Pièce 17 - Rapport concernant les conditions de vie des élèves de l’école militaire de Saint-Germain-en-Laye

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Cote

17

Titre

Rapport concernant les conditions de vie des élèves de l’école militaire de Saint-Germain-en-Laye

Date(s)

  • 15 avril 1812 (Production)

Niveau de description

Pièce

Étendue matérielle et support

1 document sur support papier

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Nom du producteur

(1791 - 1936)

Histoire archivistique

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Portée et contenu

« Paris, le 15 avril 1812
A Son Excellence monsieur le duc de Feltre, ministre de la Guerre
Monsieur le Duc,
Je me suis rendu avant-hier lundi à 9 h. ½ du matin à l’école de Saint-Germain, ainsi que me l’avait prescrit Votre Excellence. J’espérais arriver avant l’heure du dîner, que vous m’aviez annoncé être à 10 h., mais à 9 h. ¾ tout était terminé et il ne restait ni dans les chambrées ni à la cuisine aucun vestige de ce repas. J’ai pu seulement goûter le pain et le vin. Le pain est bien médiocre ! Il est mal confectionné et très certainement le seigle ou quelqu’autre graine inférieure y domine. J’en remets un échantillon à Votre Excellence. C’est la ration ou portion d’un élève pour un jour. D’après les réglemens, ce pain devrait peser 38 onces ancien poids. Il pesait lundi au soir 34 onces 2 gros. Ainsi, il y avait un dixième environ de déficit.
Le vin est un très petit vin de Gâtinois. Il m’a paru naturel, mais bien léger. Le prix du marché est de 30 centimes le litre, y compris le droit d’entrée et le bénéfice du fournisseur, ce qui fait revenir la bouteille ou ration à 22 centimes ½. A ce prix, il est impossible d’avoir du bon vin.
La marmitte du soir était en train. La viande m’a paru belle. Mais ayant assisté à la distribution du soir, je doute, d’après l’examen des portions, qu’il y ait eu demi-livre de viande à la marmite pour chaque élève et celle nécessaire pour les portions des servans. La soupe, que j’ai goûtée, était très légère. Elle était composée de pain blanc et de bouillon, sans légumes. Le plat de légumes servi aux élèves était de pommes de terre réduites presqu’en purée. Elles avaient été cuites dans la marmite de la soupe et retirées à l’aide d’un filet qui les enveloppait. Ainsi la même viande avait servi à faire la soupe et à préparer les légumes. C’est une des causes de la légèreté de la soupe, les pommes de terre ayant pris dans leur cuisson une bonne partie de la viande.
Je n’ai trouvé, dans les dispositions mécaniques de la cuisine, aucune garantie contre la fraude des servans. On pèse, m’a-t-on dit, la viande et les légumes que l’on met à la marmite, et c’est un officier ou un agent de l’administration qui constate cette pesée. Après cela, la marmite reste ouverte, à la disposition du cuisinier et des servans qui peuvent, à leur gré, en retirer ce qui leur plait et y substituer de l’eau au moyen des robinets immédiatement au-dessus des marmites.
Le repas du matin était composé d’une soupe et d’un bouilli, ainsi que celui du soir, et en outre d’une portion de riz cuit au lait en lieu et place de légumes.
Il est bon d’ajouter qu’il faut monter 138 marches depuis la cuisine jusqu’au logement des élèves et qu’à raison de ce long trajet et de la nécessité de disposer d’avance l’ordinaire dans les gamelles pour que les élèves de corvée puissent venir les prendre avec ordre, tout doit être froid, pendant l’hiver surtout.
La partie habitée de la maison m’a parue tenue proprement. Il serait à désirer que les lits fussent un peu plus larges. Les fournitures, que j’ai visitées dans plusieurs chambres, m’ont paru bonnes.
La distribution des chambres rend la surveillance difficile. Cette distribution ne peut pas être changée dans les mansardes, du moins actuellement occupées par les élèves, et cela est fâcheux.
On a placé les latrines dans les anciennes cages à ce destinées. Elles n’avaient pas autrefois le grand inconvénient qu’elles ont aujourd’hui, parce qu’elles étaient mieux closes, plus soignées, et beaucoup moins fréquentées. Dans l’état actuel des choses, il est indispensable de les déplacer quelle que soit la dépense. Il est bon de prévenir que ce changement sera très coûteux.
L’infirmerie provisoire est proportionnée au nombre ordinaire des malades. Il était hier de douze et on m’a assuré qu’il n’avait jamais excédé quinze, et que le plus souvent il n’allait pas à dix. Elle est tenue proprement par trois sœurs chargées du pot-au-feu et de la préparation des alimens légers et des remèdes ordinaires. Les remèdes composés sont fournis par un pharmacien de la ville. Une galerie couverte et fermée de vitres lui sert de promenoir.
J’ai demandé à goûter le bouillon et les alimens. Il n’y avait qu’un très petit reste de bouillon au fond du pot-au-feu. Il avait bon goût et bonne odeur. On m’a assuré que les malades avaient toujours du pain blanc et du petit vin de Bourgogne de bonne qualité. Je n’ai pu goûter ni l’un ni l’autre.
L’établissement de l’école étant à peine ébauché, les élèves sont obligés de sortir de l’enceinte du château soit pour se rendre au manège, soit pour les exercices et manœuvres à pied et à cheval, qui ont lieu dans la promenade publique de la ville. Il n’existe dans l’enceinte du château qu’une seule cour intérieure, peu aérée à raison de la grande élévation des bâtimens, et beaucoup trop petite pour le nombre des élèves.
Il est indispensable, si Sa Majesté veut conserver cette école, de réunir dans une même enceinte le manège, les écuries, les cours ou promenoirs des élèves, les champs d’exercice ou de manœuvre, et tous les accessoires nécessaires à un établissement de cette nature. Mais ce serait à mon avis se faire illusion que de penser que les dépenses que doivent entraîner tous ces établissemens peuvent être couvertes par les pensions des élèves. Avec le tems, sans doute, lorsque le nombre des élèves pensionnaires sera porté de trois à quatre cents, les pensions couvriront et au-delà toutes les dépenses quelconques. Mais dans ce moment, il est indispensable que le gouvernement fasse les fonds du 1er établissement, sauf à se couvrir plus tard de cette espèce de prêt, lorsque le produit des pensions le permettra.
J’ai examiné sur le terrein les différens projets présentés et j’ai prescrit à l’officier du Génie de faire le plan et le devis estimatif du projet qui m’a paru à la fois le plus convenable et le plus économique.
Plus tard, on s’occupera des distributions et de l’arrangement de l’intérieur inhabité du château.
Dans ce moment, il importe, il est urgent de renoncer à une économie mal entendue et impolitique. Des jeunes gens de 16 à 22 ans habités chez eux à une nourriture bonne et abondante ne peuvent se faire à celle de l’école, insuffisante et souvent mauvaise. Ils se procurent des alimens à tous pris et leurs parens, presque tous riches, y pourvoient par leurs largesses. C’est une source d’abus qu’il faut tarir.
Pour y parvenir, il faut :
1° substituer au mauvais pain de munition du bon pain bis blanc en même quantité ;
2° faire délivrer du vin moins léger et plus généreux ;
3° augmenter la quantité de légumes, de beurre et autres objets d’assaisonnement, afin que le plat de légumes puisse être fait dans une marmite distincte, et qu’il y en ait néanmoins en suffisante quantité dans la soupe ;
4° prendre les mesures de précaution nécessaires pour être assuré que la part des élèves sera telle qu’elle doit être et que ni le cuisinier ni les servans ne pourront plus rien distraire des marmites ;
5° peut-être conviendrait-il de ne faire qu’une seule soupe au lieu de deux par jour et de substituer à la soupe et au bouilli du repas du soir un bon plat de viande bien apprêté. Dans cette donnée, il faudrait augmenter d’un quart la ration de viande.
La nourriture des élèves coûte par jour, d’après les marchés existans : 1 f. 0254 c.
Ce qui donne pour l’année entière une dépense de : 373 f. 27 c.
Si l’on se décidait à employer à cette nourriture 28 sols ou 1 f. 40 c. par jour, la dépense par année serait de 511 f.
Assurément, cette dépense ne serait pas considérable, à raison surtout de la pension exigée des élèves, et ces jeunes gens auraient du bon pain et une nourriture saine et abondante ainsi que le veut l’Empereur.
Au moyen de cette fixation de prix dans la dépense de l’ordinaire, on pourrait ajouter à l’ordinaire actuel un quart de livre de viande, augmenter dans une proportion convenable le beurre, les légumes et les divers assaisonnemens, substituer du pain bis blanc au pain de munition, et fournir du vin de meilleure qualité. Il est bon d’observer que l’on ne donne à chaque élève qu’une petite bouteille par jour, équivallente au trois quart du litre.
Sur la ration de viande, ¾ de la livre seraient employés à la soupe du matin, et la demi-livre restante serait servie le soir, bien apprêtée.
Il serait utile, nécessaire, qu’il y eût des salles à manger à portée des cuisines pour les repas des élèves. Il en résulterait un peu plus d’ordre dans les distributions et plus de propreté dans les chambrées et dans le grand escalier qui y aboutit, et les élèves auraient l’avantage de manger leurs alimens chauds. Le local ne manque pas pour ces salles à manger, la majeure partie du château étant inhabitée. Sa mise en état exigera beaucoup de dépenses.
Il n’y a point encore dans cette maison de salle de réception. Celle où se réunit le conseil est petite et mesquine, et ne peut en aucune manière servir de salle de réception.
Les parens des élèves qui viennent les voir sont reçus dans un parloir commun mal éclairé, mal arrangé et beaucoup trop petit. Comme les visites n’ont lieu que les dimanches, j’ai conseillé d’y affecter provisoirement la salle d’escrime comme 2ème parloir, afin de ne pas renvoyer, ainsi que cela arrive, un grand nombre de parents qui ne peuvent être admis faute de local.
Dès l’origine, l’école a été montée et organisée avec trop de luxe quant au nombre et aux traitements des écuyers, professeurs, maîtres etc. parce qu’on a sans doute espéré que le nombre des élèves, fixé à six cents, serait bientôt complet. Voilà la 1ère cause peut-être de l’économie impolitique et mal entendu qui a eu lieu sur la nourriture des élèves, et probablement aussi sur leur trousseau. Il a fallu pourvoir à des dépenses fixes très considérables dont voici l’apperçu :
Traitement extraordinaire et frais de représentation du gouverneur : 12000 f.
Idem du commandant en 2ème : 4000 f.
Traitement et indemnité de logement de 22 écuyers, sous-écuyers, professeurs, maîtres, aumônier, bibliothécaire : 72000 f.
Administrateur comptable, ses trois employés et seize servans ou portiers : 14000 f.
Quartier-maître trésorier : 5000 f.
Trois secrétaires, 1 pour le général commandant, 2 pour le quartier-maître : 3400 f.
Trois sœurs hospitalières et un infirmier : 2000 f.
Trois surveillans des écuries, deux maréchaux ferrant et 42 palefreniers : 29243 f. 14
Le terme moyen des élèves en 1811 a été de 155. Il a dû être payé pour chacun pour denier de poche, linge et chaussure et blanchissage 33 c. par jour, ce qui fait pour l’année : 18679 f. 75
Et pour 5 élèves gratuits : 602 f. 25
Nourriture de 150 chevaux (je suppose que ce nombre a été complet toute l’année) à 1 f. 20 c. par jour : 65700 f.
Pain, vin et ordinaire pour 160 élèves pendant un an, y compris 5 élèves gratuits, à raison de 373 f. 27 c. par an : 59723 f. 20
Idem pour 16 servans : 5579 f. 54
Entretien, réparation et remplacement de l’habillement : 9000 f.
Bois et lumières : 10729 f.
Casernement : 5000 f.
Hôpital : 10000 f.
Fournitures pour les classes et les bureaux, port de lettres, achat d’instrumens pour l’instruction, objets d’administration générale : 7278 f.
Remontes : 6000 f.
Harnachement, ferrages et médicamens : 3657 f.
Total de la dépense : 343591 f. 88
On n’a pas compris dans cette dépense
1° le prix de l’achat des chevaux (j’en ignore le nombre, quant aux pris, M. le général Clément m’a dit qu’ils lui coûtaient environ 500 f.)
2° les dépenses du mobilier, qui a journellement été augmenté à mesure des besoins ; au 1er janvier, il était monté pour 200 élèves, il l’est aujourd’hui pour 250
3° les dépenses considérables pour la réparation et l’entretien du château et de ses dépendances et pour la construction des nouveaux murs de clôture (l’entrepreneur est en avance sur les travaux de 1811 de 31000 f.).
On n’y a pas compris les dépenses des trousseaux, parce que ce que payent les élèves à leur entrée est plus que suffisant pour y faire face et que je suis convaincu que l’école doit faire de grandes économies sur cet objet de dépense. Par le même motif, je me dispenserai dans cet apperçu de porter en recette ce que payent les élèves pour leur trousseau.
Recette
Nous avons dit que le nombre moyen des élèves payans en 1811 était de 155. Ainsi la recette totale à raison de 2400 f. par an, déduction faite du trousseau, est de : 372000 f.
La dépense par apperçu des objets fixes et invariables est de : 343591 f. 88
Différence : 28408 f. 12
On sent qu’il est impossible que cette somme de 28408 f. 12 puisse faire face aux différentes dépenses énoncées ci-avant qui n’ont pas été comprises dans les dépenses fixes.
Il est, je pense, nécessaire d’apurer la comptabilité de l’école dans toutes ses parties, de la mettre à jour, et de ne prélever sur ses recettes pour achat de terrein, constructions, réparations et entretien des bâtimens que ce qui peut rester libre après avoir largement pourvu aux dépenses fixes et surtout à la nourriture des élèves.
Si l’école était destinée à n’avoir que 200 élèves, il faudrait, ainsi que je l’ai dit, que le gouvernement se chargeât de toutes les nouvelles constructions et de toutes les réparations un peu importantes.
Je n’ai point parlé du manège et des écuries.
Le manège est un ancien jeu de paume beaucoup trop petit eu égard au nombre des élèves. Plus tard, il en faudra un nouveau qui ait les dimensions convenables. Les nouvelles écuries sont bien appropriées et en bon état. Il faudra les aggrandir si l’école est portée à 400.
Ces deux bâtimens sont hors de l’enceinte du château. Ils doivent par la suite être renfermés dans l’enceinte projetée.
Je prie Votre Excellence de vouloir bien agréer l’assurance de ma plus haute considération.
Comte Dejean »

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