C’est là le morceau d’ensemble de cette symphonie, c’est le tutti bruyant.
La pauvre bête renonce enfin à fuir, le pressentiment de la mort a donné à son œil je ne sais quelle mélancolique expression de résignation ; elle a sauté la barrière qui environne le pavillon, elle s’accule au mur, et, noble jusqu’au dernier moment, elle attend son sort au milieu des chiens qui hurlent et la harcèlent.
Cependant le roi était descendu de cheval ; il prit la carabine des mains de M. de Vinfrais, et il mit fin, d’un coup, aux anxiétés de la pauvre bête. Tandis que les fanfares éclatent et célèbrent le succès de la chasse, un piqueur lève le pied du cerf, le natte et le donne au commandant ; celui-ci le remet au premier veneur, qui, le chapeau à la main, le présente au roi. Le roi lui-même se découvre pour le recevoir.
C’est l’acte final, c’est la clôture consacrée par l’usage et les règles immémoriales de l’étiquette qui préside aux chasses.
Le roi rentre au pavillon et demande sa voiture. Toute sa suite se dispose à partir. Bientôt on entendit le bruit mat du marchepied qui se déployait. On referma la [p. 360] portière, le lourd véhicule se mit en mouvement avec son escorte et ses écuyers cavalcadants.
On n’entendit plus que les rares fanfares que sonnaient, en se retirant, les piqueurs fatigués.
Les curieux se dispersaient de tous côtés, le silence, le sommeil des bois succédèrent au bruit et au spectacle, au mouvement et à l’agitation dont les yeux et les oreilles venaient de se rassasier. »

Lettre concernant l’interdiction de la chasse dans la capitainerie de Saint-Germain-en-Laye

« A Compiègne, le 13e juillet 1730
Le Roy étant informé, Monsieur, que les pluies et la gresle ont détruit beaucoup de gibier dans ses capitaineries, Sa Majesté m’a ordonné de vous écrire qu’elle souhaite que vous ne donniez dans l’étendue de celle de Saint Germain en Laye aucune permission de chasse jusqu’au premier octobre prochain, et même que les officiers donnent l’exemple en s’abstenant de chasser jusqu’à ce tems. Vous connoissez les sentiments avec lesquels j’ay l’honneur d’estre, Monsieur, votre etc. »

Seigneurie de Wideville

Lettre de Louis XV à son petit-fils, l’infant Ferdinand de Parme, mentionnant une chasse à Saint-Germain-en-Laye

« A Versailles, ce 22 janvier 1770
Mon cher petit fils,
Je suis charmé que vous ayez fait vos Rois gaiement, mandez m’en un peu de détails, car je sus charmé de voir que vous vous amusez convenablement à votre état. Nos glacières sont pleines et je pars pour la chasse à Saint Germain par un temps qui me paraît assez beau.
Je vous embrasse de tout mon cœur, mon cher petit fils.
Louis »

Lettre décrivant une chasse des fils de Louis-Philippe à Saint-Germain-en-Laye

« Paris, le lundi 20 juin 1842, à 8 heures et demie
J’espère que tu ne me reprocheras pas, cette fois, ma chère Henriette, d’abandonner le duc d’Aumale. Voici trois jours que je dîne avec lui, hier, avant-hier et mercredi ! Par exemple, il faut que j’y renonce aujourd’hui. Le prince a imaginé d’aller faire le bois ce matin à Saint-Germain. Voilà en quoi consiste cette plaisanterie : on se lève à une heure après minuit, on monte en voiture, on y dort de fatigue jusqu’à Saint-Germain où on arrive à deux heures et demie du matin. On se rend au chenil de l’équipage de chasse du prince royal, où on éveille en sursaut gens et chiens. On s’empare de deux ou trois limiers et on les lâche dans la forêt. La fonction des limiers est de dépister le cerf. On les suit comme on peut pendant plusieurs heures à travers ronces et broussailles, le pied dans la rosée et la tête dans le brouillard, et quand on a fait lever quelque grosse bête, cerf, daim, daim, chevreuil ou sanglier, ce qui ne s’obtient souvent qu’à la fuite d’une longue et pénible recherche, le tout est fait ; on a fait son bois, et on est autorisé à rentrer chez moi. Telle est la partie de plaisir à laquelle se livrent aujourd’hui le duc d’Aumale et son frère le duc de Nemours. Qu’en dis-tu ? Ne faut-il pas avoir le diable au corps pour s’amuser de ce qui est la corvée des autres ? car faire le bois a toujours [p. 253] passé pour la plus rude besogne des piqueurs et des valets de chien. Quand Jamin a reçu les ordres du prince pour cette équipée, il n’en pouvait croire ses oreilles, et il en pestait hautement. Il ressemblait à la poule qui a couvé des œufs de canards et qui les voit se jeter à l’eau sans pouvoir les suivre. Jamin suivra la chasse, mais en maugréant contre Dieu et les saints. Quant à moi, à qui la chasse a été offerte, je me suis prudemment récusé, d’autant que l’offre n’était qu’une ironie très fine à l’adresse de ma matinalité très suspecte.
Hier, à Neuilly, Madame m’a encore demandé de tes nouvelles. On admirait fort au Salon un tableau daguerréotypé dans lequel M. Eynard, le banquier philhellène, a représenté la famille royale, ornée de Jules La Rochefoucauld sur le second plan. C’est étonnant de ressemblance, ou plutôt c’est la nature prise sur le fait. Mais tous les visages sont noirs. Le daguerréotype ne peut pas faire autrement. Il en résulte que toute cette royale assemblée a l’air d’une réunion de nègres échappée au désastre de Saint-Domingue. Plus les attitudes sont vraies et naturelles, plus cette horrible couleur est laide à voir. »

Cuvillier-Fleury, Alfred-Auguste

Récit d’une chasse impériale à Saint-Germain-en-Laye

« Chasse à tir dans la forêt de Saint-Germain
Jeudi dernier, pendant tout le cours de l’après-midi, une partie de la forêt de Saint-Germain résonnait au loin du bruit des fanfares, des coups de feu et des aboiements des chiens. Une chasse à tir y avait lieu dans le tiré de Fromainville.
Partie de sa résidence de Saint-Cloud vers 10 heures du matin, Sa Majesté, accompagnée seulement de M. le comte de Bacciocchi, grand maître des cérémonies, traversait une heure après, sans escorte, notre ville, pour se rendre incognito au rendez-vous de chasse, qui eut lieu au rond du Parc, près de Fromainville.
De leur côté, LL. AA. II. le prince Napoléon et le duc d’Albe, MM. les ministres de la Guerre et de la Maison de l’Empereur, MM. les grand et premier veneurs, MM. le marquis de Toulongeon, le comte de Galvé, Edgard Ney et plusieurs autres personnages de la vénerie attendaient à la Muette l’arrivée de S. M. l’Empereur ; car, à cet endroit, d’abord, avait été fixé le rendez-vous, où se trouvaient aussi tous les équipages de chasse.
En apprenant l’arrivée de Sa Majesté au tiré de Fromainville, et le nouveau rendez-vous, tous les invités s’y rendirent et, vers midi, la chasse commençait pour se continuer sans interruption, jusque vers quatre heures. Amplement garni de gibier, ce tiré prêtait, du reste, parfaitement à la chasse, car nous tenons de source certaine que, pendant ce court espace de temps, plus de 600 pièces ont été abattues, parmi lesquelles on compte plus de 400 lapins, 5 chevreuils, des lièvres, des faisans, des perdrix et plusieurs autres pièces diverses.
Quelques promeneurs, attirés par les coups de fusil, se sont trouvés en forêt, près du lieu de la chasse, et sont rentrés à Saint-Germain vers six heures, en même temps que Sa Majesté, qui, comme le matin, traversa de nouveau notre ville dans le plus stricte incognito, sans escorte, comme un simple particulier, n’ayant dans son voiture, pour compagnon de voyage, que M. le comte de Bacciocchi. Tous deux retournaient à Saint-Cloud, où ils arrivèrent vers sept heures.
Quant aux autres personnages, qui, avec Sa Majesté, avaient pris part aux plaisirs de cette chasse, ils sont aussi rentrés en ville à la même heure, et regagnèrent leurs résidences respectives, après avoir, nous a-t-on dit, diné à Saint-Germain.
H. Picault »

Récit d’une chasse impériale à Saint-Germain-en-Laye

« L’Empereur est venu chasser à tir dans la forêt de Saint-Germain avant-hier jeudi. Prévenus par les dispositions ordinaires, les habitants de Maisons avaient pavoisé leurs fenêtres sur tout le parcours de Sa Majesté qui, traversant cette commune vers dix heures et demie pour se rendre à Fromainville, a été saluée par les plus vives acclamations de la foule qui l’attendait au passage.
L’Empereur, ainsi que les personnes de sa suite, étaient en voitures fermées attelées en poste, précédées et suivies de piqueurs à cheval. Commencée à onze heures, la chasse était terminée avant trois heures ; d’énormes feux de bivouacs avaient été allumés sur l’emplacement des tirés et près du pavillon rustique où l’Empereur et sa suite prennent un instant de repos. Le parfait état de santé de Sa Majesté a été remarqué avec plaisir par tous les assistants. »

Récit d’une chasse impériale à Saint-Germain-en-Laye

« Avant-hier jeudi, pour la première fois depuis son retour de Biarritz et le commencement de la saison, l’Empereur a chassé 5 tir dans les réserves de Fromanville. Parmi les personnes de distinction qui accompagnaient Sa Majesté, se trouvaient le général Fleury, M. le marquis de La Valette, le docteur Conneau, etc. Cette chasse a été favorisée par une belle journée d’automne exceptionnelle depuis quelques jours ; l’Empereur paraissait jouir d’une santé parfaite ; le service des rabatteurs a été fait comme toujours par des cavaliers à pied des Chasseurs de la Garde. Nous manquons jusqu’ici de détails plus circonstanciés. »

Récit d’une chasse impériale à Saint-Germain-en-Laye

« Lundi dernier, l’Empereur est venu chasser à tir à Saint-Germain. Sa Majesté est passée à Maisons à dix heures et demie ; la chasse a commencé à Fromainville à onze heures ; le déjeuner a eu lieu à midi à la chaumière rustique. A trois heures et demie, la chasse était terminée, le retour s’est effectué à quatre heures par Maisons, dont toutes les fenêtres étaient pavoisées sur le passage de l’Empereur.
Les personnages de distinction qui, avec ceux de la Maison et du service de l’Empereur, accompagnaient Sa Majesté étaient, autant qu’il nous a été possible de nous renseigner : MM. le prince Joachim Murat, de Corberon, Pietri, secrétaire ; le prince de la Moskowa, Costa de Beauregard, Raimbaud, écuyer ; Cruzman, officier d’ordonnance, et le docteur baron Corvisart. »

Mentions de Saint-Germain-en-Laye dans les mémoires de Brantôme

« [t. 2, p. 211] Il me souvient que nostre Roy dernier, Henry IIIe, faisant un jour la diete à Sainct Germain, où il s’estoit retiré à part hors de sa Court, qu’il avoit laissée à Paris avec la Reyne sa mere, un jour, moy y estant pour luy demander un petit don duquel on m’avoit donné advertissement, il me fit cet [p. 212] honneur de me laisser entrer en sa chambre à son disner, l’huyssier luy en ayant demandé congé, ainsi qu’il le permettoit à plusieurs, et non à tous. Je le vis disner, où estoit M. d’Arques, ne faisant qu’entrer en faveur, despuis M. de Joyeuse. Durant son disner, il se mit à parler de la grande depense que faisoient les gentilzhommes de son réaume, et principalement de sa Court ; que bien qu’il fist de grandz dons à sa noblesse, et non pas encor tant qu’il voudroit, que pourtant il ne falloit pas qu’ell’en abusast et mist tant en despances si superflues et excessives qu’elle faisoit.
[…]
[p. 405] Du temps du roy Henry II, y avoit en sa Court une tres grande dame et la plus belle de la Court (possible, quand je dirois de la chrestienté ne mentirois je) : ce fus madame de Guise ; et un jour, elle allant de Paris jusques à Sainct Germain, où estoit la Court, montée sur une hacquenée, et n’ayant avec elle qu’une seule damoiselle, un page et deux grands lacquais (car au matin ell’estoit allée à Paris faire un tour et puis s’en retourner aussi tost), et chevauchoit le plus roide qu’elle pouvoit, et à la plus grand chaleur du jour, pour se trouver au soupper de monsieur son mary, elle vint à rencontrer un honneste gentilhomme, capitaine qui estoit au service d’un beau frere de monsieur son mary. Le gentilhomme, qui estoit courtois et ne faisant que venir fraischement du Piedmont, et aiant demeuré un an sans venir à la Cour, et ne cognoissant pas la livrée qu’elle portoit, pour l’avoir changée despuis son partement, vint accoster ceste grande dame et l’arraisonner, pensant que ce fust un’autre dame de la Court, non si grande comme cella là ; et d’abordade [p. 406] luy va dire qu’elle chevauchoit fort roide, et comm’elle alloit par pays à la fraischeur de M. d’Imbercourt, et que la chaleur lui feroit mal. Elle fit de l’ignorante de ce proverbe et lui en demanda l’interpretation. Il la luy dict, et de propos en propos il l’entretint tousjours en cheminant, jusques à lui presenter son service, et quelquefois faisant semblant de lui vouloir toucher la jambe, qu’il ne voyoit que trop belle et trop tentative pour lui. Elle lui laissoit faire à demy ce qu’il vouloit, mais avecques toute modeste, et l’escoutoit parler (car il disoit tres bien) de l’amour, non pourtant sans rire soubs son touret de nez ; car, des ce temps, les masques n’estoient encor en usage pour cheval.
Enfin, estant arrivée à Sainct Germain, la dame, prenant son chemin pour aller au chasteau, le gentilhomme lui dist : « Madame, vous allez descendre au chasteau, et moy en mon logis. Dieu vous doint tres heureuse et longue vie, je suis vostre serviteur ! » Aussitost la dame, baissant son touret de nez, dict au gentilhomme : « Mon gentilhomme, je vous remercie de vostre compaignie ; je suis à vostre commandement : à jamais je me souviendray de la frescheur de M. d’Imbrecourt, pour l’amour de vous. »
Le gentilhomme fut si estonné de voir ceste dame, qu’il ne pensoit estre celle là, que soudain, sans dire mot, il tourne bride en arriere au grand gallop d’où [p. 407] il estoit venu, pensant avoir offensé ceste dame, et qu’elle luy en voudroit mal. Mais la dame despuis cogneut en lui qu’il pensoit avoir grandement failly et peché envers elle ; en fit le conte à son beau frere, à qui le gentilhomme estoit. Elle le pria lui mander de venir, et qu’elle n’estoit nullement faschée contre luy.
[…]
[t. 9, p. 491] Apres le roy Henry vint le roy François second, duquel le regne fut si court que les medisans n’eurent loisir de se mettre en place pour medire des dames : encore que s’il eust regné longtemps, ne faut point croire qu’il les eust permis en sa Cour ; car c’estoit un Roy de tres bon et tres franc naturel, et qui ne se plaisoit point en medisances, outre qu’il estoit fort respectueux à l’endroit des dames et les honnoroit fort : aussi avoit il la Reine sa femme, et la Reine sa mere, et messieurs ses oncles, qui rabrouoient fort ces causeurs et piqueurs de langue. [p. 492] Il me souvient qu’une fois, luy estant à Sainct Germain en Laye, sur le mois d’aoust et de septembre, il luy prit d’envie d’aller le soir voir les cerfs en leurs ruths en cette belle forest de Sainct Germain, et menoit des princes ses plus grands familiers, et aucunes grandes dames et filles que je dirois bien. Il y en eut quelqu’un qui en voulut causer, et dire que cela ne sentoit point sa femme de bien ny chaste, d’aller voir de telles amours et tels ruths de bestes, d’autant que l’appetit de Venus les en eschauffoit davantage à telle imitation et telle veue, si bien que, quand elles s’en voudroyent degouster, l’eau ou la salive leur en viendroit à la bouche du mitan, que peu apres il n’y auroit autre remede de l’en oster, sinon par autre cause ou salive de sperme. Le Roy le sceut, et les princes et dames qui l’y avoyent accompagné. Asseurez vous que si le gentilhomme n’eust sitost escampé, il estoit tres mal, et ne parut à la Cour qu’apres sa mort et son regne.
[…]
[p. 710] Il y faut aller le plus sagement que l’on peut et le plus hardiment aussi, et faire comme ce [p. 711] grand roy Henry, lequel, comme il estoit fort subjet à l’amour et fort aussi respectueux aux dames, et discret, et par consequent bien aymé et receu d’elles, quand quelquesfois il changeoit de lict et s’alloit coucher en celluy d’un’autre dame qui l’attandoit, ainsi que je tiens de bon lieu, jamais n’y alloit, et fust ce en ces galleries cachées de Sainct Germain, Blois et Fontainebleau, et petitz degrez eschapatoires, et recoings, et galletas de ses chasteaux, qu’il n’eust son vallet de chambre favory, dit Griffon, qui portoit son espieu devant luy avecques le flambeau, et luy après, son grand manteau devant les yeux ou sa robe de nuict, et son espée soubz le bras ; et estant couché avec la dame, se faisoit mettre son espieu et son epsée aupres de son chevet, et Griffon à la porte bien fermée, qui quelquesfois faisoit le guet et quelquesfois dormoit. »

Bourdeille de Brantôme, Pierre (de)

Résultats 1 à 10 sur 98