Saint-Germain-en-Laye

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Récit par le maître des cérémonies Nicolas Sainctot de la réception du dauphin dans l’ordre du Saint-Esprit au Château-Vieux

« [f. 209] Ceremonies observées lorsque le Roy fit monseigneur le Dauphin chevalier du Saint Esprit, 1682
Le premier jour de l’an, le Roy voulut conferer l’ordre du Saint Esprit à monseigneur le Dauphin. Il luy avoit envoyé en naissant le cordon et la croix du Saint Esprit, suivant en cela l’usage qui se pratique pour tous les Enfans de France, mais ces marques exterieures ne l’agregeant point à l’ordre, il le fit chevalier dans toutes les formes.
Ce mesme jour, monseigneur le Dauphin fit ses devotions de grand matin et communia par les mains du cardinal de Bouillon, grand aumosnier de France et grand aumosnier des ordres du Roy. Ensuitte, il vint chez luy se vestir de l’habit de novice, scavoir d’un pourpoint de toile d’argent, de chausses troussées de toile d’argent et de bas de soye de gris de perle, se chaussa d’escarpins de toile d’argent, avec des mules de velour noir, prit un capot [f. 209v] de velours noir doublé d’une toile d’argent, et mit une tocque de velour noir avec le bord retroussé d’un bouquet de plusieurs plumes blanches, au milieu desquelles estoit une egrette d’heron. Et à cet habit, qui est l’habit ordinaire des novices, il avoit fait ajouter des diamans en plusieurs endroits.
Sur les dix heures, monseigneur le Dauphin, precedé du sieur de Mesme, prevost et grand maistre des ceremonies de l’ordre, se rendit dans l’appartement du Roy. Le Roy aussytost fit entrer dans son cabinet les commandeurs et les officiers de l’ordre, où, selon les formes ordinaires, on arresta que monseigneur le Dauphin seroit receu chevalier.
Après une deliberation, monsieur le Duc, nommé pour parrain de Monseigneur, le conduisit dans le cabinet du Roy. Le grand maistre des ceremonies, le herault et l’huissier marchand devant luy.
Monseigneur, s’estant approché du Roy, se mit à genous sur un carreau pour recevoir l’ordre de Saint Michel, qu’il faut recevoir avant que d’entrer en celuy du Saint Esprit. Alors le Roy tira son espée et luy en donna un [f. 210] coup sur chaque epaule en disant : par saint Geroges et par saint Michel, je te fais chevalier. On employe le nom de saint Georges avec celuy de saint Michel parce que saint Georges est l’ancien patron des chevaliers.
Cette ceremonie finie, on marcha à la chapelle du viel chasteau en cet ordre :
L’huissier de l’ordre
Le herault de l’ordre
Le grand maistre des ceremonies, ayant à sa droite le marquis de Seignelay, grand tresorier de l’ordre, et à sa gauche le marquis de Chasteauneuf, secretaire de l’ordre.
Ensuitte marchoit seul le marquis de Louvois, chancelier de l’ordre.
Après quoy venoient les commandeurs, deux à deux, en cet ordre :
A droit estoient :
Le marquis de Gamache
Le marquis de Beringhen
Le duc de Saint Agnan
Le duc de Crequy
Le duc de Luynes
Le duc de Saint Simon
A gauche estoient :
Le marquis de Bethune
[f. 210v] Le duc de Montausier
Le duc du Lude
Le mareschal de Nouaille
Le duc de Chaulnes
Le duc d’Anguien seul
Monsieur seul
Monseigneur le Dauphin seul
Deux huissiers de la chambre du Roy portant leurs masses precedent le Roy.
Le Roy
A sa gauche, un peu devant, le marquis de Tilladet, capitaine des Cent Suisses
A sa droite, un peu derriere, le grand aumosnier en camail et en rochet
Le duc de Noailles, capitaine des gardes, derriere le Rot, ayant à sa droite le duc d’Aumony, premier gentilhomme de la chambre, et le duc de de la Rochefoucault, grand maistre de la garde robe, à sa gauche.
Le Roy passa par la salle des gardes, par le grand escallier, et par la cour du château. Les gardes du corps estoient en haye et sous les armes dans tous ces lieux, et les Cent Suisses aussy, dont les tambours battirent jusques à ce que il fut en sa place dans la chapelle.
Le Roy, apres avoir salué l’autel, se plaça dans son fauteuil posé sur le [f. 211] marchepied de son prie Dieu. Monseigneur le Dauphin se mit à droit sur un siege playant, Monsieur à sa gauche sur un siege playant, et monsieur le Duc hors du marchepied, sur un siege playant, les chevaliers à droit et à gauche sur des bancs.
Les officiers qui estoient demeurez debout à droit, proches leurs places, s’advancerent au milieu de la chapelle, saluerent l’autel et le Roy, puis, se tournant, saluerent la Reine qui estoit dans une tribune pour voir la ceremonie. Ensuitte, ils saluerent les chevaliers à droit et à gauche. Ce qu’estant fait, ils vinrent s’assoir sur des escabaus posés à droit, celuy de l’huissier vers l’hautel, celuy du herault un peu plus esoigné de l’autel, ceux du grand maistre des ceremonies, du grand tresorier et du secretaire de l’ordre sur une mesme ligne en s’aprochant du Roy, et celuy du chancelier plus pres de sa personne.
Ces saluts estoient inutils en ce temps là. Il faloit qu’après les avoir faits, il [f. 211v] s’ensuivit quelque action de ceremonie. Mais d’attendre que tout le monde soit entré pour le saluer, voilà ce qui me parroist à contre temps. Les officiers devoient, en entrant dans l’eglise, saluer le saint sacrement, c’est un respect qu’on luy doit, saluer la chaise du Roy, on salue son lict et celuy de la Reyne en entrant dans leurs chambres, et ils devoient ensuitte saluer la Reyne.
L’archevesque d’Auch, vestu pontificalement, vint s’agenouiller au pied de l’autel, d’où il commença le Veni Creator que la musique de la Chapelle continua.
A la fin de l’hymme, ce prelat salua l’autel, donna de l’eau benite au Roy, et commença ensuitte la messe.
A l’offerte, les officiers firent les mesmes saluts qu’ils avoient desja faits et, s’estant rangés, le grand maistre des ceremonies alla advertir le Roy par un salut particulier de venir à l’offrande. Il en fit un aussy à monseigneur le Dauphin, et un à Monsieur, pour les advertir d’accompagner le Roy.
[f. 212] Le Roy, s’estant aproché des marches de l’autel, baisa la patene et offrit le cierge que monseigneur le Dauphin lui presenta, et les ecus d’or que Monsieur luy donna, Monseigneur et Monsieur ayant receu des mains du grand maistre des ceremonies le cierge et les ecus d’or, dont le nombre est tousjours egal à celuy des années du Roy.
Après l’offrande, le Roy, retournant à son prie Dieu, fit un salut à l’autel, un à la Reine, et un de chaque costé pour les chevaliers.
A l’Agnus Dei, le grand aumosnier presenta au Roy la Paix à baiser, que le soudiacre luy apporta.
Sur la fin de la messe, les officiers firent ensemble les reverences, et le grand maistre des ceremonies fit un salut particulier au Roy pour l’advertir de se rendre au trosne qu’on luy avoit preparé à gauche, proche l’autel du costé de l’evangile.
Le Roy sortit de sa place, fit les [f. 212v] saluts, alla au trosne precedé des officiers de l’ordre et suivy du capitaine de ses gardes, du premier gentilhomme de sa chambre et du grand maistre de la garderobe, s’asit dans son fauteuil sous un dais et mit son chapeau.
Le grand aumosnier se mit derriere le Roy, le chancelier à droit avec le livre des Evangiles, le grand tresorier à costé du chancelier tenant le colier de l’ordre et le cordon bleu, le secretaire de l’ordre à gauche du Roy avec l’acte de serment, le herault et l’huissier au bas des marches du trosne.
Pendant que ces officiers prenoient leurs places sur le trosne, le grand maistre des ceremonies salua monseigneur le Dauphin pour luy marquer qu’il estoit temps de s’aprocher du Roy, Monsieur en particulier et monsieur le Duc pour les advertir tous deux d’accompagner Monseigneur.
Monseigneur le Dauphin, Monsieur et monsieur le Duc firent [f. 213] les reverences, s’approcherent du Roy. Monseigneur se mit à ses pieds sur un carreau de velour violet, Monsieur et monsieur le Duc se tenant debout à droit et à gauche, et le grand maistre des ceremonies prenant sa place à gauche, entre le Roy et le secretaire de l’ordre.
Le Roy, ayant pris du chancelier le livre des Evangiles, monseigneur le Dauphin mit la main dessus le livre, receut en mesme temps le serment, qu’il signa, la plume et l’acte de serment luy ayant esté presentés par le secretaire de l’ordre. Ce qu’estant fait, le sieur Gitonneau, premier valet de garderobe, estant de service aupres de monseigneur le Dauphin, luy osta le capot et le Roy luy mit le cordon bleu en luy disant : Recevés de notre main le colier de notre ordre du benoist Saint Esprit, au nom du père, du fils et du saint Esprit, et il luy mit le manteau et le colier de l’ordre.
Cette ceremonie finie, monseigneur [f. 213v] le Dauphin, se relevant, salua le Roy, demeura proche de luy, et les officiers descendirent de leur place, saluerent l’autel, le Roy, la Reine et les chevaliers. Alors, on commança à marcher dans l’ordre qu’on avoit gardé en venant et l’on alla dans l’appartement du Roy où, monseigneur le Dauphin l’ayant laissé, il retourna dans le sien precedé du grand maistre des ceremonies, du herault de l’ordre et de l’huissier de l’ordre. »

Récit par le maître des cérémonies Nicolas Sainctot de l’audience donnée par le roi à Soliman Aga, ambassadeur du sultan, au Château-Neuf

« [f. 124] Le 5e [décembre], le sieur de Berlise, introducteur des ambassadeurs, estant venu prendre Soliman dans les carosses du Roy et de la Reine, ils entrerent dans celuy du Roy avec les sieurs de la Giberti, l’interprete et l’aumonier. Ils dinerent à Chatou, où l’on amena les chevaux de la grande ecuirie qu’ils enharnacherent à leur mode [f. 124v] et qu’ils renvoyerent au Pec. Ils decendirent de carrosse et monterent sur les chevaux qui les attendoient, se mettant en marche deux à deux, ayant le sieur Giraud à leur teste.
Soliman marchoit entre le sieur de Breslise et le sieur de la Giberti, ayant son interprete devant luy. Une des circonstances qui est plus à remarquer est que les Turcs estoient sans armes et que Soliman n’avoit pas meme de sabre. Ils entrerent en cet ordre dans la cour du chateau neuf, où ils trouverent des bataillons formez par les compagnies des regimens des gardes françoises et suisses et des escadrons formez par les mousquetaires. Les chevaux legers, les gendarmes, les gardes du corps, les gardes de la porte, les archers du grand prevost, les Cent Suisses estoient en haye depuis la porte de la petite cour jusqu’au haut du perron. Soliman mit pied à terre dez l’entrée de la petite cour, n’estant pas suffisante pour contenir le nombre de chevaux qui l’accompagnoient, et marcha à pied dans le mesme ordre qu’il estoit venu, passant au travers de la garde ordinaire des gardes du corps qui se trouverent sur le perron dans la salle des gardes. De là, il passa dans plusieurs chambres superbement tendues et se rendit ainsy dans la grande galerie [f. 125] où le Roy l’attendoit.
Cette galerie estoit parée de plusieurs belles tapisseries de la Couronne. Tout le parterre etoit couvert de tapis de pied et les deux costez de la galerie estoient remplis de grands vases d’argent elevez sur des pies destaux aussy d’argent. Au bout de la galerie estoit un trone elevé sur huit marches orné de pareils vases et de caisses d’argent dont le prix estoit de plus de vingt millions. Monsieur, M. le Prince et M. le duc d’Enguien estoient à ses costez, vestus de tres superbes habits, et tous les seigneurs de la cour, qui estoient en si grand nombre qu’ils formoient un triple rang le long de la galerie, estoient aussy tres magnifiquement habillez.
Lorsque Soliman entra dans la galerie, le bruit qui s’y faisoit auparavant cessa d’une manière si surprenante, au seul signal que Sa Majesté fit, qu’il a declaré depuis avoir esté surpris du profond respect que les courtisans rendent au Roy.
Quelque temps quant Soliman entrast dans cette galerie, il tira la lettre du Grand Seigneur d’une toilette qui estoit renfermée dans un sac de brocard de la longueur d’un pied et la tint dans ses mains, elevée de la hauteur de sa barbe, marchant toujours entre les sieurs de Berlise et de la Giberti jusques au pied du trosne, faisant avec tous ses gens le mesme nombre de reverences que le sieur Giraud qui estoit à leur teste.
Soliman, estant arrivé au pied des degrez du trone, fit une profonde reverence et commença son compliment, qui fut expliqué par son interprete en ces termes : Sire, Soliman Aga dit à Vostre tres haute et tres puissante Majesté imperiale que le tres haut et tres puissant empereur ottoman sultan Mahomet Han, quatrieme du nom, son maitre, l’envoye à Vostre tres haute et tres puissante Majesté imperiale luy porter cette lettre et luy dire que les deux empires ont toujours esté en tres bonne intelligence, qu’il en souhaite la continuation et que, pour cet effet, il a retenu M. de la Haye Ventelet, ambassadeur de Vostre Majesté imperiale à la Porte et souhaite à vostre tres haute et tres puissante Majesté imperiale toute sorte de bonheur, de felicité et de prolongation de vos jours. A quoy le Roy repondit qu’il avoit toujours eu bien de la joye [f. 126] de voir l’intelligence qui estoit entre les deux empires, que de son coté il contribueroit toujours à l’entretenir et qu’il pouvoit remettre sa lettre entre les mains de M. de Lionne. L’interprete ayant fait attendre à Soliman la reponse du Roy, Soliman dit à Sa Majesté que le Grand Seigneur, son maitre, luy ayant commandé de remettre sa lettre entre les mains propres de Sa Majesté, il la supplioit de luy faire cet honneur. Sa Majesté luy ayant accordé volontiers cette grace, il monta les degrez du trone, tenant toujours sa lettre elevée. Estant au dernier degré, et voyant Sa Majesté ne se lever pas pour recevoir la lettre, il dit que, lorsque le Grand Seigneur, son maitre, la luy avoit donné, il s’estoit levé en signe d’estime et d’amitié pour Sa Majesté, qu’il la supplioit de vouloir la recevoir de la mesme manière qu’il la luy avoit donnée. Le sieur de Lyonne, ayant appris par l’interprete le dessein de Soliman, lui demanda qui pouvoit estre garand de ce qu’il advançoit, ce qui neantmoins ne lui fut point interpreté, le Roy dans le moment s’estant tourné vers le sieur de Guitry, grand maitre de la garde robe, qui s’estoit autrefois trouvé à la Porte à l’audiance de M. de la Haye, luy [f. 126v] demanda si le Grand Seigneur s’estoit levé lorsque son ambassadeur luy avoir rendu sa lettre. Le sieur de Guitry luy ayant repondu que non, dit tout haut que, puisque le Grand Seigneur en recevant ses lettres par les mains de ses ambassadeurs ne se levoit pas, il ne se leveroit pas, aussy qu’il n’avoit qu’à donner sa lettre. La volonté du Roy estant connue à Soliman, il baisa le sac où estoit la lettre et, après l’avoir fait toucher à son front en faisant une profonde reverence, il la presenta au Roy qui la prit et la donna à M. de Lionne, qui appella les interpretes, le sieur Delacroix et le chevalier Dervius.
Dans le temps que les interpretes lisoient la subscription qui estoit sur un parchement et qui fermoit l’entrée du sac et qu’ils expliquoient au Roy les qualitez que le Grand Seigneur lui donnoit, Soliman descendit au bas du trone apres avoir fait une reverence, où estant, et branlant la teste, il dit tout haut que le Grand Seigneur ne seroit pas satisfait de la manière que le Roy recevoit sa lettre. Sa Majesté s’estant apperceu de ce mouvement de colere, demanda ce qu’il avoit dit, et luy ayant esté expliqué, aussitost dist tout haut et d’un ton serieux qu’il verroit la lettre et qu’il feroit reponse. Soliman, ayant sceu par son interprete ce que le Roy [f. 127] venoit de dire, il se retira en faisant trois reverences, apres lesquelles, ayant voulu tourner le dos à Sa Majesté, le sieur de la Giberti, qui estoit à sa droite, luy fit aussitost tourner le visage jusques à ce que le vuide qui estoit entre le Roy et Soliman fut remply et qu’il ne fut point en estat d’estre apperceu de Sa Majesté. Soliman se retira dans le mesme ordre qu’il estoit venu et remonta à cheval avec toute sa suite hors les portes du chateau neuf. »

Récit par le nonce Gualterio de la mort de Jacques II à Saint-Germain-en-Laye

« Su l’avviso che giunse la notte de 12 del corrente dello stato pericolossimo in cui si trovava il Re britannico stimo il nunzio a proposito di traferirsi la matina seguente alla corte de San Germano. Vi trovo S. M.tà con febre, che gli ripligliava per fino a tre volte il giorno con una prostratione totale di forze, e con una sonnolenza gravissima, la quale lo faceva continuamente dormire senza pero impedirgli di riscuotersi ogni volta che volevano dirgli qualche cosa e di rispondere adattatamente con uso di ragione che ha conservato sempre intierissimo per fino all’ultimo. I medici lo facevano fino d’allora disperato, onde il nunzio predetto credette che per edificazione delle due corti e per dimostratione di riconoscenza ad un prencipe ch’era stato coisi fedele alla Chiesa gli corresse debito di assistergli per fino all’ ultimo respiro, si come ha fatto in effetti non abbandonandolo né giorno né notte dal martedi matina perfino al venerdi sera in cui rese l’anima a Dio. Continuo è stato altresi il concorso d’' prencipi della case reale e de gran signori che sono andati a sapere di mano in mano lo stato della sua salute, mà tra gli altri si è distinto con particolari marche d’affetto il sig. prencipe di Conti che per essere cugino germano della Regina ha voluto usare con essa particolari finezze restendo tutti que’ giorni dalla matina per fino alla sera in San Germano. Il Re ha mandato ogni giorno più signori della prima sfera ad informasi dello stato delle cose, et il mercordi dopo desinare vi venne egli stesso in persona. Il nunzio si ritrovava nella stanza della Regina quando fù portato l’avviso della sua venuta. S. M.tà gli disse che non haverebbe voluto che il Re Christianissimo passasse per la stanza dell’infermo, dubitando che si come s’erano sempre teneramente amati cosi potesse seguire una vicendevole commotione in vedersi, e lo incarico di procurare d’indure S. M.tà a passare per un picciolo balcone al di fuori. Il nunzio prego il sig. duca di Lauson [Lauzun] ad insinuarlo a S. M.tà, il quale non fece difficoltà di prendere quella strada mà trovato poi esso nunzio sul medesimo balcone gl’espresse un sommo desiderio di vedere onninamente il Re Britannico, in maniera che si concerto che cio sarebbe seguito appresso la visita della Regina. Entrata S. M.tà nella di lei stanza, fece instanza che si chiamasse il prencipe di Galles. Venuto questi rimasero tutti tre soli, mà si è poi saputo per bocca del Re medesimo che il picciolo prencipe si come era stato un tempo considerabile senza vedere la madre cosi subito che fù entrato nella camera senza riguardo del Re presente gli si getto al collo e ivi con molte lagrime s’abbracciarono cosi teneramente che il Re dice d’havere havuto della pena a distaccarli l’uno dell’alltra. La Regina a cui tratanto il. Re haveva communicato la propria intentione notifico al prencipe la risoluzione presa da S. M.tà di riconoscerlo e trattarlo da Re ogni volte che venisse a mancare il Re suo padre. Il fanciullo che non havea notizia alcuna dell’avvenimento e che non poteva havere ne tampoco sepranza nientedimeno riceve tal avviso come se vi fosse stato preparato, e gettandosi a i piedi del Re gli desse queste precise parole: Io non mi scodero mai che sete voi che mi fate Re, e qualsivolglia cosa che mi succeda impiergaro questa dignità a farvi conoscere la mia riconoscenza. Il Re gli disse che lo faceva volontieri mà sotto conditione che conservasse sempre immutabile le religione cattolica, in cui era stato educato, mentre se fosse stato mai possibile ch’egli l’abandonnasse o volesse anche solamente nasconderla non solo perderebbe affatto la sua amicitia mà sarebbe risguardato con horrore di tutti gl’huomini da bene che sono nel mondo e come l’ultimo e il più vile degl’huomini. A che il prencipe rispose con le proteste della maggiore costanza. Più altre cose furono dette vicendevolmente sopra lo stesso argomento; dopo di che il prencipe si ritirà et essendo uscito dalla camera dirottamente piangendo dette motivo a milord Perth suo governatore di dimandargli che cosa gl’havesse detto il Re di Francia: mà gli rispose che ne haveva promesso il segreto a S. M.tà e che non poteva violarlo. In effetti non vole dirle cosa alcuna. Bensi tornato al suo appartamente si rinchiuse nel gabinetto e si pose a scrivere e domandatogli dal governatore medesimo cio che notasse disse senz’ altro ch’era il discorso tenutogli dal Re Christianissimo, il quale voleva poter rileggere tutti i giorni della sua vita.
S. M.tà fini tratanto la visita della Regina et accostandosi al letto del Re infermo gli fece i più cordiali complimenti. L’altro assopito nella sua sonnolenza habbe sul principio qualche difficoltà a riconoscerlo e l’andava ricercando quasi sospeso con gl’occhi, mà rivoltosi finalmente alla parte ove il Re era, tosto che l’hebbe veduto pose la bocca al riso e dimostro un estremo piacere. La ringratio poi di tutte le finezze le quali qu’usava e singolarmente d’havergli mandato il giorno antecedente il suo primo medico. Dopo varie espressioni d’affetto il Re Christianissimo disse che haverebbe voluto parlare di qualche negozio a S. M.tà Britannica. Ciascheduno volea ritirasi per rispetto mà il Re comando che tutti si fermassero et alzando la voce disse che volea assicurarlo che quando Dio havesse fatto altro di lui, haverebbe presa cura particolare del principe di Galles, e non minore di quella che potesse haverne esso stesso se fosse vivo; che dopo la sua morte lo riconoscerebbe per Re e lo trattarebbe nella medesima forma con cui haveva trattato lui medesimo. Cio che gli rispondesse il Re Britannico non pote udirsi perchè l’Inglesi, de’ quali era piena la camera e che non solamente non s’attendevano ad una tale dichiaratione mà per il contrario haveano probabilità tali da credere tutto l’opposto dettero tutti un’alto grido di Viva il Re di Franci, e gettandosi a i piedi di S.M.tà gli testimoniaronon la loro gratitudine d’une maniera che quanto era più viva et in un certo modo lontana dal rispetto ordinario tanto maggiormente mostrava i sentimenti de loro cuori. Il nunzio dopo haver dato luogo a tal transporto di gioia in quelle genti s’accosto ancor’egli a S. M.tà e gli disse che lo ringratiava a nom di tutta la Chiesa dell’atto eroïco il qual veniva di fare, pregando Dio a volerglielo ricompenzare con altretante fecilità. S. M.tà rispose allora con somma benignità e poi esso nunzio essendo andato servendolo per fino alla carrozza lo richiamo per strada e gli soggiunse ch’egli ben sapeva di quale importanza poteva essere tale risoluzione e conosceva le difficoltà che potevano esservi state mà che il rispetto della religione havea sorpoassato ogni cosa e ve lo haveva unicamente determinato. Si sa poi S. M.tà haver detto in appresso che ben conosceva tutti gli pregiuditii che poteva recargli una cosi fatta determinazione, la quale haverebbe dato pretesto al prencipe d’Oranges d fare de’ strepiti in Inghilterra di suscitargli contro il Parlemento e forse di caggionargli la guerra mà che havea voluto che gl’interessi della religione passassero innazi a tutte le altre cose, lasciando a Dio la cura del resto. In effetti si penetra che la maggior parte del Consiglio fosse di contraria opinione e che l’operato si debbia al solo arbitrio del Re. E’vero che i prencipi della casa reale erano stati di tal desiderio et hanno dimostrato una somma sodisfazione del successo; il duca di Borgogna particolarmente, che se n’espresse ne’ termini più forti che possino imaginarsi.
Ritornando al Re defonto è certo che questa è stata la maggiore consolazione che potesse havere morendo, mentre altro affare temporale non gl’occupava la mente. Ne ha dati altresi gli contrassegni maggiori mentre ordino subito che il prencipe si traferisse a Marli per ringraziarne S. M.tà se bene la Regina non giudico poi d’inviarvelo havendosi mandato in sua vece milord Midleton suo primo ministro. La matina seguente si fece chiamare di bel nuovo esso prencipe e parlandogli del medesimo affare gli ricordo la fedeltà a Dio, l’ubidienza alla madre e la riconoscenza al Re Christianissimo. Né poi ha parlato con alcun prencipe o signore della corte di Francia che non gl’habbia tenuto ragionmento sopra di cio et espressegli le grandi obligazioni che sentiva sù tale soggetto. Queste sono state le sole parole ch’egli habbia impiegate negl’affari del mondo. Tutto il rimanente non ha risguardolo che il Cielo, eccitando di tempo in tempo i preti e i religiosi che l’assistevano a dire delle orazioni, scegliendo esso stesso quelle che maggiormente desiderava e sopra tutto mostrando un sommo desiderio et una somma divozione della messa, recitandosi la quale egli che nel rimanente del tempo soleva essere addormentato si è sempre tenuto con gl’occhi aperti e facendo con la testa tutti que’ segni di venerazione che la sua positione e la sua debolezza potevano permettergli all’elevazione. Fino agl’ultimi respiri è stato udito recitare delle preghiere et allorché gli manco la voce fù veduto movere a tal ogetto le labra. Oltre di cio ha dimostrata una tranquilità d’animo infinita et una rassegnatione eroica al divino volere: consolandro egli stesso la Regina del dolore che dimostrava per la sua perdita. Ha finalmente dell’infermità et havendo sempre riposto che stava bene. Ha habuto una esatta ubidienza alle ordinationi de’ medici et ha preso senza replica tutto quello che hanno voluto dargli benche vi havesse per altro ripugnanza. Finalmente ha havuto sempre il giuditio sanissimo e la mente etiandio più pronta e più libera di quella che l’havesse per molti mesi antecedenti. Gli è durato de lunedi fino al venerdi sempre in una specie d’agonia patendo varii accidenti che di tanto in tanto facevano crederlo vicino a morire e risorgendo un momento appresso. Gl’ultimi singulti della morte furono brevi e non durarono lo spatio d’un hora e mezza ancor’essi assai miti e cher per quanto pote osservarsi non gl’erano un gran tormento. Spiro venerdi alle tre e mezza della sera pianto con caldissime lagrime da suoi tanto cattolici che protestanti, i quali l’hanno tutti per tanti giorni servito con un’amore et attenzione indicibile. La Regina non ha fatto un tutto questo tempo che piangere mà senza pero abandonare la cura degl’affari correnti. Morto il Re le più grandi angoscie mà persuasa alla fine di lasciarsi mettere in carrozza si è trasferta ad un convento delle monache della Visitatione posto in un villaggio vicino a Parigi per nome Challiot ove si tratterrà fino lunedi sera. Il Re s’era offerto di accompagnarvela in persona mà non ha voluto permetterglielo. Si ritroverà bene a S. Germano nel ritorno che S. M.tà vi farà per riporla nel suo appartamento, et allora si crede che visitarà la prima volta il successore in qualità di Re.
Il nunzio credette di non dover frapporre indulgio alcuno a far questa parte per dare un’esempio autentico agl’ altri ministri e per dimostrare tant maggiormente al nuovo Re la benevolenza della Sede Apolostica, onde passo subito a complimentarlo nel sup appartamento, dicendogli che nel gravissimo dolore che la Chiesa sentiva per la perdita d’un membro cosi principale qual era il Re defunto non poteva invenire maggiore consolazione di quella che gli proveniva dal riconoscerne S. M.tà per successore, non dubitendo che dovesse essere herede ugualmente delle virtù che delle corone del Padre e particolarmnte in cio che risguarda la costanza nella religionez per cui quel principe era stato cotanto glorioso. Rispose che S. S.tà poteva essere certa di haverlo sempre altretanto ubidiente quanto sia stato suo padre. Le disposizioni venture di quella corte non sono per ancora mote mà si avviseranno in appresso. In quanto alle ossequie S. M.tà Christianissima voleva fargliela fare reali a sue spese mà il Re defonto raccommando d’essere sepolto senze pompa e la Regina ha poi talmente insisito sopra la medesima istanza che si à rimasto di far transportare il cadavere senza pompa alle benedittine inglesi per tenervelo in deposito per fino a tanto che piaccia a Dio di disporre le cose in maniera da poterlo riportare nel sepolcro de suoi maggiori in Inghilterra. Ha bensi S. M.tà fatto fare un cuore d’argento dorato coronato alla reale per rinchiudervi quello del del defonto già trasferito segretamente a Challiot per essere risposto vicino a quello della Regina sua madre che si conserva nel medesimo luogo. Pensa inoltre a tutto cio che possa essere di sollievo, di conforto e di commodità alla Regina e procura d’usargli tutte le finezze possibili per consolarla. Il che si rende più necessario quanto l’afflittione dell’animo reca alla medesima pregiudizio anche nel corpo, trovandosi hoggi travagliata da mali di stomaco e da una straordinaria debolezza benche speri che le cose non siano per passare più oltre. »

Gualterio, Filippo Antonio

Récit par son confesseur des derniers jours de Louis XIII à Saint-Germain-en-Laye

« [f. 1] Au Roy
Sire,
Les royaumes ne sont jamais plus heureux, ny les Estats plus florissans, que lorsqu’ils sont pour appuy la pieté et la justice, comme deux fortes et [f. 1v] fermes colonnes, pour les soutenir contre les attaques qui secouvent, et mesmes ebranlent souvent les empires. Le pieté, Sire, fait rendre à Dieu ce qui luy est deu, et la justice fait rendre aux hommes ce qui leur appartient, et lorsqu’on s’acquitte de ces deux obligations, que Dieu etend egalement à tout le monde, on accomplit tous les devoirs de le pieté et de la justice chrestienne. Il est vray, Sire, que ces deux vertus sont comme hereditaires [f. 2] dans la maison et dans la famille royale. Mais si c’est une grande gloire aux enfans de ressembler à leurs peres, je puis dire que Votre Majesté fait bien paraitre par les genereuses actions de sa vie, et par les louables inclinations de son naturel, qu’elle n’herite pas moins de la pieté et de la justice, que du sceptre et de la couronne du glorieux saint Louis son ayeul, qui a merité des autels, et de Louis le Juste son pere, de triomphante mémoire, de qui je presente [f. 2v] à Votre Majesté le fin heureuse, sous le titre de l’Idée d’une belle mort, qui a esté comme le fruit des merites d’une vie parfaite et innocente qu’il a passée dans l’exercice continuel des actes, de ces deux illustres vertus. Ces vertus, Sire, l’ont fait triompher durant sa vie, soit des rebelles ennemis de sa religion, soit des autres ennemis jaloux de la grandeur de son Estat, et apres sa mort, le bruit commun porte qu’elles luy ont fait visiblement donner courage [f. 3] à vos legions qui combattoient dans les plains de Rocroy pour la defense de vostre Couronne et gaigner une victoire dont les fruits ont esté si doux que nous les avons goutez longtemps, par les merveilleux avantages que vos armes victorieuses ont remporté sur vos ennemis. Ce seront aussi les mesmes vertus qui maintiendront, Sire, tousjours vostre Estat en cette haute reputation où nous le voyons aujourd’huy, et dans [f. 3v] ce grand eclat de gloire, où vos alliez l’admirent et vos ennemis le redoutent. C’est enfin, Sire, le motif des vœux de celuy qui est autant par inclination que par devoir,
De Votre Majesté,
Le tres humble, tres fidelle et tres obeyssant serviteur et sujet,
Antoine Girard, de la compagnie de Jesus
[f. 4] Avis au lecteur
Vous devez scavoir, mon cher lecteur, que ce recit de la fin heureuse de Louis XIII et des grands actes de vertu qu’il a prattiquez avant son heureux trepas est tiré d’un œuvre posthume, ou de quelques memoires du feu pere Jacques Dinet, qui est d’autant plus croyable en toutes les circonstances qu’il en rapporte, qu’alors il estoit present à tout, comme celuy qui avoit l’honneur d’estre confesseur de Sa Majesté et qui, apres M. l’evesque de Meaux, son premier aumonier, a beaucoup servy à la gloire et à l’heureux succes d’une action si importante. C’est pourquoy il parle luy mesme en tout ce recit, mais il ne parle que de plusieurs bons sentimens que ce grand Roy eut en sa derniere maladie et à sa mort, sans toucher aux autres belles actions de sa vie, ny à tant de rares vertus qu’il a tousjours si heureusement pratiquées, comme lorsqu’avec une particuliere confiance en Dieu et une merveilleuse fermeté d’esprit, il fit mander à la feue Reyne sa mere, durant la grande maladie qu’il eut à Lion et dont il ne releva que par miracle, qu’elle pouvoit venir voir son fils, qui estoit malade à la mort, et neantmoins qui n’avoit point peu de la mort. Comme encore lorsque, par une pieté et une devotion extraordinaire envers [f. 4v] le saint sacrement de l’autel, il dit une parole digne d’un Roy Tres Chrestien ; car, suivant un jour à pied le dais sous lequel estoit le saint sacrement, dans une procession qu’on faisoit à Chartres durant les plus grandes chaleurs de l’esté, et M. de Chartres priant ce grand prince de se mettre à l’ombre sous le dais, où il luy montroit de la place, il fit refus de s’y mettre et en donna la raison, disant que Dieu n’avoit point de compagnon. Comme aussi lorsque par un grand zele de justice, il fit response à quelques personnes des plus considerables de la cour qui le sollicitoient puissamment de quelque faveur et de quelque grace qui sembloit choquer cette divine vertu, dont il portoit le nom de juste, et leur dit qu’on luy pouvoit bien oster son sceptre et sa couronne, mais qu’on ne luy osteroit jamais le merite ny le nom de juste, qu’il preferoit à toutes choses. Comme enfin lorsque, par une entiere victoire qu’il avoit acquise sur ses passions, il s’estoit rendu comme insensible en mille occasions d’appas et de charmes, où la pluspart du monde se perd. Voilà quelques traicts de sa vie et de ses vertus, qui luy ont fait meriter une mort si douce et si heureuse, qui est rapportée en cette histoire, où j’avoue que je contribue seulement me plume et un peu d’ordre, la Reyne mesme m’ayant fait l’honneur de me temoigner qu’elle desiroit de moy ce service et qu’il y a dejà longtemps que cela devoit estre fait. C’est donc ce que je me suis efforcé de faire pour obeir à Sa Majesté, mettant un peu plus au net [f. 5] les pensées du pere qui en est l’autheur, et ses reflexions qui ont esté si puissantes sur l’esprit de quelques personnes que, les lisant, elles n’ont pu tenir les larmes, à la veue de tant de douleurs qu’a souffertes et de tant de vertus qu’a pratiquées ce pieux monarque. C’est de quoy j’ay bien voulu, mon cher lecteur, vous donner avis, afin de vous exciter à faire de bon cœur lecture de ce recit, qui n’est pas trop long pour vous ennuyer, et neantmoins qui sera capable de produire en vous un grand fruit, si vous la faites avec quelques uns des bons sentimens qu’avoit en mourant ce bon prince.
[p. 1] L’idée d’une belle mort, ou d’une mort chrestienne, dans le recit de la fin heureuse de Louis XIII, surnommé le Juste, roy de France et de Navarre
Tout homme qui ne considere cette vie que comme une voye tendante à la gloire de la bienheureuse eternité, s’il en use bien et s’il luy donne un si bon employ qu’il s’efforce, avec son industrie aidée de la grace, d’en eviter tous les mauvais pas, d’en avoir mesme en desir la fin, de la demander tous les jours heureuse à Dieu [p. 2] et de l’attendre sans inquietude, ayant toujours son sauveur en veue, et à la vie et à la mort, merite sans doute, au jugement de tous les plus sages, la louange de scavoir l’art de bien mourir, apres avoir sceu l’art de bien vivre.
C’est justement ce que Louis le Juste, de triomphe mémoire, a fait durant le cours de sa vie, et ce qu’il a pratiqué encore avec plus de montre et avec plus d’eclat sur la fin.
Il est vray que je m’estoit promis de la plume de ses historiographes que, lorsqu’ils seroient venus à ce poinct, qui est l’un des plus importans de toute sa vie, où ils verroient une idée parfaite d’une belle mort, ils auroient dessein de nous la representer avec ses louables circonstances comme un beau tableau avec ses vives couleurs, tant pour honorer la mémoire de ce grand prince que pour servir d’exemple et de modele à toute la posterité.
Mais voyant que ceux qui ont publié ce qu’ils en ont pu apprendre par la relation d’autruy n’en ont escrit que comme en passant, j’estime que je feray plaisir aux autres, qui ne se sont point tant hatez d’escrire, de les aider de mes reflexions sur certains choses plus considerables que je luy ay veu faire et ouy dire, deux mois au plus avant son trepas, [p. 3] et dont la Reyne, pour sa consolation, a voulu voir le recit que j’en ay tracé, avec tout le soin et toute la fidelité possible.
La maladie qui donna les premieres attaques au Roy devant Perpignan l’avoit reduit à ce poinct de debilité et de langueur qu’il ne regaigna qu’à toute peine le doux air de Fontainebleau et de S. Germain, et là mesme il eprouva une si grande varieté dans les changemens d’une santé incertaine, pendant les mois d’aoust, de septembre, d’octobre, de novembre, de decembre et jusques à la my fevrier de l’année 1643, que, quelque bonne opinion qu’en put avoir toute sa Cour, luy, qui sentoit fort bien son mal, en fit tousjours un tres mauvais jugement, de sorte qu’apres avoir pris la resolution de se tenir prest et de se conformer à tous les desseins de la Providence souveraine, il resolut en mesme temps de mettre ordre aux affaires de sa conscience, et de commencer par une confession generale de toute sa vie.
Mais, parce que son confesseur, qui estoit alors le R. pere Jacques Sirmond, avoit un peu de peine à ouyr et à parler, à raison de son grande age de plus de quatre vingts ans, il me fit l’honneur de m’envoyer dire qu’il me substituoit en sa place, pour le service en cette occasion, avec ordre de me preparer pour me rendre [f. 4] aupres de Sa Majesté à Saint Germain, le mercredy de la semaine suivante.
Je partis donc de Paris au jour assigné, et trouvay au vieux chasteau le Roy, qui estoit debout en sa chambre, et en meilleure disposition de sa personne qu’il n’avoit esté depuis trois semaines. Il s’occupoit alors à considerer un fort grand nombre de reliques qui luy estoient venues par droit de succession de la feue Reyne sa mere et dont il choisit celles qui luy aggreerent davantage et qu’il luy pleut de retenir en son cabinet, laissant les autres à la Reyne son espouse, qui en a tousjours esté aussi desireuse, et leur a esté aussi devote que le Roy.
Il me fit donc apporter les siennes de son cabinet et me les montra une à une, estant toutes richement et precieusement enchassées, pour estre mises à son oratoire, puis il me dit que de tous les saincts dont il avoit quelque ossement ou quelque plus notable relique, il avoit fait acheter la Vie ou l’Office, et tous les deux ensemble s’il avoit esté en son pouvoir de les recouvrer, et que depuis longtemps il les invoquoit tous les jours, soir et matin, sans y manquer, demandant à Dieu par leur entremise la grace de faire une bonne fin et de mourir en bon estat.
On luy apporta aussi alors plusieurs exemplaires [p. 5] des petits Offices, que luy mesme a composez et mis par ordre, avec un soin qui n’est pas croyable, quoyqu’il ait esté secondé dans ce penible travail de l’industrie de ses confesseurs et de quelques autres scavans et habiles hommes. Car non seulement il y en a pour toutes les principales festes de l’année, soit de commandement ou de devotion, mais il s’y en trouve encore pour les principaux saincts de la France, pour le precieux sang de Jesus Christ, pour toutes les necessitez de la vie humaine, pour l’impetration de la paix et de la victoire contre les ennemis particuliers de nostre salut, comme sont la chair, l’avarice et la superbe, les pechez de la langue, les pensées mauvaises, les mauvaises œuvres et le troubler interieur de l’ame ; enfin, il s’y en trouve un pour obtenir la vraye penitence, un autre pour consoler les malades, et un troisiesme pour les disposer à bien mourir.
Et ce qui est bien considerable en celui cy, c’est que par des passages tirez de divers pseaumes de David, à la faveur du livre des Concordances qu’il manioit heureusement, par des hymnes devots et affectueux, et par des prieres ardentes, il demandoit tous les jours à Dieu la grace de recevoir avant son trepas tous ses sacremens, et de luy accorder la liberté de la parole, le jugement sain et entier jusqu’au dernier [p. 6] soupir de sa vie, une contrition cordiale, une foy ferme, une esperance divine et une parfaite charité.
Or de ces livres qu’il avoit achevé de composer des l’année 1640 et qui sortoient tout fraischement de son imprimerie royale, en petit et en grand volume, le grand pour le cabinet et le petit pour la campagne, il m’en donna un de sa main et desira qu’en sa presence je fisse lecture du premier pseaume de Matines, dans l’office des Apostres, qui est un sermon selon son idée et tel qu’il les souhaittoit, puis dans l’office des Mysteres de Nostre Seigneur, le pseaume de None, où l’histoire de la Passion est artificieusement enfermée.
Mais, pour revenir à l’estat où d’abord je le trouvay, nonobstant cette meilleure disposition qui luy dura jusqu’au seiziesme du mois de fevrier, comme il se sentit attaqué d’un flux hepatique, il se condamna luy mesme à mourir en peu de temps, à moins que Dieu fit miracle pour le remettre en santé, et il en parla en ces termes au sieur Bouvart, son premier medecin, qui luy avoua que le peril où il le voyoit l’attristoit au dernier poinct, mais il luy voulut ainsi parler franchement afin de voir si l’apprehension de la mort seroit capable de le porter à se resoudre à l’usage de certains [f. 7] remedes, dont il avoit tousjours tesmoigné une grande horreur.
Le Roy, prevoyant assez son dessein, demanda quel effet auroient en luy ces remedes ; et comme il apprit qu’avec un peu de soulagement qu’il en recevroit, sa mort n’en seroit retardée que de quelques mois, il repondit qu’il ne croyoit pas estre obligé en conscience de lutter tousjours contre une antipathie naturelle, pour l’amour d’une vie de peu de durée, et encore fort douteuse, et pour un soulagement incertain, qui pourroit estre suppléé aisement par autre voye. De sorte qu’il fut necessaire de convenir avec luy de la prise de quelques uns qui luy estoient moins desagreables.
Ces premiers entretiens estans finis, il me parla de se confesser et s’informa de la methode qui me sembloit la meilleure, me donnant toutefois à entendre qu’il n’eut jamais fait autre confession generale qu’une que le pere Suffren tira de luy à la hate en sa maladie de Lion. Il s’estoit tousjours acquitté tres exactement des ordinaires. C’est pourquoy nous arrestames que, le lendemain dix neufiesme du mois de mars, jour de saint Joseph, pour qui il avoit beaucoup de veneration, nous travaillerions à cette bonne œuvre.
Avant toutes choses, il resolut, en presence [f. 8] de monsieur le cardinal Mazarin et du sieur de Noyers, secretaire d’Estat, de s’eclaircir avec moy de certains cas de conscience appartenans à l’action que nous allions faire. Puis, ces deux seigneurs s’estans retirez, et toutes les portes de sa chambre fermées par dedans, il s’accusa de ses offenses, non sans une peine extraordinaire, tant estoit grande la secheresse du deplaisir et de la confusion qu’elles luy causoient, et mesme les moindres qui, dans sa plus grande jeunesse, n’avoient eu, à son jugement, que je ne scay quoy de moins seant à Sa Majesté ; d’où ensuite, lorsqu’il passoit à quelque poinct plus notable et où je jugeois, non qu’il eut failly, mais qu’il eut mieux fait d’y proceder par autre voye, il n’est pas croyable avec combien de regret et d’amertume il en demandoit pardon à Dieu : Non ! mon Dieu, s’ecrioit il pitoyablement, non ! jamais plus, non ! pour chose du monde, plustost mourir que d’y retourner ; c’estoient les termes dont il se servoit ; de là vint qu’il fut obligé d’interrompre sa confession une ou deux fois pour humecter sa langue seche et alterée, avec un peu d’eau qu’il avoit aupres de luy, et ainsi enfin il acheva cette action saincte. Mais, pour la communion, il luy pleut de la differer jusqu’à l’Annonciation prochaine.
[p. 9] Dieu voulut au reste que, durant ce peu de jours, la satisfaction interieure qu’il tira de cette decharge de conscience s’estant repandue sur tout le corps, elle y opera un changement si merveilleux que, comme on croit sans peine ce que l’on desire avec passion, il n’y eut aucun de nous qui ne creut qu’il estoit guery, et cette creance nous dura jusques à la feste.
Voicy donc que le jour de l’Annonciation de Nostre Dame, ou de l’Incarnation du Verbe divin, estant arrivé, il se reconcilia devotement, ouyt la messe en sa chapelle, la teste nue et à deux genoux, et receut en cette position son Createur, avec sa ferveur ordinaire, des mains de M. l’evesque de Meaux, son premier aumosnier. Et j’eus ensuite permission de luy de me retirer à Paris jusques à son retour de Versailles, où il pretendoit se faire porter en chaire et en retourner pour le Jeudy sainct. La nuit toutefois luy fut si facheuse, l’air si contraire, et son indisposition si pressant, qu’il se contenta de passer du vieux chasteau de Saint Germain au chasteau neuf, y voulant estre logé dans la chambre de la Reyne, et mesme pour se fortifier allant et venant, comme pour prendre un peu d’exercice. Il s’habilloit chaque jour, puis, ayant fait ses prieres, il faisoit un tour de galerie, soutenu de deux des [p. 9] siens, avec une chaire à sa suite pour se reposer de temps en temps, ne pouvant se soutenir ny marcher plus de vingt pas sans avoir besoin de repos.
Voilà l’estat où, à mon retour, je le trouvay le Mercredy saint, dans la volonté de faire le jour d’apres sa communion de Pasques. Car pour la ceremonie du lavement des pieds et du service des pauvres, se souvenant de l’action de Henry le Grand, qui s’en estoit autrefois deschargé sur luy, par un exemple singulier digne d’estre mis en nostre histoire, il en donna la commission à monseigneur le Dauphin et le substitua à sa place pour faire cette action de pieté et d’humilité chrestienne.
Mais, la nuit du mercredy au jeudy, l’ardeur de la fievre l’altera si fort que, ne pouvant ny passer la nuit sans se rafraichir la bouche, ny se resoudre à communier apres un simple gargarisme, tant il craignoit d’avoir avallé par megarde quelque goute d’eau, il s’en abstint par reverence et par respect.
C’est pourquoy nous attendimes les jours suivans quelque meilleure disposition de sa personne, dans l’esperance que cette ardeur se modereroit avant que la quinzaine fut expirée, comme en effet il arriva le jeudy de Pasques, où, se portant un peu mieux, il satisfit au precepte de l’Eglise et, quoyque fort abbatu, [p. 11] il se leva neantmoins, mais pour la dernier fois, n’ayant pas esté en son pouvoir de le faire depuis le Samedy saint, où il commença par force à quitter sa petite et languissante promenade.
Alors toutefois, il fit un effort et, sans autre habit que sa robe de chambre, il vint avec une majesté et une modestie angelique recevoir le tres saint sacrement à un autel qu’on avoit coutume de luy dresser au fonds de sa chambre lorsqu’il desiroit ouyr la messe, à quoy jamais il ne manqua durant le cours mesme de sa maladie, non plus qu’aux vespres du dimanche et des festes commandées, ny à l’office de la semaine sainte, qui se disoit en sa chapelle. Sur quoy il est à propos de remarquer que le Roy, aimant beaucoup la priere, c’estoit par elle que, sain et malade, il commençoit tousjours sa journée, et cette priere estoit en partie l’exercice du matin, en partie aussi un de ses petits offices, apres quoy il se laissoit voir et gouverner à ses medecins, puis il entendoit la messe, où tous les prelats et tous les seigneurs qui se rencontroient à la Cour estoient les tres bienvenus, mais ses aumoniers y assistoient par devoir, avec sa Chapelle de musique, qui recevoit ordinairement son ordre sur ce qu’il desiroit qu’on chantat, qui fut presque tousjours l’antienne du [p. 12] Magnificat des premieres vespres de la feste de tous les saints, Angeli, Archangeli, et ce qui suit, où l’Eglise fait le denombrement des neuf chœurs des anges et de toute la cour celeste. Luy, cependant, les rideaux ouverts, la teste nue, ses Heures en main, les yeux arrestez ou au ciel ou sur l’autel ou sur les prieres de son livre, nous estoit à tous un parfait modele et un beau miroir de devotion.
Sa messe estant achevée, il recevoit les placets des pretendans aux benefices, les visites des Grands et les propositions de ses officiers et de ses ministres d’Estat. Sinon, il s’entretenoit des choses divines, tantost en son ame et luy seul, tantost avec son confesseur. Puis, à l’instance de ses medecins, il prenoit quelque peu de nourriture, dont il avoit autant d’aversion que de remedes.
Apres son repas, on l’entretenoit de choses divertissantes et moins serieuses, comme des nouvelles qui venoient des autres pays, quoyque sur la fin il n’en vouloit plus ouyr que ce qui touchoit les troubles de la Grand Bretagne et l’histoire des catholiques qu’on y faisoit alors endurer pour la religion, disant qu’il portoit une saincte envie à leur courage et à leur bonheur, et qu’il eut voulu pour beaucoup se voir en leur place. Et, pour la mesme raison, il fit paraitre beaucoup de joye lorsqu’il [p. 13] receut de moy des reliques de deux des nostres brulez au Japon pour la foy, et un veritable recit de leur vie et de leur martyre.
Ensuite, l’heure du Conseil venue, on le tenoit aupres de luy, en grand ou en petit nombre, selon l’exigence des affaires qu’on y devoit traitter, et il ne se passoit aucun jour qu’il ne rendit, ou le soir ou le matin, ce service à son Estat.
Le Conseil finy, il s’entretenoit avec Dieu fort doucement et fort devotement en luy mesme, sans estre jamais plus de trois heures qu’il ne pratiquat ce saint exercice. Apres lequel, il voyoit les survenans, puis il prenoit un tel quel souper, accompagné d’un entretien de choses communes et indifferentes que l’on appelle du petit coucher, suivy de l’oraison du soir, où l’assistoit ordinairement le sieur Lucas, secretaire de son cabinet ; et pour finir sa journée, l mesme sieur Lucas, ou quelque autre qui en recevoit le commandement, luy faisoit quelque lecture de la vie des saints, selon les jours qui se rencontroient, en quoy une bonne partie de la nuit estoit employée, car à peine pouvoit il prendre un peu de sommeil qui ne se trouvat grandement interrompu, et sans la consideration de ses officiers, dont il ne vouloit pas ruiner la santé, il les eut retenus de bon cœur jusques au jour.
[p. 14] Voilà comme vivoit reglement, ou plustost comme alloit peu à peu mourant ce grand prince, lorsque, dans l’opinion commune qu’il n’estoit pas pour mourir si tost, je luy demanday permission de me retirer à Paris pour quatre ou cinq jours. A quoy il condescendit fort doucement, me donnant neantmoins à entendre qu’il seroit bien aise que, dans les termes où il se voyoit, j ne m’eloignasse pas beaucoup de luy.
Et parce que quelque eveschez estoient vacans, et qu’il n’avoit dessein d’en pourvoir que des hommes qui en fussent dignes, il me chargea d’y penser et d’en communiquer avec des personnes intelligentes et zelées pour les interests de Dieu, jesuites et autres, et particulieremnt avec le R. pere Vincent de Paul, general de la Mission, et de luy en fournir une liste où ils seroient mis selon l’ordre de leur suffisance et de leur merite.
Mais comme j’apperceu à mon retour qu’il minutoit quelque forme de testament, je jugeay qu’il estoit temps de luy donner advis de trois choses que je meditois en mon esprit, à quoy luy mesme me convia, me demandant par prevention, comme il avoit dejà fait quelqu’autre fois, si j’estoit content de luy ?
Je luy repondis qu’apres y avoir pensé serieusement, j’estois d’avis qu’il agiroit en Roy [p. 15] Tres Chrestien si, pour l’edification et la satisfaction publique, premierement il declaroit à tout le monde, ou de bouche ou par escrit, qu’il mouroit avec une extreme desplaisir de ses omissions envers la feue Reyne sa mere, dans les peines qu’il avoit eues d’ajuster ensemble les devoirs de fils et les obligations de Roy, surtout pour le temps où, n’estant plus sur les terres de l’Espagnol ny secourue de ses deniers ny partie agissante dans les mouvements de l’Estat, elle n’avoit pas laissé de souffrir en ses alimens et de recevoir un traittement moins convenable à sa qualité.
En second lieu, s’il donnoit ordre que les officiers et les serviteurs de la defunte, qui n’airoient aucun crime ny autre pesché que le malheur de leur maistresse, fussent payez de leurs gages et de leurs services, comme elle l’avoit ordonné.
En troisiesme lieu, s’il arrestoit les plaintes formées à l’occasion de plusieurs de ses sujets, dont les uns tenoient prison, les autres estoient exilez et hors du royaume, et les autres releguez en divers endroits hors de leurs maisons ; et parce qu’il y en avoit parmy eux qui passoient pour tres innocens, et comme on parloit pour martyrs d’Estat, qu’il luy pleut de leur assigner des juges afin de connoitre de leurs griefs et de leur rendre justice, comme [p. 16] ils en supplioient tres humblement Sa Majesté.
A ces trois chefs, sa reponse fut que pour le premier, qui regardoit la Reyne sa mere, il estoit de mesme sentiment que moy et qu’en ce poinct il n’avoit jamais esté sans quelque scrupule d’avoir manqué à son devoir, dont il demandoit avant toutes choses tres humblement pardon à Dieu, pardon aussi à elle mesme, et que de plus il entendoit que le sieur de Chavigny, secretaire d’Estat, qui l’aidoit à mettre par escrit ses derniers volontez, exprimat en son testament, avec les termes qu’il me laissoit libres, la douleur qu’il en ressentoit, et qu’il vouloit que toute la France et toute l’Europe en fut informée. Touchant l’autre chef, il repondit qu’il se souviendroit d’en commander l’execution, et pour le troisiesme qu’il y alloit pourvoir tout presentement.
Quant à la paix, il ne fut pas beaucoup necessaire de l’y exhorter, tant je scavois qu’il la desiroit avec passion, jusques là que, considerant un jour les souffrances de son pauvre peuple, « Je luy ay bien fait, me dit il, du mal, à raison des grandes et importantes affaires que je me suis veues sur les bras, et je n’en ay pas tousjours eu toute la pitié que je devois et telle que je l’ay depuis deux ans, ayant esté partout en personne et veu de mes yeux toutes les miseres. Mais si Dieu [p. 17] veut que je vive encore, ce que je n’ay pas grand sujet de croire et beaucoup moins de souhaitter, la vie n’ayant rien que me semble aimable, j’espere qu’en deux autres années je le pourray mettre à son aise, car l’année prochaine il aura la paix. » C’estoit le dessein de ce bon Roy, qui travailloit fort à l’avancement du traité. « Et l’année suivante, je licentieray, disoit il, mes troupes, qui est une affaire où de grands deniers s’epargneront. »
Un autre jour, prenant ses mesures pour cet heureux temps de la paix dans une fievre intermittante, comme j’estois seul à sa ruelle : « Je remedieray, dit il, Dieu aydant, au libertinage, je supprimeray les duels, j’estoufferay l’injustice, et communieray tous les huit jours. Et sitost que je verray mon Dauphin à cheval et en age de majorité, je le mettray en ma place pour me retirer à Versailles, avec quatre de vos peres, où je m’entretiendray avec eux des choses divines, ne penseray plus du tout qu’aux affaires de mon ame et de mon salut, à la reserve du divertissement de la chasse, que je desire toujours prendre, mais avec plus de moderation qu’à l’ordinaire. »
Alors, il demanda au sieur de Chavigny, present, s’il n’estoit pas vray qu’il l’avoit ainsi resolu et s’en estoit decouvert à luy depuis fort longtemps, et moy la dessus, touché de compassion pour les malheurs qui pendoient alors sur la teste du roy de la Grand Bretagne, je [p. 18] m’avançay de lui demander s’il ne l’assisteroit pas auparavant contre ses rebelles : « Ouy, dit il, à condition que de sa part il fasse aussi pour les catholiques ». Une autre fois, s’informant de moy de la difference que nous mettons entre l’attrition et la contrition, sur ce que je luy repondis que l’attrition avoit pour motif la crainte de Dieu et nostre interet, au lieu que la contrition n’a que l’amour et que l’interet de Dieu : « Je n’ay, me dit il, jamais envisagé en ma repentance que l’interet et l’amour de Dieu ; vous voyez pourtant que j’ay eu l’honneur de n’avoir esté des mieux instruits en ce point ; mais si Dieu me donne la vie et la santé, j’y mettrait bon ordre et vous me catechiserez ». Ce qu’il ajouta dans la veue de la retraite qu’il avoit dessein de faire à Versailles.
Au reste, la fievre, l’inedie et l’insomnie, et une toux seche le minant tousjours peu à peu, il redouta nommement deux choses, l’une de mourir inopinement et par surprise, l’autre de languir ou, comme on dit, de trainer longtemps. Mais, pour s’armer avec cette double appréhension, il conjura d’un costé monsieur de Meaux et son confesseur de se souvenir de luy donner par avance tous ses sacremens, dont ils s’excuserent pour l’heure, l’asseurant que chose du monde ne pressoit, que selon le devoir de leur conscience et de leur charge ils [p. 19] le feroient quand il seroit temps ; d’ailleurs il pria Dieu tres instamment de luy vouloir abbreger le cours et la durée de sa maladie, et on remarqua qu’il fit sa priere avec grande ardeur.
La nuit du 18 au 19 d’avril fut si mauvaise et si facheuse pour luy qu’il ne pensa presqu’à autre chose, qu’à l’eglise de Sainct Denys en France, où reposent les corps de nos Roys ; dont le lendemain il prit sujet de s’entretenir toujours de la mort avec ceux qui s’approchoient de luy et, l’apres disnée, s’estant fait mettre dans sa grande chaire où, de temps en temps, il se soulageoit de la lassitude du lit, il commanda qu’on luy ouvrit les fenestres de sa chambre, qui regardoient du costé de Sainct Denys, disant à ceux qui le servoient qu’il vouloit voir son dernier logis.
Puis le soir, tout tard, chacun s’estant retiré, à la reserve des sieurs Lucas, du Bois et peu d’autres, il desira qu’on luy leut le 17 chapitre de l’evangile de saint Jean, où sont couchées les dernieres paroles que le Sauveur du monde dit à ses apostres un peu avant sa Passion, ; et l’oraison qu’il fit à son pere pour luy recommander ses chers disciples, mais en termes si affectueux qu’ils seroient capables de toucher les cœurs les plus dures et les ames les plus insensibles.
[p. 20] Il se fit lire aussi quelque endroit de l’introduction à la vie devote du B. François de Sales, et nommément le chapitre du mepris du monde, et, dans le livre de l’Imitation de Jesus Christ, celuy de la mort, que le sieur Lucas ne pouvoit assez tost trouver, le Roy prit luy mesme le livre et, y rencontrant à l’ouverture ce qu’il cherchoit : « Lisez, dit il, cela », et cette lecture fut continuée jusqu’à minuit.
Le jour suivant 20 du mois, s’assemblerent en sa chambre par ses ordres, autour de Sa Majesté, la Reyne son espouse, monsieur le duc d’Orleans, monsieur le prince de Condé, ses ministres d’Estat et tout ce qu’il y avoit de Grands à la Cour, puis, les rideaux de son lit levez, s’estant entretenu quelque temps avec la Reyne, monsieur son frere et monsieur le Prince, il fit à toute l’assistance, à haute voix, un discours declaratif de ses dernieres volontez, à la fin duquel il commanda au sieur de La Vrilliere, secretaire d’Estat, qui estoit en mois, de lire tout haut la regence à la Reyne, seante alors au pied du lit. Et quoy que tout le monde fondit en larmes, il avoit luy seul le visage gay et tesmoignoit estre fort content.
Cette piece ayant esté leue, il en fit signer l’original et en jurer l’execution à la Reyne et à monsieur son frere, leur disant plusieurs autres [p. 21] choses sur ce sujet, comme aussi à monsieur le Prince.
Ensuitte, le parlement vint, representé par son premier president, les presidens au mortier, deux conseillers de chaque chambre, et les gens du Roy, qu’il informa de ses intentions ; apres quoy il enjoignit à monsieur le duc d’Orleans, à monsieur le prince de Condé et à monsieur le chancelier d’estre le jour d’apres à Paris pour faire enregistrer sa declaration au parlement. Et ce fut chose fort merveilleuse de voir le plus grand monarque du monde disposer ainsi de son royaume, quitter la Reyne son espouse en la fleur de son age, des enfans mineurs beaux comme le jour, et sa propre vie, avec aussi peu d’emotion que s’il n’eut laissé qu’une de ses maisons de campagne.
Mais ce qui donna encore un grand eclat à la gloire de cette action, c’est qu’il parut alors à veue d’œil que Dieu luy avoit donné, comme à dessein plus de santé et plus de force qu’à l’ordinaire. Car, tout le monde estant sorty de la chambre, luy, le cœur serré de regret et la face baignée de larmes, retint seulement monsieur de Meaux et son confesseur, employant ce qui restoit de la journée à s’entretenir avec eux de Dieu et des choses divines.
La nuit, il eut de grandes evacuations, lesquelles jointes aux precedentes l’abbatirent [p. 22] et l’extenuerent tellement que son corps ne sembloit plus qu’un squelette, de sorte qu’au point du jour, regardant par occasion ses bras et ses cuisses, il demeura un peu etonné de l’estat où il se voyoit, puis, s’elevant les yeux au ciel selon sa louable coutume : « Helas, dit il avec le Prophete, Quid est homo ? » Qu’est-ce que l’homme ? Paroles qu’il repeta depuis fort souvent lorsqu’il parloit à quelques seigneurs qu’il aimoit beaucoup, entr’autres monsieur de Liancour, ajoutant encore celle cy : « Je ne suis plus desormais que terre ! »
Le mesme jour, sur les cinq heures du soir, apres le Conseil tenu, on fit la ceremonie du baptesme de monseigneur le Dauphin en sa chapelle du vieux chateau, la Reyne presente, où son parrain fut monsieur le cardinal Mazarin, et sa marraine madame la princesse de Condé, qui luy donna le nom de Louys, que ce petite prince desiroit avoir ; et apres la ceremonie, qui fut bientôt achevée, il alla remercier de fort bonne grace monsieur de Meaux en la sacristie. Le Roy, ayant appris le succes de toute l’action, en loua Dieu, les yeux elevez au ciel, où il les tint assez longtemps.
Or ses mauvaises nuits l’abbatant de plus en plus, et ses medecins ouys la dessus, il fut ordonné qu’on luy administreroit le viatique de la tres saincte eucharistie, dont j’eus avis [p. 23] de luy porter la parole, non seulement qui ne le surprit ny ne l’inquieta pas, mais plutost qui luy fut si agrable qu’il m’embrassa tendrement, et en dit mesme en action de graces un Te Deum, avec plus de joye qu’il n’en avoit jamais tesmoigné ny pour la prise d’une ville, ny pour le gain d’une bataille. Puis, se tournant vers l’assistance, « Que j’aime, dit il, ce bon pere, qui m’apporte une si bonne et si agreable nouvelle ! »
On informe cependant la Reyne de ce qui se passe, tandis que le Roy se confesse et se prepare à la communion, lors qu’à la fin de la messe cette princesse arrive, fondant toute en larmes, et, ayant laissé un peu en arriere messeigneurs le Dauphin et le dc d’Anjou entre les mainsde leur gouvernante, elle se presente au chevet du Roy et là, prosternée à genoux, elle le voit communier pour la derniere fois, monsieur le duc d’Orleans et monsieur le prince de Condé luy tenans les deux premiers coins de la nape, et deux aumoniers les deux autres.
Apres son action de graces, faite à loisir et en grand repos, il s’entretint en particulier avec la Reyne assez longtemps, et à la fin, pour clorre toute cette pitoyable ceremonie, ayant demandé messeigneurs ses enfans, la Reyne les alla prendre elle mesme par la main et les luy amena tous deux, puis tous trois [p. 24] mirent avec grand respect les genoux en terre et receurent sa benediction.
Il est vray qu’en mesme temps, il eut bien voulu recevoir l’extreme onction, mais ce ne fut ny l’opinion de monsieur de Meaux, ny mon sentiment, tant nous decouvrimes de vigueur et de force en luy.
En effet, il accueillit favorablement, ce jour là encore, quelques grands seigneurs qui, pour la pluspart, avoient encouru son indignation, s’estans malheureusement engagez dans les divisions de la Cour et de la Maison royale.
Et ayant sceu que les mareschaux de Chatillon et de La Force desiroient luy tesmoigner leur zele pour le service de Sa Majesté et l’extreme regret qu’ils avoient de la perte d’un tel maitre, quoyqu’il ne prit pas plaisir de voir aucun huguenot en cet accessoire où il ne vouloit point souffrir d’imagination contraire à la foy, son humeur estant de ne hair pas moins les pensées que les complaisances ou les œuvres, quand elles estoient de quelque sujet qui n’estoit point agreable à Dieu, il les fit toutefois entrer puis, les ayans remerciez de la tendresse de leur affection, il les exhorta fortement à se retirer de leur pretendue religion, leur intimant qu’estant sur le poinct de rendre compte de toute sa vie à son createur, il ne se pouvoit tenir de leur dire qu’à son avis [p. 25] Dieu les avoit gratifiez de ce grand age où ils estoient tous deux arrivez pour leur donner loisir de penser à eux et qu’il les en conjuroit autant qu’il pouvoit, qu’au reste il reconnoissoit que selon le monde ils estoient veritablement sages, vaillans et braves seigneurs, mais que ce n’estoit pas tout, qu’il n’y avoit pas plus d’une voye pour aller au ciel, que hors de l’Eglise catholique, apostolique et romaine il n’y avoit point de salut, et choses semblables qu’il leur dit en de si beaux termes et avec tant de cordialité qu’il leur tira les larmes des yeux ; mais ce fut tout le fruit de cette belle et cordiale remontrance.
Ainsi se passa la journée, et la nuit s’avançoit fort quand Dieu permit, pour les raisons qui luy sont connues, qu’apres nous estre un peu trop hatez de luy donner le viatique, nous nous hatames encore un peu trop de luy donner l’extreme onction, à l’occasion des medecins qui estoient lors de garde aux pieds de son lit, et particulierement du sieur Seguin le jeune, premier medecin de la Reyne ; car, ne luy trouvant comme point de pouls, ils en donnerent bientôt avis à monsieur de Meaux, et luy à moy, nous asseurant qu’il s’en alloit et qu’à peine verroit il le jour, et qu’il estoit absolument necessaire de luy donner les sainctes [p. 26] huiles, à moins que d’estre blamez de tout le monde si nous laissions mourir sans ce sacrement un prince si sage et si vertueux qui s’en reposoit sur nous, que de leur part ils se sentoient obligez de nous donner cet avis pour leur decharge.
On peut aisement juger si je me trouvay surpris à cette parole, veu que le matin, Sa Majesté ayant demandé au sieur Bouvart, selon sa coutume, des nouvelles de sa mort en nostre presence, et si ce seroit pour la nuit prochaine, il luy avoit repond que ce n’estoit pas son opinion, s’il n’arrivoit quelque accident qui n’estoit point encore previsible ; neantmoins, me voyant pressé de me prevaloir de cet avis, je n’en voulus pas allarmer l’esprit du Roy, qui prenoit un peu de repos, mais sans plus longue deliberation je pris le carrosse de monsieur de Meaux et allay en diligence au vieux chateau en communiquer avec monsieur le cardinal Mazarin et le sieur de Chavigny qui, non moins estonnez que moy, viennent en sa chambre, où, les medecins luy ayans taté de nouveau le pouls, nous asseurerent que pour foible et bas qu’il fut, il nous dureroit encore du moins jusques au midy.
Sur quoy on conclut que le matin je me mettrois en devoir de le disposer à ce sacrement, comme je fis de le point du jour 23 d’avril, [p. 27] luy representant que la nuit passée il nous avoit mis en grande frayeur jusques là que les medecins qui le veilloient avoient douté s’il verroit le jour, que graces à Dieu il estoit mieux sans comparaison, mais neantmoins qu’il y avoit quelque peril puisque tous les soirs il sembloit mourir et tous les matins ressusciter et, partant, que dans l’apprehension de quelque surprise ou de quelque mort inopinée, s’il luy plaisit qu’on luy donnat les sainctes huiles sans plus attendre, il auroit toutes les aydes et toutes les armes spirituelles de l’Eglise, se tirant par ce moyen de peril et nous de peine, qu’au reste l’extreme onction ne s’appelloit pas tant extreme parce qu’elle ne devoit estre conferée qu’à l’extremité qu’à cause qu’elle estoit, pour ainsi dire, la derniere de toutes les onctions ecclesiastiques que Jesus Christ avoit instituée comme un sacrement pour fortifier de corps et d’esprit ceux qui sont grandement malades et mesme, s’il est à propos, pour rendre la santé en qualité de remede surnaturel, ainsi que l’apostre saint Jacques nous asseure en sa canonique, et qu’en un mot elle donne beaucoup de force à un malade pour supporter doucement son mal.
Il n’en fallut pas davantage à un prince qui avoit, comme on dit, la mort en desir et la [p. 28] vie en patience et qui esperoit tous les jours passer à une meilleure. Neantmoins, il voulut ouyr auparavant de la bouche mesme de ses medecins, qui l’avoient tousjours entretenu de quelque foible esperance de retour, si à leur jugement sa maladie estoit sans remede.
A quoy le sieur Bouvart repartit : Sire, Dieu est tout puissant ! Et alors Sa Majesté, d’un visage gay, d’un front serain et d’un œil riant, s’ecria encore avec le prophete : Laetatus sum in his quae dicta sunt mihi, in domum Domini ibimus ! Je suis ravy de la nouvelle qu’on me vient dire que nous irons en la maison du roy des roys et du seigneur des seigneurs !
Et, dans l’opinion qu’il mourroit le lendemain, jour de vendredy, il ajouta incontinent : O, la desirable, ô l’agreable nouvelle ! ô l’heureuse journée pour moy, et veritablement heureux vendredy ! Aussi n’est ce pas d’aujourd’huy que les vendredys me sont favorables, un vendredy m’a elevé à la royauté, je gagnay à pareil jour au Pont de Cé la premiere de mes victoires, la premiere ville que j’ay assiegée a esté Sainct Jean d’Angely, dont la reddition se fit à tel jour, la defaite de Soubize en l’isle de Ré arriva aussi un vendredy comme j’y estoit en personne, et un autre vendredy me fit scavoir que les troupes qui estoient allées par mes ordres en la mesme isle contre les Anglois les avoient battus et [p. 29] forcez de rentrer dans leurs vaisseaux, et ainsi de quantité d’autres. Mais ce vendredy me sera le plus heureux de toute ma vie, puisqu’il me mettra dans le ciel pour y regner eternellement avec mon Dieu, et il vaut mieux mille et mille fois estre roy au ciel que sur terre ; non que je me promette d’y aller tout droit et sans obstacle au sortir du corps, car eu egard à mes offences, cent ans, ouy cent ans de purgatoire ne seront pas trop pour moy, mais j’en auray au moins, Dieu aydant, tousjours l’expectative certaine !
Apres ce discours, je le confessay, on luy dit la messe, puis monsieur de Meaux, s’approchant avec le livre et les saintes huiles, la Reyne arriva là dessus et, comme je me mis en devoir de luy quitter par honneur ma place, elle m’y retint avec sa bonté ordinaire. Les pseaumes, les litanies, les oraisons furent recitées, et les onctions visitées se firent.
Ce religieux monarque repondit à tout, aussi peu emeu que s’il n’eut esté que spectateur de cette action, qui fut faite, si je ne me trompe, sur les neuf heures et demie du mesme jour.
Nous fondions tous en larmes, quelque grand effort que nous fissions pour les retenir, mais la ceremonie ne fut pas plustot achevée qu’il joignit enfin les siennes aux nostres, et nous dit en essuyant ses yeux : Je ne trouve point [p. 30] mauvais que vous me pleuriez, c’est une demonstration de vostre amitié, et c’est ce qui m’attendrit le cœur ; hors de là, Dieu m’est temoin si la vie m’a jamais pleu et si je ne suis pas ravy d’aller à luy en peu d’heures, et choses semblables sur lesquelles il s’etendit avec tant de fermeté d’esprit et de ferveur que, depuis, il m’avoua qu’il en avoit senty quelque mouvement de vanité. Et comme je luy remontrois que cette disposition d’esprit estoit un effet du sacrement qu’il avoit receu, et un don de Dieu qui demandoit sa reconnoissance, disant à Dieu : Non nobis, Domine, non nobis, sed nomini tuo da gloriam ! O Seigneur, ce n’est point à nous, non, ce n’est point à nous que la gloire est deue, mais à vostre nom, à vostre grace et à vous mesmes ! Il repartit aussitôt qu’il avoit tousjours dit ces paroles.
Or, comme la foule de ceux qui avoient remply sa chambre estoit si prodigieuse que, luy ostant la belle veue et le libre usage de l’air qui entroit pas ses fenestres, et neantmoins ne voulant faire sortir personne en particulier, tant il avoit de douceur et d’humanité pour tout le monde, il fit signe de la main qu’on se rangeat et dit un peu haut : Hé Messieurs, donnez moy la vie !
A cette parole, tous ceux qui estoient alors inutiles se retirerent, mais il m’arresta, me commandant [p. 31] de demeurer et de luy dire à qoy il pourroit s’occuper ?
Je lui fis reponse qu’il me paroissoit si robuste et si vigoureux que je ne pouvois desesperer de l’estat de sa convalescence et que, ne scachant à quoy rapporter un si merveilleux changement, je presumois avec assez d’apparence que c’estoit un effet de l’extreme onction et que le Grand Medecin operoit extraordinairement en sa personne, luy donnant tant de consolation et de force : Je le sens bien, dit il ; puis j’ajoutay qu’apres tout, s’il n’estoit pas pour guerir de sa maladie, cette force et cette consolation qu’il ressentoit ne luy estoit donnée de Dieu que pour en digerer la longue durée avec moins de peine, de sorte que je le priay de ne se point negliger luy mesme, mais de se souvenir de l’avis du Sage qui dit : Fili, in tua infirmitate ne despicias te ! Mon fils, quand vous estes malade, souvenez vous de ne vous point negliger vous mesmes, mais de suivre Dieu et d’adorer l’ordre de sa divine providence, de sa volonté et de sa conduite. Je conclus enfin qu’il seroit bon de partager sa journée comme de coutume, tantot prenant ce qu’il pourroit de remedes et de nourriture, avec quelque honneste divertissement apres le repas, tantot entendant parler des choses divines, mais en peu de mots, [p. 32] de peur de luy causer de l’ennuy, estant certain qu’à la longue on s’ennuye de tout et qu’on doit donner aux malades la nourriture spirituelle comme la corporelle, peu et souvent ; neantmoins que, par intervalles et de fois à autres, il pourroit penser de loin aux œuvres pries qu’il vouloit faire, mais que de ma part je me chargeois de l’avertir fidellement et à point nommé du jour et, s’il estoit possible, de l’heure de son passage, autant que je pourrois en estre asseuré de ses medecins.
Cet avis luy parut assez plausible et ce discours assez agreable et, des lors, il s’en prevalut si heureusement que, les forces s’augmentant peu à peu en luy, il vint mesme jusques à ce point de s’etonner d’avoir esté si tost reduit à l’extreme onction, et en toucha un mot à ses medecins, qui luy repondirent que si sa santé estoit bonne, ils prioient Dieu de la luy rendre encore meilleure.
Le lendemain matin 24 d’avril, ils luy presenterent une prise de rheubarbe, mais il ne fut pas au pouvoir de leur eloquence ny au credit de toute la Cour de l’y resoudre et, nonobstant ce refus, apres son disner, il eut tant de force, par une espece de miracle, et se trouva en si bonne humeur, qu’il fit chanter sur le luth le pseaume Lauda anima mea Dominum par son premier valet de garderobe. [p. 33] Ensuite de quoy on luy chanta en partie plusieurs autres, traduits de nouveau en vers françois sur des airs de son invention, et il en chanta luy mesme la basse avec le duc de Schomberg. De sorte que, la Reyne l’estant venue visiter à l’heure qu’elle prenoit tous les jours pour cette action, ne fut jamais plus estonnée ny tout ensemble plus rejouye, et la nouvelle d’un prodige si nouveau volant aussitost partout Sainct Germain, il n’y eut aucun de ceux qui avoient l’honneur de l’approcher qui ne creut qu’il estoit guery et ne luy en vint faire des conjouyssances.
Mais ce bon prince, ne scachant qu’en dire, protesta tout haut que, si c’estoit le plaisir de Dieu qu’il revint, il accepteroit la vie seulement pour luy obeir, à condition qu’il luy pleut en mesme temps donner la paix à toute l’Europe.
Cependant, nostre esperance ne nous flatta qu’environ huit jours. Car, des l’entrée du mois de may, ses langueurs ordinaires recommencerent et ses lassitudes parurent plus grandes qu’elles n’avoient encore esté. Il luy tardoit qu’on ne luy donnat la bonne nouvelle qu’il fallut partir, aussi ne le dissimuloit il pas à ses medecins lorsqu’ils l’invitoient à prendre un peu de gelée fondue qu’on luy presentoit dans une phiole de verre afin de luy epargner [p. 34] la peine de lever la teste pour la prendre, sa reponse ordinaire estant qu’on le laissat mourir en paix, et il me dit un jour pitoyablement à moy mesme qu’il s’ennuyoit fort de la vie, avec ces paroles qu’a dit autrefois le saint homme Joc : Taedet animam meam vitae meae ! O mon Dieu, que cette vie mortelle me dure, et qu’elle me cause d’ennuy !
Alors, pour le consoler, je me mis à luy porter compassion, avouant que dans l’estat où je le considerois apres tant de vicissitudes, de douleurs, de soulagemens, de convalescences et de recheutes, il me sembloit que je voyois une barque dont le pilote combatu des ventes et de la tempeste estoit à toute heure tantot elevé à la hauteur des nues, tantot englouty au fonds des abysmes, mais qu’implorant avec confiance de cœur ou de bouche le secours divin, il en sentiroit quelque bon effet qui seroit capable de le conduire en asseurance au port de salut ; davantage, que tout ce qu’endurent les esleuz en cette vie leur est compté en deduction des peines de l’autre, pourveu qu’ils soient en estat de grace et qu’ils endurent avec patience. Et comme il gouta cette pensée, il me la fit repeter, s’informant de moy si la chose estoit veritable ; alors, je luy apportay un passage de saint Augustin, sur le pseaume 50, où il dit ces paroles : In hac vita purges me, [p.35] et talem me reddas cui iam emendatorio igne opus non sit ! O Seigneur, je vous conjure de me purger en cette vie et de me rendre tel, je veux dire si pur et si net que le feu ardent du purgatoire ne soit point necessaire apres ma mort.
A quoy j’adjoutay encore que, dans la doctrine des saints peres, les longues et les facheuses maladies, prises, comme il faut, de la main de Dieu, sont un espece de martyre, et que le mesme sainct Augustin l’asseure en ces termes : Multi ducunt martyrium in lecto, prorsus multi ! Il y en a plusieurs, et plus peut estre qu’on ne s’imagine, qui, estant allitez de quelque longue maladie, endurent dans leur lit le martyre ; et, par consequent, plus la maladie est longue, plus on approche de la perfection des saincts martyrs, dont le martyre a quelquefois duré longtemps, comme nous lisons de celuy de sainct Clement, surnommé d’Ancyre, à qui je scavoir bien que le Roy estoit grandement devot.
Je luy dis enfin que, l’ayant veu fort souvent dans le desir de mourir pour Dieu, je trouvois qu’il estoit ouy de Dieu et que la bonté divine luy accordoit l’accomplissement de son desir, puisqu’estre sujet à tant de facheuses alternatives comme de se voir aujourd’huy malade jusques au mourir et demain [p. 36] vivant au jugement des medecins, et se soumettre en tout aux ordres de la providence souveraine, c’estoit mourir à soy mesme autant de fois et endurer autant de martyres.
Mais neantmoins, en ce mesme temps, je me sentis inspiré de luy conseiller l’usage de la confession journaliere pour ce qui luy restoit de vie, quand mesme il n’auroit autre matiere que quelques pechez de ses autres confessions, quoyqu’ils fussent desjà pardonnez, afin de croitre tousjours en grace et en force, en vertu du sacrement de penitence.
A quoy il dit qu’il estoit prest, et qu’il en useroit ainsi de bon cœur, comme il fit avec un succes si heureux que, peu de temps apres, le faisant ressouvenir de sainct Martin, qui disoit à Dieu que, s’il estoit utile ou necessaire à son peuple, il ne faisoit point refus de vivre ny de travailler plus longtemps ! Voilà justement, dit il, ce qui m’est propre ; puis, par un mouvement heroique et par un genereux effort, il adjouta incontinent : Qu’il estoit pret, si Dieu l’ordonnoit, de languir dans le triste estat où il se voyoit alors reduit autant d’années qu’en peut vivre naturellement un homme qui se porte bien.
Au reste, ses douleurs, accompagnées de cette langueur continuelle et cette langueur du degout, de l’insomnie et de l’importunité du bassin, dont il craignoit plus la mauvaise odeur [p. 37] pour les assistans que pour luy mesme, n’estoient pas si petites, surtout au redoublement de sa fievre, qu’il ne fut contraint de faire quelquefois ouvrir les fenestres de sa chambre et d’etendre souvent ses bras à l’air, quoyqu’en une saison assez froide, contre l’ordinaire, de la fin d’avril, et mesme d’avoir sur ses reins et sous la teste des oreillers de paille d’avoine pour moderer la violence du feu interieur qui le devoroit.
Cependant, je puis asseurer que, si quelquefois il s’est plaint dans la grandeur du mal qu’il souffroit, ce ne fut jamais à moy ny en ma presence, au contraire il en fit si bien son profit que je ne puis icy m’empecher de dire une chose qui semblera d’abord moins croyable mais qui est pourtant tres veritable.
Car ce grand prince, qui a domté l’heresie, qui a pris tant de villes, conquis tant de provinces et donné tant de batailles, qui a triomphé de tant de puissans ennemis et fait tant d’actions illustres à le veue de toute la France et avec l’etonnement de toute l’Europe, l’espace de quarante deux ans qu’il a vescu, me dit un jour qu’il preferoit cette derniere maladie avec ses souffrances à la partie la plus belle et la plus eclatante de sa vie, d’où l’on peut aisement conjecturer combien d’actes de vertu il pratiquoit en cet estat, combien il [p. 38] domtoit ses passions et combien il en remportoit de victoires.
Je ne nie pas neantmoins que je ne l’aye veu, une ou deux fois, en colere, et qu’il n’eyt eu peut estre contre quelques uns de l’indignation qui ne sera pas venue à ma connoissance, mais je puis dire ou qu’il avoit raison de le faire, ou qu’il s’appaisoit incontinent. Et lorsqu’il avoit donné sujet de deplaisir à qui que ce fut, present ou absent, il y remedioit en diligence, ou par luy mesme, ou par un autre, et le jour mesme il s’en accusoit.
Il en usa ainsi une fois vers son premier medecin le sieur Bouvart, et une autre fois envers moy mesme, à qui un soir, bien tard, il envoya monsieur de Chavigny pour une occasion de cette nature, et comme on l’avertit que le duc de Chevreuse apprehendoit qu’il n’eut en son cœur quelque aversion ou quelque froideur contre luy, il pria monsieur le prince de Condé de l’asseurer du contraire.
Or depuis ce dure combat contre l’ennuy et le degout de la vie, dont par forme de digression je me suis un peu detourné, il en eut deux autres à soutenir, mais à beaucoup pres plus legers, contre deux inquietudes qui l’attaquerent : l’une de n’avoir pu donner avant son trepas la paix à la chrestienté, quelque veritable desir qu’il en eut, et il surmonta celle cy de [p. 39] luy mesme, par la resolution qu’il prit de se conformer à l’ordre de la providence de Dieu et de la luy demander par ses prieres quand il auroit le bonheur de le voir au ciel ; l’autre estoit fondée en l’affection naturelle qu’il avoit pour son royaume, car il l’aimoit par preference à toute autre chose apres Dieu et son salut, et je l’ay veu quelquefois disputer jusques au scrupule s’il ne pechoit point en l’aimant avec un peu trop d’exces, qui luy jetta de fort grandes apprehensions en l’ame que nous n’eussions beaucoup à souffrir apres sa mort.
Mais contre cette anxieté interieure, je luy representay devant les yeux qu’il ne se devoit point mettre en peine des choses futures, apres y avoir pourveu de sa part en la maniere qu’il avoit jugée la meilleure, que la sagesse de la Providence divine, à qui seule il appartient de disposer souverainement du bonheur et du malheur des Estats en ordonneroit à sa volonté, qui ne peut jamais cesser d’estre bonne, et qu’apres tout, quand il luy plairoit de donner quelque contrepoids à l’elevation de la France et l’humilier à son tour, ainsi que l’avoient esté tous nos ennemis sous son regne tousjours heureux, tousjours triomphant, nous serions tenus de faire de necessité vertu [p. 40] et de nous resoudre à l’exercice de la patience, nous soumettant avec humilité et avec respect aux ordres d’en haut, qui sont toujours saincts et adorables.
Cette pensée luy sembla si juste que, non content d’y acquiescer à l’heure mesme, il la mit encore depuis en pratique à l’occasion de quelques uns de ses serviteurs qui avoient eu la mesme crainte et la mesme apprehension que luy.
Or comme je m’apperceus que ses forces alloient diminuant à veue d’œil, je me sentis obligé de redoubler mes soins pour le service et le salut de sa personne, et quoyqu’il y eut longtemps que j’estois passé du vieux chateau au chateau neuf, neantmoins je jugeay à propos de mettre ma paillasse dans son cabinet, joignant la porte de sa chambre, pour estre à luy au premier signe, c’est à dire presqu’à tous les momens de la nuit.
Mais à moins que d’ouyr ce signe ou d’estre appellé, je m’abstenoir de me montrer trop souvent à luy, de peur d’interrompre son entretien avec Dieu, qui estoit l’unique ou le plus grand contentement qu’il eut au monde, m’avouant luy mesme un jour qu’il n’avoit point de plaisir egal à celuy de la priere.
Plusieurs aussi l’on veu dans son lit battre [p. 41] sa poitrine, les yeux à demy fermez, pour mieux cacher se devotion. Mais des lors qu’il m’apercevoit, il quittoit tout pour ouyr ce que j’avois à luy dire, quoyque d’ordinaire il ne valut pas ce qu’il ruminoit en son ame. D’ailleurs, je craignois encore de luy charger ou de luy occuper trop l’esprit, qui n’avoit rien ordinairement plus à cœur que de penser aux moyens de mettre fin aux desordres de la guerre, de conclure son traité de paix, de nommer aux benefices à mesure qu’ils venoient à vacquer, et de recevoir les adieux de la noblesse qui alloit combattre en son armée de Picardie sous monsieur le duc d’Anguien, qu’il avoit luy mesme choisy pour en avoir le commandement et la conduite.
De plus, il avoit à disposer de quelques eveschez vacans, où il cherchoit encore des hommes capables, et de quelques abbayes reservées pour un dessein qui n’eut point d’effet, à regler ses gratifications, à ordonner de ses legs pieux et du lieu de sa sepulture apres sa mort, articles qui luy couterent trois apres disnées qu’il y employa en presence de monsieur le cardinal Mazarin, du sieur de Chavigny, qui tenoit la plume, et de son confesseur, tous trois enfermez dans sa chambre.
Et à ne point dissimuler la verité, je puis dire que les eveschez furent donnez saintement [p. 42] et les abbayes charitablement, que ny ses gratifications ny ses legs pieux ne furent point à charge à personne par un pur desir d’epargner son peuple, qu’il n’oublia aucun de ses domestiques, non pas mesme le boulanger du pain de ses chiens, connoissant par nom tous ceux qui estoient sur l’estat de sa Maison et en ayant fait faire une liste, qu’il fit deux fondations considerables à Saint Denys, tant pour le repos de son ame que pour le repos de celles du feu roy son père et de la feue reyne sa mere, qu’il en fit encore une à Chantilly et une autre à Versailles, dont l’eglise ayant besoin de reparation, il en chargea le sieur de Noyers pour luy tesmoigner qu’encore qu’avec sa permission il se fut retiré de la Cour, il ne laissoit pas d’avoir bonne opinion de sa probité et de faire estime de sa personne ; qu’il envoya sur la frontiere beaucoup d’aumones secrettes pour estre distribuées à grand nombre de villages par des peres de la Mission, et quantité d’autres aux environs de Paris par les soins de monsieur de Meaux qui luy avoit desja rendu quelqu’autre fois ce bon service lorsqu’il estoit en pleine santé ; qu’une partie considerable fut assignée au mesme prelat pour en faire l’application à l’ornement de la chasse de sainct Fiacre, le tout pris sur un fonds qui estoit entré fort à propos dans les [p. 43] coffres du tresorier de ses Menus Plaisirs, et ce qui en demeura de reste apres toutes ces pieuses applications, qui ne montoient pas à une somme legere, fut laissé à la disposition des trois personnes par luy commises pour l’execution de ces bonnes œuvres.
Enfin, pour le regard de son corps, il declara qu’il entendoit qu’il fut inhumé à Saint Denys au tombeau de ses predecesseurs, sans ceremonie toutefois, pour la decharge de l’Estat qu’il plaignoit fort et qu’il s’efforça de soulager en tout de tout son pouvoir.
Il est vray qu’il avoit souhaitté, par principe de pudeur, si je ne me trompe, et par motif d’honnesteté, que l’ouverture n’en fut point faite selon la coutume, mais, luy representant qu’il falloit necessairement le garder l’espace de quelques jours et l’exposer en public à la royale, et qu’à moins d’estre embaumé il seroit comme impossible dans la saison, qui estoit chaude, qu’on n’en ressentit quelque sorte de mauvaise odeur, il condescendit à ma remontrance.
Puis, voulant aussi que j’eusse part à son testament, il me regarda d’un œil capable de tirer les larmes des yeux avec ces paroles : C’est mon cœur, dit il, que je vous donne, vous le voulez bien ! A ce trait de bonté incomparable, je ne fis reponse qu’avec une profonde reverence, asseurant [p. 44] Sa Majesté que ce jour là Elle nous fairoit le plus riche don qu’Elle pouvoit faire, et à l’heure mesme je luy en rendis tres humbles graces au nom de toute nostre compagnie.
Il est vray que ce cœur royal, qui a tousjours esté en la main de Dieu, nous fut delivré apres sa mort, mais il faut avouer que cette mort arriva trop tost de plusieurs années pour Saint Louis, dont Sa Majesté a fondé et baty l’eglise, où la Reyne regente a fait mettre ce depot sacré, enchassé en or, et l’a honoré d’une depense digne de sa magnificence royale et de son amour conjugal.
Or apres avoir terminé toutes ces affaires, son passage de la terre au ciel s’avançant tousjours, monsieur de Lisieux se presenta pour l’ayder en cet accessoire et se joindre à monsieur de Meaux, qui s’en acquittoit parfaitement. Monsieur le duc de Vantadour, chanoine de Nostre Dame de Paris, y parut encore et fut veu de Sa Majesté de fort bon œil ; le pere Vincent y vint aussi par deux fois, selon le desir de la Reyne, qui le proposa au Roy, mais ce grand prince n’y consentit qu’à la charge que son confesseur n’y eut point de difficulté, tant il avoit l’esprit present à toutes les choses qui se passoient autour de luy, et il y eut assez de bonté en cette excellente princesse pour se vouloir donner la peine, toutes les deux fois, de m’en [p. 45] parler, ce qui me ravit en admiration et m’obligea non seulement de luy en rendre mes actions de grace, mais de l’en supplier tres humblement.
Ainsi ce secours nous estant venu, et le Roy ne me parlant gueres sans me demander : Quand sera ce qu’il faudra partir ? c’est-à-dire combien ses medecins luy donnoient encore d’heures ou de jours à vivres ! Enfin, le douzieme de may, qui fut l’avant-veille de son trepas, nous resolumes, monsieur de Meaux et moy, de luy dire qu’il seroit bien de s’y preparer par une derniere communion, qu’il recevroit de nouveau en forme de viatique, ne le pouvant faire autrement.
Joint que, si nous eussions remis cette actions au jour d’apres, avec l’incertitude s’il vivroit vingt quatre heures, nous avions encore sujet de craindre que, la fievre luy ayant desjà entierement desseché la bouche et la langue, il n’eut pas la force d’avaller la sainte hostie.
C’est pourquoy on me deputa pour luy en faire l’ouverture, et d’abord il en eut une telle joye qu’il en chanta le Te Deum, puis, s’estant reconcilié environ les sept heures du soir, il communia des mains de monsieur de Meaux ; apres quoy, prenant la main de la Reyne et celle de monseigneur le duc d’Orleans, il leur fit encore promettre de vivre en union [p. 46] et en concorde, et leur recommanda les petits princes ses enfans.
Alors, si nous eumes beaucoup de tendresse et de grands sentimens de compassion pour luy, nous n’en sentimes pas moins pour cette bonne princesse, laquelle, ayant delogé du vieux chateau pour estre plus pres du Roy, ne laissoit pas de s’y rendre tous les jours pour se prosterner au pied des autels devant Jesus Christ exposé au Saint sacrement, afin d’implorer le secours du ciel pour son cher espoux, et de faire

Dinet, Jacques

Récit par un jeune gentilhomme morave de sa visite à Saint-Germain-en-Laye

« Die… 5 vel 15 transivimus Argenteuil 1 mil. Inde Sainct Germain 3 mil… jentavimus et vidimus aedificia pulchra quae demum extruuntur. Praeterea fontem artificiosum ex conchis, cochleis et aliis pretiosis materiis ornatum. In medio est draco ex quo undique profluit aqua : quando effluit aqua, canunt aves. Alium fontem in quo, ex omnibus partibus infra et supra fluit aqua. Elegans palatium, variis picturis ornatum, ubi ab una parte alia est imago : ab altra est etiam alia, et tales sunt 7. Inter alia, ab una parte est virgo, ab altera diabolus. Cubiculum in quo est depicta Gallia aegrotans quam venit modernus Henricus 4 consolaturus. In integrum, re titubante (sic) ducit ad manum, habens in capite coronam, in manus aliam gerens impositurus Gallias convalescenti. Deinde ab altera parte sed et Rex depictus in sua majestate, tenens in dextra scipionem justitiae, in sinistra vero Regnum sceptri. »

Récit signalant les places occupées par Louis XIV et ses favorites dans la chapelle du château de Saint-Germain-en-Laye

« Le Roi vivait avec ses favorites, chacune de son côté, comme dans une famille légitime : la Reine recevait leurs visites ainsi que celles des enfants naturels, comme si c’était pour elle un devoir à remplir, car tout doit marcher suivant la qualité de chacune et la volonté du Roi. Lorsqu’elles assistaient à la messe à Saint-Germain, elles ses plaçaient devant les yeux du Roi, Mme de Montespan avec ses enfants sur la tribune à gauche, vis-à-vis de tout le monde, et l’autre à droite, tandis qu’à Versailles Mme de Montespan était du côté de l’Evangille et Mlle de Fontanges sur des gradins élevés du côté de l’Epître. Elles priaient, le chapelet ou leur livre de messe à la main, levant les yeux en extase, comme des saintes. Enfin, la Cour est la plus belle comédie du monde. »

Primi Visconti

Rôle de la garnison du château de Saint-Germain-en-Laye

« C’est le roule des monstres de LX lances a cheval et de LX archiers estans en garnison a Saint Germain en Laye soubz le gouvernement et de la retenue de noble homme mons. François de Suroenne dit l’Aragonnois, capitaine de lad. place pour le Roy nostre sire, receues par nous Robert Hedouys et Audry de Villiers, contreroulleur de ladicte garnison, commis ad ce de par le Roy nostred. seigneur, pour ung quartier d’an commençant le XIXme jour de mars et finisant le XXIXe jour de juin ensuivant IIIIc XL.
Et premierement
Lances a cheval :
Jehan de Surienne
Vincent de Surienne
Le bastart de Surienne
Jacquemin de Moulineaulx
Jacques de Millery
Jehan André
Robinet de Launoy
Pierres de Tisy
Pierre d’Oriac dit Lodvat
Jehan Duval
Fery Duval
Huguelin Lescossois
Jehan Dubu
Jehan de Fontenay dit Lodvat
Jehannet Remon
Guillaume Coudaret
Louys Leconte
Jacquet de Savoye
Le grant Jehan
Le bastart Bardenche
Guillaume Legrant
Gillet de Caffaz
Michault Jacquet
Cudinet Bicquet
Estienne Barat
Le bastart de Villecte
Regnault Berengier
Jehan Prevost
Jacquemin Bonnebeuf
Jehan Pomier
Pierre de Savoye
Jehan Bonenfant
Hayne de Bucelles
Le petit Rodigue
Jacquot Lebarbe
Estienne Clanegris
Michiel Lalement
Perrin Lalement
Jehan de Fontenay
Pierre de Beaujeu
Jehan Dallemaigne
Drouet de Vaucelles
Jehault Varlet
Andry Coustant
Jehan de Salses
Gorget de Fontaines
Thevenin Petit
Pierre Dubois
Jehan de Neufchastel
Jehan Omon
Le grand Lauteman
Thomas Detous
Yvon Chevreneau
Loppes de Nelphe
Reganult Legaston
Pierre Gentilz
Berthehemin de Medines
Phelebert Lebourguignon
Jehan Moreau
Andry de Villers, contreroleur
Archiers :
Jehan Brunel
Oudinet de Laufernat
Jehan du Buisson
Le petit Guion
Le petit Breton
Pierre des Crenell
Jehan Berengier
Jehan Dauvergne
Guillaume Bonnet
Jehan de Courtenay
Pierre Lepetit
Estienne Lecouraigeux
Le gros Camys
Anthoine Deciville
Jacquemin Lepiquet
Jehan Thoudez
Pierre Delaplanque dit Lepere
Guillaume Teste
Le petit Jehan
Thevein Lagrigue
Le Picart de Bethisy
Gieffroy Caquart
Guillaume Pasquier
Pierre Seigneur
Jehan Leroy dit Debrie
Roulet Delasausoye
Le Normant du Patis
Jehan Henry
Guillaume Langlois
Jehan Descry
Jehan Luilliet
Guillaume Dubois
Le Picart de Feries
Le gros Philippe
Simon Delaunoy
Robinet Lenepveu
Jehan Tuault
Estienne Lenormant
Le bastart d’Arnouville
Le petit Garsie
Gaspart d’Aragon
Pierre de Villaines
Jehan Maillet
Le petit Lanceman
Thomas Larchier
Le petit Lambart
Hennequin Larmierres
Jehan de Marigny
Guillot Vallon
Jehan Lamoureux
Gaultier Desoppes
Guillaume Le Gascon
Perrenet Larchier
Jehan Charpentier
Francequin Lelombart
Hennequin Duchesne
Ythier Renier
Jehennet de Navarre
Robert Herison
Le bastart Quatrosses
LX archiers
Toutes lesquelles lances et archiers dessus nommés nous Robert Hedouys et Andry de Villers, commissaires devant diz, certiffions avoir veus et passés a monstres audit lieu de Saint Germain, et iceulx estre montés, armés et habillés suffisamment chacun selon son estat, le XXIIe jour de may l’an dessusd. mil IIIIc XL, tesmoins noz signez et sainctz manuels.
R. Hedouys, De Villers »

SN

Château de Saint-Germain-en-Laye, salle « Louis XIV », cheminée en marbre, vers 1682-1685.

Musée d'Archéologie nationale - Domaine national de Saint-Germain-en-Laye

SN

Château de Saint-Germain-en-Laye, plafond de la salle « Louis XIV », bois, vers 1682-1685. Vue resserrée sur l'octogone.

Musée d'Archéologie nationale - Domaine national de Saint-Germain-en-Laye

SN

Château de Saint-Germain-en-Laye, dessus de la porte remontée dans l’un des bureaux du premier étage, bois, vers 1682-1685.

Musée d'Archéologie nationale - Domaine national de Saint-Germain-en-Laye

SN

Château de Saint-Germain-en-Laye, vestibule du bureau du directeur, dessus de porte avec frise sculptée provenant de l’appartement du Dauphin ou de celui de la Dauphine, bois, vers 1682-1685.

Musée d'Archéologie nationale - Domaine national de Saint-Germain-en-Laye

SN

Château de Saint-Germain-en-Laye, salle « Louis XIV », porte menant vers le bureau du directeur, bois, vers 1682-1685.

Musée d'Archéologie nationale - Domaine national de Saint-Germain-en-Laye

SN

Château de Saint-Germain-en-Laye, bas-relief au chiffre de la Dauphine dans la salle « Louis XIV » entre les fenêtres sur cour, bois, vers 1682-1685.

Musée d'Archéologie nationale - Domaine national de Saint-Germain-en-Laye

SN

Château de Saint-Germain-en-Laye, salle « Louis XIV », lambris d’appui, bois, vers 1682-1685.

Musée d'Archéologie nationale - Domaine national de Saint-Germain-en-Laye

SN

Château de Saint-Germain-en-Laye, plafond de la salle « Louis XIV », bois, vers 1682-1685. Vue avec le lustre.

Musée d'Archéologie nationale - Domaine national de Saint-Germain-en-Laye

Signalement de la restauration du château de Saint-Germain-en-Laye

« [p. 644] Il est beaucoup question en ce moment-ci de la restauration du château historique de Saint-Germain-en-Laye. La même pensée qui a fait acheter par la France le musée Campana a voulu faire renaître ce monument des temps monarchiques. - Quelques mots
à ce sujet :
Le vieux château de Saint-Germain-en-Laye, destiné à devenir musée gallo-romain, est en pleine voie de transformation ; on va, non pas en démolir les étages en briques, comme on l'avait dit primitivement, mais retrancher les pavillons ajoutés sous Louis XIV et remettre l'édifice en l'état où il se trouvait sous le règne de François Ier.
Les ponts-levis qui existaient sur les fossés, tant du côté de la ville que sur les jardins, doivent être reconstruits ; les terrasses en plomb qui jadis régnaient à la partie supérieure et qu'on avait remplacées par des combles en charpentes, lors de l'installation du pénitencier militaire, vont être rétablies et bordées par une balustrade renaissance, ornées de vases en amortissements ; les fossés seront rélargis du côté du jardin et doivent être partout transformés en parterre ; l'horloge du château qui, depuis deux siècles, figure au-dessus de la porte principale, va reprendre son ancienne place dans la partie supérieure du donjon, au-dessous du campanile.
Quant au donjon lui-même, qui avait disparu derrière le pavillon d'angle du côté gauche, il va reparaître, dégagé qu'il se trouve par la démolition de ce pavillon. C'est dans cette aile qu'habita Jacques Il depuis son arrivée en France jusqu'à sa mort. L'aile qui se trouve à l'autre angle de la façade du jardin renferme les appartements qu'occupait madame de Maintenon, quand la cour était à Saint-Germain.
Dans une autre partie du château a aussi longtemps habité mademoiselle [p. 645] Louise de la Vallière ; des habitants de Saint-Germain se rappellent encore y avoir vu le cabinet de toilette de cette favorite, et le fauteuil qui, placé sur une trappe mécanique, lui servait pour descendre au rez-de-chaussée, sans qu'elle eût à passer par les escaliers.
La restauration des plus anciennes parties du monument est déjà accomplie sur certains points ; le couloir voûté qui conduit dans la première cour est du nombre ; sa voûte de briques encorbellée, avec chaînes et cartouches en pierre, est complétement remise à neuf ; plusieurs salles sont aussi réparées, celle de Mars entre autres, qui a déjà reçu une partie des collections qu'on doit y exposer. Cette galerie est au premier étage, et l’on y monte par un escalier pratiqué dans une tour extérieure, qu'on est en train de construire à gauche de la porte d'entrée ; cette tour sera dans le style du seizième siècle.
Si Mansard a détruit la forme primitive du château de Saint-Germain par l'addition de ses ailes angulaires, il n'a pas touché à la première cour ; elle est donc restée intacte et nous offre un des plus curieux spécimens de l'architecture renaissance.
Cette cour a la forme d'un angle aigu tronqué au sommet ; chacune de ses encoignures est occupée par une tour ronde, diminuée à chaque étage, et que surmonte une calotte hémisphérique. Elle est pourtournée par des arcades ressorties qui portent une terrasse continue, où s'ouvrent de plain-pied toutes les fenêtres des appartements ; cette terrasse est bordée d'une balustrade en pierre ajourée dans le style de l'époque. Au-dessus se déploie ce magnifique étage de baies à frontons dont l'architecture polychrome est d'un effet prodigieux.
Mais chaque médaille a son revers, et on le trouve ici près du donjon, derrière le pavillon qu'a occupé le roi Jacques, où se retrouvent encore quelques vestiges d'oubliettes, car pas de château sans cela, jadis.
Malgré les critiques qui ont été faites sur les additions de Mansard, il ne faut pas croire que le château de Saint-Germain n'ait eu qu'à souffrir des transformations opérées sous Louis XIV, car c'est sous son règne que furent dessinés les jardins et que fut construite cette magnifique terrasse de 2,400 mètres qui domine l'un des plus beaux panoramas du monde.
C'est de là que le monarque aimait à fouiller le paysage au [p. 646] moyen d'un puissant télescope qui lui faisait découvrir tout ce qui se passait jusqu'aux extrémités de l'horizon ; aussi, dans tous les pays circonvoisins, ne craignait-on rien tant que le télescope du roi. Aujourd'hui, c'est un industriel qui exploite pour son compte ces profondes perspectives, de sorte que l'on peut, moyennant 25 centimes, regarder à travers sa longue-vue et voir, comme jadis le grand roi, jusque dans les maisons des pays circonvoisins.
Nous engageons donc ceux des habitants de ces pays dont les maisons regardent Saint-Germain à se défier de leur voisin d'en face. »

Soumission pour la location d’un appartement au Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye

« Bâtimens de la ci devant liste civile
Au vieux château
Soumission par le citoyen Leclerc Brouains, 400 l.
Je soussigné Guy Charles Jacques Leclerc Brouains, en conformité de l’arrêté du département de Seine et Oise du 3 mai dernier, et de la délibération du conseil général du district de cette commune du 12 du même mois qui autorisent, relativement aux bâtiments de la ci devant liste civile de cette commune, estimation préalablement faite desdits appartemens par un entrepreneur des bâtimens en présence d’un commissaire membre du directoire et du receveur de la régie nationale, à louer de gré à gré aux personnes qui n’auront pas évacuées leurs appartements en vertu de la loi du 27 novembre dernier, et ce pour neuf années qui auront pour époque le premier avril dernier, avec l’expresse condition
1° qu’à l’expiration desd. neuf années, lesdits locataires ne pourront rien enlever des embélissements par eux faits ou qu’ils pourront faire dans le cours dudit bail, à l’exception seulement des glaces et meubles meublant qui seront reconnus leur appartenir sans pouvoir prétendre à aucune indemnité sous quelque prétexte que ce soit, à l’effet de quoi il sera fait par lesdites adjudications de gré à gré une description de la situation des lieux dont une expédition sera remise au directoire du district, une au receveur de la régie et l’autre à la partie prenante, ensemble celle du procès verbal dressé pour l’estimation du loyer de l’appartement dont il s’agit,
2° enfin que si, dans le cours du présent bail, les personnes viennent à décéder dans le cours d’ycelui, leurs héritiers ou ayant cause seront dispensés de continuer le bail en paysant un terme de loyer à partir de celui pendant lequel elles auront laissé les lieux vacans, toutes réparations locatives faites et acquitées,
Fait l’offre et me souvent envers le citoyen Rouqave, inspecteur, pour et au nom de la régie générale de l’Enregistrement, Domaines nationaux et droits y réunis, de prendre à loyer aux charges et conditions ci-dessus spécifiées, pour neuf années commencées le premier avril dernier, avec soumission expresse relativement à l’ère républicain que l’époque du quartier d’octobre 1793 (vieux stile) partira du premier nivos,
Savoir, au vieux château, un appartement composé d’un antichambre, d’une salle à manger, cabinet à cheminée, chambre à coucher à cheminée, trois cabinets de distribution, le tout éclairé par huit croisées faisant face à la rue du vieil abreuvoir ; à l’étage au dessus, deux petites chambres, une cave et finalement un bûcher
Et ce moyennant le prix et somme de quatre cent livres que je me soumets de payer en quatre termes égaux entre les mains du receveur de la régie de la ci devant liste civile, à commencer ainsi qu’il est dit du premier avril dernier pour les trois premiers quartiers, et du premier nivos pour le quatrième, obligeant et hypothéquant à l’exécution des clauses contenues au présent tous mes biens.
Fait triple entre nous soussignés à la Montagne du Bon Air le six nivôse l’an deux de la République, une et indivisible
Rouqave, Le Clerc Brouains
Vu et ouï l’agent national provisoire, le conseil général approuve et homologue la soumission cy dessus aux conditions qu’elle contient pour être exécutée conformément aux arrêts du département et du conseil général du district des 3 et 12 may 1793 vieux stile.
En séance publique, le 14 ventôse l’an 2e de la République, une et indivisible
Les administrateurs composant le conseil général du district de Montagne du Bon Air »

Soumission pour la restauration de la chapelle du château de Saint-Germain-en-Laye

« Restauration du château de Saint-Germain
Travaux de couverture
Nous soussignés, Gayet, Gauthier et Cie, entrepreneurs de couverture et plomberie, demeurant rue de Chazelles, n° 25, à Paris, après avoir pris connaissance de la nature et de l’importance des travaux à exécuter pour l’achèvement de la couverture de la chapelle du château de Saint-Germain, évalués à trente mille francs,
Nous obligeons et nous engageons envers M. le ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts à exécuter les dits travaux aux prix de la série des Bâtiments civils, édition 1877, sur lesquels nous souscrivons au rabais de quinze francs pour cent francs.
Les frais de timbres, d’enregistrement et de copies auxquelles la présente soumission pourra donner lieur seront à notre charge.
Paris, le 3 août 1881
Signé : Gayet, Gauthier et Cie
Vu,
Le contrôleur des travaux
Paris, le 6 septembre 1881
Signé : Gautier
Approuvé,
Paris, le 17 septembre 1881
Le président du Conseil, ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts,
Pour le ministre, et par délégation, pour le sous-secrétaire d’Etat,
Le secrétaire général
Signé : H. de Ronchaud »

Soumission pour la restauration de la chapelle du château de Saint-Germain-en-Laye

« Ministère de l’Instruction publique, des Cultes et des Beaux-Arts
Direction des Beaux-Arts
Monuments historiques
Restauration de la chapelle de Saint Louis du château de Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise)
Exercice de 1874
Soumission de l’entrepreneur de maçonnerie
Je soussigné Morin Bigle, entrepreneur demeurant à Saint-Germain-en-Laye, rue Neuve d’Hennemont, n° 12
Après avoir pris connaissance
1° du cahier des charges rédigé par l’architecte à la date du 17 mars 1874, spécialement pour la restauration de la chapelle
2° des travaux à effectuer pendant le cours de l’exercice devant s’élever à la somme de vingt-trois mille deux cent cinquante-cinq francs 81 centimes
M’oblige et m’engage à exécuter les ouvrages de maçonnerie qui me seront ordonnés par l’architecte en me conformant à toutes les clauses et conditions du cahier des charges ci-dessus visé et moyennant les prix de la série de la ville de Paris éditée chez Cosse, Marchal et compagnie, édition de mil huit cent soixante-dix.
A Saint-Germain-en-Laye, ce 20 mars 1874
Approuvé l’écriture ci-dessus
Morin Bigle
Approuvé le 10 avril 1874
Le ministre de l’Instruction publique, des Cultes et des Beaux-Arts
Fourtou »

Préfecture du département de Seine-et-Oise

Soumission pour la restauration de la chapelle du château de Saint-Germain-en-Laye

« Ministère de l’Instruction publique, des Cultes et des Beaux-Arts
Direction des Beaux-Arts
Monuments historiques
Restauration de la chapelle de saint Louis du château de Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise)
Exercice 1875
Soumission de l’entrepreneur de maçonnerie
Je soussigné Morin Bigle, entrepreneur demeurant à Saint-Germain-en-Laye, rue Neuve d’Hennemont, n° 12
Après avoir pris connaissance 1° du cahier des charges rédigé par l’architecte à la date du 17 mars 1874, spécialement pour la restauration de la chapelle, 2° des travaux à effectuer pendant le cours de l’exercice devant s’élever à la somme de vingt-trois mille deux cent cinquante-cinq francs quatre-vingt-un centimes
M’oblige et m’engage à exécuter les ouvrages de maçonnerie qui me seront ordonnés par l’architecte en me conformant à toutes les clauses et conditions du cahier des charges ci-dessus visé et moyennant les prix de la série de la ville de Paris éditée chez Cosse, Marchal et compagnie, édition de mil huit cent soixante-dix.
A Saint-Germain-en-Laye, le 27 mars 1875
Approuvé l’écriture ci-dessus
Morin-Bigle
Approuvé le 15 avril 1875
Le ministre de l’Instruction publique, des Cultes et des Beaux-Arts
H. Wallon »

Préfecture du département de Seine-et-Oise

Soumission pour la restauration de la chapelle du château de Saint-Germain-en-Laye

« Ministère de l’Instruction publique, des Cultes et des Beaux-Arts
Direction des Beaux-Arts
Monuments historiques
Château de Saint-Germain-en-Laye
Restauration de la chapelle de saint Louis
Soumission de l’entrepreneur de maçonnerie
Je soussigné Morin-Bigle, entrepreneur demeurant à Saint-Germain-en-Laye, rue Neuve d’Hennemont, n° 12
Après avoir pris connaissance 1° du cahier des charges rédigé par l’architecte à la date du 17 mars 1874, spécialement pour la restauration de la chapelle, 2° des travaux à effectuer sur l’exercice 1876 devant s’élever à la somme de soixante-trois mille cinq cent onze francs
M’oblige et m’engage à exécuter les ouvrages de maçonnerie qui me seront ordonnés par l’architecte en me conformant à toutes les clauses et conditions du cahier des charges ci-dessus visé et moyennant les prix de la série de la ville de Paris éditée chez Cosse, Marchal et compagnie, édition de mil huit cent soixante-dix.
Saint-Germain-en-Laye, ce 15 février 1876
Approuvé l’écriture ci-dessus
Morin-Bigle
Approuvé le 20 février 1876
Le ministre de l’Instruction publique, des Cultes et des Beaux-Arts
H. Wallon »

Préfecture du département de Seine-et-Oise

Soumission pour la restauration de la chapelle du château de Saint-Germain-en-Laye

« Ministère de l’Instruction publique, des Cultes et des Beaux-Arts
Direction des Beaux-Arts
Monuments historiques
Château de Saint-Germain-en-Laye
Restauration de la chapelle de saint Louis
Soumission de l’entrepreneur de maçonnerie et divers
Je soussigné Morin-Bigle, A. Morin fils, entrepreneurs demeurant à Saint-Germain-en-Laye, rue des Ecuyers, n° 11, après avoir pris connaissance 1° du cahier des charges rédigé par l’architecte à la date du 17 mars 1874, spécialement pour la restauration de la chapelle, 2° des travaux à effectuer sur la deuxième partie de l’exercice 1878 et les exercices suivants devant s’élever à la somme de cinquante-deux mille cinq francs
M’oblige et m’engage à exécuter les ouvrages de maçonnerie qui me seront ordonnés par l’architecte en me conformant à toutes les clauses et conditions du cahier des charges ci-dessus visé et moyennant les prix de la série approuvée par le conseil général des bâtiments civils du ministère des travaux publics, édition mil huit cent soixante-dix-sept, et des années suivantes pendant lesquelles les travaux seront exécutés.
Saint-Germain-en-Laye, ce 12 octobre 1878
Approuvé l’écriture ci-dessus
Morin-Bigle, A. Morin fils
Approuvé le 18 octobre 1878
Le ministre de l’Instruction publique, des Cultes et des Beaux-Arts
A. Bardou »

Préfecture du département de Seine-et-Oise

Soumission pour la restauration de la chapelle du château de Saint-Germain-en-Laye

« Ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts
Direction des Beaux-Arts
Monuments historiques
Château de Saint-Germain-en-Laye
Restauration de la chapelle de saint Louis
Je soussigné Moutier Paul, entrepreneur de serrurerie demeurant à Saint-Germain-en-Laye, rue des Coches, 13, après avoir pris connaissance des pièces relatives aux travaux qui doivent être exécutés pour la restauration de la chapelle du château de Saint-Germain-en-Laye, lesquelles pièces se composent de :
1° le devis descriptif et estimatif des travaux évalués pour les ouvrages de serrurerie à la somme de dix-neuf mille quatre cents francs
2° la série des prix qui suit et les conditions particulières applicables auxdits travaux
3° le cahier des charges générales
4° les plans et détails graphiques
M’oblige envers monsieur le ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts à exécuter les travaux dont il s’agit en me conformant aux conditions fixées par les pièces sus énoncées et moyennant les prix ci-dessous

  1. Ferrure des vitraux, roses et autres compartiments en fer avec barlottières, pannetons, clavettes, crochets, pitons et tringlettes, y compris montage et pose de toutes les pièces. Le kilog : 2.00
  2. Scellements de ces armatures en cuivre rouge laminé, parties cintrées et droites, y compris tous les assemblages et la pose. Le kilog : 5.00
  3. Gros fers pour le comble, boulons, étriers, vis à tête carrée, équerres, y compris pose. Li kilog : 0.60
    Saint Germain en Laye, le 12 février 1880
    Approuvé l’écriture
    Paul Moutier
    Approuvé le 11 mars 1880
    Le ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts
    Pour le ministre et par délégation, le sous secrétaire d’Etat
    Edmond Turquet »

Préfecture du département de Seine-et-Oise

Soumission pour la réalisation de l’encadrement de l’horloge du château de Saint-Germain-en-Laye

« Ministère de la Maison de l’Empereur et des Beaux-Arts
Direction des Bâtiments civils
Château de Saint-Germain-en-Laye
Exercice 1863
Soumission concernant l’encadrement du cadran de la tour nord-ouest
Je soussigné E. Seguin, entrepreneur de marbrerie demeurant à Paris, rue de Rennes, numéro sept,
Après avoir pris connaissance des dessins concernant l’encadrement en marbre du cadran de l’horloge du château de Saint-Germain-en-Laye.
M’oblige et m’engage à fournir et poser le dit objet suivant les dessins, ordres et avis de l’architecte. Je m’oblige aussi à effectuer le dit travail pour la somme fixe et invariable de mille vingt francs et suivant ce qui est indiqué dans le sous détail ci-contre :
Marbre griotte de Caunes, près Carcassonne, de 0,15 0,20 0,14 : 0,172
1/6 de déchet : 0,028
[Total :] 0,200
A raison de 950 f. 00 : 190 f. 00
5,60 de taille de moulure circulaire en y comprenant évidements, sciages, coupes, épanelage, ébauche, etc. etc. à raison de 60 f. 00 : 336 f. 00
60 cannelures en marbre blanc apportées et formant minutes à raison de 4 f. 00 l’une, en y comprenant façon de l’entaille et scellement : 240 f. 00
Polissage de la moulure de 5,60 de longueur à raison de 20 f. 00 tout compris : 112 f. 00
15 gougeons en cuivre à raison de 1 f. 00 l’un : 15 f. 00 ; 8 fortes pattes-agraffes de 0,25 de longueur en cuivre estimées à : 27 f. 00 : 42 f. 00
Pose, emballage, transport, ajustement, raccords, droits d’octroi etc. etc. estimés à : 100 f. 00
Total égal : 1020 f. 00
Seront à ma charge les frais d’enregistrement, de timbre, de copies de pièces et enfin tous les frais quelconques accessoires.
Le dit encadrement sera livré et posé au plus tard le 1er décembre de la présente année.
Paris, ce 21 septembre 1863
Approuvé l’écriture ci-dessus
E. Seguin
L’architecte
Eug. Millet »

Ministère de la Maison de l'Empereur (Second Empire)

Soumission pour la réalisation du cadran de l’horloge du château de Saint-Germain-en-Laye

« Ministère de la Maison de l’Empereur et des Beaux-Arts
Direction des Bâtiments civils
Château de Saint-Germain-en-Laye
Soumission concernant le cadran de l’horloge
Exercice 1863
Je soussigné Collin, horloger-mécanicien, successeur de Bernard Henri Wagner, demeurant à Paris, rue Montmartre, numéro 118.
Après avoir pris connaissance des deux dessins grandeur d’exécution du cadran et des aiguilles destinés à l’horloge du château de Saint-Germain-en-Laye, ces deux dessins indiquent 1° que le cadran de 1 m. 64 c. de diamètre sera en deux parties égales et qu’il sera en lave de Volvic émaillée de divers tons avec semis de fleurs de lys dans sa partie centrale, 2° que les aiguilles seront en cuivre rouge.
Les dits ouvrages seront exécutés par moi conformément à ces dessins et suivant aussi toutes les instructions de l’architecte.
Je m’oblige et m’engage envers Son Excellence monsieur le ministre de la Maison de l’Empereur et des Beaux-Arts à fournir, transporter et poser le dit cadran et ses aiguilles pour la somme fixe et invariable, à forfait, de cinq cent cinquante francs. Dans cette somme, nous avons compris l’arrangement de l’ancienne minuterie et l’équilibrage des aiguilles.
Seront à ma charge les frais de timbre, d’enregistrement, de copies de pièces, d’octroi et enfin tous les frais quelconques et accessoires.
Le dit cadran sera livré et posé au plus tard le premier décembre de la présente année.
Paris, ce 18 septembre 1863.
Approuvée l’écriture ci-dessus
Collin, s. de Wagner
L’architecte :
Eugène Millet »

Ministère de la Maison de l'Empereur (Second Empire)

Supplique présentée par les officiers de la prévôté de Saint-Germain-en-Laye

« Pour les officiers de la prevosté de Saint Germain en Laye
La jurisdiction est sans ressort et s’estend seullement dans le bourg dudit Saint Germain. Il est diminué des deux tiers depuis l’absence du Roy et il y a 250 maisons à vendre et à louer, sans y comprendre 60 hostels des seigneurs de la cour qui sont occuppez par des concierges seullement, et les habitants n’y font aucun commerce. Il est composé de 200 officiers commenceaux qui ont leurs causes commises aux requestes de l’Hostel et du Pallais. Sa Majesté est le 14e roy né audit Saint Germain et ses predecesseurs n’ont jusqu’à present fait fonds pour le bien de leurs affaires sur leur Maison royalle, dont les officiers de ladite prevosté ont toujours esté distinguez et exempts de touttes augmentations de gages, finances et taxes. Lesdits officiers sont dans l’impossibilité de prendre les gages compris dans le roolle arresté au Conseil qui leur a esté signiffié, ne recevans aucuns droits ny emoluments de leurs charges, attendu le peu d’affaires et la misere dudit lieu, où il y a 200 familles dans la pauvreté qui forment plus de 200 pauvres. »

A cette supplique est joint un état des officiers :
« Estat des officiers de la prevosté de Saint Germain en Laye
Un prevost
Un lieutenant
Un conseiller verificateur et rapporteur des deffauts de nouvelle creation : Me Georges Legrand exerce ces charges conjointement
Un procureur du Roy : Me Claude Legrand
Un commissaire enquesteur et examinateur : Me Louis Guillou de Fonteny
Un greffier civil et criminel, il est domanial : Me Nicolas Denis Payer, commis, en fait l’exercice
Un receveur des consignations, de nouvelle creation : Me Jean Pager
Un commissaire des saisies reelles, de nouvelle creation : Me Gabriel Lange
Un tiers refferendaire taxateur des depens, de nouvelle creation : ledit Lange
Un nottaire : ledit de Fonteny
Six procureurs postulaires : Mes Jacques Gramond, Estienne Delagarde, Gabriel Lange, Charles Vieillard, François Boussiard et Thomas Delastre
Six huissiers : Pierre Dusuc, Jacques Duhamel, Jacques Bellier, André Sevestre et deux autres non remplis
Nous Georges Legrand, seigneur des Alluetz, conseiller du Roy, prevost de Saint Germain en Laye, certiffions à monseigneur Phelypeaux, conseiller d’Estat ordinaire, intendant de justice, police et finance en la generalité de Paris, que le present estat qui composent le siege de la prevosté dudit Saint Germain est veritable. Ce fait ce 26 avril 1694. »

Prévôté de Saint-Germain-en-Laye

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